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Le sujet qui
nous occupe est une question partagée par beaucoup d’intervenants dans le
monde la formation et de l’éducation. Je vais pour ma part tenter d’apporter des
éléments, les plus concrets possibles en partant de l’ expérience que je vis avec
cette plate forme d’aide et de soutien scolaire sur internet. Il va donc s’agir
d’évoquer devant vous ce qui m’a conduit à créer le site « maths-videos ». Mais je
voudrais aussi et surtout vous faire entrer dans ce que j’appellerais « la salle des
machines ». Vous faire connaître certes l’itinéraire qui m’a conduit à l’élaboration
de ce projet mais et surtout et d’abord son intérêt pédagogique. Je vais également
tenter d’illustrer le plus possible cet exposé en utilisant internet et en montrant des
exemples concrets.
- en 2004, les ordinateurs sont devenus beaucoup plus puissants. Il est à présent
possible de travailler facilement avec des vidéos. L’ émergence et la popularisation
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d’Internet offrent les moyens d’une réelle interactivité avec les élèves. Création
dans le collège du dispositif D.A.R.P.E.L (dispositif d’aide et de ressources
pédagogiques en ligne). Il s’agissait d’aide en direct en ligne et de mise à
disposition de clips pédagogiques.
DARPEL http://cyberprof.new.fr/
- en 2009, la plate forme est enfin complète et concerne tous les niveaux. Près de
500 vidéos sont accessibles à tous les internautes. Des exercices avec correction
vidéo ont également été mis à disposition. Tout cela permet à un élève, à un
parent, à un adulte souhaitant une remise à niveau de disposer d’un
environnement pédagogique complet accessible en ligne. Elle est fréquentée
actuellement par 800 à 1000 internautes par jour . Le forum d’aide en ligne
compte 900 membres et près de 1000 sujets ont été traités. Sans entrer dans les
détails, la plate forme est fréquentée par une immense majorité de collégiens mais
également par beaucoup de parents qui viennent se former pour pouvoir aider
leurs enfants. Je trouve également dans les témoignages un nombre important
d’adultes en formation (remises à nouveaux) ainsi que des formateurs et des
enseignants. A signaler l’impact grandissant de maths-videos au niveau de la
francophonie
Google Analytics http://bit.ly/jWwE0Y
Sénégal http://bit.ly/lj9DWn
II) Le déclic
Je reviens quelques instants sur une des raisons qui m’ont poussé à
poursuivre le projet « maths-videos ». En 2004, j’avais donc mis en ligne sur le site
du collège quelques vidéos touchant uniquement les niveaux 6ème et 5ème à ce
moment là. Je me souviens très bien des circonstances dans lesquelles j’ai réalisé
que cet outil pouvait être pédagogiquement très efficace.
Il s’agissait de cours particuliers que j’allais donner dans le cadre du dispositif
SAPAD à un élève de ma classe, il se prénomme Marc et habite un petit village
près de Morhange. Il s’était cassé la jambe. Marc avait des difficultés dans la
matière, se concentrait difficilement en classe. A une de ces séances, je
m’aperçois que Marc, non seulement connaissait le cours que je lui faisais pour la
première fois mais, plus fort, qu’il parvenait à effectuer sans peine les exercices
que je lui proposais. Il répondit à mes interrogations qu’il avait été voir sur le site du
collège une des premières vidéos qui couvrait le chapitre en cours. Des cas
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similaires touchant des élèves absents se sont produits plusieurs fois. Les élèves
revenaient en classe et ne nécessitaient de ma part pratiquement aucun
aménagement particulier pour rattraper les cours manqués.
Pourtant, ces situations concernaient des élèves qui n’étaient pas toujours
parmi ceux ayant le plus de facilité dans la matière. C’est à partir de ce moment là
que je décidais de développer sérieusement un outil pédagogique à base de
vidéos.
b) un peu de théorie
Je voudrais à présent arriver à ce que j’appelais en préambule « la salle des
machines ». A ce qui me paraît l’essentiel. En quoi, une plate forme comme maths-
videos est elle un instrument véritablement pédagogique ? J’ai toujours été
intéressé par les travaux du pédagogue Antoine de la Garanderie
http://bit.ly/iifCmm (il nous a quittés l’an dernier en juin). Il est un des rares
chercheurs dans le domaine de la pédagogie qui s’occupait ou tentait de s’occuper
de ce qui se passe véritablement dans ce qu’un de mes professeurs à Nancy II
appelait la « boite noire », la tête, le cerveau quoi !. Quels sont les mécanismes
mis en route pour un véritable apprentissage, pour déclencher le processus de
compréhension ?
Vous avez tous déjà regardés des documentaires très bien faits avec des
prises de vue remarquables, les meilleurs effets spéciaux, demain la 3D. Vous les
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avez appréciés et pourtant quelques jours après il ne vous en reste pratiquement
rien. Vous avez oublié les chiffres, les informations, les raisonnements. En fait,
vous n’avez pas appris. Vous étiez en situation de perception, pas
d’apprentissage. A ce sujet, Antoine De La Garanderie pense qu ‘il y a trois
familles d’ élèves ou d’apprenants (je schématise, mme Kellner nous éclairera
sûrement à ce sujet dans son intervention). Ceux qui privilégient le visuel, d’autres
l’auditif et enfin ceux qui ont besoin de toucher, de « faire » pour comprendre. Il
souligne également que les concepts, les définitions doivent être réévoqués par
l’apprenant pour se les approprier avec ses propres moyens, ses propres mots.
Ces processus mentaux forment pour lui les éléments de base de sa théorie de la
gestion mentale. Si vous observez bien le contenu d’ une des vidéos, vous
constaterez qu’elles comprennent souvent une partie consacrée à des
manipulations, des activités. Le commentaire,lui, foisonne de mots,d’expressions
sciemment répétés. Il s’agit de réévoquer la notion, de faire en sorte qu’à la fin de
la séquence l’apprenant, l’élève soit imprégné du concept que vous voulez faire
passer. Il va de soi que l’apect visuel est omniprésent. On a donc là un outil
complet qui peut constituer un remarquable atout pédagogique.
Je reviens maintenant un instant sur l’idée (exposée tout à l’heure) qu’il est
nécessaire de poser l’acte pédagogique. Dans un cours, (il m’arrive de le dire à ce
moment là aux élèves) il y a toujours 30 secondes capitales. C’est le moment où
vous allez extraire d’une situation problème, d’une activité manuelle le concept, la
propriété, la règle dans certains cas que vous voulez transmettre. Vous êtes à ce
moment là au cœur même du processus d’acquisition. C’est le moment où vous
devez capter l’attention de tous, faire attention qu’un tel ou un tel ne soit pas
focaliser par l’achèvement de l’activité elle même (un découpage, un collage, un
coloriage etc..). C’est à ce moment que vous posez ce que j’appelle l’acte
pédagogique. Permettez quelques mots pour bien faire comprendre l’importance
de cela. Comme vous le savez sûrement la plupart des notions en mathématiques
(y compris au lycée) sont abordées conformément aux instructions par le biais
d’activités. Elle se résument malheureusement souvent à une succession de
situations répétitives, avec des pointillés à compléter par des mots clefs délivrés
précédemment dans un énoncé ou un court texte. On pense alors que par le biais
de ce qu’il faut bien appeler un conditionnement, on va arriver à faire passer, à
« inculquer » la notion. On passe ensuite à une partie classique de cours
rassemblant une succession de définitions et de propriétés dont la trace écrite va
prendre quasiment un tiers du temps en classe. On risque de passer à côté de l’
essentiel : Poser l’acte pédagogique. http://youtu.be/80d0i3Smkf0. Il s’agira
ensuite pendant la séquence de réinvestir, de répéter la notion pour s’occuper de
la mémorisation, de l’apprentissage lui même. La vidéo permet d’arriver à ce
moment clef. Par sa chronologie, par le découpage qui va comporter une partie
activités, vous pouvez poser l’acte pédagogique. S’il est bien amené, vous voyez
des visages s’éclairer, des hochements de tête de la part des élèves. Vous avez
tous vécu ce genre de situation.
Vous pouvez remarquer également que sans arrêt dans les clips vidéos,
comme je le soulignais précédemment, il y a des répétitions, des mots expliqués
fréquemment, on a souvent recours à l’emploi de synonymes. Pour expliquer ce
qui suit, si j’osais, j’assimilerais mon travail au moment de l’élaboration d’une vidéo
à celui du « démineur ». Imaginez un instant l’apprentissage comme un chemin à
se faire dans un lieu mal entretenu, dans une forêt où pn trouverait des branches
par terre, des endroits où l’on risque de glisser. Ce serait en quelque sorte notre
espace de formation. Vous allez rencontrer des obstacles, vous allez devoir
contourner des diifcicultés, inventer d’autres chemins. C’est ce que je tente d’
intégrer dans la conception même de la vidéo. On « démine » le terrain. Je pense
par exemple au mot « consécutif » qui pose problème à beaucoup d’élèves.
Chaque fois qu’il est employé, il est accompagné d’une périphrase. Il est
régulièrement réinvesti au cours de la vidéo pour qu’il soit aquis à son issue. Il en
va de même pour la formulation des propriétés. Il va s’agir de trouver une
formulation rigoureuse mais qu’ un élève va pouvoir s’approprier. La vidéo permet
de prendre en compte ces aspects. Là aussi, il ne faut pas négliger l’importance de
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la qualité de réception d’un élève dont l’attention est totalement accaparée par le
dispositif. Mais j’en ai déjà parlé précédemment.
V) conclusion et perspectives
Je pense sincèrement que nous ne tiendrons pas longtemps (quand je dis
nous je parle des enseignants) sans bouleverser nos pratiques. Le mot capital est
« ressources ». A terme, le professeur, le formateur va devenir une personne
« ressource ». Les TICE sont déterminantes dans ce domaine. On parle nécessité
de différenciation, d’individualisation de l’enseignement. Comment imaginer les
choses autrement ? Vous avez aujourd’hui un étalement de notes de 2 à 20 avec
non plus comme le disait Philippe Meirieu il y a peu, trois groupes dans une classe
(un tiers de très faibles, un tiers de moyens et un tiers d’ excellents) mais plutôt
l’émergence de deux groupes (faibles ou très faibles et forts). Cela a des
conséquences terribles. Des élèves qui s’ennuient, qui ne supportent plus cette
souffrance. certains vont passer une ou deux années au fond d’une classe à se
morfondre. Ils décrochent. Les TICE (et je reviens à l’intitulé de notre débat)
peuvent constituer un atout extraordinaire pour permettre une prise en compte des
niveaux très différents (de plus en plus différents) auxquels nous avons affaire.
Mais attention, ne nous laissons pas berner par la déferlante de gadgets ou
d’outils. Ipad, facebook, twitter etc… Il ne s’agit pas d’incorporer sous prétexte de
modernité tel ou tel gadget mais bien de pédagogie. Je vais être un peu polémique
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mais c’est un bon moyen de susciter le débat. En quoi par exemple
pédagogiquement les tableaux numériques interactifs sont ils une réussite ?. Je
lisais récemment les conclusions d’un rapport canadien à ce sujet qui concluait à
un échec sur le plan des résultats obtenus. Vous êtes dans la situation d’un cours
on ne peut plus magistral. Vous allez avoir de belles images, de belles simulations.
Mais l’interactivité va être réduite à celui ou celle qui touchera le fameux tableau.
Pensez au meilleur documentaire dont je parlais tout à l’heure, avec les plus belles
couleurs, les plus beaux paysages. Vous avez certes passé un bon moment. Mais,
avez vous appris ? Pas toujours, pas forcément. Nous avons tous vécu cela.
Rappelez vous d’une projection en classe. C’est la reprise, l’exploitation
pédagogique du document qui va permettre l’apprentissage. Il faut donc être
vigilant. Les TICE, c’est un peu comme la télé. On dit par exemple « tiens, hier soir
j’ai regardé la télé ». Mais en fait, vous n’avez pas regardé la télé. Si elle était
allumée, vous avez visionner un film, un documentaire ou autre chose.. vous
n’avez pas regardé la télé. De la même façon, on utilise des TICE mais, dans ce
que j’ai exposé, quoi de neuf à part la possibilité de communiquer facilement à
beaucoup de personnes. J’utilise la vidéo, ce n’est pas neuf. Je peux aider les
élèves sur un forum en échangeant des propos. Rien de bien nouveau. La
pédagogie, elle ne change pas. Aujourd’hui Célestin Freinet utiliserait l’ordinateur à
la place de pommes de terre pour imprimer en classe. Qu’est ce que cela change ?
Et pourtant, pourtant nous sommes face à un bouleversement, à une évolution des
techniques considérables. Charge à nous de nous adapter, d’intégrer ces
formidables outils sans perdre de vue l’esentiel : la pédagogie.
Je termine donc en vous remerciant de votre attention et suis prêt à répondre
à vos questions.