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Albert Failler

Le texte de l'Histoire de Nicéphore Bryennios à la lumière d'un


nouveau fragment
In: Revue des études byzantines, tome 47, 1989. pp. 239-250.

Résumé
REB 47 1989 France p. 239-250
A. Failler, Le texte de l'Histoire de Nicéphore Bryennios à la lumière d'un nouveau fragment. — Le Marcianus gr. 509 (f. 93v-94)
contient la copie d'un court fragment de l'Histoire de Nicéphore Bryennios (éd. P. Gautier, p. 89*-1038). La majeure partie de cet
extrait constitue par ailleurs un emprunt presque littéral à Skylitzès, que le Marcianus reproduit plus fidèlement que le seul
manuscrit, aujourd'hui perdu, de l'Histoire de Nicéphore Bryennios. De l'examen des variantes on conclut que le Marcianus
fournit, pour l'ensemble du passage, un texte meilleur que celui du manuscrit qui est à la base de l'édition.

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Failler Albert. Le texte de l'Histoire de Nicéphore Bryennios à la lumière d'un nouveau fragment. In: Revue des études
byzantines, tome 47, 1989. pp. 239-250.

doi : 10.3406/rebyz.1989.1814

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1989_num_47_1_1814
LE TEXTE DE L'HISTOIRE
DE NICÉPHORE BRYENNIOS
À LA LUMIÈRE
D'UN NOUVEAU FRAGMENT

Albert FAILLER

P. Poussines, le premier éditeur de l'Histoire de Nicéphore Bryen-


nios1, était conscient des déficiences du manuscrit qu'il transcrivait,
comme il le confesse à la fin de sa préface. Le texte qu'il publia en
1661 a été repris en 1729 dans le corpus de Venise et en 1836 dans le
corpus de Bonn, sans modifications dans la première collection, avec
des changements minimes, dus à A. Meineke, dans la seconde2; en
1864, la Patrologie grecque de J.-P. Migne reproduit le texte de
l'édition de Bonn3. Dans le nouveau corpus d'histoire byzantine a
paru, en 1975, une seconde édition de l'œuvre, due à P. Gautier, qui a
amélioré le texte grâce à un examen plus attentif et, pour les passages
empruntés par Nicéphore Bryennios à ses devanciers, grâce à une
confrontation rigoureuse avec les modèles4. Mais la disparition du seul
manuscrit de l'œuvre qui est connu à ce jour et qui servait de modèle
à la première édition limitait nécessairement la tâche du nouvel
éditeur.

1. Nicephori Caesaris Bryennii Commentarii de rebus Byzantinis, éd. P. Poussines,


Paris 1661.
2. Nicephori Caesaris Bryennii Commentarii de rebus Byzantinis, corpus de Venise,
VIII, Venise 1729, p. 1-98; Nicephori Bryennii Commentarii, éd. A. Meineke, Bonn
1836. Après avoir inscrit ce titre sur la page de titre, A. Meineke donne ensuite à
l'œuvre un autre titre, qui sera repris par les éditeurs postérieurs : Νικηφόρου τοϋ
Βρυεννίου βιβλία S' (p. 1).
3. Nicephori Bryennii Historiarum libri quatuor : PG 127, Paris 1864, col. 9-216.
4. P. Gautier, Nicéphore Bryennios. Histoire. Introduction, texte, traduction et
notes, Bruxelles 1975. Le titre latin de l'ouvrage revêt une forme différente : Nicephori
Bryennii Historiarum libri qualluor. Dans la suite de l'article, les références au texte
seront faites d'après cette édition.

Revue des Études Byzantines 47, 1989, p. 239-250.


240 A. FAILLER

Les éditeurs de l'Histoire de Nicéphore Bryennios n'ont pas connu


le court fragment de l'œuvre qui est transcrit dans le Marcianus
gr. 509, un manuscrit de Bessarion copié dans le troisième quart du
15e siècle. Ce fragment était signalé dès 1740 dans le catalogue de
A. Zanetti et A. Bongiovanni : excerpta quaedam ex historiis jam editis
Georgii Pachy merae, & Bryennii Caesaris*. Je l'ai trouvé par hasard,
au milieu d'extraits plus conséquents de l'Histoire de Georges Pachy-
mérès, qui m'avaient eux-mêmes échappé avant la parution du
nouveau catalogue de E. Mioni6. Signalons que le fragment de
Nicéphore Bryennios, s'il est correctement décrit dans le nouveau
catalogue du Fondo Antico, risque cependant de passer encore
inaperçu, car dans l'index général des manuscrits grecs de la
Marcienne il est malencontreusement attribué à Manuel Bryennios7,
l'écrivain du 14e siècle dont on conserve quelques dissertations sur la
musique et l'astronomie.
Le nouveau fragment occupe seulement deux folios du manuscrit
de Venise (f. 93v-94). Son insertion à cet endroit est justifiée par le
contexte, car il s'agit d'un ensemble de passages tirés de l'Histoire de
Georges Pachymérès et consacrés à l'avancée des Turcs en Asie
Mineure. Le titre du fragment est mentionné dans le paragraphe
suivant : il indique l'intention que poursuivait l'auteur de cette
collection de textes. Mais le Marcianus ne livre qu'une part minime de
l'œuvre de Nicéphore Bryennios : cinq chapitres (livre I, 7-11) sur les
cent vingt que totalisent les quatre livres de l'Histoire. Le nouveau
texte n'est pas non plus sans défauts. Le fragment de Venise constitue
néanmoins un témoin important, car, même s'il ne permet d'améliorer
que modestement un passage restreint de l'œuvre, il jette une lumière
nouvelle sur l'ensemble du texte édité par P. Poussines d'après un
manuscrit désormais perdu, que P. Gautier a baptisé le Tolosanus
deperditus.
Le fragment est introduit par la suscription suivante : έκ του πρώτου
τόμου της ιστορίας του καίσαρος Βρυενίου, περί των Τούρκων. Celle-ci ne
contient aucune information nouvelle sur le titre général de l'œuvre.
Bien que le titre ne figurât plus sur le Tolosanus, dont un folio au
moins était tombé, on a attribué à l'Histoire de Nicéphore Bryennios
le titre que l'auteur revendique lui-même à la fin du prooimion

5. A. M. Zanetti et A. Bongiovanni, Graeca D. Marci Bibliotheca codicum manu


scriptorum per titulos digesta, Venise 1740, p. 273.
6. E. Mioni, Codices graeci manuscripti Bibliothecae Divi Marci Venetiarum.
Thesaurus antiquus. II. Codices 300-625, Rome 1985, p. 364.
7. E. Mioni, Codices graeci manuscripti Bibliothecae Divi Marci Venetiarum. Indices
omnium codicum graecorum, Rome [1985], p. 223. Sur Manuel Bryennios, voir PLP,
n° 1320.
LE TEXTE DE L'HISTOIRE DE NICÉPHORE BRYENNIOS 241

(p. 731011) : Ύλη ιστορίας8. Le témoignage du Marcianus, avec l'emploi


d'un mot générique et imprécis (Histoire), n'y contredit pas et
n'exclut pas que le copiste ait eu sous les yeux le titre plus spécifique
qu'on vient de mentionner. On voit en effet le même copiste
transcrire des passages de l'Histoire de Georges Pachymérès en
modifiant les titres qu'il trouvait dans son modèle et en les
transformant différemment d'une suscription à l'autre. Le titre
uniforme du modèle (Συγγραφικών ιστοριών πρώτη, etc.) n'est en effet
jamais repris, mais changé en des formes diverses, dont voici les
quatre types : έκ του πρώτου λόγου, έκ του πρώτου λόγου τών ιστοριών, εκ
της πρώτης τών ιστοριών, έκ της πρώτης ιστορίας9. L'emploi du terme
τόμος pour indiquer les divisions internes de l'ouvrage présente plus
d'intérêt. Le mot n'est guère habituel à cette place, mais il peut
remplir cette fonction et il devient alors l'équivalent de λόγος, βίβλος
ou βιβλίον10. De fait, il est inscrit par P. Poussines au début de chacun
des quatre livres de l'Histoire de Nicéphore Bryennios (Ύλη ιστορίας,
τόμος α', etc.). Il est exclu que le premier éditeur ait, de son propre
mouvement, retenu ce terme inhabituel, de préférence aux trois mots
qu'on vient de mentionner et qui sont d'un usage plus courant.
A. Meineke, suivi sur ce point par P. Gautier, l'a remplacé par βιβλίον,
sans d'ailleurs signaler cette substitution. Il est donc à peu près
certain que le Tolosanus comportait une division de l'ouvrage en
quatre τόμοι, comme elle figure dans l'édition de P. Poussines et
comme le suggère le fragment du Marcianus.
Le texte lui-même commence au début du chapitre 7 du livre I
(incipit : Τίνες δε οι Τούρκοι : p. 896) et va jusqu'à la fin du chapitre 11
(desinit : δώρεαΐς μεγάλαις τετίμηκεν : p. 1038). Les chapitres 7-10 sont
empruntés presque littéralement à l'Histoire de Skylitzès (Constant
in Monomaque, ch. 9-10 : I. Thurn, p. 44287-44723). Sauf dans le
chapitre 10, Nicéphore Bryennios suit fidèlement l'ordre de son
modèle ; il omet des passages, en transforme légèrement d'autres et
ajoute quelques mots ou phrasés de liaison ou de transition. Ce
passage (p. 896-992e), qui représente les trois quarts du fragment,
constitue un échantillon parfait qui permet de juger de la valeur et de
la fidélité respectives du Tolosanus et du Marcianus, car les variantes

8. Ce titre paraît curieux et il résulte d'une correction de P. Poussines, qui lisait


δλη, et non δλη, sur le Tolosanus. Il faut remarquer cependant qu'il s'insère
parfaitement dans le contexte et dans le raisonnement de l'auteur.
9. Pour ce qui concerne les extraits de l'Histoire de Georges Pachymérès copiés
dans le même manuscrit, voir ci-dessus, p. 158-161.
10. On en trouvera une abondante illustration dans l'ouvrage de B. Atsalos, La
terminologie du livre-manuscrit à l'époque byzantine. I. Termes désignant le livre-
manuscrit et l'écriture, Thessalonique 1971, p. 153-155.
242 A. FAILLER

entre les deux manuscrits sont arbitrées par le texte de Skylitzès, qui
est la source du passage. Même si le Marcianus contient lui aussi des
erreurs, la comparaison avec le texte de Skylitzès fait apparaître, de
manière indéniable et immédiate, sa supériorité sur le Tolosanus. En
l'absence d'un arbitre comparable, l'appréciation respective des deux
manuscrits est plus subtile pour le quatrième quart du fragment,
c'est-à-dire pour le chapitre 11. Mais les conclusions qu'on a pu
établir avec certitude pour la première partie du fragment peuvent
être raisonnablement étendues à la seconde.
Voici le relevé des divergences qui séparent le Tolosanus (indiqué
désormais par le sigle T), du moins tel qu'il a été lu par P. Poussines,
et le Marcianus (indiqué désormais par le sigle M)11. La première
colonne contient la référence (page et ligne) à l'édition de P. Gautier.
Dans la dernière colonne figurent les leçons de l'Histoire de Skylitzès
(éd. I. Thurn) pour le texte repris littéralement par Nicéphore Bryen-
nios dans son propre ouvrage ; lorsque les variantes de Τ et de M
concernent des passages dus à la plume de Nicéphore Bryennios et
par conséquent sans équivalent dans l'Histoire de Skylitzès, cette
absence est marquée par le tiret. La portée et le sens des variantes
sont précisés et commentés dans les notes correspondantes, lorsqu'il
apparaît utile de le faire. Dans ce cas, l'appel de note accompagne
invariablement la leçon de M. Il va de soi que la lecture du tableau
sera facilitée et enrichie par un recours constant au^ texte de l'édition.

ÉD. Tolosanus Marcianus Skylitzès

89 7 Ιληγον ελαχον12 —
8 Ούτοι οίκεΤν μέν ελα- Το των Τούρκων Τό των Τούρκων Ιθ-
νος γένος μέν εστίν νος γένος μέν έστιν
Ούνικόν, οίκεΤν δ' Ούννικόν, οικεΤ δέ
Ιλαχε13

11. Seules sont omises les divergences dues au redoublement d'une consonne
(Άρραξιν, Άρράξιδος, "Αρραβας, Άρράβων, "Αρραψι, έπιρρωσθείς : ρ. 91 7, 91 1β et 9520, 95e,
9719, 9722, 9918), à moins que le mot ne soit relevé pour une autre variante, ou aux faits
habituels d'itacisme (Μηδείας, avSpiqc : p. 8915·22, 934).
12. La leçon de M supprime la difficulté que constitue la variante de T. Le verbe
έληγον, retenu par Meineke et Gautier, embarrassait Poussines : il proposait la
correction suivante, qui lui était inspirée par la suite du récit (p. 973), mais qui est tout
aussi contestable : ήρξαντο και πολεμεΐν.
13. La phrase entière (p. 89813) est reconstruite dans T, peut-être à la suite de la
chute d'un membre de la phrase. L'ensemble des variantes qui affectent ces lignes
doivent être considérées simultanément. M fournit un texte satisfaisant, avec un même
sujet (έθνος) pour les trois propositions, qui sont reliées par les particules μέν/δέ/δέ. Le
LE TEXTE DE L'HISTOIRE DE NICÉPHORE BRYENNIOS 243

ÉD. TOLOSANUS Marcianus Skylitzès


9 τε om. —
10 τε τι —
απέχοντες άπέχον —
αύτόμονον αύτόνομον αύτόνομον
11 έθνος τε —
υπ' ούδενός δεδούλω- υπ' ύπ'
12 ούδενός δε δεδού- ούδενός έθνους
ται έθνους πώποτε λωτο ποτέ δουλωθέν
14 μεν ;ών14 των
20 εις προς —
21 Μήδων Χορασμήδων15 Χωρασμίων
22 Άβριτανών Ύρκανών16 Ώρητανών
23 Ίαμβραήλ Ίμβραήλ Ίμβραήλ
24 Βασιλείου του αύτου Βασιλείου Βασιλείου
91 1 δεΐν δ* ούν17 δεΐν
Οΰννων των Οονων των Οοννων
3 συνέπεμπε ξυνέπεμψε —
4 έπανήεσαν έπανήεισαν —
γοΰν οδν —

texte de M reste très proche du modèle. La version de Τ commence par un μέν qui ne
trouve pas son correspondant dans la suite ; conscient de la difficulté, Meineke
proposait d'ajouter 8έ après αύτόνομον.
14. Dans le texte de T, la particule μέν crée le même problème que dans la phrase
précédente ; la leçon commune de M et du modèle supprime la difficulté.
15. Un grand nombre de variantes concernent les noms de personnes et de lieux. Ici
la leçon erronée de M semble servir de passage entre le modèle et Τ et expliquer l'erreur
de T, qui amena Poussines à supprimer, pour cause de double emploi, le καΐ Μηδίας de la
ligne suivante.
16. De ces trois leçons, seule celle de M est recevable, car T fournit un ethnique
inconnu par ailleurs et Skylitzès un ethnique qui est connu, mais qui est sans lien avec
l'empire perse; voir l'édition, p. 89 n. 7. Mais les Hyrcaniens (Ύρκανοί ou, plus
fréquemment, Ύρκάνιοι) sont bien une peuplade de la région : ils habitaient au sud-est
de la mer Caspienne (appelée aussi dans l'antiquité mer Hyrcanienne) et, conformément
à l'ordre suivi dans le texte, ils se trouvaient entre les Chorasmiens au nord et les Mèdes
au sud ; voir Hérodote, III, 117; Strabon, Geographica, XI, 7-8 : A. Meineke, p. 713-
721. D'après l'apparat critique qui accompagne la dernière édition de l'Histoire de
Skylitzès, aucun manuscrit ne présente la leçon de M. On doit conclure qu'il s'agit
d'une correction, mais on ne peut déterminer à qui elle est due et à quand elle remonte.
La leçon corrompue de T dérive de l'Histoire de Skylitzès plutôt que du modèle
commun de M et de T. On trouve plus bas, dans le manuscrit M, un autre cas de
correction semblable : voir la note 22.
17. Voici un exemple typique des erreurs manifestes et assez fréquentes de M, qui
est alors clairement réfuté par l'accord de T avec le texte de Skylitzès. La suite
présente d'autres cas semblables : p. 91912, 931β24Μ, 951·7·14, 978·19, 99384M2aa8.
244 A. FAILLER

ÉD. TOLOSANUS Marcianus Skylitzès


6 Ταγγρολίπην Ταγγρολίπην18 Ταγγρολίπηκα
και (Μουκάλετ) om. om.
Μακεήλ Μακεήλ Μικεήλ
8 πεπυρωμένην πεπυργωμένην πεπυργωμένην
9 ξυμμίξας —
Συμμίξας
Μουχούμετ Μαχούμετ19 Μουχούμετ
10 Άρράβων των 'Αράβων20 των 'Αράβων
11 Πισσαρίω Πισσαρίω21 Πισσασιρίω
12 δέ ούν δέ
έσπευδε —
δ'
έσπευσε
14 δέ —
16 σφίσι φασί —
18 μή μή και μή και
19 Καρβωνίτιν Καρμανίτην22 Καρβωνΐτιν

18. Le nom de Ταγγρολίπηξ (génitif -ηκος), le sultan seldjoukide Tughril-Beg (voir


l'édition, p. 90 n. 3), reçoit diverses graphies. La forme qui vient d'être mentionnée
constitue la graphie constante des meilleurs manuscrits de l'Histoire de Skylitzès. M la
reproduit correctement à plusieurs reprises et ne s'en éloigne jamais trop gravement,
tandis que Τ présente trois formes différentes (Ταγγρολίπης, Σταγγρολίπης, Στραγγολίπις),
que Poussines avait conservées dans son édition, faute de savoir, avouait-il, quelle était
la meilleure. Le nom revient à sept reprises dans la suite du texte : p. 9311 3e, 95e-17·17·8·,
97e.
19. La leçon de M doit être considérée comme une erreur; dans un cas précédent
(p. 8923), M adopte, à l'instar des manuscrits de Skylitzès et de T, la leçon Μουχούμετ;
voir aussi la note 17.
20. Τ omet souvent des monosyllabes ou des dissyllabes (articles, prépositions,
conjonctions), dont la présence dans le récit de Nicéphore Bryennios est attestée par
l'accord de M avec le texte de Skylitzès, comme il arrive qu'il en ajoute à tort (voir
p. 89e, 91e, 9516·2324, 9720, 991). On peut mentionner les autres cas d'omission de petits
mots en Τ : p. 91 18, 937811, 971«·23.
21. Le mot revient plus bas (p. 9715), et cette fois M se rapproche de la graphie du
modèle.
22. Malgré l'accord de Τ avec le texte de Skylitzès, c'est sans doute M qui délivre la
bonne leçon. Mais, comme dans l'autre cas signalé plus haut (voir la note 16), la
variante de M est probablement une correction. En effet, Karbônitis est donné à peu
près unanimement par les manuscrits de l'Histoire de Skylitzès, dont aucun ne présente
la variante Karmanitis, qui est pourtant le terme requis par le contexte ; voir l'édition,
p. 91 n. 6, où sont données les références à Léon le Diacre (Bonn, p. 16222 : ή...
Καρμανΐτις έρημος) et à Strabon, Geographica, 724 [et non 727] (A. Meineke, p. 100920 : ή
έρημος της Καρ μανίας). On trouve plus loin, et à deux reprises (p. 93e·21), la même
divergence entre Τ et M, qui présente cette fois une meilleure graphie de Καρμανΐτις (-ις
au lieu de -ης dans le premier cas). Mais une ombre se projette sur cette correction de M,
à première vue judicieuse, car M reprend le mot face à deux leçons concordantes ou
presque concordantes de Τ et de Skylitzès, alors que la correction n'a plus de raison
d'être dans les deux cas : Κάβειρους (p. 955) et Καρμεσην/Καρβέσην (p. 9719 : ici le
changement de la consonne intérieure s'explique sans doute du point de vue
LE TEXTE DE L'HISTOIRE DE NICEPHORE BRYENNIOS 245

ÉD. TOLOSANUS Marcianus Skylitzès


21 ολίγοι ολίγοι23 ολίγους
δ' —
93 1 δέ
4 αύτω αύτοΐς αύτοϊς
6 Καρβωνίτιν Καρμανίτιν —
7 τήν Ιρημον έπί τήν Ιρημον εις τήν ερημον
8 τροφών των τροφών24 τών τροφών
11 Σταγγρολίπης Ταγγρολίπηξ Ταγγρολίπηξ
τό βάθος ές τό βάθος25 ές τό βάθος
14 Σαρακηνοις26 Σαρακηνοις
Άγαρηνοΐς
16 τη τρίτη τήν τρίτη ν τη τρίτη —
21 Καρβωνίτιν Καρμανίτιν
ουδέ ού —

paléographique par la confusion entre β et μ). Ou M commet une faute de copie, ou il


introduit une correction infondée ; voir l'édition, p. 94 n. 2, 96 n. 4. De toute manière,
dans ces deux derniers cas, les leçons concordantes de Τ et des manuscrits de Skylitzès
sont sûres et doivent être retenues.
23. Τ et M présentent la même leçon fautive, qui remonte donc à leur modèle
commun. La confrontation du texte de Nicéphore Bryennios avec son modèle,
l'Histoire de Skylitzès, a permis au dernier éditeur de corriger certaines erreurs de
l'édition de Poussines et de l'édition de Bonn, qui a généralement repris le texte du
premier éditeur sans beaucoup de sens critique ; voir aussi la note 25.
24. Même sans le témoignage d'un tiers, l'Histoire de Skylitzès, il fallait sans doute
suppléer l'article en T, pour sauvegarder et souligner le parallélisme des deux formules.
25. L'erreur et l'omission de Τ sont à nouveau manifestes. Le dernier éditeur a
suppléé la préposition en recourant au texte de Skylitzès ; voir aussi la note 20.
L'édition de Meineke, qui, comme la plupart des éditions du corpus de Bonn, constitue
une réédition légèrement retouchée au fil de la plume, plutôt qu'une nouvelle édition,
propose de suppléer la préposition κατά. J. Seger {Byzantinische Historiker des zehnten
und elften Jahrhunderts. I. Nikephoros Bryennios, Munich 1888, p. 113) lui reproche, à
juste titre, d'avoir publié l'Histoire de Nicéphore Bryennios sans se préoccuper d'en
rechercher les sources et d'en déceler les emprunts, alors que ce travail lui aurait permis
d'améliorer sensiblement le texte. Le même J. Seger est le premier à avoir confronté la
copie de Nicéphore Bryennios avec ses modèles ; il a relevé précisément l'absence de la
préposition ές dans ce passage de l'édition et mentionné la conjecture de Meineke
(ibidem, p. 117).
26. La concordance de M et du texte de Skylitzès invite, là aussi, à rejeter la leçon
de T. On comprend que le dernier éditeur n'ait pas effectué cette substitution, que le
témoignage de M rend à présent évidente. En fait les deux termes sont d'ailleurs
interchangeables le plus souvent. Mais, une fois la substitution réalisée, on en constate
le bien-fondé. Si l'on consulte l'index aux mots Άγαρηνός et Σαρακηνός (ρ. 379 et 392), on
s'aperçoit que le premier terme n'est employé qu'une fois (p. 30722), si l'on exclut le
passage ici en question (p. 9314), tandis que le second terme revient à sept reprises (huit,
avec le présent passage), et, précisément, toujours dans le texte emprunté à Skylitzès
(p. 89", 9128, 935 [et 93U], 955 25 M, 9712). Dans le seul passage où il doit être maintenu, le
terme Άγαρηνοί revêt d'ailleurs une double valeur (les Turcs et les méchants) ; la
formule utilisée par l'historien a une résonance biblique, qu'il n'aurait pas été inutile de
signaler (παραδίδοσθαι εις χείρας έχθρών/άνθρώπων/άμαρτωλών, etc., Άγαρηνών ici).
246 A. FAILLER

ÉD. TOLOSANUS Marcianus Skylitzès


24 θάνατον τόν θάνατον θάνατον
25 ολίγον ολίγων —
ώστ'
26 ως ως
28 μέν μέν οδν —
29 ξυμβάντα συμβάντα —
31 άποδράσαντας διαδράσαντας —
36 Στραγγολίπιδι Ταγγρολίπηκι Ταγγρολίπηκι
95 1 οδν τοιγαροΰν οδν
προσγινομένης προσγενομένης προσγενομένης
4 σπεύδων κρίναι κρΐναι σπεύδων κρΐναι σπεύδων
5 Κάβειρους Καρμανίτας27 Κάβειρους
7 πεντήκοντα πεντήκοντα πεντακόσιας χιλιάδας
δας δας28
8 άντιμετώπως αντιμέτωπος —
9 Στραγγολίπιδι Τραγκρολίπηκι Ταγγρολίπηκι
τον το το
13 έφιππαζό μένος έξιππαζόμενος έξιππαζόμενος
14 λαόν λεών λαόν
16 και συμπεσόντος πεσόντος29 πεσόντος
των om. —
17 Στραγγολίπιδι Ταγγρολίπηκι Ταγγρολίπηκι
δ'
Στραγγολίπις Ταγκρολίπηξ Ταγγρολίπηξ
19 δέ —
22 Άρράξιδος Άράξιος Άράξιδος
23 ξυνέθεον συνέθεον —
την πλην30 πλην
πόθω om.31 om.
24 OÎ om. om.
26 Στραγγολίπιδα Ταγκρολίπηκα Ταγγρολίπηκα
27 βασιλεύς βασιλέα —
29 των om. —

27. Voir la note 22.


28. La leçon de M (50000) doit être rejetée face à l'accord de Τ avec Skylitzès
(500000).
29. La leçon de M est corroborée par le témoignage de Skylitzès, de même que deux
autres leçons précédentes (p. 95e·18).
30. Poussines avait su corriger le texte de T, et sa conjecture reçoit maintenant
l'appui de M, qui reproduit plus fidèlement le texte de Skylitzès.
31. L'addition de Τ doit être supprimée, comme à la ligne suivante du texte.
LE TEXTE DE L'HISTOIRE DE NICEPHORE BRYENNIOS 247

ÉD. TOLOSANUS Marcianus Skylitzès


97 1 'Ρωμαίων 'Ρωμαίοις —
3 'Ρωμαίους 'Ρωμαίοις32 —
8 Ιτι παρά 'Ρωμαίοις δτι παρά 'Ρωμαίοις ετι παρά 'Ρωμαίοις
σφζεσθαι ετι σφζεσθαι σφζεσθαι
9 Στραγγολίπιδος Ταγκρολίπιδος Ταγγρολίπηκας
10 έδήλωσεν έδήλωσε —
άναδυσαμένου άναδησαμένου —
14 τοΰτο τούτων —
15 Πισσύριον Πισασσύριον Πισσασίριον
16 om. και και
19 Καρμεσήν Καρμανίτας33 Καρβέσην
20 και om. om.
Κουτλουμουν Κουτλουμούς34 Κουτλουμούς
23 om. δέ δέ
24 Βαάς Βαάς35 Βαασπρακαν
στρατοπεδευσαι κατεστρατοπέδευσε —
25 κρατούντα κρατοϋντας ββ —

99 1 άρχων κατάρχων —
και ό Κωνσταντίνος ό Κωνσταντίνος37 ό Κωνσταντίνου

32. Aussi bien à la ligne 3 qu'à la ligne 1, le régime au datif doit être préféré. La
supériorité globale de M sur Τ renforce ce point de vue. A la ligne 3, Poussines a corrigé
en datif l'accusatif de T, que Meineke et Gautier ont rétabli.
33. Voir la note 22.
34. Ici et plus loin (p. 9911), M s'accorde avec le texte de Skylitzès pour faire du nom
Koutloumous un oxyton indéclinable. Il est également traité comme indéclinable dans
les deux autres emplois ultérieurs (p. 2413, 25921), mais considéré comme périspomène.
35. L'amputation du toponyme dans les deux manuscrits provient sans doute d'une
obscurité ou d'une corruption du modèle. La variante suivante de M paraît en
témoigner : le copiste essaie probablement de reconstituer un texte qui est détérioré.
36. En ajoutant un sigma final à la leçon de T, Poussines a retrouvé le texte
authentique : 'Ρωμαίους κρατοϋντας. Celui-ci est repris par l'édition de Venise. Mais
Meineke, suivi par Gautier, retient le verbe composé, de même sens et de même
régime : εγκρατοΰντας. Pourquoi cette substitution, que rien n'impose? Elle est due à la
mauvaise interprétation que Meineke a faite de la note que Poussines a insérée dans son
édition princeps et dont voici les termes : « Paulo post medium sectionis 'Ρωμαίους
κρατοϋντας etc. rescriptum έκ κρατούντα.» Il faut lire les lettres grecques de la fin en deux
mots séparés, dont le premier est de la plume de Poussines et n'appartient pas au texte
du manuscrit transcrit. Poussines veut dire que κρατοϋντας est une correction de
κρατούντα. Meineke a cru que la leçon de T était έκκρατοΰντα, qu'il a logiquement corrigé
en εγκρατοϋντας. L'apparat de la dernière édition va dans le même sens.
37. Cette leçon doit être examinée avec les deux suivantes. Voici le texte de
Skylitzès qui a servi de modèle : Στέφανος πατρίκιος] δ Κωνσταντίνου ... της Λειχουδίας υιός
(Etienne, le fils de Constantin Leichoudès). Si l'on prend en compte les modifications
que Nicéphore Bryennios introduit dans la phrase, on attend le texte suivant : è
248 A. FAILLER

ÉD. TOLOSANUS Mabcianus Skylitzès


3 Λεικουδίαν Λειχούδιν Λειχουδίας
θείος ανεψιός υιός
άξιων έπαξιών άξιων
4 ύπισχνούμενος om. ύπισχνούμενος
11 Κουτλουμους —
Κουτλουμους
τόν Βρίζιον το Βρίζιον το Ταβρέζιον
12 άπεμπολεΐ] om. τω τοπάρχη της τφ τοπάρχη της
ρας38 ρας
14 om. —
της
16 πολεμήσαντας πολεμικωτάτους —
22 έφικέσθαι άφικέσθαι άφικέσθαι
και τήν Μηδικήν ες τήν Μηδικήν και και τήν Μηδίαν
παντί πολεμεΐν
τήν τρόπω39
προσχωροίη προχωροίη προσχωροίη
23 αύτφ αύτω ραδίως αύτφ
24 της του -—

101 1 ώς εΐρηται... τοίνυν... στρατηγός


τηγός ώς εϊρηται40
2 Χαλτικήν Γαλατικήν41
4 άπηγγέλη άπηγγέλει

Κωνσταντίνου..., δν και Λειχούδην έκάλουν, υιός. Sans doute est-il inutile de chercher
quelque information nouvelle dans les variations de Τ et M par rapport à cette
expression et d'essayer de les expliquer.
38. Ce passage illustre bien les lacunes de T, car il fait incontestablement partie du
texte authentique de Nicéphore Bryennios.
39. M s'éloigne du modèle qu'est l'Histoire de Skylitzès et, de plus, il propose un
texte gravement incorrect; une précédente variante (p. 978) fournit un exemple
identique.
40. Au début du chapitre 11 du livre I, Nicéphore Bryennios reprend son récit au
point où il l'a laissé au commencement du chapitre 7, après avoir inséré dans son
Histoire un long passage sur l'origine des Turcs et leur avancée vers l'ouest, passage
emprunté presque littéralement à Skylitzès. Le texte sort désormais de la seule plume
de Nicéphore Bryennios, et on ne peut plus juger les divergences entre Τ et M à l'aune
d'un modèle. Indépendamment de la préférence dont M a été crédité dans les chapitres
précédents, la tournure grammaticale qu'il adopte dans cette première variante du
chapitre paraît plus adéquate que celle de T.
41. Le mot Χαλτική, qui n'est signalé nulle part ailleurs et que le dernier éditeur a
considéré comme un équivalent de Χαλδία (ρ. 100 n. 3), le thème de Chaldia, n'est que
l'invention d'un mauvais copiste et n'existe pas. Il faut lire, à la suite de M, Γαλατική et
revenir au début du chapitre 7, où on signale précisément que Manuel Komnènos se
trouvait avec son armée en Galatie (περί Γαλατάς : p. 895) et s'apprêtait à attaquer les
Turcs. La bataille eut lieu bien en deçà du thème de Chaldia, à Sébasteia dans le thème
Arméniaque (p. 1017 et p. 100 n. 5).
LE TEXTE DE L'HISTOIRE DE NICEPHORE RRYENNIOS 249

ÉD. TOLOSANUS Marcianus Skylitzès


5 Χρυσόκουλον Χρυσόσκουλον 42
εκ σουλτάνων σειράς έκ της του
νου σειράς
6 αύτω ώς αύτω43
έπίασι άπίασι
12 'Ρωμαίων των 'Ρωμαίων
15 Ταρωνίτη τω Ταρωνείτη
16 Άπαχθείς οδν προς Και δή προς τον
τον Χρυσόκουλον σόσκουλον άπαχθείς
δεινόν δεΐν
17 έπάξιον άνάξιον
19 νικήσας ήττήσας
ωήθην ωήθη
21 έπείπερ έγνω τον έπειδήπερ Ιγνω τον
δρα έν φόβω πολλω άνδρα έστώτα
καθεστώτα
24 δραστικωτέρων έ- δραστικωτέροις έ-
χρήτο λόγων χρήσατο λόγοις
μακο ις
25 έρα έρας
26 ταύτην αδυνατεί ταύτης αδυνατείς
103 2 αυτομολήσει ... σχοίη αυτομόλησης (-σει
post corr.) ...
σχοίης44
ξύμμαχον σύμμαχο ν
3 άμα τούτω τούτω άμα

42. Ici comme plus bas (p. 101 ie), la graphie correcte est celle de M.
43. L'addition de M donne à la phrase une tournure plus adéquate. Il en va de
même pour la leçon précédente. Il n'est pas utile de multiplier les notes : on se
contentera de remarquer, de manière générale, que M donne le plus souvent le meilleur
texte (p. îoi·/8·15·1»/*-»-«^ 1032/1·8), mais qu'il commet aussi au moins une bévue (p. 10121)
et semble, dans un cas (p. 10124), avoir reconstruit la phrase après la perte d'un mot.
44. Dans cette phrase (p. 10125-1033), les cinq variantes de Τ constituent des leçons
plus faciles. Le pronom démonstratif doit, de toute manière, être mis au génitif, comme
il l'est dans M. Mais le cas des quatre verbes est moins clair : le texte de Τ est le seul
syntaxiquement correct, une fois effectuée la correction de αυτομολήσει en -ση (de
préférence à une correction plus violente en -σείε, comme on le trouve dans la dernière
édition), la succession d'un subjonctif et d'un optatif étant fréquente dans ce cas de
figure. Le texte de M exigerait, pour être correct, le remplacement du pronom αύτω
(p. 1031) par une deuxième personne. Il est probable que le texte de Τ résulte d'une
simplification de l'original, qui serait plutôt conservé par M. Une maladresse dans le
traitement du style indirect n'est pas exclue.
250 A. FAILLER

ÉD. TOLOSANUS Marcianus Skylitzès


4 χρησάμενος, άμ' αύ- χρησάμενος, έξίστα-
τφ ταχέως ται μεν του
τοπέδου νυκτός συν
ολίγοις οΐς τα περί
του δράματος
κάλυψε, ταχυπορία
&μ'
δε χρησάμενος,
αύτώ45
5 εις
6 άνήγαγεν ανήγαγε
8 μεγάλαις μεγίσταις

La lecture de ce tableau des variantes suffit à elle seule, tant les


indices sont nombreux et concordants, pour montrer la supériorité de
la copie partielle du Marcianus par rapport à celle du Tolosanus, du
moins telle qu'elle a été transcrite par P. Poussines. Apparaît en
particulier la convergence générale entre le texte du Marcianus et
celui de Skylitzès. Il est vrai que la dernière édition de l'Histoire de
Nicéphore Bryennios a déjà enregistré les corrections que le recours
au texte de Skylitzès permettait de faire, mais son auteur ne pouvait
deviner que l'emprunt était encore plus littéral. En dehors des
passages tirés de cette œuvre, P. Gautier a su retrouver aussi
certaines leçons authentiques que le témoignage du Marcianus vient à
présent confirmer46. Mais ce dernier manuscrit, à son tour, est loin
d'être parfait. Sans doute permet-il de produire une édition améliorée
de ce court passage, mais l'établissement du texte poserait encore des
problèmes.

Albert Failler
C.N.R.S.-UA 186
et Institut français d'Études byzantines

45. La leçon de Τ est sans doute amputée d'un membre de phrase, et l'omission
s'expliquerait aisément par un passage du même au même (χρησάμενος).
46. Voici ces leçons : p. 8910/1, 9325, 101 19/2. Par contre, deux corrections de la
dernière édition sont à rejeter : γυναικείας (ρ. 9382) peut et doit être conservé, de même
que πρέσβεσιν (p. 995 : voir p. 39).

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