Professional Documents
Culture Documents
Résumé
REB 47 1989 France p. 239-250
A. Failler, Le texte de l'Histoire de Nicéphore Bryennios à la lumière d'un nouveau fragment. — Le Marcianus gr. 509 (f. 93v-94)
contient la copie d'un court fragment de l'Histoire de Nicéphore Bryennios (éd. P. Gautier, p. 89*-1038). La majeure partie de cet
extrait constitue par ailleurs un emprunt presque littéral à Skylitzès, que le Marcianus reproduit plus fidèlement que le seul
manuscrit, aujourd'hui perdu, de l'Histoire de Nicéphore Bryennios. De l'examen des variantes on conclut que le Marcianus
fournit, pour l'ensemble du passage, un texte meilleur que celui du manuscrit qui est à la base de l'édition.
Failler Albert. Le texte de l'Histoire de Nicéphore Bryennios à la lumière d'un nouveau fragment. In: Revue des études
byzantines, tome 47, 1989. pp. 239-250.
doi : 10.3406/rebyz.1989.1814
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1989_num_47_1_1814
LE TEXTE DE L'HISTOIRE
DE NICÉPHORE BRYENNIOS
À LA LUMIÈRE
D'UN NOUVEAU FRAGMENT
Albert FAILLER
entre les deux manuscrits sont arbitrées par le texte de Skylitzès, qui
est la source du passage. Même si le Marcianus contient lui aussi des
erreurs, la comparaison avec le texte de Skylitzès fait apparaître, de
manière indéniable et immédiate, sa supériorité sur le Tolosanus. En
l'absence d'un arbitre comparable, l'appréciation respective des deux
manuscrits est plus subtile pour le quatrième quart du fragment,
c'est-à-dire pour le chapitre 11. Mais les conclusions qu'on a pu
établir avec certitude pour la première partie du fragment peuvent
être raisonnablement étendues à la seconde.
Voici le relevé des divergences qui séparent le Tolosanus (indiqué
désormais par le sigle T), du moins tel qu'il a été lu par P. Poussines,
et le Marcianus (indiqué désormais par le sigle M)11. La première
colonne contient la référence (page et ligne) à l'édition de P. Gautier.
Dans la dernière colonne figurent les leçons de l'Histoire de Skylitzès
(éd. I. Thurn) pour le texte repris littéralement par Nicéphore Bryen-
nios dans son propre ouvrage ; lorsque les variantes de Τ et de M
concernent des passages dus à la plume de Nicéphore Bryennios et
par conséquent sans équivalent dans l'Histoire de Skylitzès, cette
absence est marquée par le tiret. La portée et le sens des variantes
sont précisés et commentés dans les notes correspondantes, lorsqu'il
apparaît utile de le faire. Dans ce cas, l'appel de note accompagne
invariablement la leçon de M. Il va de soi que la lecture du tableau
sera facilitée et enrichie par un recours constant au^ texte de l'édition.
89 7 Ιληγον ελαχον12 —
8 Ούτοι οίκεΤν μέν ελα- Το των Τούρκων Τό των Τούρκων Ιθ-
νος γένος μέν εστίν νος γένος μέν έστιν
Ούνικόν, οίκεΤν δ' Ούννικόν, οικεΤ δέ
Ιλαχε13
11. Seules sont omises les divergences dues au redoublement d'une consonne
(Άρραξιν, Άρράξιδος, "Αρραβας, Άρράβων, "Αρραψι, έπιρρωσθείς : ρ. 91 7, 91 1β et 9520, 95e,
9719, 9722, 9918), à moins que le mot ne soit relevé pour une autre variante, ou aux faits
habituels d'itacisme (Μηδείας, avSpiqc : p. 8915·22, 934).
12. La leçon de M supprime la difficulté que constitue la variante de T. Le verbe
έληγον, retenu par Meineke et Gautier, embarrassait Poussines : il proposait la
correction suivante, qui lui était inspirée par la suite du récit (p. 973), mais qui est tout
aussi contestable : ήρξαντο και πολεμεΐν.
13. La phrase entière (p. 89813) est reconstruite dans T, peut-être à la suite de la
chute d'un membre de la phrase. L'ensemble des variantes qui affectent ces lignes
doivent être considérées simultanément. M fournit un texte satisfaisant, avec un même
sujet (έθνος) pour les trois propositions, qui sont reliées par les particules μέν/δέ/δέ. Le
LE TEXTE DE L'HISTOIRE DE NICÉPHORE BRYENNIOS 243
texte de M reste très proche du modèle. La version de Τ commence par un μέν qui ne
trouve pas son correspondant dans la suite ; conscient de la difficulté, Meineke
proposait d'ajouter 8έ après αύτόνομον.
14. Dans le texte de T, la particule μέν crée le même problème que dans la phrase
précédente ; la leçon commune de M et du modèle supprime la difficulté.
15. Un grand nombre de variantes concernent les noms de personnes et de lieux. Ici
la leçon erronée de M semble servir de passage entre le modèle et Τ et expliquer l'erreur
de T, qui amena Poussines à supprimer, pour cause de double emploi, le καΐ Μηδίας de la
ligne suivante.
16. De ces trois leçons, seule celle de M est recevable, car T fournit un ethnique
inconnu par ailleurs et Skylitzès un ethnique qui est connu, mais qui est sans lien avec
l'empire perse; voir l'édition, p. 89 n. 7. Mais les Hyrcaniens (Ύρκανοί ou, plus
fréquemment, Ύρκάνιοι) sont bien une peuplade de la région : ils habitaient au sud-est
de la mer Caspienne (appelée aussi dans l'antiquité mer Hyrcanienne) et, conformément
à l'ordre suivi dans le texte, ils se trouvaient entre les Chorasmiens au nord et les Mèdes
au sud ; voir Hérodote, III, 117; Strabon, Geographica, XI, 7-8 : A. Meineke, p. 713-
721. D'après l'apparat critique qui accompagne la dernière édition de l'Histoire de
Skylitzès, aucun manuscrit ne présente la leçon de M. On doit conclure qu'il s'agit
d'une correction, mais on ne peut déterminer à qui elle est due et à quand elle remonte.
La leçon corrompue de T dérive de l'Histoire de Skylitzès plutôt que du modèle
commun de M et de T. On trouve plus bas, dans le manuscrit M, un autre cas de
correction semblable : voir la note 22.
17. Voici un exemple typique des erreurs manifestes et assez fréquentes de M, qui
est alors clairement réfuté par l'accord de T avec le texte de Skylitzès. La suite
présente d'autres cas semblables : p. 91912, 931β24Μ, 951·7·14, 978·19, 99384M2aa8.
244 A. FAILLER
99 1 άρχων κατάρχων —
και ό Κωνσταντίνος ό Κωνσταντίνος37 ό Κωνσταντίνου
32. Aussi bien à la ligne 3 qu'à la ligne 1, le régime au datif doit être préféré. La
supériorité globale de M sur Τ renforce ce point de vue. A la ligne 3, Poussines a corrigé
en datif l'accusatif de T, que Meineke et Gautier ont rétabli.
33. Voir la note 22.
34. Ici et plus loin (p. 9911), M s'accorde avec le texte de Skylitzès pour faire du nom
Koutloumous un oxyton indéclinable. Il est également traité comme indéclinable dans
les deux autres emplois ultérieurs (p. 2413, 25921), mais considéré comme périspomène.
35. L'amputation du toponyme dans les deux manuscrits provient sans doute d'une
obscurité ou d'une corruption du modèle. La variante suivante de M paraît en
témoigner : le copiste essaie probablement de reconstituer un texte qui est détérioré.
36. En ajoutant un sigma final à la leçon de T, Poussines a retrouvé le texte
authentique : 'Ρωμαίους κρατοϋντας. Celui-ci est repris par l'édition de Venise. Mais
Meineke, suivi par Gautier, retient le verbe composé, de même sens et de même
régime : εγκρατοΰντας. Pourquoi cette substitution, que rien n'impose? Elle est due à la
mauvaise interprétation que Meineke a faite de la note que Poussines a insérée dans son
édition princeps et dont voici les termes : « Paulo post medium sectionis 'Ρωμαίους
κρατοϋντας etc. rescriptum έκ κρατούντα.» Il faut lire les lettres grecques de la fin en deux
mots séparés, dont le premier est de la plume de Poussines et n'appartient pas au texte
du manuscrit transcrit. Poussines veut dire que κρατοϋντας est une correction de
κρατούντα. Meineke a cru que la leçon de T était έκκρατοΰντα, qu'il a logiquement corrigé
en εγκρατοϋντας. L'apparat de la dernière édition va dans le même sens.
37. Cette leçon doit être examinée avec les deux suivantes. Voici le texte de
Skylitzès qui a servi de modèle : Στέφανος πατρίκιος] δ Κωνσταντίνου ... της Λειχουδίας υιός
(Etienne, le fils de Constantin Leichoudès). Si l'on prend en compte les modifications
que Nicéphore Bryennios introduit dans la phrase, on attend le texte suivant : è
248 A. FAILLER
Κωνσταντίνου..., δν και Λειχούδην έκάλουν, υιός. Sans doute est-il inutile de chercher
quelque information nouvelle dans les variations de Τ et M par rapport à cette
expression et d'essayer de les expliquer.
38. Ce passage illustre bien les lacunes de T, car il fait incontestablement partie du
texte authentique de Nicéphore Bryennios.
39. M s'éloigne du modèle qu'est l'Histoire de Skylitzès et, de plus, il propose un
texte gravement incorrect; une précédente variante (p. 978) fournit un exemple
identique.
40. Au début du chapitre 11 du livre I, Nicéphore Bryennios reprend son récit au
point où il l'a laissé au commencement du chapitre 7, après avoir inséré dans son
Histoire un long passage sur l'origine des Turcs et leur avancée vers l'ouest, passage
emprunté presque littéralement à Skylitzès. Le texte sort désormais de la seule plume
de Nicéphore Bryennios, et on ne peut plus juger les divergences entre Τ et M à l'aune
d'un modèle. Indépendamment de la préférence dont M a été crédité dans les chapitres
précédents, la tournure grammaticale qu'il adopte dans cette première variante du
chapitre paraît plus adéquate que celle de T.
41. Le mot Χαλτική, qui n'est signalé nulle part ailleurs et que le dernier éditeur a
considéré comme un équivalent de Χαλδία (ρ. 100 n. 3), le thème de Chaldia, n'est que
l'invention d'un mauvais copiste et n'existe pas. Il faut lire, à la suite de M, Γαλατική et
revenir au début du chapitre 7, où on signale précisément que Manuel Komnènos se
trouvait avec son armée en Galatie (περί Γαλατάς : p. 895) et s'apprêtait à attaquer les
Turcs. La bataille eut lieu bien en deçà du thème de Chaldia, à Sébasteia dans le thème
Arméniaque (p. 1017 et p. 100 n. 5).
LE TEXTE DE L'HISTOIRE DE NICEPHORE RRYENNIOS 249
42. Ici comme plus bas (p. 101 ie), la graphie correcte est celle de M.
43. L'addition de M donne à la phrase une tournure plus adéquate. Il en va de
même pour la leçon précédente. Il n'est pas utile de multiplier les notes : on se
contentera de remarquer, de manière générale, que M donne le plus souvent le meilleur
texte (p. îoi·/8·15·1»/*-»-«^ 1032/1·8), mais qu'il commet aussi au moins une bévue (p. 10121)
et semble, dans un cas (p. 10124), avoir reconstruit la phrase après la perte d'un mot.
44. Dans cette phrase (p. 10125-1033), les cinq variantes de Τ constituent des leçons
plus faciles. Le pronom démonstratif doit, de toute manière, être mis au génitif, comme
il l'est dans M. Mais le cas des quatre verbes est moins clair : le texte de Τ est le seul
syntaxiquement correct, une fois effectuée la correction de αυτομολήσει en -ση (de
préférence à une correction plus violente en -σείε, comme on le trouve dans la dernière
édition), la succession d'un subjonctif et d'un optatif étant fréquente dans ce cas de
figure. Le texte de M exigerait, pour être correct, le remplacement du pronom αύτω
(p. 1031) par une deuxième personne. Il est probable que le texte de Τ résulte d'une
simplification de l'original, qui serait plutôt conservé par M. Une maladresse dans le
traitement du style indirect n'est pas exclue.
250 A. FAILLER
Albert Failler
C.N.R.S.-UA 186
et Institut français d'Études byzantines
45. La leçon de Τ est sans doute amputée d'un membre de phrase, et l'omission
s'expliquerait aisément par un passage du même au même (χρησάμενος).
46. Voici ces leçons : p. 8910/1, 9325, 101 19/2. Par contre, deux corrections de la
dernière édition sont à rejeter : γυναικείας (ρ. 9382) peut et doit être conservé, de même
que πρέσβεσιν (p. 995 : voir p. 39).