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Sophia Mergiali-Falangas

«Didascale» de l'Église : un titre et deux réalités


In: Revue des études byzantines, tome 52, 1994. pp. 175-185.

Résumé
REB 52 1994 France p. 175-185
Sophia Mergiali-Falangas, «Didascale » de l'Église : un titre et deux réalités. — Partant de quelques exemples caractéristiques
de maîtres d'école connus à Constantino- pole, à Thessalonique et en Crète à l'époque des Paléologues, l'auteur signale la
particularité de leur enseignement (instruction profane et dogmatique) et la ressemblance de leur cursus avec celui d'un
«didascale» de l'Église. Si le rôle des didascales au sein de la hiérarchie enseignante de l'Église est difficile à cerner dans sa
diversité, on constate pourtant, à travers ces exemples de maîtres de l'époque des Paléologues, que le ministère des didascales
s'étendait dans certains cas au-delà de la stricte prédication et comportait une activité pédagogique et scolaire.

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Mergiali-Falangas Sophia. «Didascale» de l'Église : un titre et deux réalités. In: Revue des études byzantines, tome 52, 1994.
pp. 175-185.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1994_num_52_1_1890
«DIDASCALE» DE L'ÉGLISE :
UN TITRE ET DEUX RÉALITÉS

Sophia MERGIALI-FALANGAS

Appréhender la diversité et l'étendue du rôle des didascales dans le


cadre de la hiérarchie enseignante de l'Église nous est apparu néces
saire étant donné l'ambiguïté quant aux fonctions réelles de la charge
en question à travers les sources et notamment celles de la dernière
phase de l'époque byzantine. D'autant plus que ce terme, appliqué
principalement pour qualifier les personnes qui avaient comme attr
ibutions la prédication et le contrôle des mœurs des fidèles (prédica
teurs) l, recouvrait indirectement, semble-t-il, les activités des maîtres
d'école2.

1. Cf. P. Gautier, L'édit d'Alexis Ier Comnène sur la réforme du clergé, BEB 31,
1973, p. 193227239. En fait, l'édit d'Alexis Ier visait à ranimer le corps des didascales,
institution somnolente de l'époque des Apôtres et des Pères de l'Église. Sur les didas
cales connus jusqu'au 12e siècle, voir Vasiliki Léontaritou, 'Εκκλησιαστικά αξιώματα και
υπηρεσίες κατά την πρώιμη και μέση Βυζαντινή περίο8ο, Athènes 1993, § 30, ρ. 185-188. Sur
l'enseignement théologique procuré par l'Église avant la réforme d'Alexis Ier Comnène,
voir J. Meyendorff, Theological Education in the Patristic and Byzantine eras and
its lessons for today, St. Vladimir's Theological Quarterly 31, 1987, p. 197-213 ; un spéc
imen de l'enseignement dogmatique et spirituel procuré aux laïcs vers le milieu du
13e siècle nous est donné par une œuvre intitulée «Trésor»; à ce sujet, voir J. Munitiz,
Religious instruction in the mid-xmth century : the evidence of an unpublished Greek
Θησαυρός, Ades du XVe Congrès international d'Études byzantines. Athènes - Septembre
1976. IV, Histoire, Athènes 1980, p. 253-258.
2. La novelle d'Alexis Ier prévoit l'entrée dans le corps des didascales de laïcs qui
ont fait preuve de διδασκαλικός λόγος (cf. L'édit d'Alexis Ier, p. 189185190 et p. 1952β3-2βδ),
ce qui sous-entend par conséquent des activités d'enseignant de nature profane ; cf. à ce
sujet J. Darrouzès, Becherches sur les Όφφίκια de l'Église byzantine, Paris 1970, p. 73
n. 3 : «La situation des didascales les plus bas varie donc du laïcat aux ordres mineurs;
comme tous ne sont pas affectés au ministère pastoral, la novelle (se. d'Alexis Ier)
touche indirectement le personnel des écoles». Une série d'études ont déjà été consa
crées à l'existence de tels maîtres dans la capitale au cours du 11e et du 12e siècle, dont
la nomination est souvent à la discrétion du patriarche et qui, sous le titre de παιδευτής
ou μαίστωρ, dispensent un enseignement élémentaire ou secondaire, considéré comme
préparatoire aux matières théologiques enseignées ensuite par les didascales du Psaut
ier, de l'Apôtre et de l'Évangile ; à ce propos, voir P. Lemerle, Cinq éludes sur le

Revue des Études Byzantines 52, 1994, p. 175-185.


176 SOPHIA MERGIALI-FALANGAS

En fait, notre attention s'est particulièrement portée sur les didas-


cales dont le ministère s'étendait au-delà de la stricte prédication de
la parole sacrée et comportait une activité pédagogique et scolaire.
Pourtant, la distinction des didascales en prédicateurs et maîtres
d'école n'est généralement pas faite dans les sources, qui passent sous
silence l'existence de la deuxième catégorie. A ce propos, le témoi
gnage de Nicéphore Grégoras est à signaler : il concerne les didascales
de l'Église des temps antérieurs et ne fait aucune allusion au caractère
profane de l'enseignement qu'ils dispensaient. En fait, il les classe en
deux catégories : d'une part, ceux qui étaient chargés d'enseigner
dans différents lieux de Constantinople le Psautier, l'Apôtre et
l'Évangile (exégètes) ; d'autre part, les clercs qui prêchaient la parole
de Dieu périodiquement dans les familles ou dans les réunions
publiques (prédicateurs)3. En d'autres termes, l'historien cite unique
mentl'enseignement dispensé au sein de l'Église soit pour la forma
tionthéologique du futur clergé, soit pour la formation morale du
peuple dans le cadre de la doctrine orthodoxe.
Quant à l'historien du concile de Ferrare-Florence, Sylvestre Syro-
poulos, faisant mention des didascales de l'Église qu'il connut pen
dant sa jeunesse, il cite d'abord deux exemples bien connus de prédi
cateurs, Joseph Bryennios et le futur patriarche Euthyme II, pour y
ajouter un peu plus bas un troisième, Jean Chortasménos, qu'il veille
à distinguer, semble-t-il, d'une manière particulière des deux autres
en le comptant à la fois parmi «les savants et les grands didascales»4 ;
il en résulte que la distinction entre les deux types de didascales (pré
dicateurs et maîtres d'école) est établie dans la conscience collective
des Byzantins et que, vu les significations diverses que le terme de
didaskalos recouvre, d'autres substantifs sont employés parfois pour

XIe siècle byzantin, Paris 1977, p. 227-235; R. Browning, Enlightenment and repres
sion in Byzantium in the eleventh and twelfth centuries, Studies on Byzantine History,
Literature and Education, Variorum Reprints, London 1977, ch. XV, p. 4; Darrouzès,
Όφφίκια, p. 66-79; Β. Katsaros ('Ιωάννης Κασταμονίτης. Συμβολή στή μελέτη τοΰ βίου, τοϋ
έργου και της εποχής του, Thessalonique 1988, ρ. 206-207) fait la distinction entre les
deux types de didascales de l'Église, les identifiant dans certains cas à un maître d'école
qui exerce à titre privé, sans dépendance de l'Église et sans statut particulier (cf.
ibidem, p. 185). Il admet en même temps la difficulté de définir les charges exactes des
didascales dans le cadre de l'Église. C'est également la conclusion de Éleuthéria Papa-
gianni (Ta οικονομικά τοϋ έγγαμου κλήρου στο Βυζάντιο, Athènes 1986, ρ. 82 η. 17).
3. Nicéphore Grégoras, Historia Byzantina, p. 18420"24 et p. 1851"8.
4. Sylvestre Syropoulos, Les «Mémoires» du Grand Ecclësiarque de l'Église de
Constantinople Sylvestre Syropoulos sur le concile de Florence (1438-1439), éd. V. Laurent,
Paris 1971, p. 4482825 : Où μόνον δέ εκείνος, άλλα καί πάντες οι λόγιοι καΐ οί σοφοί έπήνουν
αυτήν ώστε γενέσθαι και οί 8ι8άσκαλοι της 'Εκκλησίας ημών, έξ ών έφθασα και έγώ τόν
πατριάρχην κϋρ Εύθύμιον, τόν 8ι8άσκαλον κϋρ 'Ιωσήφ ... ; p. 4502 : εΐδον δέ καΐ τόν Σηλυβρίας τόν
Χορτασμένον, δς ήν τών λογίων και των μεγάλων 8ι8ασκάλων εις...
«DIDASCALE» DE L'ÉGLISE 177

faire ressortir les différences5. Lorsque les textes en viennent à


comparer prédicateurs et professeurs, ce n'est que pour mettre en
évidence la supériorité et le grand mérite de l'enseignement procuré
par les premiers face à celui des deuxièmes6.
Bien que les sources ne le disent pas toujours clairement, certaines
données nous permettent d'identifier un didascale de l'Église derrière
l'activité d'un certain nombre de maîtres de l'enseignement primaire
ou secondaire à l'époque des Paléologues. Ainsi, on peut identifier des
itinéraires similaires chez la plupart de ces maîtres dont l'activité
d'enseignant ne constitue pas un but en soi, mais précède soit leur
entrée soit leur promotion dans la hiérarchie de l'Église. Mais, être
didascale ne présuppose pas toujours un statut bien défini par rapport
à l'Église, surtout au niveau de la nomination et de la rétribution,
puisque l'activité des maîtres qui exercent à titre privé et sont rétr
ibués par la famille de leurs élèves est également bien attestée. Enfin,
il apparaît encore que les didascales ne visent pas μniquement à l'in
struction profane de leurs élèves, mais aussi au développement de leurs
qualités morales. Par conséquent, leur rôle est double : pédagogue et
maître à la fois, un didascale aspire à donner à ses élèves un idéal
éthique selon le dogme orthodoxe et un savoir de niveau rudimentaire
ou encyclopédique en fonction de ses propres compétences7.

5. C'est le cas pour Joseph Bryennios, didascale de Γ Église-prédicateur, que l'histo


rien Georges Sphrantzès appelle «le vrai maître»; cf. Chronicon, éd. Maisano, Rome
1990, p. 121921 : άπελθών εις τήν τοϋ Χαρσιανίτου μονήν, έν f) ήν και ό κατ' άλήθειαν διδάσκαλος
κυρ 'Ιωσήφ ...
6. La lettre qu'un certain Sophonias adressa à Macaire Chrysoképhalos, métropolite
de Philadelphie et didascale de l'Église-prédicateur, nous offre un exemple significatif
dans ce sens (R. Walther, Ein Brief an Makarios, den Metropoliten von Philadelphia,
JOB 22, 1973, p. 22924-26-30-32) : Διδασκάλους γαρ πάνυ θαυμαστούς ήμΐν αύχήσαι ό χρόνος
δέδωκεν, άλλ' οΰπω και τήμερον τοιούτω κατά σε προαγωνιστη και υφηγητή των καλλίστων
μαθημάτων ένετύχομεν ... Τους γαρ σους λόγους ουκ άλλο τι ή θείας φωνής ήγηνται και πάντας μέν
τους άλλους άνθρωπικότερον φθέγγεσθαι, σέ δ" άντικρυς άπ' ούρανοϋ...
7. Les sources de l'époque des Paléologues ne laissent subsister aucun doute sur la
double nature du rôle des didascales de l'Église. S'adressant à Marc Eugénikos, qui fut
son premier maître, Georges Scholarios utilise une expression caractéristique (Georges
Scholarios, Lettres, éd. Sp. Lampros, Παλαιολόγεια και Πελοποννησιακά, III, p. 2431"4) :
Ώς γαρ εκείνοι της φύσεως, οΰτως αυτός μοι λόγων τε καΐ ηθών τα σπέρματα κατεβάλου ... De
même, Théodore Agallianos, qui avait le même maître, précise (Théodore Agallia-
nos, Λόγος A' : Περί των κατ' αυτόν η κατά των κατ' αΰτοΰ, éd. Ch. G. Patrinélis, Ό
Θεόδωρος Άγαλλιανός ταυτιζόμενος προς τον Θεοφάνην Μήδειας και οί ανέκδοτοι λόγοι του,
Athènes 1966, p. 9380"93) : ΈμοΙ τοίνυν παιδιόθεν ύπό των φυσάντων έκδοθέντι τη καθολική
εκκλησία και τω ταύτης πνευματικφ προϊσταμένω καΐ ίθύνοντι αυτήν, προ των άλλων απάντων
έμέλησεν ή τε περί την πίστιν αληθής δόξα και ή των λόγων μάθησις ύπό παιδευτη τε και
διδασκάλω τφ μακαριωτάτω άρχιερεϊ της Έφεσίων μητροπόλεως Μάρκω, Ιτι περί τόν κόσμον
διάγοντι καΐ τω τοϋ ρ*ήτορος έμπρέποντι όφφικίω. Le témoignage d'Isidore Boucheiras, qui
tenait une école dans sa propre maison, apporte une autre preuve à ce propos (Vie
d'Isidore, le patriarche, éd. D. Tsamis, Φιλόθεου Κόκκινου 'Αγιολογικά ίργα, Thessalonique

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178 SOPHIA MERGIALI-FALANGAS

A travers la présentation de quelques exemples caractéristiques de


maîtres connus à Constantinople, à Thessalonique et en Crète, qui se
trouvent en rapport, plus ou moins défini, avec l'Église, on tentera de
mieux cerner la question des didascales et d'éclairer leur rôle dans le
système éducatif et dans la société byzantine de l'époque des Paléo-
logues.
En premier lieu, considérons le cas de Manuel Gabalas (ca. 1271/
72-1355/60), originaire de Philadelphie et futur métropolite
d'Éphèse. Ordonné prêtre par Théolepte de Philadelphie et investi de
la charge de chartophylax de la même métropole, Gabalas séjourne
pendant la période 1321-1329 dans un grand monastère de la capi
tale8 et y reçoit tous ceux qui souhaitent bénéficier de ses conseils en
matière spirituelle ou profane. Parmi eux, Georges Oinaiôtès s'adresse
à Gabalas, qu'il nomme didaskalos, comme à son directeur spirituel9.
En même temps, Gabalas déploie une activité d'enseignant, comme
cela a été prouvé dans le cas de Michel Philanthrôpènos et de Jean
Choumnos. Le premier, né vers 1293/95 à Philadelphie, a été confié
par son père Alexis Philanthrôpènos à Gabalas, qui fut son précepteur
et maître ; plus tard, vers 1325, il poursuivit ses études auprès de
Gabalas à Constantinople 10. Jean Choumnos, le fils aîné de Nicéphore
Choumnos, reçut aussi auprès de Gabalas son enkyklios paideia,
comme nous l'apprend la monodie que le maître composa pour déplo
rer la mort prématurée de son ancien élève11. L'activité d'enseignant

1985, p. 34315"21) : έπαιδεύοντο παρά τοϋ καλοϋ διδασκάλου, τόν έαυτοϋ βίον τε και τήν πολιτείαν
εικόνα τινά και άρχέτυπον άπασι προτιθέντος ' ην δή και διδασκαλίαν άρίστην καί λαμπράν ΐσμεν ...
ώς μηκέτι γραμματικής μάλλον και μαθημάτων των Ιξω παιδευτήριον και σχολήν έκείνην όρασθαι,
δσον της άνω τε και θείας φιλοσοφίας..., μάλλον δέ και αμφοτέρων επίσης... Enfin, Manuel
Gabalas, parlant de la formation qu'il reçut de Théolepte de Philadelphie, signale
(Matthieu d'Éphèse, Monodie, éd. L. Previale, Due monodie inédite di Matteo di
Efeso, BZ 41, 1941, p. 3158) : κάγώ ως σύ παις έκείνω πνευματικώς αναγεννηθείς..., και έκ
πρώτης ηλικίας αυξηθείς υπ' εκείνου και το σώμα και τήν ψυχήν, και λόγων μεταλαχών, τών μέν
παιδείας, τών δ' αρετής.
8. St. Kourousès, Μχνουηλ Γχβχλχς εϊτχ Μχτθχϊος Μητροπολίτης 'Εφέσου (1271/2-13S5I
60), Athènes 1972, ρ. 105.
9. Ibidem, ρ. 101 η. 2 : Σύ δέ, θεία μοι κεφαλή και παντός έργου και λόγου και πράγματος
τοϋ λοιποϋ..., ό τής αληθώς φιλοσοφίας καθηγεμών και κανών...
10. Matthieu d'Éphèse, Lettres, éd. D. Reinsch, Die Briefe des Matthaios von
Ephesos im Codex Vindobonensis Theol. Gr. 174, Berlin 1974, n° 152'7 β7β9 : και γαρ έγώ σοι
πρώτος, 6ς γε όρας, και τα κατά τους λόγους τυγχάνω υποτιθέμενος κηδεμονίας Ινεκα τής προς σέ
και τοϋ φιλεϊν μάλιστα τόν άριστον έν άνθρώποις καί σόν δηλαδή πατέρα. Cf. Kourousès,
206-208.'
op. cit., p.
11. Kourousès, op. cit., p. 190 n. 3 : ... οί δέ πάσχουσι και μάλα δεινότερα τών έκ γένους
μεμνημένοι και τροφής καί διαίτης και σπουδασμάτων τών έκ πρώτης μονονουχί ηλικίας · δ δή
κάγώ κινδυνεύω πάσχειν έκλαθόμενος καί γήρως καί σχήματος · αναγκάζομαι γαρ θρηνωδός
γίνεσθαι καί τοΰ πάθους συμμεριστής αντί διδασκάλου καί παραινέτου · άλλα τί μή λέγω τους ους
έγώ τε καί σύ κοινούς διηθλεύσαμεν περί λόγους αγώνας τα έγκύκλια μετιόντες...
«DIDASCALE» DE L' ÉGLISE 179

de Gabalas, qui a plutôt un caractère privé, prendra brusquement fin


lors de son élection au trône métropolitain d'Éphèse en 1329.
En réalité, les exemples les plus représentatifs de cette catégorie de
didascales apparaissent durant le premier quart du 15e siècle à
Constantinople et laissent entendre que, quoique la profession d'en
seignant ne constitue pas un but en soi pour ces maîtres, ce sont eux
qui assurent principalement l'enseignement primaire et secondaire.
En effet, Jean Chortasménos, notaire du patriarcat à partir de
1391, assure de manière officieuse l'enseignement secondaire à
Constantinople dans le premier quart du 15e siècle. Étant redevable à
l'Église de sa première formation scientifique, notamment en géomét
rie 12, Chortasménos put parfaire plus ou moins son instruction d'une
part grâce à ses contacts occasionnels avec Dèmètrios Chrysoloras 13,
d'autre part grâce à ses propres études dans les livres d'astronomie
que Théodore Métochite et Nicéphore Grégoras avaient laissés dans le
monastère de Chora 14.
Pour ce qui est de son activité de professeur d'enkyklios paideia, il
n'est pas prouvé que le patriarche soit intervenu de quelque façon en
ce qui concerne sa nomination ou sa rétribution, et aucun document
officiel ne vient nous confirmer son éventuel statut de didascale de
l'Église. Par ailleurs, tout au long de sa correspondance, qui nous
donne des détails concernant ses élèves, leurs parents, leur statut
social et l'expérience que lui-même acquiert comme professeur, Chor
tasménos n'aborde jamais le sujet de ses honoraires, ce qui nous per
mettrait d'en induire qu'il exerçait en tant que maître privé. Pourt
ant, les autres exemples de maîtres d'enkyklios paideia qui ont
enseigné à titre privé montrent que le sujet des honoraires les pré
occupait constamment. Or, il y a sans doute un rapport entre l'acti
vitéd'enseignant de Chortasménos et l'étape finale de sa longue car
rière ecclésiastique, qui n'est autre que son élévation sur le trône

12. Par ordre spécial du patriarche Matthieu Ier (1397-1410), Michel Balsamôn, prô-
tekdikos et katholikos didaskalos, fut chargé d'initier Jean Chortasménos à la géomét
rie;voir, à ce sujet, J. Darrouzès, Les regestes des actes du patriarcat de Constanti
nople. 1/6, Les regestes de 1377 à 1410, Paris 1979, n°3060; H. Hunger, Johannes
Chortasménos (c. 1370 -c. 1436/37), Vienne 1969, p. 15 n. 20.
13. Jean Chortasménos, Lettres, éd. H. Hunger, op. cit., n° 22, p. 1738998.
14. Cf. A. Martini -D. Bassi, Catalogus codicum Graecorum Bibliothecae Ambrosia-
nae, Milan 1906 (réimpression New York 1978), I, n° 1005, p. 1076 : Theodori Meto-
chitae compendii astronomici libri III; p. 1077 : + ίωάννης ό χορτασμένος ό τα ένταϋθα
γεγραμμένα μετ' επιμελείας πολλής άναγνούς, καΐ λίαν ωφεληθείς Θεοδώρου μεγάλου λογοθέτου
τοϋ μετοχίτου, του δια τοϋ θείου και αγγελικού σχήματος μετονομασθέντος θεόληπτου μοναχού
αιωνία ή μνήμη. + ταϋτα σοι παρ' έμοϋ ΐωάννου 8ι8χσχάλου τοϋ χορτασμένου. Cf. Ι. SevÈenko,
Éludes sur la polémique entre Théodore Métochite et Nicéphore Choumnos, Bruxelles 1962,
p. 114; Idem, Some autographs of Nicephorus Grégoras, ZRVI 8, 1964, p. 443.
180 SOPHIA MERGIALI-FALANGAS

episcopal de Sélymbrie. Par ailleurs, les exhortations à contenu moral


rédigées par lui se rattachent sans doute à son activité de didascale de
l'Église ; là, après avoir fait la distinction entre connaissance divine et
connaissance profane, et formulé la doctrine de la «double vérité»15,
Chortasménos met à la disposition de ses contemporains des règles
morales, issues de sa propre expérience, en vue de faciliter leur vie
dans le monde 16. Chortasménos se révèle à travers son traité moral un
pur homme d'Église qui soumet même ses aspirations scientifiques à
ses convictions spirituelles 17 et propose un mode de vie basé sur la
modestie et la prudence. Chortasménos passera à la postérité comme
fin lettré et grand didascale 18.
On constate par ailleurs que l'Église participe aussi à l'enseign
ement primaire durant ce premier quart du 15e siècle. Georges Eugéni-
kos, Marc Eugénikos et Jean Syropoulos constituent trois exemples
de dignitaires de la Grande Église qui exercent également comme
maîtres de l'enseignement primaire. Qualifiés de didaskaloi et de pai-
deuiai, ils se trouvent à la tête d'un didaskaleion comme maîtres
uniques, en associant à un enseignement élémentaire des préceptes
moraux dans le cadre du patriarcat.
De façon plus précise, on arrive à déceler la bienveillance du
patriarche pour une école primaire de la capitale dans le cas de Marc
Eugénikos. A cet égard, on voit le patriarche Joseph II (1416-1439)
confier son jeune protégé Théodore Agallianos à l'école de Marc Eugén
ikos, et cela dans l'intention de lui transmettre les principes de la
doctrine orthodoxe et une première formation profane 19. Or, on sait
que Marc Eugénikos enseignait, tout en étant investi de la charge de
rhéteur des notaires du patriarcat (de 1416 à 1420), à l'école patern
elle, où il avait fait ses classes élémentaires jusqu'à l'échelon de la
rhétorique, en ayant comme maître son propre père Georges Eugénik
os20. Même si l'école de la famille Eugénikos apparaît comme une

15. Chortasménos, 'Ηθικά παραγγέλματα, éd. Hunger, op. cit., p. 2382β : Έπειδήπερ
είσί δύο γνώσεις èv τω κόσμω, ή τε δντως ούσα τοϋθ' 8περ και λέγεται, και ή δοκοϋσα, και δύο
σοφίαι καΐ δύο άλήθειαι και δύο πολιτεΐαι, και της μέν αληθινής σοφίας και γνώσεως και της δντως
πολιτείας διδάσκαλος έστιν ό μόνος σοφός τε και αληθής Θεός, ό Χριστός, της δέ ψευδωνύμου και
αντιθέτου γνώσεως καΐ των λοιπών άλλοι παρ' άλλοις άνθρωποι...
16. Ibidem, p. 238-242, et surtout p. 2382*1031'32 : έκ γαρ ών πεπείραμαι χρηστών τε και
πονηρών έν τφ βίφ, τους λόγους έκρινα διαθέσθαι...
17. Ibidem, p. 241107117 : Πάντα μέν άνθρώπινον λογισμόν, καν ύφ' οιουδήποτε εϊη τών παρ'
"Ελλησι σοφών εύρημένον, κάν ύπό τίνος τών έπί σοφία κοσμική περιβόητων, κλονεΐσθαι νόμιζε
και άστατεΐν και μηδαμή μηδαμώς τό έστός εχειν και πάγιον και άμετακίνητον..., μόνα δέ τα
βήματα της Θείας Γραφής νόμιζε εϊναι πράγματα ούρανοϋ υψηλότερα, γής μονιμώτερα ...
18. Les «Mémoires » de Sylvestre Syropoulos, IX, 15, éd. Laurent, p. 4502.
19. Théodore Agallianos, op. cit. (n. 7), p. 938085.
20. Georges Eugénikos (PLP 6188) exerçait comme maître de l'enseignement pr
imaire parallèlement à ses fonctions ecclésiastiques d'anagnôstès (1389), de primicier des
«DIDASCALE» DE L'ÉGLISE 181

institution privée21, on est porté à croire qu'elle fonctionnait sous les


auspices du patriarche et qu'elle permit à ses maîtres, Georges et
Marc Eugénikos successivement, de faire une carrière ecclésiastique
brillante, constituée pour le père de hautes charges ecclésiastiques,
pour le fils de l'épiscopat d'Éphèse.
Sylvestre Syropoulos et son père Jean constituent un cas presque
identique à celui de Marc et Georges Eugénikos. Or, Sylvestre Syro
poulos, retraçant son itinéraire intellectuel, signale qu'il a eu comme
premiers maîtres ses parents, qu'il qualifie clairement de didascales de
l'Église22, et il ajoute que le patriarche les connaissait parfaitement23.
Une fois sa formation achevée auprès d'autres hommes «savants et
admirables», Syropoulos suivra l'exemple de sa famille et se fera
admettre au sein du clergé de Constantinople avec le titre très hono
rable de didascale de l'Évangile.
Théodore Agallianos, diacre et hiéromnèmôn du patriarcat, est
connu aussi comme διδάσκαλος24 : il enseigna de 1440 à 1443 à un
groupe d'élèves dans un lieu adjacent à l'église Saint-Théodore25;
parmi ses disciples, on connaît de nom Manuel Christônymos, qui fut
patriarche de 1476 à 1481 26. Pourtant, il est à signaler que son acti
vité d'enseignant coïncide avec la période de son désaccord avec le
patriarche Métrophane, période qui le voit privé de ses charges ecclé
siastiques et mis à l'écart de la vie active lorsqu'il fut frappé de la

notaires (1391), de protonotaire (1400), de prôtekdikos (1400-1401) et enfin de sakelliou


(1402-1406), et ses cours étaient très fréquentés.
21. Synaxaire de Marc d'Éphèse, éd. S. Pétridès, Revue de l'Orient chrétien 15, 1910,
p. 100 : διάδοχος ήδη του πατρικού φροντιστηρίου και της περί τους νέους επιμελείας γεγονώς και
μέντοι και πλείστους λογίους και διδασκάλους ήδη κατασκευάσας ώσπερ εκείνος...
22. Le père de Sylvestre était, selon toute vraisemblance, Jean Syropoulos, qui a
fait une carrière brillante à Sainte-Sophie comme prôtekdikos (1396-1399), sakelliou
(février et mars 1400), grand skévophylax (fin 1400 et dans la suite) ; cf. Les «Mémoires »
de Sylvestre Syropoulos, éd. Laurent, p. 5.
23. Ibidem, p. 46624~27 : Παρά αρίστων γονέων και διδασκάλων της 'Εκκλησίας γεννηθείς καΐ
τραφείς και παιδευθείς Θεοϋ χάριτι, ους οΐδεν ακριβώς και ή μεγάλη άγιωσύνη σου, έκαρπούμην
άεί άπό τε τοιούτων και άπο τών άλλων τών λογίων καί θαυμάσιων ανδρών ους Ιφθασα καί εϊδον έν
τή" πατρίδι...
24. Sur Théodore Agallianos, voir PLP 94 et Patrinélis, op. cit., p. 26-42.
25. La précision est donnée par un moine qui s'adresse à Agallianos en ces termes
(Patrinélis, op. cit., p. 31 n. 145) : Παροδεύων οδτω καί δια της θυρίδος άτενίσας τό κατά-
σκιον τοδί χαρίεν τό θείον καί τους τοϋ χοροϋ τοϋδε νέους, ταϊς δέλτοις έγκύπτοντας καί την σήν
αγιότητα προς αυτούς διδασκάλου τόπον επέχοντα, εΐσήλθον θεασάμενος, μάλλον δέ πρό πάντων
τούτων προσκυνήσων τόν Ιφιππον τοϋτον άγιον, δν από της επιγραφής Θεόδωρον είναι μανθάνω
τον Τήρωνα, καί ό προσεχώς ούτος ναός τω αύτοϋ ονόματι τετίμηται. L'identification du lieu
de son enseignement auprès de ladite église reste problématique, du fait qu'il existait
dix-sept églises sous la même dénomination ; cf. R. Janin, Les églises et les monastères
[de Constantinople]2, Paris 1969, p. 148-155.
26. Sur ce personnage, voir Patrinélis, op. cit., p. 81-85.
182 SOPHIA MERGIALI-FALANGAS

peine de suspense27. Dans son cas, on est porté à croire que son acti
vité de maître était son seul moyen de subsistance28 et son unique
chance d'être réintégré dans la hiérarchie du patriarcat.
A Thessalonique, on peut distinguer l'activité, au cours de la pre
mière moitié du 14e siècle, de trois maîtres, dont le cursus présente
des similitudes avec celui du didascale de l'Église29 : Isidore Bouchei-
ras, Nicolas-Nil Kabasilas et Grégoire Bryennios. Le premier, fils d'un
prêtre de Thessalonique, sera connu comme professeur d' enkyklios
paideia dès la fin de ses études et jusqu'à son avènement au trône
patriarcal (1347-1350). Son école sera logée dans la maison familiale30,
où Isidore s'efforcera d'initier ses élèves à la grammaire et aux lettres
en utilisant les œuvres des trois Saints Docteurs et en les incitant à
s'abstenir rigoureusement de toute lecture des auteurs païens31. Son
biographe tient particulièrement à nous informer que sa propre vie,
irréprochable du point de vue moral, servait d'exemple à ses disciples,
dont la formation morale et chrétienne le préoccupait en premier
lieu32. Son activité de maître et de pédagogue se déploiera avant qu'il
soit entré en sacerdoce33, et son élève le plus fameux sera Dèmètrios
Cydonès34.

27. Cf. J. Darrouzès, Les regestes des actes du patriarcat de Constantinople. 1/7, Les
regestes de 1410 à 1453, Paris 1991, n° 3389.
28. Les clercs qui ne participaient pas aux offices, habillés conformément à leur
rang, n'avaient pas droit à leur salaire ; voir sur ce sujet Papagianni, op. cit., p. 116.
C'était bien le cas d'Agallianos, qui refusa d'abord de participer aux offices, faisant
ainsi preuve de désobéissance envers un patriarche latinophile (Métrophane), raison
pour laquelle il fut puni.
29. Pour les didascales de l'Église dont l'activité se situe en dehors de Constanti
nople, on sait que leur droit d'enseigner provient par délégation de l'évêque du diocèse,
qui se charge de leur rétribution; à cet égard, voir Darrouzès, Όφψίκια, ρ. 75; Papa
gianni, op. cit., p. 165 n. 66. Lorsqu'ils dispensaient leur activité à titre privé, ils
tiraient les moyens de leur subsistance de leurs élèves; cf. Papagianni, op. cit., p. 226
et n. 15.
30. Vie d'Isidore, le patriarche, éd. D. Tsamis, Φιλόθεου Κόκκινου 'Αγιολογικά έργα,
Thessalonique 1985, p. 33945 : έν οικία πατρική μέση και λόγων διδασκαλία και σχολή παίδων,
ής αυτός δήπου προύκάθητο.
31. Ibidem, p. 3401*5 : "Οθεν και διδάσκαλος, ήπερ έφην, γραμματικής επιστήμης και λόγων
των έξωθεν χρηματίζων το τηνικαϋτα τοις νέοις, ού λόγοις έλληνικοΤς και συγγράμμασι κατά τους
λοιπούς διδασκάλους προς ταύτα και αυτός ένήγεν εκείνους, άλλ' άνάξιον ώς μάλιστα τοϋτο
χριστιανοΐς κρίνων, το μύθοις Ελλήνων φημί... ; ρ. 340Π-34113 : ό σοφός εκείνος είδώς τους τής
εύσεβίας διδασκάλους τε και καθηγητας και των έξω λόγων έφίστησιν έκείνοις τεχνίτας τε και
καθηγητάς, καί μάλιστα γε τών άλλων τους καθ' ημάς τρεις σοφούς.
32. Ibidem, p. 3431521.
33. Ibidem, p. 3432730 : Τοιούτος καί πρό τής ίερωσύνης καί πρό τοϋ σχήματος ό θαυμαστός
'Ισίδωρος ήν και οΰτω παντοίαν άρετήν αυτός τε καθ' εαυτόν ήσκει λαμπρώς καί πασι τοις
χρωμένοις διδάσκαλος καί οδηγός άριστος ήν.
34. Dans sa lettre 86 (éd. R.-J. Loenertz, Correspondance, I, Cité du Vatican 1956,
p. 119ee'°), Dèmètrios Cydonès laisse entendre qu'Isidore était son maître.
«DIDASCALE» DE L'ÉGLISE 183

Pendant la période où il est hiéromoine et avant de devenir métrop


olite de Thessalonique (1361-1363), Nicolas-Nil Kabasilas sera connu
comme maître de rhétorique, notamment de son neveu, Nicolas
Kabasilas Chamaétos35, ainsi que de son ami Dèmètrios Cydonès36;
ce dernier lui vouait une admiration profonde tant pour ses connais
sancesque pour son caractère et la réputation dont il jouissait.
Enfin, toujours à Thessalonique, un autre personnage moins connu,
Grégoire Bryennios, archidiacre et sakelliou de sa métropole, figure
comme didaskalos de Grégoire Akindynos37.
Le titre de didascale de Crète, porté par le moine crétois Joseph
Philagrios de 1367 à 1393 environ, comporte des charges à peu près
identiques à celles d'un didascale de l Église dans l'État byzantin,
adaptées dans ce cas précis aux conditions particulières d'un territoire
sous domination vénitienne. A cet égard, Joseph Philagrios38, ami de
Joseph Bryennios et vicaire d'Anthime, archevêque d'Athènes et
administrateur de Crète de 1361 à 1371, semble avoir des activités
dans le domaine de l'enseignement. Particulièrement doué en ce qui
concerne la réfutation des Latins, Philagrios a laissé dans son manusc
rit autographe, YAngelicus 30, entre autres un discours théologique
sur les divers points de controverse avec les Latins, ainsi qu'une réfu
tation du traité de Dèmètrios Cydonès sur la procession du Saint-
Esprit. En outre, des textes destinés à un enseignement encyclopé
dique qui ont été conservés dans ce même manuscrit laissent entre
voirque son titre de didaskalos comportait, en dehors de ses charges
de prédicateur, une activité relative à l'enseignement39; on a soutenu

35. Cf. A. Angélopoulos, Νικόλαος Καβάσίλχς Χαμαετός. Ή ζωή καί τό ëpyov του,
Thessalonique 1970, ρ. 25.
36. Dèmètrios Cydonès, Ai Greci ortodossi, éd. G. Mercati, Notizie di Prochoro e
Demetrio Cidone, Manuele Caleca e Teodoro Meliteniota ed altri appunti, Cité du Vatican
1931, p. 390«-3918, p. 3911417.
37. Grégoire Akindynos, Lettres, éd. Angela Constantinides-Hero, Letters of
Akindynos, Washington D.C. 1983, n° 5824'28 : σύ δ' ήμϊν, ίερώτατε, και πάλαι καΐ μετά
ταϋτα και νϋν καί, ώς ειπείν, έκ παιδός άχρι τοϋδε, καί φίλος και διδάσκαλος και κομιδη περι
σπούδαστος, και Ιση δια τέλους, καί ζώσι καί μετά βίον, οΐμαι, ει γέ τις αϊσθησις τοιάδε μετά τόν
ώδε βίον. Sur Grégoire Bryennios, voir PLP 3253 et PG 152, col. 1220B-1223D.
38. Sur ce personnage, voir L. Petit, Joseph Philagrios ou Philagrès, DTC 8, 1925,
col. 1542-1543 ; A. Turyn, Dated Greek manuscripts of the thirteenth and fourteenth centu
riesin the libraries of Italy, Urbana 1972, pi. 212, p. 253-254 ; G. Papazoglou, 'Ιωσήφ
Φιλάγρης vj Φιλάγριοζ, Dissertation doctorale, Thessalonique 1978, p. 100-124.
39. Cf. Petit, art. cit., col. 1542 : «en réalité, Joseph Philagrès était un moine crétois
devenu plus tard didascalos dans son île, c'est-à-dire maître et prédicateur». Les disci
plines traitées dans le manuscrit autographe de Philagrios sont la grammaire, la rhéto
rique, la philosophie, l'astronomie, les textes des Pères de l'Église, les dictons et pro
verbes (Papazoglou, op. cit., p. 100, 106, 107 n. 50, 108, 109 n. 67, 118 n. 37). Par
ailleurs, dans le même manuscrit, il y a le texte du Pseudo-Phokylide, entre les lignes
duquel Philagrios note la traduction de vers entiers ou de mots, ainsi que l'analyse
grammaticale et syntaxique du texte (Papazoglou, op. cit., p. 106-107).
184 SOPHIA MERGIALI-FALANGAS

que Philagrios assumait le rôle de professeur dans le monastère des


trois Saints Docteurs à Koudouma, sur le mont Cofinas, où un autre
moine, Dèmètrios Kappadokès, enseignait probablement aussi les
hièra grammaia et Venkyklios paideia entre 1370 et 1390 40.
On aurait pu rapprocher du cas de Kappadokès et de Philagrios
celui du moine Athanase, qui a été félicité par Dèmètrios Cydonès,
dans une lettre datée vers 1389, pour avoir pris l'initiative d'enseigner
aux enfants des Cretois41 ; mais il apparaît qu'Athanase était un lati-
nophile, qui entretenait des relations avec les Vénitiens, comme nous
le laisse entendre Dèmètrios Cydonès, qu'Athanase avait sollicité
pour intervenir en sa faveur auprès de Pantaleo Francisci Barbo, élu à
ce moment-là «capitaneus Cretae ad biennium»42.
En somme, on peut remarquer que, vu les conséquences de la domi
nation vénitienne au niveau religieux et dogmatique43, une activité
assez spécifique est développée de la part de l'Église44, et notamment
des moines, dans l'île de Crète. Ainsi, à travers un enseignement él
émentaire ou encyclopédique dispensé au profit des enfants des Cretois,
les moines visaient à procurer une instruction dogmatique à l'insu des
autorités vénitiennes, puisque l'enseignement en Crète durant le
14e siècle est l'œuvre des maîtres privés, grecs et latins, parmi lesquels
il y avait aussi des prêtres45.
Loin d'avoir réuni tous les exemples disponibles de cette catégorie
de didascales, dont le statut particulier est passé jusqu'à présent ina-

40. Papazoglou, op. cit., p. 101 et p. 112 n. 7.


41. Dèmètrios Cydonès, Lettres, éd. R.-J. Loenertz, Correspondance, II, Cité du
Vatican 1960, n° 408, p. 3642225 : πάνυ δέ ήσθην μαθών σε τοις Κρητών παισίν ήν σαυτφ
συνέλεξας σοφίαν εις μέσον προθέντα. σύ τε γαρ των Οντων μεταδιδους τη μεταδόσει πλείω τα
κτηθέντα ποιήσεις και τη πατρίδι τα τροφεία δια τών μαθητών αποδώσεις, αγαθούς πολίτας
έτοιμάζων αύτη.
42. Dèmètrios Cydonès, Lettres, n° 441, p. 40530-40634.
43. Sur l'histoire ecclésiastique de la Crète sous la domination vénitienne, voir
M. I. Manousakas, Μέτρα της Βενετίας έναντι της έν Κρήτη επιρροής τοΰ πατριαρχείου Κων
σταντινουπόλεως κατ ανέκδοτα Βενετικά έγγραφα (1418-1419), EEBS 30, 1960, ρ. 85-144,
surtout p. 85-86 ; voir aussi Ζ. Tsirpanlès, Νέα στοιχεία σχετικά μέ τήν εκκλησιαστική
ιστορία της Βενετοκρατούμενης Κρήτης (13ος-17ος αι.) από ανέκδοτα Βενετικά έγγραφα, 'Ελληνικά
20, 1967, ρ. 42-106, et Chrysa A. Maltézou, Ή Κρήτη στη 8ιάρχειχ της περιό8ου της
Βενετοκρχτίας (1211-1669), Crète 1990, ρ. 51-52.
44. A ce sujet, on retiendra le témoignage de Joseph Bryennios, connu comme
didascale (= prédicateur et théologien renommé) et envoyé par le patriarche Nil en
mission dans l'île de Crète de 1382/83 à 1402/3 environ.
45. A ce propos, voir Elizabeth Santschi, Contrats de travail et d'apprentissage en
Crète vénitienne au xive siècle d'après quelques notaires, Revue suisse d'histoire 19,
1969, p. 34-74 et surtout p. 38-40; cf. A. Pertusi, Leonzio Pilato a Creta prima del
1358-1359 : scuole e cultura a Creta durante il secolo xiv°, Κρητικά Χρονικά 15-16,
1961-1962, p. 370, nos 1 et 3.
«DIDASCALE» DE L'ÉGLISE 185

perçu, on espère avoir signalé, à travers les itinéraires les plus caracté
ristiques dont on disposait, la particularité de leur enseignement et
l'importance de leur rôle dans le domaine de l'éducation. D'autant
plus que la question importante de l'enseignement dans l'Église et par
l'Église, de son contenu et de ses limites lors de la dernière période
byzantine, est encore à éclairer.

Sophia Mergiali-Falangas
Université de Crète

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