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L’éthique médicale
WORLD MEDICAL ASSOCIATION

de d’éthique
Manuel
Manuel d’éthique médicale – Principales caractéristiques
ASSOCIATION MÉDICALE MONDIALE

Manuel d’Éthique
Médicale

Un étudiant en médecine avec un nouveau-né dans les bras


© Roger Ball/CORBIS Une publication de l’unité d’éthique de l’AMM
2 1

matieres
desmédicale
© Association Médicale Mondiale Inc., 2005
Tous droits réservés. Seul un maximum de dix copies est
TABLE DES MATIERES

L’éthique
médicalede– Table
autorisé pour un usage privé non commercial, sous réserve de Remerciements..........................................................................................4
citation de la source originale. Toute autre reproduction, diffusion
Avant-propos...............................................................................................5

caractéristiques
ou conservation dans un système de recherche documentaire,
quels qu’en soient la forme et le moyen, doit faire l’objet Introduction..................................................................................................7

Manuel d’éthique
d’une demande écrite préalable. Les demandes d’autorisation
· Qu’est-ce que l’éthique médicale?
seront adressées à l’Association Médicale Mondiale, B. P. 63,
· Pourquoi étudier l’éthique médicale?

Manuel d’éthique médicale – Principales


01212 Ferney-Voltaire Cedex (France); adresse électronique:
· L’éthique médicale, le professionnalisme médical, les droits
wma@wma.net; télécopie: (33) 450 40 59 37. humains et le droit
· Conclusion
Le présent manuel est une publication de l’Unité d’éthique
de l’Association Médicale Mondiale. Il a été écrit par John Chapitre 1 - Principales caractéristiques de l’éthique
R. Williams, Directeur d’éthique de l’AMM. Sauf indication médicale .......................................................................................................14
contraire, son contenu ne reflète pas forcément la politique de · Objectifs
l’association.
· Quelle est la particularité de la médecine?
Couverture et conception de la mise en page : Tuuli Sauren, · Quelle est la particularité de l’éthique médicale?
Inspirit International Advertising (Belgique) · Qui décide de ce qui est éthique?
Production et conception : World Health Communication · L’éthique médicale change t-elle?
Associates (Royaume-Uni) · L’éthique médicale diffère-t-elle d’un pays à l’autre?
Crédits photographiques : Van Parys Media / Corbis · Le rôle de l’AMM
Traduction : Christiane Eychenne · Comment l’AMM décide-t-elle de ce qui est éthique?
· Comment les individus décident-ils de ce qui est éthique?
Informations relatives à la publication de l’ouvrage · Conclusion
Williams, John R. (John Reynold), 1942
Manuel d’éthique médicale Chapitre 2 - Médecins et patients ...............................................34
· Objectifs
1. Bioéthique 2. Relations médecin/patient - éthique 3. Rôle
· Etude de cas
du médecin 4. Recherche biomédicale - éthique 5. Relations
· Quelle est la particularité de la relation médecin / patient?
interprofessionnelles 6. Enseignement, médicale - éthique
· Respect et égalité de traitement
7. Etude de cas 8. Manuels I. Titre
· Communication et consentement
ISBN 92 990028 2 7 · Prise de décision pour des patients incapables
(NLM classification : W 50) · Confidentialité
2 3

des médicale
matieres
· Questions relatives au début de la vie – Approbation du comité d’éthique
– Valeur scientifique

L’éthique
· Questions relatives à la fin de la vie

– Table
· Retour à l’étude de cas – Valeur sociale
– Risques et bénéfices

médicalede
Chapitre 3 - Médecins et société .................................................62

caractéristiques
– Consentement éclairé
· Objectifs – Confidentialité

Manuel d’éthique
· Etude de cas – Rôles conflictuels
· Quelle est la particularité de la relation médecin / société? – Restitution honnête des résultats

Manuel d’éthique médicale – Principales


· Double allégeance – Dénonciation
· Allocation de ressources – Questions non résolues
· Santé publique · Retour à l’étude de cas
· Santé mondiale
Chapitre 6 - Conclusion ................................................................... 112
· Retour à l’étude de cas
· Responsabilités et privilèges des médecins
Chapitre 4 - Médecins et collègues ...........................................80 · Responsabilités envers soi-même
· Le futur de l’éthique médicale
· Objectifs
· Etude de cas Annexe A – Glossaire (contient des mots en italique dans
le texte)...........................................................................................................120
· Défis à l’autorité médicale
· Relations avec les collègues médecins, les enseignants et Annexe B – Ressources documentaires sur l’éthique
les étudiants médicale sur l’Internet...............................................................................123
· Signalement de pratiques dangereuses ou contraires à Annexe C – Association médicale mondiale:
l’éthique La résolution sur l’inclusion de l’éthique médicale et des
· Relations avec les autres professionnels de santé droits de l’homme dans le programme des écoles de
médecine du monde entier;
· Coopération
Fédération mondiale pour l’enseignement de la médecine:
· Résolution de conflits Normes mondiales sur l’amélioration de la qualité de
· Retour à l’étude de cas l’enseignement de base de la médecine....................................125
Annexe D – Renforcement de l’enseignement de l’éthique
Chapitre 5 – Éthique et recherche médicale .......................94 dans les écoles de médecine ................................................... 127
· Objectifs Annexe E – Autres études de cas ......................................................129
· Etude de cas
· Importance de la recherche médicale
· Recherche à l’intérieur de la pratique médicale
· Exigences éthiques
4 5

médicale
– Avant-Propos
REMERCIEMENTS AVANT-PROPOS

de L’éthique
Docteur Delon Human
L’Unité d’éthique de l’AMM exprime sa profonde gratitude à tous

d’éthique médicale
Secrétaire général
ceux qui ont apporté leurs commentaires importants et approfondis
Association médicale mondiale

caractéristiques
sur les versions préliminaires de ce Manuel:
Prof. Charles Becker, CNRS-Centre d’Etudes Africaines (Sénégal)
Il est difficile de croire que plus de 2000 ans après que les fondateurs
Prof. Solly Benatar, Université du Cap (Afrique du Sud)

Manuel
de l’éthique médicale, tel Hippocrate, aient publié leurs travaux, il

Manuel d’éthique médicale – Principales


Prof. Kenneth Boyd, Université d’Edimbourg (Ecosse) n’existe toujours pas pour la profession médicale de programme
Dr. Annette J. Braunack-Mayer, Université d’Adelaïde (Australie) de base universel pour l’enseignement de l’éthique médicale. Ce
Dr. Robert Carlson, Université d’Edimbourg (Ecosse) premier manuel d’éthique médicale tente de combler ce vide. Il y
a donc aujourd’hui quelque privilège à vous présenter ce manuel
M. Sev Fluss, AMM et CIOMS, Genève (Suisse)
initié lors de la 51e Assemblée Médicale Mondiale de 1999, où les
Prof. Eugenijus Gefenas, Université de Vilnius (Lituanie) médecins venus du monde entier, représentant les associations
Dr. François Hirsch, Institut national de la santé et de la recherche médicales, ont décidé « que l’Association médicale mondiale invite
médicale (France) instamment les écoles de médecine du monde entier à inclure
Dr. Delon Human, AMM, Ferney-Voltaire (France) l’éthique médicale et les droits de l’homme dans le programme
de leurs cours obligatoires ». Conformément à cette décision, un
Dr. Girish Bobby Kapur, George Washington University,
processus de développement d’aide à un enseignement de base de
Washington, D.C. (États-Unis)
l’éthique médicale pour tous les médecins et étudiants en médecine
Prof. Nuala Kenny, Dalhousie University, Halifax (Canada) a été engagé sur la base des politiques de l’AMM, sans toutefois
Prof. Cheryl Cox Macpherson, St. George’s University (Grenade) faire l’objet d’une déclaration de principe. Le manuel représente
Mme Mareike Moeller, Medizinische Hochschule Hanovre ainsi le résultat d’un processus global et d’une large consultation qui
(Allemagne) ont été coordonnés par l’Unité d’éthique de l’AMM. L’ultime objectif
de l’AMM étant de faire en sorte que cette publication soit utilisée
Prof. Ferenc Oberfrank, Hungarian Academy of Sciences,
Budapest (Hongrie) comme référence par les médecins et étudiants en médecine du
monde entier.
M. Atif Rahman, Khyber Medical College, Peshawar (Pakistan)
La question des soins de santé soulève aujourd’hui de multiples
M. Mohamed Swailem, Banha Faculty of Medicine, Banha (Égypte)
dilemmes éthiques extrêmement complexes pour lesquels les
et les dix étudiants qui ont identifié les expressions peu familières à
des personnes dont la langue maternelle n’est pas l’anglais. médecins manquent parfois de préparation. Cet ouvrage a été conçu
dans le but particulier de consolider et de renforcer la réflexion et
L’Unité d’éthique de l’AMM est en partie soutenue par une la pratique médicale éthiques, et de fournir des outils permettant
allocation illimitée d’une bourse d’enseignement de d’apporter des solutions éthiques à ces dilemmes. Il ne s’agit pas
Johnson & Johnson. de dire qui a tort ou raison, mais plutôt de chercher à sensibiliser la
6 7

– Introduction
médicale
conscience du médecin sur laquelle repose toute prise de décision
juste et éthique. Le présent ouvrage propose à cet effet plusieurs
INTRODUCTION

de L’éthique
études de cas destinées à nourrir aussi bien la réflexion éthique

d’éthique médicale
QUʼEST-CE QUE LʼÉTHIQUE MÉDICALE?
personnelle que les discussions de groupes.
Considérons les cas suivants, qui pourraient avoir lieu dans presque

caractéristiques
En tant que médecins, nous avons conscience du privilège que n’importe quel pays:
constitue notre engagement dans la relation médecin/patient, une
relation unique qui, dans un climat d’éthique et de confiance, facilite 1. Le Dr P., chirurgien compétent et expérimenté, s’apprête

Manuel
la transmission des connaissances scientifiques et les soins. Les à terminer son service de nuit dans un hôpital communal de

Manuel d’éthique médicale – Principales


questions traitées dans ce manuel s’articulent autour des différentes taille moyenne. Une jeune fille, accompagnée de sa mère,
relations dans lesquelles les médecins sont engagés, mais la relation arrive à l’hôpital. La mère repart immédiatement après avoir
médecin/patient en sera toujours la clef de voûte. Cette relation a dit à l’infirmière qu’elle devait rentrer pour s’occuper des autres
été sous pression ces derniers temps, à cause, notamment, des enfants. La patiente présente une hémorragie vaginale et souffre
restrictions budgétaires et d’autres facteurs: dans ce contexte, le beaucoup. Le Dr P. l’examine et pense qu’il s’agit d’une fausse
présent manuel montre la nécessité de renforcer ce lien par une couche ou d’un avortement provoqué. Il fait vite une dilatation et
conduite éthique. un curetage et demande à l’infirmière de demander à la patiente
si elle peut financièrement se permettre de rester à l’hôpital
Juste un mot, pour terminer, sur le fait que le patient est au centre
jusqu’à ce qu’il soit sans danger pour elle d’en sortir. Le Dr Q.
de toutes les discussions sur l’éthique médicale. La plupart des
arrive pour remplacer le Dr P. qui rentre chez lui sans avoir parlé
associations médicales reconnaissent dans leurs déclarations
à la patiente.
de base que, du point de vue éthique, le médecin doit considérer
d’abord le meilleur intérêt du patient lorsqu’il prend une décision 2. Le Dr S. se sent de plus en plus démunie face à des patients qui
en matière de soins. Le présent manuel n’aura atteint son but viennent la voir avant ou après avoir consulté un autre soignant
que s’il aide les étudiants et les médecins à mieux répondre aux pour la même pathologie. Elle estime que c’est un gaspillage des
nombreux défis éthiques auxquels nous sommes confrontés dans ressources de santé, qui plus est, inefficace pour la santé des
notre pratique quotidienne, et s’il parvient à imposer plus fortement patients. Elle décide de dire à ces patients qu’elle n’acceptera
cet impératif - PLACER LE PATIENT EN PREMIER LIEU. plus de les traiter s’ils continuent à consulter d’autres soignants
pour la même affection. Elle envisage de contacter son
association médicale nationale pour qu’elle fasse pression sur
le gouvernement afin d’empêcher que les ressources de santé
ne soient ainsi détournées.
3. Le Dr C., nouvellement nommé anesthésiste dans un hôpital
de la ville, s’inquiète de l’attitude du chirurgien en chef dans la
salle d’opération. Celui-ci emploie des techniques dépassées
qui prolongent la durée de l’opération, augmentent les douleurs
post-opératoires et rallongent le temps de la guérison. De plus,
8 9

– Introduction
médicale
il fait souvent des plaisanteries grossières sur les patients qui courantes comme la tuberculose ou l’hypertension. De même,
manifestement embêtent les infirmières. En tant que jeune les questions d’éthique médicale ne répondent pas à des défis

de L’éthique
membre du personnel, le Dr C. hésite à critiquer en personne d’égale nature. Certaines trouvent relativement facilement une

d’éthique médicale
le chirurgien ou à signaler son comportement aux autorités réponse, surtout quand il existe déjà un consensus bien défini sur
supérieures. Cependant, il pense qu’il doit faire quelque chose la manière d’agir juste dans une situation donnée (par exemple,

caractéristiques
pour améliorer la situation. le médecin doit toujours demander le consentement du patient se
prêtant à une recherche). Pour d’autres, ce peut être plus difficile,
4. Le Dr R., médecin généraliste dans une petite ville de campagne,

Manuel
en particulier si aucun consensus n’a été élaboré ou encore quand
est contactée par une organisation de recherche contractuelle
toutes les alternatives présentent des inconvénients (par exemple,

Manuel d’éthique médicale – Principales


(CRO) pour participer à un essai clinique sur un nouveau
le rationnement de ressources limitées de santé).
médicament anti-inflammatoire non stéroïdien (NSAID) dans
l’ostéoarthrite. Une somme d’argent lui est offerte pour chaque Donc, qu’est-ce exactement que l’éthique et comment aide-t-elle
patient qu’elle inscrit à l’étude. Le représentant de la CRO certifie les médecins à traiter ces questions? Dans sa définition la plus
que l’étude a obtenu toutes les autorisations nécessaires, y simple, l’éthique est l’étude de la moralité – une réflexion et une
compris celle d’un comité d’éthique. Le Dr R. n’a encore jamais analyse attentive et systématique des décisions et comportements
participé à une étude et se réjouit de cette opportunité, en moraux, passés, présents ou futurs. La moralité est la mesure
particulier de cette somme d’argent supplémentaire. Elle accepte de valeur d’une prise de décision et du comportement humains.
sans se renseigner davantage sur les aspects scientifiques et Le vocabulaire de la moralité comprend des substantifs comme
éthiques de l’étude. « droits », « responsabilités », « vertus » et des adjectifs comme
Chacun de ces cas invite à une réflexion éthique. Ils posent tous « bon » et « mauvais », « vrai » et
« faux », « juste » et « injuste ». “...l’éthique est
des questions en rapport avec le comportement et la prise de l’étude de la moralité
décision du médecin* – non pas des questions scientifiques ou Selon ces définitions, l’éthique est
– une réflexion et
techniques, sur le traitement du diabète ou l’opération d’un double principalement affaire de savoir, alors une analyse attentive
pontage par exemple, mais des questions sur les valeurs, les droits que la moralité concerne le faire. Le et systématique
et les responsabilités. Les médecins sont confrontés à ce genre lien étroit qui unit ces deux termes des décisions et
réside dans le souci de l’éthique de comportements
de questions aussi souvent qu’à des questions scientifiques ou
fournir des critères rationnels qui moraux”
techniques.
permettent de décider ou d’agir d’une
Dans la pratique médicale, quels que soient la spécialisation et certaine manière plutôt que d’une autre.
le lieu, certaines questions trouvent plus facilement une réponse
que d’autres. Le traitement d’une simple fracture ou la suture d’une Alors que l’éthique s’intéresse à tous les aspects du comportement
déchirure ne présente que peu de difficultés pour les médecins humain et de la prise de décision, elle constitue un domaine d’étude
habitués à effectuer ces interventions. A l’autre extrémité du très large et très complexe qui compte de nombreuses branches
spectre, il peut y avoir des doutes ou des désaccords importants ou subdivisions. Le thème principal de ce manuel est l’éthique
quant à la manière de traiter certaines maladies, même les plus médicale, la partie de l’éthique consacrée aux questions morales
*
Les termes en italique sont définis dans le glossaire (Annexe A) relatives à la pratique médicale. L’éthique médicale est étroitement
10 11

– Introduction
médicale
liée à la bioéthique (éthique biomédicale), sans toutefois lui être encouragées à œuvrer dans cette direction par des organisations
identique. Alors que l’éthique médicale s’intéresse principalement comme l’Association médicale mondiale et la Fédération mondiale

de L’éthique
aux problèmes soulevés par l’exercice de la médecine, la pour l’enseignement de la médicine (cf. annexe C).

d’éthique médicale
bioéthique est un vaste sujet qui concerne les questions morales L’importance de l’éthique dans la formation médicale deviendra
liées au développement des sciences biologiques de manière

caractéristiques
évidente au fil des pages. Pour résumer, l’éthique est et a toujours été
plus générale. La bioéthique se différencie également de l’éthique une composante essentielle de la pratique médicale. Les principes
médicale en ce qu’elle ne requiert pas l’acceptation de certaines éthiques comme le respect de l’individu, le consentement éclairé

Manuel
valeurs traditionnelles qui, comme nous le verrons au chapitre 2, et la confidentialité constituent le fondement de la relation médecin

Manuel d’éthique médicale – Principales


constituent le fondement de l’éthique médicale. / patient. Cependant, l’application de ces principes peut parfois
En tant que discipline universitaire, l’éthique médicale a élaboré son poser problème, notamment lorsque les médecins, les patients, les
propre vocabulaire spécialisé, y compris plusieurs termes empruntés membres de la famille et autres personnels de santé ne sont pas
au domaine de la philosophie. La lecture du manuel ne présuppose d’accord sur ce qu’ils estiment être la bonne manière d’agir dans
cependant pas de connaissances philosophiques pour les lecteurs: une situation donnée. L’enseignement
aussi des définitions de termes-clés sont-elles données, dans le de l’éthique prépare les étudiants à
“L’enseignement
texte ou dans le glossaire en annexe (indiqués en italiques). reconnaître ces situations difficiles et de l’éthique prépare
à y répondre sur la base de principes les étudiants à
rationnels. L’éthique est également reconnaître ces
POURQUOI ÉTUDIER L’ÉTHIQUE MÉDICALE?
importante dans les relations du situations difficiles
« Tant que le médecin est un clinicien expérimenté et compétent, médecin avec la société et avec ses et à y répondre sur
la base de principes
l’éthique n’a pas d’importance ». collègues et aussi dans la conduite de rationnels.”
recherches médicales.
« C’est dans la famille et non dans les écoles de médecine que l’on
apprend l’éthique ».
ÉTHIQUE MÉDICALE, PROFESSIONNALISME MÉDICAL,
« L’éthique médicale s’apprend en observant les médecins confirmés DROITS HUMAINS ET LE DROIT
et non par les livres ou les cours magistraux ».
Comme indiqué dans le chapitre 1, l’éthique fait partie intégrante de
« L’éthique est importante mais les programmes sont déjà trop la médecine, du moins depuis Hippocrate, un médecin grec du Ve
chargés et il n’y pas d’espace pour l’enseignement de l’éthique ». siècle av. J.-C., considéré comme le fondateur de l’éthique médicale.
L’exercice de la médecine en tant que profession remonte à
Ce sont là quelques-unes des raisons généralement avancées pour
Hippocrate sur lequel les médecins prêtent publiquement serment
ne pas attribuer à l’éthique un rôle majeur dans les programmes
de placer les intérêts du patient au-dessus du leur (cf. chapitre 3).
d’enseignement des écoles de médecine. Chacune est en partie
L’étroite relation de l’éthique avec le professionnalisme apparaîtra
recevable, mais en partie seulement. De plus en plus, dans le
évident tout au long de ce manuel.
monde, les écoles de médecine ont conscience de la nécessité
d’accorder à leurs étudiants le temps et les ressources suffisantes Ces derniers temps, l’éthique médicale a été fortement influencée
pour dispenser un enseignement de l’éthique. Elles sont fortement par l’évolution des droits humains. Dans un monde pluraliste
12 13

– Introduction
médicale
et multiculturel, où les traditions morales sont nombreuses et
différentes, les accords internationaux sur les droits humains
CONCLUSION

de L’éthique
peuvent constituer le fondement d’une éthique médicale qui soit

d’éthique médicale
acceptable par delà les frontières nationales et culturelles. De plus, La médecine est à la fois une science et un art.
les médecins sont souvent confrontés à des problèmes résultant La science s occupe de ce qui peut être observé

caractéristiques
des violations des droits humains, comme la migration forcée et la et mesuré et un médecin compétent reconnaît
torture. Ils sont du reste préoccupés par le débat sur la question de les signes d une maladie et sait comment rétablir
une bonne santé. Mais la médecine scientifique a

Manuel
savoir si les soins de santé sont un droit humain puisque la réponse
ses limites, notamment au regard de l humanité
apportée dans chaque pays particulier détermine pour une large

Manuel d’éthique médicale – Principales


de l individu, de la culture, de la religion, de la
part le choix des personnes qui auront accès aux soins médicaux. liberté, des
performing are droits
now doneet des responsabilités.
by medical technicians, Lnurses
art deor
Le manuel prêtera une grande attention aux questions relatives aux la médecine suppose l application de la science
paramedics.
droits humains, car elles concernent la pratique médicale. et de la technologie médicale aux patients, aux
L’éthique médicale est aussi étroitement liée au droit. Dans la
Despite familles et aux communautés.
these changes impinging on theLastatus plupart des
of physicians,
medicine différences entre
continues to be a les individus,
profession leshighly
that is familles
valuedetby the
plupart des pays, il existe des lois qui spécifient la manière dont
les communautés
sick people ne sont,
who need its services. pour
It also l essentiel,
continues paslarge
to attract
les médecins doivent traiter les questions éthiques relatives
physiologiques, et c est dans la reconnaissance
numbers of the most gifted, hard working and dedicated students.
aux soins des patients et à la recherche. De plus, dans chaque et la prise en compte de ces différences que les
pays, les organismes délivrant les autorisations d’exercice et les In order to meet the expectations of both patients and students, it
arts, les humanités, les sciences sociales jouent,
pouvoirs réglementaires sont habilités à appliquer des sanctions is important that physicians
avec l éthique, un rôleknow and exemplify
majeur. the core
Et l éthique values
elle-
aux médecins qui ne respectent pas les principes éthiques. Mais of même
medicine,s enrichit
especiallyde l éclairagecompetence
compassion, et des informations
and autonomy.
l’éthique et la législation ne sont pas identiques. Souvent, l’éthique Theseapportés par les
values, along autres
with respectdisciplines.
for fundamentalPar exemple,
human rights,
énonce des normes plus élevées de comportement que ne le fait une la présentation théâtrale d
serve as the foundation of medical ethics. un dilemme clinique
législation. Du reste, les lois diffèrent peut être une incitation plus grande à la réflexion
considérablement d’un pays à l’autre, “Souvent, l’éthique éthique et à l analyse qu une simple description
alors que l’éthique traverse les énonce des normes de cas.
What’s Special About Medical Ethics?
frontières nationales. C’est la raison plus élevées de Le présent manuel ne constitue qu une
pour laquelle le thème principal de comportement que introduction
Compassion, de base
competence andà autonomy
l éthique are
médicale et à to
not exclusive
ce manuel sera l’éthique plutôt que
ne le fait une ses questions
medicine. les plus are
However, physicians fondamentales. Il cherche
expected to exemplify them to a
législation.”
le droit. higher degree than other people, including members of manylaother
surtout à montrer la nécessité de poursuivre
réflexion sur la dimension éthique de la médecine
professions.
et, en particulier, sur la manière de traiter les
problèmes
Compassion, éthiques
defined rencontrésand
as understanding dans l exercice
concern for another
de la profession. Une liste des ressources
person’s distress, is essential for the practice of medicine. In order
documentaires destinée à approfondir les
to deal with the patient’s problems, the physician must identify
connaissances dans ce domaine est proposée
dans l annexe B.
14 15

Manuel d’éthique médicale – Principales caractéristiques de L’éthique médicale


CHAPITRE 1 –
PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L’ÉTHIQUE MÉDICALE

OBJECTIFS
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez pouvoir:
· expliquer pourquoi l’éthique est importante pour la
médecine
· indiquer les principales sources de l’éthique médicale
· distinguer les différents modes d’approche d’une prise
La vie au quotidien d’un médecin généraliste français de décision éthique, y compris la vôtre.
© Gilles Fonlupt/Corbis
16 17

Manuel d’éthique médicale – Principales caractéristiques de L’éthique médicale


QUELLE EST LA PARTICULARITÉ DE LA profession tenue en haute estime par les personnes malades qui
MÉDECINE? ont besoin de ses services. Elle continue aussi d’attirer en grand
nombre des étudiants fort talentueux, travailleurs et dévoués. Afin
Il semble que de tout temps et partout dans le monde, le fait d’être
de répondre à la fois aux attentes des patients et des étudiants, il
médecin a signifié quelque chose de particulier. Le médecin est
celui que l’on contacte pour nous aider dans nos besoins les plus importe que les médecins connaissent et démontrent les valeurs
pressants – soulager les douleurs et les souffrances, recouvrer la fondamentales de la médecine, notamment la compassion, la
santé et le bien-être. On permet au médecin de voir, de toucher, compétence et l’autonomie. Ces valeurs constituent, avec le respect
de manipuler toutes les parties du corps humain, même les plus des droits humains fondamentaux, le fondement de l’éthique
intimes. Et ce, au nom de la conviction que le médecin agit dans le médicale.
meilleur intérêt du patient.
Le statut des médecins diffère d’un QUELLE EST LA PARTICULARITÉ
pays à l’autre, voire même à l’intérieur DE LʼÉTHIQUE MÉDICALE?
“Beaucoup de
médecins estiment des pays. En général, cependant, il La compassion, la compétence et l’autonomie n’appartiennent pas
qu’ils ne sont plus semble se détériorer. Beaucoup de en exclusivité à la médecine. Cependant, on attend des médecins
respectés comme médecins estiment qu’ils ne sont plus qu’ils les portent à un degré d’exemplarité plus grand que dans
autrefois.” respectés comme autrefois. Dans beaucoup d’autres professions.
certains pays, le contrôle des soins
La compassion, définie comme la compréhension et la sensibilité
de santé est progressivement passé des
aux souffrances d’autrui, est essentielle à la pratique de la médecine.
mains des médecins à celles de bureaucrates ou d’administrateurs
Pour traiter les problèmes du patient, le médecin doit reconnaître
professionnels et certains d’entre eux tendent à considérer les
médecins comme des obstacles plutôt que comme des partenaires les symptômes et leurs causes sous-jacentes et vouloir aider le
dans les réformes des soins de santé. Les patients qui autrefois patient à obtenir un soulagement. Les patients répondent mieux
acceptaient inconditionnellement les ordres du médecin demandent au traitement s’ils sentent que le médecin est sensible à
parfois aujourd’hui que celui-ci justifie ses recommandations leur problème et qu’il soigne leur personne plutôt que leur seule
lorsqu’elles diffèrent des conseils obtenus maladie.
d’un autre praticien ou de l’Internet.
Un haut degré de compétence est à la fois attendu et exigé des
Certains actes, que seuls des “Afin de répondre à
la fois aux attentes médecins. Le manque de compétence peut avoir des conséquences
médecins étaient autrefois capables
des patients et des graves ou entraîner la mort. Les médecins reçoivent un enseignement
d’exécuter, sont aujourd’hui effectués étudiants, il importe long destiné à leur assurer cette compétence, mais vu l’évolution
par des techniciens, des infirmières que les médecins rapide des connaissances médicales, le maintien de ces aptitudes
ou le personnel paramédical. connaissent et
démontrent les valeurs
constitue un défi qu’ils doivent relever sans cesse. Du reste, il ne
En dépit de ces changements qui fondamentales de la s’agit pas seulement de maintenir un niveau de connaissances
affectent le statut du médecin, médecine…” scientifiques et de compétences techniques mais aussi des
la médecine continue d’être une connaissances, compétences et comportements éthiques, puisque
18 19

Manuel d’éthique médicale – Principales caractéristiques de L’éthique médicale


les nouvelles questions éthiques dérivent des changements de dernières années. Les médecins ont, sur le plan individuel, de tout
la pratique médicale même et de son environnement social et temps bénéficié d’une grande autonomie en matière de traitement
politique. clinique du patient. Sur le plan collectif, les médecins ont eu toute
liberté de définir les normes de l’enseignement médical et de la
L’autonomie, ou l’autodétermination, est la valeur fondamentale
de la médecine qui a connu le plus de changements au cours des pratique médicale. Comme le montrera ce manuel, dans beaucoup
de pays, ces deux modes de pratique médicale ont été limités par
les gouvernements ou d’autres autorités de contrôle de la profession
DÉCLARATION DE GENÈVE DE L’ASSOCIATION
MÉDICALE MONDIALE médicale. Malgré ces défis, les médecins continuent d’accorder
une grande valeur à leur autonomie clinique et professionnelle
Au moment d’être admis comme membre de la profession
et s’efforcent de la préserver du mieux possible. Dans le même
médicale :
temps, l’autonomie du patient reçoit partout dans le monde une
Je prends l’engagement solennel de consacrer ma vie au reconnaissance générale de la part des médecins, ce qui signifie que
service de l’humanité; le patient doit être celui qui prend la décision finale sur les questions
Je témoignerai à mes maîtres le respect et la reconnaissance le concernant. Le manuel donnera des exemples de conflits entre
qui leur sont dus; l’autonomie du médecin et le respect de l’autonomie du patient.
J’exercerai ma profession avec conscience et dignité;
Outre son adhésion à ces trois valeurs fondamentales, l’éthique
Je considèrerai la santé de mon patient comme mon
médicale se distingue de l’éthique générale qui s’applique à chacun
premier souci;
en ce qu’elle est publiquement professée dans un serment (par
Je respecterai les secrets qui me seront confiés, même exemple, la Déclaration de Genève de l’AMM) et/ou un code.
après la mort du patient; Ces serments et ces codes, bien que différents d’un pays à l’autre,
Je maintiendrai, dans toute la mesure de mes moyens, voire à l’intérieur d’un même pays, ont cependant plusieurs points
l’honneur et les nobles traditions de la profession médicale; communs, notamment la promesse que le médecin fera prévaloir
Mes collègues seront mes sœurs et mes frères; les intérêts de son patient, s’abstiendra de toute discrimination
Je ne permettrai pas que des considérations d’âge, de sur la base de la race, de la religion ou d’autres droits humains,
maladie ou d’infirmité, de croyance, d’origine ethnique, protègera la confidentialité de l’information du patient et fournira, le
de sexe, de nationalité, d’appartenance politique, de race, cas échéant, les soins d’urgence ou exigés.
d’inclinaison sexuelle, de statut social ou tout autre critère
s’interposent entre mon devoir et mon patient; QUI DÉCIDE DE CE QUI EST ÉTHIQUE?
Je garderai le respect absolu de la vie humaine; L’éthique est pluraliste. Les individus ne sont pas toujours d’accord
Je n’utiliserai pas mes connaissances médicales contre les sur ce qui est juste ou ce qui est faux, et même quand ils le sont,
lois de l’humanité, même sous la menace; ce peut être pour des raisons différentes. Dans certaines sociétés,
Je fais ces promesses solennellement, librement et sur ces différences sont considérées comme normales, chacun étant
l’honneur. libre d’agir comme il le veut à condition de respecter les droits
d’autrui. Dans les sociétés plus traditionnelles, cependant, l’éthique
20 21

Manuel d’éthique médicale – Principales caractéristiques de L’éthique médicale


fait l’objet d’un plus grand consensus et aussi de plus grandes d’élaborer et de mettre en place des normes éthiques applicables.
pressions sociales, parfois soutenues par des lois, pour agir d’une En fonction de la législation médicale en vigueur dans le pays, ces
certaine manière plutôt qu’une autre. Dans ces sociétés, la culture normes peuvent avoir une valeur juridique.
et la religion jouent souvent un rôle important dans la détermination
Cependant, la possibilité pour la profession médicale de définir ses
du comportement éthique.
propres règles éthiques n’est jamais apparue comme un privilège
La réponse à la question de qui décide de ce qui est éthique en absolu. Pour exemple,
général diffère donc d’une société à l’autre, voire au sein même
• les médecins ont toujours été soumis à la législation générale
d’une société. Dans les sociétés libérales, les individus ont une
en vigueur dans le pays et ont parfois été sanctionnés pour
grande liberté de décider pour eux-mêmes de ce qui est éthique,
avoir agi contrairement à ces lois;
même s’il est possible qu’ils soient influencés par leurs familles,
leurs amis, leur religion, les medias et d’autres sources extérieures. • certaines organisations médicales sont fortement influencées
Dans les sociétés plus traditionnelles, le rôle des familles, des par les enseignements religieux qui imposent des obligations
anciens, des autorités religieuses et des leaders politiques dans supplémentaires à leurs membres, en plus de celles qui
la définition des valeurs éthiques est généralement plus grand que s’appliquent à tous les médecins;
celui des individus. • dans certains pays, les organisations chargées d’énoncer
En dépit de ces différences, il semble que la plupart des êtres les normes de la pratique des médecins et d’en contrôler
humains soient d’accord avec certains principes éthiques de base, l’application comptent aujourd’hui parmi leurs membres un
notamment les droits humains fondamentaux proclamés dans la nombre important de non médecins.
Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies Les directives éthiques des associations médicales sont générales
et par d’autres documents généralement reconnus et officiellement par nature. Elles ne peuvent traiter les cas particuliers que les
approuvés. Au regard de l’éthique médicale, les droits humains les médecins rencontrent dans l’exercice de leur profession. La plupart
plus importants sont le droit à la vie, l’absence de discrimination, du temps, les médecins doivent décider par eux-mêmes de ce qu’il
de torture et de traitement cruel, inhumain ou dégradant, la liberté est juste de faire, mais le fait de savoir
d’opinion et d’expression, l’égalité d’accès aux services publics et ce que d’autres médecins feraient
aux soins médicaux. en pareils cas peut leur être fort utile.
“…le fait de savoir ce
A la question de savoir qui décide de ce qui est éthique, les Les codes d’éthique médicaux et les que d’autres médecins
médecins donnaient encore il y a peu des réponses quelque peu déclarations de principe reflètent un feraient en pareils
différentes. Au cours des siècles, la profession médicale a énoncé consensus général sur la manière cas peut leur être fort
dont les médecins devraient agir et utile.”
ses propres normes de comportement pour ses membres, sous la
forme de codes d’éthique et de déclarations. Au plan international, il importe que ces principes soient
l’AMM a élaboré un grand nombre de prises de positions éthiques respectés à moins qu’il existe de
recommandant une ligne de conduite aux médecins quel que soit bonnes raisons d’agir autrement.
leur lieu de résidence ou de pratique. Dans beaucoup de pays,
voire la plupart, les associations médicales ont la responsabilité
22 23

Manuel d’éthique médicale – Principales caractéristiques de L’éthique médicale


LʼÉTHIQUE MÉDICALE CHANGE-T-ELLE? médicale dans beaucoup de pays. Alors que l’éthique médicale
traditionnelle n’exigeait des médecins que leur responsabilité
Certains aspects de l’éthique médicale ont changé au cours des
envers leurs patients, il est de nos jours généralement entendu
années. Il y a peu encore, les médecins avaient le droit et le devoir
que les médecins doivent également tenir compte des besoins de
de décider du mode de traitement des patients et il n’y avait aucune
la société, par exemple, de l’allocation des ressources limitées de
obligation d’obtenir leur consentement éclairé. En contraste, la
santé (cf. chapitre 3).
version de 1995 de la Déclaration des droits du patient de l’AMM
commence par cette affirmation: « La relation entre les médecins, Les progrès de la technologie et des sciences médicales soulèvent
les patients et la société en général a connu ces derniers temps des des questions éthiques nouvelles auxquelles l’éthique médicale
changements importants. Alors que le médecin doit toujours agir traditionnelle ne peut répondre. La procréation médicalement
selon sa conscience et dans le meilleur intérêt du patient, il importe assistée, la génétique, l’informatisation des données de santé, et
par ailleurs de veiller à garantir au patient l’autonomie et la justice ». la prolongation de la vie, toutes qui nécessitent la participation des
De nombreux individus estiment aujourd’hui qu’ils sont leurs propres médecins, peuvent, selon l’utilisation qui en est faite, s’avérer fort
fournisseurs de soins et que le médecin a pour rôle de les conseiller bénéfiques mais aussi fort préjudiciables pour les patients. Pour
ou de les instruire. Même si cette vision des soins de santé en aider les médecins à décider de leur participation à ces activités, et
automédication est loin d’être générale, elle semble progresser et de quelles conditions, les associations médicales doivent proposer
est, en tout cas, symptomatique d’une évolution plus globale de la des méthodes analytiques différentes et ne plus simplement s’en
relation médecin / patient qui provoque des changements dans les remettre aux codes d’éthique existants.
obligations éthiques des médecins.
En dépit des changements manifestes de l’éthique médicale, les
Jusqu’à récemment, les médecins estimaient qu’ils n’étaient médecins sont généralement d’accord sur le fait de ne pas modifier,
responsables qu’envers eux-mêmes, leurs collègues et, ou du moins de pas devoir modifier, les valeurs fondamentales et
pour les croyants, envers Dieu. Aujourd’hui, ils ont aussi des les principes éthiques de la médecine. Etant donné la certitude
responsabilités envers leurs patients, des tiers comme les hôpitaux, qu’ils seront toujours affectés par les maladies, les êtres humains
les administrations de soins de santé, les organismes délivrant auront toujours besoin de médecins compatissants, compétents et
les autorisations d’exercice et les indépendants pour les soigner.
pouvoirs réglementaires, par exemple,
“Ces différentes
et souvent aussi envers les cours de responsabilités
justice. Ces différentes responsabilités peuvent parfois LʼÉTHIQUE MÉDICALE DIFFÈRE-T-ELLE
peuvent parfois s’avérer conflictuelles s’avérer DʼUN PAYS À LʼAUTRE?
comme le montreront les discussions conflictuelles…”
Tout comme l’éthique médicale peut et doit évoluer avec le temps ainsi
sur la double allégeance, au chapitre
qu’avec les progrès des technologies et des sciences médicales et
3.
aussi des valeurs de la société, elle diffère, pour les mêmes raisons,
L’éthique médicale a également changé en d’autres points. La d’un pays à l’autre. Sur la question de l’euthanasie, par exemple, il
participation à l’avortement, interdite par les codes d’éthique jusqu’à existe des divergences d’opinion importantes entre les différentes
peu, est maintenant tolérée à certaines conditions par la profession associations médicales nationales. Certaines la condamnent,
24 25

Manuel d’éthique médicale – Principales caractéristiques de L’éthique médicale


d’autres font valoir leur neutralité, et l’une d’entre elles, l’Association ou d’ailleurs. La première tâche de l’AMM a été d’actualiser le
médicale néerlandaise, l’accepte à certaines conditions. De même, serment d’Hippocrate avec pour résultat, la Déclaration de Genève,
concernant l’accès aux soins de santé, certaines associations adoptée par la deuxième Assemblée de l’AMM, en 1948. Le texte a
soutiennent l’égalité de tous les citoyens tandis que d’autres sont été depuis lors plusieurs fois révisé, dont dernièrement en 2005. Sa
prêtes à tolérer de grandes inégalités. Certains pays manifestent deuxième tâche a été d’élaborer un Code international d’éthique
un grand intérêt pour les questions éthiques soulevées par les médicale, adopté par la troisième Assemblée générale en 1949 et
avancées de la technologie médicale alors que ces questions ne se révisé en 1968 et en 1983. Ce code est actuellement en cours de
posent pas dans les pays qui n’ont pas accès à cette technologie. révision. Puis l’AMM s’est employée à développer des directives
Dans certains pays, les médecins sont assurés de ne pas être éthiques pour la recherche sur des sujets humains. Ces travaux
contraints par leur gouvernement de faire quelque chose qui soit demandèrent beaucoup plus de temps que les deux précédents
contraire aux principes éthiques alors que dans d’autres pays ils et il fallut attendre 1964 pour que la Déclaration d’Helsinki soit
peuvent avoir des difficultés à faire respecter leurs obligations adoptée. Ce document fut aussi l’objet de révisions périodiques,
éthiques, par exemple, le respect de la confidentialité des patients dont la dernière remonte à 2000.
malgré les demandes, par la police ou l’armée, de signalement de Outre ces déclarations éthiques de
blessures « suspectes ». base, l’AMM a adopté des prises de
Bien que ces différences puissent paraître importantes, il existe un position sur plus d’une centaine de “… l’AMM a pour
sujets dont la plupart sont de nature rôle d’établir des
nombre plus grand encore de similitudes. Les médecins ont partout
éthique. D’autres textes concernent normes générales
dans le monde beaucoup en commun et lorsqu’ils se rassemblent d’éthique médicale
au sein d’organisations comme l’AMM, ils parviennent généralement les questions médico-sociales, y
applicables à
à s’entendre sur des questions éthiques controversées, même si compris l’enseignement médical l’échelle mondiale.”
cela nécessite souvent de longs débats. Les valeurs fondamentales et les systèmes de santé. Chaque
de l’éthique médicale comme la compassion, la compétence, année, l’Assemblée générale de
l’autonomie et aussi l’expérience et le savoir-faire des médecins l’AMM révise quelques déclarations
constituent une base solide pour analyser les questions éthiques et existantes et/ou adopte de nouveaux
parvenir aux solutions qui seront dans le meilleur intérêt du patient, textes.
du citoyen et de la santé publique en général.
COMMENT LʼAMM DÉCIDE-T-ELLE DE CE QUI
LE RÔLE DE LʼAMM EST ÉTHIQUE?
Étant la seule organisation internationale cherchant à représenter Il n’est pas facile de parvenir à un accord international sur
tous les médecins, quelles que soient leur nationalité ou spécialité, des questions éthiques controversées, même pour un groupe
l’AMM a pour rôle d’établir des normes générales d’éthique relativement homogène comme les médecins. L’AMM s’assure de
médicale applicables à l’échelle mondiale. Depuis sa création en la nature consensuelle de ses déclarations éthiques en requérant
1947 elle s’emploie à prévenir la résurgence de comportements un taux de 75% de voix en faveur de toute déclaration nouvelle
contraires à l’éthique tels ceux des médecins de l’Allemagne nazie ou révisée lors de son assemblée annuelle. Pour obtenir ce degré
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Manuel d’éthique médicale – Principales caractéristiques de L’éthique médicale


de consensus, il importe de débattre promesse suivante : « Je considérerai la santé de mon patient
les projets sur une grande échelle, comme mon premier souci ». Et la Déclaration d’Helsinki affirme
“Il n’est pas facile
de parvenir à un de soumettre les commentaires que « dans la recherche médicale sur les sujets humains, les
accord international à l’attention du comité d’éthique intérêts de la science et de la société ne doivent jamais prévaloir
sur des questions médicale, voire d’un groupe de travail sur le bien-être du sujet ».
éthiques spécialement nommé, de rédiger un
controversées” nouveau texte et parfois le soumettre COMMENT LES INDIVIDUS DÉCIDENT-ILS DE
de nouveau à la discussion. Le CE QUI EST ÉTHIQUE?
processus peut être long, cela dépend Pour les médecins et les étudiants en médecine, l’éthique médicale
de la complexité et/ou de la nature de la question. Par exemple, ne se limite pas à suivre les recommandations de l’AMM ou des
la dernière révision de la Déclaration d’Helsinki commença en autres organisations médicales. Ces
1997 et ne fut terminée qu’en octobre 2000. Et il reste encore des directives sont souvent de nature “En fin de compte,
questions non résolues dont le comité d’éthique médicale et des générale et chacun doit décider de c’est aux individus
groupes successifs poursuivent l’examen. les appliquer ou non à une situation que revient la
donnée. De plus, il existe dans la responsabilité de
Une bonne méthode est essentielle mais ne garantit pas pour autant
prendre leurs propres
un bon résultat. En décidant de ce qui est éthique, l’AMM perpétue pratique médicale de nombreuses
décisions éthiques et
une longue tradition d’éthique médicale comme en témoignent ses questions éthiques pour lesquelles les de les appliquer.”
plus anciennes déclarations. Elle tient compte, du reste, des autres associations médicales ne proposent
prises de position exprimées sur le sujet par les organisations pas de recommandations. En fin de
nationales et internationales et les spécialistes des questions compte, c’est aux individus que revient la responsabilité de prendre
éthiques. Sur certaines questions, comme le consentement éclairé, leurs propres décisions éthiques et de les appliquer.
l’AMM partage le point de vue de la Il existe différentes façons d’aborder les questions éthiques comme
majorité. Sur d’autres, notamment celles présentées dans les études de cas au début de ce manuel.
la confidentialité des données On peut les diviser en deux grandes catégories : les approches
“Sur certaines
médicales personnelles, la position questions … la position rationnelles et les approches non rationnelles. Il est important ici
des médecins doit être défendue avec des médecins doit de préciser que non rationnel ne veut pas dire irrationnel, mais
force auprès des gouvernements, être défendue avec simplement qu’il convient de faire une distinction avec l’utilisation
des administrateurs des systèmes force auprès des
systématique, réfléchie de la raison dans la prise de décision.
de santé et/ou des entreprises gouvernements, des
administrateurs des Approches non rationnelles
commerciales. La particularité de
systèmes de santé
l’approche de l’AMM, en termes de et/ou des entreprises • L'obéissance est une façon courante de prendre des décisions
conception éthique, est de donner commerciales.” éthiques, en particulier chez les enfants et chez les personnes
la priorité au patient ou sujet de qui travaillent dans des institutions autoritaires (par exemple,
recherche. Le médecin professant la police, l’armée, certaines organisations religieuses, un grand
la Déclaration de Genève fait la nombre d’entreprises). La moralité consiste à suivre les règles
28 29

Manuel d’éthique médicale – Principales caractéristiques de L’éthique médicale


ou instructions de ceux qui ont le pouvoir, que l’on soit d’accord mentir) et de bonnes habitudes (par exemple, dire la vérité). De
ou non avec eux. plus, il est possible que des situations apparemment semblables
requièrent des décisions très différentes. Aussi utile que puisse être
• L'imitation s’apparente à l’obéissance en ce sens qu’elle
une habitude, on ne peut donc lui accorder toute sa confiance.
subordonne le jugement du vrai et du faux à celui d’une autre
personne, en l’occurrence, un modèle à émuler. La moralité Approches rationnelles
consiste à suivre l’exemple de ce modèle. Il s’agit là peut-être
En tant qu’étude de la moralité, l’éthique reconnaît la prédominance
de la manière la plus courante d’apprendre l’éthique pour les
des approches non rationnelles dans la prise de décision et
futurs médecins dont les modèles à émuler sont ici d’éminents
le comportement. Cependant, elle s’intéresse en premier lieu
spécialistes et le mode d’enseignement est l’observation et
aux approches rationnelles, notamment la déontologie, la
l’assimilation des valeurs représentées.
conséquentialisme, le principalisme et l’éthique de la vertu.
• La sensibilité ou le désir est une approche subjective de la
• La déontologie concerne la recherche de règles fondamentales
prise de décision ou comportement moral. Ce qui est juste est
pouvant servir de base à des décisions morales. En exemple,
ce que l’on sent être juste ou ce qui répond à un désir. Ce qui est
on peut citer la formule « traiter chacun comme égal ». Ses
faux est ce que l’on sent être faux ou constitue une frustration du
origines peuvent être religieuses (la croyance que toutes les
désir. La mesure de la moralité se trouve dans chaque personne
créatures de Dieu sont égales) ou non religieuses (les êtres
et, naturellement, peut beaucoup varier d’un individu à l’autre,
humains partagent quasiment les mêmes gènes). Une fois les
voire chez un même individu avec le temps.
règles établies, elles doivent être appliquées à des situations
• L'intuition est une perception immédiate de la bonne façon particulières mais les exigences requises par ces règles peuvent
d’agir dans une situation donnée. Elle s’apparente au désir en parfois être l’objet de désaccords (par exemple, la question de
ce qu’elle est entièrement subjective mais s’en distingue de savoir si la règle qui interdit de tuer un autre être humain prohibe
par son emplacement dans l’esprit plutôt que dans la volonté. l’avortement ou la peine capitale).
Elle se rapproche, dans une certaine mesure, davantage des
• Le conséquentialisme fonde la prise de décision éthique sur
formes rationnelles de la prise de décision éthique que ne le font
l’analyse des conséquences ou résultats des différents choix ou
l’obéissance, l’imitation, la sensibilité ou le désir. Cependant,
actes. L’action juste est celle qui produit les meilleurs résultats.
elle n’est ni systématique ni réfléchie mais dicte les décisions
Naturellement, il peut y avoir désaccord sur ce que l’on estime
morales par une simple idée-éclair. Comme la sensibilité et le
être un bon résultat. L’une des formes les plus connues de cette
désir, elle peut beaucoup varier d’un individu à l’autre, voire
théorie, à savoir l’utilitarisme, retient « l’utilité » comme unité
chez un même individu avec le temps.
de mesure et définit ce principe comme « le plus grand bien
• L'habitude est une méthode efficace de prise de décision pour le plus grand nombre ». Parmi les autres mesures utilisées
morale puisqu’il n’est pas nécessaire de répéter le processus dans la prise de décision relative aux soins de santé figurent
de décision systématique chaque fois qu’une question morale le coût / efficacité et les systèmes de mesure de la qualité de
identique à celles précédemment rencontrées se présente. la vie, AVCQ (années de vie corrigées par la qualité) ou AVCI
Cependant, il existe de mauvaises habitudes (par exemple, (années de vie corrigées de l’invalidité). Les partisans de la
30 31

Manuel d’éthique médicale – Principales caractéristiques de L’éthique médicale


théorie des conséquences font généralement peu de cas des bonnes décisions et de bien les appliquer. Cependant, même
principes car ils sont trop difficiles à identifier, à faire valoir et à les personnes vertueuses ne sont souvent pas sûres de la
appliquer et, de toute façon, ne tiennent pas compte de ce qui manière d’agir dans certaines situations et ne sont pas à l’abri
importe pour eux dans une prise de décision morale, à savoir, les d’une mauvaise décision.
résultats. Cependant, cette mise à l’écart des principes expose
Aucune de ces quatre approches ou d’autres proposées n’est
la théorie des conséquences à des critiques, notamment le fait
parvenu à emporter un assentiment universel. Les individus diffèrent
qu’elle permettrait que « la fin justifie les moyens », à savoir que
les uns des autres tant dans leur préférence pour une approche
les droits de la personne humaine peuvent être sacrifiés pour
rationnelle de la prise de décision éthique que dans leur préférence
parvenir à certaines fins.
pour une approche non rationnelle. Cela peut s’expliquer en partie
• Le principalisme, comme son nom l’indique, pose les principes par le fait que chaque approche présente à la fois des points forts
éthiques comme fondement des prises de décision morale. Elle et des points faibles. Une combinaison des quatre approches
applique ces principes à des situations ou cas particuliers pour qui retiendrait de chacune ce qu’elle a de meilleur peut-être un
savoir ce qu’il convient de faire, en tenant compte à la fois des excellent moyen de prendre des décisions éthiques rationnelles. Il
règles et des conséquences. Le principalisme a été très influent s’agit d’identifier les règles et les principes les mieux appropriés à
dans de récents débats éthiques, en particulier aux États-Unis. une situation donnée et de tenter de les appliquer au plus grand
Quatre principes — le respect de l’autonomie, la bienfaisance, nombre possible. Il conviendra aussi d’examiner les conséquences
la non malfaisance et la justice — ont été considérés comme les possibles des autres alternatives et d’indiquer celles qui sembleraient
plus importants pour la prise de décision éthique dans la pratique préférables. Enfin, il conviendra de s’assurer que le comportement
médicale. Les principes jouent en effet un rôle important dans du décideur, à la fois au regard de la prise de décision et de sa mise
les prises de décision rationnelles. Cependant, le choix de ces en application, est admirable.
principes, en particulier la primauté qu’ils donnent au respect Les étapes de ce processus de prise de décision seraient les
de l’autonomie, renvoie à une culture libérale occidentale et suivantes :
non forcément universelle. De plus, étant donné qu’il existe des
situations particulières dans lesquelles ces quatre principes 1. déterminer l’éventuelle nature éthique de la question
apparaissent souvent incompatibles, il importe que des critères donnée;
ou des méthodes permettant de résoudre ces conflits soient 2. consulter les sources autorisées comme les déclarations
établis. et codes d’éthiques des associations médicales et les
collègues respectés afin de voir comment les médecins
• L'éthique de la vertu s’intéresse moins à la prise de décision
traitent généralement ce problème;
qu’au caractère des décideurs tel qu’il s’exprime dans leur
comportement. Une vertu est un type d’excellence morale. 3. examiner les autres solutions possibles à la lumière des
Comme indiqué précédemment, la compassion est une principes et valeurs qu’elles contiennent et de leurs
vertu particulièrement importante pour le médecin. Et aussi, conséquences probables;
l’honnêteté, la prudence et le dévouement. Les médecins 4. discuter la solution proposée avec les personnes
qui possèdent ces vertus sont mieux à même de prendre les concernées;
32 33

Manuel d’éthique médicale – Principales caractéristiques de L’éthique médicale


5. décider et agir avec sensibilité envers les autres personnes
concernées;
CONCLUSION
6. évaluer la décision prise et être prêt à agir différemment à
Le présent chapitre prépare en quelque sorte
l’avenir.
celui qui suit. Lorsque des questions spécifiques
d éthique médicale se posent, il est bon de se
rappeler que des médecins ont déjà rencontré bon
CONCLUSION nombre de ces problèmes dans le passé et que
leurs expériences et sagesse conjuguées peuvent
This chapter sets the stage for what follows. aujourd hui être très utiles. L AMM et d autres
When dealing with specific issues in medical organisations médicales perpétuent cette tradition
ethics, it is good to keep in mind that par l énoncé de recommandations éthiques utiles
physicians have faced many of the same aux médecins. Cependant, malgré un haut niveau
issues throughout history and that their de consensus des médecins sur ces questions,
accumulated experience and wisdom can be certains peuvent ne pas être ou ne sont pas
very valuable today. The WMA and other m d accord sur la manière de traiter certains cas
particuliers. De plus, l avis du médecin peut être
complètement différent de celui du patient ou
autre fournisseur de soins. Il importe surtout, pour
résoudre ces conflits éthiques, que les médecins
comprennent les différentes approches d une
prise de décision éthique, non seulement la leur,
mais aussi celle des personnes avec lesquelles ils
interagissent. Ils pourront ainsi décider par eux-
mêmes de la meilleure façon d agir et expliquer
leur décision aux autres.
34 35

L’éthiqueetmédicale
patients
CHAPITRE 2 –

Médecins
MÉDECINS ET PATIENTS

d’éthique
Principales
Manuel d’éthique médicale – Manuel médicale –de
caractéristiques
OBJECTIFS
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez pouvoir:
· expliquer pourquoi tous les patients sont en droit d'obtenir le
respect et une égalité de traitement
· identifier les modalités essentielles du consentement
éclairé
· expliquer la manière dont les décisions médicales doivent
être prises pour les patients incapables de prendre leurs
propres décisions
· expliquer la justification de la confidentialité pour le patient et
reconnaître ses exceptions légitimes
· reconnaître les principales questions éthiques concernant le
commencement et la fin de la vie
· résumer les arguments pour ou contre la pratique de
l’euthanasie ou du suicide assisté et expliquer la différence
entre ces actes et les soins palliatifs ou l’abstention des
Un médecin compatissant traitements de prolongation de la vie
© Jose Luis Pelaez, Inc./CORBIS
36 37

L’éthiqueetmédicale
patients
concernant, l’autonomie du patient est souvent très aléatoire. D’autres
ÉTUDE DE CAS N 1 aspects de la relation sont tout aussi problématiques, notamment

Médecins
l’obligation du médecin de préserver le secret professionnel dans
Le Dr P., chirurgien compétent et expérimenté,
s apprête à terminer son service de nuit dans un
une ère d’informatisation des données médicales et de gestion

médicale –de
hôpital communal de taille moyenne. Une jeune fille, des soins et le devoir de préserver la vie face à des demandes

caractéristiques
accompagnée de sa mère, arrive à l hôpital. La mère visant à précipiter le moment de la mort. Ce chapitre examinera
repart immédiatement après avoir dit à l infirmière six sujets particulièrement problématiques

d’éthique
qu elle devait rentrer pour s occuper des autres de la pratique médicale quotidienne:
enfants. La patiente présente une hémorragie le respect et l’égalité de traitement, la “Je considérerai la

Principales
vaginale et souffre beaucoup. Le Dr P. l examine santé de mon patient

Manuel d’éthique médicale – Manuel


communication et le consentement,
et pense qu il s agit d une fausse couche ou d un comme mon premier
la prise de décision des patients
avortement provoqué. Il fait vite une dilatation et souci ”
incapables, la confidentialité, les
un curetage et demande à l infirmière de demander questions relatives au commencement
à la patiente si elle peut financièrement se
et à la fin de la vie.
permettre de rester à l hôpital jusqu à ce qu il soit
sans danger pour elle d en sortir. Le Dr Q. arrive RESPECT ET ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
pour remplacer le Dr P. qui rentre chez lui sans
avoir parlé à la patiente. L’idée selon laquelle tous les êtres humains ont droit au respect et
à une égalité de traitement est relativement récente. Dans la plupart
des sociétés, le manque de respect comme l’inégalité de traitement
des individus et des groupes était considéré comme normal et
QUELLE EST LA PARTICULARITÉ DE LA
naturel. La pratique de l’esclavage dans les colonies européennes
RELATION MÉDECIN / PATIENT?
et aux États-Unis ne fut éradiquée qu’au 19e siècle et elle existe
La relation médecin / patient est la pierre angulaire de la encore dans certaines parties du monde. La fin de la discrimination
pratique médicale et donc de l’éthique médicale. Comme indiqué institutionnelle contre les populations non blanches dans des pays
précédemment, la Déclaration de Genève demande au médecin comme l’Afrique du Sud est encore plus récente. Et la discrimination
de professer « Je considérerai la santé de mon patient comme en fonction de l’âge, de l’incapacité ou de l’inclinaison sexuelle est
mon premier souci » et le Code international d’éthique médicale toujours largement répandue. Il est manifeste que la demande d’une
déclare que « le médecin devra à ses patients la plus complète égalité de traitement pour tous les peuples du monde rencontre
loyauté, ainsi que toutes les ressources de sa science ». encore de fortes résistances.
Comme souligné au chapitre 1, l’interprétation traditionnelle, La conversion de l’humanité, graduelle et toujours actuelle, à l’idée
paternaliste, de la relation médecin / patient, selon laquelle le patient de l’égalité humaine remonte aux 17e et 18e siècles, en Europe et
se soumettait aux décisions du médecin, a été radicalement rejetée aux États-Unis, avec, à l’origine, deux idéologies en opposition:
ces dernières années au nom du droit autant que de l’éthique. Etant une nouvelle interprétation de la foi chrétienne et un rationalisme
donné qu’un grand nombre de patients ne sont pas capables ou ne anti-chrétien. La première inspirant la Révolution américaine et la
souhaitent pas prendre des décisions au sujet des soins médicaux les Déclaration des droits, la seconde, la Révolution française et les
38 39

L’éthiqueetmédicale
patients
changements politiques qui lui sont liés. Sous l’effet de ces deux Même si les médecins ne portent pas atteinte aux principes de
influences, la démocratie s’installe peu à peu et commence à se respect et d’égalité lorsqu’ils sélectionnent leurs patients, ils peuvent

Médecins
répandre à travers le monde. Elle repose sur l’idée d’une égalité encore ne pas respecter ces principes dans le cadre du traitement
politique entre tous les hommes (et, beaucoup plus tard, les femmes) et de leurs relations avec le patient. L’étude de cas décrite en début

médicale –de
et, par voie de conséquence, le droit d’avoir son mot à dire dans le de chapitre illustre bien ce problème. Comme souligné au chapitre

caractéristiques
choix de ceux qui les gouvernent. 1, la compassion est une des valeurs essentielles de la médecine
et s’avère fondamentale pour une bonne relation thérapeutique.
Le 20e siècle atteste un développement considérable du concept

d’éthique
La compassion repose sur le respect de la dignité et des valeurs
d’égalité, en termes de droits humains. L’une des premières
du patient, mais ne se limite pas à ces principes; elle reconnaît et

Principales
mesures de l’organisation nouvellement établie des Nations Unies

Manuel d’éthique médicale – Manuel


répond à la vulnérabilité du patient confronté à une maladie et / ou
a été d’énoncer la Déclaration universelle des droits de l’homme
incapacité. Un patient qui sent la compassion du médecin est mieux
(1948) qui déclare dans l’article 1: « Tous les êtres humains naissent
à même de faire confiance à la capacité de celui-ci d’agir dans son
libres et égaux en dignité et en droits ». Bien d’autres instances
meilleur intérêt, cette confiance pouvant contribuer à assurer le
nationales et internationales ont publié des déclarations de droits,
processus de guérison.
soit pour tous les êtres humains ou citoyens d’un pays, soit pour
certains groupes d’individus (les droits de l’enfant, les droits du Cette confiance, essentielle à relation médecin / patient, est
patient, les droits du consommateur). De nombreuses organisations généralement interprétée dans le sens que le médecin ne doit
ont aussi été constituées dans le but de promouvoir l’application de pas délaisser le patient pour lequel il s’est engagé à dispenser
ces déclarations. Pourtant, malheureusement, les droits humains des soins. Le Code international d’éthique médicale de l’AMM
ne sont toujours pas respectés dans beaucoup de pays. laisse entendre que la seule raison de mettre un terme à la relation
médecin / patient est que le patient demande de consulter un
La profession médicale a eu pendant des années des vues quelque collègue doté de compétences différentes: « le médecin devra à ses
peu contradictoires sur l’égalité et les droits du patient. D’un côté, il patients la plus complète loyauté, ainsi que toutes les ressources
était dit au médecin de ne pas « permettre que des considérations de sa science. Lorsqu’un examen ou
d’âge, de maladie ou d’infirmité, de croyance, d’origine ethnique, traitement dépasse ses capacités,
de sexe, de nationalité, d’affiliation politique, de race, d’inclinaison le médecin devrait faire appel un
sexuelle ou de statut social puissent s’interposer entre [son] devoir “un médecin qui veut
collègue qui dispose des compétences terminer une relation
et [son] patient » (Déclaration de Genève). Dans le même temps, nécessaires ». avec son patient
les médecins revendiquaient le droit de pouvoir refuser un patient, à … doit être prêt à
l’exception des cas d’urgence. Bien qu’il existe des raisons légitimes Cependant, il existe bien d’autres justifier sa décision,
à un tel refus, comme un emploi du temps chargé, (le manque de) raisons pour lesquelles un médecin à lui-même, au patient
qualifications pédagogiques ou de spécialisation, les médecins peut vouloir terminer une relation et, le cas échéant,
avec son patient, par exemple, un à un tiers.”
peuvent facilement, même s’ils n’ont pas à se justifier, pratiquer la
discrimination sans être tenus pour responsables. La conscience du déménagement ou une cessation
médecin, plutôt que le droit ou les pouvoirs disciplinaires, est ici le d’activité, l’insolvabilité du patient ou
meilleur moyen d’empêcher les violations des droits humains. son refus de payer ses services, une
40 41

L’éthiqueetmédicale
patients
antipathie réciproque, le refus du patient de se conformer à ses sociaux. Cependant, il existe bien d’autres infections graves,
recommandations. Les raisons invoquées peuvent être tout à fait dont certaines mêmes sont plus facilement transmissibles aux

Médecins
légitimes ou contraires aux principes éthiques. Les médecins qui travailleurs de santé que le VIH/SIDA. Certains médecins hésitent
envisagent une telle décision doivent consulter leur code d’éthique à appliquer des méthodes invasives à ces patients parce qu’ils

médicale –de
ou autre texte de recommandations approprié et examiner avec craignent une contamination. Cependant, les patients atteints

caractéristiques
attention leurs motifs. Ils doivent être prêts à justifier leur décision, d’une maladie infectieuse ne sont l’objet d’aucune exception dans
à eux-mêmes, au patient et, le cas échéant, à un tiers. Si le motif les codes d’éthique médicale, notamment pour ce qui concerne le

d’éthique
est légitime, le médecin aidera le patient à chercher le praticien qu’il devoir du médecin de traiter tous les patients également. La Prise
de position de l’AMM sur la responsabilité professionnelle

Principales
estimera être le plus compétent et, si cela n’est pas possible, il devra

Manuel d’éthique médicale – Manuel


lui donner un avis d’annulation de traitement pour lui permettre de des médecins dans le traitement des patients atteints du SIDA
trouver d’autres soins médicaux. Si le motif n’est pas légitime, par l’exprime en ces termes :
exemple, un préjudice racial, le médecin doit prendre les mesures Les malades du SIDA ont le droit
nécessaires pour régler ce problème. de recevoir des soins médicaux “Une personne
appropriés prodigués avec atteinte du SIDA a
Beaucoup de médecins, notamment dans le secteur public, souvent, compassion et respect de leur besoin d’être traitée
ne choisissent pas les patients qu’ils traitent. Certains patients sont dignité humaine. Un médecin de manière appropriée
et avec compassion.”
violents et constituent une menace pour la sécurité du médecin. n’a pas le droit moral de refuser
D’autres ont des attitudes antisociales et un comportement qu’on de traiter un patient dont la
ne saurait autrement qualifier que d’odieux. Ces patients ont-ils maladie relève du domaine de sa
renoncé à leur droit au respect et à une égalité de traitement ou compétence actuelle pour la seule raison que ce patient est
attend-t-on des médecins qu’ils fassent des efforts supplémentaires, séropositif.
peut-être même héroïques, pour établir et maintenir des relations L’éthique médicale n’autorise pas la discrimination de certaines
thérapeutiques? En présence de tels patients, les médecins doivent catégories de patients fondée uniquement sur le fait qu’ils sont
trouver un équilibre entre la responsabilité envers leur propre séropositifs. Une personne atteinte du SIDA a besoin d’être
sécurité et bien-être et ceux de leur personnel et la responsabilité traitée de manière appropriée et avec compassion. Un médecin
de promouvoir le bien-être des patients. Il importe qu’ils trouvent qui n’est pas en mesure d’offrir les soins et les services requis
les moyens de satisfaire à ces deux obligations. Si cela n’est pas par les malades du SIDA devrait les référer aux médecins et
possible, ils devront prendre d’autres mesures permettant d’assurer aux services qui sont équipés pour répondre à ce genre de
les soins de ces patients. soins. Le médecin (homme ou femme) est tenu de s’occuper
du patient aussi bien qu’il le peut jusqu’à ce que ce dernier soit
Le traitement des patients atteints d’une maladie infectieuse
référé ailleurs.
apparaît comme un autre défi lancé au principe du respect et de
l’égalité de traitement. L’attention est souvent ici portée au VIH/ Le caractère intime de la relation médecin / patient peut donner lieu
SIDA, non seulement parce qu’il s’agit d’une maladie extrêmement à des attirances sexuelles. Une règle fondamentale de l’éthique
grave, mais surtout parce qu’elle est souvent l’objet de préjudices médicale demande de ne pas céder à ces attirances. Le serment
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L’éthiqueetmédicale
patients
d’Hippocrate comporte la promesse que « dans toute maison où ses décisions. Il doit pouvoir clairement comprendre l’objet d’un
je serai appelé, je n’entrerai que pour le bien des malades. Je examen ou d’un traitement, les effets de leurs résultats et les

Médecins
m’interdirai d’être à l’origine de tort ou de corruption, ainsi que conséquences d’un refus de consentement.
d’établir des relations intimes avec des femmes ou des hommes,

médicale –de
Une bonne communication entre le médecin et le patient est
libres ou esclaves ». Ces dernières années, de nombreuses

caractéristiques
une condition essentielle du consentement éclairé. Lorsque le
associations médicales ont réaffirmé l’interdiction de relations
paternalisme médical était encore considéré comme normal, la
sexuelles entre le médecin et son patient. Les raisons de cette
communication était relativement simple puisqu’elle consistait en

d’éthique
interdiction sont tout aussi valables aujourd’hui qu’elles l’étaient au
un ordre du médecin donné au patient de se soumettre à tel ou tel
temps d’Hippocrate, il y a 2500 ans. Les patients sont vulnérables

Principales
traitement. Aujourd’hui la communication exige beaucoup plus des

Manuel d’éthique médicale – Manuel


et ont confiance qu’ils seront bien traités par leur médecin. Il se
médecins. Ils doivent fournir aux patients tous les renseignements
peut qu’ils ne résistent pas aux avances sexuelles du médecin par
peur de ne pas recevoir le traitement médical nécessaire. De plus, dont ils ont besoin pour prendre une décision. Cela signifie qu’ils
une implication émotionnelle avec un patient peut avoir un effet doivent expliquer dans un langage simple le diagnostic et le pronostic
défavorable sur le jugement clinique du médecin. d’une maladie et la nature des traitements médicaux complexes.
Ils doivent également confirmer ou corriger les renseignements
Cette dernière raison vaut aussi pour les médecins qui traitent les obtenus par d’autres moyens (un autre médecin, des revues,
membres de leur propre famille, une pratique fortement découragée l’Internet, etc.), s’assurer que les patients comprennent les choix
par beaucoup de codes d’éthique. Cependant, l’application de cette de traitement possibles, y compris pour chacun, leurs avantages
recommandation, tout comme d’autres que les codes d’éthique et leurs inconvénients, répondre à leurs éventuelles questions et
énoncent, peut varier en fonction des circonstances. Par exemple, comprendre la décision du patient, quelle qu’elle soit, et si possible,
les médecins qui exercent seuls dans des contrées éloignées les raisons qui l’ont motivée. Il n’est pas naturellement donné à tout
peuvent avoir à fournir des soins à des membres de leur famille, le monde de bien communiquer. Cette aptitude doit être développée
surtout dans les cas d’urgence. et maintenue par des efforts conscients et assidus.

COMMUNICATION ET CONSENTEMENT Les deux principaux obstacles à une bonne communication entre le
médecin et le patient sont les différences de langue et de culture.
Le consentement éclairé est l’une des notions essentielles de Lorsque le médecin et le patient ne parlent pas la même langue,
l’éthique médicale actuelle. Le droit du patient de prendre des il convient de faire appel à un interprète. Malheureusement, il
décisions au sujet des soins de santé le concernant a été consacré n’est pas toujours possible de disposer d’interprètes qualifiés et le
dans le monde entier par des déclarations juridiques et éthiques. La médecin doit aller chercher la personne la mieux qualifiée pour faire
Déclaration de l’AMM sur les droits du patient affirme: ce travail. La culture, qui dépasse la langue tout en l’incluant, pose
Le patient a le droit de prendre librement des décisions le des problèmes de communication supplémentaires. Étant données
concernant. Le médecin l’informera des conséquences de ses les différences d’interprétation de la nature et des causes d’une
décisions. Tout adulte compétent a le droit de donner ou de refuser maladie selon la culture, les patients peuvent ne pas comprendre
de donner son consentement à une méthode diagnostique ou le diagnostic et le choix du traitement du médecin. Il importe alors
thérapeutique. Il a droit à l’information nécessaire pour prendre que le médecin fasse tout son possible pour tester la faculté de
44 45

L’éthiqueetmédicale
patients
compréhension des questions de santé et de guérison du patient et patient tient toujours à ce que ce soit le médecin qui décide,
lui donner ses conseils de la meilleure façon possible. le médecin acceptera, dans le respect du meilleur intérêt du

Médecins
Lorsque le médecin est parvenu à communiquer au patient tous les patient.
renseignements nécessaires concernant le diagnostic, le pronostic • le cas où la divulgation d’informations est préjudiciable pour le

médicale –de
caractéristiques
et le choix du traitement, le patient est alors à même de prendre patient. La notion traditionnelle de « privilège thérapeutique »
une décision éclairée sur ce qui lui est proposé. Bien que le terme est ici invoquée. Elle autorise les médecins à refuser la
« consentement » laisse supposer une acceptation du traitement, communication de données médicales susceptibles de

d’éthique
la notion de consentement éclairé s’applique aussi bien à un porter gravement atteinte à l’état physique, psychologique et

Principales
refus de traitement qu’à un choix de émotionnel du patient, par exemple, le risque de suicide dans le

Manuel d’éthique médicale – Manuel


“Les patients traitement parmi d’autres. Les patients cas d’un diagnostic de maladie en phase terminale. Ce privilège
compétents ont le compétents ont le droit de refuser un ouvre la porte à de graves abus et les médecins ne doivent y
droit de refuser un traitement, quand bien même ce refus recourir que dans des cas très particuliers. Ils partiront donc
traitement, quand provoquerait une incapacité ou la d’abord du principe que tous les patients ont la capacité de faire
bien même ce refus mort. face aux événements et réserveront ensuite la non-divulgation
provoquerait une
incapacité ou la mort.” La preuve du consentement peut être des données à ceux dont ils sont convaincus qu’il sera beaucoup
explicite ou implicite (supposée). Le plus préjudiciable de dire la vérité que de la taire.
consentement explicite sera donné Certaines cultures estiment souvent que l’obligation du médecin
oralement ou par écrit. Le consentement est dit implicite lorsque le d’informer le patient ne s’applique pas dans les cas de diagnostic
patient exprime par son comportement la volonté de se soumettre de maladie en phase terminale. Elles pensent que la divulgation
à une méthode ou à un traitement. Par exemple, le consentement à de l’information réduirait le patient au désespoir et contribuerait à
une piqûre intraveineuse est supposé par le fait même de présenter rendre le restant de sa vie plus misérable que s’il gardait un espoir
le bras. Lorsque le traitement comporte des risques ou qu’il provoque de guérison. Il n’est pas rare dans le monde que les membres de
plus qu’une légère gêne, l’obtention d’un consentement explicite est la famille du patient implorent le médecin de ne pas dire au patient
préférable. qu’il va mourir. Il importe donc que les médecins soient sensibles
Il est deux exceptions à la demande de consentement éclairé par aux aspects personnels et culturels qui entourent la communication
les patients compétents: de mauvaises nouvelles, en particulier une mort imminente. Malgré
tout, le droit du patient au consentement éclairé est de plus en plus
• le cas où le patient cède volontairement son pouvoir de décision
largement accepté et le principal devoir du médecin est ici d’aider
au médecin ou à un tiers. Vu la complexité de la question ou la
les patients à faire valoir ce droit.
confiance totale dans le jugement de son médecin, le patient
peut dire « Faites ce vous pensez être pour le mieux ». Plutôt Alors que la tendance à considérer les soins de santé comme
que de s’empresser de répondre à une telle demande, le des produits de consommation et les patients comme des
médecin fournira au patient les renseignements nécessaires sur consommateurs semble se renforcer, il n’est pas rare que les
les choix de traitement et l’encouragera à prendre les décisions patients et leurs familles demandent l’accès à des services
par lui-même. Cependant, si, malgré ces encouragements, le médicaux qui, de l’avis du médecin, ne sont pas appropriés. Cela
46 47

L’éthiqueetmédicale
patients
peut aller de la demande d’antibiotiques pour une affection virale professionnelles se prononcent sur le sujet, le médecin devra décider
à une demande de soins intensifs pour des patients cliniquement par lui-même s’il doit accepter ou non les demandes de traitement

Médecins
morts ou encore des demandes de médicaments ou d’opérations inapproprié. Il doit refuser ces demandes lorsqu’il est convaincu que
chirurgicales prometteurs, quoique non encore éprouvés. Certains le traitement est plus préjudiciable que bénéfique pour le patient.

médicale –de
patients revendiquent un « droit » au service médical qu’ils estiment Il doit aussi se sentir libre de refuser un

caractéristiques
salutaire pour eux et les médecins ne se montrent souvent que trop traitement dont il est improbable qu’il
“… dans quelle
obligeants, même s’ils sont convaincus que le service ne présente soit bénéfique même s’il n’est pas mesure les patients

d’éthique
aucun avantage médical pour la santé du patient. Ce problème est préjudiciable, bien que la possibilité et leurs familles ont
particulièrement préoccupant lorsque les ressources sont limitées d’un effet placebo ne doit pas être

Principales
droit à des services
qui ne sont pas

Manuel d’éthique médicale – Manuel


et que la prestation de traitements « futiles » et « non bénéfiques » écartée. Dans le cas de ressources
à certains patients signifie que d’autres restent sans traitement. limitées, il doit attirer l’attention recommandés par
leurs médecins ?”
des responsables appropriés de
Les termes futile et non bénéfique peuvent être entendus comme l’allocation de ces ressources.
indiqué dans les lignes suivantes. Dans certains cas, le médecin
peut décider qu’un traitement est médicalement futile ou non
profitable parce qu’il n’offre pas d’espoir raisonnable de guérison PRISE DE DÉCISION POUR
ou d’amélioration ou que le patient n’en retire jamais aucun DES PATIENTS INCAPABLES
avantage. Dans d’autres cas, l’utilité et l’avantage d’un traitement Beaucoup de patients ne sont pas capables de prendre les décisions
ne peut être décidé qu’en fonction de l’appréciation subjective par eux-mêmes. Par exemple, les très jeunes enfants, les personnes
du patient de son bien-être général. En règle générale, le patient atteintes de certaines maladies psychiatriques ou neurologiques
doit prendre part aux discussions et les personnes temporairement inconscientes ou dans le coma.
concernant la détermination de la Ces patients ont besoin d’un représentant légal qui sera soit le
futilité de son traitement. Dans des “Le médecin n’a
médecin, soit une autre personne. Cependant, la désignation d’un
aucune obligation
cas exceptionnels, ces discussions représentant légal compétent et le choix des critères permettant de
d’offrir un traitement
peuvent ne pas satisfaire le meilleur futile ou non bénéfique prendre une décision au nom du patient incapable soulèvent des
intérêt du patient. Le médecin n’a à un patient.” problèmes éthiques.
aucune obligation d’offrir un traitement
futile ou non bénéfique à un patient. Lorsque le paternalisme médical prévalait encore, le médecin était
censé être le représentant légal approprié. Les médecins pouvaient
Le principe du consentement éclairé suppose le droit du patient de consulter les membres de la famille pour choisir le traitement mais
choisir parmi les options proposées par le médecin. La question de la décision finale leur incombait. Les médecins ont progressivement
savoir dans quelle mesure les patients et leurs familles ont droit à perdu ce pouvoir dans beaucoup de pays, étant donné que les
des services qui ne sont pas recommandés par leurs médecins est patients ont maintenant la possibilité de nommer le représentant
aujourd’hui un sujet important de controverse éthique, juridique et légal qui décidera à leur place quand ils auront perdu la capacité
aussi de politique publique. En attendant que les gouvernements, de le faire eux-mêmes. De plus, certains États spécifient les
les organismes d’assurance médicale et / ou les organisations représentants légaux appropriés dans un ordre décroissant (par
48 49

L’éthiqueetmédicale
patients
exemple, le mari ou la femme, l’enfant adulte, les frères et sœurs). l’Internet, etc.), s’assurer que les patients comprennent les choix
La Déclaration de l’AMM sur les droits du patient indique le de traitement possibles, y compris pour chacun, leurs avantages

Médecins
devoir du médecin en pareil cas: et leurs inconvénients, répondre à leurs éventuelles questions et
comprendre la décision du patient, quelle qu’elle soit, et si possible,

médicale –de
Si le patient est inconscient ou incapable d’exprimer sa les raisons qui l’ont motivée.

caractéristiques
volonté, le représentant légal doit, lorsqu’il le peut et lorsque
Le principal critère sur lequel doit se fonder la décision du traitement
la loi le permet, faire connaître son consentement éclairé. Si
pour un patient incapable est l’expression de ses préférences

d’éthique
en l’absence du représentant légal, il y a nécessité urgente
lorsque celles-ci sont connues. Ces préférences peuvent soit être

Principales
d’intervention médicale, le consentement du patient sera
indiquées dans une directive anticipée soit communiquées au

Manuel d’éthique médicale – Manuel


présumé, à moins que sur la base d’une conviction ou ferme
représentant légal désigné, au médecin ou à d’autres membres du
déclaration préalable, il ne soit évident et indéniable qu’il aurait,
personnel soignant. Lorsqu’elles ne sont pas connues, les décisions
dans pareil cas, refusé l’intervention.
concernant le traitement doivent être prises sur la base du meilleur
Des problèmes surgissent lorsque les personnes qui prétendent être intérêt du patient, et tenir compte: (a) du diagnostic et du pronostic
les représentants légaux compétents, par exemple les différents établis; (b) des valeurs reconnues; (c) des renseignements fournis
membres d’une famille, ne sont pas d’accord ou, si elles le sont, par des personnes proches du patient et pouvant aider à définir ce
leur décision n’est pas selon le médecin dans le meilleur intérêt qui constitue son meilleur intérêt; (d) des aspects culturels et religieux
du patient. Dans le premier cas, le médecin peut jouer un rôle de susceptibles d’influencer la décision concernant le traitement. Cette
médiateur, mais si le désaccord persiste, il faudra envisager d’autres approche n’est pas aussi satisfaisante que si le patient avait donné
solutions, par exemple, laisser l’aîné de la famille décider ou encore des instructions spécifiques, mais permet au représentant légal de
recourir au vote. En cas de désaccord entre le représentant légal et déduire, à la lumière des autres choix effectués par le patient et de
le médecin, la Déclaration sur les droits du patient recommande son rapport à l’existence en général, ce que le patient aurait décidé
que « lorsque le représentant légal ou la personne autorisée par le dans la situation donnée.
patient refuse un traitement qui, de l’avis du médecin, s’avère être
La capacité à prendre des décisions médicales peut être difficile
dans le meilleur intérêt du patient, le médecin devrait contester cette
à évaluer, en particulier chez les très jeunes gens et chez les
décision devant une institution légale ou autre appropriée ».
personnes présentant une diminution de la faculté de raisonnement
Les principes et procédures de consentement éclairé examinés dans à la suite d’une maladie grave ou chronique. Une personne peut être
la section précédente s’appliquent aussi bien au représentant légal capable de prendre des décisions sur certains aspects de la vie mais
qu’au patient qui décide par lui-même. Les médecins ont le devoir incapable sur d’autres; de même, cette capacité peut être discontinue
de donner aussi au représentant légal tous les renseignements dont – une personne peut être raisonnable à certains moments de la
il a besoin pour prendre une décision. Cela signifie qu’ils doivent journée et pas du tout à d’autres. Bien que ces patients puissent ne
expliquer dans un langage simple le diagnostic et le pronostic pas être légalement capables, leurs préférences doivent être prises
d’une maladie et la nature des traitements médicaux complexes. en considération lorsque des décisions sont prises à leur égard. La
Ils doivent également confirmer ou corriger les renseignements Déclaration sur les droits du patient exprime le problème en ces
obtenus par d’autres moyens (un autre médecin, des revues, termes: « Si le patient n’a pas encore atteint l’âge de la majorité
50 51

L’éthiqueetmédicale
patients
ou s’il est légalement incapable, il du patient en matière de traitement et les raisons de ces préférences,
“…le patient est nécessaire d’avoir, lorsque la même si, en fin de compte, elles ne pourront être satisfaites.

Médecins
devra, dans toute loi le permet, le consentement du
la mesure du représentant légal. Néanmoins, le
CONFIDENTIALITÉ

médicale –de
possible, prendre patient devra, dans toute la mesure

caractéristiques
part aux
du possible, prendre part aux Le devoir du médecin de garder confidentiels les renseignements
décisions ”
décisions ». concernant le patient est, depuis Hippocrate, une pierre angulaire

d’éthique
de l’éthique médicale. Le serment d’Hippocrate déclare: « Tout
Souvent, les patients ne peuvent

Principales
ce que je verrai ou entendrai autour
pas prendre une décision raisonnée et réfléchie concernant les

Manuel d’éthique médicale – Manuel


de moi, dans l’exercice de mon art “le médecin
différents choix de traitement à cause des malaises et des troubles
ou hors de mon ministère, et qui ne devra préserver
que provoque leur maladie. Cependant, il leur est parfois possible
devra pas être divulgué, je le tairai et le secret absolu
d’indiquer leur refus pour une intervention particulière, par exemple, sur tout ce qu’il sait
le considérerai comme un secret ».
en débranchant le tube d’alimentation par intraveineuse. Il convient de son patient,
en pareil cas de prendre ces signes de dissentiment très au sérieux, Ce serment, tout comme quelques- même après
même s’ils doivent être examinés à la lumière de tous les objectifs unes des versions plus récentes, sa mort”
du schéma thérapeutique. ne permet aucune exception à cette
règle. Ainsi, par exemple, le Code
Les patients souffrant de désordres psychiatriques et neurologiques international d’éthique médicale
susceptibles de constituer un danger pour eux-mêmes ou de l’AMM recommande que « le médecin devra préserver le secret
pour d’autres personnes soulèvent des questions éthiques absolu sur tout ce qu’il sait de son patient, même après sa mort ».
particulièrement difficiles. Il est important que leurs droits humains, Cependant, d’autres codes rejettent ce caractère absolu de la
en particulier le droit à la liberté, soient dans toute la mesure du confidentialité. Le fait qu’il soit possible de parfois violer le principe
possible, respectés. Toutefois, un internement et / ou traitement du secret professionnel demande des éclaircissements sur la notion
contre leur gré peut être nécessaire pour les empêcher de faire même de la confidentialité.
du mal, à eux-mêmes ou aux autres. Il convient ici de faire une
distinction entre internement involontaire et traitement involontaire. Trois principes président à la valeur particulière de la confidentialité:
Certains défenseurs du patient font valoir pour ces individus le l’autonomie, le respect d’autrui et la confiance. L’autonomie est
droit de refuser le traitement même s’ils doivent être internés par liée à la confidentialité en ce que les renseignements personnels
la suite. Une des raisons légitimes de refuser le traitement pouvant appartiennent en propre à l’individu et qu’ils ne doivent pas être
être l’expérience douloureuse d’un traitement administré dans le portés à la connaissance d’autrui sans son consentement. Lorsqu’un
passé, par exemple, des effets secondaires graves de médicaments individu révèle des renseignements personnels à un médecin ou
psychotropes. Les médecins qui acceptent d’être les représentants à une infirmière, par exemple, ou lorsqu’un examen médical fait
légaux de ces patients doivent s’assurer qu’ils constituent pour les apparaître certains renseignements, il importe que ceux-ci soient
autres ou pour eux-mêmes, un réel danger et non un simple sujet tenus secrets par celui qui en a connaissance à moins que l’intéressé
d’inquiétude. Ils doivent aussi chercher à connaître les préférences n’en permette la divulgation.
52 53

L’éthiqueetmédicale
patients
L’importance de la confidentialité tient aussi au fait que les êtres • L'information confidentielle ne peut être divulguée qu’à la
humains sont en droit d’être respectés. Une des façons de leur condition expresse que le patient en donne le consentement

Médecins
témoigner ce respect est de préserver leur vie privée. Dans le milieu ou qu’à condition que la loi l’autorise expressément. Elle ne
médical, la vie privée est souvent fort compromise et ce devrait être peut être divulguée aux autres pourvoyeurs de santé que

médicale –de
là une raison suffisante pour empêcher d’autres ingérences inutiles. sur la base du « besoin de savoir » à moins que le patient

caractéristiques
Étant donné que les individus n’expriment pas tous la même envie n’en donne son consentement explicite.
en matière de vie privée, on ne peut présumer que tout le monde • Toutes les données identifiables concernant le patient

d’éthique
veuille être traité de la même manière. Il importe de déterminer avec doivent être protégées. Cette protection doit correspondre

Principales
attention les renseignements personnels qu’un patient souhaite à leur forme de stockage. Les substances humaines à

Manuel d’éthique médicale – Manuel


garder secrets et ceux qu’il souhaite communiquer à d’autres. partir desquelles ces données sont identifiables doivent
La confiance est essentielle dans la relation médecin / patient. être également protégées.
Afin de recevoir des soins médicaux, les patients doivent Comme l’affirme cette déclaration, il existe des exceptions au
communiquer des renseignements personnels aux médecins, voire respect du principe de confidentialité. Si certaines ne posent
à d’autres personnes qui leur sont totalement étrangères – des pratiquement pas de problème, d’autres soulèvent d’importantes
renseignements dont ils souhaiteraient que personne d’autre n’en questions éthiques pour les médecins.
prenne connaissance. Ils doivent avoir de bonnes raisons de faire
confiance à leur soignant pour ne pas divulguer ces informations. La Le non-respect du secret professionnel est courant dans la plupart des
base de cette confiance se trouve dans les normes de confidentialité institutions de santé. Un grand nombre de personnes — médecins,
infirmières, techniciens de laboratoire, étudiants – ont besoin
éthiques et juridiques que les professionnels de santé sont tenus
d’accéder au dossier médical pour fournir des soins appropriés au
de faire respecter. S’ils ne sont pas certains que leurs révélations
patient ou, pour ce qui concerne les étudiants, apprendre la pratique
seront gardées secrètes, les patients peuvent ne pas donner de
de la médecine. Lorsque les patients parlent une langue différente
renseignements personnels les concernant. Mais cela peut gêner les
de celle du personnel soignant, il est nécessaire de faire appel à
médecins dans leurs efforts d’intervenir efficacement ou d’atteindre
un interprète pour faciliter le dialogue. Lorsque les patients ne sont
certains objectifs de santé publique.
pas capables de prendre les décisions médicales par eux-mêmes, il
La Déclaration de l’AMM sur les droits du patient résume le droit importe que d’autres personnes puissent obtenir les renseignements
du patient à la confidentialité comme suit : les concernant afin de pouvoir prendre des décisions en leur nom.
Il est courant que les médecins informent les membres de la famille
• Toute information identifiable concernant l'état de santé, du défunt de la cause du décès. Le non-respect du principe de
les circonstances médicales, le diagnostic, le pronostic, le confidentialité est dans ces cas généralement justifié, mais il doit
traitement du patient et toute autre information le concernant rester exceptionnel et les personnes qui ont accès aux données
en propre, doit rester confidentielle, même après sa mort. confidentielles doivent prendre conscience de l’importance pour
Exceptionnellement, les descendants peuvent avoir un l’intérêt du patient de ne pas les propager plus que nécessaire.
droit d’accès aux informations susceptibles de révéler les Dans la mesure du possible, les patients doivent être informés de
risques qu’ils encourent pour leur santé. l’existence de ces violations.
54 55

L’éthiqueetmédicale
patients
Il est une autre raison généralement des renseignements confidentiels à des personnes qui risquent de
“… les médecins
acceptée de ne pas respecter le subir des préjudices de la part d’un patient. Il existe deux situations

Médecins
doivent regarder d’un
principe du secret professionnel, le œil critique l’obligation dans lesquelles de tels faits peuvent se produire: lorsqu’un patient
respect des règles juridiques. Par juridique d’enfreindre informe un psychiatre de son intention de porter atteinte à une autre

médicale –de
exemple, il existe dans beaucoup de la confidentialité et personne et lorsque le médecin est convaincu qu’un patient atteint

caractéristiques
juridictions des lois qui obligent le s’assurer qu’elle est du VIH continuera à avoir des relations sexuelles non protégées
signalement de patients souffrant de justifiée avant de
avec son époux ou autre partenaire.
s’y conformer.”

d’éthique
maladies particulières, de personnes
Le non-respect de la confidentialité peut, lorsqu’il n’est pas requis
jugées incapables de conduire ou

Principales
par la loi, être justifié dans les conditions suivantes: lorsque le

Manuel d’éthique médicale – Manuel


soupçonnées de mauvais traitements envers les enfants. Les
préjudice est, sauf divulgation non autorisée, supposé imminent,
médecins doivent avoir connaissance des règles juridiques qui
grave, irréversible et inévitable et plus grand que celui susceptible
régissent la communication des données concernant le patient
de résulter d’une divulgation de renseignements. En cas de doute, il
sur leur lieu de travail. Cependant, les obligations juridiques
sera judicieux que le médecin demande conseil à un expert.
peuvent contredire le principe du respect des droits humains sur
lequel se fonde l’éthique médicale. Par conséquent, les médecins Une fois décidé que le devoir de mise en garde justifie une
doivent regarder d’un œil critique l’obligation juridique d’enfreindre divulgation non autorisée, le médecin doit répondre à deux
la confidentialité et s’assurer qu’elle est justifiée avant de s’y questions: quels renseignements divulguer et à qui? En général,
conformer. seuls les renseignements permettant d’éviter un préjudice escompté
doivent être communiqués, et ce, aux seules personnes qui ont
Lorsque les médecins sont persuadés de la nécessité de se besoin de ces informations pour prévenir le préjudice. Des mesures
soumettre au règlement juridique concernant la divulgation des raisonnables doivent être prises pour minimiser chez le patient
renseignements médicaux de leurs patients, il est souhaitable les torts et outrages qui peuvent résulter de cette divulgation de
qu’ils discutent au préalable du bien-fondé de cette divulgation renseignements. Il est ici recommandé au médecin d’informer le
avec les patients avant d’engager leur coopération. Par exemple, patient que le principe de confidentialité peut ne pas être respecté
il est préférable que le patient soupçonné de mauvais traitements pour assurer sa propre protection ou celle de toute autre victime
envers les enfants appelle les services de protection de l’enfant en éventuelle. Il conviendra dans la mesure du possible de s’assurer
la présence du médecin pour faire sa déclaration ou que le médecin de la coopération du patient.
obtienne son consentement avant d’en informer les autorités. Il s’agit
là d’une préparation aux interventions suivantes. Si cette coopération Dans le cas d’un patient atteint de l’infection par le VIH, la divulgation
n’est pas possible et que le médecin a des raisons de croire que tout de renseignements à l’un des époux ou partenaire sexuel du moment
retard de signalement peut être sérieusement préjudiciable pour les peut ne pas être contraire à l’éthique et s’avérer justifiée lorsque
enfants, alors le médecin devra immédiatement aviser les services le patient ne souhaite pas informer la personne à risques. Cette
de protection concernés et en informer ensuite le patient. divulgation n’est possible que si toutes les conditions suivantes sont
réunies: le partenaire présente un risque d’infection par le VIH et
Outre ces manquements au respect de la confidentialité, exigés par ne dispose d’aucun moyen raisonnable de connaître ce risque; le
la loi, les médecins peuvent avoir un devoir éthique de communiquer patient a refusé d’informer son partenaire sexuel; le patient a refusé
56 57

L’éthiqueetmédicale
patients
l’aide proposée par le médecin de l’informer à sa place; le médecin l’assistance médicale à la procréation, telles que
a fait part au patient de son intention de divulguer l’information à l’insémination artificielle, la fécondation in vitro et le transfert

Médecins
son partenaire. d’embryon, largement disponibles dans les principaux
centres médicaux. La pratique de maternité de substitution

médicale –de
L’aide médicale à des criminels suspects ou reconnus coupables
ou mère-porteuse est une autre solution. Aucune de ces

caractéristiques
pose des problèmes particuliers en ce qui concerne la confidentialité.
méthodes ne va cependant pas sans poser de problèmes.
Bien que les médecins soignant les détenus aient une indépendance
limitée, ils doivent faire tout leur possible pour traiter ces patients • LE DÉPISTAGE GÉNÉTIQUE PRÉNATAL – des tests

d’éthique
comme tous les autres. En particulier, ils doivent garantir la génétiques sont maintenant disponibles pour détecter

Principales
confidentialité en ne révélant pas aux autorités pénitentiaires des l’affection pour certaines anomalies génétiques d’un

Manuel d’éthique médicale – Manuel


détails sur l’état de santé du patient sans le consentement préalable embryon ou d’un fœtus et pour connaître la nature
de ce dernier. masculine ou féminine de son sexe. Les médecins doivent
déterminer le moment opportun de proposer ces tests et
QUESTIONS RELATIVES AU DÉBUT DE VIE choisir la manière appropriée d’expliquer les résultats.
En éthique médicale, beaucoup de questions importantes • L'AVORTEMENT – cette question a longtemps été un des
concernent le début de vie. La portée limitée du présent manuel plus grands sujets de discorde de l’éthique médicale, à la fois
ne permet pas de traiter ces questions en détail, mais il peut être pour les médecins et les pouvoirs publics. La Déclaration
utile d’en présenter une liste afin d’en reconnaître la nature éthique de l’AMM sur l’avortement thérapeutique reconnaît cette
et de les traiter en tant que telles. Chacune a fait l’objet d’analyses diversité de vues et de convictions et conclut que « c’est
approfondies par les associations médicales, les spécialistes de une question de conviction et de conscience personnelles
l’éthique et les organes consultatifs auprès des gouvernements qui doit être respectée ».
et il existe à leur sujet, dans beaucoup de pays, des lois, des
• LES NOUVEAUX-NÉS DONT LA SURVIE EST
réglementations et des déclarations.
GRAVEMENT COMPROMISE – en raison d’une extrême
• LA CONTRACEPTION – le fait qu’il existe une prématurité ou de malformations congénitales, certains
reconnaissance internationale croissante du droit de la nouveaux-nés ont un très faible pronostic de survie. Il faut
femme à contrôler sa fertilité, notamment la prévention souvent faire le choix difficile d’essayer de prolonger leur
d’une grossesse non désirée, ne dispense pas les vie ou de les laisser mourir.
médecins de toujours devoir traiter des questions délicates
• LES QUESTIONS RELATIVES À LA RECHERCHE
comme la demande de contraceptifs par des mineurs et
– elles concernent notamment la production de nouveaux
l’explication des risques inhérents à chaque méthode de
embryons ou l’utilisation des embryons « surnuméraires »
contraception.
(ceux dont on ne veut pas pour la reproduction) pour
• LA PROCRÉATION MÉDICALEMENT ASSISTÉE – obtenir des cellules-souches à des fins thérapeutiques, les
il existe pour les couples (et individus) qui ne peuvent essais de nouvelles techniques de procréation assistée et
concevoir naturellement de multiples techniques de les expérimentations sur les fœtus.
58 59

L’éthiqueetmédicale
patients
QUESTIONS RELATIVES À LA FIN DE VIE Selon ces définitions, l’euthanasie et le suicide assisté doivent être
distingués du refus ou de l’arrêt d’un traitement inapproprié, futile

Médecins
Les questions relatives à la fin de vie vont de la tentative de prolonger
ou indésirable ou de la prestation de soins palliatifs compatissants,
la vie des personnes mourantes au moyen de hautes technologies
même si ces pratiques abrègent la vie.

médicale –de
expérimentales comme l’implantation d’organes animaux, à celle

caractéristiques
de terminer la vie prématurément par l’euthanasie et le suicide Les demandes d’euthanasie ou d’assistance au suicide surgissent à
médicalement assisté. Entre ces deux extrêmes, de nombreuses la suite d’une douleur ou d’une souffrance que le patient considère
comme intolérable. Il préfère mourir plutôt que de continuer à

d’éthique
questions se posent, concernant notamment la mise en place ou le
retrait de traitements susceptibles de prolonger la vie, les soins aux vivre dans de telles circonstances. De plus, beaucoup de patients

Principales
patients en phase terminale et la recommandation et l’utilisation des estiment avoir le droit de mourir, si tel est leur choix, et même le

Manuel d’éthique médicale – Manuel


directives anticipées. droit d’être assisté. Le médecin est considéré comme l’instrument
de mort le plus approprié parce qu’il a la connaissance médicale
Deux questions, l’euthanasie et l’assistance au suicide, méritent des produits permettant d’assurer une mort rapide et sans douleur
une attention particulière. et aussi la possibilité d’avoir accès à ces produits.
• L'EUTHANASIE consiste à exécuter sciemment et Il est compréhensible que les médecins hésitent à répondre à des
délibérément une opération clairement destinée pour demandes d’euthanasie ou d’assistance au suicide parce que ces
mettre un terme à la vie d’une autre personne. Elle présente actes sont illégaux dans la plupart des pays et condamnés par la
les caractéristiques suivantes: le sujet est une personne plupart des codes d’éthique médicale. Cette prohibition faisait déjà
capable, éclairée, atteinte d’une maladie incurable qui partie du serment d’Hippocrate et a été réaffirmée avec force dans
demande volontairement que l’on mette un terme à sa vie; la Déclaration de l’AMM sur l’euthanasie :
l’exécutant a connaissance de l’état de la personne et de
son désir de mourir et effectue l’opération dont l’objectif L’euthanasie, c’est-à-dire mettre fin à la vie d’un patient par un
acte délibéré, même à sa demande ou à celle de ses proches,
premier est de mettre un terme à sa vie; l’opération est
est contraire à l’éthique. Cela n’interdit pas au médecin de
exécutée avec compassion et ne donne lieu à aucun
respecter la volonté du patient de laisser le processus naturel
avantage personnel.
de la mort suivre son cours dans la phase terminale de la
• L'ASSISTANCE AU SUICIDE consiste à fournir sciemment maladie.
et délibérément à une personne la connaissance et / ou
Le refus de l’euthanasie et du suicide assisté ne signifie pas que les
les moyens nécessaires pour se suicider, y compris des
médecins ne peuvent rien faire pour le patient atteint d’une maladie
conseils sur la dose létale du produit, la prescription de ces
extrêmement grave à un stade de développement avancé et pour
doses létales ou la fourniture des produits.
laquelle les moyens curatifs ne sont pas appropriés. Les traitements
L’euthanasie et le suicide assisté sont considérés comme de soins palliatifs destinés à soulager la douleur et la souffrance et à
équivalents d’un point de vue moral, bien qu’il existe entre les deux améliorer la qualité de la vie ont beaucoup progressé ces dernières
une différence pratique bien marquée et dans certaines juridictions, années. Les soins palliatifs peuvent convenir à des patients de
une différence juridique. tous âges, depuis l’enfant atteint d’un cancer jusqu’à une personne
60 61

L’éthiqueetmédicale
patients
âgée en fin de vie. Le contrôle de la douleur est l’un des aspects Les prises de décision relatives à la fin de la vie pour les patients
des soins palliatifs qui nécessite pour tous les patients la plus incapables présentent des difficultés encore plus grandes. Si le

Médecins
grande attention. Les médecins qui patient a clairement exprimé son vœu à l’avance, par exemple,
soignent des personnes en fin de “… les médecins dans une directive anticipée, la décision sera plus facile, même

médicale –de
vie doivent s’assurer qu’ils disposent ne doivent pas si ces directives sont souvent très vagues et qu’elles doivent être

caractéristiques
des moyens appropriés disponibles abandonner les interprétées dans le respect de l’état actuel du patient. Si le patient
dans ce domaine et, si possible, d’un patients en fin de vie; n’a pas exprimé son vœu de manière appropriée, le représentant
ils doivent continuer à

d’éthique
accès à l’aide consultative experte leur fournir des soins légal doit faire valoir un autre critère pour la prise de décision du
de spécialistes en soins palliatifs. compatissants même traitement, à savoir, le meilleur intérêt du patient.

Principales
Manuel d’éthique médicale – Manuel
Surtout, les médecins ne doivent pas lorsque la guérison
abandonner les patients en fin de vie; n’est plus possible. ”
ils doivent continuer à leur fournir des
soins compatissants même lorsque la RETOUR À L ÉTUDE DE CAS
guérison n’est plus possible. À la lumière de l analyse de la relation
médecin / patient présentée dans ce chapitre,
L’approche de la mort soulève bien d’autres problèmes éthiques
le comportement du Dr P. est critiquable à plus
pour le patient, le représentant légal et le médecin. La prolongation
d un titre: (1) la communication ‒ il n a pas essayé
de la vie par le recours à des médicaments, des interventions de d entrer en contact avec la patiente ou avec sa
réanimation, des procédés radiologiques et des soins intensifs mère pour discuter de la cause de son état, des
nécessite de décider du moment de commencer ces traitements et options de traitements ou de la possibilité de rester
de les arrêter lorsqu’ils ne marchent pas. à l hôpital jusqu à la guérison; (2) le consentement
‒ il n a pas obtenu le consentement éclairé de la
Comme on l’a indiqué précédemment au sujet de la divulgation
patiente pour le traitement; (3) la compassion ‒ il
et du consentement, le patient compétent a le droit de refuser un
montre peu de compassion pour sa situation. Il est
traitement médical, même lorsque ce refus entraîne la mort. Il existe possible qu il ait accompli son traitement chirurgical
entre les individus de grandes différences quant à leur attitude avec grande compétence et qu il était fatigué à
envers la mort. Certains feront tout leur possible pour prolonger la l issue d un long service, mais cela n excuse pas le
vie quelles que soient les douleurs et les souffrances, tandis que non-respect des principes éthiques.
d’autres seront tellement impatients de mourir qu’ils refuseront
même les moyens les plus simples susceptibles de les maintenir
en vie, comme les antibiotiques dans le cas d’une pneumonie
infectieuse, par exemple. Une fois que le médecin a fait tout son
possible pour informer le patient des traitements disponibles et de
leur chances de réussite, il doit respecter les décisions du patient
concernant le début ou la continuation du traitement.
62 63

L’éthiqueetmédicale
société
CHAPITRE 3 –

médicale –deMédecins
MÉDECINS ET SOCIÉTÉ

caractéristiques
Manuel d’éthique
Manuel d’éthique médicale – Principales
OBJECTIFS
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez pouvoir:
· reconnaître les discordances entre les obligations du médecin
envers le patient et ses obligations envers la société et en
donner les raisons
· identifier et traiter les problèmes éthiques liés à l’allocation
de ressources limitées de santé
· reconnaître la responsabilité du médecin dans la promotion
Face au SIDA de la santé mondiale
© Gideon Mendel/CORBIS
64 65

L’éthiqueetmédicale
société
profession accepte d’utiliser ces privilèges essentiellement pour le
ÉTUDE DE CAS N 2 bénéfice d’autrui et, seulement en deuxième lieu, pour son propre

médicale –deMédecins
Le Dr S. se sent de plus en plus démunie face à bénéfice.
des patients qui viennent la voir avant ou après
La médecine est aujourd’hui, plus que
avoir consulté un autre soignant pour la même

caractéristiques
“La médecine est
jamais, une activité plutôt sociale que
pathologie. Elle estime que c est un gaspillage des aujourd’hui, plus
ressources de santé, qui plus est, inefficace pour strictement individuelle. Elle s’inscrit que jamais, une

Manuel d’éthique
la santé des patients. Elle décide de dire à ces dans un contexte organisationnel et activité plutôt sociale
patients qu elle n acceptera plus de les traiter s ils financier public et privé. Elle repose que strictement

Manuel d’éthique médicale – Principales


continuent à consulter d autres soignants pour la sur la recherche médicale et le individuelle.”
même affection. Elle envisage de contacter son développement de produits, publics et
association médicale nationale pour qu elle fasse privés, pour établir ses connaissances
pression sur le gouvernement afin d empêcher de base et ses traitements. Elle a besoin de systèmes de santé
que les ressources de santé ne soient ainsi complexes pour beaucoup de ses opérations. Elle traite tout autant
détournées. les maladies d’origine sociales que biologiques.

La tradition de l’éthique médicale selon Hippocrate offre peu de


QUELLE EST LA PARTICULARITÉ DE LA recommandations sur les relations avec la société. Pour combler ce
RELATION MÉDECIN / SOCIÉTÉ ? manque, l’éthique médicale d’aujourd’hui examine les questions qui
se posent au-delà de la relation médecin / patient et recommande
La médecine est une profession. Il existe pour le mot « profession »
des normes et des méthodes qui permettent de répondre à ces
deux acceptions distinctes, bien que très proches: (1) un emploi
problèmes.
qui se caractérise par le dévouement au bien-être des autres, des
normes morales supérieures, un ensemble de connaissances et La référence à l’aspect « social » de la médecine pose immédiate-
de compétences et un haut degré d’indépendance; (2) tous les ment la question – qu’est-ce que la société ? Dans le présent
individus qui pratiquent cette activité. « La profession médicale » manuel, le terme se réfère à une communauté ou une nation. Il
peut signifier soit l’exercice de la médecine, soit les médecins en n’est pas synonyme de gouvernement. Les gouvernements doivent
général. représenter les intérêts de la société, mais manquent souvent à leur
obligation et quand ils s’exécutent, ils le font pour la société et non
Le professionnalisme médical ne se limite pas à la seule relation
en tant que société.
médecin / patient, telle que développée dans le chapitre 1, ni aux
relations entre collègues et autres professionnels de santé qui Les médecins ont des relations diverses avec la société. Parce
seront examinées dans le chapitre 4. Il engage aussi une relation que la société et son environnement physique sont des facteurs
avec la société. Cette relation peut prendre la forme d’un « contrat importants pour la santé des patients, la profession médicale en
social » par lequel la société accorde des privilèges à une profession, général et les médecins individuels ont un rôle important à jouer
notamment la responsabilité exclusive de fournir certains services dans la santé publique, l’enseignement médical, la protection de
et une grande capacité d’autorégulation, en retour de quoi la l’environnement, la législation de santé, le bien-être de la collectivité
66 67

L’éthiqueetmédicale
société
et aussi les témoignages dans le cadre des poursuites judiciaires. À l’une des extrémités de l’échelle se trouvent les demandes de
Comme le souligne la Déclaration de l’AMM sur les droits du signalement obligatoire des patients qui souffrent de maladies

médicale –deMédecins
patient, « lorsqu’une législation, une mesure gouvernementale, une particulières, des personnes qui ne sont pas en état de conduire
administration ou une institution prive les patients de ces droits, les ou qui sont suspectées de mauvais traitements envers les enfants.
médecins doivent rechercher les moyens appropriés de les garantir Les médecins doivent répondre à ces demandes sans hésitation;

caractéristiques
ou de les recouvrer ». Les médecins sont également invités à jouer cependant, il importe que les patients soient informés de leurs
un rôle de premier plan dans l’allocation des ressources limitées de dénonciations.

Manuel d’éthique
santé de la société et ils sont parfois obligés d’empêcher l’accès à des
services auxquels les patients n’ont pas droit. L’accomplissement de À l’autre extrémité, se trouvent les demandes ou les ordres

Manuel d’éthique médicale – Principales


ces tâches peut donner lieu à des conflits éthiques, surtout lorsque émanant de la police ou de l’armée de prendre part à des pratiques
les intérêts de la société semblent s’opposer à ceux du patient. qui ne respectent pas les droits humains fondamentaux, comme la
torture, par exemple. Dans sa Résolution sur la responsabilité
DOUBLE ALLÉGEANCE des médecins dans la dénonciation des actes de torture ou
Lorsque les médecins ont des devoirs et des responsabilités à la traitements cruels, inhumains ou dégradants dont ils ont
fois envers leurs patients et envers des tiers et que ces devoirs conscience, l’AMM donne des conseils aux médecins qui se trouvent
et ces responsabilités sont incompatibles, ils se trouvent dans une dans ces situations. Ils doivent surtout garder leur indépendance
situation dite de « double allégeance ». Parmi les tiers qui exigent des professionnelle pour déterminer le meilleur intérêt du patient et
médecins cette double allégeance figurent les gouvernements, les respecter, dans toute la mesure du possible, les principes éthiques
employeurs (les hôpitaux et les systèmes de santé, par exemple), les de base de consentement éclairé et de
assureurs, les officiels militaires, la police, les officiels pénitentiaires confidentialité. Toute violation de ces
“Les médecins
et les membres de la famille. Même si le Code international principes doit être justifiée et divulguée
doivent signaler
d’éthique médicale de l’AMM déclare que « le médecin doit à ses au patient. Les médecins doivent aux autorités
patients la plus complète loyauté », signaler aux autorités compétentes compétentes toute
“… les médecins il est généralement accepté que les toute ingérence non justifiée dans les ingérence non
peuvent dans soins aux patients, surtout lorsque justifiée dans les
médecins peuvent dans des situations soins aux patients,
des situations exceptionnelles devoir placer l’intérêt les droits fondamentaux sont niés.
exceptionnelles devoir surtout lorsque les
des autres avant celui du patient. Le Si ces dernières ne réagissent pas, il
placer l’intérêt des droits fondamentaux
problème éthique qui se pose est de conviendra de rechercher le soutien sont niés.”
autres avant celui
savoir quand et comment protéger le d’une association médicale nationale,
du patient.”
patient face aux pressions des tiers. de l’AMM et des organisations des
droits humains.
Les situations de double allégeance s’étendent sur une échelle qui
va d’une conjoncture où les intérêts de la société doivent prévaloir Proches du milieu de l’échelle se trouvent les pratiques, retenues
à une conjoncture où les intérêts du patient prédominent nettement. par certains programmes de soins de santé organisés, qui limitent
Entre les deux, existe un grand espace où le choix d’une bonne l’indépendance clinique du médecin dans le choix du mode de
ligne de conduite nécessite une grande capacité de discernement. traitement du patient. Même si ces pratiques ne sont pas forcément
68 69

L’éthiqueetmédicale
société
contraires au meilleur intérêt du patient, elles peuvent l’être, et ALLOCATION DES RESSOURCES
les médecins doivent bien réfléchir à l’utilité de participer à ces

médicale –deMédecins
Dans tous les pays du monde, y compris les plus riches, il existe
programmes. S’ils n’ont pas le choix, par exemple, lorsqu’il n’existe
un écart, déjà important et qui ne cesse de croître, entre les
pas d’autres programmes, ils doivent vigoureusement défendre
besoins et prévisions de services de santé et la disponibilité des
leurs patients et, via leurs associations médicales, garantir

caractéristiques
ressources permettant de fournir ces services. L’existence de
les besoins de tous les patients concernés par ces mesures
cet écart nécessite de limiter de quelque manière les ressources
restrictives.

Manuel d’éthique
existantes. Le rationnement des soins de santé ou, comme on
Une forme particulière du problème de double allégeance que l’appelle plus fréquemment, « l’allocation des ressources », a lieu

Manuel d’éthique médicale – Principales


rencontrent les médecins est le conflit d’intérêt, réel ou potentiel, sur trois niveaux :
entre, d’un côté, une entreprise commerciale et de l’autre, les
patients et / ou la société. Les entreprises pharmaceutiques, les • Au plus haut niveau (« macro »), les gouvernements déterminent
fabricants d’appareils médicaux et autres entreprises commerciales le montant de l’enveloppe de la santé, les dépenses de santé
offrent souvent aux médecins des cadeaux et autres avantages qui seront pourvues sans charge et qui nécessitent le paiement
qui vont du forfait gratuit avion plus hôtel pour des programmes direct du patient ou de leur assurance maladie, la part du budget
de formation à la rémunération excessive pour des activités de de santé qui sera allouée à la rémunération des médecins,
recherche (cf. chapitre 5). Les largesses de ces entreprises ont des infirmières et autres travailleurs de santé, aux dépenses
pour motivation commune, la volonté de convaincre le médecin de d’équipement et de fonctionnement pour les hôpitaux et autres
prescrire ou utiliser les produits de l’entreprise, des produits qui ne institutions, à la recherche, à la formation des professionnels
sont pas forcément les meilleurs pour le patient et / ou qui peuvent de santé, au traitement de maladies spécifiques comme la
accroître inutilement les coûts de la santé. L’AMM, dans sa Prise de tuberculose ou le SIDA et ainsi de suite.
position concernant les relations entre médecins et entreprises
• Au niveau institutionnel (« meso »), c’est-à-dire, les hôpitaux,
commerciales (2004), donne des
les cliniques, les centres de soins de santé, les autorités
recommandations aux médecins “… les médecins décident de la répartition des ressources dont elles disposent.
concernés par ces questions et de doivent veiller à
Elles déterminent les services qui recevront ces ressources
nombreuses associations médicales ce que, dans toute
résolution de conflit et le montant qui sera respectivement alloué au personnel, à
nationales ont aussi énoncé leurs
entre leurs propres l’équipement, à la sécurité, à l’exploitation, à la rénovation, aux
propres lignes directrices. Le principe
intérêts et les intérêts travaux d’agrandissement et ainsi de suite.
éthique fondamental de ces directives du patient, l’intérêt
est que les médecins doivent veiller du patient puisse • Au niveau du patient individuel (« micro »), les fournisseurs
à ce que, dans toute résolution de prévaloir.” de soins de santé, en particulier les médecins, décident de la
conflit entre leurs propres intérêts prescription d’un examen, de la nécessité d’adresser un patient
et les intérêts du patient, l’intérêt du à un collègue ou de l’hospitaliser, du choix d’un médicament
patient puisse prévaloir. portant un nom de marque plutôt qu’un médicament générique.
On estime que les médecins sont à l’origine de 80 % de
l’ensemble des dépenses de santé et malgré le fait que la
70 71

L’éthiqueetmédicale
société
régulation des soins ne cesse de gagner du terrain, ils ont droit à ce que la procédure de sélection utilisée soit régulière.
encore une grande liberté d’action dans le choix des ressources Ce choix doit se faire sur la base de critères médicaux et sans

médicale –deMédecins
dont bénéficieront leurs patients. discrimination ».
Les choix effectués à chacun des niveaux comportent des éléments Un des moyens dont les médecins
“Un des moyens

caractéristiques
éthiques importants du fait qu’ils se fondent sur des valeurs et disposent pour assumer leur dont les médecins
qu’ils ont des conséquences importantes sur la santé et le bien- responsabilité en matière de disposent pour

Manuel d’éthique
être des individus et des collectivités. Bien que les médecins soient répartition de ressources est d’éviter assumer leur
concernés par les décisions prises à chaque niveau, c’est au niveau les pratiques peu économiques et responsabilité en

Manuel d’éthique médicale – Principales


« micro » que leur rôle est le plus grand. C’est donc à ce niveau que inefficaces, même lorsque les patients matière de répartition
de ressources est
l’on s’intéressera ci-dessous. le demandent. L’utilisation abusive d’éviter les pratiques
d’antibiotiques est un exemple à peu économiques et
Comme indiqué plus haut, la tradition voulait que les médecins
la fois de gaspillage et de nocivité. inefficaces, même
agissent dans le seul intérêt de leurs patients, sans se préoccuper
Lors d’essais cliniques randomisés, lorsque les patients
du besoin des autres. Leurs principales valeurs éthiques, la le demandent.”
d’autres traitements courants se
compassion, la compétence et l’autonomie, servaient à répondre
sont avérés inefficaces pour les
aux besoins de leurs propres patients. Cette approche individualiste
pathologies auxquelles ils étaient destinés.
de l’éthique médicale a survécu à la transition qui substitue au
Il existe pour beaucoup de pathologies des directives de pratique
paternalisme du médecin l’autonomie du patient, où la volonté de ce
clinique qui permettent de distinguer un traitement efficace d’un
dernier est devenue le principal critère pour décider des ressources
traitement inefficace. Afin d’économiser les ressources et de fournir
qu’il doit recevoir. Plus récemment, cependant, une autre valeur, la
un traitement optimal à leurs patients, il importe que les médecins
justice, est devenue un facteur important
se familiarisent avec ces directives.
de la prise de décision médicale. Elle
signifie une approche plus sociale de “… les médecins Le type de décision que beaucoup de médecins doivent prendre
sont non seulement
la répartition des ressources, attentive responsables de
en matière d’allocation est la répartition, entre deux ou plusieurs
aux besoins des autres patients. Selon leurs propres patients, patients, d’une ressource limitée telle que par exemple l’attention
cette approche, les médecins sont mais aussi, dans une du personnel d’urgence, le dernier lit disponible dans le service des
non seulement responsables de leurs certaine mesure, soins intensifs, les organes à des fins de transplantation, les examens
propres patients, mais aussi, dans des autres.” radiologiques de pointe et certains médicaments particulièrement
une certaine mesure, des autres. onéreux. Les médecins qui contrôlent ces ressources doivent
désigner les patients qui auront accès à ces ressources et ceux qui
Cette nouvelle interprétation du rôle du médecin dans la répartition
en seront exclus, en sachant très bien que ces derniers peuvent en
des ressources est soulignée dans les codes d’éthique d’un grand
souffrir, voire mourir.
nombre d’associations médicales nationales et aussi dans la
Déclaration de l’AMM sur les droits du patient : « Lorsque les Certains médecins sont contraints à faire face à un conflit
circonstances demandent de sélectionner des patients potentiels supplémentaire par le rôle qu’ils jouent dans l’élaboration des
pour un traitement dont la prestation est limitée, ces patients ont politiques générales qui touchent, entre autres, leurs propres
72 73

L’éthiqueetmédicale
société
patients. Ce type de conflit se développe surtout dans les hôpitaux collègue ou de l’hospitaliser, le choix
et autres institutions au sein desquelles les médecins occupent des “Le choix d’un médicament portant un nom de

médicale –deMédecins
… sera fonction de
positions élevées ou siègent à des comités chargés d’élaborer ou marque plutôt qu’un médicament
la moralité personnelle
d’énoncer des directives. Alors que beaucoup de médecins essaient du médecin et de générique, le choix du receveur de
de se détacher de leur préoccupation pour leurs propres patients, l’organe à des fins de transplantation.

caractéristiques
l’environnement
d’autres cherchent à utiliser leur position pour faire valoir la cause sociopolitique dans L’approche utilitaire est certainement
de leurs patients avant celle de patients dont les besoins sont plus lequel il exerce.” pour les médecins la plus difficile à

Manuel d’éthique
grands. mettre en pratique, car elle nécessite
le recueil d’un grand nombre de

Manuel d’éthique médicale – Principales


Face à ces problèmes d’allocation, les médecins doivent non
données sur les résultats probables
seulement maintenir un équilibre entre les principes de compassion
des différentes interventions, non seulement celles effectuées sur
et de justice, mais aussi décider du type de justice qui leur semble
leurs propres patients mais aussi sur tous les autres. Le choix
préférable. Il existe plusieurs approches possibles, notamment:
entre les deux approches (ou les trois, si l’approche libertaire est
• L'APPROCHE LIBERTAIRE – les ressources doivent êtres comprise) sera fonction de la moralité personnelle du médecin et de
distribuées selon les lois du marché (le choix de l’individu est l’environnement sociopolitique dans lequel il exerce. Certains pays,
fonction de sa capacité et de sa volonté à payer et l’aide sociale comme les États-Unis, favorisent l’approche libertaire; d’autres,
est réservée aux plus démunis); comme la Suède, sont connus pour leur égalitarisme; alors que
d’autres encore, comme l’Afrique du Sud, expérimentent l’approche
• L'APPROCHE UTILITAIRE – les ressources doivent être
restauratrice. Beaucoup de planificateurs de santé préconisent la
distribuées selon le principe d’un maximum d’avantages pour
méthode utilitaire. En dépit de leurs différences, ces notions de
tous;
justice coexistent, par nombre de deux ou plus, dans les systèmes
• L'APPROCHE ÉGALITAIRE – les ressources doivent être de santé nationaux et dans ces pays, les médecins peuvent choisir
distribuées strictement selon les besoins; un lieu d’exercice, public ou privé, en accord avec leur approche
• L'APPROCHE RESTAURATRICE – les ressources doivent être personnelle.
distribuées de manière à favoriser les personnes défavorisées. Quel que soit leur rôle dans la
“Quel que soit
Comme mentionné plus haut, les médecins ont progressivement répartition des ressources de santé, les
leur rôle dans la
délaissé l’individualisme traditionnel de l’éthique médicale qui médecins ont aussi la responsabilité répartition des
favorisait une approche libertaire, au profit d’une conception plus de recommander leur augmentation ressources de santé,
sociale de leur rôle. Même si l’approche libertaire est généralement lorsqu’elles sont insuffisantes. Il les médecins ont
rejetée, les experts en éthique médicale ne sont, du reste, pas importe pour cela que les médecins aussi la responsabilité
travaillent ensemble au sein de leurs de recommander
parvenus à s’entendre sur l’approche qui, parmi les trois restantes,
leur augmentation
lui serait supérieure. Il est manifeste que chacune de ces approches associations professionnelles pour lorsqu’elles sont
donne des résultats très différents lorsqu’elle est appliquée aux convaincre les décideurs, au niveau insuffisantes.”
problèmes susmentionnées, à savoir, les décisions concernant la des gouvernements ou autres, de
prescription d’un examen, la nécessité d’adresser un patient à un la validité de ces besoins et de la
74 75

L’éthiqueetmédicale
société
meilleure façon de les satisfaire dans leurs propres pays et dans santé et de maladie dans les populations. Il y a en effet des médecins
le monde entier. qui suivent une formation continue pour devenir épidémiologistes.

médicale –deMédecins
Mais tous les médecins devraient connaître les facteurs sociaux et
SANTÉ PUBLIQUE environnementaux qui influent sur l’état de santé de leurs patients.
Ainsi que le note la Déclaration de l’AMM sur la promotion de

caractéristiques
La médecine du 20e siècle atteste l’émergence d’une regrettable
la santé, « les médecins et les associations professionnelles ont
division entre « la santé publique » et les autres soins de santé
le devoir éthique et la responsabilité professionnelle d’agir, à tous

Manuel d’éthique
(probablement « privés » ou « particuliers »). Regrettable parce
moments, dans le meilleur intérêt du patient et d’intégrer à cette
que, comme indiqué plus haut, le public est constitué d’individus et

Manuel d’éthique médicale – Principales


responsabilité un intérêt et un engagement accrus en vue de
que les mesures de protection et de promotion de la santé publique
promouvoir et de garantir la santé publique ».
procurent des avantages de santé à des individus.
La confusion vient aussi du fait que l’on accorde à la « santé Les mesures de santé publique comme les campagnes de vaccination
publique » le sens de « soins de santé publiquement financés » et les réactions d’urgence aux épidémies sont des facteurs de santé
(c’est-à-dire des soins de santé financés par un système national importants pour l’individu, mais les facteurs sociaux comme le
fiscal ou système d’assurance universel obligatoire) et qu’elle est logement, l’alimentation et l’emploi le sont tout autant, sinon plus.
considérée, par ailleurs, comme l’opposé des « soins de santé Il est rare que les médecins puissent traiter les causes sociales des
financés par le privé » (c’est-à-dire des soins de santé dont l’individu maladies, mais ils doivent diriger leurs patients vers les services
s’acquitte au travers d’un système privé d’assurance maladie, sociaux appropriés. Ils peuvent cependant contribuer, quand bien
généralement pas accessible à tout le monde). même indirectement, à la mise en place de solutions sur le long
terme par la participation à des activités de santé publique et de
Le terme de « santé publique », au sens du présent document, fait
formation de santé, par le contrôle et le signalement des risques
référence à la fois à la santé du public et à la spécialité médicale qui
liés à l’environnement, par l’identification et la communication au
traite de la santé sous l’angle de la collectivité plutôt que sur la base
public des effets préjudiciables pour la santé de certains problèmes
de l’individu. Il y a dans ce domaine partout dans le monde un grand
sociaux, par exemple les mauvais traitements et la violence, et
besoin de spécialistes qui recommandent
par le plaidoyer en vue d’améliorations dans les services de santé
et défendent les déclarations
publique.
publiques sur la promotion de la “… tous les médecins
santé et aussi qui prennent part à devraient connaître Il arrive parfois cependant que les intérêts de la santé publique
des activités dont le but est protéger les facteurs sociaux s’opposent à ceux du patient, par exemple, lorsqu’une vaccination
le public des maladies transmissibles et environnementaux qui présente des risques de réaction indésirable empêche un individu
qui influent sur l’état
et autres risques. La pratique de de transmettre la maladie, mais pas de la contracter ou lorsqu’il y a
de santé de leurs
la santé publique (parfois appelée patients.” nécessité de signaler certaines maladies contagieuses, ou encore
« médecine de santé publique » dans les cas de mauvais traitements infligés aux enfants ou aux
ou « médecine collective ») repose personnes âgées et dans certaines circonstances susceptibles de
fortement, dans ses bases scientifiques, rendre des activités, comme la conduite d’une voiture ou le pilotage
sur l’épidémiologie, qui est l’étude de la répartition des facteurs de d’un avion, dangereuses pour soi et pour les autres. Ce sont là des
76 77

L’éthiqueetmédicale
société
exemples de « double allégeance », tels que décrits précédemment. est particulièrement évident dans le domaine de la santé, comme
Les méthodes permettant de traiter ces situations et les problèmes l’a montré la rapide propagation de maladies comme la grippe

médicale –deMédecins
qui leur sont liés sont présentés dans la section « Confidentialité » et le SRAS. Le contrôle de ces épidémies nécessite une action
du chapitre 2. En général, les médecins doivent essayer de trouver internationale. Le fait qu’un médecin néglige de reconnaître ou de
les moyens permettant de limiter les dommages qu’un patient peut traiter des maladies fortement contagieuses dans un pays peut avoir

caractéristiques
subir comme conséquence des exigences de la santé publique. des effets dévastateurs sur les patients dans d’autres pays. C’est
Par exemple, dans le cas d’une demande de signalement, la la raison pour laquelle les obligations

Manuel d’éthique
confidentialité du patient doit être protégée dans toute la mesure éthiques des médecins s’étendent “Le fait qu’un médecin
bien au-delà de leurs patients et néglige de reconnaître

Manuel d’éthique médicale – Principales


du possible tout en respectant, par ailleurs, les conditions légales
requises. même de leurs collectivités ou de leur ou de traiter des
pays. maladies fortement
Un type différent de conflit entre les intérêts du patient et de la contagieuses dans un
société surgit lorsque les médecins sont invités à aider les patients La mondialisation de la santé a permis pays peut avoir des
de prendre de plus en plus conscience effets dévastateurs
à recevoir des avantages auxquels ils n’ont pas droit, par exemple,
de l’existence des disparités de santé sur les patients dans
des remboursements d’assurance ou un congé de maladie. Les d’autres pays.”
médecins ont été investis de l’autorité de certifier que l’état de sur la planète. Malgré les campagnes
santé de leurs patients justifie l’octroi de ces bénéfices. Plutôt que de grande échelle contre la mortalité
d’accepter des demandes de certificats injustifiées, les médecins infantile et la morbidité débilitante dans les
devraient aider leurs patients à trouver d’autres moyens de soutien pays les plus pauvres et des résultats positifs comme l’éradication
qui ne demandent pas d’enfreindre les principes éthiques. de la variole et (avec bon espoir) de la polio, l’écart entre les
pays à hauts revenus et les pays à faibles revenus continue de
s’élargir. Cela est dû en partie au VIH/SIDA qui a produit ses pires
SANTÉ MONDIALE
effets dans les pays pauvres, mais aussi à l’incapacité des pays
La reconnaissance des responsabilités du médecin envers la société à faibles revenus à tirer profit de l’augmentation des richesses
à été élargie ces dernières années à la responsabilité du médecin dans l’ensemble du monde au cours des dernières décennies.
envers la santé dans le monde. Cette charge a été définie comme les Bien que les causes de la pauvreté soient largement politiques et
problèmes, les questions et préoccupations de santé qui dépassent économiques, et donc bien au-dessus de la capacité de contrôle
les limites nationales, qui sont susceptibles d’être influencés par les des médecins et de leurs associations, les médecins doivent traiter
circonstances ou expériences des autres pays et qui trouvent une des maladies qui résultent de cette pauvreté. Dans les pays à
meilleur réponse dans des actions ou des solutions d’entraide. La faibles revenus, les médecins ont peu de ressources à offrir à ces
santé mondiale fait partie du grand mouvement de mondialisation patients et sont constamment confrontés au problème de devoir les
qui englobe les échanges d’information, le commerce, la politique, répartir de la manière la plus équitable possible. Même dans les
le tourisme et autres activités humaines. pays à moyens et hauts revenus, il se trouve des patients qui sont
directement touchés par la mondialisation, comme les réfugiés par
La base de la mondialisation est la reconnaissance que les exemple, et qui n’ont parfois pas accès à la couverture sociale dont
individus et les sociétés sont de plus en plus interdépendants. Cela bénéficient les citoyens de ces pays.
78 79

L’éthiqueetmédicale
société
Autre caractéristique de la mondialisation, la mobilité internationale
des professionnels de santé, y compris les médecins. L’afflux de RETOUR À L ÉTUDE DE CAS

médicale –deMédecins
médecins en provenance de pays en développement dans les
D après l analyse de la relation médecin / société
pays fortement industrialisés a été profitable à la fois aux médecins présentée dans ce chapitre, le Dr S. a raison de
et aux pays hôtes, mais seulement dans une moindre mesure considérer l impact du comportement du patient

caractéristiques
aux pays exportateurs. Dans ses Directives éthiques pour le sur la société. Même si les consultations des
recrutement international des médecins, l’AMM souligne qu’il ne autres fournisseurs de soins ont lieu en dehors du

Manuel d’éthique
faut pas empêcher les médecins de quitter leur pays d’origine ou système de santé dans lequel exerce le Dr S., et
d’adoption pour aller faire carrière dans un autre pays. Elle demande donc sans aucun coût financier pour la société, le

Manuel d’éthique médicale – Principales


cependant à tous les pays de faire tout leur possible pour former un patient emprunte au Dr S. du temps qui pourrait
nombre suffisant de médecins, en tenant compte de leurs besoins être consacré à d autres patients. Cependant,
et de leurs ressources et de ne pas compter sur l’immigration pour les médecins comme le Dr S. se doivent, en
pareils cas, d être très prudents. Souvent, pour
répondre à leurs besoins.
diverses raisons, les patients sont incapables de
Les médecins des pays industrialisés ont pour tradition de longue prendre des décisions pleinement rationnelles et
date de transmettre leurs expériences et leurs compétences aux peuvent avoir besoin de beaucoup de temps et de
pays en développement. Cette transmission revêt plusieurs formes, renseignements de santé pour comprendre ce qui
notamment celle d’une aide médicale d’urgence coordonnée par est dans le meilleur intérêt pour eux-mêmes et pour
des organisations comme la Croix-Rouge, le Croissant-Rouge et les autres. Le Dr S. a aussi raison de contacter son
association médicale pour essayer de trouver une
Médecins Sans Frontières, de campagnes chirurgicales de courte
solution sociale, puisque le problème, au-delà d elle-
durée sur les problèmes de cataractes et de palais fendus, de visites
même et de son patient, concerne aussi tous les
de membres de la faculté dans les écoles de médecine, de projets
autres patients et médecins.
de recherche médicale sur le court ou long terme, de fourniture de
médicaments et de matériel médical. Ces programmes sont un
exemple de l’aspect positif de la mondialisation et contribuent à
rétablir un équilibre, du moins partiellement, dans le mouvement
des médecins, des pays les plus pauvres vers les pays les plus
riches.
80 81

médicale
et collègues
CHAPITRE 4 –

de L’éthique
MÉDECINS ET COLLÈGUES

d’éthique
Principales
Manuel d’éthique médicale –Manuel médicale – Médecins
caractéristiques
OBJECTIFS
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez pouvoir:
· décrire les comportements que les médecins devraient avoir
entre eux
· justifier le signalement de comportements de collègues
contraires à l’éthique
· indiquer les principes éthiques majeurs relatifs à la coopération
avec les autres personnes dans les soins aux patients
· expliquer comment résoudre des conflits avec d’autres
Une équipe médicale à l’étude d’un cas soignants
© Pete Saloutos/CORBIS
82 83

médicale
et collègues
médecins ont traditionnellement été au sommet de la hiérarchie des
ÉTUDE DE CAS N 3 soignants, au-dessus des infirmières et des autres professionnels

de L’éthique
médicale – Médecins
Le Dr C., nouvellement nommé anesthésiste de santé.
dans un hôpital de la ville, s inquiète de l attitude Ce chapitre examinera les questions éthiques qui se posent dans les
du chirurgien en chef dans la salle d opération.

caractéristiques
modes de hiérarchie à la fois du plan interne et externe. Certaines
Celui-ci emploie des techniques dépassées qui
questions sont communes aux deux plans; d’autres ne concernent
prolongent la durée de l opération, augmentent
les douleurs post-opératoires et rallongent le
que l’un ou l’autre. Beaucoup sont relativement nouvelles,

d’éthique
temps de la guérison. De plus, il fait souvent puisqu’elles résultent des développements récents de la médecine

Principales
des plaisanteries grossières sur les patients qui et des soins de santé. Une brève description de ces changements

Manuel d’éthique médicale –Manuel


manifestement embêtent les infirmières. En tant s’impose d’autant plus qu’ils posent des défis importants à l’exercice
que jeune membre du personnel, le Dr C. hésite à traditionnel du pouvoir du médecin.
critiquer en personne le chirurgien ou à signaler
Sous l’effet du développement rapide des connaissances scientifiques
son comportement aux autorités supérieures.
Cependant, il pense qu il doit faire quelque chose
et de ses applications cliniques, la médecine est devenue de plus
pour améliorer la situation en plus complexe. Les médecins ne peuvent connaître toutes les
maladies et thérapeutiques et ils ont besoin de l’aide de spécialistes
et de professionnels de santé compétents comme les infirmières, les
DÉFIS À LʼAUTORITÉ MÉDICALE pharmaciens, les physiothérapeutes, les techniciens de laboratoire,
les travailleurs sociaux et bien d’autres. Ils ont, du reste, besoin de
Les médecins appartiennent à une
“Les médecins savoir comment accéder aux compétences appropriées que leurs
profession dont le fonctionnement
appartiennent à patients demandent et dont ils manquent eux-mêmes.
est — par tradition —extrêmement
une profession dont
hiérarchisé, en son sein comme à Comme souligné au chapitre 2, le paternalisme médical s’est érodé
le fonctionnement
l’extérieur. À l’intérieur, trois types est — par tradition du fait de la reconnaissance croissante du droit du patient de
de hiérarchies se chevauchent: la —extrêmement prendre lui-même des décisions médicales le concernant. Ainsi, un
première différencie les diverses hiérarchisé…” modèle coopératif a remplacé le modèle autoritaire, caractéristique
spécialités, dont certaines sont du paternalisme médical traditionnel.
considérées plus prestigieuses et mieux La même chose est en train de se
rémunérées que d’autres; la seconde opère au sein même des produire entre les médecins et les “… un modèle
spécialités, avec des universitaires dont l’influence est supérieure autres professionnels de santé. coopératif a remplacé
à ceux qui exercent dans le secteur privé ou public; la troisième Ces derniers sont de plus en plus le modèle autoritaire,
nombreux à refuser les ordres de caractéristique du
concerne les soins à des patients spécifiques et place le principal
paternalisme médical
donneur de soins au sommet de la hiérarchie et relègue les autres médecins dont ils ne connaissent traditionnel.”
médecins, même ceux qui jouissent d’une plus grande expérience pas les motifs. Ils se considèrent eux-
et / ou compétence, à des fonctions de simples conseillers à moins mêmes comme des professionnels
que le patient ne soit transféré dans leur service. À l’extérieur, les investis de responsabilités éthiques
84 85

médicale
et collègues
spécifiques envers les patients et lorsque la perception qu’ils ont de de fournir un client à un collègue; (2) le fait d’enlever des patients
ces responsabilités est en désaccord avec les ordres du médecin, à un collègue. Une troisième obligation — la dénonciation des

de L’éthique
médicale – Médecins
ils estiment qu’ils sont en droit de les contester, voire de refuser incompétences ou comportements contraires à l’éthique — sera
de s’y soumettre. Alors que le modèle d’autorité hiérarchique ne examinée plus loin.
permettait aucunement de douter de la personne responsable et qui

caractéristiques
Dans la tradition de l’éthique médicale selon Hippocrate, les
décidait en cas de désaccord, le modèle coopératif peut donner lieu
médecins doivent un respect particulier à leurs maîtres. La
à des contestations sur les soins appropriés au patient. Déclaration de Genève l’exprime en ces termes: « Je témoignerai

d’éthique
De telles évolutions changent les règles du jeu des relations entre à mes maîtres le respect et la reconnaissance qui leur sont dus ».

Principales
les médecins et leurs collègues ou autres professionnels de santé. Bien que l’enseignement médical soit aujourd’hui l’objet d’échanges

Manuel d’éthique médicale –Manuel


Le restant du chapitre s’emploiera à identifier quelques-uns des multiples entre professeurs et étudiants, et non, comme dans le
aspects problématiques de ces relations et proposera quelques passé, une relation à sens unique, il dépend toujours du bon vouloir
éléments de réponse. et du dévouement des médecins, qui souvent ne sont pas rémunérés
pour leurs activités d’enseignement. Les étudiants en médecine et
RELATIONS AVEC LES COLLÈGUES MÉDECINS, autres médecins stagiaires sont redevables à ces enseignants sans
LES ENSEIGNANTS ET LES ÉTUDIANTS lesquels la formation médicale serait réduite à une instruction pour
autodidactes.
En tant que membres de la profession médicale, les médecins
sont traditionnellement supposés se traiter mutuellement comme Les enseignants ont, pour ce qui les “Les enseignants
des membres d’une même famille plutôt que comme des étrangers concerne, l’obligation de traiter leurs ont, pour ce qui les
ou même des amis. La Déclaration de Genève de l’AMM dicte étudiants avec respect et de servir concerne, l’obligation
d’exemple dans leurs relations avec de traiter leurs
l’engagement suivant: « Mes collègues seront mes sœurs et mes
les patients. Le prétendu « programme étudiants avec respect
frères ». L’interprétation de cette promesse varie d’un pays à l’autre et de servir d’exemple
caché » de l’enseignement médical,
et avec le temps. Par exemple, lorsque la formule du « paiement dans leurs relations
c’est-à-dire les règles de comportement avec les patients.”
d’honoraires contre service » était le principal, voire l’unique mode
affichées par les praticiens, exerce
de rémunération des médecins, il était d’usage de faire valoir la
une influence plus forte qu’un
« courtoisie professionnelle » selon laquelle un collègue ne devait
programme spécifique d’éthique médicale et, en cas de désaccord
acquitter d’honoraires pour un traitement médical. Cette pratique
entre les exigences éthiques et les attitudes et comportements des
n’a quasiment plus cours dans les pays qui disposent aujourd’hui
professeurs, il est fort probable que les étudiants suivront l’exemple
d’un système de remboursement des soins.
de leurs professeurs.
Aux côtés de la recommandation de traiter les collègues avec Les enseignants ont l’obligation particulière de ne pas demander
respect et de collaborer avec eux pour maximiser les soins de santé, à leurs étudiants de prendre part à des pratiques contraires à
le Code international d’éthique médicale émet ces deux réserves l’éthique. Les revues médicales ont cité des exemples de telles
sur la question des relations entre médecins: (1) le versement ou pratiques, notamment l’obtention, par des étudiants en médecine,
l’acceptation d’honoraires ou autres avantages dans le seul but du consentement du patient pour un traitement médical pour des
86 87

médicale
et collègues
cas nécessitant l’intervention d’un SIGNALEMENT DE PRATIQUES DANGEREUSES
“Les étudiants professionnel de santé qualifié; ET CONTRAIRES À LʼÉTHIQUE

de L’éthique
concernés par les

médicale – Médecins
ou encore la pratique d’examens
aspects éthiques de La médecine s’est traditionnellement enorgueillie de sa capacité à
leur enseignement pelviens sur des patients anesthésiés
autoréguler la profession. En retour des privilèges accordés par la
ou décédés depuis peu en l’absence

caractéristiques
doivent avoir accès société et de la confiance donnée par les patients, la profession
à des structures leur de consentement; et la pratique
permettant d’aborder
médicale a établi à l’attention de ses membres des normes élevées
non supervisée d’opérations qui,
ces problèmes…” de comportement et des méthodes disciplinaires permettant
bien que d’importance mineure (par

d’éthique
d’enquêter sur les accusations de mauvaise conduite et, en cas
exemple, une intraveineuse), sont

Principales
de besoin, punir les malfaiteurs. Le système d’autorégulation a
considérées par certains étudiants

Manuel d’éthique médicale –Manuel


souvent échoué et, ces dernières années, des mesures ont été
être au-delà de leurs compétences. Étant donné l’inégalité des
prises pour responsabiliser la profession, notamment la nomination
pouvoirs entre étudiants et professeurs et, en conséquence, une
de non professionnels dans les services de contrôle. Cependant, la
certaine répugnance des étudiants à contester ou refuser de
principale exigence de l’autorégulation est le soutien inconditionnel,
tels ordres, les professeurs doivent veiller à ne pas demander à
par les médecins, de ses principes et leur volonté de reconnaître et
leurs étudiants d’agir contrairement aux principes éthiques. Dans
traiter les pratiques dangereuses et contraires à l’éthique.
beaucoup d’écoles de médecine, il existe des représentants de
classes ou des associations d’étudiants dont le rôle est notamment L’obligation de signaler les incompétences, les défaillances et la
d’exprimer les sujets d’inquiétude liés aux questions éthiques dans mauvaise conduite des collègues est soulignée dans les codes
l’enseignement médical. Les étudiants concernés par les aspects d’éthique. Par exemple, le Code international d’éthique médicale
éthiques de leur enseignement doivent avoir accès à des structures de l’AMM déclare: « Le médecin s’efforcera de dénoncer les
leur permettant d’aborder ces problèmes sans pour autant faire médecins qui manquent de caractère et de compétence ou qui ont
figure de dénonciateurs et aussi à une aide appropriée lorsque le recours à la fraude et à la tromperie ». Il n’est cependant pas toujours
problème nécessite un traitement plus formel. facile d’appliquer ce principe. D’un côté, le médecin peut être tenté
d’attaquer la réputation d’un collègue pour des raisons personnelles
Quant aux étudiants en médecine, on attend d’eux qu’ils
méprisables, comme la jalousie, ou des représailles à une insulte.
représentent, en leur qualité de futurs médecins, des règles élevées
De l’autre, il peut hésiter à signaler le mauvais comportement
de comportement éthique. Il est important qu’ils considèrent
d’un collègue pour des raisons d’amitié ou de sympathie (« Cela
les autres étudiants comme des collègues et qu’ils soient prêts
aurait tout aussi bien pu être moi »). Les conséquences de ces
à apporter de l’aide en cas de besoin, y compris de donner des
dénonciations peuvent être très préjudiciables pour leur auteur,
conseils pour corriger des comportements non professionnels. Ils
voire provoquer la malveillance de l’accusé et aussi peut-être de
doivent aussi participer aux projets et devoirs collectifs, comme les
quelques autres collègues.
épreuves d’examen et les services de garde.
Malgré ces désavantages, la dénonciation de la faute est un devoir
professionnel. Les médecins ont non seulement la responsabilité de
maintenir la bonne réputation de la profession, mais ils sont aussi
souvent les seuls à pouvoir reconnaître une incompétence, une
88 89

médicale
et collègues
faute ou un mauvais comportement. l’évaluation de compétences et d’expériences permettant d’assurer
“…la dénonciation
Cependant, la dénonciation d’un une prestation de soins aux patients s’impose. Tous les soignants

de L’éthique
d’un collègue aux

médicale – Médecins
pouvoirs disciplinaires collègue aux pouvoirs disciplinaires ne ne sont pas égaux en terme d’éducation et de formation, mais ils
ne doit normalement doit normalement être utilisée qu’en partagent les mêmes valeurs humaines et une même préoccupation
être utilisée qu’en dernier ressort, après que toutes les pour le bien-être du patient.

caractéristiques
dernier ressort, après autres solutions aient été essayées en
que toutes les autres Cependant, à l’instar de la relation médecin / patient, il existe aussi
vain. La première démarche peut être
solutions aient été des raisons légitimes de refuser ou de mettre fin à une relation
de contacter le collègue pour lui dire

d’éthique
essayées en vain.” avec un autre soignant. Il peut s’agir, entre autres, d’un manque
que son comportement est considéré

Principales
de confiance dans la capacité ou l’intégrité de l’autre personne ou
comme dangereux ou contraire à

Manuel d’éthique médicale –Manuel


d’une sérieuse incompatibilité de caractère. La capacité à distinguer
l’éthique. Si le problème peut être résolu de cette manière, il ne
ces motifs parmi d’autres moins importants peut nécessiter une
sera pas nécessaire d’aller plus loin. Sinon, la démarche suivante
sensibilité éthique particulière.
peut être de contacter la direction de l’une ou des deux parties et
lui laisser prendre la décision de la suite à donner au problème. Si
COOPÉRATION
cette tactique n’aboutit toujours pas, alors il peut être nécessaire de
recourir à l’ultime solution, c’est-à-dire, le signalement aux autorités La médecine est une profession à la fois fortement individualiste et
disciplinaires. fortement solidaire. D’un côté les médecins sont assez possessifs
envers « leurs » patients. On prétend, à juste titre, que la relation
RELATIONS AVEC LES AUTRES médecin / patient est le meilleur moyen de parvenir à une
PROFESSIONNELS DE SANTÉ connaissance du patient et à une continuité de soins optimales
pour la prévention et le traitement des maladies. Le patient ainsi
Le deuxième chapitre, consacré aux relations avec les patients, « retenu » profite également au médecin, du moins financièrement.
soulignait dès le début l’importance du respect et de l’égalité de En même temps, comme indiqué ci-dessus, la médecine est fort
traitement dans la relation médecin / patient. Les principes évoqués complexe et spécialisée et nécessite par conséquent une étroite
alors valent tout autant pour les relations entre les médecins et leurs coopération entre les praticiens dont les
collaborateurs. En particulier, la prohibition de la discrimination pour connaissances et compétences sont
des considérations « d’âge, de maladie ou d’infirmité, de croyance, différentes et complémentaires. La “Le déclin du
d’origine ethnique, de sexe, de nationalité, d’affiliation politique, de tension entre l’individualisme et la paternalisme médical
race, d’inclinaison sexuelle, de statut social ou tout autre critère » coopération est un thème récurrent de a entraîné la
(Déclaration de Genève) s’applique aux personnes en relation disparition de l’idée
l’éthique médicale.
avec les médecins dans le cadre des soins aux patients ou autres de « possession »
Le déclin du paternalisme médical qu’avaient les
activités professionnelles.
a entraîné la disparition de l’idée médecins de leurs
patients.”
La non-discrimination est une caractéristique passive de la relation. de « possession » qu’avaient les
Le respect est d’une certaine manière plus actif et positif. Concernant médecins de leurs patients. Au droit
les autres soignants, médecins, infirmières ou travailleurs auxiliaires, du patient de demander un deuxième
90 91

médicale
et collègues
avis médical il faut ajouter aujourd’hui celui de l’accès à d’autres qui demandent à participer davantage à la prise de décision. Les
soignants susceptibles de mieux répondre à ses besoins. Selon médecins devront justifier les recommandations qu’ils donnent à

de L’éthique
médicale – Médecins
la Déclaration de l’AMM sur les droits du patient, « le médecin d’autres personnes et persuader celles-ci de les accepter. Outre
a l’obligation de coopérer à la coordination des prescriptions ces compétences en communication, les médecins doivent aussi
médicales avec les autres pourvoyeurs de soins traitant le patient ». avoir des compétences pour résoudre les conflits entre les différents

caractéristiques
Cependant, comme indiqué précédemment, les médecins ne doivent participants à la prestation de soins.
pas tirer profit de cette coopération par un partage des honoraires.
Le recours des patients à des soignants traditionnels ou alternatifs

d’éthique
Il importe que ces réserves concernant « la possession du patient » (« guérisseurs ») pose un défi particulier à toute collaboration

Principales
soient contrebalancées par d’autres mesures dont le but est apportée dans leur meilleur intérêt. Ces personnes sont consultées

Manuel d’éthique médicale –Manuel


de garantir la prééminence de la relation médecin / patient. Par par une large proportion de la population en Afrique et en Asie et, de
exemple, il importe, dans la mesure du possible, que lorsqu’un plus en plus, en Europe et en Amérique. Bien que certains considèrent
patient est traité par plus d’un médecin, ce qui est souvent le cas à les deux approches comme complémentaires, elles s’opposent
l’hôpital, la coordination des soins soit assurée par un médecin qui en fait très souvent. Étant donné que certaines interventions
puisse tenir le patient informé de ses progrès et l’aider à prendre traditionnelles et alternatives ont des effets thérapeutiques et
ses décisions. Alors que les relations entre médecins sont régies qu’elles sont recherchées par les patients, les médecins doivent
par des règles généralement bien formulées et acceptées, les explorer les moyens de coopérer avec les auteurs de ces pratiques.
relations entre les médecins et les autres professionnels de santé La manière dont cette collaboration doit être menée peut varier d’un
changent continuellement et il existe de grands désaccords sur ce pays à l’autre et d’un praticien à l’autre. Dans tous ces échanges, le
que devraient être leurs rôles respectifs. Comme on l’a déjà dit, bien-être du patient doit rester la première préoccupation.
beaucoup d’infirmières, de pharmaciens, de physiothérapeutes
et autres professionnels estiment être plus compétents que les RÉSOLUTION DE CONFLITS
médecins dans le domaine des soins du patient qui est le leur,
Bien qu’il existe des types multiples de conflits entre les
et ne voient pas pourquoi ils ne seraient pas traités sur un pied
médecins et les autres soignants — par exemple à propos des
d’égalité. Ils sont, du reste, favorables à une approche de groupe
démarches administratives ou des
qui accorderait à tous les soignants une même attention et ils sont
rémunérations — toute l’attention
conscients d’avoir des responsabilités envers le patient et non “… l’incertitude et portera ici sur les conflits relatifs
envers le médecin. Par ailleurs, beaucoup de médecins estiment la diversité des
aux soins du patient. Dans l’idéal,
nécessaire de nommer une seule personne comme responsable, points de vue peuvent
quand bien même une approche de groupe aurait été retenue et les créer des désaccords les décisions concernant les soins
sur les objectifs des de santé doivent être le reflet d’une
médecins semblent être le mieux à même de remplir ce rôle étant
soins ou les moyens entente entre le patient, les médecins
donné leur formation et leur expérience. d’atteindre ces et les autres personnes impliquées.
objectifs.” Cependant, l’incertitude et la diversité
Même si certains médecins résistent encore aux défis lancés à leur
autorité traditionnelle, presque absolue, il est certain que leur rôle des points de vue peuvent créer des
doit changer face aux demandes des patients et des autres soignants désaccords sur les objectifs des soins
92 93

médicale
et collègues
ou les moyens d’atteindre ces objectifs. La limitation des ressources • si, au terme d'efforts raisonnables, un accord ou un
de soins de santé et des moyens d’action administratifs peuvent compromis ne peut être obtenu, le choix de la personne

de L’éthique
médicale – Médecins
aussi rendre le consensus difficile. investie du droit ou de la responsabilité de prendre la
décision doit être accepté. En cas de confusion ou de
Les désaccords entre soignants concernant les objectifs de soins
contestation au sujet de la légitimité de cette personne, le

caractéristiques
et de traitements, voire les moyens de les atteindre, doivent
recours à une médiation, un arbitrage ou un jugement doit
être clarifiés et résolus par les membres de l’équipe de soins de
être recherché.
manière à ne pas compromettre leurs relations avec le patient. Les

d’éthique
désaccords entre les soignants et les administrateurs concernant Lorsque les soignants ne peuvent approuver la décision qui

Principales
s’impose pour des questions de jugement professionnel ou de
l’allocation des ressources doivent être résolus au sein du service
moralité personnelle, ils doivent pouvoir arrêter leur participation à

Manuel d’éthique médicale –Manuel


ou de l’institution et non débattus en présence du patient. Étant
la décision, après s’être assuré que la personne qui reçoit les soins
donné la nature éthique de ces deux types de conflit, il peut être
n’est l’objet d’aucun préjudice ou abandon.
utile, lorsque cela est possible, de rechercher les conseils d’un
comité ou d’un spécialiste en éthique clinique.
Les directives suivantes peuvent être utiles pour résoudre de tels
conflits:
• les conflits doivent être résolus de manière aussi informelle
que possible, par exemple, par une négociation directe
RETOUR À L ÉTUDE DE CAS
entre les personnes en désaccord et le recours à des
moyens plus formels ne doit être engagé que lorsque les Le Dr C. a raison de s inquiéter du comportement
méthodes informelles se sont avérées infructueuses; du chirurgien en chef dans la salle d opération. Non
seulement il met en danger la santé du patient,
• les opinions de toutes les parties directement concernées mais il manque aussi de respect envers le patient
doivent être exprimées et faire l’objet d’une attention et ses collègues. Le Dr C. a une obligation éthique
particulière; de ne pas ignorer ce type de comportement et de
faire quelque chose. La première chose serait de
• le choix éclairé du patient ou de son représentant légal ne pas donner de signe de soutien à son attitude
concernant le traitement doit être la préoccupation première offensive, par exemple, en riant de ses plaisanteries.
de toute recherche de solution de conflits; S il estime qu une discussion avec le chirurgien peut
être efficace, il doit donner suite à cette décision.
• lorsque le désaccord concerne les options de traitement Sinon, il doit contacter directement les autorités
proposées au patient, il est généralement préférable supérieures de l hôpital. Si celles-ci refusent de
d’élargir le choix plutôt que de le resserrer. Si l’un des répondre, il doit s adresser à l organisme approprié
traitements retenus n’est pas disponible à cause de la qui délivre les autorisations d exercice pour lui
limitation des ressources, le patient doit être normalement demander d enquêter
informé.
94 95

L’éthique médicale
CHAPITRE 5 –

derecherche
ÉTHIQUE ET RECHERCHE MÉDICALE

– Principales
Manuel d’éthique
Manuel d’éthique médicale – Éthique et
caractéristiques
médicale
OBJECTIFS
Après avoir étudié ce chapitre, vous devriez être capable:
· d'identifier les principes les plus importants de l'éthique de la
recherche
· de savoir comment assurer un équilibre entre recherche et
soins cliniques
La maladie du sommeil est de retour · de répondre aux exigences des comités d’éthique
© Robert Patric/CORBIS SYGMA
96 97

L’éthique médicale
médicaux et les techniques chirurgicales. De nombreux progrès ont
ÉTUDE DE CAS N 4 été réalisés dans ce domaine au cours des cinquante dernières

derecherche
Le Dr R., médecin généraliste dans une petite ville années et le nombre de recherches aujourd’hui en cours n’a jamais
de campagne, est contactée par une organisation été aussi grand. Cependant, beaucoup de questions concernant le

– Éthique et
de recherche contractuelle (CRO) pour participer fonctionnement du corps humain, les causes des maladies (à la fois

caractéristiques
à un essai clinique sur un nouveau médicament connues et nouvelles) et les meilleurs moyens de les prévenir et
anti-inflammatoire non stéroïdien (NSAID) dans de les soigner, n’ont pas encore trouvé de réponse. La recherche
l ostéoarthrite. Une somme d argent lui est offerte

médicale
médicale est le seul moyen d’y répondre.
pour chaque patient qu elle inscrit à l étude. Le

– Principales
représentant de la CRO certifie que l étude a Hormis les efforts déployés pour mieux comprendre la physiologie

Manuel d’éthique
obtenu toutes les autorisations nécessaires, y humaine, la recherche médicale étudie aussi d’autres facteurs
compris celle d un comité d éthique. Le Dr R. n a de santé, notamment la typologie des maladies (épidémiologie),

Manuel d’éthique médicale


encore jamais participé à une étude et se réjouit de l’organisation, le financement et la distribution des soins (recherche
cette opportunité, en particulier de cette somme sur les systèmes de santé), les aspects sociaux et culturels de la
d argent supplémentaire. Elle accepte sans se
santé (sociologie et anthropologie médicale), le droit (médecine
renseigner davantage sur les aspects scientifiques
légale) et l’éthique (éthique médicale). L’importance de ces
et éthiques de l étude.
recherches est de plus en plus reconnue par les organismes de
financement dont beaucoup proposent des programmes spécifiques
de recherche médicale non physiologique.
IMPORTANCE DE LA RECHERCHE MÉDICALE
La médecine n’est pas une science exacte dans le sens où le sont les RECHERCHE À LʼINTÉRIEUR
mathématiques ou la physique. Elle est soumise à un grand nombre DE LA PRATIQUE MÉDICALE
de principes généraux qui sont dans leur ensemble recevables,
Tous les médecins utilisent les résultats de la recherche médicale
mais chaque patient est différent et il
dans leur pratique clinique. Pour
“… la nature est possible qu’un traitement efficace
entretenir leurs compétences, les
intrinsèque de la pour 90 % de la population ne le soit “Même s’ils ne
médecins doivent se maintenir à niveau
médecine est-elle pas pour les autres 10 %. Ainsi, la participent pas aux
expérimentale.”
sur les recherches réalisées dans leur recherches, les
nature intrinsèque de la médecine
domaine, par la formation continue ou médecins doivent
est-elle expérimentale. Même les
les programmes de développement savoir interpréter
traitements les plus généralement leurs résultats et les
professionnel, les revues médicales
reconnus doivent être contrôlés et évalués afin de déterminer leur appliquer à leurs
et les échanges avec les collègues
efficacité pour des patients spécifiques, voire pour les patients en patients.”
expérimentés. Même s’ils ne
général. C’est là une des fonctions de la recherche médicale.
participent pas aux recherches, les
Une autre fonction, peut-être plus connue, est la mise au point de médecins doivent savoir interpréter
nouveaux traitements, en particulier les médicaments, les diapositifs leurs résultats et les appliquer à
98 99

L’éthique médicale
leurs patients. Par conséquent, une connaissance élémentaire des l’entreprise pharmaceutique est généralement intéressée de
méthodes de recherche est essentielle pour une bonne pratique savoir comment le médicament est reçu par les médecins qui le

derecherche
médicale. La meilleure façon d’acquérir cette connaissance est de prescrivent et les patients qui le consomment.
prendre part à un projet d’étude, en tant qu’étudiant en médecine ou
L’augmentation rapide du nombre d’essais de ces dernières

– Éthique et
dans le cadre d’une formation continue.

caractéristiques
années a nécessité de rechercher et d’engager un nombre encore
La méthode de recherche la plus courante chez les praticiens est plus grand de patients pour répondre aux besoins statistiques.
l’essai clinique. Avant d’être homologué, le nouveau médicament est Les responsables de ces études — médecins indépendants ou

médicale
soumis à un ensemble d’essais destinés à vérifier sa sécurité et son entreprises pharmaceutiques — dépendent maintenant des autres

– Principales
efficacité. La procédure commence par des études de laboratoire médecins, souvent situés dans des pays différents, pour recruter

Manuel d’éthique
et se poursuit par des essais sur les animaux. Lorsque les résultats des patients en tant que sujets d’étude.
sont prometteurs, la recherche clinique continue sur la base des
Même si cette participation à la recherche est pour les médecins

Manuel d’éthique médicale


quatre étapes ou phases suivantes: une expérience importante, elle peut poser des problèmes qu’il
• la première phase, généralement menée sur un petit nombre de importe de reconnaître et d’éviter. Tout d’abord, le rôle du médecin
volontaires en bonne santé recevant souvent une rémunération dans la relation médecin / patient est
en échange de leur participation, est destinée à déterminer le différent de celui de l’investigateur
“… le rôle du médecin
dosage du médicament nécessaire pour produire une réaction dans la relation investigateur / sujet,
dans la relation
dans le corps humain, la manière dont le corps assimile le médecin / patient est même si le médecin et l’investigateur
médicament et les éventuels effets toxiques ou préjudiciables; différent de celui de sont la même personne. La première
l’investigateur dans la responsabilité du médecin est la santé
• la deuxième phase est conduite sur un groupe de patients relation investigateur / et le bien-être du patient alors que
atteints de la maladie que la médicament est supposer traiter. sujet…” celle de l’investigateur est l’apport de
Elle a pour objectif de déterminer les éventuels effets bénéfiques
connaissances qui peuvent contribuer
et secondaires du médicament; ou pas à la santé et au bien-être du
• la troisième phase est celle de l’essai clinique au cours duquel sujet d’étude. Donc, il peut y avoir des antagonismes entre ces
le médicament est administré à un grand nombre de patients deux rôles. Dans ce cas, le rôle du médecin doit prévaloir sur celui
et mis en comparaison avec un autre médicament, lorsqu’il de l’investigateur. Les pages qui suivent s’appliquent à rendre
en existe un, et / ou un placebo. Il importe dans la mesure du manifeste ce que cela signifie dans la pratique.
possible que ces essais soient réalisés en « double aveugle », L’autre problème que pose ce mélange de rôles est celui du conflit
c’est-à-dire sans que les sujets de recherche ni leurs médecins d’intérêt. La recherche médicale est une entreprise bien dotée en
ne sachent qui reçoit le médicament ou le placebo; capitaux et des rétributions considérables sont parfois offertes
• la quatrième phase prend place après que le médicament ait été aux médecins en échange de leur participation. Il peut s’agir de
homologué et commercialisé. Les premières années s’appliquent versements d’espèces pour le recrutement de sujets d’étude, de
à contrôler les effets secondaires que le nouveau médicament matériel comme des ordinateurs pour transmettre les recherches de
n’aurait pas montrés lors de phases précédentes. De plus, données, d’invitations à des conférences pour discuter les résultats
100 101

L’éthique médicale
des recherches ou encore du partage de la paternité des publications l’AMM, conscients des violations de l’éthique médicale avant et
de ces résultats. L’intérêt du médecin à obtenir ces avantages peut pendant la Seconde Guerre mondiale, s’empressèrent de prendre

derecherche
parfois ne pas être compatible avec son devoir de fournir au patient des mesures qui permettaient de garantir les obligations éthiques
le meilleur traitement disponible. Il peut aussi s’opposer au droit des médecins. En 1954, au terme de plusieurs années d’étude,

– Éthique et
du patient d’obtenir tous les renseignements nécessaires à une l’AMM adopta un ensemble de Principes pour les personnes

caractéristiques
décision éclairée concernant son souhait de participer ou pas à une se prêtant à la recherche et à l’expérimentation. Ce document
étude. fut révisé quelques dix années plus tard et adopté sous le nom de

médicale
Il est cependant possible de surmonter ces problèmes. Les valeurs Déclaration d’Helsinki (DdH), en 1964. Le texte fut révisé plusieurs

– Principales
éthiques du médecin — compassion, compétence, autonomie — fois, en 1975, en 1983, en 1989, en 1996 et en 2000. La DdH est

Manuel d’éthique
s’appliquent également à l’investigateur. Il n’y a donc pas vraiment un résumé concis de l’éthique de la recherche. D’autres documents,
d’antagonisme entre ces deux rôles. Tant que les médecins plus détaillés, ont été élaborés ces dernières années sur l’éthique

Manuel d’éthique médicale


comprennent et appliquent les règles fondamentales d’éthique de la recherche en général (comme les Directives éthiques
médicale, ils ne devraient pas avoir de difficulté à participer à la internationales pour la recherche biomédicale impliquant des
recherche en tant que partie intégrante de leur pratique clinique. sujets humains du Conseil international des organisations de
sciences médicales, adoptées en 1993 et révisées en 2002) et sur
EXIGENCES ÉTHIQUES des sujets plus spécifiques (comme L’éthique de la recherche
relative aux soins de santé dans les pays en développement
Les principes de base de l’éthique de la recherche sont aujourd’hui du Conseil Nuffield sur la bioéthique, publiée en 2002 au Royaume-
bien établis. Il n’en a pas toujours été ainsi. D’éminents investigateurs Uni).
des 19e et 20e siècles ont conduit des expériences sur les patients
sans obtenir leur consentement et sans se préoccuper beaucoup, En dépit d’une différence de portée, de longueur et d’origine, ces
si toutefois ils s’en préoccupaient, du bien-être du patient. Les documents approuvent dans une très large mesure les principes
déclarations sur l’éthique de la recherche rédigées au début du fondamentaux de l’éthique de la recherche. Ces principes ont été
20e siècle n’empêchèrent pas les médecins de l’Allemagne nazie incorporés dans les lois et / ou règlements de beaucoup de pays
et d’ailleurs de faire des recherches qui manifestement violaient les et organisations internationales, y compris les textes relatifs à
droits humains fondamentaux de leurs sujets. Après la Seconde l’homologation des médicaments et diapositifs médicaux. Voici
Guerre mondiale, certains de ces médecins furent jugés et maintenant une brève présentation de ces principes, tirés pour la
condamnés par le tribunal de Nuremberg, en Allemagne. Les bases plupart de la DdH.
de ce jugement sont connues sous le nom de Code de Nuremberg
et comptent parmi les documents qui ont servi de fondement à Approbation du comité d’éthique
l’éthique de la recherche moderne. Parmi les dix principes de ce Les paragraphes 13 et 14 de DdH stipulent que tout projet de
code, figure notamment la demande de consentement volontaire du recherche médicale sur des êtres humains doit être soumis à
patient qui se prête à une étude.
l’examen et à l’approbation préalables d’un comité d’éthique
L’Association médicale mondiale a été créée en 1947, la même indépendant. Pour obtenir cette approbation, les investigateurs
année que fut élaboré le Code de Nuremberg. Les fondateurs de doivent expliquer l’objet de l’étude et les méthodes employées,
102 103

L’éthique médicale
démontrer le mode de recrutement recommandation a pour but d’écarter
“…tout projet de
des sujets de recherche, le mode “… la recherche les projets qui ont peu de chances

derecherche
recherche médicale
sur des êtres d’obtention de leur consentement médicale sur des de réussir, en raison notamment de
êtres humains doit
humains doit être et de protection de leur vie privée, méthodologies inappropriées ou qui
être scientifiquement

– Éthique et
soumis à l’examen spécifier le mode de financement ne semblent pouvoir produire, même

caractéristiques
et à l’approbation justifiable.”
du projet et divulguer les éventuels s’ils ont des chances de réussir, que
préalables d’un
comité d’éthique conflits d’intérêt. Le comité d’éthique des résultats insignifiants. Lorsque

médicale
indépendant.” peut approuver le projet tel que des patients sont invités à participer
présenté ou demander à le modifier à une étude, il importe, même lorsque le risque de préjudice est

– Principales
Manuel d’éthique
avant d’être mis à exécution ou minimal, de pouvoir attendre de ses résultats qu’ils communiquent
encore le rejeter dans son ensemble. Beaucoup de comités ont des connaissances scientifiques importantes.
aussi pour rôle de contrôler les projets en cours et de veiller à ce

Manuel d’éthique médicale


que les chercheurs remplissent leurs obligations et puissent, en cas Afin de garantir la valeur scientifique d’une étude, le paragraphe 11
de besoin, notamment lors de circonstances imprévues gravement recommande qu’elle soit fondée sur une connaissance approfondie
préjudiciables, arrêter un projet. de la documentation existante et sur une expérience préalable
réalisée en laboratoire et, le cas échéant, sur l’animal, qui donne de
La raison pour laquelle l’approbation d’un comité d’éthique est bonnes raisons de penser que l’intervention proposée sera efficace
indispensable est que ni les investigateurs ni les sujets de recherche sur des êtres humains. Toutes les recherches sur les animaux
n’ont jamais les connaissances et l’objectivité suffisantes pour doivent se conformer aux directives éthiques qui préconisent une
déterminer si un projet est valable d’un point de vue scientifique et utilisation limitée des animaux et les moyens d’empêcher des
éthique. Les investigateurs doivent démontrer à un comité impartial souffrances inutiles. Le paragraphe 15 recommande également que
et spécialisé que le projet est utile, qu’ils possèdent les compétences les études sur les êtres humains ne doivent être conduites que par
nécessaires pour le conduire et que les futurs sujets de recherche des personnes scientifiquement qualifiées. Le comité d’éthique doit
seront, dans toute la mesure du possible, protégés des éventuels s’assurer que toutes ces conditions sont remplies avant de donner
préjudices. son approbation.
Une des questions non encore résolues à propos des comités
d’éthique est de savoir si un projet relié à plusieurs centres nécessite Valeur sociale
l’approbation du comité de chaque centre ou si l’approbation d’un “… la valeur
L’une des exigences les plus
seul comité suffit. Lorsque les centres sont situés dans des pays sociale est devenue
controversées concerne la contribution un critère important
différents, l’examen et l’approbation du comité sont généralement
de la recherche médicale au bien- pour en évaluer
requis dans chacun des pays.
être de la société en général. Il est le bien-fondé.”
d’ordinaire reconnu que les progrès
Valeur scientifique
des connaissances scientifiques
Le paragraphe 11 de la DdH souligne que la recherche médicale étaient suffisamment importants en eux-mêmes pour ne pas avoir
sur des êtres humains doit être scientifiquement justifiable. Cette besoin de justification supplémentaire. Cependant, étant donné
104 105

L’éthique médicale
que les ressources disponibles pour la recherche médicale sont préjudice se présente (de très forte à très faible); (2) la gravité du
aujourd’hui de plus en plus insuffisantes, la valeur sociale est préjudice (d’insignifiant à une incapacité permanente grave, voire la

derecherche
devenue un de critère important pour en évaluer le bien-fondé. mort). Un risque fortement improbable de préjudice insignifiant ne
serait pas problématique pour un bon projet de recherche. À l’autre
Les paragraphes 18 et 19 de la DdH soutiennent manifestement

– Éthique et
extrémité, un risque probable de préjudice grave serait inacceptable

caractéristiques
l’importance de la valeur sociale dans l’évaluation des projets
à moins que l’étude soit le seul espoir de traitement pour des sujets
de recherche. L’importance, à la fois scientifique et sociale, de
en phase terminale. Entre ces deux extrêmes, le paragraphe 17 de
l’objectif recherché doit prévaloir sur les contraintes et les risques

médicale
la DdH demande aux chercheurs d’évaluer justement les risques
encourus par le sujet. De plus, les populations faisant l’objet de
et de s’assurer qu’ils peuvent être contrôlés. Lorsque le risque est

– Principales
recherche doivent bénéficier de ses résultats obtenus. Cela est

Manuel d’éthique
totalement inconnu, le chercheur ne doit pas poursuivre l’étude tant
particulièrement important dans les pays où il est possible que les
qu’il ne dispose pas de données fiables, par exemple, des analyses
sujets de recherche qui subissent les risques et les inconvénients
de laboratoires ou des expérimentations sur les animaux.

Manuel d’éthique médicale


de la recherche ne reçoivent pas un traitement équitable et que la
mise au point des médicaments résultant de la recherche ne profite
Consentement éclairé
qu’aux patients des autres pays. “le consentement
Le premier principe du Code de volontaire de l’être
La valeur sociale de la recherche est plus difficile à définir que sa
Nuremberg est rédigé dans les termes humain est
valeur scientifique, même si ce n’est pas là une raison de l’ignorer.
suivants: « le consentement volontaire absolument
Les chercheurs et les comités d’éthique doivent s’assurer que les essentiel ”
de l’être humain est absolument
patients ne sont pas soumis à des examens qui pourraient servir
essentiel ». Le paragraphe explicatif
des objectifs sociaux inutiles. Cela reviendrait autrement à gaspiller
joint en annexe recommande, entre
d’importantes ressources de santé et à porter atteinte à la réputation
autres choses, que le sujet ait « une
de la recherche médicale en tant que principal facteur de santé et
connaissance et une compréhension suffisantes des éléments du
de bien-être de l’être humain.
problème en question de sorte qu’il puisse prendre une décision sur
la base d’une bonne compréhension et information ».
Risques et bénéfices
La DdH détaille aussi la question du consentement éclairé. Le
Une fois établies les valeurs
paragraphe 22 précise ce que le sujet doit savoir pour pouvoir
“Lorsque le risque sociales et scientifiques de l’étude,
prendre une décision éclairée concernant sa participation. Le
est totalement l’investigateur doit démontrer que
paragraphe 23 met en garde contre les pressions exercées sur
inconnu, le chercheur les risques encourus par les sujets
ne doit pas poursuivre ne sont pas déraisonnables ou les individus pour participer à une étude puisque, dans ce cas, le
l’étude tant qu’il ne consentement peut ne pas être totalement libre. Les paragraphes
démesurés par rapport aux bénéfices
dispose pas de 24 à 26 abordent la question des sujets incapables de donner leur
données fiables…”
attendus dont ils peuvent même
consentement (enfants mineurs, handicapés mentaux, patients
ne pas bénéficier. Il y a ici le risque
inconscients). Ces sujets peuvent néanmoins se prêter à une étude,
qu’un résultat indésirable (préjudice)
mais seulement dans des conditions limitées.
se présente. Ses deux composantes sont: (1) la probabilité que le
106 107

L’éthique médicale
La DdH, à l’instar des autres documents concernant l’éthique de éthiques concernant les bases de données donne d’autres

derecherche
la recherche, recommande que la preuve du consentement éclairé recommandations sur le sujet.
soit établie par la présentation d’un « formulaire de consentement »
signé par le sujet (paragraphe 22). Beaucoup de comités Rôles conflictuels

– Éthique et
caractéristiques
d’éthique demandent à l’investigateur de leur fournir le formulaire
de consentement qu’il utilise pour sa recherche. Dans certains Il a été souligné un peu plus haut dans ce chapitre que le rôle du
pays, ces formulaires sont trop longs et trop détaillés au médecin dans la relation médecin / patient était différent de celui

médicale
point qu’ils ne servent plus leur objectif qui était de donner au de l’investigateur dans la relation investigateur / sujet, même si le
médecin et l’investigateur sont la même personne. Le paragraphe 28

– Principales
sujet des informations sur l’étude. De toute façon, l’obtention du
de la DdH spécifie qu’en pareil cas, le rôle du médecin doit prévaloir.

Manuel d’éthique
consentement éclairé ne commence ni ne finit avec la signature
de ce formulaire, mais suppose aussi une explication orale précise Ce qui signifie, entre autres choses, que le médecin doit être prêt à
du projet d’étude et de ce que cette participation signifie pour le recommander que le patient ne participe pas à une étude lorsqu’il

Manuel d’éthique médicale


sujet. De plus, le sujet doit être informé qu’il est libre de revenir à semble bien réagir au traitement en cours et que l’étude nécessite
tout moment sur son consentement, même après que l’étude ait qu’il soit soumis de manière aléatoire à différents traitements
commencé, sans crainte de préjudice de la part de l’investigateur et / ou à un placebo. Le médecin ne doit demander à un patient de
ou d’un autre médecin et sans que cela compromette ses soins de participer à une étude que s’il a de solides raisons scientifiques de
santé. douter que le traitement qu’il suit est aussi approprié qu’un nouveau
traitement voire même un placebo.
Confidentialité “Les sujets de
recherche ont droit Restitution honnête des résultats
Les sujets de recherche ont droit … à la confidentialité
comme les patients recevant des des informations Il ne devrait pas être nécessaire de
soins cliniques à la confidentialité des de santé les demander de rendre compte avec
informations de santé les concernant. concernant” exactitude des résultats de l’étude,
“… les cas de
Cependant, contrairement aux soins mais malheureusement les cas de pratiques malhonnêtes
cliniques, la recherche nécessite pratiques malhonnêtes se sont ces se sont ces derniers
la communication des renseignements de santé personnels à derniers temps multipliés dans ce temps multipliés
d’autres personnes, y compris l’ensemble de la communauté domaine. Le plagiat, les données dans ce domaine.”
scientifique et parfois le grand public. Afin de protéger la vie privée fabriquées, les publications en double
des sujets, les investigateurs doivent assurer que l’obtention du exemplaire et les prestations gratuites
consentement éclairé concerne l’utilisation des renseignements des auteurs sont autant de problèmes
de santé personnels à des fins de recherche, ce qui suppose que qui se posent. Si ces pratiques
les sujets soient informés à l’avance de l’utilisation qui sera faite peuvent profiter à l’investigateur, du moins jusqu’à ce qu’elles soient
de ces renseignements. En règle générale, les renseignements découvertes, elles peuvent aussi être très préjudiciables pour les
doivent être dépourvus de leur identité et conservés et transmis en patients qui risquent de recevoir des traitements inadéquats sur la
toute sécurité. La Déclaration de l’AMM sur les considérations base de rapports d’études inexacts ou falsifiés et pour les autres
108 109

L’éthique médicale
investigateurs qui risquent de gaspiller beaucoup de temps et de de traitements pour lesquels il n’existe
ressources à assurer le suivi de l’étude. pas de réponses toutes faites. De plus, “seulement 10 % de la

derecherche
certains sujets comme la mise en place recherche médicale
Dénonciation est consacrée aux
d’un placebo dans un essai clinique
problèmes de santé de

– Éthique et
et la continuité des soins des sujets 90 % de la population

caractéristiques
Afin d’empêcher que la recherche ne soit l’objet de violations
des principes éthiques, quiconque ayant connaissance de ces de recherche font toujours l’objet de mondiale”
comportements a l’obligation de les divulguer aux autorités controverse. Au niveau mondial, l’écart

médicale
compétentes. Malheureusement, ces appels à dénonciation ne sont 10 / 90 de la recherche médicale
(seulement 10 % de la recherche médicale est consacrée aux

– Principales
pas toujours appréciés, ni même mis à exécution et les délateurs,

Manuel d’éthique
dans leur tentative de divulguer les mauvaises actions, sont parfois problèmes de santé de 90 % de la population mondiale) reste
sanctionnés ou tenus à l’écart. Cette attitude semble cependant manifestement un problème éthique non résolu. Dans les régions
changer alors que les scientifiques médicaux et les inspecteurs pauvres en ressources, les chercheurs sont souvent confrontés

Manuel d’éthique médicale


publics estiment nécessaire de détecter et de sanctionner les à des problèmes résultant de désaccords entre leur point de vue
recherches qui ne sont pas conformes aux principes éthiques et éthique et celui de la communauté dans laquelle ils travaillent.
commencent à apprécier le rôle des dénonciateurs pour atteindre Toutes ces questions demandent à être examinées et discutées
ce but. plus amplement avant de parvenir à un accord général.

Il peut être très difficile pour les jeunes membres d’un groupe de Malgré tous ces problèmes, la recherche médicale reste une activité
recherche, comme des étudiants en médecine, de réagir à des importante et gratifiante pour les médecins, les étudiants en médecine
recherches présumées contraires à l’éthique, car ils peuvent ne pas et les sujets de recherche. En fait, il faudrait que les médecins et les
se sentir qualifiés pour juger les actes de chercheurs expérimentés étudiants acceptent de servir de sujet d’étude, cela leur permettrait
ou craindre de subir des sanctions s’ils disent ce qu’ils pensent. d’apprécier l’autre côté de la relation investigateur / sujet.
Toutefois, ils devraient au moins refuser de participer à des pratiques
qu’ils considèrent de toute évidence contraires à l’éthique, comme
mentir aux sujets de recherche ou fabriquer des données. Il importe,
lorsqu’ils sont témoins de telles pratiques, qu’ils alertent comme ils
le peuvent les autorités compétentes, soit directement, soit à titre
anonyme.

Questions non résolues


Tous les aspects de l’éthique de la recherche ne font pas
l’unanimité. Alors que la science médicale continue de progresser
dans des domaines comme la génétique, les neurosciences et la
transplantation d’organes et de tissus, de nouvelles questions se
posent à propos de l’acceptation de techniques, de méthodes et
110 111

L’éthique médicale
RETOUR À L ÉTUDE DE CAS

derecherche
Le Dr R. n aurait pas dû accepter aussi vite.
Elle aurait dû d abord se renseigner davantage sur

– Éthique et
le projet et s assurer de sa conformité avec les

caractéristiques
règles éthiques de la recherche. En particulier, elle
aurait dû demander à voir le protocole soumis au

médicale
comité d éthique et les éventuelles remarques ou
conditions exprimées par celui-ci. Elle ne devrait

– Principales
participer qu aux études qui ont un rapport avec

Manuel d’éthique
son domaine d exercice et s assurer de leur valeur
scientifique et sociale. Si elle n a pas confiance

Manuel d’éthique médicale


dans sa capacité à évaluer une étude, elle doit
demander l avis de collègues exerçant dans de
plus grands centres. Elle doit s assurer qu elle agit
dans le meilleur intérêt de ses patients et n engager
que ceux dont il est possible de substituer le
traitement par un traitement expérimental ou un
placebo sans crainte de préjudice. Elle doit être
capable d expliquer les différents choix possibles à
ses patients afin qu ils puissent donner ou pas leur
consentement éclairé à leur participation.
Elle ne devrait pas accepter d engager un nombre
déterminé de patients-sujets, car cela pourrait
l amener à devoir faire pression sur certains
patients pour qu ils acceptent, peut-être contre
leur meilleur intérêt. Elle devrait soigneusement
surveiller les effets indésirables imprévus des
patients se prêtant à l étude et être prête à adopter
rapidement les mesures correctives qui s imposent.
Enfin, elle devrait communiquer à ses patients les
résultats de l étude dès qu ils sont disponibles.
112

© Don Mason/CORBIS
CONCLUSION
CHAPITRE 6 –

Un randonneur sur une pente abrupte


113

Manuel d’éthique
Manuel d’éthique médicale médicale
Manuel
– Principales d’éthique
– Éthique médicale
caractéristiques et – Conclusion
derecherche
L’éthique médicale
114 115

médicale
– Conclusion
RESPONSABILITÉS ET PRIVILÈGES médicales ». Plutôt que de réviser et de mettre à jour ces articles,
DES MÉDECINS l’AMA a préféré les supprimer de son Code.

L’éthique
derecherche
– Éthique médicale
Cet ouvrage prête une attention toute particulière aux devoirs et Au cours des années, l’Association médicale mondiale a adopté
responsabilités des médecins qui, en effet, sont la substance même plusieurs prises de position sur les droits du médecin et la

caractéristiques
d’éthique et
de l’éthique médicale. Cependant, responsabilité des tiers, notamment des gouvernements, afin de
comme tous les êtres humains, les faire respecter ces droits:
médecins ont aussi des droits et

médicale
Manuel
“… comme tous les • La Déclaration sur la liberté de participer aux réunions
êtres humains, l’éthique médicale serait incomplète
médicales (1984) affirme que « rien ne doit faire obstacle à la

– Principales
les médecins ont si elle ne tenait pas compte de la
participation des médecins à des réunions de l’AMM ou autres

Manuel d’éthique
aussi des droits…” manière dont les autres, patients,
réunions médicales, quel que soit leur lieu ».
société ou collègues, doivent traiter

Manuel d’éthique médicale


les médecins. Cette perspective • La Déclaration sur l’indépendance et la liberté
semble aujourd’hui gagner de plus en professionnelle du médecin (1986) affirme que « les médecins
plus importance alors que dans beaucoup de pays les médecins doivent avoir la liberté professionnelle de soigner leurs patients
éprouvent de grandes insatisfactions dans l’exercice de leur en l’absence de toute ingérence » et que « les médecins doivent
profession, soit à cause des ressources limitées, d’une micro- avoir la liberté professionnelle de représenter et de défendre
gestion publique et / ou privée de la prestation des soins, des les besoins de santé de leurs patients contre tous ceux qui
rapports médiatiques à sensation relatant des erreurs médicales refuseraient ou limiteraient les soins nécessaires aux malades
et des comportements contraires à l’éthique, ou encore de mises ou aux blessés ».
en cause de leur autorité et compétence par les patients et autres • La Prise de position sur la responsabilité professionnelle
soignants. en matière de qualité des soins (1995) déclare que « le
jugement de la performance ou du comportement professionnel
L’éthique médicale a dans le passé considéré les droits des
du médecin doit tenir compte de l’avis des pairs dont la formation
médecins aussi bien que leurs responsabilités. Les anciens
et l’expérience permettent de comprendre la complexité
codes d’éthique comme la version 1847 du Code d’éthique de
des problèmes médicaux qui se posent ». Ce même texte
l’Association médicale américaine (AMA) comprenaient des articles
condamne « les procédures d’examen des réclamations ou
sur les obligations des patients et du public envers la profession. La
des indemnisations des patients qui ne sont pas fondées sur
plupart de ces conceptions sont aujourd’hui périmées, telle celle-ci
une juste évaluation par ses pairs des actes ou négligences du
par exemple: « l’obéissance du patient à la prescription du médecin
médecin ».
doit être prompte et implicite. Il ne doit jamais permettre que son
jugement grossier de son état de santé n’influence l’attention qu’il • La Déclaration concernant le soutien aux médecins qui
leur porte ». Cependant, d’autres, comme l’affirmation suivante, sont refusent toute participation ou caution à l’utilisation de
toujours d’actualité: « le public doit …avoir une juste appréciation la torture ou autre forme de traitement cruel, inhumain
des qualités médicales … [et] encourager et faciliter l’acquisition ou dégradant (1997) engage l’AMM à « soutenir et protéger,
des moyens nécessaires à l’enseignement des connaissances et invite ses associations membres à soutenir et protéger, les
116 117

médicale
– Conclusion
médecins qui refusent de participer à des actes inhumains offrent un plus grand potentiel de satisfactions, considérant les
ou qui oeuvrent en faveur du traitement et de la réhabilitation avantages que les médecins procurent – le soulagement de la

L’éthique
derecherche
des victimes et aussi en vue de garantir le droit de respecter douleur et de la souffrance, la guérison des maladies et l’aide aux

– Éthique médicale
les principes éthiques les plus élevés, notamment le secret mourants. Le respect de leurs obligations éthiques peut sembler un

et
professionnel ». petit prix à payer en comparaison de tous ces privilèges.

caractéristiques
d’éthique
• La Prise de position sur les directives éthiques pour
RESPONSABILITÉS ENVERS SOI-MÊME

médicale
Manuel
le recrutement international des médecins (2003) invite
chaque pays à « faire tout son possible pour retenir ses Les responsabilités éthiques des

– Principales
médecins dans la profession et dans le pays en leur apportant le médecins sont ici classées en fonction “Les médecins

Manuel d’éthique
soutien nécessaire pour atteindre leurs objectifs personnels et de leurs principaux bénéficiaires: les oublient souvent
professionnels, en tenant compte des besoins et des ressources qu’ils ont aussi des
patients, la société et les collègues (y

Manuel d’éthique médicale


responsabilités envers
du pays » et souligne que « les médecins qui, à titre permanent compris, les autres professionnels de eux-mêmes et leurs
ou temporaire, exercent leur profession dans un autre pays que santé). Les médecins oublient souvent familles.”
leur pays d’origine doivent être traités sur un pied d’égalité avec qu’ils ont aussi des responsabilités
les autres médecins du pays (par exemple assurer les mêmes envers eux-mêmes et leurs familles.
opportunités de carrière et les mêmes honoraires pour un travail Dans beaucoup de régions du monde, la profession exige du
identique) ». médecin qu’il se consacre à la pratique de la médecine en faisant
peu de cas de sa santé et de son bien-être. Les semaines de travail
S’il ne fait aucun doute, au regard des
“… il est important de 60 ou 80 heures ne sont pas rares et les vacances considérées
menaces et des défis précédemment
aussi de rappeler aux comme un luxe inutile. Alors que beaucoup de médecins semblent
décrits, qu’une défense de la profession médecins les privilèges
se satisfaire de ces conditions, même si cela peut avoir des effets
est nécessaire, il est important dont ils bénéficient.”
défavorables sur leurs familles, d’autres souffrent beaucoup de ce
aussi de rappeler aux médecins les
rythme d’activité dont les conséquences peuvent aller de la fatigue
privilèges dont ils bénéficient. Dans
chronique à l’abus de stupéfiants ou au suicide. Un médecin invalide
beaucoup de pays, les enquêtes publiques font constamment
est un danger pour les patients, et la fatigue, un facteur important
ressortir que les médecins font partie des groupes professionnels
d’incident.
qui jouissent de la plus haute considération et confiance. Ils
perçoivent généralement des rémunérations supérieures à la Le besoin d’assurer la sécurité du patient et de promouvoir un style
moyenne (bien supérieure dans beaucoup de pays). Ils ont toujours de vie sain pour les médecins a été considéré par certains pays, suite
une grande autonomie clinique, même si elle n’est pas aujourd’hui aux réductions du temps de travail et de la durée des services des
aussi grande qu’autrefois. Beaucoup s’aventurent dans l’exploration médecins et des stagiaires. Certaines institutions d’enseignement
passionnante de nouvelles connaissances en participant à la médical facilitent maintenant pour les femmes médecins l’interruption
recherche. Et surtout, ils fournissent des services d’une valeur des programmes de formation pour raisons de famille. Bien que des
inestimable aux patients, en particulier aux plus vulnérables et aux mesures comme celles-ci peuvent contribuer à la santé et au bien-
plus nécessiteux et à la société en général. Peu de professions être du médecin, la première responsabilité des soins personnels
118 119

médicale
– Conclusion
revient au médecin lui-même. Outre les risques de santé évidents Etant donné que l’avenir est imprévisible, l’éthique médicale doit
comme le tabagisme, l’abus de stupéfiants et le surmenage qu’ils être adaptable, ouverte aux changements, comme en fait elle l’a été

L’éthique
derecherche
doivent éviter, les médecins doivent veiller par ailleurs à protéger et jusqu’ici. Toutefois, il faut espérer que ses principes de base seront

– Éthique médicale
améliorer leur propre santé et bien-être en identifiant les facteurs maintenus, en particulier les valeurs de compassion, de compétence

et
de stress dans leur vie professionnelle et personnelle et en et d’autonomie, ainsi que l’attention pour les droits humains

caractéristiques
d’éthique
développant et appliquant des stratégies de solutions appropriées. fondamentaux et son attachement au professionnalisme. Quels que
Si celles-ci échouent, ils doivent rechercher l’aide de collègues et soient les changements que les progrès scientifiques ou facteurs

médicale
Manuel
de professionnels qualifiés pour traiter les problèmes personnels sociaux, politiques et économiques apporteront à la médecine, il y
susceptibles de porter préjudice aux patients, à la société ou aux aura toujours des personnes malades qu’il faudra, dans la mesure

– Principales
Manuel d’éthique
collègues. du possible, guérir et, toujours, soigner. Les médecins ont, d’une
manière traditionnelle, procuré ces services mais aussi contribué à
LE FUTUR DE LʼÉTHIQUE MÉDICALE d’autres domaines comme la promotion de la santé, la prévention

Manuel d’éthique médicale


des maladies et l’administration des systèmes de santé. Même si
Ce manuel a considéré également avec une attention particulière l’équilibre entre tous ces domaines d’activités devait être modifié, on
l’état actuel de l’éthique médicale, avec toutefois de nombreuses peut penser que les médecins continueront à jouer un rôle important
références au passé. Cependant, le présent est toujours fuyant et dans chacun d’entre eux. Etant donné que chaque domaine
il est nécessaire d’anticiper le futur si l’on ne veut pas rester en comporte de nombreux problèmes éthiques, les médecins devront
arrière. L’avenir de l’éthique médicale dépendra en grande partie se tenir informés des progrès de l’éthique médicale comme ils le
de l’avenir de la médecine. Pendant la première décennie du 21e font dans d’autres domaines de la médecine.
siècle, la médecine évolue à un rythme très rapide et, s’il est difficile
de prévoir ce que sera sa pratique lorsque les étudiants en première Ici prend fin le manuel, une fin qui ne saurait cependant être
année auront terminé leurs études, il est impossible d’anticiper les pour le lecteur qu’une simple étape de l’immersion dans l’éthique
autres changements qui pourraient avoir lieu avant qu’ils ne prennent médicale, toute sa vie durant. Répétons, pour conclure, les termes
la retraite. Le futur ne sera pas forcément meilleur que le présent, de l’introduction, à savoir que cet ouvrage ne constitue qu’une
vu l’instabilité politique et économique générale, la dégradation de introduction de base à l’éthique médicale et à ses questions les
l’environnement, la propagation continuelle du VIH/SIDA et autres plus fondamentales. Il cherche surtout à montrer la nécessité de
épidémies potentielles. Même si l’on est en droit d’espérer que poursuivre la réflexion sur la dimension éthique de la médecine
les avantages des progrès de la médecine s’étendront à tous les et, en particulier, sur la manière de traiter les problèmes éthiques
pays et que les problèmes éthiques qu’ils rencontreront seront rencontrés dans l’exercice de la profession.
identiques à ceux discutés aujourd’hui dans les pays riches, il est
aussi possible que l’inverse se produise – la situation de ces pays
riches peut se dégrader au point que les médecins aient à faire face
à des épidémies de maladies tropicales et à de graves pénuries de
fournitures médicales.
120 121

A
médicale
– Annexe
ANNEXE A – GLOSSAIRE Directive anticipée — une déclaration, en général écrite, qui indique
la manière dont une personne souhaite ou ne souhaite pas être traitée,

L’éthique
médicale
lorsqu’elle n’est plus capable de prendre des décisions la concernant (par
Administration des soins de santé (en anglais, « Managed Care ») — exemple, en cas d’inconscience ou de démence). Il s’agit là d’une forme

d’éthiquede
approche organisationnelle des soins de santé selon laquelle les de planification de soins par anticipation. Une autre forme consiste

caractéristiques
gouvernements, les entreprises ou les compagnies d’assurance décident à choisir une personne qui tiendra lieu en pareils cas de représentant
notamment des services à fournir, des fournisseurs (spécialistes, légal. Certains États disposent d’une législation sur les directives

Manuel d’éthique médicale – PrincipalesManuel


généralistes, infirmières, autres professionnels de santé) et des lieux de anticipées.
prestation (cliniques, hôpitaux, domicile du patient).
Hiérarchie — organisation de personnes selon différents niveaux
Bienfaisance — littéralement, le fait de faire le bien. Les médecins sont d’importance, du plus élevé au plus bas. L’adjectif hiérarchique est utilisé
supposés agir dans le meilleur intérêt de leurs patients. pour décrire un tel ordre. Le terme de hiérarchie désigne aussi la direction
Bioéthique / éthique biomédicale — deux termes équivalents pour signifier d’une organisation.
l’étude des questions morales relatives à la médecine, aux soins de santé Justice — juste traitement des individus et des groupes. Comme le souligne
et aux sciences biologiques. La bioéthique se divise principalement en le chapitre 3, il y a différentes manières de comprendre ce qui fait qu’un
quatre parties: l’éthique clinique, qui étudie les questions concernant les traitement est juste en matière de santé.
soins aux patients (cf. chapitre 2); l’éthique de la recherche, qui étudie
Maternité de substitution ou mère porteuse — une forme de grossesse
la protection des sujets humains dans le cadre des recherches sur les
selon laquelle une femme accepte de porter un enfant et de le remettre à la
soins de santé (cf. chapitre 5); l’éthique professionnelle, qui examine
naissance à une autre personne ou couple qui, la plupart du temps, a donné
les devoirs et responsabilités spécifiques exigés des médecins et autres
soit le sperme (insémination artificielle) soit l’embryon (fécondation in vitro
professionnels de soins de santé (l’éthique médicale est une forme
et transfert d’embryon).
d’éthique professionnelle); l’éthique des déclarations publiques, qui
traite la formulation et l’interprétation des lois et réglementations concernant Médecin — une personne qualifiée pour pratiquer la médecine. Dans
les questions bioéthiques. certains pays, on distingue les médecins et les chirurgiens, et le terme de
« docteur » est employé pour les désigner tous. Cependant, « docteur »
Consensus — accord général, mais pas forcément unanime. est utilisé par des membres d’autres professions de santé (comme les
Défendre (en anglais, « Advocate ») — parler en faveur de quelqu’un dentistes et les vétérinaires) aussi bien que par tous ceux qui ont obtenu un
ou prendre des mesures au nom d’une autre personne ou groupe. diplôme de doctorat ou tout autre grade « doctoral ». Le terme de « docteur
Défenseur — celui qui agit dans ce sens. Les médecins sont les défenseurs médical » est plus précis, mais n’est pas d’usage courant. L’AMM emploie
de leurs patients lorsqu’ils invitent les gouvernements ou représentants des le terme de « médecin » pour désigner tous ceux qui sont qualifiés pour
systèmes d’assurance à leur fournir des services dont ils ont besoin, mais exercer la médecine, sans tenir compte de leur spécialité, et ce manuel
qu’ils ne peuvent facilement se procurer tout seuls. fait de même.

Non malfaisance — littéralement, le fait de ne pas faire de mal. Les


Dénonciateur — celui qui informe une autorité ou le public qu’un individu
médecins et les investigateurs doivent éviter d’infliger des préjudices aux
ou une organisation perpétue des actes contraires à l’éthique ou illégaux.
patients et aux sujets de recherche.
[En anglais, l’expression « whistle blower » renvoie au monde du sport,
notamment au sifflet de l’arbitre ou du juge de chaise pour signaler une Plagiat — forme malhonnête de comportement selon lequel une personne
infraction au règlement]. copie le travail d’une autre, par exemple, une partie ou la totalité d’un
122 123

médicale
– Annexe B
article, et le présente comme si elle en était l’auteur (c’est-à-dire, sans en ANNEXE B – DOCUMENTATION RELATIVE À
indiquer la source). LʼÉTHIQUE MÉDICALE SUR LʼINTERNET

L’éthique
médicale
Pluraliste — qui est constitué d’approches ou d’éléments multiples ou
différents: l’opposé de singulier ou uniforme.

d’éthique de
Généralités

caractéristiques
Professer — déclarer publiquement une croyance ou une promesse. Le
La Brochure de l’Association médicale mondiale (www.wma.net/f/policy/
verbe constitue la base des termes « profession », « professionnel » et
handbook.htm) – présente tous les textes de déclaration de l’AMM dans

Manuel d’éthique médicale – PrincipalesManuel


« professionnalisme ».
leur intégralité.
Rationnel — fondé sur la capacité de raisonnement d’une personne, à
Le site de l’unité d’éthique de l’Association médicale mondiale (www.wma.
savoir sa capacité à considérer des arguments pour et contre une action
net/f/index.htm) – comporte les sections suivantes, actualisées tous les
particulière et à décider de la meilleure solution possible.
mois:
Responsable (en anglais, « accountable ») — qui doit rendre compte • la question du mois
quelque chose à quelqu’un (par exemple, les employés sont responsables
• les activités éthiques de l’AMM
envers leur employeur du travail qu’ils font). La responsabilité demande
d’être prêt à fournir une explication sur ce que quelqu’un a fait ou n’a pas • les déclarations éthiques de l’AMM, y compris les textes en cours
fait. d’élaboration et de révision
• la déclaration d’Helsinki, son histoire et son statut actuel
Soins palliatifs — prestation de soins destinée en particulier aux patients
supposés mourir dans un futur proche d’une maladie grave, incurable, • la documentation éthique de l’AMM
et centrée sur la qualité de la vie du patient, en particulier le contrôle de • les organisations d'éthique médicale, y compris leurs codes d’éthique
la douleur. Ils peuvent être dispensés par les hôpitaux, les institutions • les annonces de conférence
spécialisées pour les mourants (généralement appelés hospices) ou au • l'enseignement de l'éthique médicale
domicile du patient.
• l'éthique médicale et les droits humains
Valeur — quelque chose qui est considéré comme très important. • l'éthique et le professionnalisme médical
Vertu — bonne qualité d’une personne, notamment de caractère et de
comportement. Certaines vertus ont une importance particulière pour Conférence internationale des doyens et des facultés de médecine
certains groupes de personnes, par exemple, la compassion pour les d’expression française (CIDMEF), Charte de l’éthique des facultés
médecins, le courage pour les pompiers, la sincérité pour les témoins. de médecine – www.usherbrooke.ca/medecine/charte_pedagogie_
medicale.pdf

Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la


santé (CCNE), France – www.ccne-ethique.fr/

Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), France


– http://infodoc.inserm.fr/ethique/Ethique.nsf
124 125

médicale
– Annexe C
Questions concernant le début de vie ANNEXE C

de L’éthique
d’éthique médicalel
Le clonage humain – www.who.int/ethics/topics/cloning/en/
ASSOCIATION MÉDICALE MONDIALE
La procréation assistée – Résolution de l’Association médicale mondiale sur l’inclusion de

caractéristiques
www.who.int/reproductive-health/infertility/report_content.htm l’éthique médicale et des droits de l’homme dans le programme des
écoles de médecine du monde entier

Manuel d’éthique médicale – PrincipalesManuel


Questions concernant la fin de la vie Adoptée par la 51e Assemblée médicale mondiale, Tel Aviv (Israël),
Documentation – www.nih.gov/sigs/bioethics/endoflife.html Octobre 1999

La formation des médecins aux soins en fin de vie – 1. Considérant que l’éthique et les droits de l’homme font partie intégrante
www.ama-assn.org/ama/pub/category/2910.html du travail et de la culture de la profession médicale;
2. Considérant que l’éthique et les droits de l’homme font partie intégrante
Les soins palliatifs – www.hospicecare.com/Ethics/ethics.htm
de l’histoire, de la structure et des objectifs de l’Association médicale
Le débat sur l’euthanasie – www.euthanasia.com/ mondiale;
3. Il est par conséquent résolu que l’Association médicale mondiale invite
HIV/SIDA instamment les écoles de médecine du monde entier à inclure l’éthique
Documentation – www.wits.ac.za/bioethics/ médicale et les droits de l’homme dans le programme de leurs cours
obligatoires.
ONUSIDA – www.unaids.org/en/in+focus/hiv_aids_human_rights/
unaids+activities+hr.asp
FÉDÉRATION MONDIALE POUR L’ENSEIGNEMENT DE LA MÉDICINE
Normes mondiales sur l’amélioration de la qualité de l’enseignement
Relations avec les entreprises commerciales
de base de la médecine (www.sund.ku.dk/wfme/)
Documentation pédagogique – www.ama-assn.org/ama/pub/
category/5689.html Ces normes, que toutes les écoles de médecine sont supposées respecter,
contiennent les références éthiques suivantes:
Documentation – www.nofreelunch.org/
1.4 Objectif pédagogique
L’école de médecine doit définir les compétences (y compris la
Recherche sur les sujets humains
connaissance et le compréhension de l’éthique médicale) dont les
Directives et documentation – www.who.int/ethics/research/en/ – diplômés doivent justifier pour être à même de poursuivre leur formation
www.ftsr.ulaval.ca/ethiques/
et de remplir leur futur rôle de médecin.
École de santé publique de Harvard: questions éthiques relatives à la
4.4 Programme d’enseignement – l’éthique médicale
recherche médicale internationale – www.hsph.harvard.edu/bioethics/
L’école de médecine doit recenser et intégrer à son programme
d’enseignement de l’éthique médicale qui peut faciliter l’acquisition
des aptitudes nécessaires à la communication, à la prise de décisions
cliniques et au respect de l’éthique.
126 127

médicale
– Annexe D
4.5 Programme d’enseignement – formation en sciences cliniques ANNEXE D – RENFORCEMENT DE
LʼENSEIGNEMENT DE LʼÉTHIQUE MÉDICALE

L’éthique
Les aptitudes cliniques recouvrent l’interrogatoire et l’examen du

médicale
patient, les procédures et recherches cliniques, les gestes d’urgence DANS LES ÉCOLES DE MÉDECINE
et l’aptitude à la communication. La participation aux soins du patient

d’éthique de
suppose une expérience suffisante de la communauté et la capacité à

caractéristiques
Alors que certaines écoles de médecine n’enseignent que très peu l’éthique
travailler en équipe avec d’autres professionnels de santé.
médicale, d’autres offrent des programmes très élaborés. Néanmoins,
4.4 Recherche même ces programmes peuvent toujours être améliorés. Voici donc une

Manuel d’éthique médicale – PrincipalesManuel


L’interaction entre recherche et enseignement devrait être prise méthode que quiconque souhaitant renforcer l’enseignement de l’éthique
en compte dans le programme d’études et influer sur la teneur de médicale dans son institution, étudiant en médecine ou membre de faculté,
l’enseignement dispensé. Elle devrait aussi encourager et préparer peut utiliser.
les étudiants à s’impliquer dans les efforts de recherche et de
développement. 1. Se familiariser avec les structures décisionnelles de l’institution
• doyen
• comité des programmes
• conseil de faculté
• membres influents de la faculté

2. Rechercher le soutien des autres


• étudiants
• faculté
• administrateurs clés
• association médicale nationale
• organisme de réglementation médicale nationale

3. Présenter de solides arguments


• Résolution de l’AMM sur l’inclusion de l’éthique médicale et des
droits de l’homme dans le programme des écoles de médecine du
monde entier
• Normes mondiales de la FMEM sur l’amélioration de la qualité de
l’enseignement de base de la médecine
• CIDMEF Charte de l’éthique des facultés de médecine
• Exemples des autres écoles de médecine
• Exigences de l'éthique de la recherche
• Objections anticipées (par exemple, programmes surchargés)
128 129

médicale
– Annexe E
4. Contribuer ANNEXE E – AUTRES ETUDES DE CAS

L’éthique
• faire des suggestions sur la structure, le contenu, les ressources

médicale
des étudiants et de la faculté (cf. la documentation relative à
l’enseignement de l’éthique médicale sur le site Internet de l’Unité CONSEILS CONTRACEPTIFS

d’éthique de
À UNE ADOLESCENTE

caractéristiques
d’éthique de l’AMM www.wma.net/f/ethicsunit/education.htm)
• établir des liens avec les autres programmes d’éthique, l’AMM
Sara a 15 ans. Elle habite dans une ville où
etc.

Manuel d’éthique médicale – PrincipalesManuel


les agressions sexuelles sont de plus fréquentes.
5. Assurer la continuité Elle vient dans votre clinique pour vous demander de lui
• recommander la mise en place d'un comité permanent d’éthique prescrire des contraceptifs oraux pour la protéger des
médicale risques de grossesse au cas où elle serait victime d une
• recruter des étudiants plus jeunes agression sexuelle. Une grossesse mettrait un terme à
• recruter un nombre supplémentaire d’enseignants sa scolarité et rendrait la recherche d un mari difficile.
Sara vous dit qu elle ne veut pas que ses parents sachent
• engager de nouveaux enseignants et administrateurs clés
qu elle utilise des contraceptifs parce qu ils vont penser
qu elle a l intention d avoir des relations sexuelles avec un
petit ami. Vous doutez des motifs invoqués par Sara mais
vous admirez sa détermination d éviter la grossesse. Vous
lui conseillez de venir à la clinique avec ses parents pour
discuter du problème avec vous. Trois jours plus tard, elle
revient seule et vous dit qu elle a essayé de parler à ses
parents mais qu ils ont refusé de discuter.
Maintenant, que faites-vous?
130 131

médicale
– Appendix E
ENFANT PRÉMATURÉ

de L’éthique
INFECTION PAR LE VIH
∗ ∗

d’éthique médicalel
Max est né à la 23e semaine de gestation. Monsieur S. est marié et père de deux enfants
Il est sous oxygène parce que l état de développement scolarisés. Il est traité dans votre clinique pour une

caractéristiques
de ses poumons n est pas complet. De plus, il souffre forme rare de pneumonie qui est souvent associée au
d hémorragies cérébrales parce que le tissu de ses SIDA. Les résultats de l examen sanguin montrent qu il est
vaisseaux manque encore de solidité. Il est improbable positif au VIH. Monsieur S. dit vouloir décider par

Manuel
qu il survive les cinq prochaines semaines. S il devait lui-même d informer ou pas sa femme de l infection et au

Manuel d’éthique médicale – Principales


demeurer en vie, il serait certainement gravement moment qu il juge approprié. Vous lui dites qu il pourrait
handicapé mentalement et physiquement. L état de sauver la vie de sa femme en se protégeant de l infection.
Max s aggrave alors qu il développe une infection De plus, il serait important pour elle de faire un test du
grave de l intestin. Il serait possible d extraire la partie VIH. En cas de résultat positif, elle pourrait alors prendre
enflammée par une opération, ce qui préserverait le peu des médicaments pour ralentir la propagation de la
de chances de survie. Ses parents refusent de donner maladie et ainsi prolonger sa vie. Six semaines plus tard,
leur consentement parce qu ils veulent éviter à Max les Monsieur S. retourne à votre clinique pour un examen
souffrances de l opération et estiment que sa qualité de de contrôle. En réponse à votre question, il vous dit
vie ne sera jamais satisfaisante. Vous pensez, qu il n en a pas encore parlé à sa femme. Il ne veut pas
comme le médecin traitant, qu il faudrait une opération, et qu elle soit au courant de ses relations homosexuelles
vous vous demandez comment faire face et craint qu elle rompe leur relation et que leur famille
au refus des parents. soit détruite. Mais pour la protéger, il n a eu avec elle
que des « rapports sexuels sans risque ». Comme le
médecin traitant, vous vous demandez si vous devriez
informer Madame S. de cette infection par le VIH contre
le gré de son mari, pour qu elle puisse, en cas de besoin,
commencer un traitement.

*
Suggérés par le Dr. Gerald Neitzke et Mme Mareike Moeller, école Supérieure
de Médecine, Hanovre (Allemagne)
132 133

– Annexe
L’éthique E
médicale
TRAITEMENT D UN PRISONNIER DÉCISION CONCERNANT LA FIN DE LA VIE

médicale
Dans le cadre de vos obligations professionnelles, vous Une vieille dame de 80 ans a été transférée d une

d’éthiquede
allez toutes les deux semaines passer un jour à voir les clinique à votre hôpital pour un traitement de pneumonie.

caractéristiques
détenus d une prison située à proximité. Hier, vous avez La femme est frêle et présente de légers signes de
traité un prisonnier dont le visage et le torse présentaient démence. Vous réussissez à traiter la pneumonie, mais

Manuel d’éthique médicale – PrincipalesManuel


de multiples éraflures. Quand vous lui avez demandé juste avant de sortir de l hôpital pour retourner à la
quelle était la cause de ces blessures, il vous a répondu clinique, elle est frappée d apoplexie, ce qui la laisse
qu il avait été agressé par des membres du personnel paralysée du côté droit et incapable de s alimenter. Un
pénitentiaire lors d un interrogatoire alors qu il refusait tubage est mis en place, mais semble lui causer des
de répondre à leurs questions. Bien que ce cas soit désagréments et après qu elle eut essayé plusieurs fois
pour vous une première expérience, vous avez entendu de l arracher avec son bras gauche, une bride a été fixée
parler de situations semblables par vos collègues. Vous à son bras. Elle est par ailleurs incapable d exprimer ses
êtes convaincus que vous devez faire quelque chose, souhaits. La recherche de ses enfants ou autres parents
mais le patient ne vous permet pas de divulguer les pouvant aider à une prise de décision concernant le
renseignements le concernant par crainte de représailles traitement est restée vaine. Au bout de quelques jours,
de la part des autorités pénitentiaires. De plus, vous vous concluez qu il est improbable que son état s améliore
n êtes pas certain que le prisonnier ait dit la vérité. Le et que la seule façon de soulager sa souffrance est de la
gardien qui vous a accompagné jusqu à lui vous a dit mettre sous sédation ou de retirer le tube d alimentation
qu il s était battu avec un autre prisonnier. Vous avez de pour la laisser mourir. Que devez-vous faire?
bonnes relations avec le personnel pénitentiaire et vous
ne voulez pas lui porter préjudice par des accusations
non prouvées de mauvais traitements à des prisonniers.
Que devez-vous faire?
134 135

médicale
d’éthique médicale
COLLECTE D’ÉTUDES DE CAS

de L’éthique
Études de cas de consentement éclairé par la Chaire de bioéthique de
l’UNESCO – http://research.haifa.ac.il/~medlaw/

Manuel
Manuel d’éthique médicale – Principales caractéristiques
Études de cas du Réseau d’éthique clinique (Royaume Uni) – www.ethics-
network.org.uk/Cases/archive.htm

Questions éthiques relatives à la recherche médicale internationale par


l’École de santé publique de Harvard – www.hsph.harvard.edu/bioethics/

Manuel de principes éthiques et de droits humains pour les professionnels


de santé (Commonwealth Medical Trust Training, 3e partie, Études de cas) –
www.commat.org/

Une femme d’un


certain âge chez le médecin
© Peter M. Fisher/CORBIS
136

L’Association Médicale Mondiale (AMM) est le porte


parole mondial des médecins, indépendamment de leur
spécialisation, de leur zone géographique ou de leur type
d’exercice. La mission de l’AMM est de servir l’humanité
en essayant d’atteindre les plus hautes normes médicales
possibles dans le domaine des soins, de l’éthique, de la
science, de l’enseignement, des droits de l’homme en matière
de santé.
L’unité d’Ethique de l’AMM a été créée en 2003 afin de
coordonner la mise en place et le suivi de politiques et
d’étendre les activités éthiques de l’AMM aux trois sphères
suivantes: liaison avec d’autres entités internationales
impliquées dans le domaine de l’éthique; relations extérieures
par le biais de conférences et site Internet AMM. En outre,
l’unité d’Ethique met au point des supports pédagogiques à
l’image de ce manuel.

Association Médicale Mondiale


B.P. 63, 01212 Ferney-Voltaire Cedex, France
Courriel : wma@wma.net fax (+33) 450 40 59 37
Site Internet : www.wma.net

ISBN 92 990028 2 7

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