PUBLICATIONS DE LA FACULTE DES LETTRES
DE L’UNIVERSITE DE STRASBOURG
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Pierre MONTET
DOCTEUR ES-LETTRES
CHARGE DE COURS A LA FACULTE DES LETTRES DE STRASBOURG
LES
_ SCENES DE LA VIE PRIVEE
DANS LES TOMBEAUX H@YPTIENS
DE DANCIEN EMPIRE
f EN DEPOT:
LIBRAIRIE ISTRA, Mason p'Eprriow
STRASBOURG, I5, rue des Juifs — Parts, 57, rue de Richelieu
GREAT BRITAIN, BRITISH EMPIRE, UNITED STATES
Huwpaesy Mo.rorp: Oxrorp University Pass
1925
Prix: 100 frs.Publications de la Faculté des Lettres
de l'Université de Sees:
La Faculté des Lettres de
les soins dune Commission
nombre de s¢s membres:
1° Un Bulletin men
mois scolaire, de Nc lestiné & compléter
Venseignement oral des professeurs, 4 resserrer les liens
entre les trois ordres d’enseignement, a faciliter les
recherches des travailleurs d’Alsace et de Lorraine, &
établir un nouveau contact entre l'Université et le public.
2° Une Bibliographie Alsacienne analysant l'ensemble des
travaux d’ordre historique, littéraire, économique et social,
qui concernent I’Alsace et ont paru au cours de l'année
précédente.
3° Une Bibliothdgwe d'études dans laquelle se trouvent
représentés tous les différents enseignements de la Faculté
et A laquelle sont appelés a collaborer les professeurs, les
étudiants et Jes savants ‘d’Alsace et de Lorraine.
De méme format (in-8° raisin), numérotés par fascicules, les
volumes de la Bibliothéque se succtdent sans aucune périodicité;
ils different d’étendue et de prix; chacun d'eux, formant un tout
complet, est mis en vente séparément.
Les trois Séries sont complétement indépendantes Trane de
autre. Néanmoins il est possible de souscrire d’avance soit a
Yensemble de la collection, soit a l'une des séries, soit A une
catégorie de fascicules de la Bibliotheque dont la détermination est
laissée au souscripteur. Les souscriptions a l'ensemble des publi-
cations de la Bibliothtque bénéficient d'une réduction de 20e/ en
France (15% a I'étranger) sur le prix de chacun des volumes
et les souscriptions partielles, d'une réduction de 15°%o en France
(10% a létranger).
Pour bénéficier de ces réductions, les souscriptions doivent
étre adressées directement @ la Commission des Publications, qui
assurera envoi des volumes au fur et-A mesure de leur publication.
Le réglement des souscriptions peut se faire par un mandat-
poste ou, plus commodément, par un cheque postal a adresse:
Commission des Publications de.la Faculté des Lettres,
Strasbourg, 3670.
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LES
SCENES DE LA VIE PRIVEE
DANS LES TOMBEAUX EGYPTIENS
DE L’ANCIEN EMPIRE.Cet ouvrage est sorté des presses
de PIMPRIMERIE ALSACIENNE
a STRASBOURG, fe 15. jan. 1925,
Ht a dé tiré & 1000 exemplaires,
. : Droits de traduction et de reproduction
‘reserves pour tous pays,PUBLICATIONS DE LA FACU
DE L’UNIVERSITE DE STRASBO
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Pierre MONTET
DOCTEUR ES-LETTRES
CHARGE DE COURS A LA FACULTE DES LETTRES DE STRASBOURG
LES
SCENES DE LA VIE PRIVEE
DANS LES TOMBEAUX HGYPTIENS
DE TPANCIEN EMPIRE
EN DEPOT:
LIBRAIRIE ISTRA, Matson p'Eprriow
SrraspourG, 15, rue des Juifs — Paris, 57, rue de Richelieu
GREAT BRITAIN, BRITISH EMPIRE, UNITED STATES
Homesaey Mu.rorp: Oxrorp Untvmrstty Press
1925726316
A mon maitre et ami
Victor Loret.Introduction.
On doit aux écrivains classiques d'intéressants détails sur la
vie privée des Egyptiens. Pour les compléter et les contrOler, nous
disposons d’une vaste littérature en langue é¢gyptienne, romans,
poemes, textes religieux, traités techniques, inscriptions biographiques,
annales officielles et des innombrables objets trouvés dans les
tombes. Mais il y a une source d'informations meilleure encore.
Ce sont les peintures et les bas-reliefs qui décorent les tombeaux
des particuliers, depuis le temps de Snefrou, premier roi de la
IVe dynastie, jusqu’a l’époque ptolémaique. La quantité de documents
est si considérable qu'on ne peut songer A les étudier de front, non
seulement parce que dans cet intervalle de 3000 ans, les mceurs, les
usages, les. procédés ont plus changé qu’on ne le croit communé-
ment, mais surtout parce que les artistes du Moyen Empire ne
concevaient déja plus la décoration d'un tombeau comme leurs pré-
décesseurs. Au contraire, les scenes représentées dans les mastabas
et les hypogées de l'Ancien Empire, d'un bout a l'autre de cette
premiere période classique de l’ancienne Egypte qui dure cing siécles
environ, forment un répertoire trés homogéne. Constitué presque
sans tatonnements du premier coup, il fut enrichi avec prudence
par des artistes trés attachés 4 leurs traditions.
C'est A ce répertoire que sera exclusivement consacré le présent
travail. Je n’ai pas eu la pensée d’écrire un traité complet sur les
tombes égyptiennes de l’Ancien Empire. Leurs caractéres généraux
ont été mieux définis par Mariette qui a exploré avec tant de per-
sévérance et de bonheur le plateau de Saqqarah, qu’on ne peut le
faire aujourd'hui'). Comme rien ne peut protéger contre le sable
Timmense nécropole, les tombes assez peu nombreuses qui ont été
aménagées pour recevoir des visiteurs, n‘offrent d'abord que les
1) Manmerre, Les Mastabas de PAncien Empire, Paris, 1889, pp. 27-57-VOL PIERRE MONTET
petites cages vitrées si laides, groupées-sur le toit de planches
comme jes maisons d'un village, qui en éclairent l'intérieur. On
descend un escalier ott la vue est trés étroitement bornée par des
murs de pierre séche et I'on se trouve dans la premiére salle du
mastaba sans avoir pu examiner comment il est construit ').
Si Hérodote avait visité un mastaba, il n’aurait pas manqué
de redire que les Egyptiens avaient des usages bien différents de
ceux des autres hommes, car nulle part il n’y a de tombe aussi peu
funébre. On n’y voit aucun de ces génies de T’autre monde qui
peupleront les hypogées de la Vallée des Rois et qu'on dirait in-
ventés pour illustrer I’Apocalypse, mais seulement des hommes,
des femmes, des enfants, des animaux qui vont & leurs affaires ou
s'amusent de tout leur cocur. Qu’on examine au Musée du Caire,
parmi les fragments qui previennent des mastabas, le bas-relief
qu’on pourrait intituler, comme une fable: L'enfant, le singe et son
gardien. Un enfant passe A cOté d'une corbeille a fruits. Il se croit
seul et va satisfaire sa gourmandise, mais le singe de la maison,
prompt comme la pensée, a saisi par la jambe le jeune voleur
avant qu'il ait touché au raisin convoité, L'enfant se retourne en
criant; sa main demeure en lair et il doit subir les sarcasmes du
gardien qui s'est fait, en cédant la corde par laquelle l’animal était
attaché, le complice de ce vilain tour. Les épisodes de ce genre
ne sont pas rares. C'est A croire qu’on a voulu oter au visiteur
Tidée qu'il est dans une tombe.
Un autre moyen trés employé par eux pour donner I'illusion de
la vie, a été de multiplier les scenes qui dans la réalité se passaient
a des moments aussi rapprochés que possible. Au tombeau de Ti
qui fut découvert par Mariette A Saqqarah et qui mérite toujours
de passer pour le plus beau de tout I'Ancien Empire, un panneau
couvrant la moitié d’une paroi a été consacré A la moisson et A la
rentrée des récoltes. Trois équipes de moissonneurs sont répandues
a travers champs. Les épis sont liés en gerbes et les gerbes mises
en tas. Des Anes et leurs conducteurs viennent au grand trot pour
enlever la récolte. Tirée par la patte et les oreilles, poussée par
derriere, chaque béte est amenée contre le sac de gerbes qu'on saura
faire basculer sur son dos. Puis le troupeau reprend la direction
1) Le Service des Antiquités 2 récemment fait déblayer les faces est et
sud du Mastaba de Kagemni. Cf. Lacav, Les frangux du Service des Antiguités
de PEigypte pendant Uhiver 1920-1921, C-R. Acad. des Inscriptions, 1921, p. 312.INTRODUCTION IX
du village. Un anon gambade par devant sa mére. Tout allait bien
lorsque la charge du second ane se met a glisser. Une grappe
d@aniers se pend aprés le pauvre animal. L’un emprisonne sa téte
sous son bras, le second saisit la queue, pendant que les autres re-
mettent les gerbes en équilibre. Enfin on atteint les aires. On délie
les sacs et, en grande hate, les meules s'élevent; mais bientot on
les défait. Les épis sont étalés sur Vaire et piétinés par des boeufs
et par des Anes. Des hommes armés de fourches séparent la paille
d'avec les grains et édifient, en y mettant tous leurs soins, des.
meules qu’ils orneront et consolideront en y enfongant des tiges de
papyrus, Avec des balayettes, des écopes et des cribles les femmes
nettoient le grain et déji l'on commence, pour les besoins de la
ferme, A entamer les meules. Les épisodes ont été si bien choisis
que le spectateur peut imaginer sans peine ce qui se passait dans
Tintervalle de deux sctnes. A cété de l'histoire des céréales on
trouvera l'histoire du pain, de la biére et du vin, la chasse, la péche,
les métiers, les divertissements. C'est donc une véritable encyclo-
pédie de Egypte au temps des Pyramides.
Dans la mesure du possible, les scénes qui forment une action
unique ou celles qui se passent dans le méme lieu sont groupées
sur un seul panneau. On I’a divisé en registres sur lesquels se dé-
veloppent les frises de personnages, en ménageant, soit a droite,
soit & gauche, ce qu'il fallait de place pour représenter le maitre du
tombeau, cing ou six fois plus grand que le commun des hommes,
entouré de sa femme, de ses enfants et de ses serviteurs préférés.
Dans la légende qui l’encadre, on définit les travaux qui se déroulent
sous ses yeux ou auxquels il prend part, pour terminer par I’énoncé
complet jusqu’A la satiété, de ses titres et qualités. L'idéal eft été
de n’avoir qu’un sujet par tableau. Le maitre, quand il était « vivant
et sur ses pieds», n’occupait en personne qu'un endroit 4 la fois.
C’était déja hardi de le montrer inspectant d'un seul coup d'ceil la
moisson, la rentrée des récoltes et le dépiquage. On en était venu
1A parce qu’on tenait par dessus tout A garder au défunt ses dimen-
sions colossales, La hardiesse était double lorsqu’une seule image
du défunt se dressait en face de populations vivant dans les maré-
cages, de vignerons et de chasseurs lancés dans le désert 4 la pour-
suite des antilopes. Il avait bien fallu se résigner & cette invrai-
semblance lorsque la tombe était petite et que le décorateur disposait
de beaucoup moins de parois qu'il n’avait de sujets a traiter.