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Littératures européennes
Les fondements de l’édifice littéraire européen
1.1. Introduction.
Il faut tout d’abord différencier la fondation de la tradition. La première est une réalité
vivante, appartenant au monde savant ; la seconde produit des effets de vivacité créatrice.
Au point de vue littéraire, la Bible est une véritable bibliothèque dont le contenu
change en fonction de la religion que l’on pratique. Ainsi, les juifs ne reconnaissent que
l’Ancien Testament ; les chrétiens, l’ancien et le nouveau testament datant du Concile de
Trente ; les protestants, les testaments réformés.
Les différentes religions donnent un statut différent à la Bible. Elle prend une
dimension sacrée pour les juifs, ce qui signifie qu’elle ne peut être traduite. A l’inverse, il
s’agit d’un livre saint pour les chrétiens et il doit être traduit, puisqu’il s’adresse à tout le
monde. Notons que les musulmans considèrent la Bible comme le deuxième livre saint après le
Coran.
Nous comprenons donc pourquoi les traditions juives et chrétiennes sont interprétées
et lues différemment. Il y a réellement continuité et rupture entre le christianisme et le
judaïsme.
Le Christ, les apôtres, Marie, et tous les premiers chrétiens étaient juifs. Il faut
attendre l’opposition entre Pierre et Paul pour qu’il y ait scission.
Quand on considère les textes, ceux établis par les chrétiens n’ont pas de valeur sacrée
alors que les juifs pensent que toutes les vérités sont contenues dans leur Bible. Ces
différences de perception ont des conséquences dans le monde savant, le monde religieux et
dans les mœurs.
1.2. La Bible.
Établissons d’abord une chronologie, laquelle est la ligne de fuite de toute perception
intellectuelle.
La Bible a été écrite en quelques siècles. C’est pourquoi on retrouve des conceptions
et des formulations différentes : elle est rédigée du 10°s. av. n.è. au 1°s. ap. J.-C. dans des
lieux et dans des langues différents. L’ancien testament, celui des juifs, a été écrit en hébreux et
le nouveau testament était rédigé en grec.
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1.2.1. L’ancien testament.
L’ancien testament est divisé en trois parties : la Thora (loi), les Prophètes et les
Écrits.
1.2.1.1. La Thora.
La Thora, partie fondatrice de la Bible, est elle-même divisée en cinq livres : la Genèse,
l’Exode, le Lévitique, les Nombres et les Deutéronome.
C’est avant tout un texte juridique, se situant dans une histoire allant de la Genèse à la
mort de Moïse. Le Lévitique est bourré de lois nous informant sur le droit administratif et
canonique. Mais le récit de l’exode a, quant à lui, des allures de vraie chronique.
La foi et l’obéissance d’Abraham ont fait de lui le père des croyants. Il est chargé de
trouver la Terre Promise, accepte que sa femme de 90 ans ait un enfant que Dieu lui
demandera de sacrifier à l’âge de 12 ans2. Toute cette précision au niveau des dates fait que
son histoire peut être qualifiée de chronique légendaire.
Adam et Eve sont un mythe : ils n’existent qu’en ayant le statut de premier homme et
de première femme. Ce sont des héros mythique, au même titre que ceux de l’antiquité
grecque.
1 Récit mettant en scène des situations qui touchent l’origine absolue d’un être, d’un fait ou d’une norme
(comme la création du monde).
2 Isaac ne sera finalement pas sacrifié sur l’autel, puisqu’un ange a arrêté le geste de son père. Cette expérience
Cette partie de l’Ancien Testament est très caractéristique des récits juifs. C’est un
genre à part entière, absolument déterminant de l’entité juive.
Un prophète est un homme à travers lequel Dieu parle. Sa parole ne lui appartient pas,
il prête sa voix. Les prophètes disent l’esprit et la finalité de la loi de Moïse. Ils ont une
charge d’explication.
Les trois grands prophètes sont Isaï, Jérémie et Ezéchiel. En dessous d’eux se trouvent
douze petits prophètes.
Cette partie comporte des chroniques, des poèmes, des récits utilisant des genres
variés allant du conte au roman. La prose, la poésie, le récit, la narration,… sont très
différents.
Le Nouveau Testament est un facteur de sainteté et ne contient que peu de sacré. Il est
composé de quatre évangiles (selon Marc, Mathieu, Luc et Jean), des Épîtres de St Paul (50
ap. J.-C., les Épîtres des autres apôtres sont postérieurs), et de l’Apocalypse. Son écriture
s’achève en 70 ap. J.-C. et son ensemble ne représente qu’un dixième de l’Ancien Testament.
Les trois premiers évangiles sont synoptiques : ils racontent à peu près les mêmes
épisodes. L’évangile selon St Jean est différent au point de vue théologique. Il raconte surtout
les grands événements de la vie du Christ.
Le juif doit être juste pour être sauvé, et donc se conformer aux lois. Pour être sauvé,
le chrétien doit être saint et donc avoir la foi.
Ces traditions juive et chrétienne ont encore une grande influence sur nos vies
actuelles. Elles sont à la base de nos cultures. Nos convictions sur la liberté de l’homme
viennent du judéo-christianisme - “L’homme a été créé à l’image de Dieu”.
Le sens de la Bible est le dialogue établit entre Dieu et le peuple élu. Tout être humain,
quel qu’il soit, est personnellement en dialogue de salut avec Dieu.
Pour les chrétiens, l’humanité tout entière est élue, et il n’existe pas de langue sacrée.
La Bible doit être traduite3 puisqu’elle doit s’adresser à chacun dans sa langue maternelle. Ce
n’est pas le vecteur du message, mais bien la finalité de celui-ci qui est décisive.
La Bible est traduite pour la première fois bien avant l’ère chrétienne : au 3°s av. n.è.
Cette commande fut établie par le pharaon Ptolémée qui voulait connaître la loi des juifs et
que la communauté juive hellénisée ne comprenait plus l’hébreu. Des juifs vont donc traduire
la Bible en grec.
Alexandrie possède à l’époque une gigantesque bibliothèque (qui sera détruite par les
flammes) et abrite également une école supérieure de philosophie produisant une élite.
Après la constitution apostolique, les chrétiens ont besoin d’avoir une version latine4
de la Bible. Cette traduction se fait dès le 1°s. ap. JC., mais on n’a jamais retrouvé l’intégralité
de cette première version, même si de très grands fragments nous sont parvenus.
La “vieille latine” n’est pas intégrale mais a circulé largement auprès des Pères de l’Eglise.
A la fin du 4°s. ap. JC., le christianisme a une place très importante dans l’empire
romain ; place qu’il a pu se faire grâce à l’édit de tolérance de Constantin et de l’oeuvre
d’Auguste qui l’utilisa pour cimenter son peuple. Le christianisme se développe en orient et
en occident.
Aux 15° et 16°s. ap. JC., les réformes en Europe occidentale font remarquer les erreurs
et les manques de la Vulgate. C’est l’oeuvre de tous les humanistes, notamment d’Erasme.
Le concile de Trente accepte la Vulgate réformée. Cette version est toujours actuelle. A
partir de la Réforme, la Bible sera traduite en français, allemand, anglais,…
Mais le christianisme ne se limite pas aux traditions de la Bible. Il faut aussi envisager
les apologistes et les Pères de l’Eglise.
Les Pères de l’Eglise étaient des intellectuels chrétiens convaincus, décidés à plaider la
cause du christianisme pour le défendre et montrer l’ampleur de tout ses aspects. Ils
établissent et construisent un contenu intelligible pour tous et reprennent tout le message du
Christ.
Les apologistes ont établit une défense argumentée et une éloge illustrée du
christianisme pour se justifier d’être chrétien.
Les plus importants et les plus nombreux Pères Fondateurs et apologistes étaient grec.
Cela peut s’expliquer simplement par le fait que la culture grecque était mieux adaptée pour
recevoir une tradition philosophique.
Justin commence à écrire juste après la période de l’écriture des évangiles. Dans
“Apologie”, il affirment que les chrétiens ne sont pas des criminels et ne constituent pas une
secte. Ils sont raisonnables, bons citoyens, remplissent leurs devoirs. La morale chrétienne ne
va pas à l’encontre de la morale de l’empire. La finalité de la chrétienté est en fait proche de
celle des philosophes.
Irénée de Lyon est un apologiste grec d’orient, né en Grèce d’Asie et qui deviendra
évêque de Lyon6. Il est ce que l’on peut appeler un apologiste d’orthodoxie, puisque son but
est de guider les fidèles vers le droit chemin, vers la juste pratique.
Il établit une argumentation contre toutes les sectes qui pullulaient aux 2° et 3°s. ap.
JC. dans son livre “Contre les hérésies”. En effet, de nombreuses sectes se réclamaient du
Christ, mais leur philosophie comprenait des aberrations énormes, obtenues en mélangeant la
spiritualité, la psychologie et l’érotisme.
Il les attaque à propos de la vision qu’elles ont sur la Trinité et la réincarnation, ainsi
que sur la psychologie et leur manie de l’érotisme. Il établit une réelle clarification permettant
de se garder des excès.
On situe les Pères de l’Eglise entre le 4°s et le 8°s. ap. JC. En effet, le 4°s. est le grand
siècle, puisqu’il est celui de l’édit de tolérance. A partir de là, les chrétiens vont commencer à
être admirés et on va pouvoir faire la théorisation de l’Eglise.
Les Pères grecs sont du 4°s. ap. JC et étaient trois amis. Ils sont originaires de
Capadoce et ont fréquenté l’école philosophique d’Athènes. On peut dire que Grégoire de
Nazianze (l’aîné), Grégoire de Nysse (le cadet) et Basile de Césarée8 (l’ami de l’aîné) sont les
fondateurs du mouvement patristique dans le monde grec.
6 A cette époque, Lyon était la porte d’ouverture de la Provence et de la Méditerranée vers le nord.
7 Le néoplatonicien tente d’examiner le platonisme à la lumière des spéculations à la mode de l’époque. Il
cherche à tout connaître, veut aller jusqu’au bout des choses.
8 Notons que Basile est un des fondateurs du monachisme.
Notons que ces deux dogmes ont toujours été des sources de conflit et de remise en
question. Il suffit de regarder la Réforme calviniste, iconoclaste, pour s’en convaincre.
N’oublions pas non plus que les différents protestantismes refusent le dogme relatif à la
virginité de la Vierge.
Tertulien était un avocat romain ayant donc fait des études de rhétorique. Il plaide
pour la défense des chrétiens : ce sont des bons citoyens, bons serviteurs de l’Etat, mais ne
peuvent rendre de culte à l’empereur parce que c’est un être mortel.
Auguste d’Ipone est un berbère romain. Sa mère est chrétienne, son père païen. Il fait
des études et comme il est doué et que ses parents n’avaient pas beaucoup d’argent, il devient
boursier. Il se rend en Italie pour commencer des études de rhéteur.
Il a à son actif deux livres majeurs : “La cité de Dieu” et “Confessions”, dans lequel il
raconte qu’il a pris conscience de la puissance du mal à 12 ans. Il s’attache alors au
manichéisme, une religion dualiste très répandue à l’époque.
Les manichéens pensaient que tout, absolument tout, était régit conjointement par les
deux dieux. Durant son adolescence, Auguste se rattache à cette “secte”, mais à la fin de son
adolescence, il estime que le dualisme est psychologiquement insoutenable. Dieu doit être
unique.
C’est pour cette raison qu’il se tourne vers le néoplatonisme et qu’il se tournera plus
tard vers le christianisme, pour les mêmes raisons que Clément d’Alexandrie.
Dans “Mises au point”, il retraite ce qu’il avait déjà dit. Il parle toujours de choses qui
touchent la morale et la théologie.
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Augustin sera la référence en matière de théologie, et ce jusqu’au 18°s.
Il faut remarquer que les latins n’ont rien établi sur le plan de la doctrine chrétienne. Ils
ont traduit, inventé plus tard que les grecs, retrouvé des choses qu’ils avaient oubliées.
La rupture entre ces deux Églises est effective au 13°s. ap. JC. et les réformes se
succéderont du 14° au 16°s.
La place de la littérature religieuse des juifs et des chrétiens est réelle. Les thématiques,
les problématiques philosophiques ou existentielles de la Bible seront dans la littérature
occidentale l’objet de très nombreuses révisions. La continuité n’est pas assurée, mais la
créativité est régulièrement stimulée pour recréer ce que l’on a perdu.
Les héritages grec et latin relèvent des fondations du patrimoine littéraire européen,
par rapport à d’autres héritages bien existants qui en seraient plutôt les remblais.
Mais ces héritages auraient pu ne pas s’imposer : d’autres littératures anciennes ont
fait “naufrage”. Cela est d’autant plus vrai que la Grèce n’était pas unifiée politiquement et
que le latin n’était qu’un dialecte parlé dans le Latium, mais entouré de bien d’autres dialectes.
La Grèce a été sauvée par Rome ; Rome a été sauvée par le christianisme ; et l’Europe
était née.
9 Il faut prendre ce terme dans son premier sens : conforme aux origines premières.
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2.1. L’héritage grec.
Les Grecs ont inventé tous les genres littéraires. La littérature grecque a même reconnu
une valeur littéraire à la diversité de ses dialectes : chaque style littéraire a sa langue.
L’Iliade et l’Odyssée ont toutes les deux été écrites en 24 chants par un certain
Homère. Ces deux aventures parlent des mêmes personnages ayant un rapport avec la guerre
de Troie et les textes sont linguistiquement et stylistiquement très proches.
Cependant, on y découvre des contradictions internes et les sujets des deux livres sont
très différents (l’Iliade parle d’un combat alors que l’Odyssée parle du retour d’Ulysse dans
son pays). De plus, les valeurs humaines, héroïques, religieuses et sociales sont très
différentes.
Il est probable que l’Iliade et l’Odyssée forment une anthologie. C’est une
rationalisation littéraire de dépôts légendaires cousus entre eux et organisés par un rhapsode
que la tradition a appelé Homère.
On retrouve souvent dans les textes que Homère était atteint de cécité. Or, cet attribut
était donné à des personnes ayant un statut spécifique comme les prêtres, les poètes, les
philosophes,... tous capables de se concentrer sur les réalités internes de l’âme. C’est sans
doute pour cette raison qu’on le dit aveugle.
2.1.1.1. L’Iliade.
L’Iliade nous conte l’histoire du siège de Troie, mais pas dans son entièreté. En effet, il
manque les causes de la guerre et la fin (que l’on retrouve dans l’Odyssée).
2.1.1.2. L’Odyssée.
Ulysse est le véritable héros de l’Odyssée (il est d’ailleurs éponyme de l’oeuvre).
L’histoire raconte son retour de la guerre de Troie, mais il n’apparaît que très tard dans le récit
qui commence par la quête de Télémaque pour retrouver son père.
Dans ces deux épopées, on retrouve un certain sens de l’humanité. Il existe un rapport
bien établi entre les dieux et les hommes. L’homme ne peut agir sans le consentement des
dieux. C’est ce que l’on appelle le déterminisme divin
Les valeurs de l’héroïsme évoluent également. Dans l’Iliade, on vante les mérite du
héros guerrier, alors que l’Odyssée est plutôt l’apologie du héros “courtois”.
Ces œuvres sont aussi considérables sur le plan technique. Le rythme de ces deux
livres sera celui de toutes les épopées qui suivront. Le style formulaire, la tempête, la
reconnaissance, sont les canons de l’épopée.
2.1.2. Le théâtre.
2.1.2.1. La tragédie.
La tragédie est un moyen d’expurger ses sentiments. Toute tragédie contient donc un
certain sens de la mort qui est son centre.
C’est pour cette raison que l’on peut dire que la tragédie est une célébration civique.
1200 tragédies sont écrites à l’époque classique, mais on n’a conservé que 7 pièces
d’Eschyle (alors qu’il en a écrit 80), 7 pièces de Sophocle (alors qu’il en a écrit 100) et 17
pièces d’Euripide (il en a écrit 100) pour ne citer que les plus importants.
Son lyrisme est audacieux et grandiose : “Les rires innombrables des flots”. Il est
révolté par l’injustice de la condition humaine, engagée dans l’hérédité du crime. Dans
“Prométhée enchaîné”, il dénonce l’injustice des dieux envers les hommes.
b. Sophocle.
Sophocle (-496 à -406, Athènes) est contemporain du siècle d’or en Grèce : le siècle de
Périclès. Il apporte des valeurs civiques nouvelles et avait des responsabilités civiles.
Les conflits de valeurs ont aussi une grande place dans son œuvre.
c. Euripide.
Euripide est contemporain de Sophocle mais est très différent de lui. Philosophe lui
aussi, il ne prenait pas part aux affaires de la cité.
Il met en scène les passions humaines, c’est pourquoi son théâtre est violent. Il sera
imité par Sénèque notamment.
2.1.2.2. La comédie.
La comédie est une critique sociale et politique, permettant aussi de rendre un culte à
Dyonisos : la comédie est un cortège en son honneur.
Elle est toujours liée au vin, à la fête et à l’érotisme, mais se divise entre l’ancienne
comédie, dure et violente, et la nouvelle comédie, plus douce et plus bourgeoise.
a. Aristophane.
Appartenant à l’ancienne comédie, il fait une critique mordante de la société de son
temps. Il n’hésite pas à écrire un plaidoyer pour la paix, rêve d’une citée idéale et à critiquer
Socrate et Euripide11. Surtout, il était misogyne.
10 Œdipe est d’ailleurs accablé par le destin parce qu’il cherche à comprendre les causes de son destin.
11 Il estimait que son théâtre était indécent.
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b. Ménandre.
Ménandre est de la deuxième moitié du 4°s. av. n.è. et appartient plutôt à la nouvelle
comédie, plus bourgeoise, critiquant un certain type d’hommes.
Il se fait peintre des mœurs privées. Il crée un type littéraire qui sera imité par des
latins (Térence) et Molière.
Cette poésie peut être monodique (chantée par un poète s’accompagnant d’un
instrument à corde du type barbiton ou lyra), ou chorale (chantée par un chœur accompagné
d’instruments à vent du type aulos).
a. Lyrisme ionien.
L’élégie a un mètre particulier, le distique élégiaque permettant d’exprimer des choses
violentes. Mimnerme donnera un caractère tendre à ces élégies et c’est ce sens qui a subsisté
jusqu’à nos jours.
Les ïambes possèdent aussi un mètre particulier (une syllabe brève et une longue) leur
conférant un ton très agressif. Un des grands représentant du genre est Archiloque.
b. Lyrisme lesbien.
Le lyrisme lesbien possède une forme poétique très répandue aujourd’hui : le poème
par strophes. Il exprime des sentiments variés : la délicatesse, la joie de vivre, et même la
sensualité dans la poésie de Sappho.
Alcée développe une strophe qui lui est spécifique et qui connaîtra un grand succès
jusque dans l’Antiquité tardive.
Sappho était une grande poétesse de l’Antiquité. Elle raconte les vertiges physiques de
l’amour, la beauté de l’aube, du soir,…
On évacue le mythe au profit de l’événement pur. L’histoire est en fait une recherche
par les yeux.
a. Hérodote.
Il est le père de l’Histoire. Il a écrit “Histoires ou exposé d’une recherche”. Il confère
une réalité humaine à ce qui était hors du monde grec (Égypte, Perse,…). Son livre a été une
référence pour tous les voyageurs jusqu’à la Renaissance.
C’est la première fois que l’on écrit en prose. La prose deviendra donc le véhicule de la
pensée, de la démonstration.
b. Thucydide.
Thucydide est le père de la science historique. Cet homme politique était aussi
écrivain et nous a laissé “La guerre du Péloponnèse”. Il affiche un regard critique vis à vis de
ses sources et pratique une véritable autopsie de la vie humaine.
Il complète le travail d’Hérodote. Il fait disparaître tout ce qui a trait au mythe dans
son oeuvre et tend à démontrer que les choses évoluent de façon mécanique.
2.1.2.5. L’éloquence.
Démosthène est le véritable modèle de l’orateur antique : il est à la fois homme public
et homme de lettre. Il est acteur et rédacteur des faits de son temps. C’est un fervent
défenseur de la liberté athénienne.
Dans les Philippiques il harangue le peuple contre Philippe II de Macédoine et dans les
Olynthiennes, il prend en exemple la ville d’Olynthe, qui a été soumise, pour inciter le peuple
à se défendre.
Dans tout ses écrits, l’éloquence subsiste : c’est un art de penser que l’on utilise dans
le cadre judiciaire, d’apparat,…
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Durant la période de l’Antiquité, pour penser correctement, il faut satisfaire à
l’éloquence. On doit écrire comme on parle et tous les hommes de lettre de l’Antiquité ont été
de grands orateurs.
2.1.2.6. La philosophie.
Les Grecs ont inventé la philosophie comme discours de la pensée sur elle-même. La
philosophie a partie intimement liée avec la littérature. En effet, on analyse la pensée en
l’écrivant.
a. Platon.
Platon a amené la philosophie au rang de sagesse. La philosophie fait accoucher les
esprits, elle fait paraître la vérité qui est en nous.
b. Aristote.
Aristote considère la philosophie comme une science. Il faut, selon lui, analyser tout
ce que l’on pense.
c. Plotin.
Au 3°s. ap. JC, Plotin prolonge l’oeuvre de Platon. Il adopte la philosophie comme
mystique et c’est ce qui donnera naissance au néoplatonisme.
d. Plutarque.
Plutarque adopte la philosophie comme art de vivre. Il va épingler certains
personnages qui doivent servir de modèle à chacun. Il compare beaucoup les auteurs grecs aux
auteurs latins.
2.2.1. Liminaires.
La littérature latine est d’abord la littérature de Rome. Les Romains ont toujours
reproduit ailleurs ce qu’ils connaissaient chez eux, à tous les niveaux de la vie. C’est pour cela
qu’il n’y a pas de dialecte propre à chaque genre littéraire. La langue utilisée était le latin.
Rome est une civilisation de spectacle. Il faut en être bien conscient pour comprendre
que ce ne pouvait être qu’eux qui inventent la satire.
2.2.2.1. La satire.
La satire est le seul genre proprement romain. L’éthymologie de ce mot nous donne
“mélange, pot-pourri”. C’est donc un spectacle où on trouve de tout, mais où tout est
improvisé. Ce genre a un véritable aspect critique, voire railleur. Bizarrement, on ne connaît
que deux auteurs de ce genre : on n’aime pas écrire le théâtre, même s’il se retrouve à tous les
coins de rue.
a. Plaute.
Plaute nous a livré une comédie haute en couleur, utilisant des personnages grecs pour
rire des moeurs romaines. Il apparaît cinq siècles après la littérature grecque et écrit
exclusivement de la comédie.
b. Térence.
Térence nous offre une comédie plus BCBG où le dialogue l’emporte sur la truculence.
Le titre de ses pièces est toujours grec.
Cette période reprend essentiellement le 1° siècle av. JC. Elle connaît une littérature de
combat et de passion. Toute cette époque est marquée par de grands personnages, dont
Cicéron.
Cicéron a été tué par les soldats de Marc Antoine. Il a été le romain par excellence. Il
s’est fait serviteur de l’histoire et homme de lettres. Son oeuvre est très marquée par
différentes influences.
C’est l’oeuvre d’un penseur (dialogues philosophiques sur l’amitié, la République, les
lois, l’art oratoire, la nature des dieux,…) et d’un homme politique (Catilinaires, discours sur
Catilina ; Philippiques, 14 discours critiquant Marc Antoine), les deux étant étroitement liés.
2.2.3.2. César.
César nous a livré une littérature de combat et de passion. Il deviendra un modèle pour
tous les grands créateurs d’empire des générations suivantes.
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L’homme est devenu un véritable mythe. Un mythe politique parce qu’il fait le lit du
régime impérial ; un mythe moral parce qu’il est le symbole de la liberté ; un mythe littéraire
par sa façon d’écrire et d’écraser tout le monde.
César peut se définir de différentes façons : une manière d’être sans scrupule, un
soldat de génie, un témoin de lui-même, un homme de lettre (guerre des Gaules, d’Afrique,
mais aussi écriture de tragédies et de traités de grammaire).
2.2.3.3. Catule.
2.2.3.4. Lucrèce.
Lucrèce est donc loin de la pensée dominante de l’époque, c’est-à-dire d’une poésie
désengagée qui proclame la vanité de l’héroïsme et l’illusion de l’immortalité.
2.2.4.1. Virgile.
Il est né à Mantoue (70 à 19 av. n.è.), ce qui montre que les auteurs latins ne viennent
plus seulement de la capitale. Fait important : il a assisté au triomphe d’Auguste à Actium.
Il écrit “Les Bucoliques”, dont la quatrième est très connue. C’est la poésie des
bergers et de l’Arcadine. Les paysages sont très stéréotypés. Sa deuxième oeuvre majeure est
“Les Géorgiques”, poème didactique sur les métiers de la campagne.
Virgile est également l’auteur d’une “Enéide”. La structure de cette oeuvre reproduit
ce mouvement symétrique qui fonde la grandeur de la nouvelle ville dans la mort de l’ancienne.
Il a fallu que Troie disparût dans les flammes pour que Rome naquit.
L’auteur latin avait demandé qu’on détruisit son oeuvre qu’il jugeait imparfaite.
Auguste n’a pas accédé à ce souhait qui nous aurait privé d’un des textes fondateurs de
l’humanisme occidental.
Virgile possède l’art de dire les choses les plus communes dans des expressions
fulgurantes. Il a connu un grand succès dans l’Antiquité tardive et au Moyen-Âge. Dante s’est
inspiré de la descente aux enfers pour sa Divine Comédie.
2.2.4.2. Horace.
Il a renouvelé la satire et créé l’art de la lette en vers dans ses “Épîtres”. Dans les
“Odes”, il mêle la sagesse romaine au raffinement de l’esprit grec12 . Il définit ce qu’est la
poésie dans son “Art poétique”. Avec Horace, nous ne sommes plus du tout dans une lecture
linéaire.
On l’a souvent classé parmi les épicuriens, mais en réalité, il a toujours été un fervent
partisan du juste milieu. L’amour doit être paisible ; on exclut le coup de foudre, les
caprices,…
Sa véritable maxime est “nunc” qui signifie maintenant. Il ne faut pas perdre son temps
à prévoir un avenir qui appartient aux dieux.
12 C’est l’immortalisation du poète métamorphosé en cygne qui porte son vol chez les peuples les plus éloignés.
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Horace affirme avoir créé un “monument” plus durable que toutes les constructions
humaines. Il associe son oeuvre poétique à l’éternité de Rome.
a. Les élégiaques.
Tibulle et Propèrce reprennent également le thème de l’amour, mais pas dans le
même sens qu’Horace : la vie amoureuse prend des airs d’engagement personnel et total. Ils
affirment préférer Vénus à Mars. La femme aimée des élégiaques les fait tourner en bourrique.
Tibulle fut le plus tendre des poètes latins. Dans ses Élégies, il chante la jeune Délie et
le calme de la vie champêtre, avec des accents de sincérité parce qu’il n’a que rarement recours
à la mythologie.
b. Ovide.
Ovide est certainement le maître de l’amour en littérature. L’art ressemble au hasard.
Mais attention, les arts de la séduction et de la poésie ne s’improvisent pas : ils sont des
formes résultantes d’un manière de vivre.
Dans les “Amours”, son “Art d’aimer” et les “Remèdes à l’amour” sont des élégies
célèbres dédiées à Corinne. Ovide s’y donne le rôle de l’amant et se déclare maître d’amour.
Les Héroïdes sont les premières lettres d’amour que l’on ait conservé. Les femmes
abandonnées de la mythologie crient leur détresse aux héros qui les ont abandonnées.
Les Métamorphoses sont une anti-épopée par la forme et par le contenu. Elles sont
composées d’une centaine de légendes formant finalement un récit. Ovide crée un univers
poreux qui efface les frontières entre l’humain et le divin. Le poème illustre l’entropie
constitutive du monde en changement perpétuel, par opposition à l’esthétique augustéenne de
l’ordre et de la hiérarchie.
C’est peut-être ce qui a décidé Auguste à exiler Ovide, mais ce ne peut être la seule
raison.
2.2.4.4. Tite-Live.
Tite-Live est le principal producteur de prose durant cette période. Dans son Histoire
romaine de 142 livres, il raconte l’histoire de Rome, de la fondation de la ville à l’actualité
augustéenne.
Tite-Live est en quelques sortes la morale de l’histoire : il juge les actes et n’insiste que
sur les instants qui ont fait la gloire de Rome.
L’homme a fait taire les dieux ; il est devenu l’un des leurs. On est préoccupé par le
question du salut personnel. Le cosmopolitisme permet à la culture romaine de s’ouvrir à de
nouveaux horizons.
Toutes les œuvres, pour mériter d’être lues, doivent répondre aux exigences de la
rhétorique.
Pourtant, l’heure des premiers bilans arrive, comme le font remarquer certains
intellectuels.
2.2.5.1. Sénèque.
Dans Lettres à Lucilius, il se fait directeur spirituel. Il crée un théâtre tout à fait en
phase avec les préoccupations de son temps, tant au niveau du contenu que de la forme. Il
privilégie l’inconscient au destin inéluctable des dieux. Il s’intéresse surtout au caractère de ses
personnages, à leur intérieur. Il fait du théâtre “voyeur”. Il dépeint la folie, la douleur et les
crimes ; il s’intéresse à la parole des monstres.
Il sera condamné par Néron à s’ouvrir les veines, comme l’ont fait nombre de ses
personnages face à l’horreur de leur crime13.
Dès le Dialogue des orateurs, écrit vers 81, il critique le mauvais usage de l’éloquence
fait par les orateurs pour glorifier l’empereur.
Le pouls des dysfonctionnements de l’Empire est pris dans les Histoires et les
Annales. L’historien parle peu, il nous livre une vision neutre des faits.
2.2.5.3. Lucain.
Lucain est le neveu de Sénèque. La Pharsale est une épopée que l’on pourrait qualifier
d’anti-Enéide.
Virgile chantait l’origine mythique de Rome, la lumière et les espérances d’un monde
naissant et surtout, son épopée était divine.
Lucain donne une origine historique de l’Empire, peint la nuit et le désespoir d’un
monde finissant et les dieux n’interviennent pas dans son récit. Seul ce qui est humain est
merveilleux depuis le choc des Titans (César, Pompée et Caton). L’héroïsme est foncièrement
laïque.
2.5.2.4. Le roman.
Nous n’avons conservé que peu de parties de cette oeuvre, mais les passages les plus
connus sont certainement ceux du Festin chez Trimalcion14 du poème de la Guerre civile15ou
encore le conte de la Matrone d’Ephèse16.
14 Tableau satirique et caricatural des débauchés et des petites gens à la table d’un riche affranchi.
15 imitation parodique de la Pharsale de Lucain.
1 6 Une femme perd son mari et décide de s’enfermer dans le tombeau où elle est courtisée par un soldat.
Apulée reprend la veine romanesque engagée par Pétrone et écrit un étonnant roman
d’aventures : Métamorphoses ou l’Ane d’or.
Son roman parle de magie et d’initiation. Le Conte d’Eros et de Psyché est un récit
dans le récit. Le fantastique est le moteur du récit. Les personnages évoluent dans un monde
marginal. Ce roman est une “oeuvre ouverte”, laissé à l’appréciation de chaque lecteur.
Même si les Celtes de l’Antiquité n’écrivaient pas, ils avaient quand même une
littérature orale. On s’en souvient facilement parce qu’elle répète fréquemment les mêmes
sons.
C’est en Irlande, au 5°s. ap. JC., que l’on retrouve les premiers textes (celtiques) écrits
en latin. Peu après, les Romains quittent l’Angleterre et les Celtes, mais en leur laissant un
héritage important : celui de l’écriture17 mais aussi du christianisme.
C’était au 1° siècle ap. JC. qu’a commencé la conquête de la Grande-Bretagne par les
Romains. Pendant environ 400 ans, ils ont développé une réelle complicité ; les Celtes
participaient au gouvernement en Angleterre. Ce n’est qu’au 4°s. ap. JC que les Anglo-Saxons
débarquent en Angleterre. Les Celtes émigrent alors en Irlande, en Écosse et en Bretagne.
Vers 600, les Celtes reviennent en Angleterre pour mener une conquête spirituelle :
celle du christianisme. Ils apportent aux Germains une vision du monde plus optimiste.
Des moines deviennent des “spécialistes de l’écriture”. Les scriptorium sont les salles
consacrées à la préparation des manuscrits par ces moines. Au 7°s. les moines celtes sont
venus en Angleterre avec ces ouvrages.
Chez les Celtes, exceptés les moins, beaucoup de gens étaient analphabètes. La
littérature étaient d’abord de langue latine, parce que c’étaient surtout des livres religieux
(Bible) et des textes officiels, voire des récits littéraires.
La langue celte, le gaélique, est une langue très difficile à apprendre, parce qu’elle est
très différente des langues romanes. Jusqu’à l’arrivée des Romains, la littérature celtique était
orale, nous l’avons vu.
Il faudra attendre les 7° et 8°s. pour qu’on commence à l’écrire. Mais pour la
connaître, il faut étudier des manuscrits du Haut Moyen-Âge datant des 11° et 12°s. On doit
donc reconstituer la langue celtique d’avant cette période.
L’histoire de Cúchulainn est écrite 600 ans avant l’époque du roman courtois en
France.
Cúchulainn est un héros pour lequel l’avis des femmes est très important. Il se
comporte véritablement comme un chevalier courtois. C’est un héros chevaleresque avant la
lettre.
Ces réflexions viennent du fait que la culture celtique est une culture matriarcale.
Souvent, c’est une femme qui devient chef de tribu ou reine. L’Irlande, terre d’accueil, a
toujours eu beaucoup de respect pour les sentiments des femmes.
En conclusion, on retrouve ici une littérature très amusante, qui sera à la base des
littératures européennes. Les sorciers de Harry Potter sont empruntés aux traditions de la
littérature celtique.
Cette littérature peut être divisée en deux genres : le genre des Eddas et celui des Sagas.
On les identifie mal parce qu’ils ne correspondent à aucune période spécifique.
Les Eddas sont deux recueils de récits mythologiques (surtout) et historiques (un peu).
Ils ont été retrouvés en Islande et sont écrit en vieux Norwa.
Le premier Edda est poétique et écrit en vers. Le second est celui de Snorri Sturlason
qui apprend à rédiger des textes au 13°s. Le contenu est axé sur l’origine du monde, de
l’univers, des dieux, des hommes et des femmes, et des héros.
C’est une différence importante avec le christianisme qui a placé des jardins partout
hors du monde des hommes. Cependant, il y a un “Adam” et une “Eve” germaniques : Askr et
Embla. Trois ases18 (ou dieux) viennent après les Géants. Mais leurs victoires sont
temporaires. Le Chaos reviendra.
Les Géants sont grands et forts alors que les hommes sont petits et faibles.
Cependant, ces derniers sont dotés d’un cerveau.
18 Référence à la Trinité.
- Introduction aux principales littératures européennes -
24
Les dieux, puissants et bienveillant, s’amusent et donne un peu d’esprit, de sang et de
sens aux hommes. Mais leur existence est très temporaire. C’est la naissance du destin et de la
fatalité germanique.
Les Sagas sont des récits essentiellement en prose qui retracent la vie d’un personnage
mémorable. La différence principale avec les futurs récits chevaleresques, c’est que la fin est
toujours tragique.
Le Chant des Nibelungen date du 13°s. ap. JC. C’est l’histoire d’un homme, Siegfried,
d’une femme surhumaine et belle, Brunhild, et d’une autre femme : Kriemhild.
On est plongé sur les bords du Rhin, en Allemagne. Siegfried veut conquérir Brunhild,
mais celle-ci se marie avec Günther, ce qui oblige Siegfried à prendre les traits de son rival
pour la séduire. Tout cela n’est pas très courtois. Ces bourgons s’opposent tous par des
querelles familiales.
Le roi achète la confiance de ses sujets avec des cadeaux. A la fin de l’histoire, c’est un
homme d’une autre culture qui remporte la belle. Il conquiert le pays des Bourgons et la
femme.
Les querelles sont une caractéristique importante de la littérature allemande. Elles sont
plus importantes que le respect des femmes. La vengeance est plus souvent motivée par les
liens du sang que par l’amour et la passion.
Caedmon écrit le premier poème anglo-saxon au 7°s. C’est une louange de Dieu, une
célébration de la joie, conséquence de la création du monde. Dieu a tout fait d’une façon
extraordinaire et formidable. Il est considéré comme un grand mathématicien.
Après le repas, il était de coutume de chanter des poèmes. Mais Caedmon s’éclipsait à
chaque fois, ne sachant comment chanter. Un ange lui vient dans ses rêves tourmentés et lui
récite le poème de la Création qu’il restituera par après.
Le monde a été créé pour les hommes par Frea tout puissant. Il révèle qu’il y a un but
dans la Création : rassurer les hommes et les femmes en leur apportant la culture. Le monde
est un lieu accueillant et le ciel est un toit protecteur.
Beowulf est un héros germanique d’origine suédoise. Il apparaît au 6°s. ap. JC., mais
le manuscrit que l’on a retrouvé le mentionnant date du 10°s., lequel est écrit dans une langue
datant du 8°s. L’histoire reprend des éléments de la mythologie germanique. Le mythe de
Beowulf a des origines païennes, mais son message va évoluer vers la chrétienté.
Dans le monde qui y est décrit, tout va bien jusqu’à l’arrivée d’un monstre s’emparant
de trente hommes pour les manger. Ce monstre s’appelle Grendel, et vit dans les marais.
Le jardin cultivé des hommes se trouve au centre du monde. Ils ne se sentent pas
menacés grâce à leur foi, mais avec Grendel, les dangers germaniques reviennent.
Le roi germanique sait qu’il ne pourra venir seul à bout de ce monstre et fait appel à
Beowulf. Celui-ci arrive de Suède et se bat en confiance, sans utiliser d’autre arme que sa Foi.
Le message est clair : il faut croire pour y arriver.
Il gagne encore un combat contre la mère du monstre, puis retourne en Suède pour
devenir roi. Même âgé, il part combattre un dragon dans ses terres et est blessé durant le
combat. Il mourra de ses blessures. Nous avons là l’aspect tragique de l’oeuvre : le destin
gagne toujours.
On pourrait se demander quel est l’intérêt de lire encore cette littérature ancienne.
Tout simplement parce qu’elle n’est pas si ancienne que ça : elle a été remise à la mode vers
1930 par JRR. Tolkien et son Seigneur des Anneaux.
Vers 1930 également, WH. Auden, un poète, s’est également intéressé à cette
littérature et a remis le vers germanique à la mode. Il reprend les thèmes des anciennes
épopées et des élégies et fut surnommé “the Sage of Anxiety”.
Le grand héros de cette littérature est le roi Arthur. C’est un chef celtique d’une tribu
locale ayant réuni autour de lui plusieurs tribus pour parer les invasions germaniques du 6°s.
Ce petite héros local est devenu le chef des chefs et un héros mythique de la civilisation
occidentale.
Il est devenu une légende bien avant le 12°s., mais on n’en sait pas grand chose avant
qu’un auteur ne nous en livre sa propre perception.
Le problème, c’est qu’il fait commencer l’histoire de la Bretagne avec Troie, ville de
l’Antiquité. C’est absolument faux : les racines britanniques ne viennent pas d’Asie Mineure.
Il décrit le roi Arthur comme étant le roi le plus puissant de Bretagne, s’étant fait
remarqué par sa ferveur dans la défense de sa culture contre les invasions germaniques. Il était
aidé par un mage puissant : Merlin.
3.4.2. Wace.
Wace est un écrivain normand. Il publie en 1155 “Le Roman de Brute”, du nom de
Brutus, le fondateur de l’Angleterre. Il écrit son histoire en roman et pas en latin.
3.4.3. Layamon.
Layamon reprend la légende arthurienne vers 1200. Il écrit un véritable manifeste anti-
Normand, en Anglais. La dimension courtoise est moins marquée, mais le roi Arthur est
toujours présent.
3.4.4. Malory.
Malory est un anglais du 15°s. qui réalise la plus grande synthèse jamais faite des
récits du roi Arthur. Sa version est à la base de centaines de romans et de films arthuriens.
Cependant, sa synthèse n’a rien de réjouissant. Elle est morose, pessimiste. En fait,
elle est marquée par le contexte politique de l’époque : l’échec de la guerre de 100 ans et la
guerre des roses entre les différentes familles nobles.
Dans les légendes arthuriennes, la courtoisie prend une place importante. L’homme
doit se féminiser et c’est probablement Édouard III qui illustre le mieux l’image de l’homme
civilisé et courtois.
Extrait de “Excalibur”.
Les Américains ont récupérer la légende arthurienne pour témoigner d’un optimisme.
Les forces du mal sont visibles. Les chevaliers blancs sont libres ; l’individualité est permise.
Ce sont deux valeurs fortes aux États-Unis.
Arthur est un héros d’épopée que se sont appropriés les Américains qui arborent la
même mentalité que ce héros.
En Europe occidentale, nous sommes en pleine période de mutation grâce aux progrès
de la technologie. On invente le collier pour le cheval de trait, la charrue. Les réserves et les
capacités de production augmentent.
Le guerrier devient noble, l’artiste de confiance. Les contacts établis entre l’Orient et
l’Occident vont influencer l’art. Il y a fusion, contamination de l’Orient en Occident. Il y a
véritablement échange ! On est fasciné par l’orient.
Au 11°s. apparaît en Languedoc une poésie d’amour courtois, écrite en langue d’Oc.
C’est une manière de civiliser l’amour. Cette littérature s’impose d’abord dans les milieux de
la noblesse.
C’est en Aquitaine que naissent les premiers poèmes français, des chants qui racontent
l’amour courtois. Ils étaient chantés par des troubadours19 qui s’accompagnaient eux-mêmes
d’un instrument.
19Celui qui trouve, invente et découvre les bonnes formules pour approcher de la bonne manière l’objet (la
femme).
- Introduction aux principales littératures européennes -
29
Dans le nord de la France apparaissent les chansons de geste ; véritables poèmes de
l’idéal chevaleresque, mais ne faisant jamais allusion aux femmes. Une des plus connues est la
Chanson de Roland.
En conclusion, ces trois siècles ont vu l’apparition d’une autre conception de l’homme
et de la civilisation, une autre esthétique.
Ce sont aussi des mutations importantes qui ont donné naissance à de grands genres
littéraires répondant à d’autres valeurs.
C’est entre la fin du 10°s. et le début du 13°s. ap. JC. que s’établissent les langues
modernes.
L’Humanisme
Aux 13° et 14° s., on observe de grandes mutations dans les réalités littéraires,
intellectuelles et linguistiques, lesquelles aboutiront à ce que l’on a appelé la Renaissance.
La Grèce, c’est l’Empire romain d’Orient. On y parle grec, et c’est là que perdure la
tradition de l’Empire romain. On y retrouve une grande stabilité dans l’organisation du
pouvoir et de la culture.
Mais l’Islam s’est étendu et a conquis une bonne partie de l’Empire. Notons que la
deuxième croisade sera orientée vers Constantinople ! On a ramené de nombreux objets. Par
exemple, la basilique St Marc, à Venise, possède un trésor essentiellement constitué d’objets
“volés” dans l’Empire romain d’Orient. C’est de cette façon qu’entre 1204 et la fin du 13°s.
que la Grèce transfère son bagage culturel vers l’Italie et vers Venise (qui est quand même la
puissance commerciale de l’époque).
La société médiévale du 12°s. voit circuler beaucoup d’argent, mais celui-ci est limité
dans son usage à certaines régions et contrôlé dans sa fiabilité par des instances religieuses20.
Le prêt à intérêt n’existe pas encore ; il est interdit par l’Église. Les chrétiens ne
pouvaient pas se vendre leurs services. Seuls les non-chrétiens pratiquaient le prêt à intérêt et
notamment les Juifs21. Mais à partir du 13°s., le prêt à intérêt se pratique dans le monde
chrétien.
Du coup, celui qui fait l’argent, le contrôle également ! Puis, l’argent devient libre. On
prête comme on veut et à qui on veut. L’Eglise fixe un taux maximum d’intérêt.
Les riches se mettent à prêter et deviennent banquiers. Ils pratiquent le prêt à intérêt
et le crédit22. C’est une révolution économique : on prête pour des investissements.
Des villes deviennent des puissances d’argent, puis des puissances politiques. Celles-
ci doivent légitimer leur nouveau pouvoir par du prestige ou de la gloire. Ils ne pouvaient se
retrancher derrière la religion, mais vers la science et la culture.
Ils optent pour une culture qui se voit discrètement : celle des sciences utiles et des
arts raffinés (beaux-arts, littérature, histoire ancienne) puisant abondamment dans la culture
grecque.
20 C’était le rôle de l’Ordre des Templiers. Ils contrôlaient et mesuraient les transferts d’une région à l’autre.
21 C’est ce qui leur a valu cette réputation d’avares.
2 2 Prêt ciblé sur l’industrie de commerce, donc productrice d’argent.
Dante est un citadin, intelligent, cultivé et ambitieux. Il n’est pas soumis à l’ordre
établit. Il fait ses primaires, puis ses secondaires. Il fréquente ensuite les écoles supérieures
attenantes aux Églises23 où les cours se donnent en latin bien sûr.
Il entreprend des études de théologie. Très tôt, il se fait connaître comme poète en
latin et en langue toscane.
Il a des vues sur son propre avenir et épouse une jeune fille d’une des grandes familles
détenant le pouvoir. Grâce à ce mariage, il est propulsé dans la politique. A 25 ans, il est au
sommet de la commune, parmi les 12 qui dirigent la ville.
Toute l’Italie est divisée sur la question, mais il faut savoir que le Pape fait largement
pression sur le peuple et qu’il veut absolument le pouvoir de démettre les rois. Dante,
partisan d’un équilibre commet une erreur stratégique et est interdit de séjour dans sa ville
natale dès l’âge de 30 ans.
A 18 ans, il publie déjà certains de ses poèmes. La ville est soucieuse de garantir sa
puissance économique et politique, au même titre que son prestige culturel. Dante est
considéré comme un fleuron de sa génération et est encouragé à écrire. C’est ce qu’il fait en
s’inscrivant dans le cadre de son époque : l’amour courtois.
Il faut savoir qu’un des maîtres de Dante écrivait en langue d’Oc. Dante écrit en
dialecte toscan, ce qui flatte les gens de Florence qui s’estiment dès lors aussi bons que les
romains ou les grecs.
La Divine Comédie est un chant proche de l’homme de village, des origines. C’est
Boccace qui, au 14°s., donnera le qualificatif de “divine” à l’oeuvre parce qu’il la considère
comme une sorte de perfection, mais aussi parce que son propos est spirituel.
Le texte fait plus de 12 000 vers, répartis dans 100 chants. La structure s’établit
comme suit : un prologue ; 33 chants en Enfer ; 33 chants au Purgatoire et 33 chants au
Paradis. Dante a pour compagnons de voyage Virgile, Béatrice, puis St Bernard de Clervaux,
que Dante considérait comme le plus grand de tous les saints.
Ce voyage est une initiation progressive aux grands mystères du monde tels que la
religion les a mis en oeuvre. Béatrice devient celle qui suscite l’inspiration poétique. Elle fait le
lien entre la poésie et la sainteté.
Cette oeuvre complexe apparaît comme le point d’appui sur lequel bascule le Moyen-
Âge vers les Temps Modernes. C’est une oeuvre de transition. Tout est centré sur la
contemplation des choses éternelles ; le lecteur est plongé dans un voyage fantastique.
L’itinéraire et l’enseignement que l’on en retire son consacré à l’existence terrestre de
l’humanité. C’est le côté humaniste de l’oeuvre.
Dans la Vita Nuova, Dante décrit la nouvelle vie que peut procurer l’amour. L’amour
qui élève l’âme à une sensibilité qui est la clef de cette nouvelle vie.
Pétrarque est d’origine florentine, mais il est né à Arezzo. Il a vécu son enfance et sa
jeunesse en Avignon25, puis se retire à Fontaine-de-Vaucluse.
Il a été élevé en trois langues : l’italien, la langue d’oc et le latin. Il perd sa mère à l’âge
de 16 ans. A cet âge, il était déjà latiniste chevronné ; il écrit une éloge funèbre à sa mère en
latin. Il maîtrisait déjà parfaitement la langue et le vers.
Il a une activité politique et insiste pour que soit créé une nouvelle République à Rome
afin que les papes y reviennent. Pour lui, Rome doit rester éternelle et la présence des papes
garanti cette immortalité.
Son activité culturelle n’est pas en reste. Son oeuvre fait briller les pouvoirs en place.
Il écrit d’abord en latin parce qu’il n’est pas convaincu que l’italien persiste comme une
grande langue. Cependant, peu à peu, il se tournera vers la langue de son pays.
Dans “De otio religiorsum”, que l’on pourrait traduire par “Le loisir des clercs”, il
pose la question de savoir quelles sont les priorités dans la vie pour un clerc. C’est l’éternelle
question de la contemplation ou de l’action.
Une autre oeuvre remarquable : “De utriusque fortunae” que l’on pourrait traduire par
“Du sort heureux ou malheureux”. Il se pose vraiment en philosophe et en homme littéraire.
1.3.2. Le chansonnier.
Il Canzionere est une oeuvre en italien qu’il a retravaillée neuf fois ! Sa dame s’appelle
Laura. Elle a le même rôle que la Béatrice de Dante. Elle résume toutes les puissances de
transformation du génie de l’homme.
Ce recueil est composé de 100 poèmes parce que 1 se trouve sur le rang des centaines
et que zéro n’est pas un nombre. Pétrarque accordait beaucoup d’importance à la symbolique
des nombres.
Le nom de Laura fait évidemment référence au monde grec. Le laurier était l’arbuste
d’Apolon, le symbole de la puissance de l’inspiration politique et poétique. Laura appelle,
convie et rassemble la civilisation grecque tout entière. Elle est le symbole des
métamorphoses. Grâce à elle, le poète devient immortel.
Pétrarque chante sa patrie, l’Italie, terre privilégiée qu’il faut absolument visiter.
1.4.1. Biographie.
Boccace est lui aussi un florentin, ce qui n’est pas un hasard ; nous avons déjà dit que
Florence était une ville extrêmement importante du point de vue des arts.
Il a la fibre littéraire et annonce à son père, à l’âge de 18 ans, qu’il ne tient pas à
reprendre une banque. C’est un drame, mais il rencontre le succès très tôt26. Il est un des
premiers aussi à vendre ses œuvres. Il touche des droits de reproduction sur ses œuvres et
obtient des moyens de subsistance.
C’est Boccace qui insiste pour que l’on crée une chaire de grec à Florence.
1.4.2. Decameron.
On remarque trois phases dans l’oeuvre, mais il y a aussi une continuité : on regarde
comment l’amour se manifeste. Il n’y a pas de dame et on tourne autour du thème de l’amour
courtois.
La littérature de ces deux siècles a été très importante au niveau de l’influence des
idées sur la période d’aujourd’hui. Nous allons dresser ici un inventaire rapide des auteurs qui
ont marqué ces deux siècles, mais pour plus de détails, on se référera au volume 7 de
l’anthologie “Patrimoine littéraire”.
En 1492, Colomb découvre les Amériques. Ce n’est qu’un demi découverte parce qu’il
pense avoir trouvé une autre route pour les Indes. Cette découverte marque le début de notre
propre conscience moderne : la Terre est ronde !
Étant donné que le pouvoir politique ne peut s’obtenir que lorsqu’il est reconnu par
tous, il y avait un aspect de transcendance du pouvoir27 qui existait depuis l’Antiquité.
Machiavel, dans son Prince, part d’une figure de son temps (un Borgia) et développe
une philosophie politique qui n’a plus rien de transcendant et qui est basée sur l’efficacité
pratique.
En effet, on n’a pas détruit la féodalité ; on l’a enrégimentée, elle est devenue
dépendante du pouvoir absolu. La hiérarchie nobiliaire est une pyramide fondée sur son
sommet : le roi. Pour légitimer sa noblesse, il fallait être un courtisan, servir son roi.
La première des conformités décrite dans Le livre est justement celle du service du roi.
Après vient la relation à l’égard des femmes. Il y a là l’influence de la courtoisie, mais la dame
n’est plus placée sur un piédestal : elle entre dans un dialogue véritablement égal.
Enfin, le noble est, à l’origine, celui qui gère la question de la guerre et de la paix. Mais
à cette époque, la guerre perd de son pouvoir. Le courtisan doit simplement être un bon
cavalier, un bon escrimeur et doit être endurant. Il est fort et habile.
On cultive maintenant l’art de la paix : c’est le début de la guerre en dentelle.
Au 18°s. se développeront les jeux de société : les cartes et les dames, bien sûr, mais
aussi les charades, les énigmes et les bourrimées, sortes de challenges de la poésie.
More est un anglais qui écrit en latin et en anglais. C’est un savant humaniste
connaissant le latin et le grec. C’est un spécialiste du monde juridique. Il a eu le malheur de
s’opposer au divorce d’Henri VIII, ce qui lui a valu d’être emprisonné puis décapité.
L’utopie est une proposition de stabilité pour l’esprit par rapport aux modifications
qui se passaient dans le monde à cette époque. Il pose un regard de philosophe, un regard
mesuré, pour évaluer le réel.
Thomas More est aussi un juriste révolutionnaire. Il donne une dimension nouvelle à la
justice en établissant une distance entre la réalité juridique et la réalité vitale.
Mais il est également un humaniste au sens propre : il estime qu’il faut éduquer les filles de la
même manière que les garçons au point de vue de l’esprit. C’est là encore une idée
révolutionnaire. Il faudra d’ailleurs attendre le 19°s. pour qu’elle soit acceptée et le 20°s. pour
qu’elle soit appliquée.
Ce personnage immense connaissait Thomas More. Il jouera un rôle décisif sur les
plans théologique, philosophique, philologique, littéraire et dans le développement de
l’édition et de l’imprimerie.
Suivant cette démarche, il revoit la traduction latine de la Bible par St Jérôme, y décèle
des incohérences, les relève et demande à ce qu’elles soient corrigées. C’est là l’essentiel de
son oeuvre de philologue.
Sur le plan philosophique maintenant, il établit une distinction entre ce qui appartient
à la Foi et ce qui appartient à la Raison. Il est le fondateur de notre manière d’être aujourd’hui.
Cet ecclésiastique est un humaniste complet écrit en latin. Il a fait des études de
mathématiques, de théologie et de médecine.
Ce génie extraordinaire est aussi le premier à réfléchir sur la monnaie. Il démontre dans
son Traité de la Monnaie qu’elle est le régulateur des équilibres économiques et politiques.
La monnaie et le principe de la paix entre les nations.
Il a laissé un héritage important : des Propos de table dans lequel il a écrit tout ce qui
lui passait par la tête, toutes ses réflexions personnelles sur toutes sortes de choses.
Luther est le premier à affirmer qu’on ne peut cultiver le sentiment religieux sans une
prise directe de la langue maternelle de la conscience. C’est cette idée que reprendront les
nationalismes du 19°s.
Rabelais est un homme d’Eglise, un humaniste. Il est médecin, mais aussi théologien et
philosophe. Il nous a livré Gargantua, Pantagruel, le Tiers Livre et le Quart Livre.
Il estime que le sonnet est une forme poétique parfaite. Son inspiration est fondée sur
l’amour. L’art est une modalité de l’amour. Si on aime, on devient artiste et on ne peut pas ne
pas penser que le monde est fait d’amour.
Il a été éduqué en latin et n’apprend le français qu’à l’âge de 12 ans. A la mort de son
père, il décide de vivre de ses rentes et commence à lire beaucoup.
Son écriture est caractérisée par une recherche de l’intériorité. Il faut toujours expliquer
pourquoi : pourquoi on écrit, ce que l’on veut dire…
Cervantès s’engage dans une carrière militaire. Il lit beaucoup (pour éviter de
s’ennuyer) avant la bataille de Lépante où il est blessé et perd l’usage d’un bras. Suite à cela, il
est fait esclave à Alger pendant cinq ans.
Son oeuvre majeure a été écrite en deux fois : la première partie en 1605 et la seconde
en 1615, dix ans plus tard. Elle s’intitule Don Quixote de la Mancha.
Dans la version de 1605, le roman s’achève sur une aventure. Le succès est complet. Il
y a une réédition la même année et on commence à le traduire l’année suivante.
3.1.1. Biographie.
Chaucer est contemporain de la deuxième moitié du 14°s. Il est mort en 1400 et est
connu pour avoir écrit les “Contes de Canterbury”.
Ce fils d’un riche négociant en vin a été éduqué à la Cour et devient fonctionnaire,
chargé de récolter l’impôt sur la laine. Sa fonction lui permet d’être en contact avec
l’agriculture et les cités commerçantes.
Il côtoie aussi le monde de la Cour. Il est fait prisonnier pendant la guerre de 100 ans
et on dit que c’est le roi lui-même qui a payé sa caution. En fait, il appartient à tout les
milieux, sans vraiment leur appartenir. C’est le signe de grands écrivains (pensons à Kafka,
Joyce, Beckett…)
Chaucer était un grand intellectuel et a rencontré Boccace. Influencé par lui, il a créé un
cadre dans lequel il peut mettre plusieurs contes. Il découvre aussi que dans le “Roman de la
Rose”, il y a deux parties : une partie enthousiaste et une partie qui se moque du monde
courtois. Dans ses contes, il fera intervenir différentes classes sociales.
L’original est écrit en vers, mais les traductions sont faites en prose pour plus de
clarté. Dans ces contes, Chaucer fait un constat : on vient à Canterbury pour voir le reliquaire
de Thomas Beckett, la victime d’Henri II. La raison qui pousse ces gens à faire ce pèlerinage
est sans doute une recherche de spiritualité, mais aussi une recherche de sexualité.
Nous avons vu que Dante, dans sa Divine Comédie nous mène aux cieux en suivant un
chemin évident. Le chemin que parcourent le chevalier et le meunier pour aller à Canterbury
est sinueux, semé d’embûches et finalement, lorsque le récit se termine, on se retrouve dans un
lieu un peu perdu, relativement éloigné de Canterbury.
Chaucer est sans doute plus réaliste que les Renaissants que sont Boccace et Dante.
Partout, il semble laisser une grande place au hasard.
Cette partie du cours est sans doute le chapitre le plus important pour le cours de G.
Latré. En effet, aucun livre n’a été plus vendu que la Bible anglaise de la version de 1611 : la
“King James Bible”.
Mais pour arriver à cette version de 1611, les hébraïstes se sont basés sur la traduction
de Tyndale (mort sur le bûcher à Vilvoorde en 1536). Son oeuvre a laissé à la langue anglaise
de nombreuses expressions et l’a fortement influencée. D’un point du vue plus large, l’oeuvre
de Tyndale a influencé la société et la politique de l’Europe toute entière.
Tyndale s’était donné comme objectif de faire connaître les Écritures à un grand
nombre de personnes. Il a donc fait sa traduction de la Bible, mais hors d’Angleterre29. Il
commence son travail en Allemagne luthérienne puis à Anvers, ce qui était plus pratique pour
exporter son ouvrage imprimé.
William Tyndale est un humaniste : comme Erasme, il veut donner au laboureur l’accès
à la connaissance.
Note : pour les notes relatives à cette partie du cours, se référer au fichier “Tyndale”
du dossier “Littérature européenne”.
Le “Globe” est un théâtre en bois, circulaire. Il n’est pas possible d’y créer des scènes
réalistes : il n’y a pas de quatrième mur.
Le thème principal de Shakespeare, c’est que le monde entier est un théâtre. Faire du
théâtre, c’est créer des images, une illusion. L’histoire qui est présentée a beau sembler réelle,
la conclusion démontre que rien de ce qu’on a vu ne s’était passé.
Shakespeare a écrit différentes pièces qui prennent un accent nationaliste. Henry V est
certainement celle qui illustre le mieux ce genre.
Ce roi est considéré comme étant le meilleur que l’Angleterre ait jamais connu, meilleur
même qu’Elisabeth I. Il a battu les Français à Asincourt et c’est ce qui lui vaut un tel prestige.
Cette pièce est aussi l’occasion de critiquer les nationalismes trop poussés.
Hamlet est mal à l’aise dans l’univers. Il sait que dans le ciel, quelque chose ne marche
plus. Copernic a révélé au monde que le soleil ne tourne pas autour du monde. C’est cette idée
révolutionnaire qui est illustrée dans le début de la pièce.
De plus, Hamlet est déçu par le monde. Il le déteste et se serait suicidé si ce n’était pas
défendu par l’Eglise30.
Claudius, s’il semble triste de ce qui est arrivé à son frère, ne joue qu’un jeu. Il l’a tué
et s’est empressé d’épouser sa veuve. Claudius et Gertrude font passer leur bonheur avant
toute chose, la nation passe après. Ils ont peur de Laerte et de Hamlet qui ont tendance à
critiquer ce qu’ils voient.
Hamlet est aussi mal à l’aise dans sa famille. Il a des problèmes avec son oncle, puis
avec Ophélia, quand il lui annonce qu’il ne l’aime plus, que c’est une putain. Cet épisode
illustre bien un fait de l’époque : les femmes sont soit idéalisées, soit diabolisées.
Mais le héros idéalise aussi son père : il parle de lui comme un homme accompli, tout à
fait en accord avec les exigences de la Renaissance. Par contre, il déteste son oncle.
Hamlet se déteste lui-même et cela s’exprime dans ses monologues. C’est ce dégoût de
sa personne qui est la véritable cause de son dégoût pour Ophélia.
To be or not to be
Il ne sera pas question ici des comédies shakespearienne, mais elles ont comme
particularité de se terminer généralement par un mariage.
Le Classicisme européen
1. INTRODUCTION.
En 1660, Louis XIV prend les rênes de l’Etat français pour 55 ans. Quelque chose
change. Le roi décide de tout et le classicisme apparaît sous son impulsion.
Cet période fait évidemment référence à l’âge d’or. Il faut savoir que la conception du
temps n’a pas toujours été linéaire, comme dans nos sociétés actuelles, et comme le
confirment la cosmologie et la physique.
En fait, la plupart des civilisations qui ont formalisé le temps le considère comme
quelque chose de cyclique. On commence par un âge d’or, période fantastique où l’homme est
en harmonie parfaite avec le monde. Puis, l’âge d’or décline et vient l’âge d’argent qui décline à
31 Rappelons que nous sommes en plein dans le contexte de traduction de la Bible par Tyndale.
- Introduction aux principales littératures européennes -
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son tour jusqu’à l’âge de bronze et d’arriver finalement à l’âge de fer, période de guerre et
d’hostilité. C’était cette conception que l’on avait du temps au 17°s. et Louis XIV estime
qu’il est l’initiateur d’un nouvel âge d’or.
Le 16°s. serait caractérisé par l’imminence de cette période dorée, caractérisée par la
grandeur et la majesté. La constitution des grands États contribue à revenir à l’âge d’or.
Mazarin et Richelieu, des personnages machiavéliques préparent l’arrivée de Louis XIV. Ce
roi est comparé au soleil et on peut dire que s’il a été ce qu’il a été, c’est parce qu’il est arrivé
au bon moment.
Apollon est le dieu du soleil et des arts intelligibles. L’art est une vitrine parfaite pour
l’intelligence mais s’oppose en quelque sorte aux mathématiques, à la raison. Apollon réunit
les deux à la fois.
L’harmonie est facteur de beauté. L’harmonie est fondée sur une règle de géométrie : la
symétrie, l’équilibre. Mais la beauté existe aussi dans la difformité. Le classicisme est
l’équilibre et, au sein de l’équilibre, ce qui le dépasse.
La première règle à respecter est celle de la séparation des genres, comme à l’Antiquité
classique. Il faut le faire pour éviter une confusion potentielle : on doit canaliser les moyens
d’expression.
La comédie joue sur le rire et la satisfaction de voir comment les choses vont
finalement.
Mais le genre littéraire de la période classique, c’est sans doute le théâtre et la poésie
lyrique (éloge, louange). Le théâtre est le genre du spectacle et que serait la majesté sans
représentation ? C’est par le théâtre que l’on mesure la majesté et la grandeur d’un roi.
Une autre règle tout aussi importante est celle des trois unités : unité de temps, de lieu
et d’action. De plus, le langage doit être soutenu et naturellement distingué (surtout pour la
tragédie)
Enfin, il faut respecter la règle des bienséances : si l’on rit dans les comédies, on ne rit
en tout cas jamais du roi. Il faut une concorde entre la conscience collective et le propos de la
représentation. Tout doit être comme il convient, rien ne doit choquer.
3. LES AUTEURS.
Vega est très représentatif du siècle d’or espagnol. Il touche à différents genres
littéraire (poésie lyrique, satirique…) mais il sera surtout auteur de théâtre. Il a 400 pièces à
son actif.
Il développe deux genres théâtraux : la commedia nouvelle (de cape et d’épée), qui
n’est pas conforme aux règles classiques parce qu’il y a un mélange de comique et de tragique ;
et les actes sacramentels, des pièces de théâtre qui mettent en scène une thématique religieuse.
Ces actes ne constituent pas une liturgie religieuse, mais posent une question existentielle en
rapport avec la religion.
Ces deux genres sont fondateurs du théâtre espagnol. “Fuente ovejuna”, la fontaine de
l’agneau raconte l’histoire d’un village soumis à l’oppression d’un mauvais noble. Se pose le
problème du pouvoir et de sa légitimité. Sa pièce la plus remarquable traite de la conscience
collective.
Il s’agit ici du grand Corneille, l’aîné de la famille. Il a vécu avant l’avènement de Louis
XIV et avant que le classicisme ne soit “imposé”.
Il faut noter que Corneille avait fait ses classes chez les Jésuites qui faisaient jouer du
théâtre à leur rhétoriciens. C’est la révélation. Il écrit ses premières pièces en 1628-29. “Le
Cid” date de 1638 et reprend un sujet espagnol32.
Il faut relever deux événements importants qui ont marqué la vie et l’oeuvre de Racine.
Tout d’abord, il a été introduit au grec et aux auteurs dramatiques dès l’âge de l’école primaire.
Il fut élève à Port-Royal, qui était très riche d’un point de vue intellectuel. Elle rassemblait des
savants qui se vouaient à l’étude et à la prière. Cette abbaye considère le latin et le grec comme
des langues vivantes.
Vers l’âge de 17 ans, il lit Euripide dans le texte. Il connaît le grec, au même titre que le
français. Il pénètre très tôt les ressorts de la dramaturgie classique. La conscience tragique
qu’il retrouve chez les grecs est, lui semble-t-il, une réflexion de sa propre conscience.
Et, en plus d’avoir été éduqué dans un milieu intellectuel, il a grandi dans une
environnement spirituel. Les savants de Port-Royal sont des chrétiens convaincus et engagés.
Leur spiritualité est consciente et maîtrisée. On voit là l’influence du Jansénisme33.
La tragédie de Racine est caractérisée par les passions. Ce sera souvent l’Amour (la
plus puissante des énergies) mais rarement elle seule : cette passion sera doublé de l’envie de
puissance, de l’envie de posséder… Il met ces passions en scène et en jeu : elles
s’entremêlent.
Ses pièces sont autant d’explorations diverses de l’univers des passions. Elles
finissent par se détruire mutuellement et cela aboutit à la mort. Les passions ne peuvent que
conduire l’Homme à sa perte s’il ne les maîtrise pas. Il faut trouver le point d’appui où les
passions sont en équilibre. Cela passe par une maîtrise de soi et de toutes les énergies qui
travaillent le monde.
Son théâtre est enrichi par sa perception naturelle du tragique du 5°s. av. n.è., celle qui
oppose les hommes et les dieux. Cela provoque souvent une sorte de défi envers le destin. Les
passions ne peuvent se régler entre elles, il faut les maîtriser.
Racine est un tragique cohérent. Son oeuvre est très homogène, justement parce qu’il a
cette “obsession”, mais le mot est un peu fort, des passions.
33 Jansen, avec son Augusitinus provoque un retour aux Pères de l’Eglise et notamment à St Angustin dont il
fait une relecture. L’abbé de St Cyran ramène en France la supériorité spirituelle de St Augustin (revue par
Jansen) et obtient un grand succès. Les Jansénistes auront beaucoup d’influence en ce 17°s.
- Introduction aux principales littératures européennes -
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3.6. Molière.
Molière est sans doute un des plus grands comiques français. Orphelin de mère, son
père pèse sur sa destinée : il veut qu’il reprenne sa charge de tapissier ordinaire du roi. Il
considère le théâtre comme un métier marginal à la destinée dangereuse34. Le théâtre est
considéré comme une variante de la prostitution.
Il va de soi que Molière n’a absolument pas le même engagement spirituel que Racine.
Il fait la mise en scène des travers de la nature humaine et dénonce les mécaniques qui
rythment la vie. Il fait une caricature de la vie en poursuivant la même question : quelles sont
les passions qui la dirigent ?
Le monde est un système d’action et de réaction. Molière fait donc une analyse des
moeurs et caricature la morale du comportement. Il fait ce que l’on pourrait appeler une
sociologie de l’universalité de l’être.
En 1658, il rentre à Paris et se retrouve sous la protection du roi. Celui-ci sera même le
parrain d’un de ses enfants.
Molière participe réellement à la société du spectacle organisée par Louis XIV. Peu à
peu il évolue vers un spectacle de plus grande psychologie et de plus grande moralité. Ses
pièces du début (Médecin malgré lui, Les fourberies de Scapin, l’Avare) sont bien différentes
de celles qu’il écrit à la fin de sa carrière (Dom Juan, le Misanthrope, Tartuffe).
Finalement, son théâtre se rapproche des enjeux de celui de Racine puisqu’il fait
l’analyse des passions pour en arriver à la conclusion qu’il faut les maîtriser.
34 A cette époque, les acteurs n’ont pas le droit d’être enterré à l’Eglise.
- Introduction aux principales littératures européennes -
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1. INTRODUCTION.
La France est au 18°s. le modèle à suivre au niveau intellectuel. C’est là que naît le
mouvement des Lumières. Ce sont des savants qui prennent le noms de philosophes, mais ce
sont aussi bien des mathématiciens que des juristes, que des historiens ou des écrivains.
On refusera dorénavant d’écrire certaines choses “bizarres”. Tout doit être clair et le
vocabulaire univoque. Certains genres littéraires sont amenés à disparaître.
Les philosophes de cette période sont donc très nombreux. Nous nous contenterons
ici de faire un rapide tour d’horizon de ceux-ci.
2. MONTESQUIEU.
Montesquieu est l’auteur de travaux et de textes très nombreux. Nous remarquerons ici
Les Lettres persanes (roman épistolaire, genre très en vogue à l’époque) et L’Esprit des Lois.
Dans Lettres Persanes, il met en scène la relativité des points de vue de la conscience
collective. Ce qui suscite immédiatement une question : quelle est la consistance de la
conscience de l’humanité ?
L’Esprit des Lois induit la norme fondamentale des États modernes : la séparation des
pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Le pouvoir devient un fonction que
chacun peut revêtir. Les hommes qui l’exercent peuvent changer. Cela évite l’abus et la
confusion des pouvoirs. L’Etat n’est plus absolu grâce à ce partage des fonctionnalités.
4. DIDEROT ET D’ALEMBERT.
C’est Diderot qui achèvera l’entreprise alors que d’Alembert abandonnera le projet en
cours de route, le jugeant sans doute trop risqué.
5. VOLTAIRE.
Voltaire fait triompher la prose qui est le mode significatif de l’écriture. Ce philosophe
considère la versification comme un art décoratif.
Il exerce une influence immense partout en Europe et son oeuvre entraîne le 19°s.
européen.
35 Éducation en rond, en cycle. Bref, une éducation totale, touchant à tous les domaines.
36 Notons encore ici que Larousse développera largement cette innovation.
- Introduction aux principales littératures européennes -
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6. ROUSSEAU.
Le Romantisme
Daniel Defoe est l’auteur de Robinson Crusoe, qu’il publie en 1719. Après un
naufrage, Robinson se retrouve sur une île déserte et doit se débrouiller pour survivre. Les
femmes brillent par leur absence : de cette façon, elles ne peuvent pas perturber le bon sens et
l’intelligence des hommes.
Dans l’avertissement de l’oeuvre, Defoe nous annonce qu’il va nous présenter une
allégorie. Il était puritain et démontre que l’homme a été sauvé par Dieu. Tout ce qui se passe
est signe de la volonté de Dieu. Cependant, s’il arrive à survivre, c’est grâce à son ingéniosité -
Robinson est en quelque sorte l’ancêtre des boy-scouts.
Ce livre deviendra la Bible des bourgeois et des jeunes. Il est très proche de la
mentalité conquérante de l’Angleterre à cette époque. Les Noirs sont considérés comme des
êtres inférieurs et si Robinson sauve Friday, il le soumet immédiatement en posant son pied
sur sa nuque alors qu’il s’agenouillait devant lui.