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Littératures européennes
Les fondements de l’édifice littéraire européen

1. LES TRADITIONS JUIVE ET CHRÉTIENNE.

1.1. Introduction.

Il faut tout d’abord différencier la fondation de la tradition. La première est une réalité
vivante, appartenant au monde savant ; la seconde produit des effets de vivacité créatrice.

Au point de vue littéraire, la Bible est une véritable bibliothèque dont le contenu
change en fonction de la religion que l’on pratique. Ainsi, les juifs ne reconnaissent que
l’Ancien Testament ; les chrétiens, l’ancien et le nouveau testament datant du Concile de
Trente ; les protestants, les testaments réformés.

Les différentes religions donnent un statut différent à la Bible. Elle prend une
dimension sacrée pour les juifs, ce qui signifie qu’elle ne peut être traduite. A l’inverse, il
s’agit d’un livre saint pour les chrétiens et il doit être traduit, puisqu’il s’adresse à tout le
monde. Notons que les musulmans considèrent la Bible comme le deuxième livre saint après le
Coran.

Nous comprenons donc pourquoi les traditions juives et chrétiennes sont interprétées
et lues différemment. Il y a réellement continuité et rupture entre le christianisme et le
judaïsme.

Le Christ, les apôtres, Marie, et tous les premiers chrétiens étaient juifs. Il faut
attendre l’opposition entre Pierre et Paul pour qu’il y ait scission.

Quand on considère les textes, ceux établis par les chrétiens n’ont pas de valeur sacrée
alors que les juifs pensent que toutes les vérités sont contenues dans leur Bible. Ces
différences de perception ont des conséquences dans le monde savant, le monde religieux et
dans les mœurs.

1.2. La Bible.

Établissons d’abord une chronologie, laquelle est la ligne de fuite de toute perception
intellectuelle.

La Bible a été écrite en quelques siècles. C’est pourquoi on retrouve des conceptions
et des formulations différentes : elle est rédigée du 10°s. av. n.è. au 1°s. ap. J.-C. dans des
lieux et dans des langues différents. L’ancien testament, celui des juifs, a été écrit en hébreux et
le nouveau testament était rédigé en grec.
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1.2.1. L’ancien testament.

L’ancien testament est divisé en trois parties : la Thora (loi), les Prophètes et les
Écrits.

1.2.1.1. La Thora.

La Thora, partie fondatrice de la Bible, est elle-même divisée en cinq livres : la Genèse,
l’Exode, le Lévitique, les Nombres et les Deutéronome.

C’est avant tout un texte juridique, se situant dans une histoire allant de la Genèse à la
mort de Moïse. Le Lévitique est bourré de lois nous informant sur le droit administratif et
canonique. Mais le récit de l’exode a, quant à lui, des allures de vraie chronique.

La Thora comporte donc une série de textes d’une grande diversité.

Approfondissons un peu le livre de la Genèse. Il est formé de mythes1 , de légendes et


de chroniques légendaires. Le monde n’est pas éternel puisqu’il a été créé.

Le livre de la Genèse répond aux questions du sens du monde et de l’existence humaine


liés par la création de Dieu. Dieu n’est pas le monde et le monde n’est pas Dieu. L’homme a
été créé par Dieu pour dominer le monde.

C’est le début de l’histoire de la destinée providentielle de l’humanité. La destinée est


prédestinée. Le Déluge voit l’anéantissement de la vie, mais aussi l’apparition d’une nouvelle
humanité grâce à la foi de Noé, qui a construit l’arche, par foi, allant à l’inverse du bon sens.
De nos jours, on pense que le Déluge aurait pu exister réellement. Des archéologues en
auraient retrouvé la trace probable. Noé fait donc partie de la légende, puisqu’une légende tient
toujours une part de vérité.

La foi et l’obéissance d’Abraham ont fait de lui le père des croyants. Il est chargé de
trouver la Terre Promise, accepte que sa femme de 90 ans ait un enfant que Dieu lui
demandera de sacrifier à l’âge de 12 ans2. Toute cette précision au niveau des dates fait que
son histoire peut être qualifiée de chronique légendaire.

Adam et Eve sont un mythe : ils n’existent qu’en ayant le statut de premier homme et
de première femme. Ce sont des héros mythique, au même titre que ceux de l’antiquité
grecque.

1 Récit mettant en scène des situations qui touchent l’origine absolue d’un être, d’un fait ou d’une norme
(comme la création du monde).
2 Isaac ne sera finalement pas sacrifié sur l’autel, puisqu’un ange a arrêté le geste de son père. Cette expérience

n’était qu’un test.


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1.2.1.2. Les Prophètes.

Cette partie de l’Ancien Testament est très caractéristique des récits juifs. C’est un
genre à part entière, absolument déterminant de l’entité juive.

Un prophète est un homme à travers lequel Dieu parle. Sa parole ne lui appartient pas,
il prête sa voix. Les prophètes disent l’esprit et la finalité de la loi de Moïse. Ils ont une
charge d’explication.

Les trois grands prophètes sont Isaï, Jérémie et Ezéchiel. En dessous d’eux se trouvent
douze petits prophètes.

1.2.1.3. Les Écrits.

Cette partie comporte des chroniques, des poèmes, des récits utilisant des genres
variés allant du conte au roman. La prose, la poésie, le récit, la narration,… sont très
différents.

1.2.2. Le Nouveau Testament, Bible des chrétiens.

Le Nouveau Testament est un facteur de sainteté et ne contient que peu de sacré. Il est
composé de quatre évangiles (selon Marc, Mathieu, Luc et Jean), des Épîtres de St Paul (50
ap. J.-C., les Épîtres des autres apôtres sont postérieurs), et de l’Apocalypse. Son écriture
s’achève en 70 ap. J.-C. et son ensemble ne représente qu’un dixième de l’Ancien Testament.

Les trois premiers évangiles sont synoptiques : ils racontent à peu près les mêmes
épisodes. L’évangile selon St Jean est différent au point de vue théologique. Il raconte surtout
les grands événements de la vie du Christ.
Le juif doit être juste pour être sauvé, et donc se conformer aux lois. Pour être sauvé,
le chrétien doit être saint et donc avoir la foi.

Ces traditions juive et chrétienne ont encore une grande influence sur nos vies
actuelles. Elles sont à la base de nos cultures. Nos convictions sur la liberté de l’homme
viennent du judéo-christianisme - “L’homme a été créé à l’image de Dieu”.

Ancien et Nouveau Testaments sont fondamentaux pour notre civilisation occidentale.


La solidarité devient pour nous une obligation : nous sommes tous égaux.

Le sens de la Bible est le dialogue établit entre Dieu et le peuple élu. Tout être humain,
quel qu’il soit, est personnellement en dialogue de salut avec Dieu.

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1.3. Les traductions de la Bible.

Pour les chrétiens, l’humanité tout entière est élue, et il n’existe pas de langue sacrée.
La Bible doit être traduite3 puisqu’elle doit s’adresser à chacun dans sa langue maternelle. Ce
n’est pas le vecteur du message, mais bien la finalité de celui-ci qui est décisive.

La Bible est traduite pour la première fois bien avant l’ère chrétienne : au 3°s av. n.è.
Cette commande fut établie par le pharaon Ptolémée qui voulait connaître la loi des juifs et
que la communauté juive hellénisée ne comprenait plus l’hébreu. Des juifs vont donc traduire
la Bible en grec.

La légende de cette traduction se retrouve dans la lettre d’Aristée à Philocrate. Elle


raconte que 70 rabbins se sont réfugiés pendant sept ans sur l’île de Pharos (celle sur laquelle
se trouvait le phare d’Alexandrie) pour traduire la Bible. Ils se sont isolés, et quand ils eurent
terminé leur travail, ils constatèrent que leurs traductions étaient absolument identiques. Est-
ce un miracle? Nul ne le sait. C’est ce que l’on a appelé la “Traduction des Septante”

Alexandrie possède à l’époque une gigantesque bibliothèque (qui sera détruite par les
flammes) et abrite également une école supérieure de philosophie produisant une élite.

Après la constitution apostolique, les chrétiens ont besoin d’avoir une version latine4
de la Bible. Cette traduction se fait dès le 1°s. ap. JC., mais on n’a jamais retrouvé l’intégralité
de cette première version, même si de très grands fragments nous sont parvenus.
La “vieille latine” n’est pas intégrale mais a circulé largement auprès des Pères de l’Eglise.

A la fin du 4°s. ap. JC., le christianisme a une place très importante dans l’empire
romain ; place qu’il a pu se faire grâce à l’édit de tolérance de Constantin et de l’oeuvre
d’Auguste qui l’utilisa pour cimenter son peuple. Le christianisme se développe en orient et
en occident.

Damase, le Pape de Rome, demande à un érudit chrétien, Jérôme, de traduire la Bible


intégralement en latin. Il décide de traduire l’ancien testament à partir des textes hébreux et se
rend donc en Palestine, dans des écoles rabbiniques, accompagné d’un monastère d’hommes et
d’un monastère de femme. En effet, la traduction du livre saint ne pouvait s’envisager sans la
dimension mystique.

Après 20 ans de travail, Jérôme aboutit à la Vulgate, version de la Bible destinée au


peuple. Mais la diffusion de son œuvre sera faible à l’époque à cause du saccage et de la chute
de Rome. Cette dernière perd son titre de capitale de l’empire. En 50 ans d’invasions barbares,
le grand empire romain d’occident aura vécu.

3 Elle l’est aujourd’hui dans plus de 2000 langues différentes.


4 Le latin était la première langue officielle de l’empire, la deuxième étant le grec.
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Cette traduction est cependant conservée et réapparaît au 9°s. ap. JC., lors de la
Renaissance carolingienne. Dès lors, la Vulgate devient la version de référence de la Bible.

Aux 15° et 16°s. ap. JC., les réformes en Europe occidentale font remarquer les erreurs
et les manques de la Vulgate. C’est l’oeuvre de tous les humanistes, notamment d’Erasme.

Le concile de Trente accepte la Vulgate réformée. Cette version est toujours actuelle. A
partir de la Réforme, la Bible sera traduite en français, allemand, anglais,…

La connaissance du latin et de la Vulgate était primordiale pour qui voulait


entreprendre des études cléricales. La tradition de la Bible a contribué à la naissance des genres
littéraires des 17°, 18° et 19°s. ap. JC.

Mais le christianisme ne se limite pas aux traditions de la Bible. Il faut aussi envisager
les apologistes et les Pères de l’Eglise.

1.4. Les Pères de l’Eglise et les apologistes.

Les Pères de l’Eglise étaient des intellectuels chrétiens convaincus, décidés à plaider la
cause du christianisme pour le défendre et montrer l’ampleur de tout ses aspects. Ils
établissent et construisent un contenu intelligible pour tous et reprennent tout le message du
Christ.

Les apologistes ont établit une défense argumentée et une éloge illustrée du
christianisme pour se justifier d’être chrétien.

Les plus importants et les plus nombreux Pères Fondateurs et apologistes étaient grec.
Cela peut s’expliquer simplement par le fait que la culture grecque était mieux adaptée pour
recevoir une tradition philosophique.

1.4.1. Les apologistes grecs.

Justin commence à écrire juste après la période de l’écriture des évangiles. Dans
“Apologie”, il affirment que les chrétiens ne sont pas des criminels et ne constituent pas une
secte. Ils sont raisonnables, bons citoyens, remplissent leurs devoirs. La morale chrétienne ne
va pas à l’encontre de la morale de l’empire. La finalité de la chrétienté est en fait proche de
celle des philosophes.

Il pose la question en termes de débat dans “Dialogue avec Tryphon”. Il y met en


scène un philosophe pratiquant sa propre philosophie, un juif et un chrétien. Il pose les
questions essentielles du sens de l’existence, des règles de vie à adopter et de la casuistique5 .
Pour chacune de ces questions, il apporte la réponse de chacun de ses protagonistes. On se
rend compte que le philosophe a un mode de vie qui lui est propre et définie par lui-même ;
que le juif doit être juste, conforme aux lois ; et que la théologie, la pratique et la casuistique
5 Casuistique : partie de la théologie morale qui s’attache à résoudre les cas de conscience.
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du chrétien sont fondées sur la liberté accordée à l’homme par Dieu. Le chrétien n’a aucune
obligation, si ce n’est celle d’aimer (et qu’y a-t-il de plus libre que l’amour ?)

Irénée de Lyon est un apologiste grec d’orient, né en Grèce d’Asie et qui deviendra
évêque de Lyon6. Il est ce que l’on peut appeler un apologiste d’orthodoxie, puisque son but
est de guider les fidèles vers le droit chemin, vers la juste pratique.

Il établit une argumentation contre toutes les sectes qui pullulaient aux 2° et 3°s. ap.
JC. dans son livre “Contre les hérésies”. En effet, de nombreuses sectes se réclamaient du
Christ, mais leur philosophie comprenait des aberrations énormes, obtenues en mélangeant la
spiritualité, la psychologie et l’érotisme.
Il les attaque à propos de la vision qu’elles ont sur la Trinité et la réincarnation, ainsi
que sur la psychologie et leur manie de l’érotisme. Il établit une réelle clarification permettant
de se garder des excès.

Clément d’Alexandrie est un philosophe néoplatonicien7 , professeur à l’université


d’Alexandrie. Il va considérer la théologie comme il considère le platonisme et tenter de tout
savoir à leurs propos.

Il se convertit au christianisme : l’Uni-Trinité et la réincarnation sont la clef au


néoplatonisme puisqu’elles donnent la réponse à la question du corps.

Il écrit un ensemble de textes, “Les Stromates” (tapisserie) dans le but de distinguer et


d’assurer la continuité d’un certain nombre de phases du propos.

1.4.2. Les Pères grecs de l’Eglise.

On situe les Pères de l’Eglise entre le 4°s et le 8°s. ap. JC. En effet, le 4°s. est le grand
siècle, puisqu’il est celui de l’édit de tolérance. A partir de là, les chrétiens vont commencer à
être admirés et on va pouvoir faire la théorisation de l’Eglise.

Les Pères grecs sont du 4°s. ap. JC et étaient trois amis. Ils sont originaires de
Capadoce et ont fréquenté l’école philosophique d’Athènes. On peut dire que Grégoire de
Nazianze (l’aîné), Grégoire de Nysse (le cadet) et Basile de Césarée8 (l’ami de l’aîné) sont les
fondateurs du mouvement patristique dans le monde grec.

Ils entreprennent la formulation la plus accessible intellectuellement de l’Uni-Trinité et


de la divino-humanité du Christ, les deux dogmes fondamentaux de l’Eglise.

6 A cette époque, Lyon était la porte d’ouverture de la Provence et de la Méditerranée vers le nord.
7 Le néoplatonicien tente d’examiner le platonisme à la lumière des spéculations à la mode de l’époque. Il
cherche à tout connaître, veut aller jusqu’au bout des choses.
8 Notons que Basile est un des fondateurs du monachisme.

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Jean Damascène est un père fondateur du 8°s. ap. JC. Il écrit “La source de la
connaissance”, source théologique du christianisme. Il établit de manière définitive deux
dogmes : celui qui touche la Vierge Marie (elle est la mère de Dieu et sa virginité ne peut être
remise en cause), et celui qui légitime l’icône. On peut dès lors représenter la sainteté.

Notons que ces deux dogmes ont toujours été des sources de conflit et de remise en
question. Il suffit de regarder la Réforme calviniste, iconoclaste, pour s’en convaincre.
N’oublions pas non plus que les différents protestantismes refusent le dogme relatif à la
virginité de la Vierge.

1.4.3. Les apologistes latins.

Tertulien était un avocat romain ayant donc fait des études de rhétorique. Il plaide
pour la défense des chrétiens : ce sont des bons citoyens, bons serviteurs de l’Etat, mais ne
peuvent rendre de culte à l’empereur parce que c’est un être mortel.

Il plaide toujours en comparant la morale des chrétiens à celle des Romains et ne


manque pas de faire remarquer que les chrétiens, eux, ne vont pas aux spectacles.

1.4.4. Les Pères latins de l’Eglise.

Auguste d’Ipone est un berbère romain. Sa mère est chrétienne, son père païen. Il fait
des études et comme il est doué et que ses parents n’avaient pas beaucoup d’argent, il devient
boursier. Il se rend en Italie pour commencer des études de rhéteur.

Il a à son actif deux livres majeurs : “La cité de Dieu” et “Confessions”, dans lequel il
raconte qu’il a pris conscience de la puissance du mal à 12 ans. Il s’attache alors au
manichéisme, une religion dualiste très répandue à l’époque.

Les manichéens pensaient que tout, absolument tout, était régit conjointement par les
deux dieux. Durant son adolescence, Auguste se rattache à cette “secte”, mais à la fin de son
adolescence, il estime que le dualisme est psychologiquement insoutenable. Dieu doit être
unique.

C’est pour cette raison qu’il se tourne vers le néoplatonisme et qu’il se tournera plus
tard vers le christianisme, pour les mêmes raisons que Clément d’Alexandrie.

Il se convertit à l’âge de 30 ans au christianisme. Il a un enfant, mais n’est pas marié. Il


est ordonné prêtre, puis évêque. Il dira la même chose que les grecs, mais d’une façon moins
philosophique : le latin est une langue “vulgaire”, pratique, à laquelle certaines notions de
psychologie échappent.

Dans “Mises au point”, il retraite ce qu’il avait déjà dit. Il parle toujours de choses qui
touchent la morale et la théologie.
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Augustin sera la référence en matière de théologie, et ce jusqu’au 18°s.

Il faut remarquer que les latins n’ont rien établi sur le plan de la doctrine chrétienne. Ils
ont traduit, inventé plus tard que les grecs, retrouvé des choses qu’ils avaient oubliées.

1.5. L’évolution des littératures.

D’une manière générale, la doctrine chrétienne en Europe occidentale a manqué de


fermeté et de profondeur, par rapport à ce que l’on retrouve dans l’Eglise d’orient.

La rupture entre ces deux Églises est effective au 13°s. ap. JC. et les réformes se
succéderont du 14° au 16°s.

En Orient, la continuité patristique est linéaire et toujours pleine et entière.

La place de la littérature religieuse des juifs et des chrétiens est réelle. Les thématiques,
les problématiques philosophiques ou existentielles de la Bible seront dans la littérature
occidentale l’objet de très nombreuses révisions. La continuité n’est pas assurée, mais la
créativité est régulièrement stimulée pour recréer ce que l’on a perdu.

L’innovation apparaît en Europe occidentale comme la continuité de l’histoire.

C’est ce qui oppose l’Europe à l’Orient, où partout, il y a une grande continuité. La


tradition est très fidèle et respecte la norme de l’originalité9 .

2. LES HÉRITAGES GREC ET LATIN.

Les héritages grec et latin relèvent des fondations du patrimoine littéraire européen,
par rapport à d’autres héritages bien existants qui en seraient plutôt les remblais.

Mais ces héritages auraient pu ne pas s’imposer : d’autres littératures anciennes ont
fait “naufrage”. Cela est d’autant plus vrai que la Grèce n’était pas unifiée politiquement et
que le latin n’était qu’un dialecte parlé dans le Latium, mais entouré de bien d’autres dialectes.

Leur chance a été de se trouver à la confluence de deux projets universalistes : Rome et


le christianisme. En effet, Rome a annexé la culture grecque et a permis au latin de se diffuser à
travers ses conquêtes. Malgré sa disparition au niveau politique, Rome reste la ville éternelle
pour les chrétiens et le latin sera sauvegardé.

La Grèce a été sauvée par Rome ; Rome a été sauvée par le christianisme ; et l’Europe
était née.

9 Il faut prendre ce terme dans son premier sens : conforme aux origines premières.
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2.1. L’héritage grec.

Les Grecs ont inventé tous les genres littéraires. La littérature grecque a même reconnu
une valeur littéraire à la diversité de ses dialectes : chaque style littéraire a sa langue.

2.1.1. L’épopée et la question homérique.

L’Iliade et l’Odyssée ont toutes les deux été écrites en 24 chants par un certain
Homère. Ces deux aventures parlent des mêmes personnages ayant un rapport avec la guerre
de Troie et les textes sont linguistiquement et stylistiquement très proches.

Cependant, on y découvre des contradictions internes et les sujets des deux livres sont
très différents (l’Iliade parle d’un combat alors que l’Odyssée parle du retour d’Ulysse dans
son pays). De plus, les valeurs humaines, héroïques, religieuses et sociales sont très
différentes.

Il est probable que l’Iliade et l’Odyssée forment une anthologie. C’est une
rationalisation littéraire de dépôts légendaires cousus entre eux et organisés par un rhapsode
que la tradition a appelé Homère.

On retrouve souvent dans les textes que Homère était atteint de cécité. Or, cet attribut
était donné à des personnes ayant un statut spécifique comme les prêtres, les poètes, les
philosophes,... tous capables de se concentrer sur les réalités internes de l’âme. C’est sans
doute pour cette raison qu’on le dit aveugle.

2.1.1.1. L’Iliade.

L’Iliade nous conte l’histoire du siège de Troie, mais pas dans son entièreté. En effet, il
manque les causes de la guerre et la fin (que l’on retrouve dans l’Odyssée).

Briséis est enlevée par Agammemnon au détriment d’Achille. Celui-ci refuse de se


joindre au combat pour la récupérer et c’est pourquoi les grecs ne parviennent pas à la victoire
au début. Les dieux demandent à Achille de reprendre le combat. Il envoie dans un premier
temps son meilleur ami qui se fait tuer. Il est dès lors obligé de prendre le commandement des
troupes et les victoires s’enchaînent jusqu’à la mort d’Hector.

2.1.1.2. L’Odyssée.

Ulysse est le véritable héros de l’Odyssée (il est d’ailleurs éponyme de l’oeuvre).
L’histoire raconte son retour de la guerre de Troie, mais il n’apparaît que très tard dans le récit
qui commence par la quête de Télémaque pour retrouver son père.

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Poursuivi par la vengeance de Poséidon, il erre sur les mers et affronte un univers
(marin) monstrueux. Il arrive sur l’île de Calypso avec laquelle il reste un certain temps. Il
arrive chez les Phéaciens, à qui il raconte son histoire et ils le reconduisent chez lui.

A la fin du poème, Ulysse retrouve Pénélope et écarte les prétendants.

2.1.1.3. Analyse rapide de l’oeuvre.

Dans ces deux épopées, on retrouve un certain sens de l’humanité. Il existe un rapport
bien établi entre les dieux et les hommes. L’homme ne peut agir sans le consentement des
dieux. C’est ce que l’on appelle le déterminisme divin

On remarque également un amour irrépressible de la vie humaine. Ulysse aurait pu


rester chez Calypso et recevoir l’immortalité mais il préfère retourner à Itaque, chez Pénélope.
Il préfère vivre chez les hommes que chez les dieux.

Les valeurs de l’héroïsme évoluent également. Dans l’Iliade, on vante les mérite du
héros guerrier, alors que l’Odyssée est plutôt l’apologie du héros “courtois”.

Ces œuvres sont aussi considérables sur le plan technique. Le rythme de ces deux
livres sera celui de toutes les épopées qui suivront. Le style formulaire, la tempête, la
reconnaissance, sont les canons de l’épopée.

2.1.2. Le théâtre.

2.1.2.1. La tragédie.

La tragédie est un moyen d’expurger ses sentiments. Toute tragédie contient donc un
certain sens de la mort qui est son centre.

Les tragédies sont également des célébrations religieuses en l’honneur de Dyonisos,


dieu de la vie. Lors des grandes dionysies, l’archonte de la cité d’Athènes demandait à trois
poètes d’écrire chacun une trilogie et un drame satirique. Au terme de la fête, le meilleur poète
était sacré.

C’est pour cette raison que l’on peut dire que la tragédie est une célébration civique.

1200 tragédies sont écrites à l’époque classique, mais on n’a conservé que 7 pièces
d’Eschyle (alors qu’il en a écrit 80), 7 pièces de Sophocle (alors qu’il en a écrit 100) et 17
pièces d’Euripide (il en a écrit 100) pour ne citer que les plus importants.

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a. Eschyle.
Eschyle (-526 à -456) est le premier à introduire un deuxième acteur. C’est un poète
théologien, relatant les rapports entre les hommes et les dieux.

Son lyrisme est audacieux et grandiose : “Les rires innombrables des flots”. Il est
révolté par l’injustice de la condition humaine, engagée dans l’hérédité du crime. Dans
“Prométhée enchaîné”, il dénonce l’injustice des dieux envers les hommes.

b. Sophocle.
Sophocle (-496 à -406, Athènes) est contemporain du siècle d’or en Grèce : le siècle de
Périclès. Il apporte des valeurs civiques nouvelles et avait des responsabilités civiles.

On lui connaît un cycle de Troie et un cycle de Thèbes (Œdipe, Antigone). Il introduit


un troisième acteur et fait descendre la tragédie du ciel sur la terre. Il analyse les rapports des
hommes entre eux. L’homme n’est plus condamné à subir son destin sans le comprendre. Le
destin est la conséquence d’actes commis par des hommes responsables10.

Les conflits de valeurs ont aussi une grande place dans son œuvre.

c. Euripide.
Euripide est contemporain de Sophocle mais est très différent de lui. Philosophe lui
aussi, il ne prenait pas part aux affaires de la cité.

Il met en scène les passions humaines, c’est pourquoi son théâtre est violent. Il sera
imité par Sénèque notamment.

Euripide se fait peintre de l’amour heureux ou déçu.

2.1.2.2. La comédie.

La comédie est une critique sociale et politique, permettant aussi de rendre un culte à
Dyonisos : la comédie est un cortège en son honneur.

Elle est toujours liée au vin, à la fête et à l’érotisme, mais se divise entre l’ancienne
comédie, dure et violente, et la nouvelle comédie, plus douce et plus bourgeoise.

a. Aristophane.
Appartenant à l’ancienne comédie, il fait une critique mordante de la société de son
temps. Il n’hésite pas à écrire un plaidoyer pour la paix, rêve d’une citée idéale et à critiquer
Socrate et Euripide11. Surtout, il était misogyne.

10 Œdipe est d’ailleurs accablé par le destin parce qu’il cherche à comprendre les causes de son destin.
11 Il estimait que son théâtre était indécent.
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b. Ménandre.
Ménandre est de la deuxième moitié du 4°s. av. n.è. et appartient plutôt à la nouvelle
comédie, plus bourgeoise, critiquant un certain type d’hommes.

Il se fait peintre des mœurs privées. Il crée un type littéraire qui sera imité par des
latins (Térence) et Molière.

2.1.2.3. La poésie lyrique.

Ce genre littéraire a donné naissance à de nombreuses formes poétiques d’aujourd’hui.


Il se développe dans le courant du 7° et du 6°s. av. n.è. et s’intéresse à la vie quotidienne des
hommes dans le sens le plus large du terme : victoire d’un champion, élections, habitudes,…
En bref, tout ce qui relève du cœur et du sentiment.

Cette poésie peut être monodique (chantée par un poète s’accompagnant d’un
instrument à corde du type barbiton ou lyra), ou chorale (chantée par un chœur accompagné
d’instruments à vent du type aulos).

Les nombreux genres lyriques se définissent par le dialecte utilisé.

a. Lyrisme ionien.
L’élégie a un mètre particulier, le distique élégiaque permettant d’exprimer des choses
violentes. Mimnerme donnera un caractère tendre à ces élégies et c’est ce sens qui a subsisté
jusqu’à nos jours.

Les ïambes possèdent aussi un mètre particulier (une syllabe brève et une longue) leur
conférant un ton très agressif. Un des grands représentant du genre est Archiloque.

b. Lyrisme lesbien.
Le lyrisme lesbien possède une forme poétique très répandue aujourd’hui : le poème
par strophes. Il exprime des sentiments variés : la délicatesse, la joie de vivre, et même la
sensualité dans la poésie de Sappho.

Alcée développe une strophe qui lui est spécifique et qui connaîtra un grand succès
jusque dans l’Antiquité tardive.

Sappho était une grande poétesse de l’Antiquité. Elle raconte les vertiges physiques de
l’amour, la beauté de l’aube, du soir,…

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2.1.2.4. L’histoire.

On évacue le mythe au profit de l’événement pur. L’histoire est en fait une recherche
par les yeux.

a. Hérodote.
Il est le père de l’Histoire. Il a écrit “Histoires ou exposé d’une recherche”. Il confère
une réalité humaine à ce qui était hors du monde grec (Égypte, Perse,…). Son livre a été une
référence pour tous les voyageurs jusqu’à la Renaissance.

Il supprime toute notion de déterminisme divin et remarque que c’est l’environnement


direct d’une population qui l’influence (mer ou montagne).

C’est la première fois que l’on écrit en prose. La prose deviendra donc le véhicule de la
pensée, de la démonstration.

b. Thucydide.
Thucydide est le père de la science historique. Cet homme politique était aussi
écrivain et nous a laissé “La guerre du Péloponnèse”. Il affiche un regard critique vis à vis de
ses sources et pratique une véritable autopsie de la vie humaine.

Il complète le travail d’Hérodote. Il fait disparaître tout ce qui a trait au mythe dans
son oeuvre et tend à démontrer que les choses évoluent de façon mécanique.

Cependant, son oeuvre s’inscrit véritablement dans la littérature : l’Histoire était un


genre littéraire ; il fallait romancer les faits. En cela, il est différent des historiens
contemporains.

2.1.2.5. L’éloquence.

L’éloquence est l’art de la parole publique et de la persuasion. Dans le monde antique,


celui qui était capable de tenir un discours était très bien considéré. Il va de soi que l’éloquence
se développe sur l’agora et le forum.

Démosthène est le véritable modèle de l’orateur antique : il est à la fois homme public
et homme de lettre. Il est acteur et rédacteur des faits de son temps. C’est un fervent
défenseur de la liberté athénienne.

Dans les Philippiques il harangue le peuple contre Philippe II de Macédoine et dans les
Olynthiennes, il prend en exemple la ville d’Olynthe, qui a été soumise, pour inciter le peuple
à se défendre.

Dans tout ses écrits, l’éloquence subsiste : c’est un art de penser que l’on utilise dans
le cadre judiciaire, d’apparat,…
- Introduction aux principales littératures européennes -
14
Durant la période de l’Antiquité, pour penser correctement, il faut satisfaire à
l’éloquence. On doit écrire comme on parle et tous les hommes de lettre de l’Antiquité ont été
de grands orateurs.

2.1.2.6. La philosophie.

Les Grecs ont inventé la philosophie comme discours de la pensée sur elle-même. La
philosophie a partie intimement liée avec la littérature. En effet, on analyse la pensée en
l’écrivant.

a. Platon.
Platon a amené la philosophie au rang de sagesse. La philosophie fait accoucher les
esprits, elle fait paraître la vérité qui est en nous.

b. Aristote.
Aristote considère la philosophie comme une science. Il faut, selon lui, analyser tout
ce que l’on pense.

c. Plotin.
Au 3°s. ap. JC, Plotin prolonge l’oeuvre de Platon. Il adopte la philosophie comme
mystique et c’est ce qui donnera naissance au néoplatonisme.

d. Plutarque.
Plutarque adopte la philosophie comme art de vivre. Il va épingler certains
personnages qui doivent servir de modèle à chacun. Il compare beaucoup les auteurs grecs aux
auteurs latins.

Plutarque sera l’auteur le plus lu jusqu’au 16° siècle.

2.2. L’héritage latin.

2.2.1. Liminaires.

La littérature latine n’invente aucun genre à l’exception du roman et de la satire. Elle se


contente d’assimiler et de renouveler les genres grecs.

La littérature latine est d’abord la littérature de Rome. Les Romains ont toujours
reproduit ailleurs ce qu’ils connaissaient chez eux, à tous les niveaux de la vie. C’est pour cela
qu’il n’y a pas de dialecte propre à chaque genre littéraire. La langue utilisée était le latin.

La conscience culturelle romaine s’est construite au contact de la Grèce. La première


littérature latin est une littérature de traduction. Le premier texte latin est la traduction de
l’Odyssée (cfr. supra)

- Introduction aux principales littératures européennes -


15
2.2.2. Le lever de rideau.

Rome est une civilisation de spectacle. Il faut en être bien conscient pour comprendre
que ce ne pouvait être qu’eux qui inventent la satire.

2.2.2.1. La satire.

La satire est le seul genre proprement romain. L’éthymologie de ce mot nous donne
“mélange, pot-pourri”. C’est donc un spectacle où on trouve de tout, mais où tout est
improvisé. Ce genre a un véritable aspect critique, voire railleur. Bizarrement, on ne connaît
que deux auteurs de ce genre : on n’aime pas écrire le théâtre, même s’il se retrouve à tous les
coins de rue.

a. Plaute.
Plaute nous a livré une comédie haute en couleur, utilisant des personnages grecs pour
rire des moeurs romaines. Il apparaît cinq siècles après la littérature grecque et écrit
exclusivement de la comédie.

b. Térence.
Térence nous offre une comédie plus BCBG où le dialogue l’emporte sur la truculence.
Le titre de ses pièces est toujours grec.

2.2.3. Le temps de Cicéron.

Cette période reprend essentiellement le 1° siècle av. JC. Elle connaît une littérature de
combat et de passion. Toute cette époque est marquée par de grands personnages, dont
Cicéron.

2.2.3.1. Cicéron (106 à 43 av. n.è.)

Cicéron a été tué par les soldats de Marc Antoine. Il a été le romain par excellence. Il
s’est fait serviteur de l’histoire et homme de lettres. Son oeuvre est très marquée par
différentes influences.

C’est l’oeuvre d’un penseur (dialogues philosophiques sur l’amitié, la République, les
lois, l’art oratoire, la nature des dieux,…) et d’un homme politique (Catilinaires, discours sur
Catilina ; Philippiques, 14 discours critiquant Marc Antoine), les deux étant étroitement liés.

Il amène la langue latine à une sorte de perfection classique.

2.2.3.2. César.

César nous a livré une littérature de combat et de passion. Il deviendra un modèle pour
tous les grands créateurs d’empire des générations suivantes.
- Introduction aux principales littératures européennes -
16
L’homme est devenu un véritable mythe. Un mythe politique parce qu’il fait le lit du
régime impérial ; un mythe moral parce qu’il est le symbole de la liberté ; un mythe littéraire
par sa façon d’écrire et d’écraser tout le monde.

César peut se définir de différentes façons : une manière d’être sans scrupule, un
soldat de génie, un témoin de lui-même, un homme de lettre (guerre des Gaules, d’Afrique,
mais aussi écriture de tragédies et de traités de grammaire).

2.2.3.3. Catule.

Sa littérature peut se résumer en deux mots : passion et lyrisme. Il écrit de la poésie


épique et y décrit l’importance de l’individu dans sa vie quotidienne. C’est de là que naît la
poésie de Bergers ou d’utopie.

En -66, il écrit La chevelue de Bérénice, une tendresse alexandrine. En -64, il réalise


une petite épopée : “Les noces de Thétis et Pélée”. Puis, il s’adonne au genre lesbien, genre de
passion et tourmente.

Sa poésie est très attentive à la structure. Il invente l’expression littéraire de l’amour.

2.2.3.4. Lucrèce.

Lucrèce est un philosophe et un poète. Il est l’auteur de “De rerum natura”, un


épopée philosophique en six chants, portant sur la genèse des choses. C’est une épopée
didactique : on y apprend comment est né le monde. Il donne une explication rationaliste et
mécaniste du onde, formé par la rencontre des atomes.

Il prône le désengagement politique et critique les passions humaines, dont l’amour. Il


invite les hommes à rester paisibles.

C’est un poète épicurien : il chante la pensée d’Epicure. Il faut se débarrasser de


toutes ses craintes. Il a un esprit laïque mais pas athée. Il estime que les hommes et les dieux
ont des vies séparées, qui n’entrent pas en connexion.
En effet, le combat d’Epicure allait à l’encontre des superstitions, de la crainte des
dieux et de la mort.

Lucrèce est donc loin de la pensée dominante de l’époque, c’est-à-dire d’une poésie
désengagée qui proclame la vanité de l’héroïsme et l’illusion de l’immortalité.

2.2.4. La période de l’Empire.

A son début correspond l’avènement de la paix. Auguste est considéré comme un


grand libérateur. Il fait véhiculer l’idée qu’il est le nouveau fondateur de Rome. C’est le
nouveau Romulus.

- Introduction aux principales littératures européennes -


17
Il prône un retour aux grandes traditions romaines parce qu’on essaie de trouver des
raisons pour continuer à vivre. Pour cela, trois écrivains vont servir la cause de l’Empire.

2.2.4.1. Virgile.

Virgile raconte l’origine mythique de Rome. C’est la référence littéraire absolue du


règne d’Auguste.

Il est né à Mantoue (70 à 19 av. n.è.), ce qui montre que les auteurs latins ne viennent
plus seulement de la capitale. Fait important : il a assisté au triomphe d’Auguste à Actium.

Il écrit “Les Bucoliques”, dont la quatrième est très connue. C’est la poésie des
bergers et de l’Arcadine. Les paysages sont très stéréotypés. Sa deuxième oeuvre majeure est
“Les Géorgiques”, poème didactique sur les métiers de la campagne.

Virgile est également l’auteur d’une “Enéide”. La structure de cette oeuvre reproduit
ce mouvement symétrique qui fonde la grandeur de la nouvelle ville dans la mort de l’ancienne.
Il a fallu que Troie disparût dans les flammes pour que Rome naquit.

L’auteur latin avait demandé qu’on détruisit son oeuvre qu’il jugeait imparfaite.
Auguste n’a pas accédé à ce souhait qui nous aurait privé d’un des textes fondateurs de
l’humanisme occidental.

Virgile possède l’art de dire les choses les plus communes dans des expressions
fulgurantes. Il a connu un grand succès dans l’Antiquité tardive et au Moyen-Âge. Dante s’est
inspiré de la descente aux enfers pour sa Divine Comédie.

2.2.4.2. Horace.

Horace est le poète du présent. Il est véritablement au service du nouveau pouvoir. Il


fait partie (tout comme Virgile d’ailleurs) du cercle de Mécène. Il est le premier poète lyrique
latin par la richesse des idées, la beauté de la forme, la variété des rythmes.

Il a renouvelé la satire et créé l’art de la lette en vers dans ses “Épîtres”. Dans les
“Odes”, il mêle la sagesse romaine au raffinement de l’esprit grec12 . Il définit ce qu’est la
poésie dans son “Art poétique”. Avec Horace, nous ne sommes plus du tout dans une lecture
linéaire.

On l’a souvent classé parmi les épicuriens, mais en réalité, il a toujours été un fervent
partisan du juste milieu. L’amour doit être paisible ; on exclut le coup de foudre, les
caprices,…

Sa véritable maxime est “nunc” qui signifie maintenant. Il ne faut pas perdre son temps
à prévoir un avenir qui appartient aux dieux.
12 C’est l’immortalisation du poète métamorphosé en cygne qui porte son vol chez les peuples les plus éloignés.
- Introduction aux principales littératures européennes -
18
Horace affirme avoir créé un “monument” plus durable que toutes les constructions
humaines. Il associe son oeuvre poétique à l’éternité de Rome.

2.2.4.3. L’amour comme valeur littéraire.

a. Les élégiaques.
Tibulle et Propèrce reprennent également le thème de l’amour, mais pas dans le
même sens qu’Horace : la vie amoureuse prend des airs d’engagement personnel et total. Ils
affirment préférer Vénus à Mars. La femme aimée des élégiaques les fait tourner en bourrique.

Tibulle fut le plus tendre des poètes latins. Dans ses Élégies, il chante la jeune Délie et
le calme de la vie champêtre, avec des accents de sincérité parce qu’il n’a que rarement recours
à la mythologie.

A l’inverse, Properce use de toutes les ressources mythologiques et rhétoriques dans


ses Élégies (quatre livres, comme Tibulle). Il y chante son amour pour la courtisane Cynthia.
Son oeuvre respire l’érudition.

b. Ovide.
Ovide est certainement le maître de l’amour en littérature. L’art ressemble au hasard.
Mais attention, les arts de la séduction et de la poésie ne s’improvisent pas : ils sont des
formes résultantes d’un manière de vivre.

Dans les “Amours”, son “Art d’aimer” et les “Remèdes à l’amour” sont des élégies
célèbres dédiées à Corinne. Ovide s’y donne le rôle de l’amant et se déclare maître d’amour.

Les Héroïdes sont les premières lettres d’amour que l’on ait conservé. Les femmes
abandonnées de la mythologie crient leur détresse aux héros qui les ont abandonnées.

Les Métamorphoses sont une anti-épopée par la forme et par le contenu. Elles sont
composées d’une centaine de légendes formant finalement un récit. Ovide crée un univers
poreux qui efface les frontières entre l’humain et le divin. Le poème illustre l’entropie
constitutive du monde en changement perpétuel, par opposition à l’esthétique augustéenne de
l’ordre et de la hiérarchie.

C’est peut-être ce qui a décidé Auguste à exiler Ovide, mais ce ne peut être la seule
raison.

2.2.4.4. Tite-Live.

Tite-Live est le principal producteur de prose durant cette période. Dans son Histoire
romaine de 142 livres, il raconte l’histoire de Rome, de la fondation de la ville à l’actualité
augustéenne.

- Introduction aux principales littératures européennes -


19
Il est obligé d’historiciser des légendes ; il met en scène l’histoire. Selon lui, l’histoire
doit édifier les coeurs plutôt qu’établir des faits. C’est pourquoi il fait parler ses personnages,
amplifie un événement dramatique, et “représente” certains épisodes. L’histoire est une
oeuvre oratoire.

Tite-Live est en quelques sortes la morale de l’histoire : il juge les actes et n’insiste que
sur les instants qui ont fait la gloire de Rome.

Son approche de l’Histoire pourrait se rapprocher de la citation d’Yves Duteil :


Ce n’est pas ce qu’on fait qui compte, c’est l’histoire !

2.2.5. Le Haut-Empire : Le temps des démesures.

Cette période va de la mort d’Auguste à la fin du règne de Commode : de 14 à 192 ap.


JC. Elle voit le renouvellement et la création (roman et biographie) des genres littéraires.

L’homme a fait taire les dieux ; il est devenu l’un des leurs. On est préoccupé par le
question du salut personnel. Le cosmopolitisme permet à la culture romaine de s’ouvrir à de
nouveaux horizons.

Toutes les œuvres, pour mériter d’être lues, doivent répondre aux exigences de la
rhétorique.

Pourtant, l’heure des premiers bilans arrive, comme le font remarquer certains
intellectuels.

2.2.5.1. Sénèque.

Sénèque sera précepteur de Néron. Il aurait aimé mettre en place un roi-philosophe,


mais son élève deviendra plutôt un modèle de tyran.

Il a hérité son art de la formule et de la rhétorique de son père, Sénèque le Rhéteur. Il


met la philosophie stoïcienne au chevet des passions humaines. Il analyse au scalpel les
profondeurs de l’âme.

Dans Lettres à Lucilius, il se fait directeur spirituel. Il crée un théâtre tout à fait en
phase avec les préoccupations de son temps, tant au niveau du contenu que de la forme. Il
privilégie l’inconscient au destin inéluctable des dieux. Il s’intéresse surtout au caractère de ses
personnages, à leur intérieur. Il fait du théâtre “voyeur”. Il dépeint la folie, la douleur et les
crimes ; il s’intéresse à la parole des monstres.

Il sera condamné par Néron à s’ouvrir les veines, comme l’ont fait nombre de ses
personnages face à l’horreur de leur crime13.

13 Sénèque était compromis dans une conjuration dirigée contre Néron.


- Introduction aux principales littératures européennes -
20
2.2.5.2. Tacite.

Dans les Annales, Tacite a réussi à compromettre définitivement la mémoire de Néron.


Proche de l’empereur Trajan, il ne s’est pas pour autant montré servile apologiste du régime.
Il était plutôt la conscience historique de l’Empire.

Dès le Dialogue des orateurs, écrit vers 81, il critique le mauvais usage de l’éloquence
fait par les orateurs pour glorifier l’empereur.

Dans La vie d’Agricola et La Germanie, il établit une reconnaissance des


cultures
barbares, allant plus loin que les préjugés habituels.

Le pouls des dysfonctionnements de l’Empire est pris dans les Histoires et les
Annales. L’historien parle peu, il nous livre une vision neutre des faits.

2.2.5.3. Lucain.

Lucain est le neveu de Sénèque. La Pharsale est une épopée que l’on pourrait qualifier
d’anti-Enéide.

Virgile chantait l’origine mythique de Rome, la lumière et les espérances d’un monde
naissant et surtout, son épopée était divine.

Lucain donne une origine historique de l’Empire, peint la nuit et le désespoir d’un
monde finissant et les dieux n’interviennent pas dans son récit. Seul ce qui est humain est
merveilleux depuis le choc des Titans (César, Pompée et Caton). L’héroïsme est foncièrement
laïque.

Il se complaît dans une rhétorique de l’horrible, dans la description sanglante et


violente, sinon macabre et morbide.

2.5.2.4. Le roman.

Le Satyricon de Pétrone est le premier roman à proprement parler. L’ouvrage est un


mélange de vers et de prose ; mélange fortement disproportionné. L’oeuvre est caractérisé par
un certain baroquisme (rappelons que nous sommes dans une époque d’excès) et métissage.
La prose devient le nouveau vecteur des aventures.

Nous n’avons conservé que peu de parties de cette oeuvre, mais les passages les plus
connus sont certainement ceux du Festin chez Trimalcion14 du poème de la Guerre civile15ou
encore le conte de la Matrone d’Ephèse16.

14 Tableau satirique et caricatural des débauchés et des petites gens à la table d’un riche affranchi.
15 imitation parodique de la Pharsale de Lucain.
1 6 Une femme perd son mari et décide de s’enfermer dans le tombeau où elle est courtisée par un soldat.

- Introduction aux principales littératures européennes -


21
Ses personnages sont ordinaires ou paumés et vivent dans un monde interpole et
cosmopolite. Il use d’une langue truculente, au réalisme brutal.

Apulée reprend la veine romanesque engagée par Pétrone et écrit un étonnant roman
d’aventures : Métamorphoses ou l’Ane d’or.

Son roman parle de magie et d’initiation. Le Conte d’Eros et de Psyché est un récit
dans le récit. Le fantastique est le moteur du récit. Les personnages évoluent dans un monde
marginal. Ce roman est une “oeuvre ouverte”, laissé à l’appréciation de chaque lecteur.

3. LES RACINES CELTIQUES.

3.1. Notions historiques.

Même si les Celtes de l’Antiquité n’écrivaient pas, ils avaient quand même une
littérature orale. On s’en souvient facilement parce qu’elle répète fréquemment les mêmes
sons.

C’est en Irlande, au 5°s. ap. JC., que l’on retrouve les premiers textes (celtiques) écrits
en latin. Peu après, les Romains quittent l’Angleterre et les Celtes, mais en leur laissant un
héritage important : celui de l’écriture17 mais aussi du christianisme.

C’était au 1° siècle ap. JC. qu’a commencé la conquête de la Grande-Bretagne par les
Romains. Pendant environ 400 ans, ils ont développé une réelle complicité ; les Celtes
participaient au gouvernement en Angleterre. Ce n’est qu’au 4°s. ap. JC que les Anglo-Saxons
débarquent en Angleterre. Les Celtes émigrent alors en Irlande, en Écosse et en Bretagne.

Vers 600, les Celtes reviennent en Angleterre pour mener une conquête spirituelle :
celle du christianisme. Ils apportent aux Germains une vision du monde plus optimiste.

Des moines deviennent des “spécialistes de l’écriture”. Les scriptorium sont les salles
consacrées à la préparation des manuscrits par ces moines. Au 7°s. les moines celtes sont
venus en Angleterre avec ces ouvrages.

St Augustin de Canterbury arrive lui aussi en Angleterre, envoyé par Rome.


Cependant, son action sera peu importante par rapport à celle des moines . Ces derniers se
sont rendus dans toute l’Europe (en Pologne, en Belgique, en Suisse,…)

Chez les Celtes, exceptés les moins, beaucoup de gens étaient analphabètes. La
littérature étaient d’abord de langue latine, parce que c’étaient surtout des livres religieux
(Bible) et des textes officiels, voire des récits littéraires.

17 Notons que les druides possédaient déjà un système d’écriture.


- Introduction aux principales littératures européennes -
22
3.2. La littérature en langue celte.

La langue celte, le gaélique, est une langue très difficile à apprendre, parce qu’elle est
très différente des langues romanes. Jusqu’à l’arrivée des Romains, la littérature celtique était
orale, nous l’avons vu.

Il faudra attendre les 7° et 8°s. pour qu’on commence à l’écrire. Mais pour la
connaître, il faut étudier des manuscrits du Haut Moyen-Âge datant des 11° et 12°s. On doit
donc reconstituer la langue celtique d’avant cette période.

3.2.1. Cúchulainn, héros courtois.

Cúchulainn est le héros principal de la littérature celte. C’est un homme presque


invulnérable ; seul un petit endroit dans son dos est sensible. Il cherche à partir car il sait que
s’il reste, il sera tué. Il parle des femmes.

C’est la grande différence entre la littérature celtique et la littérature germanique : dans


la première, les femmes interviennent, alors que dans la seconde, on ne retrouve aucune
présence féminine.

L’histoire de Cúchulainn est écrite 600 ans avant l’époque du roman courtois en
France.

Cfr. “La mort de Cúchulainn”

Cúchulainn est un héros pour lequel l’avis des femmes est très important. Il se
comporte véritablement comme un chevalier courtois. C’est un héros chevaleresque avant la
lettre.

Seamus Heaney comparait l’Angleterre à un homme menaçant envers la femme qu’est


l’Irlande.

Ces réflexions viennent du fait que la culture celtique est une culture matriarcale.
Souvent, c’est une femme qui devient chef de tribu ou reine. L’Irlande, terre d’accueil, a
toujours eu beaucoup de respect pour les sentiments des femmes.

3.2.2. Une exagération comique.

Cependant, il y a une certaine exagération épique dans le récit de Cúchulainn. Les


grossissements en deviennent parfois grotesques. Une place est également faite à la magie. Ce
goût pour le surnaturel est présent dans toute la littérature celtique et Merlin en est le plus
grand représentant.

- Introduction aux principales littératures européennes -


23
L’humour tient également une place très importante dans le récit. On ne prend pas
trop au sérieux le grossissement épique. Quand on écoute un récit irlandais, on rigole
beaucoup et on boit beaucoup.

En conclusion, on retrouve ici une littérature très amusante, qui sera à la base des
littératures européennes. Les sorciers de Harry Potter sont empruntés aux traditions de la
littérature celtique.

3.3. Les racines germaniques.

3.3.1. La littérature islandaise.

Cette littérature peut être divisée en deux genres : le genre des Eddas et celui des Sagas.
On les identifie mal parce qu’ils ne correspondent à aucune période spécifique.

3.3.1.1. Les Eddas.

Les Eddas sont deux recueils de récits mythologiques (surtout) et historiques (un peu).
Ils ont été retrouvés en Islande et sont écrit en vieux Norwa.

Le premier Edda est poétique et écrit en vers. Le second est celui de Snorri Sturlason
qui apprend à rédiger des textes au 13°s. Le contenu est axé sur l’origine du monde, de
l’univers, des dieux, des hommes et des femmes, et des héros.

Cfr. “Prédiction de la Voyante”

Cet épisode, parlant de l’origine du monde, a peut-être été influencé par le


christianisme, mais on dépeint un monde très différent de celui des chrétiens. Ce n’est pas un
dieu qui a créé les choses ; ce sont les Géants qui aiment le chaos et la destruction. C’est la
raison pour laquelle les hommes sont entourés de chaos et de noirceur.

Le Chaos et les Géants sont très caractéristiques de la culture germanique. Nous


sommes entourés de chaos ; c’est le premier âge où il n’y avait rien. La Terre du Milieu est
celle des hommes. Tout ce qui l’entoure est le chaos.

C’est une différence importante avec le christianisme qui a placé des jardins partout
hors du monde des hommes. Cependant, il y a un “Adam” et une “Eve” germaniques : Askr et
Embla. Trois ases18 (ou dieux) viennent après les Géants. Mais leurs victoires sont
temporaires. Le Chaos reviendra.

Les Géants sont grands et forts alors que les hommes sont petits et faibles.
Cependant, ces derniers sont dotés d’un cerveau.

18 Référence à la Trinité.
- Introduction aux principales littératures européennes -
24
Les dieux, puissants et bienveillant, s’amusent et donne un peu d’esprit, de sang et de
sens aux hommes. Mais leur existence est très temporaire. C’est la naissance du destin et de la
fatalité germanique.

3.3.1.2. Les Sagas.

Les Sagas sont des récits essentiellement en prose qui retracent la vie d’un personnage
mémorable. La différence principale avec les futurs récits chevaleresques, c’est que la fin est
toujours tragique.

3.3.2. La littérature allemande.

Le Chant des Nibelungen date du 13°s. ap. JC. C’est l’histoire d’un homme, Siegfried,
d’une femme surhumaine et belle, Brunhild, et d’une autre femme : Kriemhild.

On est plongé sur les bords du Rhin, en Allemagne. Siegfried veut conquérir Brunhild,
mais celle-ci se marie avec Günther, ce qui oblige Siegfried à prendre les traits de son rival
pour la séduire. Tout cela n’est pas très courtois. Ces bourgons s’opposent tous par des
querelles familiales.

Le roi achète la confiance de ses sujets avec des cadeaux. A la fin de l’histoire, c’est un
homme d’une autre culture qui remporte la belle. Il conquiert le pays des Bourgons et la
femme.
Les querelles sont une caractéristique importante de la littérature allemande. Elles sont
plus importantes que le respect des femmes. La vengeance est plus souvent motivée par les
liens du sang que par l’amour et la passion.

Le monde germanique est un monde patriarcal.

Au 19°s., l’histoire de ce Chant devient le thème principal de Wagner. Ce dernier était


apprécié par les leaders du Nazisme parce qu’il encensait l’idée que les hommes germaniques
étaient supérieurs.

Mais dans le Chant, il n’y a pas cette supériorité germanique. Il y a la supériorité du


héros, mais pas de la race. Cette tradition a été reprise par le nazisme et les romantiques, dont
Wagner.

3.3.3. La littérature anglo-saxonne.

On retrouve dans cette littérature un peu plus de lumière, d’espoir et d’humour.


Cependant, la fin est également fataliste : c’est la défaite inéluctable.

- Introduction aux principales littératures européennes -


25
3.3.3.1. Le premier poème anglais.

Caedmon écrit le premier poème anglo-saxon au 7°s. C’est une louange de Dieu, une
célébration de la joie, conséquence de la création du monde. Dieu a tout fait d’une façon
extraordinaire et formidable. Il est considéré comme un grand mathématicien.

Après le repas, il était de coutume de chanter des poèmes. Mais Caedmon s’éclipsait à
chaque fois, ne sachant comment chanter. Un ange lui vient dans ses rêves tourmentés et lui
récite le poème de la Création qu’il restituera par après.

Le monde a été créé pour les hommes par Frea tout puissant. Il révèle qu’il y a un but
dans la Création : rassurer les hommes et les femmes en leur apportant la culture. Le monde
est un lieu accueillant et le ciel est un toit protecteur.

3.3.3.2. Beowulf et son message d’espoir.

Beowulf est un héros germanique d’origine suédoise. Il apparaît au 6°s. ap. JC., mais
le manuscrit que l’on a retrouvé le mentionnant date du 10°s., lequel est écrit dans une langue
datant du 8°s. L’histoire reprend des éléments de la mythologie germanique. Le mythe de
Beowulf a des origines païennes, mais son message va évoluer vers la chrétienté.

Dans le monde qui y est décrit, tout va bien jusqu’à l’arrivée d’un monstre s’emparant
de trente hommes pour les manger. Ce monstre s’appelle Grendel, et vit dans les marais.

Le jardin cultivé des hommes se trouve au centre du monde. Ils ne se sentent pas
menacés grâce à leur foi, mais avec Grendel, les dangers germaniques reviennent.

Le roi germanique sait qu’il ne pourra venir seul à bout de ce monstre et fait appel à
Beowulf. Celui-ci arrive de Suède et se bat en confiance, sans utiliser d’autre arme que sa Foi.
Le message est clair : il faut croire pour y arriver.

Beowulf remporte le combat en arrachant un bras à Grendel. Puis, il va attacher ce


même bras au sommet d’une des tours du palais.

Les caractéristiques de ce récit sont typiquement anglo-saxonnes. Il est plein


d’humour (anglais) et d’optimisme même si à la fin, Beowulf est tué.

Il gagne encore un combat contre la mère du monstre, puis retourne en Suède pour
devenir roi. Même âgé, il part combattre un dragon dans ses terres et est blessé durant le
combat. Il mourra de ses blessures. Nous avons là l’aspect tragique de l’oeuvre : le destin
gagne toujours.

La forme poétique de cette légende est intéressante à observer : l’auteur utilise la


technique du vers germanique allitéré. Il répète les mêmes sons au début de chaque syllabe

- Introduction aux principales littératures européennes -


26
accentuée. Il y a 4 syllabes accentuées par vers, coupé par une césure. Avant la césure, on
retrouve deux fois le même consonant ; après, seule la première syllabe accentuée reprend le
même consonant que précédemment.

3.3.3.3. Une littérature encore actuelle.

On pourrait se demander quel est l’intérêt de lire encore cette littérature ancienne.
Tout simplement parce qu’elle n’est pas si ancienne que ça : elle a été remise à la mode vers
1930 par JRR. Tolkien et son Seigneur des Anneaux.

Vers 1930 également, WH. Auden, un poète, s’est également intéressé à cette
littérature et a remis le vers germanique à la mode. Il reprend les thèmes des anciennes
épopées et des élégies et fut surnommé “the Sage of Anxiety”.

3.4. La matière de Bretagne.

La “matière de Bretagne” reprend la littérature de Bretagne et de Grande-Bretagne. Ce


terme a été utilisé pour la première fois par Jean Bodel au 12°s. De la même façon, il désignait
la matière de France - reprenant la chanson de geste, de Roland - et la matière de Rome -
roman de l’Antiquité.

Le grand héros de cette littérature est le roi Arthur. C’est un chef celtique d’une tribu
locale ayant réuni autour de lui plusieurs tribus pour parer les invasions germaniques du 6°s.
Ce petite héros local est devenu le chef des chefs et un héros mythique de la civilisation
occidentale.

Il est devenu une légende bien avant le 12°s., mais on n’en sait pas grand chose avant
qu’un auteur ne nous en livre sa propre perception.

3.4.1. Geoffroy de Monmouth (Wales)

En 1136, Geoffroy de Monmouth transforme le chef celtique en héros mythique dans


“Histoire des rois de Bretagne”.

Le problème, c’est qu’il fait commencer l’histoire de la Bretagne avec Troie, ville de
l’Antiquité. C’est absolument faux : les racines britanniques ne viennent pas d’Asie Mineure.

Il décrit le roi Arthur comme étant le roi le plus puissant de Bretagne, s’étant fait
remarqué par sa ferveur dans la défense de sa culture contre les invasions germaniques. Il était
aidé par un mage puissant : Merlin.

Mais pendant l’absence du roi Arthur, un de ses vassaux le trahit : Mordred. Ce


dernier s’allie avec Morganne, une fée très puissante, servant les forces du mal.

- Introduction aux principales littératures européennes -


27
C’est là un trait majeur de la matière de Bretagne qui est déjà présent chez de
Monmouth : la magie fait partie intégrante de la tradition celtique.

3.4.2. Wace.

Wace est un écrivain normand. Il publie en 1155 “Le Roman de Brute”, du nom de
Brutus, le fondateur de l’Angleterre. Il écrit son histoire en roman et pas en latin.

Il a retracé la généalogie incroyable des rois de Bretagne et ajoute à la légende un point


majeur : les chevaliers de la Table Ronde. Par là même, il fait entrer une dimension courtoise
dans la légende.

3.4.3. Layamon.

Layamon reprend la légende arthurienne vers 1200. Il écrit un véritable manifeste anti-
Normand, en Anglais. La dimension courtoise est moins marquée, mais le roi Arthur est
toujours présent.

C’est à la suite de cela qu’Arthur devient le héros le plus important de la nation.

3.4.4. Malory.

Malory est un anglais du 15°s. qui réalise la plus grande synthèse jamais faite des
récits du roi Arthur. Sa version est à la base de centaines de romans et de films arthuriens.

Cependant, sa synthèse n’a rien de réjouissant. Elle est morose, pessimiste. En fait,
elle est marquée par le contexte politique de l’époque : l’échec de la guerre de 100 ans et la
guerre des roses entre les différentes familles nobles.

Dans les légendes arthuriennes, la courtoisie prend une place importante. L’homme
doit se féminiser et c’est probablement Édouard III qui illustre le mieux l’image de l’homme
civilisé et courtois.

3.4.5. De la mauvaise utilisation du mythe...

Extrait de “Excalibur”.

Les Américains ont récupérer la légende arthurienne pour témoigner d’un optimisme.
Les forces du mal sont visibles. Les chevaliers blancs sont libres ; l’individualité est permise.
Ce sont deux valeurs fortes aux États-Unis.

Arthur est un héros d’épopée que se sont appropriés les Américains qui arborent la
même mentalité que ce héros.

- Introduction aux principales littératures européennes -


28
La conjugaison de ces deux choses (les chevaliers blancs et la défense de la liberté) ont
produit le fait que les États-Unis sont maintenant les gendarmes du monde. Arthur, petit chef
celtique est devenu un roi puissant. C’est la même chose aux USA : un cow-boy peut devenir
président.

Le Moyen Âge européen en Orient et en Occident

1. LA LITTÉRATURE HÉROÏQUE ET LA POÉSIE LYRIQUE (10° AU 12°S. AP. JC.).

1.1. Notions historiques.

En Europe occidentale, nous sommes en pleine période de mutation grâce aux progrès
de la technologie. On invente le collier pour le cheval de trait, la charrue. Les réserves et les
capacités de production augmentent.

Le développement économique suit, de même que le développement démographique.


De nouveaux artisanats apparaissent, de même qu’une nouvelle industrie.

L’expansion guerrière est permanente. La poussée des croisades donne naissance à de


nouveaux contacts avec une autre culture. Les idéaux changent ; le concept du chevalier
apparaît. L’héroïsme, l’établissement de la paix, l’idéal de pacification deviennent les valeurs
de l’époque.

Le guerrier devient noble, l’artiste de confiance. Les contacts établis entre l’Orient et
l’Occident vont influencer l’art. Il y a fusion, contamination de l’Orient en Occident. Il y a
véritablement échange ! On est fasciné par l’orient.

1.2. Au niveau de la littérature...

Les littératures de l’Empire arabe et byzantin connaissaient un lyrisme d’amour qui


voyait dans l’homme un élément actif et dépendant ; alors que la femme était passive et
souveraine. Cette idée est arrivée en Occident par la Sicile et l’Espagne.

Au 11°s. apparaît en Languedoc une poésie d’amour courtois, écrite en langue d’Oc.
C’est une manière de civiliser l’amour. Cette littérature s’impose d’abord dans les milieux de
la noblesse.

C’est en Aquitaine que naissent les premiers poèmes français, des chants qui racontent
l’amour courtois. Ils étaient chantés par des troubadours19 qui s’accompagnaient eux-mêmes
d’un instrument.

19Celui qui trouve, invente et découvre les bonnes formules pour approcher de la bonne manière l’objet (la
femme).
- Introduction aux principales littératures européennes -
29
Dans le nord de la France apparaissent les chansons de geste ; véritables poèmes de
l’idéal chevaleresque, mais ne faisant jamais allusion aux femmes. Une des plus connues est la
Chanson de Roland.

En conclusion, ces trois siècles ont vu l’apparition d’une autre conception de l’homme
et de la civilisation, une autre esthétique.

Ce sont aussi des mutations importantes qui ont donné naissance à de grands genres
littéraires répondant à d’autres valeurs.

C’est entre la fin du 10°s. et le début du 13°s. ap. JC. que s’établissent les langues
modernes.

L’Humanisme

1. L’ITALIE : LES PRÉMICES DE LA RENAISSANCE.

1.1. La Renaissance : convergence de deux facteurs.

Aux 13° et 14° s., on observe de grandes mutations dans les réalités littéraires,
intellectuelles et linguistiques, lesquelles aboutiront à ce que l’on a appelé la Renaissance.

Celle-ci a débuté en Italie et est le fruit de deux convergences majeures : l’influence


orientale (grecque) et la puissance de l’argent (mouvement décisif en Occident).

1.1.1. L’influence grecque.

L’influence grecque est de nature intellectuelle, philosophique et littéraire. En bref,


c’est une influence artistique, purement culturelle.

La Grèce, c’est l’Empire romain d’Orient. On y parle grec, et c’est là que perdure la
tradition de l’Empire romain. On y retrouve une grande stabilité dans l’organisation du
pouvoir et de la culture.

Mais l’Islam s’est étendu et a conquis une bonne partie de l’Empire. Notons que la
deuxième croisade sera orientée vers Constantinople ! On a ramené de nombreux objets. Par
exemple, la basilique St Marc, à Venise, possède un trésor essentiellement constitué d’objets
“volés” dans l’Empire romain d’Orient. C’est de cette façon qu’entre 1204 et la fin du 13°s.
que la Grèce transfère son bagage culturel vers l’Italie et vers Venise (qui est quand même la
puissance commerciale de l’époque).

Au 13°s, de nombreux savants émigrent en Occident. Ils arrivent à Venise puis en


Italie du Sud et dans le centre. C’est la renaissance de la culture grecque, puis la réactualisation
de la connaissance du passé grec (grâce aux bibliothèques qu’ont apportés ces savants).
- Introduction aux principales littératures européennes -
30
Commence alors en Italie une certaine nostalgie de la Grèce et la conviction qu’il faudra aller
plus loin.

1.1.2. La libéralisation de l’argent.

Cette libéralisation est un fait de commerce, d’industrie et de pouvoir. La banque naît


et se développe. Des familles, des villes, des régions gagnent plus de pouvoir et plus
d’emprise sur le réel. Ils devront justifier ce pouvoir par une excellence dans le domaine
culturel.

La société médiévale du 12°s. voit circuler beaucoup d’argent, mais celui-ci est limité
dans son usage à certaines régions et contrôlé dans sa fiabilité par des instances religieuses20.

Le prêt à intérêt n’existe pas encore ; il est interdit par l’Église. Les chrétiens ne
pouvaient pas se vendre leurs services. Seuls les non-chrétiens pratiquaient le prêt à intérêt et
notamment les Juifs21. Mais à partir du 13°s., le prêt à intérêt se pratique dans le monde
chrétien.

Du coup, celui qui fait l’argent, le contrôle également ! Puis, l’argent devient libre. On
prête comme on veut et à qui on veut. L’Eglise fixe un taux maximum d’intérêt.

Les riches se mettent à prêter et deviennent banquiers. Ils pratiquent le prêt à intérêt
et le crédit22. C’est une révolution économique : on prête pour des investissements.

Des villes deviennent des puissances d’argent, puis des puissances politiques. Celles-
ci doivent légitimer leur nouveau pouvoir par du prestige ou de la gloire. Ils ne pouvaient se
retrancher derrière la religion, mais vers la science et la culture.

Ils optent pour une culture qui se voit discrètement : celle des sciences utiles et des
arts raffinés (beaux-arts, littérature, histoire ancienne) puisant abondamment dans la culture
grecque.

C’est par là que commence la Renaissance européenne, en Italie. C’était naturel


puisque les plus puissants se trouvaient à cet endroit. Peu à peu, la Renaissance s’exporte,
d’abord vers la France, puis vers le Nord (Allemagne, Angleterre, pays Scandinaves). Mais il
faudra attendre le 15°s. pour que l’Espagne se sensibilise à l’idéologie renaissante.

Au 16°s., toute l’Europe est renaissante, mais le processus du “retour à l’Antiquité”


avait commencé bien avant.

20 C’était le rôle de l’Ordre des Templiers. Ils contrôlaient et mesuraient les transferts d’une région à l’autre.
21 C’est ce qui leur a valu cette réputation d’avares.
2 2 Prêt ciblé sur l’industrie de commerce, donc productrice d’argent.

- Introduction aux principales littératures européennes -


31
1.2. Dante Alighieri (1265 - 1321).

Dante vient de Florence, la capitale de Toscane. Cette commune se refuse à garder un


souvenir de noblesse. Celle-ci était très mal considérée (inéligible et non-électrice) à moins
qu’elle renonce à son statut. Et c’est ce que va faire Dante. Pour “s’embourgeoiser”, il entre
dans la corporation des apothicaires.

La ville de Florence était imbue de l’idéal républicain. Le pouvoir était électif et


temporaire. Le pouvoir s’exerce à 12 et le président change tous les trois mois, ce qui offre
une sécurité relative. Le contexte politique de la ville ne ressemble absolument pas à ceux du
13°s. L’artisanat et le commerce ont des allures exportatrices (produits de luxe). Elle forme
des liens d’alliance et de dépendance avec d’autres cités.

La différence entre la ville et la campagne est flagrante.

Dante est un citadin, intelligent, cultivé et ambitieux. Il n’est pas soumis à l’ordre
établit. Il fait ses primaires, puis ses secondaires. Il fréquente ensuite les écoles supérieures
attenantes aux Églises23 où les cours se donnent en latin bien sûr.

Il entreprend des études de théologie. Très tôt, il se fait connaître comme poète en
latin et en langue toscane.

Il a des vues sur son propre avenir et épouse une jeune fille d’une des grandes familles
détenant le pouvoir. Grâce à ce mariage, il est propulsé dans la politique. A 25 ans, il est au
sommet de la commune, parmi les 12 qui dirigent la ville.

Cependant, sa carrière politique tourne mal à cause de la Querelle des Investitures.


Dante était partisan du partage du pouvoir temporel qui revenait à l’empereur, du pouvoir
spirituel que devait détenir le Pape.

Toute l’Italie est divisée sur la question, mais il faut savoir que le Pape fait largement
pression sur le peuple et qu’il veut absolument le pouvoir de démettre les rois. Dante,
partisan d’un équilibre commet une erreur stratégique et est interdit de séjour dans sa ville
natale dès l’âge de 30 ans.

A 18 ans, il publie déjà certains de ses poèmes. La ville est soucieuse de garantir sa
puissance économique et politique, au même titre que son prestige culturel. Dante est
considéré comme un fleuron de sa génération et est encouragé à écrire. C’est ce qu’il fait en
s’inscrivant dans le cadre de son époque : l’amour courtois.

Il faut savoir qu’un des maîtres de Dante écrivait en langue d’Oc. Dante écrit en
dialecte toscan, ce qui flatte les gens de Florence qui s’estiment dès lors aussi bons que les
romains ou les grecs.

23 On ne parle pas encore d’universités.


- Introduction aux principales littératures européennes -
32
L’usage était, pour un poète courtois, de s’inventer (parfois d’avoir) une dame idéale
nommée, qui justifie son inspiration et à laquelle ses poèmes sont dédiés. La muse de Dante
était Béatrice24. Il la met en scène dans deux grandes œuvres : La Divine Comédie et la Vita
nuova.

1.2.1. La Divine Comédie.

La Divine Comédie est un chant proche de l’homme de village, des origines. C’est
Boccace qui, au 14°s., donnera le qualificatif de “divine” à l’oeuvre parce qu’il la considère
comme une sorte de perfection, mais aussi parce que son propos est spirituel.

Le texte fait plus de 12 000 vers, répartis dans 100 chants. La structure s’établit
comme suit : un prologue ; 33 chants en Enfer ; 33 chants au Purgatoire et 33 chants au
Paradis. Dante a pour compagnons de voyage Virgile, Béatrice, puis St Bernard de Clervaux,
que Dante considérait comme le plus grand de tous les saints.

Ce voyage est une initiation progressive aux grands mystères du monde tels que la
religion les a mis en oeuvre. Béatrice devient celle qui suscite l’inspiration poétique. Elle fait le
lien entre la poésie et la sainteté.

Cette oeuvre complexe apparaît comme le point d’appui sur lequel bascule le Moyen-
Âge vers les Temps Modernes. C’est une oeuvre de transition. Tout est centré sur la
contemplation des choses éternelles ; le lecteur est plongé dans un voyage fantastique.
L’itinéraire et l’enseignement que l’on en retire son consacré à l’existence terrestre de
l’humanité. C’est le côté humaniste de l’oeuvre.

1.2.2. La vita nuova et les œuvres latines.

Dans la Vita Nuova, Dante décrit la nouvelle vie que peut procurer l’amour. L’amour
qui élève l’âme à une sensibilité qui est la clef de cette nouvelle vie.

Il écrit aussi des œuvres en latin : De Monarchia et De Vulgari


eloquentia dans
laquelle il établit une défense en latin de la légitimité d’écrire en italien.

1.3. Pétrarque (1304 - 1374).

Pétrarque est d’origine florentine, mais il est né à Arezzo. Il a vécu son enfance et sa
jeunesse en Avignon25, puis se retire à Fontaine-de-Vaucluse.

Il a été élevé en trois langues : l’italien, la langue d’oc et le latin. Il perd sa mère à l’âge
de 16 ans. A cet âge, il était déjà latiniste chevronné ; il écrit une éloge funèbre à sa mère en
latin. Il maîtrisait déjà parfaitement la langue et le vers.

24 Celle qui donne le bonheur, la béatitude, une certaine forme de sainteté.


25 Son père était notaire pontifical et au 14°s., les papes étaient à Avignon.
- Introduction aux principales littératures européennes -
33
Pétrarque entame des études de droit et son frère sera religieux. Sa formation est très
élaborée. Vers 30 ans, il se demande ce qui lui manque et se rend compte que c’est le grec.

On l’appelle le père de l’humanisme, non sans raisons. Il va devenir le porte-parole en


Italie des humanités gréco-latines. Ces dernières seront le socle de la formation européenne
durant 4 siècles !

Il a une activité politique et insiste pour que soit créé une nouvelle République à Rome
afin que les papes y reviennent. Pour lui, Rome doit rester éternelle et la présence des papes
garanti cette immortalité.

Son activité culturelle n’est pas en reste. Son oeuvre fait briller les pouvoirs en place.
Il écrit d’abord en latin parce qu’il n’est pas convaincu que l’italien persiste comme une
grande langue. Cependant, peu à peu, il se tournera vers la langue de son pays.

1.3.1. L’oeuvre latine.

Dans “De otio religiorsum”, que l’on pourrait traduire par “Le loisir des clercs”, il
pose la question de savoir quelles sont les priorités dans la vie pour un clerc. C’est l’éternelle
question de la contemplation ou de l’action.

Une autre oeuvre remarquable : “De utriusque fortunae” que l’on pourrait traduire par
“Du sort heureux ou malheureux”. Il se pose vraiment en philosophe et en homme littéraire.

1.3.2. Le chansonnier.

Il Canzionere est une oeuvre en italien qu’il a retravaillée neuf fois ! Sa dame s’appelle
Laura. Elle a le même rôle que la Béatrice de Dante. Elle résume toutes les puissances de
transformation du génie de l’homme.

Ce recueil est composé de 100 poèmes parce que 1 se trouve sur le rang des centaines
et que zéro n’est pas un nombre. Pétrarque accordait beaucoup d’importance à la symbolique
des nombres.

Le nom de Laura fait évidemment référence au monde grec. Le laurier était l’arbuste
d’Apolon, le symbole de la puissance de l’inspiration politique et poétique. Laura appelle,
convie et rassemble la civilisation grecque tout entière. Elle est le symbole des
métamorphoses. Grâce à elle, le poète devient immortel.

Pétrarque chante sa patrie, l’Italie, terre privilégiée qu’il faut absolument visiter.

- Introduction aux principales littératures européennes -


34
1.4. Boccace.

1.4.1. Biographie.

Boccace est lui aussi un florentin, ce qui n’est pas un hasard ; nous avons déjà dit que
Florence était une ville extrêmement importante du point de vue des arts.

Dans sa jeunesse, Boccace fait deux expériences qui vont le marquer :


la banque. Son père était directeur d’agence et Boccace a donc fait des
“humanités économiques”.
il migre à Naples, suivant son père qui veut fonder une nouvelle banque.
Naples est une monarchie princière, très éloignée de l’idéal républicain que l’on
connaissait à Florence. Là-bas, les dames apparaissent sous les traits de Diane :
elles sont complètement idéalisées, mais en faisant référence à une déesse.

Il a la fibre littéraire et annonce à son père, à l’âge de 18 ans, qu’il ne tient pas à
reprendre une banque. C’est un drame, mais il rencontre le succès très tôt26. Il est un des
premiers aussi à vendre ses œuvres. Il touche des droits de reproduction sur ses œuvres et
obtient des moyens de subsistance.

Il rencontre le succès surtout auprès des femmes. Ces dernières constituent un


nouveau lectorat. En effet, grâce à l’augmentation des richesses, les femmes ne s’occupent
plus du ménage. Elles ont du temps et prennent plaisir à se cultiver. Boccace a compris cela et
sert aux femmes ce qu’elles aiment.

A 30 ans, il rencontre Pétrarque et c’est la révélation. Il se “convertit” à l’humanisme


et à la science. Son “Encyclopédie de la mythologie gréco-latine” est un ouvrage de référence
qui sera consulté pendant très longtemps.

C’est Boccace qui insiste pour que l’on crée une chaire de grec à Florence.

1.4.2. Decameron.

Cependant, le début de son oeuvre est “étranger” à cette conversion. Son


“Decameron” est un recueil de 100 contes, enchâssés dans un récit qui permet la
vraisemblance de leur connexion : dix jeunes gens se réfugient en dehors de Florence alors que
la peste sévit dans la ville. Ils s’enferment pendant dix jours (decameron) et chacun doit
raconter un conte par jour (ce qui fait bien un total de 100).

On remarque trois phases dans l’oeuvre, mais il y a aussi une continuité : on regarde
comment l’amour se manifeste. Il n’y a pas de dame et on tourne autour du thème de l’amour
courtois.

26 Remarquons que le succès est très différent du prestige.


- Introduction aux principales littératures européennes -
35
Au second plan, on remarque que l’amour peut aller du bestial au spirituel ; et que
l’intelligence peut se mettre au service de l’argent, de même que l’argent et que les réalités de
la vertu (vertu religieuse principalement).

2. LES XVI ET XVII SIÈCLES.

La littérature de ces deux siècles a été très importante au niveau de l’influence des
idées sur la période d’aujourd’hui. Nous allons dresser ici un inventaire rapide des auteurs qui
ont marqué ces deux siècles, mais pour plus de détails, on se référera au volume 7 de
l’anthologie “Patrimoine littéraire”.

2.1. Christophe Colomb (1451-1506)

En 1492, Colomb découvre les Amériques. Ce n’est qu’un demi découverte parce qu’il
pense avoir trouvé une autre route pour les Indes. Cette découverte marque le début de notre
propre conscience moderne : la Terre est ronde !

Si beaucoup de gens connaissent l’explorateur, peu en revanche connaisse l’écrivain. Et


pour cause, ce n’était pas un grand écrivain, mais il nous a quand même laissé un Journal de
Bord et des Lettres.

2.2. Machiavel (1469-1527)

Ce Florentin a joué un rôle déterminant pour l’ensemble des Temps Modernes. Il a


produit une oeuvre d’humaniste (il écrit en latin et en italien) et une oeuvre d’historien
(commentaires sur l’oeuvre de Tite-Live et l’écriture de l’histoire de Florence).

En italien, il nous a laissé La Mandragore, une pièce de théâtre comique, et Le Prince.


C’est à cause de cette oeuvre qu’on le qualifie d’inventeur de l’efficacité du cynisme politique.

Étant donné que le pouvoir politique ne peut s’obtenir que lorsqu’il est reconnu par
tous, il y avait un aspect de transcendance du pouvoir27 qui existait depuis l’Antiquité.

Machiavel, dans son Prince, part d’une figure de son temps (un Borgia) et développe
une philosophie politique qui n’a plus rien de transcendant et qui est basée sur l’efficacité
pratique.

Cependant, il est bien conscient qu’il y a toujours un aspect d’indétermination,


d’imprévisible dans le comportement de l’homme. Il le sait bien parce qu’il a été chef de
l’administration à Florence. Il sait qu’on manipule les gens pour obtenir de l’efficacité.

27 Tout pouvoir vient de Dieu.


- Introduction aux principales littératures européennes -
36
Pour lui, l’imparable efficacité vient de la convergence entre les énergies de la nature et
les situations historiques. Sinon, ça ne peut pas marcher. Il fait entrer en jeu une logique
politique astrologique28.

Toute la politique va devenir machiavélique. Sa devise est :

La fin justifie les moyens.

Machiavel invente le fonctionnaire moderne : c’est celui qui accompli rigoureusement


la loi, convaincu qu’elle est faite pour le bonheur de tous.

2.3. Balthazar Castiglione (1478-1529)

Castiglione a travaillé à la cour des Este, à Ferrare. Il nous a laissé Le livre du


courtisan qui est un parfait manuel et guide de conduite de celui qui veut être à sa place dans
la société de son temps.

En effet, on n’a pas détruit la féodalité ; on l’a enrégimentée, elle est devenue
dépendante du pouvoir absolu. La hiérarchie nobiliaire est une pyramide fondée sur son
sommet : le roi. Pour légitimer sa noblesse, il fallait être un courtisan, servir son roi.

La première des conformités décrite dans Le livre est justement celle du service du roi.
Après vient la relation à l’égard des femmes. Il y a là l’influence de la courtoisie, mais la dame
n’est plus placée sur un piédestal : elle entre dans un dialogue véritablement égal.

Enfin, le noble est, à l’origine, celui qui gère la question de la guerre et de la paix. Mais
à cette époque, la guerre perd de son pouvoir. Le courtisan doit simplement être un bon
cavalier, un bon escrimeur et doit être endurant. Il est fort et habile.
On cultive maintenant l’art de la paix : c’est le début de la guerre en dentelle.

Au 18°s. se développeront les jeux de société : les cartes et les dames, bien sûr, mais
aussi les charades, les énigmes et les bourrimées, sortes de challenges de la poésie.

Toutes les virtuosités apparaissent et le courtisan se doit d’être un virtuose, plein de


talents.

2.4. Thomas More (1477-1535)

More est un anglais qui écrit en latin et en anglais. C’est un savant humaniste
connaissant le latin et le grec. C’est un spécialiste du monde juridique. Il a eu le malheur de
s’opposer au divorce d’Henri VIII, ce qui lui a valu d’être emprisonné puis décapité.

28 L’astrologie va “pourrir” la vie des siècles à venir et s’imiscer partout.


- Introduction aux principales littératures européennes -
37
Il est l’auteur d’Utopia, donc l’initiateur d’un genre qui sera souvent copié par la suite.
Il a écrit ce livre pour manifester un certain idéal du monde tel qu’il se présenterait s’il était
gouverné par des philosophes.

L’utopie est une proposition de stabilité pour l’esprit par rapport aux modifications
qui se passaient dans le monde à cette époque. Il pose un regard de philosophe, un regard
mesuré, pour évaluer le réel.

Thomas More est aussi un juriste révolutionnaire. Il donne une dimension nouvelle à la
justice en établissant une distance entre la réalité juridique et la réalité vitale.
Mais il est également un humaniste au sens propre : il estime qu’il faut éduquer les filles de la
même manière que les garçons au point de vue de l’esprit. C’est là encore une idée
révolutionnaire. Il faudra d’ailleurs attendre le 19°s. pour qu’elle soit acceptée et le 20°s. pour
qu’elle soit appliquée.

2.5. Erasme (1467-1536)

Ce personnage immense connaissait Thomas More. Il jouera un rôle décisif sur les
plans théologique, philosophique, philologique, littéraire et dans le développement de
l’édition et de l’imprimerie.

Il a rénové la pratique et la conception de la référence intellectuelle. L’argument


d’autorité, qui était décisif, est relégué est au second plan, derrière l’esprit critique.

Suivant cette démarche, il revoit la traduction latine de la Bible par St Jérôme, y décèle
des incohérences, les relève et demande à ce qu’elles soient corrigées. C’est là l’essentiel de
son oeuvre de philologue.

Sur le plan philosophique maintenant, il établit une distinction entre ce qui appartient
à la Foi et ce qui appartient à la Raison. Il est le fondateur de notre manière d’être aujourd’hui.

2.6. Copernic (1473-1543)

Cet ecclésiastique est un humaniste complet écrit en latin. Il a fait des études de
mathématiques, de théologie et de médecine.

Il va formuler une nouvelle vision du monde : l’héliocentrisme. Cela bouleverse les


esprits et ne sera démontré qu’avec Galilée.

Ce génie extraordinaire est aussi le premier à réfléchir sur la monnaie. Il démontre dans
son Traité de la Monnaie qu’elle est le régulateur des équilibres économiques et politiques.
La monnaie et le principe de la paix entre les nations.

La littérature du 16°s. se définit par ce “Beau Savoir Dire Vrai”.

- Introduction aux principales littératures européennes -


38
2.7. Luther (1483-1546)

Luther est un des fondateurs du Protestantisme. Sa traduction de la Bible en allemand


donne une nouvelle mesure à cette langue.

Il a laissé un héritage important : des Propos de table dans lequel il a écrit tout ce qui
lui passait par la tête, toutes ses réflexions personnelles sur toutes sortes de choses.

Dans un tout autre domaine, il joue également un rôle important dans le


développement de la musique allemande.

Luther est le premier à affirmer qu’on ne peut cultiver le sentiment religieux sans une
prise directe de la langue maternelle de la conscience. C’est cette idée que reprendront les
nationalismes du 19°s.

2.8. Calvin (1509-1564)

Comme Luther, Calvin affirme la nécessité de sa langue : le français. Il promeut un


théâtre biblique dans lequel il fait une transformation des mystères du Moyen-Âge.

2.9. François Rabelais (1483? - 1553)

Rabelais est un homme d’Eglise, un humaniste. Il est médecin, mais aussi théologien et
philosophe. Il nous a livré Gargantua, Pantagruel, le Tiers Livre et le Quart Livre.

On peut vraiment dire qu’il assure la transition entre le Moyen-Âge et la Renaissance.


Il joue sur le rire et met tout à distance critique en passant par l’ironie.

Il utilise le mythe germanique d’anciens géants et les transpose dans un univers


contemporain. Il garde leurs caractéristiques “magiques” et les confronte à tout ce qui naturel à
l’homme. Son oeuvre a une dimension très critique et nous apporte une solution : la totale et
absolue affirmation de la liberté individuelle pour chaque homme et chaque femme.

2.10. Michel-Ange (1475-1564)

Ce génie des beaux-arts était aussi un maître de la poésie et un écrivain épistolaire. Il


écrit, en italien, des sonnets qui le placent en digne héritier de Pétrarque

Il estime que le sonnet est une forme poétique parfaite. Son inspiration est fondée sur
l’amour. L’art est une modalité de l’amour. Si on aime, on devient artiste et on ne peut pas ne
pas penser que le monde est fait d’amour.

- Introduction aux principales littératures européennes -


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2.11. Montaigne (1533-1592)

Les Essais constituent l’oeuvre emblématique de ce maire de Bordeaux. Il a un rôle très


important dans le développement de la pensée.

Il a été éduqué en latin et n’apprend le français qu’à l’âge de 12 ans. A la mort de son
père, il décide de vivre de ses rentes et commence à lire beaucoup.

Son écriture est caractérisée par une recherche de l’intériorité. Il faut toujours expliquer
pourquoi : pourquoi on écrit, ce que l’on veut dire…

2.12. Cervantès (1547-1616)

Cervantès s’engage dans une carrière militaire. Il lit beaucoup (pour éviter de
s’ennuyer) avant la bataille de Lépante où il est blessé et perd l’usage d’un bras. Suite à cela, il
est fait esclave à Alger pendant cinq ans.

Il devient enfin écrivain et se lance dans des poèmes bucoliques, mythologiques


auxquels on ne comprendrait plus grand chose aujourd’hui. Il écrit aussi des pièces de théâtre,
même s’il n’est pas un grand dramaturge.

Son oeuvre majeure a été écrite en deux fois : la première partie en 1605 et la seconde
en 1615, dix ans plus tard. Elle s’intitule Don Quixote de la Mancha.

Il crée un personnage solitaire, emprunt de l’idéal chevaleresque et courtisan. Il part


pour réaliser son idéal et va trouver François la Panse pour lui demander d’être son écuyer.
Tout au long du roman, l’idéal et la réalité qui compte vont s’opposer.

Dans la version de 1605, le roman s’achève sur une aventure. Le succès est complet. Il
y a une réédition la même année et on commence à le traduire l’année suivante.

Cervantès prend de la distance envers ses protagonistes. L’ironie est omniprésente,


même si les personnages se prennent au sérieux.

Voyant le succès du roman, un autre écrivain reprend l’histoire là où elle s’était


arrêtée. C’est pourquoi Cervantès écrit et publie en 1615 la deuxième partie de Don Quixote
dans laquelle il critique ce qu’à fait le Don Quixote de l’usurpateur et fait finalement mourir
son héros.

- Introduction aux principales littératures européennes -


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3. DE CHAUCER A SHAKESPEARE…

3.1. Geoffrey Chaucer.

3.1.1. Biographie.

Chaucer est contemporain de la deuxième moitié du 14°s. Il est mort en 1400 et est
connu pour avoir écrit les “Contes de Canterbury”.

Ce fils d’un riche négociant en vin a été éduqué à la Cour et devient fonctionnaire,
chargé de récolter l’impôt sur la laine. Sa fonction lui permet d’être en contact avec
l’agriculture et les cités commerçantes.

Il côtoie aussi le monde de la Cour. Il est fait prisonnier pendant la guerre de 100 ans
et on dit que c’est le roi lui-même qui a payé sa caution. En fait, il appartient à tout les
milieux, sans vraiment leur appartenir. C’est le signe de grands écrivains (pensons à Kafka,
Joyce, Beckett…)

Chaucer était un grand intellectuel et a rencontré Boccace. Influencé par lui, il a créé un
cadre dans lequel il peut mettre plusieurs contes. Il découvre aussi que dans le “Roman de la
Rose”, il y a deux parties : une partie enthousiaste et une partie qui se moque du monde
courtois. Dans ses contes, il fera intervenir différentes classes sociales.

3.1.2. Les contes de Canterbury.

L’original est écrit en vers, mais les traductions sont faites en prose pour plus de
clarté. Dans ces contes, Chaucer fait un constat : on vient à Canterbury pour voir le reliquaire
de Thomas Beckett, la victime d’Henri II. La raison qui pousse ces gens à faire ce pèlerinage
est sans doute une recherche de spiritualité, mais aussi une recherche de sexualité.

L’humour contenu dans cette oeuvre provient de cette ambiguïté. Un chevalier,


personnage noble, et un meunier, personnage grotesque, sont mis en présence. Le meunier
raconte des légendes, des fabliaux en faisant de nombreuses allusions sexuelles, ce qui tranche
avec la courtoisie des autres parties du récit, racontées par le chevalier.

Nous avons vu que Dante, dans sa Divine Comédie nous mène aux cieux en suivant un
chemin évident. Le chemin que parcourent le chevalier et le meunier pour aller à Canterbury
est sinueux, semé d’embûches et finalement, lorsque le récit se termine, on se retrouve dans un
lieu un peu perdu, relativement éloigné de Canterbury.

Chaucer est sans doute plus réaliste que les Renaissants que sont Boccace et Dante.
Partout, il semble laisser une grande place au hasard.

- Introduction aux principales littératures européennes -


41
3.2. Tyndale et les Bibles anglaises à Anvers (1526-1536).

Cette partie du cours est sans doute le chapitre le plus important pour le cours de G.
Latré. En effet, aucun livre n’a été plus vendu que la Bible anglaise de la version de 1611 : la
“King James Bible”.

Mais pour arriver à cette version de 1611, les hébraïstes se sont basés sur la traduction
de Tyndale (mort sur le bûcher à Vilvoorde en 1536). Son oeuvre a laissé à la langue anglaise
de nombreuses expressions et l’a fortement influencée. D’un point du vue plus large, l’oeuvre
de Tyndale a influencé la société et la politique de l’Europe toute entière.

Tyndale s’était donné comme objectif de faire connaître les Écritures à un grand
nombre de personnes. Il a donc fait sa traduction de la Bible, mais hors d’Angleterre29. Il
commence son travail en Allemagne luthérienne puis à Anvers, ce qui était plus pratique pour
exporter son ouvrage imprimé.

William Tyndale est un humaniste : comme Erasme, il veut donner au laboureur l’accès
à la connaissance.

Note : pour les notes relatives à cette partie du cours, se référer au fichier “Tyndale”
du dossier “Littérature européenne”.

3.3. William Shakespeare.

3.3.1. The Globe Theater.

Le “Globe” est un théâtre en bois, circulaire. Il n’est pas possible d’y créer des scènes
réalistes : il n’y a pas de quatrième mur.

L’espace réservé à la scène correspond à un tiers de la surface du théâtre. C’est


gigantesque, mais il ne faut pas oublier que des spectateurs étaient assis sur le bord de la
scène.

Le thème principal de Shakespeare, c’est que le monde entier est un théâtre. Faire du
théâtre, c’est créer des images, une illusion. L’histoire qui est présentée a beau sembler réelle,
la conclusion démontre que rien de ce qu’on a vu ne s’était passé.

29 Il était absolument interdit de traduire les Écritures.


- Introduction aux principales littératures européennes -
42
3.3.2. Henry V ou les pièces historiques.

Shakespeare a écrit différentes pièces qui prennent un accent nationaliste. Henry V est
certainement celle qui illustre le mieux ce genre.

Ce roi est considéré comme étant le meilleur que l’Angleterre ait jamais connu, meilleur
même qu’Elisabeth I. Il a battu les Français à Asincourt et c’est ce qui lui vaut un tel prestige.

Le dramaturge a créé un mythe en l’honneur de sa nation.

3.3.3. Hamlet ou les tragédies.

Les tragédies constituent certainement la partie la plus importante de l’oeuvre de


Shakespeare. Il écrit Hamlet en 1600 et le message est clair : on craint que la succession
d’Elisabeth I ne soit difficile (les tensions religieuses pourraient reparaître, les questions de
successions devraient être abordées…)

Cette pièce est aussi l’occasion de critiquer les nationalismes trop poussés.

Hamlet est mal à l’aise dans l’univers. Il sait que dans le ciel, quelque chose ne marche
plus. Copernic a révélé au monde que le soleil ne tourne pas autour du monde. C’est cette idée
révolutionnaire qui est illustrée dans le début de la pièce.

Si l’Italie passe à l’anthropocentrisme après que Galilée a prouvé les théories de


Copernic, l’Angleterre n’est pas convaincue que l’homme est la mesure de tout. Hamlet - et
avec lui, toute la patrie de Shakespeare - est perdu dans l’univers copernicien.

De plus, Hamlet est déçu par le monde. Il le déteste et se serait suicidé si ce n’était pas
défendu par l’Eglise30.

Des événements externes menacent le royaume, mais Hamlet considère le problème


sous un autre angle : la vraie menace qui plane sur le Danemark, c’est cette union entre son
oncle et sa mère et qui dévalorise la nation toute entière.

Claudius, s’il semble triste de ce qui est arrivé à son frère, ne joue qu’un jeu. Il l’a tué
et s’est empressé d’épouser sa veuve. Claudius et Gertrude font passer leur bonheur avant
toute chose, la nation passe après. Ils ont peur de Laerte et de Hamlet qui ont tendance à
critiquer ce qu’ils voient.

30 Nous parlons ici de l’Eglise catholique : l’action se déroule au Danemark.


- Introduction aux principales littératures européennes -
43
Dans les pièces de Shakespeare, le danger qui menace les rois vient toujours du peuple,
de leurs sujets. La dynastie d’Elisabeth I a très bien compris ce message. Ce n’est pas pour
rien que Claudius a peur de Wittenberg, la ville de Luther, et pas de la France qui enseigne la
bonne religion catholique31. D’ailleurs, Oratio est considéré comme dangereux parce qu’il a été
à Wittenberg et qu’il réfléchit à ce qu’il voit - même s’il ne comprend pas tout.

Hamlet est aussi mal à l’aise dans sa famille. Il a des problèmes avec son oncle, puis
avec Ophélia, quand il lui annonce qu’il ne l’aime plus, que c’est une putain. Cet épisode
illustre bien un fait de l’époque : les femmes sont soit idéalisées, soit diabolisées.

Mais le héros idéalise aussi son père : il parle de lui comme un homme accompli, tout à
fait en accord avec les exigences de la Renaissance. Par contre, il déteste son oncle.

Hamlet se déteste lui-même et cela s’exprime dans ses monologues. C’est ce dégoût de
sa personne qui est la véritable cause de son dégoût pour Ophélia.

A la fin de la pièce, les personnages importants meurent et on enterre les cadavres.


C’est tragique : on savait que c’était la seule issue possible.

La question récurrente que se pose Shakespeare et qui apparaît clairement dans


“Hamlet”, c’est :

To be or not to be

3.3.4. Les comédies.

Il ne sera pas question ici des comédies shakespearienne, mais elles ont comme
particularité de se terminer généralement par un mariage.

Le Classicisme européen

1. INTRODUCTION.

En 1660, Louis XIV prend les rênes de l’Etat français pour 55 ans. Quelque chose
change. Le roi décide de tout et le classicisme apparaît sous son impulsion.

Cet période fait évidemment référence à l’âge d’or. Il faut savoir que la conception du
temps n’a pas toujours été linéaire, comme dans nos sociétés actuelles, et comme le
confirment la cosmologie et la physique.

En fait, la plupart des civilisations qui ont formalisé le temps le considère comme
quelque chose de cyclique. On commence par un âge d’or, période fantastique où l’homme est
en harmonie parfaite avec le monde. Puis, l’âge d’or décline et vient l’âge d’argent qui décline à
31 Rappelons que nous sommes en plein dans le contexte de traduction de la Bible par Tyndale.
- Introduction aux principales littératures européennes -
44
son tour jusqu’à l’âge de bronze et d’arriver finalement à l’âge de fer, période de guerre et
d’hostilité. C’était cette conception que l’on avait du temps au 17°s. et Louis XIV estime
qu’il est l’initiateur d’un nouvel âge d’or.

Le 16°s. serait caractérisé par l’imminence de cette période dorée, caractérisée par la
grandeur et la majesté. La constitution des grands États contribue à revenir à l’âge d’or.
Mazarin et Richelieu, des personnages machiavéliques préparent l’arrivée de Louis XIV. Ce
roi est comparé au soleil et on peut dire que s’il a été ce qu’il a été, c’est parce qu’il est arrivé
au bon moment.

Apollon est le dieu du soleil et des arts intelligibles. L’art est une vitrine parfaite pour
l’intelligence mais s’oppose en quelque sorte aux mathématiques, à la raison. Apollon réunit
les deux à la fois.

L’harmonie est facteur de beauté. L’harmonie est fondée sur une règle de géométrie : la
symétrie, l’équilibre. Mais la beauté existe aussi dans la difformité. Le classicisme est
l’équilibre et, au sein de l’équilibre, ce qui le dépasse.

2. LES RÈGLES CLASSIQUES.

La première règle à respecter est celle de la séparation des genres, comme à l’Antiquité
classique. Il faut le faire pour éviter une confusion potentielle : on doit canaliser les moyens
d’expression.

L’épopée et la tragédie sont écrites en poésie et parlent de choses graves. La mortalité


affronte l’immortalité. Ces genres qui ne se font qu’en vers peuvent être chantés ou dits. La
vie demande la paix, mais la vie, c’est aussi la guerre. L’épopée tente de concilier la guerre et la
paix.

La comédie joue sur le rire et la satisfaction de voir comment les choses vont
finalement.

Mais le genre littéraire de la période classique, c’est sans doute le théâtre et la poésie
lyrique (éloge, louange). Le théâtre est le genre du spectacle et que serait la majesté sans
représentation ? C’est par le théâtre que l’on mesure la majesté et la grandeur d’un roi.

Une autre règle tout aussi importante est celle des trois unités : unité de temps, de lieu
et d’action. De plus, le langage doit être soutenu et naturellement distingué (surtout pour la
tragédie)

Enfin, il faut respecter la règle des bienséances : si l’on rit dans les comédies, on ne rit
en tout cas jamais du roi. Il faut une concorde entre la conscience collective et le propos de la
représentation. Tout doit être comme il convient, rien ne doit choquer.

- Introduction aux principales littératures européennes -


45
L’aristocratie naissante devient la servante du pouvoir absolu du roi. La noblesse
devient courtisane. Louis XIV peut surveiller son aristocratie qui devient aussi un public
privilégié de la culture. La langue de la cour deviendra la langue parlée par tous.

3. LES AUTEURS.

3.1. Lopa de Vega (1562-1635)

Vega est très représentatif du siècle d’or espagnol. Il touche à différents genres
littéraire (poésie lyrique, satirique…) mais il sera surtout auteur de théâtre. Il a 400 pièces à
son actif.

Il développe deux genres théâtraux : la commedia nouvelle (de cape et d’épée), qui
n’est pas conforme aux règles classiques parce qu’il y a un mélange de comique et de tragique ;
et les actes sacramentels, des pièces de théâtre qui mettent en scène une thématique religieuse.
Ces actes ne constituent pas une liturgie religieuse, mais posent une question existentielle en
rapport avec la religion.

Ces deux genres sont fondateurs du théâtre espagnol. “Fuente ovejuna”, la fontaine de
l’agneau raconte l’histoire d’un village soumis à l’oppression d’un mauvais noble. Se pose le
problème du pouvoir et de sa légitimité. Sa pièce la plus remarquable traite de la conscience
collective.

3.2. Calderon de la Barca.

Calderon, aussi espagnol, a également produit énormément. Il traite de pratiquement


tous les registres de l’expérience. “Le Grand Théâtre du Monde” nous persuade que chacun a
la clef de sa liberté.

3.3. Pierre Corneille (1606-16084)

Il s’agit ici du grand Corneille, l’aîné de la famille. Il a vécu avant l’avènement de Louis
XIV et avant que le classicisme ne soit “imposé”.

Il faut noter que Corneille avait fait ses classes chez les Jésuites qui faisaient jouer du
théâtre à leur rhétoriciens. C’est la révélation. Il écrit ses premières pièces en 1628-29. “Le
Cid” date de 1638 et reprend un sujet espagnol32.

En 1651, son esthétique théâtrale se modifie. Corneille se tourne vers le classicisme. Il


respecte l’hétérogénéité des genres et ne les mélange plus. Cependant, son théâtre laisse une
place très importante à la poésie du langage.

32 L’Espagne était le modèle à suivre à cette époque.


- Introduction aux principales littératures européennes -
46
Cet artisan du vers épique touche notre intériorité et c’est justement ce qui dérangera
chez lui.

3.5. Jean Racine.

Il faut relever deux événements importants qui ont marqué la vie et l’oeuvre de Racine.
Tout d’abord, il a été introduit au grec et aux auteurs dramatiques dès l’âge de l’école primaire.
Il fut élève à Port-Royal, qui était très riche d’un point de vue intellectuel. Elle rassemblait des
savants qui se vouaient à l’étude et à la prière. Cette abbaye considère le latin et le grec comme
des langues vivantes.

Vers l’âge de 17 ans, il lit Euripide dans le texte. Il connaît le grec, au même titre que le
français. Il pénètre très tôt les ressorts de la dramaturgie classique. La conscience tragique
qu’il retrouve chez les grecs est, lui semble-t-il, une réflexion de sa propre conscience.

Et, en plus d’avoir été éduqué dans un milieu intellectuel, il a grandi dans une
environnement spirituel. Les savants de Port-Royal sont des chrétiens convaincus et engagés.
Leur spiritualité est consciente et maîtrisée. On voit là l’influence du Jansénisme33.

Donc, Racine subit l’influence du Jansénisme. Sa spiritualité peut se résumer comme


suit : l’Homme est soumis à des énergies qui ne proviennent pas uniquement de sa vitalité
personnelle, mais aussi de l’univers tel qu’il a été créé. L’Homme a une puissance créatrice
puisqu’il a été créé à l’image de Dieu. Il faudra dès lors maîtriser les énergies qui nous
traversent.

La tragédie de Racine est caractérisée par les passions. Ce sera souvent l’Amour (la
plus puissante des énergies) mais rarement elle seule : cette passion sera doublé de l’envie de
puissance, de l’envie de posséder… Il met ces passions en scène et en jeu : elles
s’entremêlent.

Ses pièces sont autant d’explorations diverses de l’univers des passions. Elles
finissent par se détruire mutuellement et cela aboutit à la mort. Les passions ne peuvent que
conduire l’Homme à sa perte s’il ne les maîtrise pas. Il faut trouver le point d’appui où les
passions sont en équilibre. Cela passe par une maîtrise de soi et de toutes les énergies qui
travaillent le monde.

Son théâtre est enrichi par sa perception naturelle du tragique du 5°s. av. n.è., celle qui
oppose les hommes et les dieux. Cela provoque souvent une sorte de défi envers le destin. Les
passions ne peuvent se régler entre elles, il faut les maîtriser.

Racine est un tragique cohérent. Son oeuvre est très homogène, justement parce qu’il a
cette “obsession”, mais le mot est un peu fort, des passions.
33 Jansen, avec son Augusitinus provoque un retour aux Pères de l’Eglise et notamment à St Angustin dont il
fait une relecture. L’abbé de St Cyran ramène en France la supériorité spirituelle de St Augustin (revue par
Jansen) et obtient un grand succès. Les Jansénistes auront beaucoup d’influence en ce 17°s.
- Introduction aux principales littératures européennes -
47
3.6. Molière.

Molière est sans doute un des plus grands comiques français. Orphelin de mère, son
père pèse sur sa destinée : il veut qu’il reprenne sa charge de tapissier ordinaire du roi. Il
considère le théâtre comme un métier marginal à la destinée dangereuse34. Le théâtre est
considéré comme une variante de la prostitution.

Il va de soi que Molière n’a absolument pas le même engagement spirituel que Racine.
Il fait la mise en scène des travers de la nature humaine et dénonce les mécaniques qui
rythment la vie. Il fait une caricature de la vie en poursuivant la même question : quelles sont
les passions qui la dirigent ?

Le monde est un système d’action et de réaction. Molière fait donc une analyse des
moeurs et caricature la morale du comportement. Il fait ce que l’on pourrait appeler une
sociologie de l’universalité de l’être.

La carrière artistique de Molière commence par le théâtre de rue. A cause de problèmes


financiers, il part en tournée en Province afin d’échapper à ses créanciers. Il apprend son
métier avec le public un peu rustre des villages. C’est le lieu parfait pour observer les travers
de la nature humaine. Il fait du théâtre populaire et utilise les ressorts les plus apparents pour
faire rire.

En 1658, il rentre à Paris et se retrouve sous la protection du roi. Celui-ci sera même le
parrain d’un de ses enfants.

Molière participe réellement à la société du spectacle organisée par Louis XIV. Peu à
peu il évolue vers un spectacle de plus grande psychologie et de plus grande moralité. Ses
pièces du début (Médecin malgré lui, Les fourberies de Scapin, l’Avare) sont bien différentes
de celles qu’il écrit à la fin de sa carrière (Dom Juan, le Misanthrope, Tartuffe).

Finalement, son théâtre se rapproche des enjeux de celui de Racine puisqu’il fait
l’analyse des passions pour en arriver à la conclusion qu’il faut les maîtriser.

34 A cette époque, les acteurs n’ont pas le droit d’être enterré à l’Eglise.
- Introduction aux principales littératures européennes -
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Les Lumières en France

1. INTRODUCTION.

Le 18°s. prolonge la Renaissance et en accomplit certains traits. Le rationalisme du


18°s. est la systématisation rigoureuse et exclusive d’une position critique propre à
l’humanisme. Ce dernier considère la Raison comme la garantie de la véracité des faits ou des
idées. Elle est facteur de cohérence logique.

La critique humaniste remet à l’honneur les capacités de jugement. C’est le point de


repère fondateur de la science. Ainsi, les mathématiques font des progrès impressionnants au
17°s. Les fondements de la physique prennent leur source à cette époque. On invente des
machines, même si l’application de celles-ci ne viendra qu’au 19°s.

Ce développement de la critique et de la Raison se répercute également sur les sciences


humaines. En fait, on applique à la vie une méthode rationnelle. Le droit, la politique,
l’économie et la psychologie peuvent être analysés à partir de schémas et de méthodes
permettant d’aboutir à la seule vérité.

La France est au 18°s. le modèle à suivre au niveau intellectuel. C’est là que naît le
mouvement des Lumières. Ce sont des savants qui prennent le noms de philosophes, mais ce
sont aussi bien des mathématiciens que des juristes, que des historiens ou des écrivains.

On refusera dorénavant d’écrire certaines choses “bizarres”. Tout doit être clair et le
vocabulaire univoque. Certains genres littéraires sont amenés à disparaître.

Les philosophes de cette période sont donc très nombreux. Nous nous contenterons
ici de faire un rapide tour d’horizon de ceux-ci.

2. MONTESQUIEU.

Montesquieu est l’auteur de travaux et de textes très nombreux. Nous remarquerons ici
Les Lettres persanes (roman épistolaire, genre très en vogue à l’époque) et L’Esprit des Lois.

Dans Lettres Persanes, il met en scène la relativité des points de vue de la conscience
collective. Ce qui suscite immédiatement une question : quelle est la consistance de la
conscience de l’humanité ?

L’Esprit des Lois induit la norme fondamentale des États modernes : la séparation des
pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Le pouvoir devient un fonction que
chacun peut revêtir. Les hommes qui l’exercent peuvent changer. Cela évite l’abus et la
confusion des pouvoirs. L’Etat n’est plus absolu grâce à ce partage des fonctionnalités.

- Introduction aux principales littératures européennes -


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3. FONTENELLE.

Fontenelle est le neveu de Corneille. Il vécut centenaire et écrivit jusqu’à l’âge de 98


ans. L’oeuvre de lui que nous avons retenue dans ce cours est “Entretiens sur la pluralité des
mondes”. On sait depuis Galilée que c’est la Terre qui tourne autour du Soleil, mais les
mathématiciens et les astronomes commencent à supposer qu’il existe d’autres terres, d’autres
univers.

Ce livre met en évidence la relativité du “centralisme anthropologique” et de la


conscience collective. La centralité de l’homme dans l’univers ne se conçoit que s’il n’y a
qu’une espèce pensante.

4. DIDEROT ET D’ALEMBERT.

Diderot et d’Alembert sont les directeurs de l’Encyclopédie35. Ils tentent de faire un


rassemblement de la totalité des connaissances. Ils ont une nouvelle façon de concevoir
l’apprentissage et une idée encyclopédique du monde.

C’est Diderot qui achèvera l’entreprise alors que d’Alembert abandonnera le projet en
cours de route, le jugeant sans doute trop risqué.

L’Encyclopédie traite des articles à partir d’une recherche rationnelle. On fait un


inventaire des choses qui vont et des choses qui ne vont pas. Il va de soi que l’Encyclopédie
est anticléricale et antireligieuse puisque ces domaines ne font pas partie des choses
rationnelles.

On introduit à la somme des savoirs des sujets scientifiques et techniques. Surtout,


l’Encyclopédie est illustrée ! Cela constitue une révolution dans la connaissance et dans le
mode de proposition du savoir36.

5. VOLTAIRE.

Voltaire fait triompher la prose qui est le mode significatif de l’écriture. Ce philosophe
considère la versification comme un art décoratif.

Il exerce une influence immense partout en Europe et son oeuvre entraîne le 19°s.
européen.

35 Éducation en rond, en cycle. Bref, une éducation totale, touchant à tous les domaines.
36 Notons encore ici que Larousse développera largement cette innovation.
- Introduction aux principales littératures européennes -
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6. ROUSSEAU.

Jean-Jacques Rousseau impose la supériorité du sujet individuel. Tout commence et


tout fini par là. Le but de l’existence est de manifester son “soi absolu”.

La prose est évidemment le véhicule privilégié de sa réflexion. Il développe une


subjectivité narrative, discursive, de la continuité.

Le Romantisme

1. DANS LES PAYS DE LANGUES GERMANIQUES.

1.1. Daniel Defoe : vers une nouvelle Bible.

Daniel Defoe est l’auteur de Robinson Crusoe, qu’il publie en 1719. Après un
naufrage, Robinson se retrouve sur une île déserte et doit se débrouiller pour survivre. Les
femmes brillent par leur absence : de cette façon, elles ne peuvent pas perturber le bon sens et
l’intelligence des hommes.

Dans l’avertissement de l’oeuvre, Defoe nous annonce qu’il va nous présenter une
allégorie. Il était puritain et démontre que l’homme a été sauvé par Dieu. Tout ce qui se passe
est signe de la volonté de Dieu. Cependant, s’il arrive à survivre, c’est grâce à son ingéniosité -
Robinson est en quelque sorte l’ancêtre des boy-scouts.

Ce livre deviendra la Bible des bourgeois et des jeunes. Il est très proche de la
mentalité conquérante de l’Angleterre à cette époque. Les Noirs sont considérés comme des
êtres inférieurs et si Robinson sauve Friday, il le soumet immédiatement en posant son pied
sur sa nuque alors qu’il s’agenouillait devant lui.

- Introduction aux principales littératures européennes -

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