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(156 n 120. IL FAUT SE MEFIER DES INFIRMIERES. COMME DE LA LEPRE Nous nous sommes levés tot ce matin pour nous rendre a la visite de ce fameux appartement dont Clémence miavait tant fait les louanges l'autre jour, et ‘svoue que j’étais moi-méme trés ex- cité, car je savais que j'arrivais au bout de mes peines: Clémence était censée prendre son poste la semaine prochaine, et je savais qu'une fois quelle serait embarquée dans le quotidien des aller- retour, elle aurait moins d’énergie pour poursuivre cette vaine et insensée recherche d’appartements, qui consume tant nos forces. Elle devait effectivement soupconner quelque chose, car elle m’a proposé a plusieurs reprises, arguant de mes problémes de dos, de se rendre seule 4 la visite. Je lui ai repondu évidem- ment qu'il n’en était pas question et que j’étais parfaitement capable d’aller a Paris avec elle, et elle s'est mise a rire en me disant, l'air malicieux, que javais trop mal au dos pour vivre 4 Paris, mais que par contre ce méme mal au dos ne m’empéchait pas d’aller y passer la journée. C’était un mal de dos trés bizarre et je me suis renfrogné, mais elle m‘a passé la main dans les che- veux et m’a dit avec tendresse que j’étais vraiment un provincial, et que la facon dont Paris me faisait peur l'amusait beaucoup. Ma maladresse pendant les visites, notamment, I’avait étonné. Le rendez-vous était & 10 heures, mais le train nous a fait arri- ver 4 8 heures 30 et nous avions une heure et demie 4 tuer. J’ai proposé 4 Clémence d’aller patienter dans un café, mais elle ma répondu qu'il était important que nous soyons les premiers 4 visiter l'appartement et quelle préférait que nous attendions dehors dés maintenant. Je l’ai regardée d'un air incrédule car le Les femmes naiment pas ler hommes qui boivert froid piquait les joues, porté par le vent violent qui s'engouf- frait dans les boulevards. Elle mia dit, conciliante, que nous pouvions peut-étre au moins nous relayer, et elle m’a demandé si je voulais commencer. J'ai soudain ressenti comme une fai- blesse sous la clavicule et je me suis mis 4 grimacer, elle m’a dit en souriant que si je voulais je pouvais aller attendre dans le café pour reposer mon dos, et venir la relayer dans vingt minutes. II faisait chaud l'intérieur et j'ai découvert qu'ils disposaient en outre d’un flipper que je ne connaissais pas, je n’ai pas vu le temps passer et il était 10 heures moins le quart quand je suis sorti du café pour rejoindre Clémence dans le froid glacial. A ma grande stupéfaction elle n’était pas a son poste, son portable était éteint, et j’étais sur le point d’appeler la police quand j'ai vu soudain Clemence sortir de l'immeuble, un grand sourire aux lévres. Elle s'est jetée dans mes bras et elle m’a dit que cay était, c’était bon, le contrat était signé et Vappartement était a nous. Les propriétaires étaient arrivés en avance et lui avaient fait visiter tout de suite, le courant était trés bien passé et ils avaient aussitot fait affaire. Je suis devenu livide et un voile blanc s'est posé devant mes yeux, mais Clé- mence ne plaisantait pas. Les propriétaires étaient adorables, Vappartement absolument charmant, et, comme elle me l’avait dir, il était idéalement placé pour son travail. Le seul inconvé- nient, m’a-telle dit, c’érair que la propriétaire souhaitait qu'il n'y ait pas d’animal dans le logement. Clémence avait donc dat mentir, et lui avait assuré non seulement qu'elle n’avait pas de chat, mais en outre quelle haissait les bétes. J'ai aussitét inter- rompu Clémence car je vayais qu'elle essayait de nayer le pois- son, et je lui ai dit, en la repoussant, que c’était la moindre des choses que je voie moi aussi a quoi ressemblait l'appartement, mais Clémence s'est troublée et m'a dit qu'elle n’avait pas encore 157) (158 les clés, que les propriétaires étaient déja partis par la sortie de derrigre et que de toute facon notre train du retour partait dans dix minutes et le prochain ne serait pas avant plusieurs heures. J'ai commencé a m'accrocher a la porte d’entrée de l’immeuble, affolé, pour essayer d’entrer, mais Clémence m’a pris par le bras et m’a tiré derriére elle, elle avait du mal a me trainer car sous Vélan javais chuté au sol, mais des passants lui sont venus en. aide et toute la compagnie, a grand mal, est parvenue 4 me his- ser dans le wagon juste avant la fermeture des portes. 121. LES GENS QUI ONT TOUJOURS VECU DANS L’'OPULENCE NE CONNAISSENT PAS LE PRIX DES CHOSES Ce quis‘est passé vendredi est bien évidemment un désastre, et j'avoue que j'ai du mal encore a réaliser. Je suis sous le choc depuis deux jours, dans le lit, a scruter le plafond, la couette remontée jusqu’au menton, le corps parcouru de frissons et le chat Roger entre mes genoux. Lui aussi a senti venir la vague quiest en train de nous emporter, et il se pelotonne auprés de son plus sir allié. Clemence en effet s’est révélée sous son véri- table jour avec cette sombre histoire d’appartement: perfidie, manipulation, mensonge et mépris, alliés a une sécheresse de coeur qui fait froid dans le dos. Face a elle, que puis-je faire? J’ai tenté la douceur, la persuasion, mais il semble que rien ne résiste a la furie de Clemence et que je doive bien, le couteau sous la gorge, aller vivre a Paris avec elle. Comment suppor- terai-je tout cela? Quelles calamités m/attendent? Je vais sans doute mourir rapidement. Au bout de quelques jours, quelques semaines, je ne sais pas. Mon seul espoir est que ma mort soit douce, ou rapide, Que mon assassin fasse du travail propre, et

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