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LA COHÉSION STRATÉGIQUE

FACE À L’INTÉGRATION TECHNOLOGIQUE

Deuxième rapport théorique,


écrit sous la direction de professeure Nadia Thalmann et
remis comme exigence partielle de la scolarité de doctorat en administration

PAR
Albert LEJEUNE

Montréal

Le 28 novembre 1988
et
le 15 mai 1989
REMERCIEMENTS

Ce rapport a été rédigé sous la direction de la professeure, Nadia Thalmann de


l’École des HEC. À travers ses cours et ses travaux de recherche auxquels j’ai pu
contribuer comme assistant, j’ai appris le potentiel immense de l’image de synthèse sur
notre imagination et nos représentations en gestion et, plus généralement, l’impact
potentiel des nouvelles technologies de l’information sur l’organisation. Qu’elle soit
remerciée ici.

Je dois remercier également la direction du programme de doctorat de l’École des


HEC, ainsi que l’Université du Québec à Hull, pour m’avoir aidé à financer un voyage
d’étude aux États-Unis (Systèmes experts et formation : voyage organisé par les
services à la collectivité de l’UQAH, du 27 avril au 7 mai 1987) qui m’a mené, avec
une vingtaine de personnes issues des milieux des affaires et académique, de Austin
(Texas), San Francisco et Palo Alto à Pittsburgh, en passant par Boston. Ce fut
l’occasion de nombreuses visites industrielles (Texas Instrument, Schlumberger, HP,
Tecknowledge...) et académiques (centres de recherche en intelligence artificielle et
systèmes d’information des universités du Texas, de Stanford, de Berkeley, de
Pittsburgh et MIT ).

Autant d’étapes autant de débats sur l’existence (l’ontologie?) de l’«intelligence


artificielle»; autant de réalisations concrètes dénommées systèmes experts; autant de
moyens techniques déployés et de nouvelles questions à se poser sur le rôle futur de la
technologie de l’information dans l’organisation.
iii

Les séminaires de doctorat organisés par l’Université Laval dans le domaine des
systèmes d’information, avec Laurent Siklossy, Charles Stabell et Rudy Hirrscheim, en
1986 et 1987, m’ont aidé à structurer cette réflexion.

Je remercie également les professeurs du programme conjoint pour leur séminaire


en système d’informations : Suzanne Rivard, Henri Barki, Peter Wade et Louis
Lefebvre. Ainsi que mes collègues participantes et participants à ce séminaire.

Pour leur relecture attentive, les membres de mon comité de phase 2, les
professeurs Nadia Thalmann, Jean-Guy Desforges, président, Jan Jorgensen et Taïeb
Hafsi ont contribué à donner une forme finale à ce second rapport théorique.

Enfin, une nouvelle visite entreprise au MIT, en mars 1989, m’a permis de mieux
saisir l’importance des liens entre technologie de l’information et stratégie à travers les
projets de recherche en cours au CISR (Centre de recherche en systèmes d’information
de la «Sloan School of Management»), et particulièrement les travaux du professeur N.
Venkatraman.
TABLE DES MATIÈRES

Liste des figures ............................................................................................................ vi

INTRODUCTION ........................................................................................................ 1

CHAPITRE 1
LE SYSTÈME STRATÉGIQUE : AUTOMATISATION, INTÉGRATION ET
NOUVELLES STRUCTURES ORGANISATIONNELLES ................................... 7

1.1 De la planification des systèmes d’information à l’architecture de


la technologie de l’information ...................................................................................... 8
1.1.1 L’utilisation stratégique de la TI ............................................................ 8
1.1.2 La planification de systèmes stratégiques ........................................................ 10
1.1.3 Un concept-clé : l’architecture de la technologie de l’information .................. 13
1.2 Système stratégique et choix structurels face à la compétition .................................... 18
1.2.1 Un «système-monde» automatisé......................................................... 18
1.2.2 TI, compétition et choix de structure organisationnelle ................................... 20

CHAPITRE 2
L’AUTOMATISATION D’UN ESPACE DE REPRÉSENTATION .................... 25

2.1 L’automatisation d’un espace de la représentation atomisé ......................................... 29


2.1.1 L’espace de représentation atomisé et non automatisé ........................ 31
2.1.2 L’espace de représentation atomisé et semi-automatisé................................... 31
2.1.3 L’espace de représentation atomisé et automatisé ........................................... 41
2.2 L’automatisation d’un espace de représentation collectif ............................................ 45
2.3 Un nouveau paradigme : l’auto-représentation ............................................................ 48
v

CHAPITRE 3
LA COHÉSION STRATÉGIQUE PAR, AVEC OU DANS LA TECHNOLOGIE
DE L’INFORMATION.............................................................................................. 52

3.1 Un modèle général des liens entre stratégies et TI ....................................................... 52


3.2 Trois schémas de base pour la navigation dans le modèle ........................................... 57
3.2.1 La stratégie par la TI ou le chemin critique de l’espace ....................... 58
3.2.2 La stratégie avec la technologie de l’information ou le
chemin critique de l’espace programmatique ............................................................... 60
3.2.3 La stratégie dans la technologie de l’information : le
chemin critique de l’espace habité ............................................................................... 63

CONCLUSION ........................................................................................................... 66

BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................... 69
LISTE DES FIGURES

1.1 Trois échelles pour mesurer l’avantage compétitif ...................................................... 9


1.2 L’architecture de la technologie de l’information ...................................................... 17
1.3 Diagramme de recherche d’opportunités de branchement ......................................... 19
1.4 Les exigences de traitement de l’information pour différentes façons
d’organiser .......................................................................................................... 22
1.5 La plate-forme intégrée de la TI ................................................................................... 24

2.1 L’effet de l’automatisation sur la matrice des produits et des procédés ...................... 26
2.2 Les niveaux d’automatisation d’un espace de représentation atomisé ......................... 30
2.3 La structure générale d’un SIAD par Sprague et Carlson ............................................ 34
2.4 Représentation de l’entreprise dans le système d’aide à la stratégie ............................ 38
2.5 Un système expert et son environnement ..................................................................... 42
2.6 Les deux paradigmes MIS et SIO ................................................................................ 50

3.1 Le modèle général d’Andrews ..................................................................................... 53


3.2 Le modèle général des liens entre la stratégie et la TI ................................................. 56
3.3 La stratégie par la technologie de l’information ou le chemin critique de l’espace
vide 58
3.4 La stratégie avec la technologie de l’information ou le chemin critique de l’espace
programmatique ........................................................................................................... 61
3.5 La stratégie dans la technologie de l’information ou le chemin critique de l’espace
habité 64
INTRODUCTION

AUTOMATISER, INTÉGRER ET «COHÉRER»

«À chaque nouvelle avancée technique, la


communication se réaffirme comme devant être ce que
les plus récentes inventions la font... Si, par ailleurs, la
société se définit comme «communication», alors elle
est soumise elle-même, dans son fond, à la
technologie.»
Sfez, L. (1988 : 85)

Nous voulons dans ce second rapport théorique travailler les liens entre la
technologie de l’information (l’ensemble des technologies de traitement des données et
de la communication) et la stratégie.

Nous voulons travailler ces liens selon selon trois grands thèmes : 1. automatiser,
2. intégrer et 3. «cohérer», verbe inexistant qui signifierait apporter de la cohésion.

Automatiser

L’essence des systèmes d’information de gestion (MIS) est d’automatiser les


procédures administratives et d’informer le management. On peut en dire autant de la
technologie de l’information ou TI, à ceci près que les possibilités d’automatisation sont
transformées par la fusion des technologies de l’ordinateur et des communications et
qu’elles vont bien au-delà de l’automatisation des procédures administratives (l’objet
2

des applications MIS) pour inclure l’automatisation des activités et du management.


Ainsi le potentiel de la TI exige une approche systémique et globale de la mise en
oeuvre de nouveaux systèmes, là où des technologies plus anciennes se prêtaient à
l’automatisation locale, au cas par cas, selon les niveaux hiérarchiques et les fonctions
organisationnelles.

Si l’automatisation permise par la TI est globale et systémique, nous pouvons


cependant identifier trois domaines où son action se fait sentir : l’automatisation des
opérations et des transactions, l’automatisation de la représentation et l’automatisation
de la connexion.

Les concepts actuels d’atelier flexible, de machine outil à contrôle numérique, de


fabrication assistée par ordinateur (FAO) ou de «Computer Integrated Manufacturing»
(CIM) réalisent l’automatisation des opérations (à l’intérieur d’un sous-système
d’activités utilisant une technologie définie) et des transactions (lorsque des frontières
technologiques sont traversées) dans les entreprises manufacturières. De façon
analogue des systèmes intégrés. moins complexes à réaliser car ils ne manipulent que de
l’information, sont à l’oeuvre dans les entreprises de service, comme les banques et les
assurances, pour automatiser les transactions et les opérations.

Ce que nous appelons automatisation de la représentation, c’est l’automatisation


plus ou moins complète d’une activité cognitive effectuée habituellement par un
manager ou un expert dans un domaine particulier. Manager ou expert qui, en se
représentant mentalement un problème, cherche à le solutionner. Ce domaine de
l’automatisation des représentations a évolué chronologiquement depuis la fourniture
systématique d’informations générées par les systèmes d’information de gestion
jusqu’au système expert, en passant par le système d’aide à la prise de décision. C’est
une progression continue vers plus de mémoire et plus de capacité d’analyse laissées à
la macine. D’abord complètement extérieur au système qui fournit l’information, le
3

manager interagit avec ce système pour, finalement, voir tout le processus d’analyse
transféré au système (cas du système-expert).

L’automatisation de la connexion désigne la pratique de la digitalisation de la


voix, des données et de l’image pour permettre leur transport local ou à distance et leur
manipulation par l’ordinateur. Nous retrouvons ici la technologie des réseaux locaux
(Local Area Network) ou à grande distance (Wide Area Network) qui permet, en
association avec la technologie des commutateurs téléphoniques digitaux (Private
Branch Exchange), de connecter les personnes, les ordinateurs et les machines. Ainsi
de nouveaux concepts comme la CAO-FAO (conception assistée par ordinateur et
fabrication assistée par ordinateur) ou la fabrication à flux tendu (Just in time) peuvent-
ils émerger en connectant d’une part les concepteurs aux opérateurs et, d’autre part, les
fournisseurs à l’entreprise de production.

Intégrer

L’automatisation simultanée des opérations, des transactions internes et externes,


du management et des interactions entre le management et les opérations conduit à un
développement sans précédent de l’intégration des systèmes, des tâches et de la gestion
dans l’entreprise. Ce mode d’intégration par la technologie est essentiellement
impersonnel (Van de Ven et Ferry, 1980) bien que de nouveaux usages de ces
technologies permettent d’entrevoir une intégration par le groupe, lui-même assisté par
l’ordinateur (Winograd, 1988).

Au niveau technologique, cette intégration signifie la compatibilité des structures


de données, des standards des réseaux et l’«ouverture» des systèmes. Ce sont les
conditions de base pour réaliser l’intégration technique entre ordinateurs, réseaux et
données, voix ou images.
4

La réalisation technique de l’intégration conduit à la mise sur pied d’une plate-


forme intégrée de la technologie de l’information. Cette plate-forme (Venkatraman,
1989) devient le nouveau lien (et la nouvelle séparation) entre le management et les
opérations. La plate-forme intégrée de la TI devient l’outil indispensable de
l’intégration organisationnelle.

«Cohérer»

Le stratège doit relever un double défi (Andrews, 1980) de cohérence : entre son
organisation et son environnement, et entre son organisation et l’identité, la personnalité
qui la définit.

L’automatisation des opérations et du management risque d’altérer la personnalité


de l’organisation en en faisant un espace de routines à surveiller plutôt qu’un espace
d’initiatives et d’innovation.

L’intégration en temps réel de toutes les composantes de l’organisation peut


également annihiler tout espace d’autonomie ou, à l’inverse, permettre de nouvelles
expériences d’organisation axées sur l’autonomie et le développement du groupe.

Ainsi la technologie de l’information peut contribuer ou non à relever le défi de la


cohésion interne et de l’identité.

Quant au défi externe d’adaptation à l’environnement, la contribution de la TI


doit s’évaluer en termes de changement technologique, de recherche d’une plus grande
5

efficience, et de fluctuation de la demande (Child, 1987) en volume ou autour des


caractéristiques du produit.

À ce deuxième niveau, l’intégration de l’organisation va permettre de rencontrer


les desiderata du client qui cherche à placer une commande particulière auprès de cette
organisation.

On peut en effet constater avec Stabell (1987) que les organisations, aussi bien de
type bureaucratique que de type adhocratique (Mintzberg, 1979), évoluent toutes deux,
chacune à sa façon, vers la forme réseau pour arriver à satisfaire des demandes de biens
ou de services «intégrés» ou «sur mesure».

En étant l’outil d’intégration de l’organisation, la TI va contribuer à relever le défi


de la cohérence avec l’environnement externe : mise en oeuvre avec succès, elle offre la
flexibilité face à la fluctuation de la demande, la réduction des coûts face aux exigences
d’efficience accrue, l’innovation technologique et la capacité de répondre à des
demandes intégrées ou sur mesure.

Le plan de ce rapport théorique sera le suivant :

 le premier chapitre montrera que l’organisation devient un système


stratégique grâce à l’automatisation intégrée : que les méthodes de
planification de systèmes d’information s’en trouvent bouleversées et
mettent de l’avant le concept d’architecture des systèmes d’information, et
enfin, que la TI intégrée constitue une nouvelle plate-forme entre
management et opérations;
 le deuxième chapitre s’attachera à revoir la littérature sur l’automatisation
de la représentation de la stratégie à travers les systèmes d’aide à la prise
de décision et les systèmes experts;
6

 le troisième chapitre tentera de conclure en commentant l’aptitude de la


technologie de l’information à relever les défis internes et externes de la
stratégie tout en conférant au stratège et à son équipe des avantages dans
la formulation et la gestion stratégique.
CHAPITRE 1

LE SYSTÈME STRATÉGIQUE :
AUTOMATISATION, INTÉGRATION ET
NOUVELLES STRUCTURES ORGANISATIONNELLES

«As more and more automation is incorporated in


aircraft, the essential question becomes one of
autonomy : Should the automated system serve as
the human pilot’s assistant, or vice-versa.»
Chambers, A.B. et Nagel, D.C., 1985.

L’argument de ce premier chapitre est d’exposer la transformation du concept de


stratégie en concept de système stratégique pour les entreprises qui font un usage
intensif de la technologie de l’information.

À l’intérieur de la firme, la planification des systèmes d’information a pris


successivement pour objet le traitement (le support à l’automatisation des opérations et
des transactions), le stockage (le support à l’automatisation de la représentation) et la
communication (le support à l’automatisation de la connexion) de l’information. La
synthèse de cette triple approche nous place désormais dans la problématique de
l’architecture de la technologie de l’information.

Face à l’environnement de la firme, l’architecture de la TI s’adapte à de nouvelles


conditions compétitives et permet à la firme de réaliser de nouveaux arrangements
structurels.
8

Au total, la technologie de l’information contribue à créer un système stratégique


(automatisé et intégré), une plate-forme intégrée de la TI se prêtant à améliorer
l’efficience des opérations, et ensuite, selon la vision et les intentions du stratège, à
modifier la conception des processus opérationnels et, enfin, à promouvoir de nouvelles
missions pour l’organisation.

1.1 DE LA PLANIFICATION DES SYSTÈMES D’INFORMATION À


L’ARCHITECTURE DE LA TECHNOLOGIE DE L’INFORMATION

1.1.1 L’utilisation stratégique de la TI

À l’âge de l’économie de l’information, le stratège peut avoir comme théorie de


l’action (ou comme trajectoire «esthétique») l’aphorisme suivant : aujourd’hui, la
stratégie, c’est le système!

Cette expression n’est nullement abusive : la littérature sur la TI des cinq


dernières années est pleine de moyens de construire un système stratégique, ou au
minimum une arme stratégique (Parsons, 1983) à partir de la TI. Nous y reviendrons
tout au long de ce deuxième rapport. Considérons, pour l’exemple, le tableau (voir
figure 1.3) de Janulaitis (1986). Cet expert en systèmes d’information propose une
grille de mesure, sur trois dimensions, de l’avantage compétitif qu’une firme peut
atteindre. Les trois dimensions retenues sont :

1) les relations de commande avec les clients et les fournisseurs,


2) la relation avec l’automatisation du système opérationnel, et
3) la relation avec les systèmes administratifs et de support.
9

Customer/supplier Artificial intelligence Paperless


Computers linked Robotics

Customer/supplier
inputs directly Electronic gate keeper
to your system Plant automation of internal and external
information

Mechanized order
entry to an Integrated
online system System parallels administrative
operations flow support systems

Mechanized order
entry to a
batch system Mechanized
System follows administrative
operations flow support system

Handwritten order
input
to a system

No system No system No system

Order entry Process/Operation System Administration Support


Customer/Supplier Automation Systems Relationship
Relationship
Relationship

Figure 1.1
Trois échelles pour mesurer l’avantage compétitif

Child (1987), qui emprunte largement à Williamson (1975), explique bien


pourquoi le système d’information s’étend vers le client, ou le fournisseur, selon le
10

point de vue. Les conditions compétitives ont mis l’accent sur le contrôle des coûts, ce
qui se traduit notamment sur la ligne de production par l’utilisation de techniques qui
permettent la suppression des stocks. Ces techniques de just in time, de kanban ou de
production à flux tendu impliquent un accroissement du formalisme des données
(Boisot, 1986) utilisées en même temps par le producteur et son fournisseur
(codification) et un partage en temps réel de ces données (diffusion).

La TI est l’outil d’externalisation captive de transactions (le fournisseur sous-


traite une partie de la gestion des activités de production de la firme cliente) et de
modification structurelle (le noyau, «core», opérationnel a été réduit.

1.1.2 La planification de systèmes stratégiques

«When one considers what kind of competitive advantage firms hope to achieve
using information technology, one finds a depressingly high proportion of firms
hoping to reduce competition through raising switching costs, reducing the
amount of information available to the customer, and so forth – that is, using
information technology to secure a local monopoly.» (Warner, 1987)

La route du système (d’information) stratégique est bien tracée depuis


longtemps. Les cas les plus récents de AHS (American Hospital Supply), de Merryl
Lynch (Lucas, 1986) ou de Federal Express (mais aussi de USA Today, de General
Electric, de Bank of America, de Toyota USA, de Xerox et United Airlines, Benjamin et
al., 1984)) servent d’emblème aux tenants de la TI comme partie intégrante de la
stratégie corporative (idem), ou même de la TI comme définissant la stratégie
corporative1. Mais les systèmes de réservation de billets d’avion dont les terminaux
sont loués aux agents de voyage par les grandes compagnies aériennes illustrent depuis
plus longtemps la montée, dans l’industrie des services, des systèmes stratégiques (cas
1
Ainsi King écrit-il dans un éditorial de la revue MIS Quarterly : «Even an «Strategic Planning
for IS» (SPIS) process that closely ties in IS strategy with business strategy, however desirable that may
be, is inadequate. This is so because information-based strengths, weaknesses, opportunities and threats
can be used to influence business strategy.»
11

Harvard traduit par HEC). L’opération des systèmes de réservation devient d’ailleurs
plus rentable, pour les transporteurs, que les vols qu’ils opèrent. (Tate, 1988)

Les approches et les techniques de planification des systèmes d’information ont


évolué, par étape, vers la planification de systèmes stratégiques, ou la planification de
systèmes pour obtenir des avantages compétitifs, fondés sur la TI.

D’après Boyton et Zmud (1987), la gestion des TI est passée d’une étape
d’adaptation de la TI aux fonctions centrales de la firme (1965-1975) à une étape (1975-
1985) de support aux managers et aux professionnels ainsi qu’à une extension des
applications centrales (core applications) vers l’extérieur de l’organisation.

Les techniques de planification des systèmes d’information reflètent bien cette


évolution.

Au début du développement de la TI dans les firmes (années 1960), il s’agissait


de construire une entreprise dans une entreprise (un gros système et beaucoup
d’analystes et de programmeurs). C’était l’époque des étapes de la croissance (SOG
pour Stages of Growth) : initiation, expansion, consolidation et maturité.

Deux transformations majeures viennent ensuite transformer le contexte


technologique : la technologie de la ressource-donnée (Data resource) sous forme de
capacité de mémorisation et de gestion de base de données et les systèmes en ligne
directe (on-line). À partir de cette période, l’emphase pour la planification des systèmes
n’est plus sur la gestion des applications (comme la paye) et des traitements mais sur la
gestion des données et des informations considérées comme ressources2.

2
«Le fait de partager (les données corporatives) est le reflet d’une évolution dans l’utilisation des
systèmes informatiques. Historiquement, chaque nouvelle application engendrait ses propres fichiers et
ses propres programmes. La création d’une base de données va à l’encontre de cette façon de faire : elle
rend possible la centralisation, la coordination, l’intégration et la diffusion de l’information archivée.»
(Delobel et Adiba, 1982)
12

Arrive alors le progiciel BSP (Business Systems Planning) développé par IBM.
L’emphase n’est plus sur la gestion de la salle d’ordinateurs, mais bien la
conceptualisation et le design de l’ensemble de la ressource-données de la corporation.
BSP est idéaliste (rationalisation possible de l’ensemble des données) et destiné à des
environnements centralisés (IBM ne fabrique alors que des mainframes).

L’apparition, dans les années 1970, de mini-ordinateurs performants et ensuite de


micro-ordinateurs permet l’informatisation de fonctions spécialisées de l’entreprise, à
l’aide de progiciels d’applications. Le nouveau concept est la gestion de la ressource-
information (IRM pour Information Resource Management). L’IRM, toujours d’après
Sullivan (1985), combine le concept de ressource-données avec une perspective de
gestion. Dans la décentralisation qu’accompagnent les nouvelles technologies de
l’information, les systèmes et les bases de données sont multiples et la question que se
pose le manager est : «Où est-ce que je veux?»

L’étape suivante devrait être celle d’une planification qui s’articule autour de
l’architecture du réseau, comme concept central. C’est pour Sullivan (1985), la
découverte finale de l’interconnexion entre les trois perspectives de planification
précédentes (le traitement (SOG) – le stockage (BSP) – la communication (CSF)). Ce
sera à la firme de choisir, en fonction de ses besoins, le niveau d’intégration que ses
sous-systèmes posséderont :

«One large system, with hundreds, or event thousands, of processing, storage,


and communication elements, all interacting with the correct degree of freedom
and coordination in order to be as responsive as possible to the diverging
marketplace requirements of different business units, as well as to the
countervalling need for standardized information exchange by the corporation
as a whole.” (Sullivan, 1985)
13

Le système est de plus en plus stratégique. Boyton et Zmud (1987) soulignent


que toutes les méthodes de planification adressent la question de la stratégie : qu’il
s’agisse de BSP ou CSF (Bullen et Rockart, 1981), de Nolan (1979) et des étapes de la
croissance, de Porter et de Millar (1985) avec leur analyse de la chaîne de valeur (et la
contribution de la TI dans l’amélioration de la position compétitive) et d’autres auteurs
comme King (1978) (le premier à explorer systématiquement les liens entre le TI et la
stratégie), ainsi que Zani (1970), McLean et Soden (1977), Synott et Gruber (1982),
McFarlan (1981), et Mason (1983).

1.1.3 Un concept-clé : l’architecture de la technologie de l’information

La TI semble perçue par certains «grands-prêtres» de l’âge de l’information et de


l’économie de l’information (académiciens ou chefs d’entreprise (voir l’aventure de la
compagnie John Deere (Warner, 1987) comme le concept qui va se substituer à celui de
la stratégie.

Il s’agit alors, à travers la TI, de bâtir une organisation protégée des forces
compétitives du marché, parce qu’elle est liée organiquement à ses clients et à ses
fournisseurs et qu’elle maintient l’ensemble de ses coûts au minimum grâce à une
automatisation complète de son centre opérationnel et de ses fonctions de support
administratif.

Ce type d’entreprise externalise un maximum de transactions et fonctionne avec


un noyau (core) limité à ce que l’entreprise peut très bien gérer, et avec profit.

Le choix stratégique devient un choix d’architecture de la TI. Choix qui va


émerger d’une double logique : l’offre technologique déterminant des possibilités de
structure organisationnelle, et le choix final d’une structure organisationnelle
déterminant une architecture de la TI (traitement, stockage et communication).
14

La littérature en système d’information approche actuellement de façon globale la


question de l’architecture d’un système d’information basé sur ordinateur. Camillus et
Lederer, (1985) proposent trois dimensions pour réaliser le design d’un système
d’information basé sur ordinateur. La première dimension est un axe traitement de
transaction vs aide à la prise de décision managériale; la deuxième dimension est un
axe : ordinateur central (mainframe) – minis en réseau (Booth, 1984) – micros
indépendants (Wylie, 1987). La troisième dimension concerne l’approche politique de
l’entreprise face à son système d’information : de stricte à flexible (voir par exemple :
Umbaugh, 1987; Lucas et Turner, 1982 et Raho et Belohlav, 1986).

Pour Sullivan (1985), l’architecture de la technologie de l’information (et non


plus d’un système d’information) comprend les applications spécifiques, les standards
logiques et les facilités physiques de traitement, de stockage et de flux d’informations.
Seules les compagnies qui auront assemblé les trois piliers du traitement, du stockage et
de la communication pourront entrer dans ce concept d’architecture de la TI.

Le nouvel espace stratégique est centré sur le traitement des transactions en temps
réel, dans une structure organisationnelle éclatée en aval, vers les clients, et en amont,
vers les fournisseurs, sans compter les concurrents associés dans des joint-ventures.

Ce nouvel espace trouve sa logique dans l’utilisation de la TI. Cet espace sera
entièrement techno-logique, dans la mesure où la définition qu’il possède de lui-même
sera modifiée au fur et à mesure de l’implantation de nouveautés techniques (Sfez,
1988).

C’est un espace qui peut exclure la subjectivité. Celles et ceux qui effectuent les
dernières tâches non automatisées ne communiquent plus entre eux qu’à travers
l’opacité du courrier électronique («When communication lacks dynamic personal
information, people focus their attention on the message rather than on each other.»
15

Kiesler, 1986; Foster et Flynn, 1984). Mais c’est aussi un espace qui, en créant de
nouvelles incertitudes techno-organisationnelles, peut générer une nouvelle vie dans le
groupe, faire émerger de nouveaux acteurs (Alter, 1988) et contribuer à créer un
contexte stratégique (Burgelman et Sayles, 1987).

C’est un espace qui risque d’exclure paradoxalement la pensée stratégique. Car


la firme, en intégrant par la TI son marché et ses fournisseurs, se construit un
environnement stable et fermé, où le fit est écrit dans l’architecture de la TI et où la
stratégie devient invisible pour le manager non initié3. Mais c’est aussi un espace où la
formulation stratégique peut être dynamisée par les contributions des membres d’un
groupe supporté par de nouvelles applications de la technologie de l’information
(Winograd, 1988).

Dans cet espace le stratège est menacé de disparition. Il sera peut-être remplacé
par l’architecte de la TI. Le seul capable de se représenter, à l’aide des nouveaux outils
de conception d’architecture, l’organisation de la technologie de l’information. Par
contre, ce nouvel espace envahi par la TI pourrait voir le groupe devenir l’architecte
collectif de la plate-forme de la TI.

Parallèlement, le métier de gestionnaire de la fonction système d’information a un


contenu toujours plus orienté vers la stratégie (Ives et Olson, 1981). Hirschheim et al.,
(1987) l’ont précisément vérifié dans les grandes entreprises britanniques, où le souci
numéro un est d’aligner les systèmes d’informations sur la stratégie :

« It was clear that the identification of business opportunities which IS/IT could
support, was not an easy job, but one which increasingly should become the key
focus of the IS executive. »

3
Sur les systèmes corporatifs de communication par satellite, voir Kriebel et Strong, 1984;
McCauley, 1983; Kneitel, 1980.
16

Pour ces nouveaux gestionnaires de la TI, l’architecture est une notion plus vaste
que la notion de design d’un système d’information :

« Architecture differs from design in that architecture provides a long-term goal


and represents the overall design target and direction for a particular aspect of
information processing. » (Devlin et Murphy, 1988)

Nous pouvons voir dans la lutte mondiale vers les architectures ouvertes, un
nouvel indice de la recherche du système stratégique. L’architecture de la TI d’une
organisation doit comprendre des liens avec les systèmes des clients, des fournisseurs,
des organismes de régulation et même des concurrents, lors d’opérations conjointes.
« Open systems may allow users to automate heretofore unaddressed applications
critical to organizational performance.” (Carlyle, 1988)

Le système stratégique s’imprime aujourd’hui dans les standards des réseaux,


dans les logiciels et systèmes d’exploitation portables et dans l’architecture des
applications, des données, du réseau et des systèmes de support (voir l’illustration de
Devlin et Murphy, 1988).
17

Business
Strategy
Business Area and Functional Strategies

Information
Business Process and Information Systems Technology Systems
Information Architecture Technical Strategies Projections Strategy

Application Data Network Support System Information


Architecture Architecture Architecture Architecture Processing
Architecture

Plans
Guidelines Information
Standards, Systems
and Support Planning

Acquire or Design
and Develop Implementation
System

Figure 1.2
L’architecture de la technologie de l’information
Source : Devlin et Murphy, 1988
18

1.2 SYSTÈME STRATÉGIQUE ET CHOIX STRUCTURELS FACE À LA


COMPÉTITION


1.2.1 Un « système-monde » automatisé

La TI vient à l’aide du stratège pour automatiser les procédures administratives


(c’est l’activité fondamentale des systèmes d’information (Davis et Olson, 1985) et pour
automatiser les tâches elles-mêmes, dans la mesure où la technologie est disponible.

Mais sous la pression des conditions compétitives actuelles, l’espace stratégique


ne recouvre plus une organisation hiérarchisée et complète mais une organisation
réduite à son noyau (technological core, Thomson, 1987), ayant recours à de
nombreuses transactions extérieures pour compléter ses activités d’achat, de production,
de mise en marché, de recherche et développement voire même de gestion ou de
support à la gestion.

Cette forme organisationnelle est évidée et éclatée mais réunie dans un espace
informationnel unifié dans le temps (communication en temps réel) et dans l’espace
(centralisation au siège social de toutes les données, au besoin à l’aide de satellite
corporatif). La structure organisationnelle se trouve ainsi couplée souplement, par des
alliances, des arrangements de franchise ou des entreprises conjointes; le noyau étant
relié à un réseau de fournisseurs, clients, sous-contractants ou concurrents. La lecture
de Porter (1985) éclaircit cette réalité, dans la mesure où la structure organisationnelle
doit, selon cet auteur, correspondre à la chaîne de valeur établie en fonction de
l’avantage compétitif recherché.
19

Why? Who? What? How?


(Business (Relationships Participants) (Information Function) (Improvement
Purpose) Focus)

Leverage of Either Or • Boundary Transactions • Search-Related


Present •Customers Specific Functions • Retrieve and Analyze Costs
Business •Dealers Performed & Specific Shared Information • Unique Product
•Suppliers Performers within • Internal Use-System Features
•Competitors Each Functions by • Switching Costs
Participant • Internal Efficiency
• Interorganizational
Efficiency

rch
Seek New Sea
es
Information
ers Featur
Driven Business Custom Switching
Dealers Interna Costs
l Effc
Levera
ge Suppliers ary Ine .
Bound rorg
Presen
t Com Shared . Eff
petit ic.
ors Intern
al

Why? Who? What? How?

Figure 1.3
Diagramme de recherche d’opportunités de branchement
Source : Johnston et Vitale, 1988

Johnston et Vitale (1988), dans un article qui décrit les avantages compétitifs
d’un système interorganisationnel reliant l’organisation focale à ses clients et à ses
fournisseurs, proposent d’ailleurs la définition suivante d’un système (d’information)
interorganisationnel (IOS) :

« An IOS is build around information technology, i.e. around computer and


communications technology that facilitates the creation, storage, transformation,
and transmission of information.” (p. 154)

Et reprenant à Cash et Konsynski (1985) une définition qu’ils trouvent simple et


utile : « IOS is an automated information system shared by two or more companies.”
(Nous soulignons.)
20

Nous pouvons visionner ci-dessus (voir figure 1.3) la dynamique du réseau


informationnel interorganisationnel.

1.2.2 TI, compétition et choix de structure organisationnelle

Pour Child (1987), la TI est l’instrument parfait qui, en permettant l’externalisation


des transactions, va permettre à l’organisation de choisir une structure (plus ou moins
« éclatée ») qui lui permettra de faire face aux exigences des conditions compétitives.

Trois risques objectifs conduisent les organisations à changer leur structure. Pour
Child (1987), ce sont les risques associés à la demande (fluctante), à l’innovation
(accélérée) et à l’inefficience (coûts de production trop élevés).

Ces trois risques demandent, dans l’ordre, plus de rapidité et de cohésion dans la
réponse aux modifications du marché : l’accès aux nouvelles idées et concepts ainsi
qu’une grande flexibilité organisationnelle interne; enfin, l’exercice d’un plus grand
contrôle et l’étude de possibilités de sous-contraction à l’externe de certaines
opérations.

Face à chacun de ces risques, la TI (« les technologies et les applications qui


combinent les capacités des ordinateurs de traiter et de stocker de l’information, avec
les capacités de télécommunications à distance. » (Child, 1987)) se qualifie pour offrir
de nouvelles structures aux organisations, depuis la hiérarchie intégrée jusqu’au réseau
spot, en passant par la semi-hiérarchie, le co-contrat, le contrat coordonné et les liens de
revenus coordonnés.

Pour Child, citant Bolsot (1986), le potentiel organisationnel de la TI ne vient pas


seulement d’un coût toujours plus abordable, ni de sa facilité d’utilisation
21

(« convivialité »). Les possibilités de la TI viennent des FORMES dans lesquelles les
informations sont gardées et ôtent les restrictions à leur accès temporel et spatial.
Boisot définit ainsi la codification : « a coding process in which both information
compression and specificity are achieved”, et la diffusion: « information sharing within
a given population (…) directly related to the scope of a communications or
transactions network.”

Ces deux dimensions de la TI permettent à Child de mettre sous forma graphique


les liens entre les possibilités de choix de structure organisationnelle et la TI (voir figure
1.4).

L’apport de Child est de nous montrer que la TI trouve son sens dans la gestion des
transaction externalisées de l’entreprise ou de l’organisation, permettant ainsi de
simplifier la gestion du noyau (core) restant à l’intérieur de l’organisation, tout en
gardant le contrôle des transactions qui ne sont pas réellement confiées à l’arbitrage du
marché.

Sa perspective renverse la perspective traditionnelle en MIS où on souligne


l’importance d’automatiser toutes les procédures et transactions internes.

Ces deux approches définissent deux façons différentes mais complémentaires


d’aborder les outils spécifiques de la TI. À l’aide des outils de codification
(essentiellement ce qui concerne le niveau des data : data base et data resource) et à
l’aide des outils de diffusion (networking), un système de traitement de l’information se
met en place à l’intérieur de l’organisation. Un système de base, conventionnel, qui
répond au niveau EDP (Electronic Data Processing) ou MIS (Management Information
System) tant que l’organisation conserve une structure traditionnelle. C’est-à-dire une
structure hiérarchique qui confine toutes les activités de production et de support à la
production à l’intérieur de l’organisation.
22

Mais l’évolution de la structure organisationnelle vers une forme réticulaire (selon


la progression de Child, par exemple) va conférer au système d’information traditionnel
une importance stratégique.

high

Spot
network

multi-divisional
firm coordinated
contracting

Information coordinate
Codification holding drevenue
company links
Co-
Integrated contracting
hierarchy (mutual firm)
(unitary
firm)

low
low Information Diffusion high

Figure 1.4
Les exigences de traitement de l’information
pour différentes façons d’organiser (Child, 1987)

Quelque part entre le marché et la hiérarchie (Williamson, 1975) le système réseau


devient la véritable enveloppe, la nouvelle frontière qui sépare l’organisation de
l’environnement. La frontière n’est plus organisationnelle (faite de personnes et
23

d’activités spécifiques) mais informationnelle, d’où l’importance critique de la sécurité


des systèmes d’information.4

Dans ce premier chapitre, nous avons vu que la plate-forme de la TI est le cœur des
nouvelles organisations conçues comme systèmes stratégiques. Cette plate-forme
(Venkatraman, 1989) est élaborée à partir d’une architecture globale qui considère
l’automatisation des liens entre le management et les opérations (planification, contrôle,
aide à la décision), tout en cherchant à automatiser les liens de l’entreprise avec ses
clients, ses fournisseurs et ses concurrents à l’intérieur d’un réseau inter-
organisationnel.

Sur le graphique de la chaîne de valeur, nous pouvons visionner la plate-forme


intégrée de la TI (Venkatraman, 1989) comme une couche technologique insérée entre
les activités (séparées par des barres verticales) et le support administratif aux activités
(à l’interne et à l’externe) n’est qu’un outil passif.

La maîtrise des connaissances en TI par les membres de l’organisation ainsi que


les intentions stratégiques des leaders peuvent en faire le vecteur de la flexibilité
stratégique, du redesign des processus administratifs et de production, et ultimement,
d’un changement de domaine et de mission stratégiques. (Venkatraman, 1989)

4
Les aéroports sont aujourd’hui les vraies frontières nationales et c’est là que se situent les
grandes questions de sécurité nationale. (Virilio, 1984)
24

FIRM Information SystemTechnology


Planning and Budgeting Technology
INFRASTRUCTURE Office Technology
HUMAN Training Technology
RESOURCES Motivation Research

Ma
MANAGEMENT Information Systems Technology

rgin
TECHNOLOGY Product Technology Software Development Tools
Comuter-aided Design Information Systems
DEVELOPMENT Pilot Plant Technology Technology

PROCUREMENT Information SystemTechnology


Communication SystemTechnology
Transportation SystemTechnology

REPRESENTATION
CONNECTION
T.I. AUTOMATISATION
Transportation Basic Process Transportation Media Technology Diagnostic and
Technology Technology Technology Testing Technology
Materials Audio & Video
Material Handling Technology Material Handling Recording Communication
Technologies Machine Tool Technology Technology SystemTechnology
Storground Technology Packaging Communication Information System
Preservation Material Handing Technology SystemTechnology Technology

Mar
Technology Technology
Communication Information System

gin
Packaging
Communication Technology SystemTechnology Technology
SystemTechnology Maintenance Information system
Testing Technology Methods Technology
Testing Technology
Information System
Building Design
Technology Operation
Technology
Information system
Technology

INBOUND OPERATIONS OUTBOUND MARKETING& SERVICE


LOGISTICS LOGISTICS SALES

Figure 1.5
La plate-forme intégrée de la TI
Illustration originale à partir des contributions
de Porter (1985) et de Venkatraman (1989)
CHAPITRE 2

L’AUTOMATISATION D’UN ESPACE DE REPRÉSENTATION

La simulation d’images réalistes comme la


simulation de scénarios stratégiques relève de la
même démarche. Il s’agit de créer de toutes
pièces un monde imaginaire dont les
comportements sont réglés d’après des modèles
préalablement bâtis. (...) La simulation n’est donc
pas seulement un outil d’entraînement, c’est une
méthode fonda-mentale de mise au point de
stratégies globales. (Nous soulignons.)
Quéau, P., 1986 :234

Aussi bien que la perception du réel s’oppose aux


visions imaginaires, la représentation est l’acte
constitutif identique et radical du réel et de
l’imaginaire.
Morin, E., 1986 : 110

Il fut un temps où il était facile de parler et d’écrire sur l’automatisation, tant un


système ou un procédé automatisé désignait un système logiquement parfait, sans
variable exogène échappant à son contrôle. La littérature de cette époque (surtout
Woodward, 1958) décrivait les procédés de production en les classant entre technologie
de travail à l’unité, en petite série, à la chaîne, pour finir par la perfection techno-
logique des procédés en continu.

Aujourd’hui, ce classement ne se vérifie plus (Adler, 1988). Le potentiel de la


technologie de l’information est tel qu’elle offre, potentiellement, une perfection
logique pour tous les types de procédés en les ramenant tous à une seule classe de
procédés : le procédé continu (voir figure 2.1).
26

Product-Process Matrix
Historical Evolution
Standard
Process Process Multiple Major Products
Structure Structure Products Products Commodities

Job Shop

Batch

Assembly
Line

Continuous
Flow

Figure 2.1
L’effet de l’automatisation sur la matrice
des produits et des procédés
Source : Adler (1988 : 39, citant Boothroyd (1982)

Il y a fusion des types de Woodward (ceci est souligné par Boothroyd, 1982, Hayes
et Wheelwright, 1984 ainsi que Ferdows, 1983, cités par Adler, 1988), grâce à
l’automatisation dite flexible, mais aussi tendance à la fusion des types technologiques
de Thompson (1967) : la technologie, tout à la fois, médiatise, utilise des inter-
dépendances séquentielles et peut varier d’intensité en fonction des objets.
27

La TI déclenche un potentiel productif nouveau, mais l’utilisation de ce potentiel


repose sur une stratégie explicite à tous les niveaux de l’entreprise et sur une quête
collective de la connaissance grâce à un apprentissage continu (Adler, 1988).

L’organisation investie par la TI se crée en fait une multitude de problèmes techno-


organisationnels. Tant au niveau fonctionnel qu’au niveau corporatif, ces nouveaux
problèmes définissent un nouvel espace de représentation pour les gestionnaires et les
membres de l’organisation.

À la transparence et à la limpidité de jadis, succèdent l’opacité, le flou, la


complexité et la pression du temps qui s’égrène maintenant au centième ou au millième
de seconde.

La maîtrise parfaite de la nouvelle technologie semble impossible (80% des


entreprises ne parviennent pas ou renoncent à rendre flexible leur ligne de production,
après un investissement dans un système dit «flexible» (Adler, 1988)), les stratégies
fonctionnelles font défaut (surtout la stratégie de production (Weelwright, 1984)), et la
ressource humaine devient critique pour la maîtrise des nouvelles technologies.

C’est dans ce contexte que nous voulons examiner ce que la TI offre aux
gestionnaires pour soutenir l’élaboration et la mise en oeuvre de stratégies dans
l’organisation.

La vieille question de l’automatisation du travail du manager a progressé entre


opposants (Dearden, 1964) et ardents défenseurs (Simon, 1977), à travers
l’automatisation, progressive, d’un espace de représentation.

Ce concept d’espace de représentation est un concept-clé en sciences cognitives,


depuis les contributions de Newell et Simon (1972) jusqu’aux technologies actuelles de
l’intelligence artificielle et des systèmes experts qui réalisent de la représentation de
28

connaissances (voir l’historique des sciences cognitives par Le Moigne (1986b) et la


tentative de reconceptualisation de la connaissance de Morin (9186)). C’est l’espace
mental (supporté physiquement par les neurones et synapses chez l’homme, par les
puces électroniques pour l’ordinateur) à l’intérieur duquel un sujet établit sa
représentation d’un problème à résoudre, pour y travailler, à l’aide d’heuristiques, en
créant des liens entre les noeuds de connaissance jusqu’à solutionner le problème. Ou
autrement dit, jusqu’à ce que le sujet qui travaille cet espace ait la sensation de travailler
dans un espace transparent.

D’un niveau d’automatisation nul (l’époque des rapports MIS remis sur le bureau
du gestionnaire qui utilise alors ses propres heuristiques pour solutionner le ou les
problèmes détectés), on est passé à un niveau de semi-automatisation (avec les systèmes
interactifs d’aide à la prise de décision (SIAD ou DSS) qui permettent au gestionnaire
d’utiliser ses propres heuristiques et, de façon interactive, des modèles et des données
basées sur ordinateur) et à un système d’automatisation complète avec le système expert
(système qui exclut l’interactivité par le transfert complet de faits et de règles relatifs à
un domaine, dans un ordinateur).

Nous distinguerons dans ce chapitre deux grands types d’automatisation,


l’automatisation d’un ER (espace de représentation) atomisé et l’automatisation d’un
ER collectif, tout en distinguant pour ces deux catégories trois niveaux
d’automatisation.
29

2.1 L’AUTOMATISATION D’UN ESPACE DE LA REPRÉSENTATION


ATOMISÉ

Nous entendons par ER atomisé, un ER humain ou basé sur ordinateur ou mixte


qui n’est pas connecté à d’autres espaces de représentation. C’est la philosophie
première des développements respectifs en MIS, SIAD ou systèmes experts. Les
développements considérant une interaction entre plusieurs ER ne font qu’émerger.

Le schéma ci-dessous superpose au niveau d’automatisation les dimensions de


l’interface et de l’utilisation des heuristiques humaines.

L’utilisation d’heuristiques exécutées par l’homme est nulle dans le cas du


système-expert, est maximale dans le cas du rapport MIS à défricher et est moyenne
dans le cas du SIAD.

L’interface d’homme-machine, défini simplement comme le point de rencontre


entre l’utilisateur et la machine («where people and computer meet» (Bolt, 1984), suit la
progression suivante : l’homme est extérieur à la machine dans l’approche MIS
classique, l’homme interagit avec la machine dans le cas du SIAD et l’homme est
assimilé (voire «mangé» comme dans le jeu de Pacman) par la machine dans le cas
d’un ER totalement automatisé.
30

SYSTEMEXPERT Heuristiques +

Automatisation
SIAD
de l’interface + +
FONCTIONNEL

SIAD
STRATEGIQUE

SIAD
EXÉCUTIF

SIAD
MIS
Domaine -

Figure 2.2
Les niveaux d’automatisation
d’un espace de représentation atomisé

L’interface SIAD démontre un progrès remarquable dans les interactions


usager/ordinateur en créant une surface d’échange en créant une surface d’échange
maximum entre les deux (ajout de la souris, du crayon optique, de la table graphique, du
synthétiseur vocal, etc.) et en assouplissant, en rendant «conviviale», l’utilisation ou les
déplacements sur cette surface d’échange (menus déroulants, fenêtres, couleurs, son
mélangé à l’image, etc.). La recherche d’une surface d’échange idéale se manifeste
toujours plus par de nouveaux systèmes d’exploitation, comme Presentation Manager
pour les nouveaux IBM OS/2, ou le nouveau système d’exploitation du Next Computer
de Steve Jobs.
31

L’interface du système expert impose une nouvelle logique. L’usager ne doit plus
interagir avec la machine, mais bien la comprendre. À ce moment, l’interface ne se
définit plus comme une surface d’échange consacrée au travail, mais comme un espace
de communication entre une machine mimétique (elle essaie de communiquer à
l’homme comme si elle était elle-même humaine) et un usager. Les récents
développements de l’image de synthèse, visant à simuler l’expression d’un visage
humain, devraient faire de cette technologie l’instrument idéal de communication de la
machine vers l’usager.5

2.1.1 L’espace de représentation atomisé et non automatisé

Les systèmes d’information de gestion (SIG ou MIS) servent à informer le


manager. En fait, ils l’ensevelissent sous une montagne de rapports (often irrelevant
standardized reports) générés à la vitesse de 30 000 lignes à la minute (Keen, 1980).
Ces informations dépassent la capacité de traitement de l’usager.

2.1.2 L’espace de représentation atomisé et semi-automatisé

Nous sommes ici dans la cas d’un ER mixte, qui se construit entre l’usager et son
ordinateur qui contient des modèles et des données pertinents au problème à analyser.
Pour construire cet ER mixte, un logiciel interactif unit le coupe homme/machine; ce
logiciel forme avec l’ordinateur et les données un système interactif d’aide à la décision
(SIAD) ou un Decision Support System (DSS).

Bâtir un système d’aide à la décision est une chose très différente que de bâtir un
système de traitement des transactions. Camillus et Lederer (1985) soulignent que les

5
Thalmann et Thalmann, 1987, Cahiers internationaux de sociologie.
32

exigences en matériel et en logiciel ainsi que le personnel-expert, et plus encore, le style


de management rendent ces deux tâches profondément différentes.

Nous considérons ci-dessous, le SIAD fonctionnel, le SIAD orienté vers la


stratégie et le SIAD consacré au manager au sommet (CEO) dénommé SIAD pour
l’exécutif. Ces trois types de SIAD sont présentés dans un ordre d’automatisation
décroissante

LE SIAD FONCTIONNEL

Le SIAD fonctionnel permet à l’ordinateur de devenir partie intégrante du


processus de prise de décision et de planification, sans pour autant ensevelir le manager
sous une montagne de rapports.

C’est, pour Keen (1980), la fin de l’automatisation, comme but ultime de la


technologie de l’information («If one can automate a task, there is no need for a DSS».)

Pour Huff (1986), un système interactif d’aide à la décision (Decision Support


System) est un système interactif qui fournit à l’utilisateur un accès facile aux modèles
de décision et aux données, en vue de supporter des tâches de prise de décision semi-
structurées. Le SIAD concerne donc bien un manager, un système et une décision à
prendre dans un domaine bien déterminé, c’est-à-dire un espace de représentation
atomisé.

Les applications réussies des SIAD se retrouvent en gestion de portefeuille, en


analyse de fusion et d’acquisitions, en design de combats pour les forces de police, en
dessin de districts scolaires, en planification de marchés, en analyse de politiques au
niveau gouvernemental, en gestion de la R et D, en planification de produits, en
sélection de média et en budgétisation (Keen, 1980). Meador et Keen (1984) ajoutent
33

les applications suivantes : planification à long terme et planification stratégique,


établissement de politiques et gestion de flux de trésorerie. Huff (1986) note les
applications pleinement réussies d’un système permettant aux aiguilleurs de gérer
l’horaire des trains à la Southern Railway où, à la General Dynamics. d’un système
d’analyse de propositions pour les analystes en fixation de prix.

On le voit, ces applications corrigent un manque de focus spécifique des systèmes


classiques en MIS, quant à l’information fournie (Huff, 1986). Le même auteur établit
une distinction entre l’application SIAD elle-même et le générateur de SIAD qui est,
soit un tableur (Visicalc, Lotus 1-2-3) ou un parmi les langages conçus spécifiquement
pour la planification (IFPS, Empire, Simplan...)

Pour Gorry et Scott Morton (1971), deux grands axes permettent de situer le SIAD.
Ce sont les axes du niveau d’activité de management (les trois niveaux du contrôle
opérationnel, du contrôle de gestion et de la planification stratégique, depuis Anthony
(1965) et Ansoff (1965), et de structuration de la tâche (classification de Simon entre les
tâches structurées, semi-structurées et non structurées).

Kackathorn et Keen (1981) y ajoutent le troisième axe de l’interdépendance de la


tâche (voir Thompson, 1967) qu’ils différencient entre tâches dépendantes, tâches
rassemblées ou tâches séquentielles. On trouvera à la figure 2.1, le schéma proposé par
Splague comme cadre conceptuel d’un SIAD.

La littérature est unanime à souligner la spécificité de l’approche SIAD par rapport


à l’approche MIS. Cette dernière est plutôt une structure résultante d’une analyse de
flux alors que le SIAD est un processus continu et non plus un produit fini.

Cette nature différente exige des méthodes adaptées pour leur mise en oeuvre. Les
SIAD imposent un processus de mise en oeuvre souple, flexible et évolutif (voir
Hawgood, 1982), partant des besoins exprimés par l’usager. Besoins toujours
34

réactualisés en fonction du développement d’un prototype. L’objectif même d’un SIAD


est l’efficacité (faire la bonne chose au bon moment) plutôt que l’efficience (faire plus
vite et moins cher).

Data Base Model Base

Dialogue Generator

User

Figure 2.3
La structure générale d’un SIAD, par Sprague et Carlson (1982)
reproduit par Huff (1986)

Un SIAD ne peut donc pas être analysé a priori en termes de coûts/bénéfices.

Les résultats cités par Huff (1986) et qui reprennent Alter (1980), Huff et al.
(1984), Hogue et Watson (1983), Barkl et Huff (1984) ainsi que Meador et Keen (1984)
sont unanimes à trouver que :
35

 le besoin d’information précise est plus important que prévu au niveau de la


motivation à développer un nouveau SIAD;
 peu d’évaluations de SIAD se font à partir de l’analyse traditionnelle en
coûts/bénéfices;
 les utilisateurs finaux sont presque toujours les premiers à faire le pas en
développant un SIAD;
 les membres de l’équipe de développement viennent surtout du staff fonctionnel ou
de planification et non pas du département de data processing;
 les usagers perçoivent la flexibilité comme le facteur le plus déterminant dans la
réussite d’un SIAD;
 peu de SIAD sont développés aujourd’hui avec des logiciels de traoisième
génération (Fortran, ...), ce sont les langages de quatrième génération (Ramsis,
Express, ...) et les langages de planification qui sont prédominants (IFPS, System
W,...).

Reste une zone de contradiction, derrière cette belle unanimité des chercheurs en
SIAD : le SIAD intègre-t-il vraiment la représentation de l’environnement d’une
organisation? Il apparaît que le concept d’environnement organisationnel est
généralement absent de cette littérature (Hackathorn et Keen, 1981). Mais Huber
(1981) soutient un point de vue opposé : le SIAD est une ouverture sur l’environnement
organisationnel : «Tomorrow’s DSS will assist managers as they attempt to more fully
understand and account for the organizational environments in which their decisions
are made.» (Huber, 1981: 1)

La question est fondamentale pour celui ou celle qui s’interroge sur le contexte
organisationnel dans lequel les SIAD sont utilisés. En ne manipulant, par leurs données
et leurs modèles, qu’une représentation réduite et exprimée quantitativement, d’une
partie de l’environnement d’une organisation, les SIAD ne doivent-ils pas restés
confinés à des applications fonctionnelles très spécifiques? Nous examinons ce point
ci-dessous en passant rapidement en vue deux évolutions du SIAD vers une ouverture
36

plus grande à la stratégie : le système stratégique d’aide à la décision et le système


interactif d’aide à la décision pour le manager au sommet.

LES SYSTÈMES DE SUPPORT À LA STRATÉGIE

Nous commencerons par examiner le SIAD stratégique. King (1983) nous offre
une contribution originale où il définit ce concept de SIAD, tout en proposant une façon
de planifier son développement.

Commençons par la définition du concept : le SIAD stratégique est un SIAD


spécifiquement conçu pour supporter le management au sommet et les planificateurs
dans leurs fonctions de gestion stratégique. King ne critique aucunement les concepts
de planification et gestion stratégique, comme le feront Frederiks et Venkatraman
(1988) dans leur article sur la montée des systèmes de support à la stratégie.

Dans son article, King (1983) présente plus précisément deux systèmes SICIS
(Strategic Issue Competitive Information System) et le système d’analyse économique
de Data Resource. Il mentionne, par ailleurs, comme SIAD stratégique : CAUSE, de
Equitable Life Assurance Society et GADS (Geodata Analysis and Display System)
développé par IBM. Il mentionne également des systèmes développés par RCA,
Citibank, Louisiana National Bank, American Airlines et la First National Bank of
Chicago.

Pour King (1983), les exigences en volume de données ainsi que la façon d’utiliser
ces systèmes (affichage graphique et interface «convivial»), font que les SIAD
stratégiques ne peuvent raisonnablement être développés et utilisés que comme un
élément d’un système informatisé plus large. Cette constatation impose à l’organisation
qui veut se doter d’un SIAD stratégique un vrai (et long) processus de planification du
système stratégique d’aide à la décision.
37

Pour Frederiks et Venkatraman (1988), le concept de business strategy est en perte


de vitesse. Coupure dans les équipes de planifications et dégringolade du concept
même de stratégie.

Les auteurs proposent de redresser la situation en offrant aux entreprises un


système qui reconnaît réellement la complexité de l’analyse stratégique et qui incorpore
des dimensions multiples et interreliées, sans jamais simplifier les questions
stratégiques.

Voilà : l’évolution parallèle du concept de stratégie et du support offert par


l’ordinateur conduit, tout naturellement, au système d’aide à la stratégie, SAS ou SSS
(Strategy Support System).

Les auteurs proposent plusieurs graphiques (voir figure 2.4) pour appréhender la
position concurrentielle d’une entreprise à l’aide de cinq dimensions.

Ce système devra aider le stratège à formuler et à mettre en oeuvre sa stratégie, à


condition que le système démontre les capacités suivantes :

 facilité de navigation entre les cinq dimensions


 consistance logique assurée entre les mesures financières et les quatre autres
dimensions;
 flexibilité;
 boîte à outils de stratégie : outils spécifiques de l’analyse stratégique;
 orientation multi-usagers pour créer un cadre d’analyse commun entre les
multiples usagers.
38

Figure 1 ThreeDimensions of a Competitor Cube

Customers Products
Total Customer Segments Total Customer Segments
Customer Segment B Customer Segment B
Customer Segment A Customer Segment A

Market Data
Profit and loss
Balance Sheet
Cash flow
Statistics
Financial Ratios
Business Indices

Financials
Table 1 An Effective Strategy Requires Reconciling Five Dimensions
Strategy Dimension Analysis Dimension
How to add value? Value Chain/Investment Tradeoffs Financials
What to Offer? Product Line Analysis Proeucts
Where to Focus? Market Segmentation Customers
With Whomto Compete? Competitive Analysis Competitors
When to Act? Scenarios /Forecasting Time Periods

Figure 2.4
Représentation de l’entreprise dans le système d’aide à la stratégie
Frederiks et Venkatraman (1988)

Nous pensons que l’orientation multi-usagers constitue le plus grand progrès de ce


SAS, ce que nous traiterons plus loin comme recherche d’un espace de représentation
collectif semi-automatisé. En cadrant plus précisément la représentation de l’entreprise
et en la rendant commune à tout le management stratégique, ce système prépare déjà la
mise en oeuvres des futures stratégies.
39

LE SYSTÈME D’INFORMATION POUR L’EXÉCUTIF (SIE ET «EIS»)

Pour nous, le système d’information pour l’exécutif marque la limite inférieure de


l’automatisation d’un espace de représentation. Parce que le manager au sommet doit
(idéalement), en temps réel, TOUT savoir, tantôt à un niveau très agrégé, tantôt à un
niveau très détaillé, sur l’ensemble de son organisation. Il y a rupture avec l’approche
SIAD. Car l’approche SIAD ne peut composer ni avec la variété des domaines ni avec
une orientation «données» (souvent qualitatives) plutôt qu’une orientation «modèles».

Un SIE, pour Friend (1986), est aussi différent d’un MIS traditionnel qu’il est
différent du SIAD. Le SIE est un concept distinct du MIS parce qu’il n’est pas basé sur
les transactions ni sur l’approche comptable qui surcharge le manager au sommet de
montagnes de données inutiles; sans compter que le PDG d’une grande organisation n’a
pas trois jours à perdre pour apprendre la structure des données dans sa base de données
corporative. Pour le même auteur, le SIE est distinct du SIAD, car le manager au
sommet n’est pas un utilisateur de modèle (il laisse les modèles à son staff) et les SIAD
sont trop orientés vers la finance.6 De plus, le téléchargement à l’aide du lien micro-
ordinateur – ordinateur central est loin de remplir toutes ses promesses. Le SIE doit
mettre le focus sur l’obtention d’informations spécifiques, d’origine externe ou interne à
l’organisation, et sur l’accès au statut des données : «it filters, compresses, and tracks
critical data as determined by each executive end user.» Friend (1986)

Reck et Hall (1986) vont encore plus loin : «The EIS concept represents a total
break from traditional DP design and a mean to gather and assess relevant
management information.» (p. 24) (Nous soulignons.) Pour ces derniers, le concept de
MIS s’oppose à celui de SAM (Système d’aide au management ou MSS pour
Management Support Systems, qui comprennent, d’une part, les technologies de
l’ordinateur personnel, les logiciels de tableur et les centres d’information pour
6
C’est une vieille remarque envers les gens de recherche opérationnelle, voir Lynels.
40

supporter l’usager et, d’autre part, les systèmes SIE et SIAD). Les auteurs insistent sur
le fait que les organisations qui comprennent comment les concepts de SAM et de SIE
diffèrent de l’approche traditionnelle peuvent dériver tout le potentiel de ces nouveaux
systèmes.

Un bon système SIE taillé pour les besoins et le style cognitif du manager au
sommet devrait remplir une fonction à la fois distincte du MIS et du SIAD. Le manager
au sommet n’y est plus prisonnier de la base de données corporative : il a défini ses
besoins pour de l’information interne et externe, à partir des facteurs de succès critiques
dans son organisation (voir la méthode CSF de Rockart).

Le SIE offre donc une représentation critique de l’organisation. C’est le


gestionnaire au sommet qui a défini les facteurs critiques pour son organisation. Et le
SIE vient l’informer sur ces facteurs. Le SIE devient un système stratégique dans la
mesure où la stratégie consiste à s’occuper des facteurs critiques (Barnard, 1938).

Mais ce SIE existe-t-il vraiment ou bien est-il un mythe entretenu par quelques
consultants? Quelques quarante-cinq entreprises des cinq cents du classement de
Fortune en utiliseraient.

Comment trouver, à travers les concepts MIS, SIAD (fonctionnel, stratégique et


exécutif) et SE (systèmes experts), une unité conceptuelle dans le domaine des systèmes
d’information? Peut-être faut-il, comme Fowler (1979), faire table rase de l’approche
MIS et SIAD et SIE, parce qu’à chaque fois, le concepteur demande au futur usager de
définir, a priori, ses besoins en information, ce qui signifie que, si ses besoins sont
entièrement définissables, l’activité du gestionnaire peut être informatisée. Fowler
écrit :
«Assuming that the distinguishing feature, beyond luck, of the successful executive
vs the controller, is creativity, including novel and non-structured uses of
information, then any structured reporting system will fall to meet his needs.»
Nous soulignons.)
41

Pour ne pas simplifier notre tâche de clarté conceptuelle, Fowler (1979) nous
propose un nouveau concept qui redresserait les torts de tous les «automatisationistes»
que sont les gens de MIS qui se contentent de changer leur étiquette pour SIAD, quand
leurs systèmes se vendent mal. Le nouveau concept de cet auteur, pour le moins
caustique, est celui de Executive Intelligence System qui est basé sur l’entrée de toutes
les transactions en temps réel et par l’élaboration d’une structure globale des données de
l’organisation susceptible de fournir un cadre général d’analyse (framework) des
problèmes organisationnels.

Nous avons vu que le concept de SIE est un effort important pour offrir au
manager au sommet un support à la construction d’un espace de représentation, non pas
d’un problème particulier susceptible d’être modélisé parce qu’il appartient à un
domaine précis, mais bien d’une problématique qui relève des domaines variés (finance,
marchés, technologie, socio-politique, ...) contenant les facteurs critiques pour la
croissance et la survie de l’organisation.

2.1.3 L’espace de représentation atomisé et automatisé

La technologie du système expert est celle qui automatise le plus l’espace de


représentation d’un sujet. Dans les grandes lignes, un système expert peut être
représenté comme sur la figure ci-dessous. Ce type de système comprend, en plus de
ses interfaces (en amont avec l’expert et l’ingénieur cogniticien, et en aval avec
l’usager) trois éléments fondamentaux :
 une base de connaissances ou l’ensemble des règles écrites sur le domaine
représenté (voir les systèmes Dendral, Mycin, etc.);
 une base de faits qui comprend les faits permanents du domaine (exemple :
l’eau bout à 100° C, pour un système d’analyse physique de l’eau) et les faits
42

particuliers au problème qu’on cherche à résoudre (exemple : la température de


l’eau que je veux analyser est de 123° C), et
 un interpréteur ou un moteur d’inférences susceptible d’établir des
raisonnements qui, en partant des faits, utilisent les règles contenues dans le
système pour aboutir à des conclusions (chaînage ou forward chaining) ou qui,
en partant d’un objectif assigné par l’usager, utilise les faits et les règles pour
décomposer le problème en problèmes triviaux et élémentaires (chaînage
arrière ou backward chaining). Ces deux stratégies de chaînage sont le plus
souvent utilisées de façon complémentaire à l’intérieur d’un système.

Système
d’explication

Base Interface
de données
Langage
naturel

Base de Interface
Moteur Connaissances graphique Utilisateur
d’inférence
Faits Vidéodisque

Logiciels
d’application

Systèmes
Système de mesure
d’acquisition commande

Expert et ingénieur cogniticien

Figure 2.5
Un système expert et son environnement
dans Haton, J.P. (1986 : 6
43

Le point que nous voulons faire en abordant la technologie des systèmes experts
est le suivant : le système expert est d’abord un transfert de mémoire ou de
représentations enregistrées dans le cerveau humain. C’est un transfert de la mémoire
d’un expert très compétent dans un champ bien délimité du savoir humain vers la
mémoire de l’ordinateur. Et comme la mémoire de l’expert est hologrammatique (ce
sont les computations qui ont servi à établir la représentation qui sont engrammées dans
la mémoire (Morin, 1986)), ce que l’ingénieur cogniticien peut en extraire, ce sont des
règles ou des computations. Le coupe expert-ingénieur cogniticien forme la clé du
succès du système expert (visite de la firme Tecknowledge, Palo Alto – avril 1987).
Ainsi le groupe de recherche en intelligence artificielle de l’université de Stanford fait
appel à l’anthropologie pour étudier ce transfert d’expertise.7

Dans l’organisation, le système expert est là pour préserver et disséminer de


l’expertise rare (Luconi et al., 1986). N’est-ce pas le rôle de la mémoire
organisationnelle?

Le système expert ne nous révèle-t-il pas une rupture dans le paradigme


traditionnel de l’homme comme information processor et decision maker? Oui, nous
répond Zeleny (1987 : 50) que nous citons ici :

« Knowledge is not « processing of information » but a coordination of action. As


a consequence, any management support system (DSS, AI, ES, etc.) claiming
knowledge as its purpose or its base, cannot be of the symbolic computation type à
la Simon. »

Turban et Watkins (1986) abordent très précisément cette rupture épistémologique.


L’objectif de ES (expert system) n’est plus d’assister le preneur de décision (comme
c’est le cas pour le SIAD), mais de le répliquer et de le remplacer par un conseiller
automatisé (le système expert, SE). C’est le système qui prend la décision et non plus

7
La plupart des étudiants au doctorat en intelligence artificielle de Stanford sont déjà des
médecins! Ils contribuent ainsi rapidement au transfert de leurs propres connaissances dans les systèmes
experts médicaux développés à Stanford par Shortliffe et son équipe : Mycin, Emycin, Guidon,…)
44

l’usager du SIAD. L’orientation est vers le transfert d’expertise et non la prise de


décision. C’est la machine SE qui interroge l’humain, alors que l’humain interroge la
machine SIAD. La méthode de manipulation de données n’est plus numérique, mais
entièrement symbolique.

Ainsi le système expert a plus qu’une connaissance des faits (SIAD), il a une
connaissance procédurale : il traite des problèmes de type répétitif plutôt que ad hoc; il
est spécialisé dans un domaine restreint plutôt que dans un domaine très large, comme
le SIAD. Enfin, le système expert a sur le SIAD le double avantage d’une capacité de
raisonner et d’une capacité d’expliquer (Turban et Watkins, 1987).

En stratégie, des tentatives concrètes pour reproduire les raisonnements d’un


expert en planification ont déjà été réalisées (Goul, 1987) et la fusion des concepts de
système expert et SIAD est envisagée pour les années 1990 par Luconi et al. (1986).
Nous retrouvons également dans la littérature le concept KBDSS ou de SIAD basée sur
la connaissance (Blanning 1987). À ce jour, le système expert le plus
« stratégiquement » connu (en termes d’avantage concurrentiel : réduction de temps et
de coûts) dans l’industrie, est le système XCON (système expert en configuration
d’ordinateurs VAX suivant les spécifications du client) de Digital Equipment, suivi
chronologiquement de XSEL (système qui assiste la force de vente dans l’établissement
des commandes) toujours chez Digital (Leonard-Barton, 1987).

En conclusion de cette revue des technologies d’automatisation d’un espace de


représentation, nous pouvons retenir les points suivants :

1. la littérature dans le domaine est unanime à souligner des ruptures profondes


entre les approches MIS, SIAD et SE en termes de gestion de projet, de méthode
de développement, d’implication de l’usager, d’interface usager/ordinateur et de
technologie logicielle et matérielle;
45

2. en parcourant l’axe MIS – SIAD – SE, on assiste à une diminution d’utilisation


d’heuristiques par l’usager, en même temps qu’on constate une contraction du
domaine dans lequel ces heuristiques fonctionnent, le SE ne s’appliquant que
dans un domaine de connaissance très bien déterminé;
3. toujours sur ce même axe, on remarque une automatisation croissante de
l’interface usager/ordinateur : nulle dans l’approche MIS, l’interface doit offrir
une surface de travail praticable (« conviviale ») dans l’approche SIAD, pour
devenir une machine communicante (voix synthétique, image synthétique) dans
l’approche SE;
4. toutes ces approches de l’automatisation d’un ER atomisé cherchent à
automatiser un processus, à supporter un individu dans ses décisions ou à
incorporer le savoir-faire d’un individu par rapport à une tâche;
5. deux réalités sont systématiquement ignorées dans tous ces développements
technologiques : a) la plupart du temps, les gens travaillent ensemble (mais pas
les ordinateurs (Crowston et Malone, 1988)), et b) la connaissance se crée à
travers l’action, et l’action collective ou individuelle se base sur le langage
(« People working with computers get things done by placing orders, requesting
and producing reports, and releasing products, not by processing information.»)
(Nous soulignons.) (Winograd 1988.)

2.2 L’AUTOMATISATION D’UN ESPACE DE REPRÉSENTATION


COLLECTIF

Gorry et Scott Morton (1989) regrettent, dans un commentaire rétrospectif sur leur
article de 1971, d’avoir négligé la nature collective de l’organisation :

« But our discussion was generally concerned with facilitating the work of
individuals, and we ignored the collective nature of many undertakings, where the
coordination of specialized efforts is of outmost importance. » (p. 59)
46

Au-delà de ces regrets, Winograd et Flores (1987) proposent, dans un ouvrage


préfacé par Joseph Weizenbaum qui y voit un ground breaking book, une nouvelle
façon d’aborder le design de systèmes d’information dans l’organisation. Une nouvelle
façon qui relève les défis de prise en compte du langage comme fondement de
l’organisation et de l’action coopérative comme méthode d’accomplissement des
objectifs.

Nous citons Winograd et Flores (1987) : « In talking about managers, we are


deliberately avoiding the commonly used label ‘decision maker’. (...) We want to
challenge that pre-understanding.” (p. 144) Et, plus loin,

« Designing computer-based devices, we are not in the position of creating a


formal ‘system’ that covers the functionning of the organization and the people
within it. When this is attempted, the resulting system (and the space of potential
action for the people within it) is inflexible and unable to cope with new
breakdowns or potentials. Instead we design additions and changes to the network
of equipment (some of it computer-based) within which people work.” (p. 170)

Et enfin,

« The computer is ultimately a structured dynamic communication medium that is


qualitatively different from earlier media such as print and telephones.
Communication is not a process of transmitting information or symbols, but one of
commitment and interpretation.” (p. 176)

La forme de la technologie de l’information que nous décrivons ici impose un


nouveau champ de recherche : celui de l’interface entre un groupe ou une organisation
complète et l’ensemble de son système d’information. D’où le concept d’interface
organisationnel, à peu près complètement absent de la littérature en systèmes
d’information. Car, si depuis les années 1980, on commence à questionner
l’architecture des systèmes en rapport avec la stratégie (voir le premier chapitre sur
l’automatisation) et si on se lamente sur l’impossible communication entre applications
de type SIAD, on ne s’interroge pas encore sur la façon dont les interactions entre les
membres d’une organisation peuvent être soutenues par la technologie de l’information.
47

Alors que le corps de l’usager est appelé à devenir l’interface du futur : « Les
modalités d’interaction avec l’ordinateur représentent l’une des voies de développement
les plus prometteuses de l’informatique (…) un art du corps expressif » (Quéau, 1986 :
239), le concept d’interface organisationnel ne progresse pas.

Malone (1985 : 66) a abordé directement le concept, en proposant une définition


de organizational interface. Elle se lit ainsi : « The parts of a computer system that
connect human users to each other and to the capabilities provided by computers.” En
créant le concept d’interface organisationnel, Malone (1985 : 69) cherche à considérer
l’existence d’un espace de représentation collectif plutôt qu’atomisé : « I believe that we
need to extend traditional cognitive points of view to include information-processing by
multiple agents in organizations. »

On peut ainsi mieux structurer l’information dont on dispose collectivement,


susciter la motivation en distribuant largement les messages électroniques classés les
plus utiles par les membres de l’organisation, fournir des structures de rencontre et de
débat qui favorisent la formation de coalitions politiques autour de projets et de
problèmes, et enfin surveiller les prix des différents canaux d’information.

À travers le développement de différents logiciels de type groupware, de


nouveaux mécanismes de coordination de l’action se mettent en place.

Nous ne pouvons pas produire aujourd’hui, dans l’état actuel de leur


développement, une typologie ces systèmes qui se mettent en place, mais nous pouvons
émettre les remarques suivantes :

1. les nouvelles applications de groupe reposent sur des prémisses qui défient le
paradigme du gestionnaire preneur de décisions, à la rationalité limitée : le
nouveau paradigme concerne le langage, donc la communication, l’action et
48

la coopération dans l’action, et l’apprentissage à travers l’action, donc la


connaissance;
2. on peut raisonnablement penser que ces nouveaux systèmes à interface
organisationnel opéreront une fusion dans les approches MIS, SIAD et SE
pour offrir un seul produit qui soit à la fois un système de communication
intégral (voix, images, données), un système d’analyse interactif entre
plusieurs usagers et un système conjoint de représentation des connaissances;
3. ces nouveaux systèmes, tout en impliquant un changement de paradigme pour
les développeurs, impliquent des changements culturels profonds pour les
entreprises très formalisées autour du processus de planification ou trop
soumise à un réseau de communication hiérarchique, alimenté par le leader au
sommet;
4. on peut observer chez les chercheurs qui se consacrent à l’automatisation d’un
espace de représentation collectif un changement de paradigme : il ne s’agit
plus d’automatiser pour automatiser (pour rendre indépendant du contrôle
humain), mais d’automatiser pour maximiser l’efficacité de la
communication, en créant des interfaces organisationnels, vecteurs d’action
collective. On peut appeler ce nouveau paradigme, le paradigme de l’auto-
représentation (Lemoigne, 1986a). Il est déjà présent dans les travaux de
chercheurs en quête d’une nouvelle théorie de la coordination (Malone, 1988),
d’une culture de l’innovation issue de la connexion des individus (Schein,
1988), ou de l’interaction des personnes comme fondement de l’organisation
(Winograd et Flores, 1987).

2.3 UN NOUVEAU PARADIGME : L’AUTO-REPRÉSENTATION

Jean-Louis Lemoigne (1986) présente une critique facilement accessible du


paradigme MIS, prolongé de ses formes SIAD et SE. Le paradigme MIS est, pour cet
auteur, fondé sur la conception, d’origine cybernétique, suivante : l’organisation est
49

d’abord un système d’activités à contrôler. Le système MIS est donc le système de


contrôle d’un système à contrôler.

Il s’agit, dans la perspective MIS d’automatiser, c’est-à-dire de créer un système


de contrôle qui se substitue à l’intervention humaine. Ainsi, en découpant l’entreprise
ou l’organisation en sous-systèmes, on crée des sous-systèmes automatisés (gestion des
stocks, réception des commandes, …) conceptuellement de nature cybernétique
(l’information y existe comme signal déclencheur). Ces applications MIS ne sont pas
de nature systémique (sinon dans le découpage en sous-systèmes) parce que l’approche
systémique reconnaît, elle, le concept fondamental d’émergence. Les propriétés du
système émergent de l’ensemble des parties : elles ne sont pas réductibles à quelques
règles fonctionnelles et explicites, a priori.

Si, dans le paradigme MIS, l’organisation est une structure figée sur laquelle on
peut établir un système de pilotage, dans le paradigme concurrent de système
d’information organisationnel ou SIO (OIS pour Organization Information System),
l’organisation est d’abord un processus continu plutôt qu’un résultat. C’est un
processus entre trois fonctions récursives fondamentales : maintenir et se maintenir,
relier et se relier, produire et se produire.

Rejoignant la primauté du concept d’action et considérant comme Winograd,


Malone ou Fowler que la finalité d’un système d’information est de construire un
espace favorisant l’action, Le Moigne écrit :

Pour qu’il y ait organisation, il faut qu’une action entre plusieurs acteurs soit
représentée par la production d’un artéfact appelé « information », représentation
que s’approprie et que commémorise ce groupe d’acteurs. (Le Moigne, 1986)
(Nous soulignons.)

La clé pour celui ou celle qui conçoit un système d’information dans ce nouveau
paradigme n’est plus dans la modélisation a priori d’un processus comportemental ou
50

décisionnel mais dans la représentation globale des informations résultant des actions
posées par les acteurs de l’organisations.

En agissant de la sorte, le concepteur contribue au processus d’auto-


représentation qui permet à toute organisation de s’organiser par le processus
informationnel qu’elle forme (l’organisation est créatrice d’informations; et ces
informations doivent être représentées) et qui la forme (en s’étudiant, ex-post, à travers
les informations qu’elle a créées, l’organisation comprend qu’elle peut améliorer des
structures et des performances… l’organisation trouve des règles qui vont servir à son
développement (voir la contribution classique de Welck, 1979).

Le système d’information organisationnel, dans le paradigme SIO est une


« couche » d’information entre le système des opérations et le système de pilotage ou de
gestion.

LE MODÈLE CYBERNÉTIQUE LE MODÈLE SYSTÉMIQUE


DE L’ORGANISATION DE L’ORGANISATION
Supportant le paradigme classique du SIG/MIS Supportant le nouveau paradigme du SIO/OIS

Système de pilotage
SYSTÈME DE PILOTAGE
(Control System)

Système d’information
(système de mémorisation des
SYSTÈME PILOTE informations de l’organisation
(Controlled System)

Système des opérations

Figure 2.6
Les deux paradigmes MIS et SIO
Le Moigne (1986)
51

C’est ce processus de création d’informations qui permet à l’environnement


d’entrer au cœur de l’organisation, alors que la forme stratégique de l’automatisation
pure isole, par la technologie de l’information, l’organisation d’un environnement traité
comme hostile. Un espace favorisant l’action individuelle et collective se caractérise
par une quête collective de la connaissance permettant de reconstruire l’environnement
à l’intérieur de l’organisation.

Nous avons vu dans ce chapitre que les différentes avancées pour automatiser un
espace de représentation amènent les chercheurs, les concepteurs et les spécialistes de la
TI sur la rive d’un océan inconnu : l’espace de représentation collectif.

Ici, l’outil MIS, SIAD ou SE ne performe plus, car son design est étranger à
l’existence d’interactions dans le groupe.

Mais un outil à interface organisationnel ne pourra performer que dans un espace


ouvert aux interactions. C’est ce lien nouveau entre TI et stratégie, ou entre TI et
espace de la stratégie, que nous voulons aborder pour conclure ce travail.
CHAPITRE 3

LA COHÉSION STRATÉGIQUE PAR,


AVEC OU DANS LA TECHNOLOGIE DE L’INFORMATION

« The implementation of new automated


capabilities creates unique problems, the solutions
to which seem to make a cultural fabric of
cooperation a necessity, not merely a humanistic
ideal.” (Nous soulignons.)
Adler, P.S. (1988: 45)

Les Nouvelles Formes Informatiques sont plus un


moyen d’organiser l’entreprise et de la transformer
que de produire plus ou plus vite.
Alter, N. (1988 : 155)

Comment le stratège peut-il se servir de la technologie de l’information pour


relever le double défi d’une cohérence interne et d’une cohérence externe? En partant
d’Andrews (1971, 1980), nous allons tenter de construire un modèle conceptuel des
liens entre la TI et la stratégie en vue de relever ce double défi.

3.1 UN MODÈLE GÉNÉRAL DES LIENS ENTRE STRATÉGIE ET LA TI

La pensée d’Andrews peut se résumer ainsi : l’unité, la cohérence et la


consistance interne de la stratégie corporative vont positionner la firme dans son
environnement, où se manifestent des opportunités et des menaces (relever le défi
externe) et lui donner son identité, son pouvoir de mobiliser ses forces et ses chances de
succès dans le marché (relever le défi interne). C’est ce que nous schématisons sur la
53

figure 3.1 en liant stratégie à performance, à travers la relève des deux défis, interne et
externe.

DÉFI INTERNE

STRATÉGIE
P
DÉFI EXTERNE

Figure 3.1
Le modèle général d’Andrews (1971, 1980)

Tâchons maintenant d’élaborer un modèle général qui, à partir de la vision des


choses exprimée par Andrews, tienne compte du rôle stratégique de la technologie de
l’information.

Nous réaliserons ce modèle en trois étapes : dans la première étape, nous


introduirons la TI, dans la deuxième étape, nous poserons la question de ses rapports
avec la structure organisationnelle, pour terminer, lors de la troisième étape, par les
rapports entre TI et espace de la stratégie (Lejeune, 1988).

PREMIÈRE ÉTAPE : LA TI
54

Sur le modèle à la figure 3.2, nous désignons par le rectangle « OFFRE TI TI »,


les facilités en technologie de l’information détenues par une organisation, c’est-à-dire
des facilités de traitement, de stockage et de communication, à la fois logicielles et
matérielles. Ces facilités sont en relation avec l’offre disponible en TI car cette offre
permet à la firme des percées technologiques tout en créant une dépendance de
l’organisation envers ses (ses) fournisseur(s) pour des cat.égories de matériel ou de
logiciel.

Cette première étape nous amène en fait à définir une « aire technique » où les
questions de standards, de compatibilité, de capacité et de rapports coûts/performance
doivent être résolues.

Les liens de cette aire technique avec l’architecture de la TI sont fondamentaux.


Si on considère l’ensemble des décisions d’automatiser tel ou tel sous-système, ainsi
que les décisions d’intégrer une partie ou l’ensemble de ces sous-systèmes automatisés
entre eux, on constate que ces décisions conduisent à la définition d’une architecture qui
va lier entre elles les facilités de la TI (exemple : le concept de fabrication intégrée par
ordinateur).

La stratégie a des liens directs avec ce rectangle « OFFRE TI TI » dans la


mesure où les applications mises en œuvre par la TI supportent directement le plan
stratégique de l’organisation, et où les décisions de se fournir auprès de tel ou tel
constructeur ou éditeur de logiciel sont prises à un niveau stratégique, ou proche du
sommet de l’organisation.
55

DEUXIÈME ÉTAPE : LES LIENS AVEC LA STRUCTURE ORGANISATIONNELLE


!!!FAIRE LE LIEN AVEC BARTLETT ET GHOSHAL!!!

Les rapports entre la structure organisationnelle et la TI sont médiatisés par le


concept d’architecture de la TI. Nous avons vu dans le premier chapitre, d’une part que
la structure organisationnelle doit se modeler sur la chaîne de valeur de la firme, et
d’autre part, que la TI conçue comme une plate-forme entre les activités et le
management est l’outil intégrateur d’une structure éclatée ou réticulaire, selon le
schéma de Child (1987), par exemple.

L’architecture retenue pour la TI va donc articuler ce que nous avons appelé plus
haut l’« aire technique » à la structure organisationnelle, la TI pouvant s’accorder aussi
bien avec une structure centralisée que décentralisée.

Ces choix d’architecture seront conditionnés par les liens historiques entre
stratégie et structure qui se sont tissés dans l’organisation. Nous savons que ces liens
doivent être aujourd’hui envisagés dans une double perspective de structure qui suit la
stratégie (et d’architecture de la TI qui suit la stratégie), et de stratégie qui suit la
structure (donc de stratégie qui suit l’architecture de la TI).

Pour réussir à mobiliser ses forces, l’organisation devra posséder un degré élevé
de compatibilité entre sa stratégie, sa structure et son architecture de la TI. À cette
condition, elle pourra relever son défi interne, c’est-à-dire mobiliser au maximum ses
forces et ses chances de succès dans le marché.
56

STRUCTURE
DÉFI INTERNE
ARCHITECTURE

P
STRATÉGIE

OFFRE TI T.I.

ESPACE DE LA STRATÉGIE
DÉFI EXTERNE
FLEXIBILITÉ

Figure 3.2
Un modèle général des liens
entre la stratégie et la TI

TROISIÈME ÉTAPE : LES LIENS AVEC L’ESPACE DE LA STRATÉGIE

Par le concept d’espace de la stratégie, nous entendons l’espace politique, cognitif


mais aussi instrumental qui est modelé par le stratège pour faire passer sa stratégie dans
l’organisation. Dans un premier rapport théorique, nous avons décrit les espaces vides
(soumis à la seule volonté du stratège au sommet), programmatique (soumis au plan) ou
habité (favorisant l’action coopérative, au sens de Barnard (1938)) (Lejeune, 1987,
1988).

Le stratège qui a fait un choix d’architecture de la TI doit maintenant aller en


chercher les avantages en termes de flexibilité (tant flexibilité de processus que
57

flexibilité de produit, voir Adler, 1988). Nous avons vu que cette flexibilité est source
de performance par la réduction des coûts et par la capacité de réponse à une demande
fluctuante en termes de volume et de produit.

Nous verrons plus loin que cette flexibilité peut être atteinte :
1. en vidant l’espace de la stratégie et en misant exclusivement sur une
architecture de la TI,
2. en programmant cet espace de la stratégie, ou
3. en en faisant une source d’actions coopératives (au sens de Barnard, 1938)
conduisant à la flexibilité organisationnelle.

C’est l’atteinte bien réelle de la flexibilité qui permet de relever le défi externe,
celui du positionnement dans le marché.

3.2 TROIS SCHÉMAS DE BASE POUR LA NAVIGATION DANS LE


MODÈLE

Les figures suivantes 3.3, 3.4, et 3.5 décrivent des liens différents entre les
variables proposées dans le schéma 3.2; ces nouvelles figures vont illustrer trois grands
chemins qui mènent à la performance quand la stratégie veut y tendre par la TI, avec la
TI ou dans la TI.
58

STRUCTURE
DÉFI INTERNE
ARCHITECTURE

STRATÉGIE OFFRE TI T.I.


P
ESPACE DE LA STRATÉGIE
DÉFI EXTERNE
FLEXIBILITÉ

Figure 3.3
La stratégie par la technologie de l’information
ou le chemin critique de l’espace vide

3.2.1 La stratégie par la TI ou le chemin critique de l’espace

La vide figure 3.3 montre un chemin critique qui néglige de relever le défi
interne, car il néglige les variables « structure » et « espace de la stratégie ».

C’est le chemin le plus court pour tirer profit de la TI : de la stratégie, on passe à


l’architecture de la TI et on s’équipe des facilités retenues. La flexibilité repose
entièrement sur les facilités en TI et permet ainsi de relever le défi externe en termes de
59

réduction de coûts et de capacités de réponse à une demande fluctuante. C’est le cas de


toutes les expériences d’automatisation extrêmes, jusqu’au concept de light-off plant.

Dans ce cas, les activités ont subi une automatisation extrême de chacun des sous-
systèmes, couplée à une intégration maximale des différents sous-systèmes.

L’organisation résultante est un espace de flux et de processus qui n’est pas


construit sur de grandes contributions du personnel et du management. Ce dernier
étant, dans la mesure du possible, lui-même automatisé.

Points remarquables

Dans cette configuration, nous pouvons souligner les points suivants :

1. le lien stratégie-TI est entièrement maîtrisé par la mise au point d’une


architecture de la TI susceptible de fournir tous les avantages compétitifs
recherchés, tant au niveau des activités que du support à ces activités;
2. l’information circulant dans ce type d’organisation est extrêmement codée;
3. la mémoire de cette organisation est fondamentalement une mémoire,
automatisée, de ses propres processus;
4. la flexibilité (de processus et/ou produits) est acquise par une maîtrise de
l’intégration automatisée;
5. la structure organisationnelle est un résidu déterminé par la stratégie (sous-
traitance, liens avec les fournisseurs et les clients) et l’architecture de la TI retenues;
6. l’espace de la stratégie de cette organisation est vidé politiquement,
cognitivement et instrumentalement par la trajectoire du système intégré qui se met
en place;
7. par conséquent, le défi interne, celui de la mobilisation des forces et des chances
de succès dans le marché n’est pas relevé et c’est ce qui peut expliquer le taux
60

énorme d’échecs (80 %) dans la recherche de flexibilité après un investissement


dans des systèmes flexibles (Adler, 1988).

3.2.2 La stratégie avec la technologie de l’information ou


le chemin critique de l’espace programmatique

Dans cette configuration, il y a, au niveau des activités, un mélange d’îlots


d’automatisation tandis que les contributions du personnel et du management sont
importantes. Le management cherche à anticiper les mouvements de l’environnement
pour bien planifier le déploiement des ressources organisationnelles. Le staff et le
processus de planification sont essentiels au fonctionnement de l’organisation. Le
management se sert abondamment de système d’aide à la prise de décision composés de
modèles et de bases de données.

Sur le schéma 3.4, la stratégie (sous la forme du plan stratégique) est la source de
la structure, tout en définissant un espace de la stratégie basé sur la programmation de
l’action.
61

STRUCTURE
DÉFI INTERNE
ARCHITECTURE

STRATÉGIE OFFRE TI T.I.


P
ESPACE DE LA STRATÉGIE
DÉFI EXTERNE
FLEXIBILITÉ

Figure 3.4
La stratégie avec la technologie de l’information
ou le chemin critique de l’espace programmatique

Dans cette organisation, l’architecture de la TI est un projet complexe,


programme pour du moyen ou du long terme, et qui doit tenir compte de nombreuses
contraintes propres à la structure et à l’espace de la stratégie existant. Dans cet espace
de la stratégie, on retrouve une très grande légitimité du staff de planification (on a
tendance à planifier stratégiquement des systèmes d’information, plutôt que de créer
une plate-forme intégrée de la TI), des méthodes de gestion très explicites et presque
incontournables ainsi qu’une recherche théorique du fit avec l’environnement.

Les gains en termes de flexibilité ont plus tendance à venir de la programmation


de l’action que de l’existence d’une architecture intégrée.
62

Grâce à ces gains, le défi externe peut être relevé dans certaines limites, tandis que le
défi interne de mobilisation des forces et des chances de succès est partiellement relevé
par le bénéfice d’une architecture de la TI calquée sur la structure et par l’abondance
des systèmes d’aide au management.

Points remarquables

1. dans cette organisation, le processus de planification stratégique prédomine et


détermine les variables « structure » et « espace de la stratégie »;
2. l’architecture de la TI existe dans ce type d’organisation à titre de plan à
réaliser de façon incrémentale; elle n’est pas actualisée, de façon intégrale, dans
une plate-forme intégrée de la TI;
3. l’information circulant dans cette organisation a tendance à être très codifiée;
4. dans cette configuration, la mémoire organisationnelle consiste en de vastes
bases de données et, dans une moindre mesure, dans des processus programmés;
5. ce type d’organisation voit proliférer des systèmes atomisés d’aide au
management (MIS, SIAD, SE, voir au chapitre 2);
6. la flexibilité de produit et/ou de processus est obtenue principalement par la
programmation de l’action;
7. la structure organisationnelle ne sera pas aussi réticulaire ou éclatée que dans
la configuration de l’espace vide;
8. l’espace de la stratégie n’est pas soumis dans son intégralité à l’existence
d’une plate-forme intégrée de la TI, mais il est soumis au processus de
planification qui y programme l’action;
9. les défis interne et externe sont tous deux relevés, mais d’une façon limitée.
63

3.2.3 La stratégie dans la technologie de l’information : le chemin


critique de l’espace habité

Dans cette troisième configuration, il y a automatisation poussée mais limitée par


l’autonomie des équipes de travail ou des unités administratives de base. Le
management cherche à établir et à entretenir un contexte suscitant l’initiative et
l’innovation (Burgelman et Sayles, 1987) voire même l’émergence de stratégies
nouvelles. Les contributions du personnel et du management, en termes d’actions
posées et de connaissances acquises collectivement (Vogel, 1979; Adler, 1988), sont
essentielles. La technologie de l’information supporte de l’information à la fois
très………… (nomenclatures, statistiques, etc.) et très peu codifiée (voix, textes,
graphiques, vidéos). Mais surtout, elle vise à coordonner les actions et à supporter des
processus de groupe.
64

STRUCTURE
DÉFI INTERNE
ARCHITECTURE

STRATÉGIE OFFRE TI T.I.


P
ESPACE DE LA STRATÉGIE
DÉFI EXTERNE
FLEXIBILITÉ

Figure 3.5
La stratégie dans la technologie de l’information
ou le chemin critique de l’espace habité

La mémoire de l’organisation se situe ici, moins dans des processus programmés


ou des bases de données que dans des interactions au sein d’équipes de travail. Des
interactions qui permettent l’acquisition et la destruction de connaissances (Nonaka,
1988). La faculté de désapprendre dote l’organisation d’une mémoire qui n’est plus
seulement codifiée et cumulative, mais qui devient intelligente. Nous appelons cette
configuration, l’espace habité.

Ces trois configurations ne sont pas complètement exclusives l’une de l’autre,


mais créent, chacune, des espaces de la stratégie cohérents par la légitimité des acteurs
autorisés à décider et encouragés à agir, par les outils de gestion utilisés, et par les
65

théories et les idéologies qui sous-tendent l’utilisation de ces outils et justifient les
légitimités.

Points remarquables

Mentionnons, pour clore la description de cette dernière configuration, ses points


remarquables.

1. La dynamique entre la structure et la stratégie vise essentiellement à


construire un espace qui permette l’action individuelle et collective;
2. le choix d’une architecture de la TI vient des initiatives de groupes d’usagers
qui cherchent à mieux coordonner leur action;
3. la flexibilité de produit et/ou de processus repose essentiellement sur la
dynamique entre un espace de la stratégie favorisant l’action collective et les
moyens, issus de la TI, aptes à mieux coordonner cette action;
4. le défi externe est relevé non seulement en termes de réduction de coûts ou de
réponse à une demande fluctuante grâce à la flexibilité, mais aussi en termes de
qualité et de service;
5. le défi interne est parfaitement relevé au moyen d’une structure appropriée et
d’un espace de la stratégie qui favorise l’initiative et la mobilisation des forces et
des chances de succès;
6. l’information circulante est soit très codifiée, soit très peu codifiée;
7. dans cette configuration, la mémoire organisationnelle est basée moins sur des
processus et des données que sur des interactions qui permettent la création et la
destruction de connaissances; cette mémoire tend à être une mémoire intelligente;
8. dans cette configuration, l’objectif ultime n’est pas l’automatisation et
l’intégration grâce à la TI mais la maximisation des interactions susceptibles de
construire une mémoire organisationnelle intelligente; dans ce cas, les formes
actuelles de la TI sont de peu de secours.
CONCLUSION

Dans le cadre de ce rapport théorique, nous ne traiterons pas des deux points
suivants : la question de la performance et celle de la reconfiguration (le passage d’une
configuration à une autre configuration).

Soulignons seulement que la contribution de la TI à la performance ne doit pas


seulement être envisagée sous l’angle du retour sur l’investissement, mais aussi et
surtout, sous l’angle d’avantages compétitifs qui ne sont conférés que par la TI.

Dans ce second rapport théorique, nous avons voulu montrer que les
développements rapides en TI imposent une vision plus large des systèmes
d’information et de leurs impacts sur la structure et la stratégie organisationnelles.

Le chapitre premier a souligné l’impact de la TI sur l’organisation au moyen de


l’automatisation intégrée des activités (opérations et transactions internes et externes)
mais aussi automatisation des espaces de représentation et automatisation des
connexions. Cette automatisation est intégrée par la mise en place d’une plate-forme
unique ou intégrée de la TI. Cette nouvelle approche modifie les méthodes de
planification des systèmes et fait surgir de nouvelles structures d’organisation,
structures éclatées (vers les sous-traitants, les fournisseurs, les concurrents, les clients)
mais réunies par la TI.

Le deuxième chapitre a abordé l’automatisation des activités de management et


de support à la production en partant du concept d’espace de représentation. Ce concept
nous a permis de travailler dans deux directions : celle de l’automatisation croissante et
celle du passage d’un espace atomisé à un espace collectif. En discutant de cette
67

évolution, nous avons souligné les critiques faites au paradigme du manager,


information processor atomisé, et l’émergence du paradigme de l’auto-représentation
organisationnelle.

Dans ce dernier chapitre, nous avons proposé un modèle général des liens entre
stratégie et technologie de l’information, sans pour autant laisser de côté les concepts de
structure et de performance, ni celui d’espace de la stratégie. À l’aide de trois grandes
configurations, nous avons proposé une série d’hypothèses, à raffiner, sur la dynamique
entre stratégie et TI.

Le rythme effréné des changements dans la TI, l’audace des nouvelles


applications et l’émergence d’un paradigme radicalement neuf, nous emmènent,
chercheurs et managers, vers de nouvelles aventures. Nonaka (1988) nous raconte un
peu de cette nouvelle aventure de l’information dans l’organisation lors du design
complet du nouveau modèle City de Honda. Le VP R&D donne une simple feuille de
papier à un chef de groupe (la moyenne d’âge du groupe est de vingt-sept ans; les
membres viennent des départements de vente, production et développement). Cette
feuille contient deux objectifs (faire une voiture petite et économique) et une
recommandation : ne partez pas de ce que nous avons déjà fait. Et l’aventure
commence… Seule contrainte absolue : l’échéance temporelle à respecter, le deadline
est inamovible.

Nonaka (1988) rapporte que le paradigme traditionnel de traitement de


l’information n’aide pas à comprendre comment le projet était géré. Nous le citons :

« For innovation is not so much a process of gradually reducing uncertainty is


intentionally increased when circumstances demand the generation of chaos from
which new meaning can be created. This process is full of discovery, surprise,
and redundancy. (Nous soulignons cette dernière phrase.) Et plus loin : The
quality of information becomes more important than the quantity. Inductive,
synthetic, and holistic methodilogies become more useful than the deductive,
68

analytic, and reductionistic ones used in informations processing.” (Nonaka,


1988; 12)

Aux chercheurs de vérifier l’existence de ce nouveau paradigme et de contribuer


à son développement!
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