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DESS Logistique Delphine NOGUES

Université Panthéon-Sorbonne
Paris 1

L’approche globale des relations


d’échange de la logistique

Mémoire de fin d’études

Maître de mémoire : Pierre MEDAN 2004


L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

SOMMAIRE

INTRODUCTION 3

PREMIERE PARTIE COORDINATION INTRA ORGANISATIONNELLE 11

I. ETAT DES LIEUX 12

A/ DES LENTEURS DANS LE PROCESSUS D’INTEGRATION 12

B/ ZOOM SUR LES RELATIONS MARKETING/LOGISTIQUE 13


1) La logistique, une moitié du marketing 14
2) Un marketing marginalisé par la gestion logistique 15

II. CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 17

A/ MODIFICATION DES DECISIONS EN MARKETING 17

B/ VERS UNE LOGISTIQUE PERSONNALISEE 19


1) Segmentation marketing/segmentation logistique 19
2) Marketing mix/Logistique mix 22

III. CHANGEMENT HUMAIN 24

A/ IMPLICATION SUR LES FORMATIONS ACADEMIQUES 24

B/ EVOLUTION DES COMPETENCES : QUELS LOGISTICIENS ? 25


1) Les besoins des entreprises en emplois et formations logistiques 25
2) Evolution des salaires 28

SYNTHESE 30
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 32

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DEUXIEME PARTIE COORDINATION INTER ORGANISATIONNELLE 33

I. VERS DES CANAUX DE DISTRIBUTION PLUS REACTIFS 36

II. EVOLUTION DES RELATIONS FOURNISSEURS - DISTRIBUTEURS 39

A/ LA PRISE DE CONSCIENCE D’UNE NECESSAIRE COORDINATION 39


1) Contexte 39
2) Les composantes de la collaboration 41

B/ L’ENJEU : LE POUVOIR 44

C/ LES LIMITES DE LA COORDINATION 49


1) Le comportement opportuniste 49
2) L’asymétrie de l’information 50

D/ LES CONDITIONS D’EMERGENCE DE PRATIQUES COLLABORATIVES 50

III. UN NOUVEL ACTEUR : LE PRESTATAIRE 52

A/ LES CONTOURS DU METIER 52

B/ STRATEGIES DE POSITIONNEMENT DES PRESTATAIRES 54

C/ LES LIMITES DE LA LOGISTIQUE CONTRACTUELLE 58

IV. LES RELATIONS AVEC LE CLIENT 61

A/ EVOLUTION DU COMPORTEMENT DE L’ACHETEUR 62


1) Un consommateur rationnel 62
2) Un consommateur guidé par des motivations affectives 63

B/ UNE ADAPTATION DE LA LOGISTIQUE ? 63

SYNTHESE 66
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 68

CONCLUSION 69

BIBLIOGRAPHIE 71

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INTRODUCTION

Aujourd’hui le terme «logistique » recouvre des interprétations très diverses. Cela


va du simple «transport » jusqu’à une science interdisciplinaire combinant
ingénierie, micro économie et théories d’organisation. Il s’avère, en effet, que le
concept de la logistique est une problématique en soi [Moller 1995 ]. Il s’agit d’un
mot aux multiples acceptations voisines les unes des autres. Tout essai de
définition doit faire la synthèse de toutes ces acceptations et l’ensemble devient
trop large. Nous pouvons essayer de définir le terme à partir des fonctions
réellement remplies par les services logistiques :
- Dans les entreprises, la logistique est le plus souvent l’activité
d’organisation des transports et de la manutention pour la livraison des
commandes avec assez souvent aussi le traitement des commandes. Dans
la grande distribution s’y rattache aussi la gestion des magasins et plates-
formes d’éclatement.
- Dans l’industrie, la logistique recouvre les fonctions précédentes, les mêmes
fonctions en ce qui concerne les approvisionnements et assez souvent des
fonction de planification de la production.
- Dans les armées, la logistique recouvre dans tous les états-majors l’activité
d’un bureau spécialisé dans les problèmes d’approvisionnements et de
transport. On parle aussi d’activité logistique pour désigner celles de service
de type matériel, intendance.
- Dans les administrations françaises, le terme logistique recouvre parfois
toutes les activités non techniques de gestion des bâtiments, de nettoyage,
de gestion des pool de véhicules.
Mais le domaine de la logistique est encore plus vaste. Avec la création de
formations de haut niveau en logistique, les universitaires entraînent la logistique
vers un élargissement progressif de son domaine jusqu’à assurer la gestion de
tous les flux réels au sein de l’entreprise.

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Il nous paraît donc qu’aucune définition n’est suffisante pour appréhender le


champ conceptuel de la logistique. C’est seulement en refaisant l’histoire du
concept que l’on peut mesurer le développement de la logistique et mieux
comprendre son avenir.

Les origines militaires

Le terme logistique vient du mot grec « logos » qui signifie l’art du raisonnement
et du calcul. Le vocable est apparu alors dans le domaine militaire au moment où
l’on a tenté de rationaliser l’expérience acquise au cours des campagnes
napoléoniennes : il fallait déplacer des effectifs importants d’hommes et de
chevaux et de tout ce qui leur était nécessaire pour permettre l’application sur le
terrain des décisions stratégiques et tactiques.
La guerre 1939-1945 a constitué un tournant de la logistique militaire. D’abord du
simple fait que l’armée américaine a dû intervenir très loin de ses bases arrières
avec l’obligation de faire appel à des transports maritimes ou aériens. Ensuite à
cause de quantités considérables de matières, carburants, vivres et munitions
nécessaires. La logistique, créée de toutes pièces par des réservistes qui venaient
de grandes entreprises, est devenue un des facteurs clés de la réussite militaire.
La logistique d’entreprise est apparue après la fin de la seconde guerre mondiale,
notamment avec la reconversion dans les entreprises, des spécialistes militaires en
logistique et avec la réutilisation de l’expérience acquise pendant la guerre.

Les origines de la pensée logistique économique

La pensée économique en matière de la logistique remonte aux Etats-Unis au


début du 20ème siècle. Les premières réflexions identifiées ont été menées en 1901
par Crowell. Le travail mené se concentrait sur les opérations de distribution
physique des produits agricoles. Du point de vue des domaines de la gestion, les
premiers écrits sont consacrés à la prise en compte de des aspects logistique dans
les opérations de marketing, essentiellement sous leurs aspects d’opérations
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physiques par Clark en 1922. Un certain nombre d’écrits ont alors été produits sur
le rôle de la logistique dans la distribution physique avec l’application de méthodes
mathématiques (recherche opérationnelle). Mais c’est Heskett qui à partir de 1973
isole la logistique comme un domaine à part entière de la gestion pour ses enjeux
stratégiques et ses problématiques organisationnelles. Il définit en 1978 la
logistique comme le processus qui englobe l’ensemble des activités qui participe à
la maîtrise des flux physiques de produits, à la coordination des ressources en
cherchant à obtenir un niveau de service donné au moindre coût. Sous son
impulsion, toute une dynamique de réflexion va se créer aux Etats-Unis qui donne
lieu à une production significative de recherches et publications. Porter, en 1980,
dans ses travaux sur les chaînes de valeur, ira encore plus loin en identifiant la
logistique comme un avantage concurrentiel possible pour les entreprises.
La pensée française a essentiellement suivi le développement de la pensée nord-
américaine. En 1972, le premier ouvrage qui marque la cristallisation de la pensée
logistique française est écrit par Kolb. L’approche proposée est consacrée aux
différentes techniques de gestion qui apportent des solutions aux problèmes
logistiques (modèles de gestion des stocks, de prévisions…). En 1976, Lambillote
fait une première tentative pour présenter la logistique dans sa dimension
fonctionnelle et organisationnelle. Mais c’est en 1983 que l’ouvrage de Mathe,
Tixier et Colin apporte une vision novatrice dans son approche de la logistique. Ils
proposent une approche stratégique et organisationnelle ne donnant plus aucune
référence aux outils qualitatifs d’optimisation de problèmes opérationnels. A partir
de cette date, les publications se sont intensifiées en France au rythme du
développement de formations dédiées à la logistique.

Le concept de logistique a évolué depuis, avec les évolutions des marchés et des
systèmes industriels.

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L’évolution du management de la logistique

Jusqu’à maintenant plusieurs schémas ont été développés pour expliquer


l’évolution du marché. Les caractéristiques de ces trois périodes ont souvent été
décrites et sont résumées dans le tableau suivant :

Les caractéristiques des trois périodes du marché

Avant 1975 1975-1990 Les années 1990


Rapport Demande > offre Demande = offre Demande < offre
offre/demande
Connaissance de la Quantité à produire Prévisible avec incertaine
demande déterminée erreur acceptable
Priorité du Quantité Qualité et flexibilité Vitesse de réponse
producteur
Cycle de vie du Long moyen Court
produit
Choix du client limité diversifié Personnalisé
Domaine du national continental Mondial
marché
Relation entre Le producteur est Le client est roi Coopération forte
producteur et client roi entre donneur
d’ordre et
fournisseur
Philosophie de - production - zéro défaut - zéro temps
management de masse - zéro stock de réponse
- zéro temps - ingénierie
d’inoccupati simultanée
on - chaîne
logistique
Source : Les 3èmes rencontres internationales de la recherche en logistique trois rivières, 9, 10 et
11 mai 2000, Sur l’évolution du concept de la logistique, M. AKBARI JOKAR, Y. FREIN, L. DUPONT
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L’évolution du marché sur la logistique fait ressortir trois grandes périodes


appelées période de « logistique séparée », de « logistique intégrée » et de
« logistique coopérée ».

Période de logistique séparée


C’est la période où la demande était supérieure à l’offre. Les clients avaient donc
peu d’influence sur les producteurs. Le souci principal du producteur était la
production. Les produits étant attendus par les clients, le producteur n’avait pas
de motif pour raccourcir ses délais de livraison, améliorer la qualité ou aller au
devant des nouveaux besoins. Chaque service (conception, production,
distribution, etc.) de l’entreprise travaillait indépendamment des autres. Pour
augmenter le profit, le responsable de chaque sous partie de la chaîne logistique
(approvisionnement, production, distribution) essayait de diminuer les coûts de
son service, sans s’occuper des répercussions de ses décisions sur l’ensemble des
activités de l’entreprise. On avait donc une suite d’optimisations locales, et non
une recherche d’optimisation globale.

Période de logistique intégrée


Dans cette période, l’apparition de nombreuses entreprises pour un même
segment de marché, accroît l’offre et exacerbe la concurrence et la compétition
entre elles. Pour garder les clients, il faut augmenter la qualité des produits
(présence de la philosophie T.Q.M.), arriver à produire en petites séries, mais avec
une grande diversité, tout en gardant des coûts compétitifs. Un des moyens pour
diminuer le coût global des produits était de diminuer les coûts de stockage (une
des raisons de la philosophie du J.A.T.). Dans cette période, le client devient "roi"
pour le producteur. Pour augmenter le niveau de satisfaction du client, tous les
services (conception, production, distribution, etc.) doivent collaborer et échanger
des données techniques. Pour diminuer les coûts logistiques (afin de satisfaire le
client), les responsables des services logistiques essayaient de profiter de cet
environnement d’intégration des données pour diminuer au maximum les coûts

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logistiques. Ceci a conduit, par exemple, à développer des modèles


mathématiques pour déterminer les quantités à produire, en tenant compte des
contraintes à la fois des sites de production et des centres de
stockage/distribution. On avait donc une optimisation globale dans le cadre de
l'entreprise et non une suite d’optimisations locales.

Période de logistique coopérée


Nous entrons dans la période où la capacité globale de production (l'offre
potentielle) est supérieure à la demande, d’où une compétition plus forte qu’avant.
De leur côté, les clients adoptent des comportements de consommation difficiles à
prévoir. En conséquence, l’incertitude sur la demande est une caractéristique
importante du marché [Fisher 1997 ; Cleaves 1996]. Pour rester sur le marché il
faut que :
- L’entreprise trouve de nouveaux marchés.
- La qualité des produits soit plus élevée qu’avant.
- Le coût des produits soit plus faible qu’avant.
- Et, ce qui est le plus important pour coller à la demande, il faut que le
temps de réponse aux évolutions du marché soit de plus en plus court. A
cause de la forte compétition et de la diminution du cycle de vie des
produits, les entreprises doivent produire en faible quantité et livrer dans
un délai généralement inférieur au cycle de fabrication. En fait les deux
zéros, «zéro défaut »et «zéro stock », sont suivis par un autre objectif : «
zéro temps de réponse » [Persson 1995].
Comment les entreprises peuvent-elles parvenir à satisfaire ces quatre obligations
?
- Pour entrer dans un nouveau marché, on peut voir se créer des alliances,
même entre des entreprises concurrentes. L’une des raisons pour
lesquelles "Benz" et "Chrysler" ont récemment fait alliance est de pouvoir
utiliser mutuellement leurs réseaux de distribution. De plus pour fidéliser
les anciens clients, les entreprises cherchent à avoir une alliance avec eux.

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Le phénomène d’alliance entre fournisseur et client est entré dans le


domaine du service aussi.
- Pour augmenter la qualité du produit, il faut notamment augmenter la
qualité des matières premières et des produits semi-finis. La coopération
entre le producteur et ses fournisseurs peut aider à parvenir à cet objectif.
- La coopération entre un fournisseur et son client (qui peut être lui-même
un producteur) peut diminuer les coûts pour les deux parties [Kohli 1994].
En outre, pour diminuer leurs coûts, les entreprises recherchent des pays
où le coût de la main-d'œuvre, des énergies, des matières premières ou
des taxes est plus faible (phénomène de mondialisation). Une autre façon
pour diminuer les coûts consiste à diminuer l’incertitude de la demande. Un
des moyens pour la diminuer est d’avoir une relation durable avec le client.
Cette relation est dans l’intérêt du client aussi. Grâce à cette relation
durable le client peut aider son fournisseur à augmenter la qualité de ses
produits et à diminuer ses coûts.
- Pour augmenter la vitesse de réponse au marché, il y a deux phénomènes
importants dans les années 90:
1) L’ingénierie simultanée [Parsaei 1993].
2) Une coopération forte entre les entreprises qui sont dans une même chaîne
logistique. Cette coopération forte est nécessaire. En effet, si une partie de cette
chaîne n’assure pas correctement sa fonction, le produit final ne peut pas être
disponible à l’heure. En fait, aujourd’hui la concurrence n’est pas entre les
producteurs, elle est entre les chaînes logistiques [Lee 1995].
Une chaîne logistique est un réseau d’installations qui assure les fonctions
d’approvisionnement en matières premières, le transport de ces matières
premières, la transformation de ces matières premières en composants puis en
produits finis, la distribution du produit fini chez le client ainsi que le service après
vente, le recyclage ou la mise au rebut des produits en fin de vie.

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Comme on peut le constater, pour rester dans le marché il faut que toutes les
parties d’une chaîne logistique aient une coopération très forte (pouvant aller
jusqu’à l’alliance) entre elles.
Dans cet environnement, le problème de la logistique est non seulement
l'intégration entre les stades logistiques dans une entreprise (logistique intégrée)
mais aussi la coopération logistique entre entreprises d’une même chaîne
logistique (logistique coopérée). C’est ce pourquoi j’ai souhaité orienter mon
thème de mémoire sur l’approche globale des relations d’échanges de la
logistique. Comment s’organisent-elles aujourd’hui ? Quelles difficultés
rencontrent-elles ? Quelles solutions peut-on envisager pour les améliorer ? Autant
de questions auxquelles je tente de répondre à travers mon étude.

Dans une première partie, nous nous focaliserons les relations inter
organisationnelles de la logistique. Nous dresserons d’abord un état des lieux des
relations de la logistique avec les autres fonctions de l’entreprise, en particulier
avec le marketing. Puis nous analyserons, d’une part, les changements
organisationnels et d’autre part les conséquences d’un point de vue humain,
induits par la place de plus en plus stratégique de la logistique dans l’entreprise.

Dans une seconde partie, nous nous intéresserons aux relations inter
organisationnelles de la logistique, c’est-à-dire que nous étudierons les rapports
entre la logistique et les différentes organisations intervenant dans le canal de
distribution. Nous insisterons en particulier sur les modes de relation entre le
fournisseur et le distributeur, et sur l’émergence d’un nouvel acteur, le prestataire
de servie. Enfin, nous déterminerons quelle place l’entreprise accorde au client
final dans la gestion des flux.

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PREMIERE PARTIE

COORDINATION INTRA ORGANISATIONNELLE

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I. Etat des lieux

A/ Des lenteurs dans le processus d’intégration

La logistique gère les flux de marchandises et d’informations associées. Elle est


par conséquent conduite à établir des relations de travail avec d’autres éléments
de l’organisation ayant acquis des propriétés fonctionnelles différentes, au premier
rang desquelles le marketing, le SAV, la production, les achats et l’informatique :

- avec le marketing, pour évaluer les contraintes de distribution physique


afférentes aux politiques commerciales retenues
- avec le SAV, pour anticiper l’événement (panne ou usure) et pré positionner
les moyens de maintenance appropriés
- avec la production, pour définir en commun les rythmes de fabrication
adéquats aux rythmes de ventes
- avec les achats, pour programmer les approvisionnements de matières et
composants se déduisant des opérations industrielles
- avec l’informatique, pour concevoir des systèmes d’information fournissant
un modèle d’organisation des mouvements internes et externes en fonction
de la demande à servir.

Par rapport au modèle idéal d’interactions, la réalité révèle évidemment un certain


nombre de distorsions ou de retards dans le processus d’intégration. Ainsi, au
niveau européen, si l’informatique, les achats et la production sont relativement
bien impliqués dans la définition d’une politique logistique, c’est loin d’être le cas
des services commerciaux et mercatiques, alors que ces derniers représentent
l’interface ultime avec les marchés. Les célèbres travaux de Lawrence et Lorsch
(1989) confirment qu’il existe là une dimension critique pour toute organisation :
la différenciation fonctionnelle menaçant la cohérence de la firme, il faut
impérativement renforcer les mécanismes de coordination.

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L’implication des différentes fonctions dans la définition d’une politique logistique (Europe)

R&D 19%
Ressources Humaines 28%
Finance/Administration 49%
Marketing 49%
Ventes 55%
Production 60%
Achats 63%
Informatique 69%

Source : Etude AT Kearney, 1992

Certes, comme l’étude conduite par AT Kearney fait la synthèse de situations


nationales très hétérogènes, on peut présumer que les chiffres obtenus sont le
reflet de faibles niveaux d’intégrations logistique dans certains pays.
Les résultats de l’étude BIPE Conseil confirment la médiocrité des interactions
logistique/mercatique et la vigueur des interactions logistique/achats.

L’implication des différentes fonctions dans la définition d’une politique logistique (France)

81%
Informatique
83% 100%
Comptabilité et finances Marketing
50%
45%
90%
Planification stratégique 41% 0% Commercial

82%
Achats Qualité
93% 90%
Production

B/ Zoom sur les relations Source : Etude BIPE Conseil, 1993

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L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

marketing/logistique

L’importance de la logistique sur les stratégies d’entreprises n’est pas une idée
nouvelle (Heskett 1977). Cependant, avec le développement des technologies de
l’information, la gestion de la logistique est actuellement en train de modifier en
profondeur la façon dont les entreprises modernes gèrent leurs activités. Ces
changements, jumelés avec d’autres, ont été si profonds qu’ils remettent en cause
les principales tendances académiques du marketing post 1960, l’ère de l’optique
marketing.

1) La logistique, une moitié du marketing

Aujourd’hui, la principale tendance en marketing est quasi entièrement concernée


par la stimulation de la demande axée vers les consommateurs, c’est-à-dire
susciter et réaliser des ventes à l’aide de campagnes de publicité et autres efforts
promotionnels.
Ce qu’il manque dans cette approche de la stimulation de la demande est l’autre
tendance du marketing, c’est-à-dire l’aspect « service fourni ». La demande de
services implique que les consommateurs soient assurés d’obtenir ce qu’ils veulent
à l’endroit où ils veulent et au moment où ils le désirent.

L’idée que le processus marketing est composé de deux parties séparées mais en
profonde synergie ne fait pas partie de la pensée dominante du marketing
d’aujourd’hui et cela bien que Shaw l’ait expliqué il y a plus de 85 ans.
Lewis et Erikson (1969) reprirent les idées de Shaw en utilisant une approche par
analyse de systèmes. L’entreprise est composée de deux entités managériales
séparées mais interdépendantes. L’effort marketing est donc divisé en deux
grandes tâches qui sont complémentaires et interdépendantes, soit de stimuler la
demande soit de la satisfaire. Ces deux fonctions sont fondamentales au

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marketing et elles doivent être bien coordonnées et harmonisées afin de minimiser


les coûts de la distribution qui sont très onéreux.
L’une des responsabilités du management se préoccupe d’aller chercher des
ventes par l’entremise de fonctions et d’activités de stimulation de la demande
telles que la publicité, la promotion, la force de vente,…
L’autre face du processus de la gestion du marketing consiste à satisfaire cette
même demande par les moyens logistiques. La logistique est une composante
essentielle qui doit être intégrée et coordonnée avec les activités de stimulation de
la demande si l’on veut satisfaire le client. Le types d’activités du processus sont
très nombreux et incluent le transport, la gestion des stocks, la gestion de
l’information,… En fait le marketing fait la promotion et vend les produits que la
logistique transporte, stocke et livre à temps.

2) Un marketing marginalisé par la gestion logistique

L’approche système montre comment la logistique est partie intégrante aussi bien
de l’offre que de la demande. Les entreprises commencèrent à réaliser que la
nature de leurs activités commerciales impliquaient plus que les clients et que
l’obtention des ventes. Elle incluait les relations entre fournisseurs, détaillants,
distributeurs et transporteurs.
Un tel ensemble intégré de décisions concernant la demande et la distribution a
tout simplement dépassé la raison d’être du principal courant actuel du marketing.
Les départements de marketing ont été jugés en crise car ils n’ont pas su
reconnaître la révolution qui se produisait dans le commerce électronique, ni
l’impact sur la logistique de la révolution de la technologie de l’information.
Les liens externes du marketing prescrit par les 4P avec les fournisseurs, les
revendeurs et les fournisseurs de services logistiques sont faibles et ne sont
souvent limités qu’aux liaisons promotionnelles. Les tendances actuelles du
marketing ont été en grande partie déconnectées du fonctionnement interne de
l’entreprise. Le marketing basé sur la promotion est presque totalement aligné sur

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le consommateur final et ignore l’importance stratégique du réseau des agences


de distribution qui interviennent tout au long de la chaîne de valeur.
Par contre, la partie logistique du processus marketing est davantage en phase
avec le marketing B to B et moins avec le consommateur final. Elle est moins
impliquée dans la psychologie du comportement du consommateur et par l’analyse
de ses décisions d’achat.

L’absence d’attention vis-à-vis de la distribution et du management de la chaîne


de valeur a fait en sorte qu’actuellement le marketing est isolé non seulement à
l’intérieur de l’entreprise mais aussi à l’extérieur avec une vision tronquée du
marché constitué, pour lui, uniquement de consommateurs finaux. La
marginalisation de la gestion du marketing à l’intérieur des entreprises constitue
un thème qui a reçu beaucoup d’attention de la part des professionnels et des
praticiens (Brady et Davis 1993, Brown 1995).
L’importance stratégique de la logistique est simplement due au fait qu’elle a
systématiquement trouvé les moyens de réduire les coûts opérationnels internes
ainsi que les coûts externes des fournisseurs et des distributeurs du circuit. Il était
inévitable pour l’entreprise que la logistique s’élevât au-dessus de la tendance
dominante du marketing actuel.

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II. Changement organisationnel

La logistique a connu des évolutions significatives durant les trente dernières


années. Si elle fut pendant longtemps confinée à la maîtrise de techniques de
gestion plus ou moins complexes, elle est aujourd’hui plutôt préoccupée par une
approche globale des relations d’échange. Ce changement de paradigme nécessite
une refonte des outils et une adaptation des décisions en particulier en marketing.

A/ Modification des décisions en marketing

La révolution managériale imposée par la logistique et l’utilisation croissante des


technologies de l’information ont modifié six domaines de décisions en marketing.

Prévisions de vente
Les prévisions de vente étaient une fonction clé du marketing. A l’aide des
données provenant des caisses, la logistique peut aujourd’hui relier le caractère
changeant des ventes en magasin avec les stocks disponibles tout le long de la
chaîne de distribution. Les ventes dans chaque magasin peuvent être mieux
planifiées.

Les affectations de budget marketing


Les réalités du marché d’aujourd’hui obligent les producteurs et les fournisseurs à
recentrer leurs efforts de vente en aidant les détaillants et les grossistes à générer
davantage de ventes à court terme. Ce changement drastique vers des dépenses
de marketing axées sur la distribution (le « push » marketing) démontre
l’importance des revendeurs et des autres membres de la chaîne de distribution
dans la vente de produits. Ceux-ci sont devenus très performants pour obtenir des
concessions en matière de prix de leurs fournisseurs en les faisant payer
davantage sur les efforts de merchandising en magasin faits de leur côté.
Les réaffectations de budget marketing axées vers le consommateur aux efforts
de marketing axés vers les revendeurs ont coïncidé avec l’influence croissante de
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la gestion logistique aussi bien à l’intérieur de l’entreprise qu’à l’extérieur avec les
membres du circuit.

Gestion des catégories


La gestion des marques a subi de profonds changements ces dernières années à
cause de la logistique. Beaucoup d’entreprises n’ont plus de directeurs de marques
mais des directeurs de catégories. Ces derniers ne sont pas seulement
responsables de la stimulation de la demande mais leurs activités incluent
également l’aspect de la disponibilité des produits. Ils ont besoin de travailler
étroitement avec les fournisseurs et les autres membres de la chaîne de
distribution.

Extension des marques


Les pratiques marketing liées à la gestion des marques ne semblent pas poser la
question si c’est cher pour l’entreprise d’avoir une marque disponible dans un tel
éventail de choix extensif. Mais de tels efforts de marketing basés sur la
promotion résultent d’une augmentation du nombre de SKU1 liés aux marques.
Leur coût logistique était soit inconnu, soit imputé ailleurs que dans les coûts des
marques.
La gestion logistique nous amène à considérer que les assortiments de produits ou
de marques tout comme l’introduction de nouveaux produits sont maintenant
soigneusement étudiés ou analysés. Les directeurs de catégories sont maintenant
informés des coûts logistiques liés au fait d’avoir trop de SKU. Ils peuvent
maintenant affecter ces coûts en utilisant des procédures comptables basées sur
les activités (méthode ABC).
L’analyse simultanée des coûts liés à la stimulation de la demande et à la
satisfaction de cette demande a conduit à un changement drastique du nombre de
SKU pour beaucoup de marques. Par exemple Procter et Gamble a décidé de
réduire de 34% son nombre de SKU et l’entreprise espère encore en réduire le
nombre de 20%.

1
Stock Keeping Unit : Quantité associée à un produit pour maintenir un inventaire
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L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

B/ Vers une logistique personnalisée

Pendant de nombreuses années, l’objectif clairement affiché de la fonction


logistique a été purement économique. Il s’exprimait en termes de minimisation
des coûts. Il rencontrait alors les objectifs diamétralement opposés du marketing
qui recherchait la satisfaction du client, notamment grâce à la maximisation du
service. La prise en compte progressive des contraintes marketing a fait évoluer la
fonction logistique.
L’apparition de pratiques innovantes dans la gestion des flux relatées par
Joigneault (2000) ou par Paché (1998), qui évoque l’émergence d’une « logistique
différenciée », amène à nous interroger sur l’utilisation en logistique d’outils
marketing. Plus globalement, la question centrale concerne la place de la
logistique pour atteindre l’un des objectifs que se fixe une firme, à savoir satisfaire
le client.

Quels sont les outils à la disposition du logisticien pour personnaliser la gestion


des flux ?

1) Segmentation marketing/segmentation logistique

Une entreprise qui aborde un marché ne s’adresse généralement pas à l’ensemble


des clients potentiels car leurs attentes sont souvent disparates et leurs modes
d’achat différents.
Trois stratégies de ciblage sont envisageables : le marketing indifférencié, le
marketing différencié et le marketing concentré. Pour un grand nombre
d’entreprises, le marketing est passé d’une pratique « indifférenciée » à une
pratique « différenciée ».
Paradoxalement, la même tendance semble apparaître aujourd’hui dans le
domaine de la logistique. Paradoxalement, car rappelons-le pendant longtemps, la
logistique fut principalement fondée sur une logique d’optimisation et de

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L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

recherche d’économies d’échelle, utilisant alors plus fréquemment les outils de la


recherche opérationnelle que ceux du marketing.
Or il semble que la gestion des flux différenciée se réalise sur la base d’une
segmentation de la clientèle, grâce à des outils utilisés en marketing des biens de
grande consommation ou en marketing industriel.

1-1 Segmentation par avantages recherchés


Le but de cette segmentation est de mettre en avant les raisons qui poussent un
consommateur à acheter un produit. Les applications logistiques de cet outil sont
nombreuses.
La première est proposée par Gilmour (1977). Il affirme que maintenir un certain
niveau de qualité de service est souvent très coûteux pour l’entreprise. Il convient
alors d’offrir un niveau de service spécifique à chaque segment de marché.
Pour sa part, Christopher (1983) formalise une réelle démarche de segmentation
applicable à la logistique. Elle comporte six étapes :
- identifier les composantes clé du service client
- établir l’importance relative des composantes du service pour le client
- identifier la position de l’entreprise sur ces composantes de service
- segmenter le marché par niveau de service requis
- élaborer l’offre de service
- mettre en œuvre la politique de distribution et ses procédures de contrôle
La démarche initiée par Christopher introduit l’utilisation de la segmentation
marketing en logistique et sert de base aux travaux de Sharma et Lambert (1990),
de Fuller et al. (1993) et de Holcomb (1994). Pour ces différents auteurs, la
segmentation logistique est un moyen de créer de la valeur pour le client. Elle est
une source d’avantage concurrentiel grâce à sa capacité à différencier l’offre d’une
entreprise de celle de ses concurrents en répondant de façon pertinente aux
attentes des clients.

Delphine NOGUES 20
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

1-2 L’approche imbriquée


Si l’objectif de Murphy et Daley (1994) reste l’adaptation de l’offre aux attentes
des clients pour se différencier, leurs travaux reposent sur une méthode de
segmentation utilisée dans le cadre du marketing industriel : la « segmentation à
plusieurs niveaux » ou « approche imbriquée » présentée par Shapiro et Bonoma
(1984).

L’approche imbriquée (d’après Shapiro et Bonoma, 1984)

Degré de pertinence

Caractéristiques
Des acheteurs
Variables
conjoncturelles
Variables
D’achat
Variables
D’exploitation
Variables
D’environnement

Difficulté à mesurer
Les critères

Ces derniers proposent une méthode de segmentation basée sur cinq niveaux
d’information, qui sont : les variables d’environnement (signalétique de
l’entreprise), les variables d’exploitation, les variables d’achat, les variables
conjoncturelles et les caractéristiques personnelles des acheteurs.
Murphy et Daley (1994) utilisent cette approche dans le cas du choix d’un mode
de transport et leur étude confirme l’intérêt de l’outil.

Delphine NOGUES 21
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

1-3 Le « buygrid model »


Zinszer (1997) utilise le « buygrid model » et dissocie l’offre de services logistiques
en fonction de la nature de l’achat effectué (achat à l’identique ou nouvel achat).
Les travaux de Fady et al. (1998) sont à rapprocher de ceux de Zinszer. Ces
chercheurs proposent de moduler l’importance des critères logistiques dans la
sélection des fournisseurs en fonction de la destination d’achat (marque propre de
l’industriel, marque de distributeur ou premier prix) et du type d’achat (relation
nouvelle ou ancienne entre le distributeur et l’industriel).

L’élément saillant de ces différents travaux sur la segmentation logistique apparaît


clairement être le service client. Les éléments du service client (à définir) sont-ils
les seuls à permettre la personnalisation de l’offre logistique ?

2) Marketing mix/Logistique mix

Dans l’ouvrage de Kotler et Dubois (1989), le marketing-mix est défini comme


« un élément central de la stratégie marketing [qui] intègre l’ensemble des
variables dont l’entreprise dispose pour influencer le marché-cible. Toute variable
susceptible d’avoir un impact sur le comportement de l’acheteur fait donc partie
du marketing-mix ». A ce titre, la logistique est effectivement un élément de la
politique marketing.
On doit cependant à Christopher (1985) d’avoir développé une approche
complémentaire. Selon lui, il est possible de parler de manière « autonome » de
logistique-mix, reposant sur les domaines opérationnels suivants : la gestion des
stocks, l’information, l’entreposage et les manutentions-transports. L’objectif est
de coordonner ces différentes activités de telle sorte que le coût de mise sur le
marché du produit soit minimisé.

Rinehart et al. (1989), sans utiliser explicitement le terme de logistique-mix,


montrent que c’est la coordination des activités marketing et des activités
Delphine NOGUES 22
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

logistiques qui permet de développer une stratégie service orientée client. Chaque
variable marketing a une incidence sur la gestion des flux. Si avec Christopher les
objectifs entre marketing et logistique restent opposés, le marketing cherchant à
satisfaire le client, à maximiser le service et la logistique, à minimiser les coûts de
distribution physique, avec Rinehart et al., c’est avant tout les points de
convergence entre les deux fonctions qui sont mis en évidence : elles sont
intégrées au sein du canal de distribution et participent chacune à la satisfaction
du client.

Alors que chez Rinehart et al., le marketing et la logistique participent tous deux
mais parallèlement à la satisfaction du client, chez Lambert (1994) « le service
client constitue (…) une interface aux fonctions de marketing et de logistique et
s’impose dès lors comme un secteur-clé autorisant à l’évidence l’imbrication étroite
entre opérations commerciales et actions logistiques ».

En bref, les différents travaux sur le service client laissent apparaître la nécessité
d’une définition claire et précise de celui-ci faisant la part des choses entre les
services logistiques et ceux dépendant d’autres domaines comme le marketing.
L’introduction par Lambert d’une variable production dans les composantes
logistiques est à mettre en perspective avec des travaux récents qui intègrent
dans leurs préoccupations le lien entre la logistique, le marketing et la production.

Delphine NOGUES 23
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

III. Changement humain

A/ Implication sur les formations académiques

La principale orientation de l’enseignement du marketing aujourd’hui est axée sur


le consommateur. Selon Stern et Weitz 1997 : « Bien que les enjeux liés à
l’importance de la distribution soient devenus décisifs pour la croissance et
l’équilibre des entreprises, la formation et la recherche consacrées à cet aspect du
marketing mix sont très minces ».
La logistique s’est réinventée à partir des années 1960 en redéfinissant son rôle en
montrant qu’elle ne se limitait pas à de simples tâches de distribution physique
disjointes. Maintenant, en tant qu’activité stratégique clé dans une entreprise, la
logistique est en train de restructurer la gestion des systèmes de distribution en
interne mais également en externe. Une révolution dans le management moderne.
Malgré cette réalité, cela n’a pas conduit à l’introduction de l’étude de la logistique
et des circuits de distribution dans l’enseignement du marketing. La distribution
n’est toujours pas une composante intégrale des programmes d’études de
marketing.

En revanche, Schultz, Tannenbaum et Lauterborn (1994) pensent que la


contribution de la logistique est maintenant dépassée et que l’âge d’or du
marketing axé sur les systèmes de promotion intégrés vont devenir d’ici peu le
nouveau courant de pensée du marketing. Ils croient fermement qu’il existe « une
limite à la logistique […]. Une fois la logistique bien maîtrisée, l’organisation ne
peut s’attendre qu’à peu d’avantages… C’est l’aspect communication qui sera la
réelle opportunité à la fin des années 1990 et des suivantes. Nous pensons que les
communications marketing intégrées fourniront un réel avantage compétitif pour
l’organisation du marketing. »

Les paradigmes académiques résistent aux changements incontestables de


l’environnement.
Delphine NOGUES 24
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

B/ Evolution des compétences : quels logisticiens ?

1) Les besoins des entreprises en emplois et formations


logistiques

Le département des Etudes et recherches du groupe Aft-Iftim a réalisé du 12


février au 16 mars 2003, auprès de 5 479 établissements de 100 salariés et plus,
une enquête portant sur les besoins des entreprises en emplois et formations
logistiques. Ces établissent se répartissent dans les secteurs suivants : l’Industrie
Agro Alimentaire (IAA), la pharmacie-parfumerie, l’industrie automobile, la chimie,
le commerce et les prestataires de services en transport-logistique.

1-1 L’inscription de la logistique dans l’espace


Pour certains secteurs tels que l’industrie automobile et la chimie, les fournisseurs
internationaux occupent une place importante, alors que pour d’autres comme
l’agroalimentaire, la pharmacie ou le commerce les fournisseurs nationaux sont
privilégiés.

Localisation des principaux fournisseurs

IAA Pharmacie- Industrie Chimie- Commerce Total


Parfumerie Automobile Caoutchouc
Régional 19% 24% 8% 11% 15% 18%
National 53% 41% 44% 41% 48% 48%
International 28% 35% 48% 48% 37% 34%

La logistique d’approvisionnement de ces entreprises est ainsi tournée vers le


niveau national et international, avec par conséquent une organisation logistique
et des personnels adaptés à cette situation, quant à leurs compétences. Des
compétences ayant trait non seulement à la maîtrise des langues, mais également
des processus et des organisations logistiques mis en place par les fournisseurs. A

Delphine NOGUES 25
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

ce titre, les enquêtes portant sur le devenir professionnel des sortants des
formations logistiques réalisées dans différentes régions par le Département des
Etudes et Recherche de l’Aft-Iftim ont montré l’importance croissante de la part
des jeunes diplômés et futurs cadres ayant suivi des formations en logistique
« internationale ». Une tendance confirmée dans la présente enquête avec une
demande de la part des entreprises de cadres de la logistique spécialisés sur des
créneaux précis dont l’international.

A l’instar des fournisseurs, plus de 80% des clients des entreprises interrogées se
situent au niveau national et international, dont près du tiers hors de France et
même plus pour la chimie, la pharmacie et l’automobile. Désormais les
organisations logistiques s’inscrivent dans des espaces de plus en plus vastes,
dans une économie nationale qui ne cesse de se restructurer et de s’insérer dans
des logiques de production et de distribution mondiales.

1-2 Organisation logistique


On assiste à une répartition homogène des fonctions logistiques au sein des
secteurs pris en compte dans l’enquête. Globalement, on peut dire que les
fonctions les plus citées que sont le transport, l’entreposage, la manutention et
l’emballage restent constantes. La fonction logistique qui progresse le plus
rapidement par rapport à la dernière enquête est celle des
achats/approvisionnements pour ainsi introduire une intégration accrue dans le
giron de la logistique. De la même manière, la proportion des établissements
possédant un responsable logistique continue de progresser et par voie de
conséquence de se généraliser en passant de 81% en 2001 à 85% en 2002.

1-3 Formation
Comme les autres années, le BAC professionnel arrive en tête des formations
citées pour le recrutement d’opérateurs (23,2%) suivi du BEP Logistique et
Commercialisation (12,1%) qui ravit la seconde place au CAP Magasinage,

Delphine NOGUES 26
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

marquant ainsi une élévation des niveaux de qualification observée dans les
enquêtes précédentes.

Le DUT Gestion Logistique et Transport et le TSMEL - technicien supérieur en


méthodes et exploitation logistique – restent les diplômes de référence pour le
recrutement de techniciens/agents de maîtrise (28%) mais ils sont talonnés par
les BTS Transport (25%) et le BAC professionnel Logistique (20%) qui apparaît
finalement comme le diplôme pivot des formations logistiques de niveau inférieur
ou égal à BAC + 2. Le DUT GLT est surtout privilégié par l’automobile et la chimie
des industries classiques, le BTS Transport et le TSMEL par les prestataires de
services en transport/logistique, le BAC professionnel Logistique par
l’Agroalimentaire.

La proportion d’établissements pour lesquels la formation spécifique à la logistique


est un des critères de recrutement est en augmentation par rapport à l’enquête
précédente. Plus des trois quarts des établissements du secteur automobile et de
la chimie sont concernés, de même que 60% environ des établissements de la
pharmacie, des prestataires de service en transport/logistique.

Proportion d'établissem ents privilégiant les


form ations logistiques pour le recrutem ent des
cadres

Indust r ie
Aut omobile
Chimie-
Caout chouc
Phar macie-
Par f umer ie
Pr est at air e
t r anspor t / logist ique
Commerce

IAA

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Pour les secteurs industriels, il s’agit beaucoup plus de formations


complémentaires à des formations d’ingénieurs, alors que pour les prestataires de

Delphine NOGUES 27
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

services en transport/logistique les profils de diplômés en organisation et système


d’information sont généralement recherchés.
Deux constats peuvent être établis depuis les dernières enquêtes, d’une part la
confirmation de la tendance à l’élévation des niveaux de qualification pour le
recrutement de cadres, avec les écoles d’ingénieur pour l’industrie et les écoles
spécialisées pour le transport/logistique et le commerce, d’autre part une exigence
de diplômes spécialisés se plus en plus présente au sein des entreprises (froid,
produits laitiers, logistique pharmaceutique…).

2) Evolution des salaires

Logistiques Magazine et l’Aslog organisent une enquête chaque année sur le


salaire des logisticiens. L’étude de 2002 révèle une hausse des salaires plus ténue
en raison du rajeunissement des logisticiens.
Le bilan 2001 confirme la reprise de progression des salaires dans les fonctions
d’encadrement de la logistique. Soit 45,89 K€ (301 KF) contre 44,97 K€ (295 KF)
en 2000. Pour la seconde année, les rémunérations progressent, illustrant ainsi la
bonne santé du secteur. Poursuivant le mouvement enregistré en 2001, les
salaires de l’encadrement glissent encore en 2002 vers les tranches 38,11 K€ à
60,98 K€ (250 à 400 KF), enregistrent de forts pourcentages sur les fourchettes
basses, confirmant par là le rajeunissement de la profession. Les industriels se
démarquent nettement : ils octroient les plus hautes rémunérations sur les
fonctions d’encadrement avec un salaire moyen de 66,01 k€ (433 KF) contre 61,13
K€ (401 KF) dans la distribution et la grande distribution et 59,76 K€ (392 KF)
chez les prestataires. C’est ainsi que 62% des praticiens de l’industrie franchissent
le seuil des 60,98 K€ (400 KF) contre 42% dans les autres domaines.
Inversement, prestataires et distributeurs recensent chacun 58% de leurs effectifs
en deçà de ce niveau de rémunération. Ceci, en raison d’un plus fort recrutement
en direction des jeunes, le plus souvent à BAC + 2, alors que les industriels
restent attachés à des formations BAC + 5 et plus de type ingénieur, MBA. Ce qui
explique également le différentiel que l’on peut observer sur les quatre postes de
Delphine NOGUES 28
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

directeur logistique, gestionnaire de stocks, directeur d’entrepôt ou chef d’équipe.


Ainsi un directeur logistique en poste chez un prestataire perçoit une rémunération
inférieure de 12% par rapport à la moyenne de l’ensemble des salaires sur cette
fonction. « Les prestataires payent globalement d’une façon similaire que les
autres secteurs », explique Patrick Blainville, responsable cadre de Mantrans,
agence d’intérim spécialisée dans le transport et la logistique, « mais ils ont
recruté plus souvent, sur une population plus jeunes et moins expérimentée. Les
salaires sont donc inférieurs ».

C’est un fait, le rajeunissement de la population des logisticiens se poursuit et


s’accélère. Dans la lignée des années précédentes, la proportion des moins de 35
ans continue de progresser pour atteindre 45% en 2001 des personnes
interrogées contre 42,5% en 2000 et 40,5% en 1999. En 2001 la moyenne d’âge
est de 29 ans mais ne baisse que de trois points par rapport à 2000, alors que la
précédente enquête constatait un différentiel de six points. Rajeunissement qui se
poursuit donc mais à vitesse plus réduite. Les quadragénaires sont encore les plus
représentés, ils n’ont perdu qu’un point là où ils en avaient concédé cinq l’an
passé. De même pour les quinquagénaires qui voient leur courbe décliner de
quelques points. Cependant, nouvelle génération n’est pas synonyme d’emplois
subalternes. 21% des cadres de la direction logistique ont moins de 30 ans.
« Généralement, ils sont appelés à des fonctions d’encadrement. Mais si l’on tient
compte du mouvement actuel d’externalisation, on constate qu’il existe moins de
postes de directeur d’entrepôt alors que, parallèlement, on est face à des
personnes de plus en plus jeunes en terme de prise décisions », souligne-t-on
chez Matrans. Preuve que l’on fait appel à de nouvelles compétences ? « Il n’est
pas rare de voir un titulaire de DESS âgé de 26 ans débuter à un poste de
cadre », rappelle Patrick Blainville. Sans oublier que les nouveaux logisticiens,
mieux formés, font preuve d’une rapidité d’apprentissage et d’évolution plus
rapide qu’auparavant.

Delphine NOGUES 29
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

Synthèse

Cette première partie de mon étude permet de mettre en avant la nécessité d’une
coopération fonctionnelle de la logistique. Le caractère transversal de cette
discipline la place au cœur des relations inter organisationnelles. Une
communication et une collaboration avec la plupart des fonctions de l’entreprise
sont essentielles aux métiers de la logistique. Celle-ci s’exerce à coordonner
l’ensemble des actions des différentes disciplines pour satisfaire le client final.

Le développement des technologies de l’information a accordé une place de plus


en plus importante, voire stratégique, à la logistique et a modifié la perspective
liée à cette fonction. Si pendant longtemps l’objectif de la logistique était d’ordre
essentiellement économique, aujourd’hui l’impératif est la satisfaction du client. La
logistique est désormais axée vers des objectifs d’ordre marketing. Si avec
beaucoup d’acteurs de l’entreprise l’intégration de la logistique est chose faite,
l’interaction avec le marketing reste encore difficile. Cette nouvelle donne de la
logistique entraîne des modifications managériales.
D’une part, j’ai souhaité souligner l’influence de la logistique sur les
préoccupations marketing. L’effort marketing est partagé entre deux actions
différentes mais convergentes : la stimulation de la demande à travers la publicité,
la promotion (approche marketing) et la satisfaction de la demande à travers la
livraison, le SAV (approche logistique). Les destins de ces deux disciplines sont
intimement liés du fait qu’elles sont fondamentales au service client. Et pourtant à
travers mes recherches et les différentes interventions professionnelles auxquelles
j’ai assisté, je suis restée surprise devant la difficile interaction entre le marketing
et la logistique. La préoccupation actuelle des entreprises pour le client final et les
relations efficaces avec les agents du canal de distribution a peu à peu isolé le
marketing, absent de ces relations. C’est dans cette optique que la logistique a
modifié progressivement les décisions marketing afin de les orienter vers la

Delphine NOGUES 30
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

distribution. Aujourd’hui on assiste davantage à une difficulté d’interaction entre


ces deux fonctions plutôt qu’à une convergence d’intérêts.
D’autre part, je me suis posée la question de savoir si la tendance désormais
marketing de la logistique justifiait l’utilisation d’outils marketing dans une
perspective de logistique différenciée. La mise en œuvre d’une segmentation
logistique n’est en effet pas à écarter ; chaque segment de la clientèle
bénéficierait d’un niveau de service spécifique, ce qui permettrait à l’entreprise
pionnière de se différencier des concurrents. A travers cette première partie, nous
avons pu ainsi évoquer l’émergence d’une logistique personnalisée basée sur des
éléments de service clientèle. D’autres éléments de différenciation logistique
peuvent-ils être considérés ?

Ces évolutions fonctionnelles se traduisent par une logistique de plus en plus


homogène, structurée et « vitale » dans la gestion d’une entreprise. Toute entité
tente de s’armer de logisticiens de plus en plus qualifiés, jeunes et mobiles pour
maîtriser les flux physiques, d’information et financiers.

En revanche, une évolution fonctionnelle de la logistique n’est pas synonyme


d’évolution dans les modes de pensée. Si au niveau professionnel, la logistique
commence à être reconnue et considérée, il n’en est pas de même au niveau
académique. Si je me base sur mon expérience personnelle, la logistique et la
distribution ne sont effectivement pas enseignées au même titre que le marketing
dans les sciences de gestion.

Delphine NOGUES 31
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

Références bibliographiques

Ouvrages et articles de recherche

Philippe-Pierre DORNIER, Michel Fender (2001), La logistique globale : Enjeux –


Principes – Exemples, Editions d’Organisations
Gilles Paché, Thierry Sauvage (1999), La logistique : enjeux stratégiques, Vuibert,
p.27-35
Yves PIMOR (1998), Logistique Techniques et mise en œuvre, Dunod, pages 1-20
Marie-Pascale Senkel (janvier-février 2002), La logistique personnalisée : enjeux et
perspectives, Gestion 2000, pages 125-137
Robert D. Tamilia (2003) quelle est l’importance de la logistique en marketing ?,
Revue Française de Gestion Industrielle, vol 22 n°4

Articles de presse

Juin 2003, Quels besoins en emplois et en formation dans la logistique,


Logistiques Magazine n°178 , pages 49-55
Janvier-février 2002, Une hausse des salaires plus ténue en raison du
rajeunissement des logisticiens, Logistiques Magazine n°164, pages 34-50

Delphine Nogues 32
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

DEUXIEME PARTIE

COORDINATION INTER ORGANISATIONNELLE

Delphine Nogues 33
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

Tout système logistique est composé de « nœuds » de circulation qui constituent


autant d’unités élémentaires en contact. Les degrés de liberté du système, ou
encore ses capacités d’ajustement à l’environnement, s’évaluent à deux niveaux :
soit à l’intérieur d’une unité logistique (par exemple un atelier de production), soit
entre deux unités ou plus reliées entre les unes aux autres (par exemple une usine
et plusieurs centres de distribution). La coordination intra organisationnelle – à
l’intérieur d’une unité – ne peut donc conduire seule à l’excellence logistique. Il
faut y adjoindre une coordination entre les différentes organisations impliquées
dans la gestion des flux. C’est l’unique façon de rendre totalement synchrone les
opérations commerciales et industrielles puisque les séquences de management
logistique (prévisions et programmation, élaboration des coûts et contrôle,
planning et exploitation des opérations) s’appuient in fine sur des transactions
récurrentes avec des clients et des fournisseurs.
La coordination inter organisationnelle se heurte cependant à des difficultés
d’application qui nuisent à l’obtention d’un avantage concurrentiel pour tous les
participants d’une chaîne logistique.

Les canaux de distribution ont donné lieu, depuis maintenant plusieurs années, à
un nombre croissant de travaux théoriques se référant, d’une part, à l’analyse
économique, d’autre part, aux modèles organisationnels et stratégiques (Filser et
Jallais, 1988 ; Filser, 1992).
Le canal de distribution, en tant que voie d’acheminement de produits finis vers le
consommateur final, est constitué de divers membres dont les activités se
complètent ou se concurrencent (Filser, 1989). Pour les produits de consommation
courante, même si les grossistes restent dynamiques sur certains segments de
marché, les deux principaux acteurs en sont désormais le fournisseur industriel et
le distributeur.

Delphine Nogues 34
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

Gilles Paché, professeur de Sciences de gestion à l’université de la Méditerranée et


directeur de recherche au CRET-LOG, repère trois tendances d’évolution des
canaux de distribution en les éclairant à partir de stratégies logistiques conduites
par les firmes.
La première tendance indique en quoi la logique de rationalisation des flux aboutit
à des configurations techniques et organisationnelles plus flexibles et réactives qui
généralisent, non sans risque, une « personnalisation de masse » des produits.
Les deux autres tendances dépassent la vision instrumentale de la logistique pour
souligner le rôle du jeu d’acteurs dans la diffusion plus ou moins rapide de
pratiques collaboratives au sein des canaux de distribution.

Delphine Nogues 35
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

I. Vers des canaux de distribution plus réactifs

L’importance d’une gestion efficace des flux de produits au sein du canal de


distribution est reconnue de longue date. Il est vrai que les premiers pas de la
logistique aux Etats-Unis coïncident avec cette seule dimension physique puisque,
de la Seconde Guerre Mondiale jusqu’à la fin des années 1960, les définitions
proposées par l’American Marketing Association et divers universitaires la limitent
au traitement des matières et marchandises s’écoulant d’une source
d’approvisionnement à un point de vente. L’heure est à la gestion « optimale » du
mouvement des produits au sein d’un réseau de nœuds et d’arcs formés par des
usines, par des entrepôts, par des activités de transport,…

Depuis la contribution majeure de Bowerxox et al., nous savons qu’un canal de


distribution peut se décomposer en deux dimensions distinctes mais en étroite
interaction : la dimension transactionnelle et la dimension logistique. Ainsi, des
décisions de type transactionnel, c’est-à-dire liées au processus de négociation des
conditions générales de vente entre industriels et distributeurs, auront des
implications logistiques plus ou moins néfastes. Par exemple :
- Le fait qu’un distributeur décide d’acheter au coup par coup de très grandes
quantités de produits pour bénéficier d’offres promotionnelles intéressantes
(achats spéculatifs) modifiera le niveau des capacités logistiques
nécessaires : il lui faudra alors disposer d’importants entrepôts pour stocker
les produits pendant plusieurs semaines.
- Le fait qu’un distributeur exige de ses fournisseurs des livraisons directes
de camions complets sur ses hypermarchés pour bénéficier de meilleures
remises quantitatives, comme cela fut longtemps le cas du groupe
Carrefour, conduit à la présence de stocks importants dans les magasins.

La capacité de la distribution à devenir un champ autonome dans lequel se


développent de multiples innovations managériales est soulignée par Brockman et
Delphine Nogues 36
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

Morgan. Prenant le cas américain, ils montrent que depuis la fin du 19ème siècle,
les efforts des distributeurs, des grossistes et des industriels furent constants en
vue d’améliorer le fonctionnement des « systèmes verticaux » intégrés ou
contractuels, autrement dit le canal de distribution. Les résultats en ont été
principalement une routinisation des transactions, moins soumises à des aléas
locaux, une meilleure organisation des réassortiments et une amélioration
significative de la qualité de service rendue au client.
Les réflexions les plus récentes portent incontestablement sur la question du
stockage, ou plus précisément sur le passage d’une vision statique à une vision
dynamique. Plutôt que de se focaliser sur le stock, en essayant d’en réduire le
niveau à chaque étape du processus logistique, mieux vaut adopter une vision
intégrée en terme de flux. Il s’agit en fait pour les partenaires commerciaux
d’adopter une perspective cinétique où l’objectif premier est de réduire les arrêts
inutiles entre l’usine et les linéaires. En effet, ces arrêts sont potentiellement
générateurs de coûts, consommateurs d’espace et créateurs d’un risque de non-
vente en cas d’obsolescence du produit.
Dans un premier temps, il a donc fallu apprendre à accélérer les flux mais en les
déclenchant uniquement en fonction des ventes réelles en magasin, quitte alors à
remonter les stocks de sécurité sur des entrepôts régionaux appartenant aux
distributeurs ou sous-traités à des prestataires de services logistiques. La seconde
étape, que nous connaissons aujourd’hui, consiste à supprimer les stocks en
transformant les entrepôts en de simples centres de transit où s’exécutent des
opérations de cross docking. Les produits arrivent depuis les usines par camions
chargés de palettes complètes et ils ressortent en quelques heures avec des
palettes hétérogènes formées de différentes catégories de produits à destination
de magasins réapprovisionnés quotidiennement et n’ayant plus besoin de réserves
arrières.
Les évolutions de type cross docking sous-entendent une parfaite synchronisation
logistique. La perspective cinétique sera beaucoup plus aisée avec une demande
en partie lissée, se reproduisant presque à l’identique chaque jour. La remontée

Delphine Nogues 37
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

des stocks jusqu’aux usines des industriels pose des questions de maîtrise des
temps de réponse, de réactivité et de flexibilité. Ainsi pour pouvoir répondre à des
variations brutales de la demande finale, l’industriel devra être en mesure
d’adopter une démarche de différenciation retardée, désormais bien connue dans
certaines industries comme l’automobile.

Delphine Nogues 38
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

II. Evolution des relations Fournisseurs - Distributeurs

A/ La prise de conscience d’une nécessaire


coordination

1) Contexte

Les rapports entre producteurs et distributeurs ont souvent été difficiles depuis
l’apparition des premières grandes surfaces, c’est-à-dire dans les années 1960.
Faisant suite à une période où le producteur organisé en grandes unités de
production dominait par sa puissance la relation avec les petits distributeurs peu
organisés, le développement des formules de distribution de masse (hypermarché
et supermarché) est venu renverser la tendance. Tout au long des années 1960 et
1970, la grande distribution se développe et s’organise pour concentrer ses achats
à travers les centrales de référencement et les centrales d’achat. Les fournisseurs
ont de plus en plus de mal à imposer leurs conditions ; leur poids dans le chiffre
d’affaires du distributeur étant très faible alors que ceux-ci représentent une part
importante de leurs débouchés.

Les années 1980 voient le développement des marques de distributeurs qui


impriment de nouvelles conditions aux relations distributeurs – fournisseurs. Le
secteur de la distribution se concentre. Les cinq premiers groupes de distribution
détiennent 60% des surfaces de vente en 1993 contre 45% en 1989. Pour réduire
les prix dans un secteur concurrentiel tout en conservant leurs marges déjà peu
élevées, les distributeurs ont deux possibilités :
- agir sur les prix d’achat
- réduire les coûts de fonctionnement

Delphine Nogues 39
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

La réduction des prix d’achat passe par la négociation avec les fournisseurs, mais
également par l’appel à de nouveaux produits pour les consommateurs, fabriqués
à partir d’un cahier des charges défini par le distributeur et sous-traités à des
fournisseurs dont on contrôle ainsi le prix de vente. Cette nouvelle composante de
la relation fournisseurs – distributeur a des conséquences stratégiques : en
acceptant le principe du cahier des charges techniques et économiques, le
fabricant est conduit à diffuser sa chaîne de valeur en donnant accès à la structure
de ses coûts. La pression sur les autres produits fabriqués par cette même
entreprise peut augmenter. Il devient difficile pour l’entreprise fabricante de
justifier un différentiel de prix entre les deux offres.

La logique prédominante jusqu’au début des années 1990 est une logique
transactionnelle. Les institutions gèrent des échanges en essayant de négocier au
mieux chacune des transactions. Ce comportement peut être illustré par le
développement dans cette période de stocks spéculatifs constitués par les
distributeurs à la suite de promotions proposées par les fournisseurs. Pendant la
période promotionnelle, le distributeur commande un volume très important de
produits qui lui permet de répondre ensuite pendant plusieurs mois à la demande
des consommateurs. Le fournisseur réduit alors rapidement ses stocks mais
encourage des comportements opportunistes chez les distributeurs. Les flux de
produits adoptent des mouvements d’accordéon néfastes pour toute la chaîne.
Dès 1987, Gérard Gallo (Monoprix) dénonçait ces pratiques aux conséquences
économiques et logistiques désastreuses, mais ni les fabricants ni les distributeurs
n’étaient prêts à prendre les décisions nécessaires à l’arrêt de ces pratiques.

Depuis le début de la décennie 1990, on assiste à un double mouvement.


La concentration des distributeurs s’est accélérée. Six distributeurs se partagent
l’essentiel du marché alors que la guerre des prix s’accentue, stimulée par les hard
discounters et conduisant à une réduction des marges. Une prise de conscience de
ces pratiques apparaît, orientant les entreprises vers des stratégies de fidélisation

Delphine Nogues 40
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

et de différenciation. On observe un nouveau développement des marques de


distributeurs ainsi que de nouvelles relations avec les fabricants.
Aujourd’hui, un certain nombre de facteurs influencent les modes de coordination
fournisseur – distributeur :
- un secteur de la distribution fortement concentré
- la loi Galland qui a instauré un prix plancher pour les grandes marques
limitant la concurrence par les prix entre les distributeurs
- une place croissante des marques de distributeurs qui apportent une marge
plus élevée et une différenciation de l’image des points de vente
- des outils très performants qui permettent de traiter des volumes
d’informations élevés dans des entrepôts de données.

On assiste à un glissement d’un marketing des transactions vers un marketing des


relations dans lequel une coopération mutuelle et une interdépendance des parties
sur le long terme remplacent le face-à-face exclusivement compétitif et conflictuel
du choix à court terme de la part d’acteurs indépendants (N’Goala, 1988). Les
entreprises du canal de distribution sont donc conduites à travailler sur la relation
plutôt que sur la transaction. Leur objectif commun est de réduire les coûts et de
mieux répondre à la demande des consommateurs.

2) Les composantes de la collaboration

Nous pouvons distinguer deux niveaux de coordination des relations : une


coordination à orientation opérationnelle, dont les résultats sont visibles à court
terme ; une coordination à orientation plus organisationnelle, dont les
conséquences sont stratégiques pour les entreprises du canal.

Delphine Nogues 41
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

L’impact opérationnel du Supply Chain Management (SCM)


La collaboration entre fabricants et distributeurs apporte des avantages pour la
gestion quotidienne des produits ; ces améliorations sont directement visibles pour
les institutions et les consommateurs. C’est notamment le cas du packaging. Il doit
faciliter la manutention tout en jouant un rôle marketing. Les fonctions logistique
et marketing orientent les choix. Les distributeurs demandent à leurs fournisseurs
de présenter leurs produits sous forme de palettes ou cartons directement
intégrables aux linéaires de façon à éviter les manutentions coûteuses. Le niveau
d’exigence des distributeurs est différent selon le type d’emballage, la
collaboration avec les fournisseurs varie en conséquence. L’emballage primaire du
produit est la plupart du temps défini par le fabricant sous contrainte de
merchandising ; la collaboration apparaît lorsqu’il s’agit de marques de
distributeurs. L’emballage secondaire regroupe plusieurs produits identiques, prêts
à mettre en rayon ; l’ouverture doit être aisée pour faciliter la mise en place rapide
des produits. Enfin, l’emballage tertiaire regroupe plusieurs produits différents ;
une collaboration étroite permet de définir des lots correspondant à l’assortiment
demandé au point de vente.

Les premières opérations de trade marketing ont également été le signe visible
d’une volonté d’actions conjointes des distributeurs et des fabricants. La mise en
place d’actions marketing communes a permis au distributeur de proposer une
offre différenciée de produits contribuant à une différenciation des enseignes. La
collaboration distributeur-fabricant a porté sur la création de gammes de produits
nouveaux, exclusifs pour le distributeur, lui permettant de se construire une
image, et tests pour le fabricant avant d’envisager un lancement sous sa marque
sur le plan national. Nous pouvons évoquer les frites micro-ondables ou le premier
cola transparent chez Casino.

Delphine Nogues 42
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

La collaboration peut également porter sur le choix d’une enseigne exclusive pour
le lancement d’un produit, on peut penser au lancement de Virgin Cola chez
Monoprix.

Les changements organisationnels


Ce second niveau est beaucoup plus important pour le fonctionnement de la
chaîne. De nombreuses fonctions réalisées dans l’entreprise ont élargi leur champ
d’action. La gestion des assortiments était une fonction traditionnelle réservée au
distributeur, l’intégration du fabricant et du consommateur dans la chaîne
d’approvisionnement remet en cause cette fonction. La définition de l’assortiment
se fait désormais par catégories de produits qui répondent à un besoin du
consommateur, et non par types de produits. La complémentarité des produits
devient une donnée de la composition des assortiments dans un rayon donné. La
définition des linéaires, et donc du merchandising, est confiée dans certains cas à
un fournisseur auquel est transmis l’ensemble des informations concernant le
rayon.

Le transfert de fonctions vers l’amont du canal est encore plus patent dans la
gestion partagée des approvisionnements (GPA) : le distributeur confie au
fabricant le calcul des marchandises nécessaires au réapprovisionnement. Les
informations de sorties de caisse ou du point de vente concernant les stocks et les
mouvements de produits sont communiquées via EDI au fabricant qui se charge
de proposer une commande validée par le distributeur.

Delphine Nogues 43
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

B/ L’enjeu : Le pouvoir

Les analyses behavioristes constituent un courant de recherche particulièrement


dynamique pour lequel la structure du canal de distribution et la prise en charge
des activités logistiques sont d’abord liées aux comportements d’acteurs
économiques amenés à travailler ensemble. Ces comportements inter
organisationnels peuvent se définir à partir des trois concepts clés suivants :
- le leadership
- le pouvoir
- le conflit
Le leader, qui possède une autorité reconnue dans le canal, détermine le niveau
de service proposé au consommateur et répartit les fonctions entre les différentes
institutions. La question de la détention du leadership s’avère donc cruciale, ce qui
explique qu’elle ait été posée dès le milieu des années soixante dans la littérature
marketing (Mallen, 1964). Les travaux menés montrent que la domination d’un
membre du canal repose en grande partie sur le pouvoir qu’il peut exercer sur les
autres membres en s’appuyant sur des sources coercitives (la sanction) et non
coercitives, par exemple sa capacité à attribuer des récompenses, à sanctionner
des comportements déviants ou encore à valoriser son expertise ( French et
Raven, 1959 ; Hunt et Nevin, 1974).
Plus récemment, l’accent a été mis sur une source supplémentaire : l’accès à
l’information. Ainsi il est entendu qu’un détaillant alimentaire, par son contact
direct avec les consommateurs dans les magasins, dispose d’une connaissance
fine du processus d’acceptabilité de nouveaux produits ou encore de l’impact des
opérations publi-promotionnelles sur les ventes. Ce faisant il dispose de données
sensibles permettant d’orienter au mieux la politique marketing de fournisseurs
industriels qui, compte tenu des résultats enregistrés, s’interrogeront sur
l’opportunité de la reformulation de telle ou telle composante du mix. D’ailleurs
Tat Keh et Park (1998) ne s’y trompent pas puisque l’accès à l’information
constitue désormais selon eux la source principale de pouvoir, auquel ils ajoutent
Delphine Nogues 44
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

la capacité de l’agent économique dominant à faire supporter à l’agent


économique dominé un certain nombre de coûts d’ajustement. Il s’agira par
exemple d’un détaillant imposant à ses fournisseurs un réapprovisionnement JAT
de ses magasins, ce qui obligera les fournisseurs à repenser complètement leurs
stratégies de distribution.

Dans la mesure où elles participent à la mise en relation entre les fournisseurs et


les consommateurs, les fonctions logistiques peuvent naturellement devenir un
enjeu de pouvoir au sein du canal de distribution et déboucher sur des conflits
manifestes ou, à l’inverse, des coopérations verticales. L’exercice du pouvoir induit
en effet, dans certains cas, des divergences entre les intérêts contradictoires des
membres du canal. Le conflit latent ou révélé en est une manifestation
pathologique dont de très nombreux auteurs ont étudié la nature, les causes et les
modes de résolution (Gaski, 1984 ; Angelmar, 1992). Dans d’autres cas, en
revanche, le pouvoir donne l’occasion au leader du canal de susciter l’adhésion, la
coopération des autres membres à son « projet » en vue d’améliorer la
performance d’ensemble par le biais d’effets de synergie (Praas, 1991). Les
évolutions récentes des conditions de l’échange, et notamment la mise en tension
des flux grâce aux nouvelles technologies de l’information, permettent d’envisager
un fructueux prolongement des recherches sur les coopérations verticales, ainsi
qu’en témoignent des récents travaux menés sur le rôle de la confiance dans la
formulation des relations contractuelles ( Morgan et Hunt, 1994 ; Guibert, 1996).

Delphine Nogues 45
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

Quelques exemples de sources de pouvoir

Sources de pouvoir Définitions Exemples


Récompense A dispose d’un pouvoir B si B Dans le cadre d’une politique
pense qu’il peut tirer un de trade-marketing, exclusivité
bénéfice important dans sa d’une opération publi-
relation avec A promotionnelle accordée par le
détaillant (A) à l’un de ses
fournisseurs (B)
Légitimité A dispose d’un pouvoir sur B si Image de dynamisme et
B adhère sans discussion aux d’efficacité dont bénéficie un
décisions de A sous l’influence commerçant indépendant (B)
de son prestige en choisissant de s’affilier au
réseau d’un puissant
franchiseur (A)
Valeur de référence A dispose d’un pouvoir sur B si Opportunité de référencement
B a le désir de s’identifier à A et offerte par un détaillant (A) à
d’y être étroitement associé une PME (B) qui peut ainsi
accéder aux linéaires, aux côtés
de grandes internationales.
Expertise A dispose d’un pouvoir sur B Utilisation par un industriel (A)
lorsque B est convaincu que A d’un centre d’appel qui assure
détient des compétences lui au détaillant (B) que ses clients
étant utiles en magasin trouveront une
solution satisfaisante à leurs
problèmes de SAV
Sanction A dispose d’un pouvoir sur B Menace de déréférencement
quand B est convaincu que A adressée par un détaillant (A) à
peut rapidement le priver de l’un de ses fournisseurs (B), ce
divers avantages qui risque d’amputer une part
importante du chiffre d’affaires
de ce dernier

Source : L’évolution des relations logistiques entre industriels et détaillants :


coopération ou simple coordination ? , Gestion 2000, janvier-février 2002,page 111

Delphine Nogues 46
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

Une application privilégiée à la logistique


De très nombreux travaux académiques rendent compte désormais des
modifications que connaît la logistique de distribution des produits de grande
consommation dans la plupart des pays occidentaux (Filser et al., 2001). Pas à
pas, les détaillants gérants des grandes surfaces alimentaires et/ou spécialisées s’y
sont dotés de puissants moyens d’approvisionnements de leurs magasins, qui se
substituent à ceux des grossistes et des industriels. Les produits à destination du
front de vente transitent ainsi préalablement par des entrepôts ou des plates-
formes de regroupement sous le contrôle des détaillants, ceux-ci procédant parfois
à un enlèvement dans les usines. Le détaillant tire de nombreux avantages du
contrôle du canal logistique comme l’efficacité du service rendu à la clientèle ou
l’optimisation de la localisation des stocks.
Mais le contrôle de la logistique place surtout le détaillant dans une position de
force lors des négociations commerciales et du processus de choix des
fournisseurs. Ainsi par exemple, le fait d’avoir la capacité d’enlever directement
des produits dans les usines leur permet de référencer sans difficulté des
fournisseurs totalement démunis de compétences et des moyens de distribution
physique. Le contrôle de la logistique ne permettait-il pas de conforter un certain
pouvoir au sein du canal de distribution ? Paradoxalement, peu de choses ont été
écrites sur ce thème majeur. Pourtant au moins deux sources non coercitives de
pouvoir s’y réfèrent implicitement :
- le pouvoir de récompense.
En concentrant les flux à destination du réseau de vente sur quelques
entrepôts et plates-formes, le détaillant offre aux fabricants l’opportunité de
réaliser des gains de productivité sur les opérations de transport, de
manutention et de stockage, même si leur rétrocession partielle sous forme de
remises quantitatives et de fonction réduit le montant total de la rétribution.
Plus largement, en les déchargeant de l’organisation de la distribution primaire,
des usines vers les entrepôts et plates-formes, il accompagne la politique de
recentrage dudit fabricant sur ses compétences-clés que sont l’innovation-

Delphine Nogues 47
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

produit, la gestion des relations avec les fournisseurs de matières premières et


composants, …
- Le pouvoir d’expertise.
Le contrôle de la logistique amène nécessairement le détaillant à se doter petit
à petit de compétences nouvelles pour apprendre à gérer des relations
d’échange plus ou moins complexes en fonction des familles de produits.
L’apprentissage organisationnel qui en résulte se traduit par une efficacité
accrue de la distribution primaire dont bénéficieront les fabricants. En effet, si
les produits sont livrés au bon endroit, au bon moment et en bonne quantité,
ils peuvent en attendre une réduction du nombre de consommateurs
mécontents suite à des ruptures, d’où une fidélisation plus aisée.

Dans les faits, la logistique a surtout donné lieu à des travaux académiques se
référant à la notion de coercition. Le contrôle du canal logistique constitue
aujourd’hui une facette du pouvoir aux mains des entreprises leaders du
commerce intégré et associé. En effet, leur capacité à menacer et à exercer des
sanctions auprès des industriels se traduit par la mise en œuvre de cahiers des
charges rigoureux qui indiquent les fréquences et quantités de
réapprovisionnement des entrepôts et plates-formes, ainsi que les délais à
respecter, sous peine de pénalités financières plus ou moins sévères lors de
retards de livraison. Jouant un rôle quasi-judiciaire, le détaillant se donne ici les
moyens d’évaluer le niveau de performance attendu et de prendre toute action
disciplinaire en cas de non-respect (Arruῆada, 2000).

En France, un tel mouvement a été enclenché au début des années 1990 par des
enseignes comme Auchan ou Leclerc. Pour leurs responsables logistiques, il est
justifié par l’existence d’une vigoureuse concurrence intra et inter-type qui oblige à
assurer une disponibilité élevée des produits au consommateur. En effet, des
ruptures répétitives en magasin risquent de générer des transferts de clientèle, du
moins si le coût physique du déplacement vers un autre magasin et le coût

Delphine Nogues 48
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

psychologique relatif à l’obligation d’effectuer l’achat ailleurs sont jugés


supportables. Le pouvoir coercitif de sanctionner les déviances par rapport à un
niveau de performance attendu s’apparente alors à une sorte d’aiguillon dont
l’objectif est de modifier le comportement des industriels concernés ; il doit les
dissuader de reproduire à l’avenir tout manquement aux exigences logistiques
qu’ils ont à satisfaire. Le rôle quasi-judiciaire joué par le détaillant semble donc
positif car il introduit des mécanismes améliorant l’efficience des processus
contractuels.

C/ Les limites de la coordination

Malgré la volonté de coordonner leurs activités par des alliances, les institutions du
canal adoptent des comportements contraires à un rapprochement réel. Le
comportement opportuniste des acteurs est un frein à la coordination coopérative
des rapports fabricant-distributeur. Les conséquences se font sentir tout le long du
canal. Il est renforcé par l’asymétrie de l’information entre ces deux institutions.

1) Le comportement opportuniste

John voit dans le comportement opportuniste une violation de promesses,


implicites ou explicites, à propos d’un comportement attendu. C’est un facteur
négatif de la confiance.
Le cas d’école serait celui d’un détaillant arguant d’un retard de livraison minime
pour retourner des produits au fournisseur parce que ses ventes en magasin sont
largement en deçà de ce qu’il avait programmé quelques jours plus tôt.

Delphine Nogues 49
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

2) L’asymétrie de l’information

Les distributeurs bénéficient en effet de nombreuses informations en étant


directement sur le point de vente (consommateurs, caisses, linéaires,…).
Contrairement aux fournisseurs, qui, loin du terrain, échappent à la réalité, et
perdent une partie de l’information, pourtant essentielle. C’est dans ce contexte
que se développent des déviances comportementales liées à un déséquilibre dans
la détention d’informations. Les distributeurs renforcent ainsi leur pouvoir de
négociation et peuvent « jouer » de cette situation pour obtenir les délais ou
modes de paiement qu’ils désirent.

D/ Les conditions d’émergence de pratiques


collaboratives

Un certain nombre de travaux récents sur la nécessaire « orientation marché »


des entreprises, autrement dit la mise en œuvre d’une stratégie entièrement
tournée vers la création d’une valeur supérieure pour les clients, confirment que
son succès repose avant tout sur l’existence d’un projet commun aux partenaires.
Ainsi, un distributeur souhaitant développer une orientation marché pour fidéliser
plus aisément ses consommateurs ne pourra le faire sans le soutien de ses
fournisseurs qui, eux aussi, auront intérêt à opter pour la même politique s’ils
veulent maintenir leur position concurrentielle. L’interdépendance obligée des
plans d’action stratégique constitue ici le pilier d’une sorte d’équilibre fondé sur la
neutralisation des potentiels d’influence.
On retrouve une position proche dans une recherche conduite sur les relations
fournisseur-client dans le contexte français, marqué de longue date par des
rapports de force et des affrontements plus ou moins brutaux. A la suite des
travaux de Morgan et Hunt, il y apparaît que les partenaires commerciaux
prennent aujourd’hui conscience de l’importance d’un engagement et d’une

Delphine Nogues 50
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

confiance mutuelle dans la construction commune d’un avantage concurrentiel.


Mais l’engagement et la confiance se développeront tout autant qu’existent des
dépendances réciproques et que chacun des partenaires comprend qu’il aura plus
à perdre qu’à gagner en cas de rupture de la relation.
Afin d’éviter des dysfonctionnements tels que ruptures en magasin ou stocks
excessifs, les auteurs Stank et al. militent pour un système collaboratif de pilotage
des flux, fondé sur une gestion globale des stocks améliorant le service et
réduisant les coûts de distribution physique : c’est prioritairement dans le
management transversal des processus que résident les facteurs-clés de succès
d’une logistique collaborative.
L’ouverture des bases de données des distributeurs aux fabricants permet de
remettre en cause le rapport de force, décrit précédemment. Elle propose des
zones de coopération potentielle.

Delphine Nogues 51
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

III. Un nouvel acteur : le prestataire

Contrairement à des apparences trompeuses, le fait que des prestataires de


services prennent aujourd’hui en charge un certain nombre d’opérations
logistiques dans les canaux de distribution n’introduit pas un intermédiaire
supplémentaire de type grossiste. Autrement dit, en se référant à la notion de
transfert de propriété, le prestataire logistique assure la gestion de marchandises
en circulation, des usines vers les points de vente, là où un grossiste sélectionnera
un assortiment de produits, puis les achètera aux producteurs, pour les revendre à
des utilisateurs professionnels (dont les détaillants) et à des collectivités. Les deux
acteurs exercent cependant des fonctions similaires en matière d’allotissement, de
stockage et d’éclatement, ce qui explique la confusion dont ils sont souvent l’objet.

A/ Les contours du métier

Si l’on se place dans une perspective historique, les entreprises manufacturières


ont été, de longue date, des adeptes d’une logistique de distribution en moyens
propres. Ainsi, dès les années 1920, de nombreux fabricants manifestent la
volonté d’organiser leur structure commerciale en abandonnant les grossistes et
négociants indépendants.
De leur côté, et pratiquement au même moment, certains groupes succursalistes
français comprennent tout l’intérêt de prendre le contrôle de la fonction de gros.
L’augmentation significative des capacités de stockage de marchandises donne en
effet la possibilité d’accroître leur pouvoir de négociation vis-à-vis des fournisseurs
en s’approvisionnant directement auprès d’eux. Là encore, l’option choisie est la
logistique patrimoniale, faute d’une offre d’entreposage locatif relativement
performante.
A l’instar des pratiques impulsées par les distributeurs anglo-saxons, la tendance
s’est largement inversée depuis la fin des années 1970, au profit de prestataires

Delphine Nogues 52
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

de services spécialisés dans le management des activités logistiques. Les


principaux bénéficiaires en sont des entreprises de transport routier ayant su
enrichir leur offre et, dans une moindre mesure, des entrepositaires dynamiques,
parce qu’ils ont vite saisi que l’externalisation de la logistique s’inscrivait dans un
mouvement de grande ampleur, à savoir le recentrage des chargeurs industriels et
commerciaux sur leur métier de base et la recherche corrélative de compétences
extérieures en matière de distribution physique.

L’industrie de la prestation de services logistiques apparaît actuellement


hétérogène pour au moins deux raisons : d’une part, y convergent des entreprises
qui ont des appartenances sectorielles diverses ; d’autre part, les exigences des
chargeurs sont de plus en plus singulières en fonction des caractéristiques des
familles de produits commercialisées. Globalement, une prestation logistique peut
comprendre tout un ensemble de composantes modulaires susceptibles d’être
choisies par les expéditeurs et/ou les destinataires de marchandises. Ces
composantes modulaires, qui définissent les contours du métier, se regroupent
traditionnellement en quatre catégories :
- les opérations de transport et auxiliaires : groupage/dégroupage,
organisation des tournées de livraison, location de véhicules avec ou sans
chauffeur…
- les opérations techniques de distribution physique : manutention,
préparation de commandes, reconditionnement, étiquetage et marquage
des prix…
- les opérations de gestion proprement dites : entreposage et tenue des
stocks, gestion des dates de péremption, traitement des commandes…
- les opérations à caractère industriel ou commercial : facturation, gestion du
SAV, assemblage terminal et bancs d’essai…

Delphine Nogues 53
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

B/ Stratégies de positionnement des prestataires

Une étude menée en 1993 et réactualisée en 1996 sur le marché français de la


logistique par Eurosiris Conseil montre qu’en fait les prestataires cherchent
rarement à prendre en charge pour une pluralité de familles de produits
l’intégralité des composantes modulaires. Leur politique est plutôt de constituer un
portefeuille d’activités s’adressant seulement à quelques segments du marché en
fonction des compétences requises. La partition est alors de nature
organisationnelle, avec un positionnement sur un ou plusieurs maillons de la
chaîne logistique (approvisionnement usine, distribution physique, SAV,…) dans
diverses filières d’expédition, ou de nature technico-commerciale avec un
positionnement sur un canal de distribution privilégié (grandes surfaces
alimentaires, grandes surfaces spécialisées, vente électronique à distance,…).
Cooper, Browne et Peters (1993) proposent une matrice stratégique pour donner
une vue synthétique de la prestation de services logistiques. Celle-ci peut être
étudiée à partir de deux niveaux :
- le premier niveau, managérial, reflète le partage des tâches entre le
fournisseur et l’utilisateur du service. Autrement dit, il s’agira de définir qui
organise le travail, que l’on parle de transport ou d’une offre élargie
associant des activités sur entrepôt.
- Le second niveau, capacitaire, indique si la prestation est dédiée à un seul
client, concerne un faible nombre de clients éprouvant le même besoin, ou
enfin se destine à un grand nombre d’utilisateurs n’ayant aucune attente
spécifique. Il s’agira de savoir sous quelles conditions les capacités
logistiques peuvent être partagées.

Delphine Nogues 54
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

Dimension managériale

Le client organise l’ensemble du Le prestataire organise le travail


travail exécuté par le prestataire à partir d’un niveau de service
agréé par le client

Transport et Transport Transport et Transport


infrastructures infrastructur
logistiques es
logistiques
Transport et
1- 2- Contrat de 3- Contrat de 4- Contrat de infrastructures
décomposés en sous-
location distribution transport dédié ensembles dont
chacun est dédié à un
transport dédié
client spécifique

5- Contrat de 6- Contrat de Transport et

Dimension capacitaire
infrastructures limités
distribution transport
à un faible nombre de
partagé partagé clients se partageant
les installations

10-
Ressources déployées
Camionnage pour un large
portefeuille de clients,
y compris les
occasionnels
Niveau de service client

7- Express

8- Groupage 9- Camionnage
et entreposage

international national

Le croisement des deux niveaux aboutit au repérage des contours du métier de


prestataire de services logistiques à partir d’une série de contrats :
- dédiés (3- et 4-)
- partagés (5- et 6-)
- communs (7- à 10-)
Delphine Nogues 55
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

Lors de leurs enquêtes de terrain, le seul cas de figure que Cooper, Browne et
Peters n’aient pas rencontré s’apparente à une maîtrise juridique des moyens de
transport et d’entreposage exercée par le prestataire tandis que la maîtrise
d’exploitation relève du client chargeur. En revanche tous les autres contrats sont
présents lorsqu’il y a externalisation – plutôt dédié au Royaume-Uni, plutôt
partagé ou commun en France. En bref les relations contractuelles sont devenues
le fondement de la logistique moderne.

Externaliser ne signifie pas abandonner sans vigilance, bien au contraire. La


délégation oblige à une sélection rigoureuse des partenaires, fondée sur un certain
nombre d’attributs. Ceci explique sûrement les évolutions que connaît l’achat de
services logistiques depuis la fin des années 1980 et dont McKinnon (1994)
précise la teneur :
- le nombre de prestataires auxquels il est fait appel se réduit de façon
drastique. La tendance est au recours à un portefeuille restreint de
partenaires spécialisés par zones géographiques ou par type de produits. A
cela une double raison : simplifier le suivi des performances et pouvoir
intervenir rapidement en cas de dysfonctionnements.
- Les procédures de sélection deviennent beaucoup plus strictes.
- Les partenaires sont retenus sur la base de contrats dont les clauses
spécifient un niveau de performance attendu plutôt que de décrire la nature
et les modes d’exécution des opérations.
- Les relations nouées entre les co-contractants débouchent sur une
implication mutuelle et durable dans le processus de servuction.

Delphine Nogues 56
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

L’externalisation de la chaîne logistique aval de Sara Lee : réception,


stockage, préparation de commande, chargement, livraison, SAV chez le
prestataire Hays.
L’idée est de rester maître de son domaine de compétence et d’externaliser les
fonctions situées hors de son cœur de métier.
La sélection d’un prestataire repose sur deux problématiques logistiques :
- assurer la réception des marchandises des usines européennes du groupe,
le stockage, la préparation de commandes
- assurer la distribution des commandes vers les clients de la Grande
Distribution et le suivi des litiges transport.
Suite à l’appel d’offre, cinq prestataires logistiques ont été contactés. Les éléments
intervenant dans la détermination du prestataire Hays étaient les suivants :
- Connaissance de la GMS et typologie des produits
- Volonté de travailler avec Sara Lee
- Rapport de force avec Sara Lee
- Implantation européenne
- Durée de contrat
- Niveau de techniques d’informations
- Coûts de lancement
- Coûts d’exploitation
Un cahier des charges formalisant les obligations de chaque partie a été ensuite
établi.
L’entrepôt est situé à Soissons. Ce choix s’est opéré en fonction des critères
suivants :
- Soissons est un barycentre de consommation
- Soissons est un bassin d’emplois
- Soissons est un barycentre en terme d’approvisionnements européens
- Soissons est situé au cœur d’un réseau routier
Les résultats de la mise en œuvre d’une externalisation de l’aval chez un
prestataire sont les suivants :

Delphine Nogues 57
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

- réduction du nombre de litiges via la lecture code à barre


- meilleure gestion des stocks
- flexibilité et économies grâce au copacking
- amélioration des taux de service (préparation de commande, copacking,
transport/distribution)
Les facteurs clés de succès d’un tel projet résident dans le choix d’un prestataire
professionnel et proactif, le développement d’une relation de partenariat, la
communication en interne sur ledit projet, le respect des engagements, la force
d’un bon cahier des charges.
Selon Sara Lee, la durée du contrat est un paramètre à prendre à compte dans
l’évaluation totale du gain. De même, Sara Lee conseille d’éviter d’externaliser les
missions que l’on ne veut pas faire.
Les prochaines étapes du projet consistent à mutualiser la zone de copacking, à
partager l’entrepôt avec un autre industriel, à mutualise le transport vers les
clients.
Source : Intervention de Gaël Prigent, responsable logistique chez Sara Lee, Mars 2004

C/ Les limites de la logistique contractuelle

Dans plusieurs revues professionnelles, on constate que de multiples chargeurs


industriels et commerciaux évoquent avec insistance une éventuelle réintégration
de leurs opérations logistiques. Par ce biais, certains fabricants envisagent
aujourd’hui une sorte de « reprise en main » du canal, un peu comme l’a fait
Coca-cola France dans les années 1990 en construisant sept entrepôts régionaux
chargés d’approvisionner en direct les magasins de ses grands comptes
distributeurs. Au demeurant, des travaux académiques n’hésitent plus à
contrebalancer les politiques de recentrage, la logistique constituant selon eux une
compétence-clé qu’il serait malvenu de sous-traiter.
Une telle position est notamment défendue par Fabbe-Costes et Colin (1995) pour
qui la tentation de réintégrer les opérations logistiques paraît, dans certains cas,

Delphine Nogues 58
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

légitime. Concrètement, la décision finale se réfère à une double dimension,


l’importance de la maîtrise logistique en tant que source d’avantage
concurrentielle et le risque de dilution des compétences :
- lorsque la valeur ajoutée logistique par rapport au chiffre d’affaires et/ou le
niveau des coûts logistiques par rapport à la valeur ajoutée sont élevés, le
chargeur voulant profiter de la rentabilité du service client aura intérêt à
opérer une réintégration des métiers logistiques.
- L’externalisation introduit un danger non négligeable, celui d’assister à une
dilution des compétences logistiques.

Les situations favorables à la réintégration


des opérations logistiques

Nécessité de garantir le niveau de Volonté de développer/protéger un


Importance coûts logistiques

Forte

service et/ou volonté de profiter savoir-faire spécifique et de


de la rentabilité du service préserver les avantages associés
logistique
Nécessité de réaliser la prestation Nécessité de développer un savoir-
Faible

pour des raisons de niveau de coût faire spécifique


et/ou de rentabilité

Faible Forte

Complexité des métiers logistiques

Source : d’après Fabbe-Costes et Colin, 1995

Cette figure, qui croise les deux dimensions précédentes, précise les zones ou
situations favorables à une réintégration des opérations logistiques.
La théorie des organisations nous apporte un autre point de vue qui conduit
effectivement à une conclusion analogue. On peut effectivement se demander si la
délégation n’induit pas quelquefois des coûts d’agence et de transaction prohibitifs

Delphine Nogues 59
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

justifiant de faire soi-même plutôt que de faire faire. Selon Aertsen (1993), le
choix de l’internalisation (ou de réintégration) dépend de deux critères :
- le degré de spécificité des actifs
- la mesurabilité relative des performances ; les chargeurs ne disposent pas
toujours des indicateurs et instruments autorisant une évaluation précise
des performances réelles du prestataire, laissant ainsi se propager des
comportements opportunistes.
Lorsque les actifs logistiques sont fortement spécifiques et qu’il est malaisé de
mesurer les performances du prestataire, le chargeur tirera avantage à internaliser
les opérations logistiques.

La théorie transactionnelle remet ainsi en question la position traditionnelle selon


laquelle la complexification des opérations et procédures logistiques conduira à
leur délégation auprès de prestataires spécialisés. Au contraire, une telle
complexification pourrait se traduire par un mouvement strictement inverse.

La théorie de l’agence apporte un autre éclairage. La délégation fait supporter au


principal (ici le chargeur) des coûts de surveillance de l’agent (ici le prestataire de
services) pour s’assurer que ce dernier ne cherche pas à maximiser sa propre
utilité par le biais de comportements opportunistes d’autant plus aisés à
développer que l’agent dispose d’un pouvoir décisionnel d’exécution, sait
beaucoup plus de choses que le principal. Une augmentation des frais de
surveillance afin de contrecarrer cette asymétrie informationnelle n’est donc pas à
exclure, ce qui rendrait la délégation beaucoup moins attractive pour le chargeur.
En d’autres termes, tant qu’une entreprise industrielle ou commerciale sous-traite
des opérations logistiques élémentaires (transport, entreposage,…) mais conserve
l’expertise de la conception et du pilotage des flux, il lui est relativement facile de
surveiller le mandataire agissant en son nom. En revanche, lorsque c’est la gestion
complète d’un métier qui est déléguée (la distribution physique dans son
ensemble), les coûts d’agence risquent d’augmenter de façon suffisamment
brutale pour que le principal s’interroge sur la poursuite du processus.
Delphine Nogues 60
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

IV. Les relations avec le client

Aujourd’hui l’offensive des entreprises sur les différents marchés s’organise


davantage autour de la notion de service qui intègre plus que jamais le respect
des délais et la convivialité des contacts entre les entreprises et leurs clients. Les
stratégies de coûts sont devenues des options facilement imitables par les
concurrents et, de ce fait, elles ne représentent plus des voies de différenciation
pour les clients. Les produits offrent peu d’avantages concurrentiels en eux-
mêmes, c’est pourquoi le service apporte une opportunité de différenciation
majeure. L’importance accordée au service à la clientèle trouve aussi sa
justification dans de fortes pressions concurrentielles qui se traduisent,
notamment, par les exigences accrues des clients sur les aspects de garantie, de
service après-vente, d’entretien.
Le service à la clientèle peut être vu comme une fenêtre entre le marché et les
activités de production de valeur de l’organisation. Il prend, entre autres, appui
sur la logistique, c’est-à-dire la capacité de l’entreprise à coordonner les flux de
matières et d’information, de l’acquisition des matières premières jusqu’au service
après-vente.
Bien que le service à la clientèle revêt un ensemble de dimensions diversifiées, il
s’appuie en particulier sur la capacité technique de livrer le produit ou d’assurer
une prestation de service au bon moment, au bon endroit et dans des conditions
idéales. La logistique est donc un des piliers qui supportent le service à la
clientèle.
Le service à la clientèle dépasse les simples notions de service après-vente ou de
niveau de service. Il s’inscrit dans un continuum d’activités ayant une orientation
client. L’entreprise développe ainsi un système assez souple pour s’ajuster
rapidement à l’acte d’achat, au lieu d’exiger que le client s’adapte aux contraintes
de production (par exemple sur le minimum à acheter, sur les délais…).

Delphine Nogues 61
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

La logistique constitue aujourd’hui l’un des moyens par lesquels l’entreprise peut
mieux adapter son offre aux besoins des consommateurs ; elle peut donc apporter
un avantage concurrentiel par la valorisation des services fournis. Les industriels
et les distributeurs ont cherché à prendre en compte ces évolutions dans leur
stratégie de marketing. Nous proposons d’étudier les répercussions au niveau
logistique. L’entreprise a-t-elle pu adapter sa logistique ?

A/ Evolution du comportement de l’acheteur

1) Un consommateur rationnel

Selon l’Observatoire Cetelem (1993), « les années 1980 ont été celles de la
facilité, de la légèreté, de l’ostentatoire, voire de l’imposture […]. Les années 1990
se sont installées dans le sérieux, le simple, le vrai ». La gestion des besoins et
des envies a succédé à la consommation irraisonnée. Le comportement est
devenu plus rationnel. L’acheteur a appris à vivre sans inflation et est aujourd’hui
plus attentif aux variations de prix. Il est donc aussi moins fidèle. Il souhaite être
de mieux en mieux informé, compare souvent plusieurs marques et plusieurs
canaux de distribution. Cette infidélité se traduit par une instabilité, qui concerne
principalement deux points : la détermination du lieu d’achat et le choix des
composants du panier de consommation.
Le distributeur répond à ce consommateur rationnel, qui recherche un bon rapport
qualité-prix. Le point de vente a longtemps été considéré comme un système
d’offre de produits : l’hypothèse que le consommateur se rend dans le point de
vente uniquement pour acheter des produits et/ou services a longtemps été
dominante dans les recherches en distribution.

Delphine Nogues 62
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

2) Un consommateur guidé par des motivations affectives

Nous savons tout d’abord que le consommateur peut changer de comportement


de consommation selon la situation ; il peut agir de façon rationnelle ou affective,
en fonction des circonstances. Il est donc important de segmenter un marché
selon la situation d’achat ou de consommation. De même, il est nécessaire de
créer un lieu où le consommateur se sentira suffisamment bien pour acheter.
La représentation traditionnelle du magasin et de l’activité de magasinage a donc
évolué. La reconnaissance d’un problème de consommation ne serait pas un
préalable nécessaire à l’activité de magasinage. Des motivations, que l’on peut
globalement qualifier de récréationnelles, pourraient conduire le consommateur
dans le point de vente.
De même, l’application des modèles de psychologie environnementale à l’étude de
l’impact de l’aménagement du point de vente sur les comportements et le
développement du modèle de comportement expérientiel ont conduit à
reconnaître l’aspect émotionnel de l’activité de magasinage. Le magasin aurait une
qualité affective. L’activité de magasinage, en plus d’une valeur utilitaire liée à la
tâche, aurait une valeur hédonique, reflet de l’expérience vécue lors de son
accomplissement.

B/ Une adaptation de la logistique ?

Pour s’adapter au comportement rationnel du nouveau consommateur, l’entreprise


a appris à maîtriser ses coûts pour rester concurrentielle. La mission du logisticien
est de rassembler des moyens éclatés dans l’entreprise autour d’un objectif de
production de services à moindres coûts ; tous les flux existants dans l’entreprise
sont identifiés et mieux coordonnés.

Pour bénéficier de gains de productivité, certaines techniques sont utilisées : par


exemple, la mise au point de procédures d’échanges de données informatisées ou
Delphine Nogues 63
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

EDI permet au distributeur et au producteur de traiter en temps réel l’information


et de faire communiquer entre eux leurs systèmes de traitement d’information.
Cela facilite les décisions liées au référencement et aux commandes, la maîtrise de
la présence en linéaire et le suivi informationnel des produits. Pour que l’EDI soit
efficace, un processus d’harmonisation des données, de codification et des
profondes réorganisations internes sont nécessaires.

Par ailleurs, les stratégies de coopération entre le producteur et le distributeur,


appelées trade marketing, permettent de rechercher une meilleure rentabilité en
intégrant la stratégie de l’enseigne à la stratégie de la marque. Les partenaires
s’unissent pour diminuer les coûts d’information, les coûts logistiques et
administratifs.

Le principe de la « réponse optimale au consommateur » (efficient consumer


response ou ECR) permet aussi, en partie, de répondre aux besoins d’un
consommateur plus rationnel et moins fidèle : le producteur et le distributeur
cherchent à être plus efficaces et à faire des économies dans la gestion, par
exemple en évitant les ruptures de stock et en lançant des produits avantageux
pour ces partenaires. Cette stratégie s’appuie sur les nouvelles technologies de
l’information. Elle a pour but la baisse des coûts et l’augmentation de la valeur
ajoutée apportée au consommateur final, pour lui donner une meilleure
satisfaction et le fidéliser.

L’instabilité de la demande des nouveaux consommateurs concerne les


distributeurs et se transmet aux fabricants. Les conséquences au niveau de la
logistique sont les suivantes : les grandes surfaces réduisent leurs stocks. Cela se
traduit par un fractionnement des flux et par des livraisons plus fréquentes de la
part des fabricants. Dans l’entreprise industrielle, cela nécessite une meilleure
coordination des flux. A l’extérieur de cette entreprise, l’adaptation à la demande
peut se faire grâce aux prestataires issus du secteur des transports routiers : ils

Delphine Nogues 64
L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

flexibilisent la distribution physique des marchandises en développant de


nouveaux outils de traitement du fret.
Fiore pense également que la flexibilité constitue une réponse possible face à
l’instabilité de la demande : les entreprise peuvent adapter l’outil aux variations de
la demande, en le rendant de plus en plus flexible. Pour cela, elles ont développé
une stratégie de juste-à-temps en production qui est susceptible d’abaisser à la
fois le cycle de production et le niveau de stock. Il s’agit donc de fabriquer
uniquement ce qui a été commandé, ou même ce qui a été vendu.
La pratique du category management peut également constituer une réponse à
cette instabilité du consommateur : en appliquant cette technique, les producteurs
et distributeurs prennent en compte de façon plus directe les attentes des
consommateurs. Il s’agit de raisonner sur des catégories de produits
correspondant à la façon dont les consommateurs réfléchissent pour traiter leurs
besoins et initier leurs décisions d’achat. Cela peut conduire à créer des univers
correspondant à des situations de consommation. L’essor du category
management peut être analysé dans la conception utilitaire du point de vente : le
distributeur cherche à connaître l’heuristique de choix employée par les individus
pour faciliter le repérage et pour que le consommateur n’oublie aucun produit.
L’aspect émotionnel ou plaisir n’est pas oublié, mais il s’agit de confort d’achat, le
cœur de l’offre du magasin restant l’offre produit.

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L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

Synthèse

Cette deuxième partie met en évidence le fait qu’au-delà d’une coopération intra
organisationnelle, une coopération inter organisationnelle, c’est-à-dire entre les
organisations impliquées dans la gestion des flux est primordiale pour gérer une
opération commerciale, industrielle. Aujourd’hui les entreprises tendent à
optimiser les flux et à améliorer les relations entre les différents acteurs du canal
de distribution.

D’abord, dans une perspective de rationalisation des flux, l’entreprise cherche à


minimiser ses stocks, créateurs de coûts pour finalement opter pour une
démarche de juste-à-temps qui déclenche la production à partir des ventes.
Parallèlement, les stocks intermédiaires sont supprimés grâce au développement
du cross-docking. Ces modifications managériales se répercutent sur la logistique
de l’entreprise. La limite est que ce système ne fonctionne qu’à partir d’une
demande stable. Tout changement brutal de la demande est quasiment ingérable
pour la logistique. La seule solution serait d’adopter une démarche de
différenciation retardée, ce qui n’est pas possible dans toute entreprise.

Quant aux relations entre fournisseurs et distributeurs, elles ne cessent d’évoluer.


La fonction logistique participe à la mise en relation entre ces deux derniers
acteurs et représente ainsi un enjeu de pouvoir. C’est pourquoi nous voyons
apparaître des conflits entre fournisseurs et distributeurs dans l’optique d’obtenir
le contrôle du canal de distribution et s’octroyer ainsi une position de force dans
les négociations. Cependant, L’émergence d’une nouvelle source de pouvoir vient
contrebalancer la tendance : la détention d’information. Et dans ce cadre, des
rapprochements entre les deux acteurs s’opèrent pour mieux coordonner les flux
grâce à de nouveaux outils tels que l’ECR. En définitive, la logistique semble
parfaitement illustrer la dualité des comportements stratégiques, alternant entre
compétition et coopération. Le seul impératif pour que les relations fournisseurs-
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L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

distributeurs soient efficaces est la confiance et l’engagement mutuel. Chacun


doit être conscient qu’il a plus à y gagner en coopérant et en partageant.

A cela s’ajoute un autre acteur dans le canal de distribution : l’arrivée du


prestataire logistique, qui va prendre en charge tout ou partie du processus
logistique. Auparavant les entreprises préféraient avoir leurs moyens en propre et
tout gérer. Aujourd’hui la tendance s’inverse : place à l’externalisation ou faire
faire. Les relations contractuelles sont désormais le fondement de la logistique. Le
problème de la confiance envers un mandataire se pose à nouveau et entraîne des
frais de surveillance de l’exécution du contrat. Cette relation sera pérenne tant que
les coûts engagés seront inférieurs aux gains liés à la délégation.

Enfin, les relations entre la logistique et le consommateur final à travers le service


clientèle sont aujourd’hui biaisées par l’importance accordée au client dans toute
décision au sein de l’entreprise. Au terme de cette étude, je me rends compte que
la logistique est en effet un pilier pour l’entreprise quant à l’adaptation de ses
produits ou service aux contraintes du client. Et non inversement. Le client est
finalement le cœur du processus logistique et influence largement le département
logistique. Le problème actuel est l’évolution du comportement du consommateur.
Conscient de son pouvoir, celui-ci est désormais volatile, infidèle, exigeant. La
logistique doit donc faire face à ces nouvelles attentes du consommateur. Sa
mission réside dans la production à moindres coûts, grâce au développement de
l’EDI, le trade marketing ou l’ECR et l’adaptation à une demande instable à travers
des livraisons plus fréquentes, la mise en place du juste-à-temps.

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L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

Références bibliographiques

Ouvrages et articles de recherches

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en logistique et distribution ? , Vuibert FNEGE
Gilles Paché, Thierry Sauvage (1999), La logistique : enjeux stratégiques, Vuibert,
pages 27-35
Gilles Paché (janvier-février 2002), L’évolution des relations logistiques entre
industriels et détaillants : coopération ou simple coordination ? , Gestion
2000 volume 19, pages 109-124
Gilles Paché (Juillet-Septembre 2003), Tendances d’évolution des canaux de
distribution : un éclairage à partir des stratégies logistiques, Décisions
Marketing, n°31, pages 7-14
Gilles Paché et Véronique des Garets, Relations inter-organisationnelles dans les
canaux de distribution : les dimensions logistiques, Recherche et Applications
en Marketing volume 12 n°2, p.61-82
André Tchokogué, Marie-Hélène Jobin et martin Beaulieu (2001), Evaluation du
service clientèle : enrichir la perspective client par la perspective logistique,
Revue Française de Marketing n°181, pages 60-67
Pierre Volle, Marc Filser (2000), Etudes et recherches sur la distribution / Conflit et
coopération dans le canal de distribution, Economica, pages 231-245

Articles de presse

Octobre 1999, Logistiques Magazine n°151, Supply Chain Management : plus


actuel que jamais, Laurent Schwartz, pages 68-71

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L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

CONCLUSION

Cette étude m’a convaincue de l’enjeu stratégique que promet la logistique dans
les entreprises. Il se situe au-delà du lien marketing-logistique. La logistique, née
dans une grande indifférence, longtemps et encore trop souvent réduite à ses
dimensions les plus visiblement opérationnelles, est maintenant une démarche
transversale aux processus intra et inter organisationnels. La prise de conscience
de l’intérêt de la gestion des flux est réelle. Grâce au développement des
technologies de l’information et de la communication, la logistique joue un rôle
majeur à l’intérieur de l’entreprise par ses connections multifonctionnelles et est
opérationnelle également à l’extérieur avec les fournisseurs, distributeurs et
clients.

Nous avons relevé plusieurs tendances d’évolution des canaux de distribution qui
placent la logistique au cœur de l’analyse. Il ne faudrait cependant pas en tirer
que la logistique est la fonction de l’entreprise qui structure le jeu des acteurs. La
stratégie logistique est avant tout au service des stratégies génériques de
l’entreprise, qu’elles tentent de mettre en application. Ainsi pour comprendre les
enjeux de la logistique il convient d’étudier les stratégies génériques.

L’analyse du canal de distribution m’a permis de comprendre qu’un partenariat


vertical est nécessaire à la bonne exécution du processus logistique. J’ai souhaité
évoquer les relations inter organisationnelles d’un point de vue behavioriste, c’est-
à-dire liée au comportement des acteurs économiques amenés à travailler
ensemble, en m’appuyant notamment sur la théorie des organisations. En effet, la
logistique est passée d’une rationalité d’optimisation qui mettait l’accent sur la
recherche de la solution optimale à une rationalité de maîtrise qui met l’accent sur
la coordination des acteurs et la gestion des interfaces, donc la recherche d’une
productivité d’ensemble. Cette nouvelle orientation de la fonction logistique a été

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L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

permise grâce au développement des technologies de l’information et de la


communication. La forme qui s’impose alors est la chaîne logistique ; Le Supply
Chain Management (SCM) est plus que jamais d’actualité. Si l’interfaçage entre les
deux extrémités de l’axe « approvisionnement-ventes » est en bonne voie, grâce à
l’instauration de pratiques permettant d’aligner des procédures de gestion
partagée des approvisionnements et des calculs de besoins sur un même système
d’information, le second axe, transversal au premier et partant de la planification
pour descendre jusqu’à l’exécution, est loin encore d’être intégré. Une explication
serait que les entreprises n’attachent que peu d’importance aux tâches
d’exécution. Certes on peut citer des cas « d’entreprises élargies », telles que Mac
Donald, où fournisseurs, prestataires et distributeurs échangent quotidiennement
des informations pointues ; cependant les collaborations s’y établissent dans un
contexte non concurrentiel.

Le fait que la grande distribution apparaisse comme un des secteurs les plus
avancés en matière de SCM, notamment à travers son engagement dans des
pratiques de CPFR (Collaborative Planning Forecasting and Replenishment),
indique bien que la démarche d’optimisation de la supply chain est très liée à la
notion de proximité avec le client. Etre en contact avec le client final assure une
certaine maîtrise des marchés avals et permet de qualifier le plus finement
possible la demande. Le développement considérable des technologies qui
permettent de véhiculer des informations dans les deux sens de la chaîne de
valeur donnera, à ceux qui sauront les implanter, un avantage concurrentiel
durable en faisant évoluer le Supply Chain Management vers le Demand Chain
Management.

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L’approche globale des relations d’échange de la logistique Avril 2004

BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages et articles de recherche

Nathalie Fabbe-Costes (janvier-février 2002), Le pilotage des supply chains : un


défi pour les systèmes d’information et de communication logistiques,
Gestion 2000, pages 75-90
Laurent Livolsi (janvier-février 2002), Structuration de la fonction logistique : état
des lieux et proposition d’une nouvelle approche, Gestion 2000, pages 141-
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Jacques Colin (janvier-février 2002), De la maîtrise des opérations logistiques au
supply chain mangement, Gestion 2000, pages 59-74

Logistique et management n°2 volume 10 (2002), Le salarié, vecteur de succès


pour optimiser de manière simultanée et non plus séquentielle l’ensemble du
processus logistique, pages 53-61
Logistique et management n°1 volume 10 (2002), Indicateurs financiers et
intégration de la chaîne logistique, pages 21-28
L’Officiel des transporteurs magazine supplément n°2097 (novembre 2000), La
logistique n’est plus ce qu’elle était, pages 21-39

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