You are on page 1of 4

La Ronde 9.

ELLE
C'est vous Comte ? Vous m'excusez un instant ?
LUI
je vous en prie, Mademoiselle... C'est Madame votre mère qui m'a autorisé à... Sinon, je ne me
serais jamais permis de...
ELLE
Asseyez-vous, mon cher Comte.
LUI
Merci, Mademoiselle.

LUI
Je vous présente mes hommages.

LUI
Quand je songe que je vous ai vue jouer pour la première fois hier soir !
ELLE
Hier seulement !
LUI
Oui, nous dînions encore que vous commenciez à jouer. … Alors le théâtre... vous comprenez...

LUI
Oh ! Vous êtes encore plus belle de près, si c'est possible.
ELLE
Vous permettez que je me recouche ?
LUI
Je vous en prie, Mademoiselle. … Pardon.
ELLE
Rasseyez-vous, cher Comte... Qu'est-ce que nous disions ?
LUI
Que je dînais tard.
ELLE
Ah ! Oui... Eh bien à l'avenir, vous dînerez plus tôt.
LUI
J'y avais déjà pensé. Je pourrais aussi ne pas dîner du tout. Dîner n'est pas un plaisir.
ELLE
Et quels sont exactement les plaisirs que vous goûtez encore à votre âge ?
LUI
C'est ce que je me suis demandé souvent avec mon ami le comte Bobby.
ELLE
Et l'amour ?
LUI
Ceux qui croient à l'amour trouvent toujours une femme pour les aimer.
ELLE
Croyez-vous que ce soit le bonheur ?
LUI
Le bonheur ? Pardon, Mademoiselle mais le bonheur n'existe pas. D'ailleurs ce sont les choses
dont on parle le plus qui existent le moins.
ELLE
Comme c'est vrai.
LUI
L'ivresse... la jouissance existent
ELLE
Oui.
LUI
Mettons que j'éprouve une jouissance... Bon, je sais que je l'éprouve. Ou bien je suis... bon !
C'est un fait. Et quand c'est passé, eh bien, c'est passé.
ELLE
C'est passé.
LUI
L'avenir est inconnu, le passé est mélancolique... Il ne nous reste plus que le présent... On ne
sait plus très bien où on en est... Vous voyez ce que je veux dire ?...
ELLE
Oui... Asseyez-vous plus près de moi
LUI
Où pourrais-je mettre mon casque ? … Merci.
ELLE
Je savais que vous viendriez aujourd'hui. Je l'ai compris hier soir au théâtre.
LUI
Hier soir ?
ELLE
N'as-tu donc pas compris que je n'ai joué que pour toi ?
LUI
Vous m'avez vu dans la salle ?
ELLE
Détache ton sabre.
LUI
Mais certainement.
ELLE
Non... Donne-le moi.
LUI
Certainement...
ELLE
Eh bien... Demande-moi quelque chose.
LUI
Je vous demande l'autorisation de revenir ce soir.
ELLE
Non... Pourquoi remettre au soir ce qu'on peut faire le matin ?
LUI
C'est que... l'amour... le matin... non. Je vois les choses autrement.
ELLE
Comment vois-tu la chose ?
LUI
J'irai t'attendre avec ma voiture à la sortie des artistes...
ELLE
Oui...
LUI
Nous irons souper tous les deux...
ELLE
Et puis ?...
LUI
Nous rentrerons...
ELLE
Et alors ?
LUI
Et alors les choses suivront leur cours normal.
ELLE
Que tu es mignon !... Viens plus près de moi. … Tu ne trouves pas qu'il fait chaud, ici ?
LUI
Oui, c'est exact.
ELLE
Dégrafe ça, vite...
LUI
Mais...
ELLE
Il fait presque aussi noir que le soir. On peut presque imaginer qu'il fait nuit. Et personne ne peut
nous voir... Que nous-mêmes.

ELLE
Permets que je me recouche.
LUI
Je vous en prie. Alors disons, après-demain ? Hmm ?
ELLE
Pourquoi après-demain ? Tu voulais aujourd'hui.
LUI
Euh... Cela n'aurait plus aucune signification. Je veux dire... moralement parlant...
ELLE
Eh bien, moralement parlant, il faut absolument que je te voie ce soir. J'ai deux mots à te dire à
propos de nos âmes.
LUI
Ah ! Bon, alors, j'irai t'attendre à la sortie du théâtre
ELLE
Pas du tout, tu m'attendras ici.
LUI
Chez toi ?
ELLE
Dans ma chambre.
LUI
Nous n'irons pas souper à l'Impérial ?
ELLE
Non, cela n'aurai aucune signification philosophique.
LUI
C'est entendu. Il faut que je prenne congé... Je crois que pour une visite de politesse, j'ai un
peu... abusé.
ELLE
Charmé, mon cher compte, d'avoir fait votre connaissance.
LUI
Veuillez présenter mes hommages à Madame votre mère.

You might also like