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Parmi les surprises que les amis des études doivent aux soins infatigables des éditeurs de I ration fund, une des plus appréciées est la répandue par leurs publications sur la poésic Le Balliade n'a pas d se plaindre. Autrefois, connaissait de Ini que ses hymnes, on s’était hab lui non seulement le podte le plus érudil et le mais aussi le plus ennuyeux de la période ale dispénsait de Ic lire tout en le condamnant. donnaient la peine, — comme I’a fait M. Co pénétrant sur la poésie alexandrine, — d’étudier du savant potte pour y trouver les finesses d’ar qui étaient destinées & un développement si la poésie des Romains. Mais les publications années ont appelé sur Callimaque latlention de Iénistes, méme de cenx qui ne se souziaient guére Ce furent d’abord les fragments de V'Héealé, pui pidces lyriques et épiques extrémement remai en 1910 le grand fragment des Aitia avec la nouvel et de Cydippé & Jaquelle M. Puech, entre autr (1) Reproduction d'une étude lue a Académie Néerlandaise des tion des Lettres etc.), dans la séance de décembre 1915. LE RECIT DE LA COUPE DE BATHYCLES 408, consacré une étude que les lecteurs de cette Revue n'ont pas oubliée (1). Mais le meme volume des Oxyrhynchos papyri, qui nous a donné, avec le podme de Cydippé, un exemple de sentimentalité plus qu’a demi ironique qu’on ne connaissait point dans l'art de Callimaque, contient aussi une série de fragments de son livre d’Jamées. Ces fragments nous sont parvenus dans un état déplorable, et voila sans doute la cause de l'indifférence, autre- ment inexplicable, qui les a accueillis. Les lacunes sont trop élendues ct reviennert avec une régularité trop déconcer- tante pour se préter aux restitutions. Nous autres hellénistes, nous essayons pourtant — orf, 2’ jyeloy — d’apporter aux yers mutilés le remade de notre critique, mais ce que nous avons inventé animé causa, nous nous gardons de le publier. Méme la sagacité de M. d’Arnim, le savant Vienncis qui, aus- silt aprés la publication du tome X des Ozyrhynchos papyri, a donné dans les Sttzungsberichte der k. Ak. d. Wissensch. in Wien (Ph.-h. Kl., 164 Bd. IV, 1910) une étude tres suggestive sur les Jambes, ne me semble pas avoir prouvé qu'on puisse sans avoir étudié les feuilles mémes du papyrus, attendre des émendations les plus ingénieuses autre chose qu’ur succes fort douteux. Sauf deux ou trois conjectures qui s'imposent de toute néces- sité, je n’aurai done pos l'audace de communiquer aux lecteurs de cette Revue mes propres essais d’émendation. C'est pour une ou deux des questions littéraires qui abondent dans nos frag- ments que j'ose demander leur attention. L'intéret du sujet m’encourage; car vraiment tout est intéressant qui permet d’en- trevoir histoire inconnue de l'iambe grec. Le manuserit de Callimague, si lacéré et contaminé qu'il soit, nous mane a des recherches qui aideront & ouvrir plus d'une page de cette litté- “rature moraliste et parodiste d’ot est sortie la salire. A coté des iambes de Phénix le Colophonien les fragments d’Oxyrhyn- (1) Yoir t. XXII (1910), p. 255 ot suv, 406 Aussi bien |’étude de ces nouveam nous fournir une image un peu ct bique des temps pré-hellénistiques. L feste dans toute son c@uyre un ci pas voulu négliger dans ses iambes la aux iambographes ‘antérieurs, Par le style, par le vocabulaire, et surtout par absolue dans la composition, le livre de Call dre un peu de lumiére sur Vart du far le pare des iambes, qu’on aima & compat pourtant reste pour nous un grand incennu: comme l’a dit Hauvette, « une personnalité ginale ». Dans notre po&me — on le verra bientot — qui est rendu au jour pour quelques moment: le ton meme des choliambes qui lui sont mis’ par Callimaque, montrer au lecteur moderne. anciens ne furent pas toujours one Vinyeetive et outrage, comme l'avait fait antique (1). Dans les vers d’Archiloque et i vaieht, & cété des persiflages ou des bou récit autobiographique, la narration, pi raire, comme dans la satura lanx des frag) retrouvés des ianibes de Callimaque. . Il serait d'un intérdt tout a fait actuel dé les conditions rythmiques de nos iambes e les recherches de Crusius sur le développe riambique depuis Hipponax jusqu’d Badrius. présente communication est plus modeste. Mon trer par quelques recherches le premier récit offre & ces lecteurs, et de faire préalablement deux o générales. (3) Atist,, Port,, 4, 1488 b : &:® nal ixpSetov aadeteas vy Sui ty Lausilov AAA ous. LE RECIT DE LA COUPE DE BATHYCLES 407 scription mise en fletcher is ‘titre d'un morceau papyrus Heidelbergensis (310, col. HI, vs. 74) « “Ieuéos bot- tog », on voit que le mot iambe ne concerne pas exclusivement metre d'un pobme et qr'll nindique pas non plussimplement in vers, une ligne conforme & ce métre, mais qu'on emploic ssi ce terme pour désigner tout un épisode. Voila qui ne anque pas d'intérét pour qui veut défendre contre tout soup- mn Winterpolation ce passage d’érodote (I, 12) : 205 x2) ‘Apy i= 070s 6 Méping xack cov abtby ypévoy “evopevos fy Luby coruéro@ -Frzjuv4an. Mais il y a plus : la composition des diverses pidces sunies dans le livre de Gallimaque semble donner raison & coux [ui croient que les iambes anciens, par exemple ceux d’Archi- e, furent composés de vers iambiques trimetres et tétra- metres, et aussi de vers trochaiques et de vers mixtes. Cette hypothdse exige une discussion plus ample. qui nous ménera au sujet propre de notre étude. Les sept fenilles détachéos du manuscrit qui contiennent les gments des Aivia ct les moreeaux du livre des Janbes sont loin de nous donner un fascicule entier ou continu. Apres quelques fragments en mdtre choliambique, séparés par des lacunes étendues, deux feuillets probablement manquent tout A fait au papyrus; aprés cette grande lacune vient une feuille en tétramtres trochaiques dont l'état par trop mutilé ne per- met aueune conjecture sur Je traité. Les éditeurs anglais qui, avec une acribie admirable, ont discuté dans leur introduction Jes diverses fagons de reconstruire le fascicule (1), sont d'avis (1) Voici la disposition donnée par M. Hunt (p. 23): Pol. 2 verso (p. 1852) = det. IV : conclusion ; and Jamb. prologue. ~_ recto (p, 1862) = conclusion of prologue, and story of Bathycles (Jamb. 4). Fol. 3 verso (p. 187) = story of Bathycles continued, recto (P. 188) = subject doubtlul. (amv, 21). 408 K. KUIPER que tout ce qui nous reste du fasciculs décimé, ainsi que la der- nidre page en vers trochaiques, appaitient au livre des Jambes. M. d’Arnim a jugé cette opinion « peu yraisemblable »; mais il ne faut pas oublier que ce savant n'a pas eu Mocea- sion de consuller lui-méme les feuillets du papyrus; aussi ports-L-il aucun argument, Or, il me semble qu'il vaut la peine de relever ce qui pourrait donner un appui a Ja these de M. Hunt, fondée uniquement sur l'état du papyrus mulilé. Une premiére objection contre Yopinion de M. d’Arnim, c'est qu'on ne saurait indiquer dans tout le catalogue assez complet des wuyres de Callimaque un seul autre ouvrage qui ait contenu des tétramétres trochaiques. Le livre des Jambes -— comme le prouvent les fragments réunis dans I’édition de Schneider (fr. 76 sqq.) — était composé de choliambes et - Wiambes. Il convient done strictement & l’ancien caractére des satires iambiques de trouver dans cette satura lanz des vers Irochaiques, au lieu de séparer de notre fascicule le dernier louillet pour attribuer ce fragment & une @uvre trochaique inconnue. La question pourrait sembler peu intéressante, si elle ne se rattachait pas & une autre conjecture de M. d’Arnim, qui me parait également contestable. Selon lui, il ne faut pas cher- cher dans notre papyrus d’autres vers que des choliambes. Ainsi il détache du fascicule la feuille des trochaiques, afin de irouver dans ce qui reste une unité litiéraire, un gan tinwum, © vom ersten bis zum letzten Vers dem aus den Hades ! 7 Fol. 4 verso (p. 489) = story of the reign of Saturn (continuation of Jamb. 22). | recto (p. 190) = story of dispute between lanral and olive (Jamb. 3). Fol. 5 verso and recto (pp. 191-2) = dispute between Inural and olive con- tinued. Fol. 6 verso and recto (pp. 195-6 or 197-8) = a piece relating to poetical com position, especially tragedy (Jamb. 4). vo Fol. 7 verso and recto (pp. 201-2) = trochaie poem. la disposition des feuilles proposée par M. Hunt me semble 4 pen pris cer laine. Je te permets seulement d’observer que le « doubtful subject » du fol. 3 rvoto ine paralt faire partie du récit de Bathyelés; je tacherai de prouver quill contient les adieux d’'Hipponax. LE RECIT DE LA COUPE DE BATHYCLES 409 erstandenen Hipponax in den Mund gelegt ». Cette unité litté- raire, qui semble 4 M. d’Arnim une invention trés heurcuse, ne serait pas, selon moi, la preuve d’un gout (rds fin chez un “podte dont on a coutume de louer I’élégance. J’ai peine a croire que Gallimaque se soit plu a créer un Hipponax redivirus qui, ‘en plus de sept cents vers d’un ton si varié et souvent si peu conforme & son caractdre, raconterait au podte et & ses amis des choses si diverses. Mais il est dangereux de juger l'art d'un podte alexandrin Waprés notre godt moderne, Recourons done aux fragments eux-mémes, en examinant principalement les premiers vers. Voici Vexode, qui nous était déja partiellement connu (cf. Schneider, Gall., fr. 82-83, 90) : *Axobcaf “Inndyaxtog * od hg XAM Fw dx civ Bxov Body xodbbov minpisxovsry, gépor tapbov od paryny ast shy Bousddewoy. On le voit, dés le commencement du livre e’est le pire du Yers choliambique qui entre en scéne. Le lecteur de Calli- maque le reconnait aussitot; car c’est probablement un appel hipponactéen qu'il met dans sa bouche, tout en changeant la fin du vers : 03 yp 342’ fxo. Et quoique, apres ces quatre pre- miers vers, le papyrus présente une lacune de seize vers, puis une ‘partie misérablement mulilée, il n'y a pas le moindre doute que Callimaque ait prété au pote éphésien le carac- tere goguenard que lui attribuait la tradition. D’un ton morose, le pauvre homme qui était censé avoir gémi pendant toute “sit vie son x4gcx yp {1/3 parle des lieux oft il apparait au podte et dses amis, de c2s liewx od il peut se procurer le bout 4 deux sous, pilance vainement désirée durant toute son exis- tence lerrestre. : Le ton familier et railleur de ce début contraste assez remar- quablement avec la fin du livre des Aitia. Ona le droit de sup- poser que cet effet est prémédité. Dans le prologue des Aitia, Callimaque avait raconté comment un songe divin le trans- LE RECIT DE LA COUPE DE paTHYcLits au les songes héliconiens, le poste nous donne une nécyomantie. e forme de communication choisie ici pour évoquer Hippo- x avait toujours é1é familidre la littérature grecque, aussi jen en prose qu’en podsie; mais elle était surtout appréciée le genre salirique. Il suffit de rappeler les dialogues ménippéens de Lucien ct la satire d’Horace (II, 5) qui com- mence par ces mots : hoc quoque Tiresia praeter narrata patenti responde, ur faire sentir la pareaté intime des sermones de Phoinix et Callimaque avec cette satire que les Romains se plurent a dire toa nostra. Kt, dans un style bien différent, c’était encore Je méme genre que Timon Ie sillographe choisit pour ressusci- ter des enfers Xénophane, destiné 4 présenter au podle toute Ja galeric des ancicns philosophes ayce un esprit si mordant. Quant & Hipponax, il semble avoir été un « revenaat » assez connu dans la poésie grecque, pour les discours aigres qu'il aime & tenir & tous ceux qui s'approchent de sa tombe (Anth. Pal., Vil, 405, 408, 536). Le choix n’avait donc rien d’étonnant pour les lecteurs de Callimaque. Mais il importe de savoir pendant combien de temps, dans le livre des Jambes, Hipponax @ procuré au poste le plaisir de sa conversation. L’éat déplo- rable du manuscrit ne nous permet sur ce point que des conjec- tures. Comme nous I’avons dit, aprés les qualre lignes cilées plus haut il manque seize vers. Le morceau mutilé qui suit laisse entrevoir qu'un personnage, probablement Hipponax, se plaint, en termes assez moroses, d’étre imporluné par une foule de gens qui l'entourent « comme les mouckes et les guepes bourdonnant autour de la téte d'un bouvier ». Les péripéties de sa propre vie lui ont appris ne pas aimer pareille engeance. Des pauvres comme lui trouvent peu de restes quand les riches se régalent. A quoi bon done denicurer la el dépenser son haleine ? Et pourtant il se décide & demeurer : sor yevilo xi ypipeats thy Siow. Ii n'y a pas le moindre doute que c'est toujours fe meme Hip- LE RECIT DE LA COUPE DE BATHYCLES 443 pbya apohdton elph nag pdoov duh Rape’ “Ayzpoveos Je ne me dissimule pas que ces conjectures sont inezrlaines. jis, pour les défendre, il n'est pas inutile d'observer que, s le papyrus, le signe de ponctuation ne se trouve pas aprés Pinfinitif é:yc¥ dans le troisieme vers, mais aprés le > du qua- rieme, et que les lettres ev qui précedent xzepo dans le meme fers sont indiquées par M. Hunt comme incertaines. On aimerait croire que le pore des Hipponactéens n'est pas trop longtemps « a entrée de l'Achéron », d’abord parce les récits qui suivent, surtout la fable du laurizr et de ‘olive, racontée d'une manidre prolixe et familiére, conyiennent jen peu au revenant Mipponax, ensuite parce que dans les jisodes suivants sont nommés bien des personnages que le le éphésien, vivant avant leur naissance, n’avail pas conus ndant sa vie terrestre (1). Mais il ne me semble pas impossible d'indiquer la péricope lans laquelle Hipponax annonce son retour aux enfors. Ce jue nous pouvons entrevoir dans les fragments de vers mutilés jui_suivent le récit de Bathyclés nous montre lé vieux podte ¢ plaignant d'un ton aigre : comme jadis, on le hail, on le nspue; chacun Ie fuit. Voil précisément I'Hipponax acerbe sque dans la tombe que nous font connaitre les épigrammes xandrines. Mais ces plaintes au vs. 158 finissent avee les is: Due xinordeiv bon. Léditeur anglais avertit expressément les lecteurs que le jer + pourrail étre aussi bien un w. Dans ces conditions, {-tre n’est-il pas trop téméraire de lire : (i) Je ne nie pas que le potie n’ait une liberté assez grande quant aux shronismes d'un revenant. Aussi n’est-il pas impossible qu'il ait mis dans la juche de son Hipponax des observations sur Io ou sur Evhémére (Osyrh. Pap , j, 1363). Mais il vaut la peine de remarquer Ia maniére ingénieuse dont Calli- ue vite Vanachronisine dans le récit de Bathycl’s. Quand Uipponax a in de parler de Pythagore, il ne nomme pas le philosophe lui it aprs lui; mais il parle d'Baghorbe le Phrygien. LE R&CIT DE LA COUPE DE BATHYCLES 45 alexandrine, dont on retrouve les traces dans la ccmpilali assez complete, mais trés embrouillée, donnée par Diogene Laérte dans sa Vie de Thales. Nous pouvons négliger ce qui, dans cette compilation, con- cerne les noms des Sages qui ont pris part au concours. Ce ‘qui importe ici, c'est d'abord le caractére du prix et ensuite son origine. Il sagit d'un trépied, d'un gobelet ou d'une coupe (phiale). Dans le trépied on pouvail voir un simple prix de concours, un &ov xyév0s, Déja Mésiode, dans V'agén en V'honneur de Polydamas, avait gagné un prix de cette espece. II l'avait con- sacré dans Ie temple des Muses sur I’flélicon, et, s'il y avait en Greéce des sceptiques qui révoquaient en doute l'authenticité de celte Iégende, Pausanias le péridgdte n’était pas de ceux-li : ‘il ayail de ses yeux vu, sur I'HMélicon, le trépied d’Hésiode en méme temps que l'exemplaire des E¥ga écrit sur une lame de plomb détériorée par le temps, v2 nok Sxd paspévoy, (Paus., IX, 31, 3-5). Dans le récit de Diogine, le seul représentant de cotte con- ception du trépied est Andron I'Ephésien, un historien assez peu connu de l'age de Théopompe. Andron avait écrit sur histoire des Sept Sages un ouvrage intitulé Tgtzous (et non, comme il est d’usage de le citer, Meg! +03 Euéahe cévew, LE NéciT DE LA COUPE DE BATHYCLES M9 jouclier, aux sandales de la princesse dédiés par Ménélas en igie (selon Lycophron), ou enfin & ce que nous dit Pline H., 33, 4): Minervae templum habet Lindus in quo Helena eravit calicem ex electro. Adicit historia, mammae suae men- sura. 1! nous fandrait une digression trop longue pour déméler les fils de ces légendes; ce qui pour nous a le plus d'intéret, est que le trépicd sacrifis par [éléne & Poseidon estdevenu, lans le récit qui nous occupe, un anathéme pour Apollon. De el Apollon s’agit-il? N’oublions pas que les monnaies de Cos présentent un Apollon dansant devant le trépied saeré. Mais s trois récils ne parlent plus d’un pareil culle & Cos. Plu- rque fait dédier le trépied & l’Apollon Ismenios de Thebes (1) ; le premier récit de Diogine, il est offert par Solon & pollon Pythien, tandis que, dans le deuxitme récit, apres e le trépied a fait le tour des Sept Sages, l'objet retourne ex Thalas (6 A peck chy replofov svarilnew 'Anddiey), c'est- dire, sans aueun doute, chez l'Apollon Didyméen ce Milet. On yoit la la concurrence, d'ailleurs assez connue, des divers ulles d’Apollon. Callimaque a da connaitre toutes ces tradi- tions. Pourtant il a choisi pour son histoire une version fort ifférente, ot il n’était pas question de trépied sacré, ni de elphes, ni de Milet. La tradition qu’a suivi notre poste parle fun gobelot (xoxjc10v) ou d'une coupe (giz), qui ne sont ni in ni autre d'origine divine. Diogene en donne trois ver- ions entre lesquelles la différence est peut-¢tre moins grande jue ne le croit l'auteur. La premiére version est due ’ Eudoxe de Cnide, auteur udit et digne de foi. Il raconte qu’autrefois le roi Crésus avait nyoyé un gobelet d’or & « un de ses amis », pour Vofirir « au jus sage des Grecs ». Selon la seconde version, conservée par n auteur plus négligént, Cléarque de Soloi, Crésus lui-méme le choix du plus sage : il envoya la coupe (giaA/) a Pittacos. (1) Toutefois Voffrant serait Thalés le Milésien, On se rappelle qu'il y eut dans t temple en question un trépied dédié par Crésus ({lérod., 1, 92). LE RECIT DE LA COUPE DE BATHYCLES 42n cour des Lagides, le pays of se trouyait le temple des Bran- chides, récemment reconstruit par les Séleucides, entrait dans le cercle des intéréts de! Hgypte. Du reste, un poeta aulicus devait se sentir attiré vers une version qui ne fait pas jouer un trop vilain role aux ptcheurs de Cos, compatriotes du Roi. Mais surtout le choix du savant potte me semble étre guidé par Ie fait que dans ce potme, xp4ptupov odézy deidwr, il pou- vail ciler le témoignage d'un auteur ancien. « Hag Marzvipioy Jaber 705 Maiev », comme nous lisons dans le livre de Dio- gene; car il n’y a aucun doute que c’est ainsi qu'il faut changer Te Asdy3gou ou Aca dpiov des manuserits. Le choix de cet historien est fort remarquable. Ce n'est pas un inconnu. Dans une querelle entre Samos et Pritne, con- cernant un domaine nommé Batniétis, querelle qui datait du temps de Bias et qui se renouvela constamment jusqu’a ce que le roi Lysimaque ett réglé la question par un décret auto titaire, une des phases est marquée par un arbitrage des Rho- diens. D'aprés l'inscription qui nous conserve cette décision, les citoyens de Priéne alléguaient en faveur de leurs préten- tions un arrét rendu jadis par Bias, ce qu’ils certifinient par le témoignage de I’historien Macandrios. Mais les Rhodiens réeusent ce témoin. Ils parlent des érvyeypappevar Maravdgion 05 Midnziov iscaplas ot ajoutent : « alg ohh druypioovet, Jevdennyekoaug pauevor elves » (Ditlenberger, Sy//., Suppl., I, 40, note 6). On s'est habitué & placer co Masandrios, sous prétexte qu'il est nommé dans inscription citée, a coté de Théopompe ct de Douris le Samien. Mais n’est-il pas beau- coup plus vraisemblable que les gens de Prine, pour établir leurs droits, s’en référaient, non pas & un témoin de leur temps, mais & un auteur contemporain de Bias? Il me semble que le | fait meme que les Rhodiens contestaient Pauthenticité des His- toriae Milesiacae prouve que Vhistorien auquel on attribuait | cette cuvre élait un auteur ancien. Et, si je ne me trompe, C'est un des gains assez rares que nous apporte le papyrus des Tambes, que cette suspicion y soit confirmée ou du moins sy auyyezedov Le R&CIT DE LA COUPE DE RATHYCLES 423 Je n’insisterai pas sur la probabilité plus ou moins grande des corrections données ; ce qui me semble peu douleus, c'est que Ie podte a Vintention de nous peindre le vieux Bathyelés comme un homine heureux. Il n'en dit pas plus; car dans les vers suivants il semble avoir parlé de la mort prechaine de son héros. Je laisse de cdlé ces vers, quoiqu'ils ientent passion émendatrice qui vit dans chaque philologue ; je ferai seulement observer que la manidre dont Callimaque parle ‘de son Arcadien (vip Balyxdiis 'Agx4s) est loin de confirmer \Popinion des savants qui ont voulu identifier le Bathycles Mde notre récit avec le fameux maitre éphésien qui orna le trone d’Amyclae. Les arguments qui ont persuadé les Srudits de cette identification n'étaient déja pas tres convaincants. Wohl mit Recht, écrit M. Robert dans son article sur Bathy- eles (Hneyclopddie de Pauly-Wissowa), hat Klein den Kiinst- von Magnesia mit dem Arkadicr Bathykles identificiert ». identification m’a toujours semblé douteuse. I est vrai que ausanias, dans sa description du monument d’Amyclac, mne pour extrémement incertain tout ce qui regarde la ersonne du maitre : doy a o er xah sv Updvov éo' grou Basthed 5 6 Babuxdis palntis éye- AaxeBauyovioy tolnge, Be uty raginus; mais il le considére toujours comme un lagnésien, sans jamais faire allusion au droit qu'il aurait eu le se dire citoyen d’Arcadic. On pourrait citer en paralldle histoire d’Aleman qui, Sardien d'origine, mérita par ses ser- ices d’étre fait citoyen de Sparte. Mais il est impossible de ne s voir une grande diffrence entre les deux cas. Comment thyclés, en récompense de l'wuvre qu’il avait exécutée pour myclae, aurait-il pu étre nommé citoyen, non pas de Sparte, ais d’Areadie? Et puis, si vraiment le Magnésien avait été it xot7'zex ‘Apxds, comment expliquerait-on que ni Plutarque, Diogene, ni Athénéo n’aiont nommé le propriétaire du gobe- L autrement que Bafuxdéa zbv ‘Apxdda et qu’ils n’aient pas un I mot pour indiquer que col homme fut le meme que le ébre artiste de Magnésie? 424 K. KUIPER Ainsi il faudra renoncer ad Videntification, si séduisante qu'elle soit. Dans une période ot lor et les travaux en oi Glaient encore si rares en Grace, il nous serait agréable di retrouver dans la personne de notre Bathyelés une nouvelle relation de Sparte avec Crésus, qui avait déja fourni & Lacédé- mone Vor pour l’Apollon de Thornax (Ilérod., I, 69). Mais b fragment de notre papyrus ne nous donne pas Je choix. Bathy- celts PEphésien u’a rien a faire avec lArcadien de ee nom. Pourtant cet Arcadien, avec son gebelet ou sa coupe d’or, ne laisse pas de nous intriguer. Les chants d’Momére parlent souvent d'objets en or. Aussi, & l’époque d’'Hipponax, des cou- pes d’argent et d'or sont-elles fréquemment dédiées aux dieux des Grees. Mais il faut croire que ce n’était pas chose ordinaire de trouver des gobelets d’or dans les maisons privées, Sans doute Théopompe et Douris le Samien se sont exagéré la pau- yreté greeque; mais pourtant il ne semble pas que le récit de ‘Théopompe soit pure fiction, quand il nous raconte que Hiéron de Syracuse cut grand’ peine & se procurer Vor nécessaire pour les trépieds bt la Victoire qu'il voulait dédier 4 Apollon et le trouva seulement a Corinthe, chez un certain Avchitélés + avant lige de Gyges et de Crésus, lige des grandes offrandes, «le dieu pythien, ajoute-t-il, n’avail encore ni argent ni or » (evdgyuess, En 8? dypuaes Fy 6 dhs). Aussi, quand Douris de Samos rous rappelle que Philippe de Macédoine possédait une phiale d'or si précieuse qu’il la gardait la nuit sous son oreiller, nous voyons li une charge, comme nous opposons au Hiéron de Théopompe le roi de Syracuse que Pindare nous dépeint ruisselant d’ar > nn Hiéron il magnifien. Mais la doserip- tion de Ja vieille Gréce donnée par les deux historiens dans le livre VI d’Athénée (p. 232 sqq.) ne convient pas mal, en somme, aux simples Arcadiens du septiéme ou sixiéme siecle. On a bien raison de se demander d’ot provient le xexpAMuoy si précicus et si rare de Bathyclds. . Avee toute la réserve commandée par l'état désastreux de notre papyrus, je voudrais chercker dans le genre mem Le RECIT DE LA cOUPE DE pATHYCLES 428 de ce potme, non pas une réponse suffisante et compldte a cette question, mais unc indication. Le potme est trop mulilé pour qu’on puisse définirle genre en toute certitude: mais il n'est pas téméraire de supposer que le premier lambe, se rap- prochant du genre satirique et movalisateur dont Phénix le Colophonien nous a conservé le type, personnifiait déja dans Bathyelds V'ed52,n0riz humaine qui, dans les derniers moments, concade le prix du vrai bonheur a la sagesse. Dans ce genre de narration — nouvelles, po’mes ou épi- grammes — les rois oriertaux, les Sardanapales ou les Ninus, oceupent toujours une place. Ils sont l’exemple et le prototype dela félicité matériclle. Ils ressemblent tous au roi dépeint par je ypusion néveor, wal da noddiy Tiéova Kaoniov Yiuspoy. Mais tous ces Candaules, ces Alyaties, ces Gyges et ces Crésus, tous ces

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