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L'actualité internationale en note critique

Passage au crible
Pour une analyse transnationaliste
de la scène mondiale
N°17 · 11 mars 2010 · www.chaos-international.org

À la recherche d’une mondialisation de la parité


Le trentième anniversaire de la CEDAW

Par Armelle Le Bras-Chopard


Il y a 30 ans, le 1er mars 1980, était ouverte à la signature des États la Convention on the Elimination of
Discrimination Against Women, dite CEDAW, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 18
décembre 1979. Signée par 95% des États membres des Nations unies, elle n’a toutefois pas été ratifiée
par tous et certains ont émis des réserves, plaçant leurs traditions au dessus des règles du droit
international. Ce document a été complété ultérieurement par le protocole additionnel du 6 octobre
1999, entré en vigueur en 2002, texte qui se veut plus contraignant.

Rappel historique
Dès la fin du XIXème siècle, les femmes se sont organisées de façon transnationale et ont prôné
l’adoption d’un traité international sur l’égalité de droits entre les sexes. Sous la pression de leurs
associations, l’ONU a mis en place, en 1946, une commission intergouvernementale dite de « la condition
de la femme ». Le mandat de cette instance était centré sur l’élaboration de normes internationales que la
CEDAW contribuera ensuite à institutionnaliser.
Cette Convention vise à résorber le gender gap en luttant contre toutes les formes de discriminations
qui frappent les femmes. En l’espèce, il s’agit de rétablir une égalité de droits avec les hommes dans tous
les domaines – civil, culturel, économique, social, politique – grâce à l’adoption de dispositions législatives
au plan national.
Un comité de vingt-trois experts indépendants a été élu par les parties à la Convention pour suivre
l’application de celle-ci. Chaque année, il présente un rapport à l’Assemblée générale des Nations unies et
examine ceux produits par les États, tous les quatre ans. Puis, il auditionne ceux-ci et invite des
institutions spécialisées ainsi que des ONG particulièrement actives. En dernier lieu, il tire les conclusions
de cet examen en émettant propositions et recommandations. Cependant, il s’avère impossible de
remédier directement aux violations de cet instrument juridique qui auraient été mises en évidence sur le
territoire d’un État. Une étape supplémentaire de contrôle a néanmoins été franchie avec le Protocole
additionnel qui prévoit désormais la communication de requêtes individuelles ou collectives.

Cadrage théorique
1. Droits humains. La Convention reconnaît pour la première fois la discrimination à l’égard des
femmes comme une violation des Droits de l’Homme. Le cadre de référence antérieur – Charte des
Nations unies, Déclaration universelle des droits de l’Homme – s’est en effet révélé trop restreint et
général. Outre une égalité réelle entre les sexes que la CEDAW entend promouvoir, elle fait aussi une
large place au droit à la maîtrise de la reproduction. Mais, s’il s’agit tout d’abord d’une question d’équité
et de justice, les progrès qu’elle cherche à favoriser, bénéficieront finalement à l’humanité tout entière.
2. Développement. La Convention revêt une dimension à la fois démocratique, économique et sociale,
la place des femmes dans la société constituant au regard du PNUD (Programme des Nations Unies pour
le Développement) un paramètre de l’IDH (Indice de Développement Humain). L’autonomisation des
femmes – avec un accent particulier sur la scolarisation et l’éducation – représente la condition
nécessaire à la réduction de la pauvreté et est à présent devenue l’objectif premier de l’APD (Aide
Publique au Développement). Une égalité professionnelle effective – loin d’être atteinte dans les pays du
Nord – constitue à cet égard un indicateur de la croissance et de la modernité. L’enjeu apparaît
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également démocratique car l’implication des femmes dans les lieux de décision sert aussi de marqueur
du développement ou empowerment, empoderamento. Ce processus indispensable à la cohésion sociale
permet alors de passer de l’échelon stato-national à celui des organisations locales, ce qui facilite une
intégration des deux sexes autour de valeurs et d’objectifs communs.

Analyse
À l’inverse des quelques autres grandes conventions qui précisent les droits humains, comme celle
sur les droits de l’enfant, la CEDAW demeure méconnue. En effet, bien qu’elle ait reçu la signature de la
quasi-totalité des États – à l’exception de la Somalie, du Soudan et de l’Iran – son application rencontre
toujours bien des difficultés. En raison de l’opposition des chrétiens – hostiles à la reconnaissance et à la
garantie de droits procréatifs – les États-Unis ne l’ont par exemple pas ratifiée. Quant aux autres, ils ont
eu recours à des réserves qui limitent substantiellement la portée du texte, de sorte qu’ils se refusent à
intégrer les articles les plus contraignants dans leur législation nationale. Ainsi, la Malaisie a-t-elle qualifié
certaines dispositions comme contraires à la loi islamique, tandis que l’Algérie a invoqué pour sa part, une
atteinte à sa souveraineté. Dans la même logique, l’article 15 – relatif à l’égalité des hommes et des
femmes devant la loi et à la liberté de circuler – est uniquement accordé au Niger, aux femmes
célibataires. Mais le point le plus contesté concerne avant tout l’égalité des sexes dans le mariage et dans
l’ensemble des rapports familiaux – autorité parentale, droit de propriété et âge minimum pour le
mariage – pour laquelle la moitié des États a émis des réserves, principalement au Moyen-Orient et au
Maghreb, au nom de la supériorité de la sharia. Enfin, si le protocole additionnel apparaît certes plus
contraignant que la CEDAW, il reste facultatif pour les États parties à la Convention. Or, celui-ci constitue
pourtant une avancée notable qui favorise le passage de mécanismes strictement juridictionnels vers des
dispositifs directement opérationnels sur le terrain. Dans ce cadre, les membres du Comité ont
notamment pu mener, à la suite d’une plainte, une enquête au Mexique sur les enlèvements et meurtres
de femmes à Ciudad Juarez ; révélant par voie de conséquence, la pérennité des violences faites aux
femmes dans cette région.
Dans l’ensemble, la Convention est utilisée par des groupes de femmes pour faire pression sur les
gouvernements en vue d’améliorer le statut des femmes dans leurs pays respectifs. En l’occurrence, on
rappellera que la Guinée – qui a ratifié la CEDAW en 1982 – a voté en 2006 une loi punissant
d’emprisonnement toute personne qui se livrerait à des mutilations génitales. De la même façon,
l’Égypte a encouragé une campagne d’alphabétisation des filles, destinée à réduire leur illettrisme de
11% entre 1986 et 1996.
Malgré les résistances rencontrées, la CEDAW constitue donc un instrument significatif pour faire
avancer la cause des femmes au plan international, même si une mondialisation de la parité relève
encore de l’utopie. Aujourd’hui, les ONG et tous les mouvements associatifs se mobilisent pour mettre
principalement l’accent sur la lutte contre les stéréotypes ; la prochaine étape consistant à modifier les
comportements et à promouvoir une culture égalitaire entre les sexes, bref, à modifier en profondeur
l’organisation des sociétés civiles.

Références
Falquet Jules, De Gré ou de force. Les femmes dans la mondialisation, Paris, La Dispute, 2008.
Helena Hirata, « Femmes et mondialisation » in : Margaret Maruani (Éd.), Femmes, genre et société, l'état
des savoirs, Paris, La Découverte, 2005.
Sénac-Slawinski Réjane, L'Ordre sexué. La perception des inégalités femmes-hommes, Paris, PUF, 2007.
Women Watch, site de l'ONU: http://www.un.org/womenwatch/

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