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Musique aussi. Orchestration à partir d’une colonne vertébrale qui paraît soutenir toutes ces
masses.
Cette peinture a un sens irréductible à une signification discursive. Comme le dit Olivier
Legrand lui même au cours d’une conversation : « il n’y a pas de message ». Il y a là un sentir
qui fait en lui-même sens avant toute parole.
C’est à partir d’eux mêmes qu’il convient de regarder ces blocs de roches.
Comme l’écrit Henri Maldiney des formes de Cézanne : « Leur apparaître est un évènement-
avènement dont elles sont le lieu : l’expansion de chacune est une avec l’ouverture de sa
présence »1.
Présence imposante. Choc frontal indéniable. Coup de poing. Densité. Masses compactes
qu’on pourrait un instant croire fermées. Et pourtant : ouvertures. Ecartements. Fissures.
Brèches en lesquelles on aurait tort de voir des symboles. A moins de définir le symbole
comme le faisait Merleau Ponty dans Le visible et l’invisible : « La fixation d’un
« caractère » par investissement dans un étant de l’ouverture à l’ être qui désormais se fait à
travers cet étant »2: Legrand entre dans le monde par la montagne-roche. Il le dit lui même
dans une lettre adressée à Francis Parent : « Mon isolement dans les montagnes a totalement
changé ma façon(façonner, construire)) ; de peindre... »
Pas de connaissance préalablement acquise. Pas d’anecdote : « Aucune documentation, aucun
croquis préparatoire, j’ai mis 30 ans de matériel photos au placard. »
Entre ciel et terre. Même les toiles où le ciel n’apparaît pas sont aérées. Elles respirent. Ces
blocs sont aussi des poumons.
Marques d’une lutte aussi. On se cogne. On se bat avec la roche comme elle se bat avec elle-
même. On se dégage. On retient son souffle ou l’air vous manque. On se fraye un chemin et
on respire à nouveau.
Joëlle Mesnil