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L A PERCEPTION EN RANCE

DU REGNE DE JOSEPH II (1777-1790)

VOLUME I
INTRODUCTION

« Les Habsbourg ont été pendant très longtemps les "mal-aimés" des historiens
français. Une véritable "légende noire" s’est forgée autour de cette dynastie1 ». L’image
obscurcie longtemps renvoyée par les historiens français s’expliquerait par le « vieil
antagonisme entre la France et les Habsbourg2 », qui trouve son origine dans le conflit qui
opposa ces derniers aux Valois au XVIe siècle – notamment à l’époque de Charles Quint
(1519-1556) et de François Ier (1515-1547) – et qui perdure sous des formes diverses jusqu’à
la Seconde Guerre mondiale. Cependant, après la guerre, « une certaine sympathie à l’égard
de cette dynastie malmenée par l’histoire récente [prend] naissance3 ».
Des historiens français se mettent également à porter un regard nouveau sur les
Habsbourg et leurs États. Parmi eux, Jacques Droz (1909-1998), qui développe à la Sorbonne,
à partir de 1962, les recherches et l’enseignement sur l’Allemagne contemporaine, et Victor-
Lucien Tapié (1900-1974) qui se consacre à l’histoire moderne4. Une telle reconsidération de
l’histoire des Habsbourg et de leurs territoires marque l’historiographie française jusqu’à nos
jours, avec entre autres les successeurs de Droz et de Tapié, et permet de démystifier les
antagonismes entre la France et la dynastie habsbourgeoise. Dès lors, il paraît judicieux d’étudier
comment les Français des époques précédentes percevaient les membres de la dynastie.

C ette étude pourrait se révéler particulièrement intéressante, car les Habsbourg et la


France ont toujours été ennemis, sauf pendant quelques décennies, lors de
rapprochements diplomatiques entre les cours de Vienne et de Versailles. En effet, jusqu’à la
guerre de Sept Ans (1756-1763), les Bourbons de France et les Habsbourg d’Autriche se sont

1
Henry BOGDAN, Histoire des Habsbourg : des origines à nos jours, Paris, Perrin, 2002, 426 p. , réed., Perrin,
coll. « Tempus », 2005, 426 p., p. 7.
2
Henry BOGDAN, Histoire des Habsbourg : des origines à nos jours, op. cit., p. 8.
3
Henry BOGDAN, p. 9.
4
Ce dernier occupe la chaire d’histoire des pays slaves puis d’histoire moderne à la Sorbonne entre 1949 et 1970.
Certains de ses cours ont d’ailleurs été publiés, comme L'Europe centrale et orientale de 1689 à 1796, CDU,
« Les cours de Sorbonne », Paris, 1952-1953 (pour la première édition), 4 fasc. Victor-Lucien Tapié est
également l’auteur d’ouvrages qui font toujours référence aujourd’hui sur les États des Habsbourg : L'Europe de
Marie-Thérèse, du baroque aux Lumières, Paris, 1973, 400 p. et Monarchie et peuples du Danube, Paris, Fayard,
coll. « L’histoire sans frontières », 1969, 493 p.

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toujours affrontés dans les guerres européennes, et il existe en France une longue tradition
anti-habsbourgeoise. Les rapprochements tentés dès la fin du règne de Louis XIV (1643-
1715) n’aboutissent qu’après la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), car ni les
Français ni Marie-Thérèse (1717-1740-1780) n’étaient vraiment satisfaits de la paix d’Aix-la-
Chapelle (octobre-novembre 1748). Le rapprochement entre la France et les Habsbourg se
concrétise alors par le traité de Versailles du 1er mai 17565. Après plus de deux siècles de
luttes, les maisons de Bourbon et d’Autriche scellent une alliance militaire aux conséquences
considérables. En effet, ce que l’on nomme le « retournement des alliances » ne reste pas
seulement conjoncturel, étant donné que la politique de rapprochement franco-autrichienne
dure jusqu’au début de la Révolution française6. Malgré des vicissitudes7, les intérêts des deux
puissances l’emportent et l’alliance est confortée, devenant « un élément essentiel [de leur]
système diplomatique8 ». Elle est même renforcée par le mariage du Dauphin, le futur
Louis XVI (1774-1793), petit-fils de Louis XV, et de Marie-Antoinette (1755-1793), fille de
Marie-Thérèse, le 16 mai 1770.
L’alliance franco-autrichienne est donc appelée à durer pendant presque trente ans
après la guerre de Sept Ans. Cette période correspond, pour la monarchie autrichienne, au
règne du fils de Marie-Thérèse, Joseph II, en tant qu’empereur romain germanique (de 1765 à
1790) et à son règne sur les États des Habsbourg, d’abord en co-régence – sa mère l’associe
au gouvernement de ses États – de 1765 à 1780, puis seul de 1780 à 1790. Pour la France, elle
correspond à la fin du règne de Louis XV et à celui de Louis XVI, et à la présence, comme
femme du Dauphin, puis comme reine de France, d’une archiduchesse d’Autriche. La période
se révèle par conséquent particulièrement propice pour étudier l’évolution de l’opinion française
au sujet de la dynastie des Habsbourg, et, comme elle coïncide avec le règne de Joseph II, au
sujet de celui-ci. Le renversement des alliances, selon les mots de Michel Antoine, « dérouta
l’opinion », « les austrophobes, les tenants routiniers de la tradition se récrièrent9 ». En raison
de tous ces facteurs, le règne de Joseph II est une des préoccupations de l’opinion française.

5
L’alliance est renforcée par le second traité de Versailles du 1er mai 1757, offensif cette fois, visant à réduire la
puissance du roi de Prusse, Frédéric II (1712-1740-1786).
6
C’est le 20 avril 1792 que l’Assemblée nationale déclare la guerre au roi de Bohême et de Hongrie, qui est
alors François II (1792-1835).
7
Il est vrai qu’au sortir de la guerre de Sept Ans, Louis XV et Marie-Thérèse ne sont pas complètement satisfaits
de leur alliance militaire, et ils n’ont pas forcément les mêmes vues à long terme. « Marie-Thérèse [est] fatiguée
de la guerre et déçue de l’alliance française, qui n’avait pas permis de retrouver la Silésie », in Lucien BÉLY,
Les relations internationales en Europe (XVIIe-XVIIIe siècles), Paris, PUF, 1992, réed 2001, 731 p., p. 561.
8
Jean BÉRENGER, Joseph II d’Autriche, serviteur de l’État, Fayard, 2007, 623 p.p. 221.
9
Michel ANTOINE, Louis XV, Paris, Fayard, 1989, réed. Hachette littératures, coll. « Pluriel », 1053 p., p. 681.

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D u reste, l’exercice du pouvoir par Joseph II ainsi que la personnalité de celui-ci
soulèvent des interrogations et comportent des particularités qui les rendent originaux.
L’objet de ce mémoire n’est pas de réécrire une histoire du règne de Joseph. Toutefois,
certains points essentiels méritent d’être rappelés afin de les conserver à l’esprit tout au long
du développement.
Fils de Marie-Thérèse et de François de Lorraine (1708-1765)10, l’archiduc Joseph
devient empereur et co-régent des États des Habsbourg à la mort de son père, puis règne seul
sur ses États à la mort de sa mère. Cette dernière période est appelée Alleinherrschaft par les
historiens germanophones. Lorsque Joseph arrive à la tête des États patrimoniaux des
Habsbourg en 1780, ceux-ci renferment une population estimée à 22 millions d’habitants11, et
se composent de plusieurs territoires autonomes dont le destin est seulement lié par la
dynastie qui les gouverne (voir carte ci-après)12. En outre, la diversité et la discontinuité
géographique des États de Joseph II sont renforcées par leur diversité ethnique13 et religieuse14.
Joseph II doit tenir compte de toutes ces réalités lorsqu’il monte sur le trône impérial
et devient co-régent en 1765. Sa propre mère, Marie-Thérèse, a déjà tenté, après les dégâts
causés par la guerre de Succession d’Autriche, de renforcer progressivement les liens qui
unissent les différentes provinces, par souci de plus grande efficacité. L’Impératrice-Reine fait
preuve de beaucoup de prudence et de pragmatisme en la matière et entend ne pas brusquer
ses peuples. Joseph II entend lui aussi unifier les territoires de la Monarchie. Toutefois, celui-
ci fait fi des particularismes et des traditions de ses États, et veut les considérer comme « un
tout15 », prônant la centralisation de l’administration et des organes du pouvoir. Marie-
Thérèse est consciente que la Monarchie doit tendre vers l’unification de ses territoires, mais
cela ne peut se faire, selon sa conception du pouvoir, en méprisant les privilèges et les
particularismes de chaque province, alors que Joseph entend réformer par un vaste

10
Empereur du Saint-Empire romain germanique sous le nom de François Ier (1745-1765).
11
Jean BÉRENGER, Joseph II d’Autriche, serviteur de l’État, op. cit., p. 54.
12
Les « Pays héréditaires » ainsi que le royaume de Bohême et les Pays-Bas autrichiens – ou Pays-Bas
méridionaux – appartiennent au Saint-Empire romain germanique. Les Pays héréditaires sont composés de la
Haute et de la Basse Autriche et de l’Autriche Intérieure (les régions alpines de Styrie, Carinthie et Carniole) et
Antérieure (le Tyrol, le Vorarlberg et quelques possessions en Breisgau et en Souabe). D’autres territoires n’ont
jamais fait partie du Saint-Empire, ce sont le royaume de Hongrie, la Transylvanie et le Banat de Temesvar.
Parmi les territoires qui n’appartiennent pas au Saint-Empire, les Habsbourg conservent une influence en Italie
du Nord et possèdent la Lombardie formée des duchés de Milan et de Mantoue. En outre, le grand-duché de
Toscane est dirigé par la branche cadette – donc par le frère de Joseph II, Léopold (1747-1792), duc de Toscane
de 1765 à 1790 – et l’épouse du roi des Deux-Siciles est l’archiduchesse Marie-Caroline (1752-1814).
13
Cohabitent dans la Monarchie autrichienne des Allemands, des Tchèques, des Slovaques, des Serbo-croates,
des Hongrois, des Italiens…
14
Outre la majorité catholique, les territoires des Habsbourg comportent des minorités luthérienne, calviniste,
orthodoxe, uniate et juive.
15
Cette expression est celle du prince Eugène de Savoie (1663-1736).

-7-
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-8-
programme, imposé par le haut. C’est un véritable doctrinaire, quand Marie-Thérèse est une
souveraine pragmatique. Joseph II juge par ailleurs que ses réformes seraient utiles et
bénéfiques pour ses peuples, car il semble sincèrement imprégné des idées philosophiques du
XVIIIe siècle, et également fasciné, comme d’autres de ses contemporains, par l’image que
renvoie Frédéric II (1712-1740-1786) 16.

L orsqu’il arrive au pouvoir en 1780, Joseph II se prépare à réformer l’ensemble de ses


États, en se consacrant entièrement à sa tâche. Travailleur acharné vivant très
sobrement, Joseph se considère comme un « serviteur de l’État17 », le premier d’entre tous.
Dans l’idée du souverain, tout doit être subordonné à l’État. Certes, la finalité de Joseph II est
d’œuvrer pour le bien-public, mais les réformes que l’empereur destine aux États de la
Monarchie proviennent d’en haut.
Niant les traditions historiques qu’il ne voit que comme des obstacles au
changement18, Joseph entreprend de diminuer le pouvoir des institutions locales. Son effort
d’unification administrative est complété par un effort d’unification judiciaire, qui atteint son
apogée en 1787, avec la promulgation d’un Code civil ou Code joséphiste, abolissant les
autres lois et coutumes subsistantes. L’arsenal législatif19 dont se dote Joseph II apporte la
confirmation de l’abolition de la peine de mort – supprimée dès 1780, sauf dans l’armée –
ainsi que de la torture. L’empereur entreprend également des réformes sociales considérables.
Celui-ci supprime notamment les servitudes personnelles en Bohême par la patente du 1er
novembre 1781, et continue la politique de sa mère qui avait limité le nombre de jours de
corvée à partir de 1775. Pour mettre en place ses réformes dans les domaines judiciaires et
administratifs, pour mieux former les sujets qui deviendront des serviteurs de l’État, Joseph II
doit pouvoir s’appuyer sur un système éducatif performant, qu’il entreprend de réformer20.
Dans les domaines culturels et intellectuels, le règne de Joseph II est surtout caractérisé par
des améliorations de la liberté d’expression, et, en particulier, de la censure, que le souverain
ne supprime pas, mais libéralise de façon assez large après 178121.

16
Joseph II désire être un monarque « éclairé », mais demeure autant marqué par les principes philosophiques
dont se réclame Frédéric que par les réussites militaires ou l’œuvre de centralisation de l’État du roi de Prusse.
17
Cette expression est le sous-titre de l’ouvrage de Jean BÉRENGER, Joseph II d’Autriche, serviteur de l’État, op. cit.
18
Dès son avènement, Joseph refuse de convoquer la Diète hongroise pour se faire couronner roi de Hongrie, pas plus
qu’il ne le fait en Bohême, niant l’existence de la Bohême et de la Hongrie en tant que pays historiquement distincts.
19
Le Code joséphiste est suivi par la patente du 2 avril 1787, par laquelle est publié un nouveau « Code sur les
crimes et leurs punitions ». Enfin, un « Code de procédure criminelle » est publié en 1788.
20
L’enseignement primaire est rendu obligatoire de six à douze ans – pour les garçons comme pour les filles. Le
nombre d’élèves scolarisés est ainsi multiplié par deux entre 1780 et 1790. En ce qui concerne l’enseignement
supérieur, le nombre d’universités est réduit, mais les programmes sont modernisés.
21
Jean BÉRENGER, Joseph II d’Autriche, serviteur de l’État, op. cit., p. 365.

-9-
Mais les réformes les plus indissociables de la figure du souverain, et aussi les plus
étudiées, regardent la religion. L’empereur est en effet ouvert à l’idée de tolérance religieuse.
Non qu’il soit athée ou mauvais croyant, mais Joseph ne croit pas que l’Église catholique puisse
ramener des dissidents en son sein autrement que par l’éducation et la persuasion. Ainsi, la
raison commande la tolérance envers ceux qui ne sont encore convertis. C’est pour cela que
Joseph II promulgue la patente de Tolérance du 13 octobre 1781. De ce fait, l’égalité civile de
tous les sujets chrétiens – luthériens, calvinistes, orthodoxes et uniates22 – est proclamée – mais
pas celle de leurs confessions. En outre, Joseph II est à l’origine de l’arrêt des persécutions
contre les Juifs. Il se démarque donc de l’attitude de l’Impératrice-Reine à leur égard.
Cette tolérance de Joseph est à ne pas confondre avec un autre volet de sa politique
religieuse que l’on appelle le joséphinisme23 (Josephinismus), et qui prétend subordonner
l’Église à l’État. Le 29 novembre 1781, Joseph II promulgue un édit qui supprime toutes les
congrégations religieuses, à l’exceptions des ordres enseignants ou se consacrant au soin des
malades. Leurs biens sont confisqués par l’État et mis en vente, et les fonds ainsi constitués
sont affectés à la réorganisation du clergé séculier24. À cause de ces réformes, les relations
entre l’empereur et le pape deviennent très tendues.
Embrassant les domaines de la religion, de l’éducation, de la culture, de
l’administration, de la justice et bien d’autres encore, l’œuvre réformatrice de Joseph II ne
rencontre pas toujours l’adhésion ou l’enthousiasme attendus. Pis, une partie de la population
se montre récalcitrante et entreprend de résister. Cette situation est pour le moins paradoxale.
Néanmoins, les historiens qui ont étudié le règne de Joseph II ont montré que l’impopularité
de l’empereur dans une large fraction de ses peuples est d’abord liée à son désir de tout
réformer d’un seul tenant. Ne laissant pas à ses sujets le temps de s’adapter ni de comprendre,
Joseph se heurte en définitive à leur résistance. Les habitants des Pays-Bas entrent en
révolution (1789-1790) et les nobles hongrois opposent à l’empereur une fronde juridique. La
situation de la Monarchie à la fin du règne est donc périlleuse, d’autant que le souverain s’est
engagé dans une guerre contre l’Empire ottoman à partir de 1788.

22
Ceux-ci acquièrent le droit d’accéder à la bourgeoisie, à la propriété, aux emplois qui leur étaient interdits…
23
L’on peut traduire Josephinismus par joséphisme ou joséphinisme. Par analogie avec l’allemand, puis aussi par
habitude, nous écrirons joséphinisme.
24
Cette prise en charge du clergé succède à l’interdiction faite aux religieux de recevoir des directives de supérieurs
à l’étranger, où d’aller s’y former. D’autre part, les bulles pontificales ou tous les autres textes provenant de Rome
nécessitent désormais l’autorisation préalable du gouvernement pour être publiés.

- 10 -
L e règne de Joseph II semble ainsi très difficile à aborder, car le souverain a mené une
politique accompagnée de réformes considérables dans des domaines divers, mais aussi
parce que l’empereur possède une personnalité complexe. Ce qui fait dire à Derek Beales
qu’il « est néanmoins toujours difficile de pénétrer les origines et les motifs des actions de
Joseph II25 », malgré une documentation importante, notamment les correspondances qu’a
entretenues Joseph II avec Kaunitz ou avec son frère Léopold.
Outre les biographies pionnières de l’Américain Saul K. Padover26 ou de l’historien
russe Paul von Mitrofanov27, quelques historiens se penchent sur le règne de Joseph II avant
la Seconde Guerre mondiale28. Mais le sujet connaît surtout un regain d’intérêt dans les
années 1960, avec les controverses autour de la définition du joséphinisme qui opposent
Ferdinand Maass et Eduard Winter. Le premier soutient que l’empereur remet brutalement en
cause l’Église en raison de ses conceptions anticatholiques, alors que Winter replace la
réforme du clergé dans un temps plus long, et la justifie par le refus de l’Église de se réformer
elle-même, obligeant l’État à prendre les choses en main. Les travaux d’Eduard Winter ont été
finalement confirmés par ceux de l’historien autrichien Ernst Wangermann (1925 – …)29, qui
publie ensuite une synthèse en 1973, The Austrian Achievement30, puis il se consacre aux
travaux des publicistes, aux pamphlets politiques et à la propagande sous le règne de
Joseph II31.
Les travaux d’Ernst Wangermann sont suivis par ceux d’autres historiens – comme
Paul P. Bernard32, ou Timothy C. W. Blanning. Ce dernier s’intéresse d’abord à Joseph II et

25
Derek BEALES, Joseph II. In the shadow of Maria Theresia 1741-1780, Cambridge, London, New York,
Cambridge University Press, 1987, 520 p., p. 432, cité par Jean BÉRENGER dans Joseph II d’Autriche,
serviteur de l’État, op. cit., p. 8.
26
Saul K. PADOVER, Joseph II, empereur révolutionnaire, Paris, Payot, 1935 (pour la traduction française),
titre original : The Revolutionary Emperor : Joseph II of Austria.
27
Paul von MITROFANOV, Joseph II. Seine politische und kulturelle Tätigkeit ("Joseph II. Son action politique
et culturelle"), 2 vol., Vienne, 1910 (pour la traduction allemande, édition russe de 1907).
28
Deux autres ouvrages sont pris régulièrement pour références jusqu’aux années 1980, celui d’Ernst BENEDIKT
(1882-1973), Kaiser Joseph II, 1741-1790 ("L’empereur Joseph II, 1741-1790"), Vienne, Gerold & Cie, 1936,
362 p., et celui de Viktor BIBL (1870-1947), Kaiser Josef II, Leipzig, Vienne, J. Günther Verlag, 1943, 316 p.
29
Sa thèse porte sur la politique gouvernementale et l’opinion publique dans ces territoires à l’époque de la Révolution
française, et le livre qui en est tiré est publié en 1959. Ernst WANGERMANN, From Joseph II to the Jacobin trials :
government policy and public opinion in the Habsburg Dominions in the period of the French Revolution ("De
Joseph II aux procès des Jacobins : politique gouvernementale et opinion publique dans les territoires des Habsbourg
pendant la période de la Révolution française"), Londres, Oxford University Press, 1959, 212 p.
30
Ernst WANGERMANN, The Austrian Achievement ("L’accomplissement autrichien"), New York, Harcourt
Brace Jovanovich, 1973, 216 p.
31
Ernst WANGERMANN, Die Waffen der Publizität : zum Funktionswandel der politischen Literatur unter
Joseph II ("Les armes de la publicité [ou propagande] : du changement de fonction de la littérature politique sous
Joseph II"), Wien, Verl. für Geschichte und Politik, München, Oldenbourg, 2004, 252 p.
32
Paul P. BERNARD, Joseph II, New York, Twayne Publishers, 1968, 155 p. Il est aussi l’auteur de The limits
of enlightenment : Joseph II and the law ("Les limites des Lumières : Joseph II et la loi"), Chicago, Londres,
University of Illinois Press, 1979, 146 p.

- 11 -
au despotisme éclairé dans une étude publiée en 197033, avant de revenir sur Joseph II lui-
même dans une biographie34. Au milieu des années 1970 également, un collègue de
Cambridge de Timothy Blanning, Derek Beales, publie un article, « The false Joseph II35 ».
Ce chercheur y montre comment des fausses lettres de Joseph II ont été prises pour
authentiques et ont servi de référence à beaucoup d’historiens, véhiculant ainsi nombre
d’idées reçues ou de formules prêtées à l’empereur qui s’avèrent en fait inexactes36. À la suite
de ses recherches, Derek Beales publie ensuite en 1987 le premier tome d’une histoire de
Joseph II, Joseph II. In the Shadow of Maria Theresa 1741-178037, consacré à la période de la
co-régence, et apporte donc de nouveaux éléments et un nouveau regard sur Joseph II.
Derek Beales publie en outre le deuxième tome de sa biographie en 200938, dans le
contexte d’un regain d’intérêt pour Joseph II et son règne. Cette affirmation est
particulièrement vraie pour les chercheurs francophones. La seule et unique biographie sur
l’empereur en langue française datait des années 1950, et elle était signée de François Fejtö
(1909-2008)39. L’historien – qui concevait plutôt son ouvrage comme un essai – y développait
plusieurs thèses, évoquant notamment la personnalité de Joseph II comme celle d’un
monarque au caractère totalitaire, dont le trait principal est un véritable culte de l’État. Puis en
2007, paraissent les biographies de Jean Bérenger40, et de Hervé Hasquin41. Ce dernier,
historien belge, apporte un point de vue complémentaire aux ouvrages précédents sur
Joseph II, d’autant qu’il interroge l’empereur et son règne sous les angles de leurs rapports
avec les Pays-Bas autrichiens et de l’influence des Lumières françaises. L’ouvrage de Jean
Bérenger est une biographie très fouillée et très complète où la vie de Joseph II est contée de
façon thématique. En outre, les actes d’un colloque franco-allemand intitulé « Échecs et
réussites du joséphisme » sont parus en 200742.
L’objet de ce colloque, construit autour du joséphinisme, se révèle proche des
préoccupations des historiens allemands sur le joséphinisme et le despotisme éclairé. Les

33
Timothy BLANNING, Joseph II and Enlightened Despotism ("Joseph II et le despotisme éclairé"), Londres,
Longman, 1970, 168 p.
34
Timothy BLANNING, Joseph II, Londres, Longman, 1994, 228 p.
35
Derek BEALES, « The false Joseph II », in The Historical Journal, Vol. XVIII, n° 3, Cambridge, Cambridge
University Press, sept. 1975, pp. 467-495.
36
Confer Derek BEALES, « The false Joseph II », in The Historical Journal, op. cit., pp. 467-470.
37
Derek BEALES, Joseph II. In the shadow of Maria Theresia 1741-1780, op. cit.
38
Derek BEALES, Against the world, 1780-1790, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, 800 p.
39
FEJTÖ, Un Habsbourg révolutionnaire : Joseph II. Portrait d'un despote éclairé, Paris, Plon, 1953, 356 p.,
réed., Joseph II, un Habsbourg révolutionnaire, Paris, Perrin, 1982, réed. 2004, 384 p.
40
Jean BÉRENGER, Joseph II d’Autriche, serviteur de l’État, op. cit.
41
Hervé HASQUIN, Joseph II. Catholique anticlérical et réformateur impatient. 1741-1790, Bruxelles, Racine,
coll. « Les racines de l’histoire », 2007, 336 p.
42
Jean MONDOT, Wolfgang SCHMALE, Renate ZEDINGER [dir.], Lumières, n°9/2007 « Échecs et réussites
du joséphisme », Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2008, 172 p.

- 12 -
synthèses les plus récentes sont notamment dues à Helmut Reinalter, et sont très précieuses
pour comprendre l’état de la recherche43. Il existe par ailleurs deux ouvrages de synthèse sur
le despotisme éclairé en langue française, celui de François Bluche, publié en 196844, et le
petit ouvrage problématique de Jean Meyer45.
La notion de despotisme éclairé – terme anachronique inventé au XIXe siècle – se révèle
centrale dans l’appréhension du règne de Joseph II est des rapports de celui-ci avec la France.
Le « despotisme éclairé » ou l’« absolutisme éclairé » est en effet une manière d’exercer le
pouvoir, pratiquée par des monarques ou leurs ministres dans un temps et dans des espaces
géographiques donnés46. Les princes ou les monarques éclairés qui s’en réclament prétendent
assujettir leur politique à la philosophie des Lumières, aux « idées nouvelles ». Le prince éclairé
idéal gouverne donc en fonction de la Raison et de principes humanistes comme ceux de
Bonheur ou de Tolérance, et s’entend « comme [le] serviteur de l’État et de [ses] sujets47 ».
Cette définition de l’absolutisme éclairé convient parfaitement à Joseph II. Pour Jean
Bérenger, « le bien public et le service de l’État étaient ses objectifs uniques48 », au point qu’il
leur a sacrifié une grande partie de sa vie privée. Joseph II mène donc bien une politique qui
se réclame de la philosophie des Lumières. Or, les philosophes des Lumières qui louent le
plus les actions des princes éclairés sont les philosophes français. En France, au XVIIIe siècle,
une certaine opinion est favorable aux despotes éclairés, en particulier à Frédéric II. Il a
d’ailleurs été difficile de rompre, de changer de système d’alliances, à cause du préjugé
favorable envers le roi de Prusse. Toutefois, contrairement à ce dernier, Joseph II ne cherche
apparemment pas les faveurs de la République des Lettres49. Nonobstant, il existe bien un
« idéal du prince éclairé qui s’est développé et répandu dans l’opinion publique européenne
depuis 174050 ». Il serait intéressant d’examiner si l’empereur y correspond pour l’opinion

43
Helmut REINALTER [dir.], Lexikon zum Aufgeklärten Absolutismus in Europa, Vienne, Böhlau, 2006, 663 p.
; Josephinismus als Aufgeklärter Absolutismus ("Le joséphinisme comme un absolutisme éclairé"), Vienne,
Böhlau, 2008, 440 p. ; avec Harm KLUETING [éd.], Der aufgeklärte Absolutismus im europäischen Vergleich
("L’absolutisme éclairé dans la perspective européenne") , Vienne, Cologne, Weimar, Böhlau, 2002, 362 p.
44
François BLUCHE, Le despotisme éclairé, Paris, Fayard, coll. « Les grandes études historiques », 1968,
380 p., réed., Hachette Littérature, coll. « Pluriel », 2000, 388 p.
45
Jean MEYER, Le despotisme éclairé, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1991, 127 p.
46
Les historiens font commencer l’ère du despotisme éclairé avec le début du règne de Frédéric II de Prusse, et
la font se terminer avec les premières années de la Révolution française. Le despotisme éclairé touche des pays
du Nord (la Suède et le Danemark), de l’Est (la Prusse, la Russie, les États des Habsbourg et la Pologne) et du
Sud de l’Europe (le Portugal, l’Espagne, Parme, Naples et la Toscane), mais les pays d’Europe occidentale
comme la France, les Provinces-Unies ou la Grande-Bretagne ne sont pas concernés.
47
Jochen SCHLOBACH, « Prince éclairé, absolutisme éclairé », in Michel DELON, Dictionnaire européen des
Lumières, Paris, PUF, 1997, réed., coll. « Quadrige », 2007, 1299 p., p.1038.
48
Jean BÉRENGER, Joseph II d’Autriche, serviteur de l’État, op. cit., p. 109.
49
Joseph II n’entretient pas de correspondance avec des « philosophes », comme le font Catherine II ou Frédéric II.
50
Jochen SCHLOBACH, « Prince éclairé, absolutisme éclairé », in Michel DELON, Dictionnaire européen des
Lumières, op. cit., pp. 1035-1039, p.1037.

- 13 -
française ou alors s’il s’en démarque. Pour ce faire, nécessité est de questionner une notion
délicate à manier, celle d’opinion publique.

L e 19 février 1781, Jacques Necker (1732-1804), alors directeur général des Finances publie
son célèbre Compte rendu au Roi sur les finances de la nation, dans lequel il livre des
détails sur ces finances, et un tableau des recettes et des dépenses pour l’année 1781. Jacques
Necker y fait mine de s’en remettre au jugement de l’« opinion publique », qu’il dit entraînée par
« la justice et la vérité » 51. La publication du Compte rendu – un succès – revêt un « caractère
extrêmement révolutionnaire […] : elle [livre] l’état financier de la monarchie à la discussion
publique52 », et ceci pour la première fois. C’est reconnaître, de la part de Necker, l’existence et
l’importance de cette opinion publique – à laquelle le Compte rendu est en fait destiné –, sans
laquelle le directeur général des Finances estime qu’il est devenu impossible de compter.
En effet, le concept d’« opinion publique » apparaît dans le climat politique de la
deuxième moitié et plus particulièrement de la fin du XVIIIe siècle. Il désigne « une mutation
majeure du discours et du débat politique », et s’impose au cours de différentes querelles, au
cours desquelles les protagonistes, qu’ils soient du côté des parlementaires ou de la
monarchie, en appellent à l’opinion publique comme à un tribunal impartial devant lequel ils
iraient porter leurs griefs, aux décisions duquel ils se plieraient, et dont les jugements
reposeraient sur la Raison »53. L’opinion publique « est donc l’inverse des opinions de la
multitude, multiples, versatiles, habitées par les préjugés et les passions.[…] L’opinion
devenue publique exclut tous ceux qui, par état et par ignorance, n’ont pas compétence à
établir les décrets qu’elle proclame54 ». Par conséquent, pour les différents protagonistes des
querelles dont nous avons parlé et pour les hommes des Lumières, l’opinion publique n’est
pas confondue avec le peuple tout entier. Selon eux en revanche, elle serait apparue grâce à la
diffusion de l’écrit, qui fait que « chaque lecteur en son particulier peut participer à l’exercice
public du jugement, de la critique et du raisonnement55 ». Ainsi définie, l’opinion publique

51
Jacques NECKER, Compte-rendu au Roi, janvier 1781. Mémoire publié par M. Necker au mois d'avril 1787,
en réponse au discours prononcé par M. de Calonne devant l'Assemblée des notables…, in Auguste-Louis de
STAËL-HOLSTEIN [éd.], Oeuvres complètes, t. 2, Paris, Treuttel et Würtz, 1820-1821, 15 vol., réed. [reprod.],
Maxwell, coll. « Les archives de la Révolution française », 1992, 157 p., p. 139.
52
Keith Michael BAKER, Inventing the french revolution, Cambridge-New York, Cambridge University Press,
1990, rééd (trad.), Au tribunal de l’opinion. Essais sur l’imaginaire politique au XVIIIe siècle (traduction de
Louis EVRARD), Paris, Payot, 1993, 319 p., p. 254.
53
« La notion s’impose au cours des controverses et des contestations qui ont pour objet la querelle sur le refus
des sacrements aux jansénistes, puis la libéralisation du commerce des grains, enfin la politique fiscale et
financière du roi », in Roger CHARTIER, « Opinion publique », in Lucien BÉLY [dir.], Dictionnaire de
l’Ancien Régime, Paris, PUF, 1997, réed. PUF, coll. « Quadrige », 2005, 1384 p., pp. 929-930, p. 929.
54
Roger CHARTIER, « Opinion publique », in Lucien BÉLY [dir.], Dictionnaire de l’Ancien Régime, op. cit., p. 929.
55
Roger CHARTIER, op. cit., p. 929.

- 14 -
émanerait d’un public de lecteurs, ou plus précisément de lettrés – de fait un public restreint –,
homogène de par sa connaissance des thèses véhiculées par des ouvrages auxquels chacun
peut confronter son jugement et les principes de la Raison.
Or, les premières études sur l’opinion publique, au XIXe siècle, étaient basées sur la
lecture des grands auteurs du XVIIIe siècle – Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Diderot,
d’Holbach etc56. Ce postulat est également, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, celui des
littéraires57 qui se basent surtout sur la qualité des œuvres. Cependant, l’un d’entre eux, Daniel
Mornet (1878-1954), va plus loin et se propose, dans son livre Les origines intellectuelles de la
Révolution française58, d’étudier les productions des écrivains de tous ordres59. Daniel Mornet
entend livrer une étude de la diffusion des idées avant la Révolution. Celui-ci propose un
modèle. Les idées naîtraient chez les grands auteurs, puis seraient reprises et vulgarisées par
les « écrivains de second ordre », jusqu’aux petits écrivains. De la même manière, les idées se
diffuseraient de Paris vers la province. La progression des idées dans le temps serait
également linéaire, et mènerait, à partir des années 1770, à une large diffusion de celles-ci
dans les couches de la société, à une époque où « la France tout entière se met à penser »60.
L’intérêt pour l’histoire intellectuelle ou l’histoire des idées à laquelle se livre Daniel
Mornet, est supplanté après la guerre chez les historiens, par l’histoire sociale et culturelle.
Dans les années 1960, avec le regain d’intérêt pour le siècle des Lumières, les chercheurs se
penchent sur les publications et sur la littérature au XVIIIe siècle. François Furet (1927-1997)
et Daniel Roche (1935-…)61 notamment, publient ou lancent des publications sur le sujet62.
L’histoire du livre se développe donc en France et devient un objet d’étude à part entière.
Suivant la voie tracée par Daniel Mornet, les historiens s’intéressent à la production de l’écrit

56
Confer Hippolyte TAINE, L’Ancien Régime, Paris, Hachette, 1876, 553 p. ou Charles AUBERTIN, L'esprit
public au XVIIIe siècle. Étude sur les mémoires et les correspondances politiques des contemporains. 1715 à
1789, Paris, Didier, 1873, 489 p., rééd., Genève, Slatkine Reprints, 1968, 500 p.
57
La recherche sur le XVIIIe siècle est, avant la Seconde Guerre mondiale, aux mains des littéraires, qui sont les
premiers à s’intéresser à l’histoire des idées. Gustave Lanson (1857-1934) notamment, s’attache à l’étude des
œuvres de grands auteurs comme Voltaire (1694-1778). Lanson met au point des méthodes de critique littéraire
qui nécessitent de prendre en compte la biographie de l’auteur et de le replacer dans son contexte historique.
58
Daniel MORNET, Les origines intellectuelles de la Révolution française (1715-1787), Paris, Colin, 1933, 552 p.
59
Mornet étudie les inventaires après décès, évoque aussi la diffusion des idées dans les académies et les sociétés
de province, s’intéresse aux programmes d’enseignements, aux journaux… somme toute à des moyens de
diffusion très divers.
60
Daniel MORNET, Les origines intellectuelles de la Révolution française (1715-1787), op. cit., p. 473.
61
Les travaux de Daniel Roche se situent entre l’histoire de la culture et l’histoire sociale. Sa thèse porte sur Le
Siècle des Lumières en province. Académies et académiciens provinciaux, 1689-1789, Paris-La Haye, Mouton,
coll. « Civilisations et Sociétés », 1978, 2 vol., 395 et 520 p. Outre son intérêt pour les académiciens de province,
se penche sur les hommes de la République des Lettres dans Les Républicains des Lettres, gens de culture et
Lumières au XVIIIe siècle, Paris, A. Fayard, 1988, 394 p.
62
Geneviève BOLLÈME, Jean EHRARD, François FURET, Daniel ROCHE et alii, Livre et société dans la
France du XVIIIe siècle, Paris-La Haye, Mouton, 1965-1970, 2 vol., 238 et 228 p.

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et à sa diffusion, depuis les œuvres des grands écrivains jusqu’aux almanachs. Cette
recherche, qui a pour finalité de « développer une "histoire totale" du livre, qui soit à la fois
sociale, économique, intellectuelle et politique63 », donne lieu à une grande publication de la
part de Henri-Jean Martin (1924-2007), spécialiste de l’histoire du livre, et Roger Chartier
(1945-…), l’Histoire de l’édition française64.
Le deuxième de ces historiens, Roger Chartier, revient également sur les rapports entre les
Lumières et la Révolution française dans Les origines culturelles de la Révolution française65. Ce
dernier a échangé dans le titre de son ouvrage, les « origines intellectuelles » de Daniel Mornet
par les « origines culturelles ». Une telle substitution est révélatrice de l’évolution de la
recherche entre les années 1930 et 1990. Roger Chartier soulève certains problèmes, comme le
risque induit par la notion d’« origines ». Vouloir trouver des origines à la Révolution française,
c’est risquer une relecture du XVIIIe siècle à l’aune de la Révolution. L’historien précise encore
pourquoi il préfère le terme « culturel ». De cette manière, Roger Chartier peut non seulement
étudier les idées des philosophes et leur propagation, mais aussi leur réception, ce que ne fait
pas Daniel Mornet. La culture politique est donc une des notions centrales de cet essai, qui
amène à réfléchir sur celles d’espace public et d’opinion publique66.
Les recherches sur les origines culturelles de la Révolution française sont également
un des thèmes de réflexion de l’historien américain Robert Darnton (1939-…)67. Ce dernier
s’est intéressé à la littérature clandestine et à la demande en matière littéraire68. Dans Bohème
littéraire et Révolution69, Darnton décrit une génération d’auteurs qui n’hésite pas à se lancer
dans cette production clandestine pour se faire une place dans le monde de la littérature à côté

63
Robert DARNTON, « La France, ton café fout le camp », in Actes de la recherche en sciences sociales, Année
1993, vol. 100, n° 1, pp. 16-26
64
Henri-Jean MARTIN et Roger CHARTIER [dir], Histoire de l'édition française, t. 2, Le livre triomphant :
1660-1830, Paris, Promodis, 1984, 654 p., réed, Fayard, 1990, 909 p.
65
Roger CHARTIER, Les origines culturelles de la Révolution française, Paris, Seuil, coll. « Points histoire »,
1990, 307 p.
66
En effet, en se basant sur les thèses de Jürgen Habermas (1929-…)*, Roger Chartier souligne l’apparition
d’une « sphère publique politique », « espace de discussion et d’échanges soustrait à l’emprise de l’État […] et
critique à l’égard des actes ou fondements de celui-ci » (Ibidem, p. 37). Les lieux de sociabilité – Chartier entend
par-là les salons, les cafés, les clubs et même les périodiques – jouent donc un rôle fondamental dans la réception
des idées et dans leur circulation : ils permettent le débat entre ceux qui les fréquentent – et qui forment une
communauté restreinte.
*Le principal ouvrage de Habermas auquel il est fait référence est Strukturwandel der Öffentlichkeit, Berlin,
Neuwied, Hermann Luchterhand Verlag, 1962, 291 p., trad., L’espace public. Archéologie de la publicité comme
dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Payot, 1978, 324 p.
67
Robert DARNTON, The Business of enlightenment : a publishing history of the "Encyclopédie" 1775-1800,
Cambridge, Mass, Londres, Belknap Press, 1979, 624 p., trad., L’Aventure de l'Encyclopédie, 1775-1800 : un
best-seller au siècle des Lumières, Paris, Perrin, 1979, 445 p.
68
Édition et sédition. L’univers de la littérature clandestine au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1991, 278 p.
69
Robert DARNTON, The Literary underground of the Old Regime, Cambridge, Londres, Harvard University
Press, 1982, 258 p., trad., Bohème littéraire et Révolution. Le monde des livres au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard
- Le Seuil, coll. « Hautes Études », 1983, 208 p.

- 16 -
des grands écrivains70. Mais les places étant rares et chères, beaucoup restent dans cette
« bohème littéraire », et finissent par « [maudire] le monde fermé de la culture71 », se livrant
peu à peu à une certaine contestation72. L’historien américain pense que ces idées ont
contribué à corroder l’Ancien Régime. Cependant, il ne faudrait pas en faire la principale ou
l’unique cause de la Révolution. L’œuvre de Darnton est donc à remettre en perspective avec
les travaux d’autres historiens, notamment Keith Michael Baker.
Ce dernier s’intéresse à la culture politique de l’Ancien Régime73 au travers du
discours politique dans les années qui précèdent la Révolution, afin de comprendre, non pas
les origines de celle-ci74, mais « comment la Révolution française est […] devenue pensable,
et comment [elle le devint] dans la culture politique d’une monarchie absolue75 ». Keith
Michael Baker en vient donc, dans Au tribunal de l’opinion. Essais sur l’imaginaire politique
au XVIIIe siècle76, à s’intéresser aux formes de contestation de la monarchie, et à la
construction de la notion d’opinion publique comme un « tribunal » suprême, « barrage contre
l’arbitraire et l’abus de pouvoir77 ».

A insi, l’historiographie de la notion d’opinion publique soulève deux grandes questions.


D’abord, quelles sources étudier dans le cadre d’une étude sur la perception d’un
souverain étranger tel que Joseph II ? Ensuite, au vu des problèmes que soulève l’étude de
l’opinion à la fin de l’Ancien Régime, quelle périodicité adopter ? D’autant que le règne de
l’empereur se termine aux débuts de la Révolution française, ce qui induit, en commençant
l’étude à l’avènement de Joseph II en 1765, de considérer l’évolution des sentiments envers
l’empereur du règne de Louis XV à la fin de l’Ancien Régime. D’un autre côté, l’on pourrait
aussi ne prendre en considération que l’Alleinherrschaft, période au cours de laquelle les
70
Darnton l’évoque en particulier dans le premier chapitre « Dans la France prérévolutionnaire : des
philosophes des Lumières aux "Rousseau des ruisseaux" », pp. 7-41.
71
Robert DARNTON, Bohème littéraire et Révolution. Le monde des livres au XVIIIe siècle, op. cit., p. 21.
72
Robert DARNTON, Mesmerism and the end of the Enlightenment in France, Cambridge, Mass, Harvard
University Press, 1968, 218 p., trad., La fin des Lumières. Le mesmérisme et la Révolution, Paris, Perrin, coll.
« Pour l’histoire », 1984, 220 p. La question des discours politiques opposés à la monarchie est également
évoquée par Catherine Maire dans sa thèse sur l’évolution du discours janséniste. Catherine MAIRE, De la cause
de Dieu à la cause de la Nation. Le jansénisme au XVIIIe siècle (thèse soutenue en 1995 sous la direction de
Jacques Revel), Paris, Gallimard, 1998, 710 p.
73
Keith Michael Baker a publié un ouvrage collectif sur le sujet, avec des chapitres de Michel Antoine, de
Robert Darnton, de Daniel Roche, ou encore de Michel Vovelle, etc., Keith Michael BAKER [éd.], The French
Revolution and the creation of modern political culture, vol. 1, The political culture of the Old Regime, Oxford-
New York, Pergamon Press, 1987, 559 p.
74
« On n’ira donc pas établir une chaîne causale d’idées et d’énoncés, d’actions et d’événements, comme si une
série, de dérivés en dérivés, pouvait nous conduire des Lumières à la Révolution et de la pensée au fait » (Keith
Michael BAKER, Au tribunal de l’opinion. Essais sur l’imaginaire politique au XVIIIe siècle, op. cit., p. 26).
75
Keith Michael BAKER, op. cit., p. 19.
76
Ibidem.
77
Ibidem, p. 261.

- 17 -
réformes de Joseph II pourraient intéresser une frange de l’opinion déjà sensible la figure de
Frédéric II. Cependant, il faudrait également pouvoir déceler si une différence, un décalage
dans la perception de l’empereur, se fait sentir entre la co-régence et le règne personnel. C’est
pourquoi il apparaît judicieux d’entreprendre l’étude à partir de 1777, année où le souverain
vient en France, au cours de l’un des voyages de formation qu’il effectue dans sa jeunesse.
Se pose ensuite la question des sources d’une telle étude. Devant les difficultés,
comme on l’a vu, que soulève la notion d’ « opinion publique », la « perception » de quelques
hommes de lettres et journalistes se révélera plus modestement notre champ d’étude. De fait,
seront privilégiées quelques sources, des publications de contemporains français de Joseph II,
qui commentent les événements peu après qu’ils se soient produits, dans la presse ou dans des
lettres et libelles. De plus, afin d’amorcer une comparaison, l’on pourra confronter ces écrits
avec une biographie de Joseph II publiée peu après sa mort.
Les livres publiés sur Joseph II à l’époque de son règne s’avèrent les sources les plus
évidentes qui s’offrent à nous. Des littérateurs publient notamment des ouvrages sur la venue
de l’empereur en France. Le chevalier Alexandre Jacques Du Coudray (1744-1790) publie
deux volumes d’Anecdotes intéressantes et historiques de l´Illustre Voyageur78 et Charles
Joseph de Mayer (1751, v. 1825), éditeur et polygraphe, publie un ouvrage intitulé Monsieur
le Comte de Falkenstein, ou Voyages de l’empereur Joseph II en Italie, en Bohême et en
France…79. L’ouvrage de Charles Joseph Mayer ne conte pas uniquement la venue de Joseph II
en France, et revient également sur la période de la co-régence. De ce fait, l’on pourra avoir
recours aux publications rétrospectives qui suivent la mort de Marie-Thérèse – et qui paraissent
en 1781 –, afin d’aborder la vision de la co-régence et des rapports entre la mère et le fils. Un
certain abbé Fromageot publie notamment des Annales du règne de Marie-Thérèse, qui sont
rééditées pour l’occasion80. Mais la mort de l’Impératrice-Reine permettra également
d’envisager les types particuliers de documents que sont les odes funèbres et panégyriques.
Ensuite, paraissent au cours du règne de l’empereur divers documents, comme des
lettres à caractère politique lui étant adressées, à l’instar de celles de Jacques-Pierre Brissot

78
Alexandre Jacques DU COUDRAY, Anecdotes intéressantes et historiques de l´Illustre Voyageur, pendant
son séjour à Parie, (1e partie), Paris, Ruault, 1777, 116 p., et Alexandre Jacques DU COUDRAY, Anecdotes
intéressantes et historiques de l´Illustre Voyageur etc., 2e partie, Relation fidèle et historique, du voyage de
Monsieur le comte de Falckenstein, dans nos provinces, Paris, Ruault, 1777 [2e éd.], 120 p.
79
Charles Joseph MAYER, Monsieur le Comte de Falkenstein, ou Voyages de l’empereur Joseph II en Italie, en
Bohême et en France, contenant un précis des établissemens utiles, faits depuis le règne de Marie-Thérèse,
Rome et Paris, Cailleau, Esprit, Ruault, 1777, 168 p., rééd et trad., Leipzig, 1778.
80
Abé FROMAGEOT, Annales du règne de Marie-Thérèse, impératrice douairière, reine de Hongrie et de
Bohême, archiduchesse d’Autriche, etc., etc. ; dédiées à la reine, par M. Fromageot, prieur commendataire,
seigneur de Goudargues, Ussel etc. ; ouvrage enrichi de très-belles figures, Paris, Lacombe, 1775 (pour la
première édition).

- 18 -
(1754-1793) en 178581, dans lesquelles l’auteur dénonce une partie de la politique de
l’empereur afin de défendre plusieurs de ses idées – il s’agira de comprendre celles associées
à Joseph II par Brissot. D’autres lettres méritent notre attention. Dans un genre tout à fait
différent, l’on retiendra celles du journaliste Simon Nicolas Linguet (1736-1794). Celui-ci
publie les premières, extraites de ses Annales politiques, civiles et littéraires du dix-huitième
siècle, au sujet de la crise de l’Escaut (1784-1785). À la fin du règne de Joseph II, le
journaliste commente dans ses lettres à caractère politique les mouvements révolutionnaires
des Pays-Bas autrichiens.
L’empereur possède également ses biographes. Dès 1774, le bénédictin Joseph de
Lanjuinais (v. 1730-1808) publie un ouvrage consacré à Joseph II, Le monarque accompli, ou
Prodiges de bonté, de savoir et de sagesse…82. Deux ans plus tard, l’ouvrage est condamné
par un arrêt du parlement. Lanjuinais s’enfuit alors en Suisse – et se fait pasteur protestant.
Cette imposante publication ressemble en réalité à un grand pamphlet, où Joseph II n’est
qu’un prétexte pour l’auteur, afin de disputer de considérations sur la politique française.
Outre que le livre de Lanjuinais se situe hors du champ chronologique de l’étude, il n’est pas
suffisamment attaché à dépeindre l’empereur. Toutefois, il apparaissait important de le signaler,
comme unique précédent de ce qui s’apparente à la première biographie de Joseph II83. Louis-
Antoine de Caraccioli (1719-1803) est l’auteur de La vie de Joseph II, empereur d'Allemagne
etc.84 Ce serait certainement, aux dire de Martine Jacques qui a consacré sa thèse au marquis,
son « meilleur ouvrage biographique85 ». En outre, Caraccioli, qui a voyagé à travers l’Europe,
a traversé maintes fois les États des Habsbourg86, et a rencontré Joseph II et Marie-Thérèse87.
Enfin, une autre piste d’étude est celle de la presse d’Ancien Régime, dans laquelle
des articles sur l’empereur peuvent être exploités. Outre l’Année Littéraire88, dont quelques
numéros traitent de l’empereur, le Journal Encyclopédique89 fondé par Pierre Rousseau

81
Jacques-Pierre BRISSOT, Un défenseur du peuple à l’empereur Joseph II, Sur son règlement concernant
l’émigration, ses diverses réformes, &c., Dublin [le lieu d’édition est très certainement faux], 1785, 51 p.
Jacques-Pierre BRISSOT, Seconde lettre d’un défenseur du peuple à l’empereur Joseph II, sur son règlement
concernant l’émigration, et principalement sur la révolte des Valaques, où l’on discute à fond sur le droit de
révolte du peuple, Dublin [le lieu d’édition est très certainement faux], 1785, 98 p.
82
Joseph de LANJUINAIS, Le monarque accompli, ou Prodiges de bonté, de savoir et de sagesse qui font
l’éloge de sa majesté impériale Joseph II etc., Lausanne, Heubach, 1774, 3 vol.
83
Hervé HASQUIN, Joseph II. Catholique anticlérical et réformateur impatient. 1741-1790, op. cit., p. 5.
84
Louis-Antoine de CARACCIOLI, La vie de Joseph II, empereur d'Allemagne, roi de Hongrie et de Bohême,
ornée de son portrait, et suivie de notes instructives, Paris, Cuchet, 1790, xvi-384 p.
85
Martine JACQUES, Louis-Antoine Caraccioli, écrivain et voyageur (thèse de doctorat en littérature française
sous la direction de François Moureau, Paris IV, 1999), Lille, ANRT, 2001, 670 p., p. 174.
86
Martine JACQUES, Louis-Antoine Caraccioli, écrivain et voyageur, op. cit., pp. 158-159.
87
Martine JACQUES, op. cit., pp. 158-160.
88
Louis-M. Stanislas FRÉRON, L’Année Littéraire, Paris, Mérigot, 1754-1791, du t. I de 1777 au t. VIII de 1789.
89
Journal Encyclopédique ou Universel, Dédié À Son Altesse Sérénissime Mgr. Le Duc de Bouillon, etc. etc.
etc., À Bouillon, de l’Imprimerie du Journal.

- 19 -
(1716-1785)90 pourrait se révéler riche en informations sur Joseph II. Ce journal est publié
entre 1756 et 1793, et naît de la volonté, après la parution des premiers tomes de
l’Encyclopédie en 1781, de fonder un périodique basé sur les mêmes principes. Pierre
Rousseau s’installe à Liège en 1755, disposant ainsi d’une situation géographique idéale,
entre la France, l’Allemagne, les Pays-Bas autrichiens et les Provinces-Unies, puis finalement
à Bouillon, après avoir été chassé de Louvain (voir carte ci-après). Le duc de Bouillon91
l’accueille, « pour un journaliste du XVIIIe siècle, c’était la situation rêvée : un privilège de
trente ans, une censure inoffensive, et une aide matérielle pour faire parvenir son journal entre

ŽƵŝůůŽŶĞƚůĞƐWĂLJƐͲĂƐĂƵƚƌŝĐŚŝĞŶƐŽƵƐůĞƌğŐŶĞĚĞ:ŽƐĞƉŚ//

90
Les informations sont par contre cruellement manquantes sur les noms des collaborateurs. C’est pourquoi nous
les désigneront souvent par un pluriel « neutre » : « les rédacteurs », « les journalistes »…
91
Il s’agit de Charles-Godefroid de la Tour d’Auvergne.

- 20 -
les mains des lecteurs français92 ». La diffusion du périodique en France se fait d’ailleurs sans
trop d’embarras de la part du pouvoir93. Du point de vue de son contenu, le journal tente, non
seulement de réunir en son sein des articles sur des domaines et des thèmes très divers, mais
aussi de les mettre à la portée du public (comme il est dit dans le Prospectus du Journal publié
en Annexe I94). Le « Journal [est] une véritable Encyclopédie périodique, prolongeant
pendant près de quarante ans l’influence de l’œuvre de Diderot et de d’Alembert95 ». En outre,
le Journal traite aussi bien des dernières nouvelles politiques que littéraires, propose des
comptes-rendus d’ouvrages, mais aussi des nouvelles des académies etc. C’est un périodique
assez complet, qui peut apporter à la fois des nouvelles politiques sur Joseph II et d’autres
éclairages, au travers des comptes-rendus de livres par exemple. Afin d’exploiter le Journal
au mieux, et de dégager les évolutions de la perception de Joseph II sur une période de
presque quatorze ans, l’on a eu recours à plusieurs analyses sérielles de la rubrique consacrée
aux nouvelles politiques96, mais aussi à des comptages purs et simples des objets intéressants
– comme les textes de lois publiés ou les anecdotes…

À partir de cette mise au point, l’on pourrait tenter d’envisager la perception de


Joseph II en France par les hommes de lettres suscités, entre 1777, l’année de la venue du co-
régent en France, et 1790, l’année de sa mort, au début de la Révolution française. Partant,
que représente Joseph II aux yeux de nos littérateurs ? Un modèle ? Un souverain éclairé ?
Son image connaît-elle des vicissitudes, est-elle ambivalente ?

Dès lors, l’examen de l’image du prince renvoyée par Joseph II s’impose. Puis, la
représentation de l’empereur en tant que réformateur, et celle de ses réformes, méritent une
approche particulière. Enfin, l’image du souverain dans les dernières années de son règne,
face aux conflits internes et internationaux, pourrait apporter une touche finale au portrait du
monarque.
92
Raymond BIRN, « Le livre prohibé aux frontières : Bouillon », in Henri-Jean MARTIN et Roger CHARTIER
[dir], Histoire de l'édition française, t.2, Le livre triomphant : 1660-1830, op. cit., p. 430.
93
Le Journal est diffusé auprès de la noblesse de Cour, mais aussi de province, des philosophes – comme
Voltaire ou d’Alembert – et « [des] membres des professions libérales bourgeoises » ; des associations de
lecteurs s’abonnent également. Raymond BIRN, « Le livre prohibé aux frontières : Bouillon », in Henri-Jean
MARTIN et Roger CHARTIER [dir], op. cit., p. 434.
94
Annexe I, « Prospectus du Journal Encyclopédique » , vol. II., pp. 4-7.
95
Claude BELLANGER, Jacques GODECHOT, Pierre GUIRAL et alii [dir.], Histoire générale de la presse
française. t.1, Des origines à 1814, Paris, Presses Universitaires de France, 1969, 633 p.
96
Voir notamment, pour de plus amples explications, Annexe II « Évolutions de la rubrique "Principaux
événemens…", des nouvelles de Joseph II et de sa politique dans le J.E. », vol. II., pp. 8-15 ; Annexe III « La
perception de Joseph II et de sa politique dans la rubrique "Principaux événemens…" du J. E. entre 1777 et
1790 », t. II., pp. 16-33.

- 21 -
TABLE DES MATIÈRES

p. 1
SOMMAIRE ………………………………………………………………………………

p. 3
AVANT-PROPOS……………………………………………………………………………

p. 5
INTRODUCTION……………………………………………………………………………...

p. 22
PREMIÈRE PARTIE – UN SOUVERAIN À LA PERSONNALITÉ MODÈLE……….

Introduction……………………………………………………………………………p. 23

Chapitre 1er
p. 25
« Il n’appartient qu’aux aigles d’apprendre aux aigles à voler »……………………

p. 25
Introduction……………………………………………………………………………
p. 26
I. Une « Reine illustre » …………………………………………………………….
II. « Les qualités bienfaisantes et héroïques de Marie-Thérèse existent
toujours »………………………………………………………………………. p. 37
p. 44
III. Une « tige illustre », des « vertus héréditaires » ………………………………..
p. 51
Conclusion…………………………………………………………………………..

Chapitre II
« Les voyages forment les rois », l’impérial voyageur d’après les littérateurs
français ………………………………………………………………………………..p. 53

p. 53
Introduction……………………………………………………………………………
p. 54
I. Célébrer les voyages impériaux…………………………………………………….
II. L’« éclatant incognito » de Joseph II…………………………………………..p. 64
III. « La félicité des sujets doit être l’objet principal des voyages et des
méditations des souverains »…………………………………………………….. p. 74
p. 86
Conclusion……………………………………………………………………………

- 269 -
Chapitre III
Titus de l’Allemagne et souverain éclairé : « De son Empire il rend le Français
amoureux »…………………………………………………………………………….. p. 87

p. 87
Introduction……………………………………………………………………………
p. 88
I. « Le ridicule et le poids du faste ». Joseph II et la Cour……………………………
p. 96
II. Le prince à l’écoute de ses sujets. Joseph II, roi modèle…………………………
p. 105
III. « Marc-Aurèle, et Louis XII, et Henri IV, et Joseph II se ressemblent tous »…….
p. 114
Conclusion…………………………………………………………………………..

p. 116
Conclusion de la première partie………………………………………………………..

p. 118
DEUXIÈME PARTIE - LE RÉFORMATEUR ÉCLAIRÉ………………………………

Introduction……………………………………………………………………………p. 119

Chapitre IV
Justicier et réformateur pour le bien du peuple…………………………………….p. 122

p. 122
Introduction……………………………………………………………………………
p. 123
I. Les réformes de Joseph II dans le Journal Encyclopédique……………………….
p. 133
II. Réformer dans un esprit de justice……………………………………………....
p. 145
III. La perception de l’ensemble des réformes………………………………………
p. 154
Conclusion…………………………………………………………………………..

Chapitre V
p. 155
« La grande affaire de la tolérance »…………………………………………………..

p. 155
Introduction……………………………………………………………………………
I. « Tolérance et intolérance » ? La perception des conceptions religieuses
de Joseph II et de Marie-Thérèse………………………………………………… p. 156
p. 162
II. « Il est dangereux et préjudiciable de contraindre les consciences »……………..
III. Les réactions des peuples de la Monarchie, miroirs des espérances du
Journal Encyclopédique……………………………………………………. p. 172
p. 180
Conclusion……………………………………………………………………………

Chapitre VI
p. 181
La question du clergé dans les États de la Monarchie…………………………………..

p. 181
Introduction……………………………………………………………………………

- 270 -
p. 183
I. Des réformes « [marquées] au coin de la saine politique et de la raison »…………
p. 194
II. La querelle du Sacerdoce et de l’Empire…………………………………………
p. 201
III. Le joséphinisme et la France………………………………………………………
p. 207
Conclusion…………………………………………………………………………..

Conclusion de la deuxième partie………………………………………………………..


p. 209

TROISIÈME PARTIE - JOSEPH II FACE AUX CONFLITS. UN PORTRAIT


PLUS CONTRASTÉ………………………………………………………………………… p. 211

Introduction……………………………………………………………………………p. 212

Chapitre VII
Joseph II et les crises diplomatiques. Le roi de guerre et la guerre du droit…………
p. 214

Introduction……………………………………………………………………………
p. 214
I. La Succession de Bavière. Joseph, roi guerrier ou défenseur des victimes
de la guerre ?……………………………………………………………………… p. 215
II. La crise de l’ouverture de l’Escaut. Joseph II et le droit international……………
p. 225
Conclusion…………………………………………………………………………..
p. 235

Chapitre VIII
Un défenseur du peuple à l’empereur Joseph II. Le prince et le conseiller…………
p. 237

Introduction……………………………………………………………………………
p. 237
I. Le conseiller d’un prince éclairé…………………………………………………
p. 238
II. Joseph II : un prétexte pour disserter ? ……………………………..……………..
p. 242
p. 247
Conclusion……………………………………………………………………………

Chapitre IX
Les oppositions de la fin du règne. Le bilan de Joseph II……………………………..
p. 249

Introduction……………………………………………………………………………
p. 249
I. Les révoltes des Pays-Bas et de la Hongrie vues par Caraccioli et le Journal
Encyclopédique………………………………………………………………….. p. 250
II. Le retournement de Linguet………………………….…………………………
p. 254
III. La tentative de bilan du marquis de Caraccioli……………………………..…….
p. 256
Conclusion…………………………………………………………………………..
p. 257

p. 259
Conclusion de la troisième partie………………………………………………………..

- 271 -
p. 261
CONCLUSION GÉNÉRALE…………………………………………………………….

p. 266
TABLE DES ILLUSTRATIONS……………………………………………………………

p. 267
TABLE DES CARTES ET DES DOCUMENTS GRAPHIQUES…………………………

vol. II
ANNEXES……………………………………………………………………………………

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE………………..………………………………………
vol. II

- 272 -
- 269 -

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