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une seule

planète

pour une gestion


durable et équitable
des ressources naturelles

4 L’exploitation des ressources naturelles comme les terres fertiles,
Trop c’est trop ! l’eau, le bois ou encore les minerais constituent le socle du dévelop-
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pement des sociétés humaines. Mais, depuis la révolution industrielle
À qui appartiennent les ressources ? en Europe au XIXème siècle, ces prélèvements ont explosé. Au cours
des trente dernières années, l’Humanité a augmenté de 50 % l’ex-
10 traction de ressources naturelles. Chaque année, c’est désormais
De l’empreinte écologique à l’espace écologique 60 milliards de tonnes de ressources naturelles qui sont prélevées
des écosystèmes et des mines, soit l’équivalent du poids d’une
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Quand les entreprises font la loi Tour Eiffel toutes les 5 secondes.

16 De nombreux écosystèmes sont au bord de la rupture et la liste


Les limites de la croissance (verte ou non) des espèces animales et végétales menacées s’allonge chaque année.
Par ailleurs les modes d’exploitation de ces ressources naturelles
18 sont souvent source de violation des droits des populations du Sud
Vers le bien-être pour tous ?
de la planète, de mise en péril de leurs cultures et de leurs modes
21 de vie. Plutôt que d’être un droit fondamental, l’accès aux ressources
Pour en savoir plus naturelles et aux terres est devenu un enjeu géostratégique crucial.
Un peu partout dans le monde les conflits se multiplient entre des
22 communautés locales et des entreprises.
Recommandations
Agir avec le réseau Une seule planète
L’Humanité est en train de franchir un nouveau seuil, celui au-delà
duquel la frénésie de consommation des plus riches menace la survie
même des plus pauvres c’est-à-dire leur capacité à répondre à leurs
besoins vitaux. Comment en est-on arrivé là ? À quelles conditions
cette situation est-elle réversible ?

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Trop •
Les technologies de l’information et de la communication

c’est trop ! sont probablement le secteur d’activité qui a connu la


plus forte expansion et transformation ces dernières
décennies. Des objets comme l’ordinateur ou le téléphone
portable se sont à la fois considérablement miniaturisés
Oui mais nous et généralisés.
sommes toujours
plus nombreux Pour pouvoir alimenter les usines de composants, le
à en vouloir un nombre de mines à ciel ouvert ou souterraines de cuivre,
Les téléphones et ils sont fabriqués
portables sont pour durer le moins
de nickel, d’or ou encore d’aluminium a énormément
toujours plus petits longtemps possible, augmenté. Or, l’industrie minière est l’une des plus néfastes
donc ils nécessitent donc il faut ouvrir pour l’environnement et les communautés locales :
moins de ressources toujours plus
naturelles… de mines ! destruction de la biodiversité, rejet de produits toxiques
dans les rivières, pollution de l’air, conditions de travail
pénibles et dégradantes pour la santé.

La mine de Pascua Lama :


l’or, plus important que l’eau et la vie ?
Perché sur la cordillère des Andes, à la locales et à l’indignation internationale,
frontière du Chili et de l’Argentine, l’en- la multinationale canadienne n’affiche
treprise canadienne Barrick Gold est en désormais plus la même arrogance : of-
train d’ouvrir l’une des plus grandes mines ficiellement, il n’est plus question de
d’or et d’argent du monde. Problème : à déplacer les glaciers mais de minimiser
cette altitude, d’immenses glaciers em- les impacts environnementaux. Pourtant,
pêchent d’accéder aux précieux minerais. alors que l’exploitation minière n’a pas
Qu’à cela ne tienne ! « Un glacier, ça se encore débuté, la seule construction
déplace », a annoncé Barrick Gold, sans des infrastructures de transports, d’ex-
réfléchir aux conséquences que cela aurait ploitation et d’évacuation des minerais
pour les populations qui vivent dans la (notamment un tunnel de 6 km de long)
vallée de Huasco, en contrebas. Peu importe et les travaux de prospection ont déjà
que la précieuse eau de fonte alimente les fait disparaître un volume important des
rivières et permette de cultiver la terre. glaciers et le niveau d’eau dans les riviè-
Face à la résistance des communautés res a diminué.

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À qui
18 mois : c’est la durée de vie moyenne
d’un téléphone portable

Les téléphones mobiles ont beaucoup


évolué depuis le premier modèle commer-
décharges du monde entier. Pour vendre
toujours plus, les industriels rechignent appartiennent
cialisé en 1983 qui pesait près de 500g.
Aujourd’hui, leur poids a quasiment été
à concevoir des produits réparables et
adaptables, conçus pour durer. Par exem- les ressources
divisé par cinq, ce qui diminue d’autant
la quantité de ressources naturelles né-
cessaires à leur fabrication. Écologique le
ple, la batterie de l’Iphone d’Apple est
soudée au téléphone: quand la batterie
est morte au bout de quelques années,
naturelles ? Ça n’est pas aussi simple…
parce que dans la plupart
des pays du Sud
les droits traditionnels
téléphone portable alors ? Pas vraiment c’est le téléphone entier qu’il faut jeter
des communautés, comme
puisque s’il faut moins de ressources na- alors qu’il serait si simple de changer la Plutôt que de
le droit d’usage,
turelles pour fabriquer un téléphone por- batterie ! La fabrication d’un téléphone t’expulser de tes
ne sont pas reconnus.
terres, ils auraient
table, ce gain d’efficacité a été largement portable nécessite de nombreux mine- dû planter sur
Nous sommes impuissants
dépassé par un nombre croissant de té- rais : cuivre, fer, nickel, argent, zinc et en quand une entreprise vient
des espaces
nous prendre nos terres,
léphones portables commercialisés et la plus petite quantité aluminium, coltan, qui ne sont pas
car officiellement nous
diminution de leur durée de vie. C’est or, étain, manganèse, palladium et plati- utilisés!
ne les utilisons pas.
ce que l’on appelle l’« effet rebond ». Le ne. Alors que ces composants pourraient
téléphone portable est devenu un objet de être réutilisés pour fabriquer un nouvel
mode, qu’il faut remplacer régulièrement appareil, le taux de recyclage des télé-
pour afficher sa modernité : aujourd’hui, phones portables reste très faible (entre
plus de 500 millions de téléphones por- 1 % et 15 % selon les pays).
tables obsolètes s’accumulent dans les

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• Tension au large du Sénégal
La ruée vers les gisements de métaux et de minerais Les eaux poissonneuses au large des côtes conduisant logiquement à une baisse des
n’est pas un phénomène isolé. Achat de terres fertiles, d’Afrique de l’Ouest sont le théâtre stocks. Aujourd’hui, l’accord de pêche est
pillage des forêts tropicales, monoculture d’arbres à d’un intense combat diplomatique entre dans l’impasse mais les entreprises euro-
l’Union européenne et les pays africains péennes s’abritent derrière des sociétés
croissance rapide, exploitation du pétrole ou encore
concernés. Avec une demande toujours écran : sur les 120 bateaux de pêche
pêche industrielle, le commerce mondial ne conduit croissante en produits de la mer, qui a industrielle dit sénégalais, la moitié serait
pas à un meilleur partage des ressources naturelles déjà conduit à un effondrement des en réalité des sociétés mixtes qui servent
pour tous, mais à leur accaparement par une minorité. stocks de poissons dans les eaux euro- d’écran à des intérêts étrangers. Mais
Pour faire face à la raréfaction, les pays du Nord optent péennes, les chalutiers français et espa- surtout l’essentiel de la production est
gnols sont obligés d’aller pêcher toujours exporté : les conserveries locales sont
pour des stratégies de « sécurisation » de l’accès plus loin. Jusqu’en 2006, l’Union euro- à l’abandon et les pêcheurs artisanaux
aux ressources naturelles plutôt que de remettre en péenne avait négocié un accord d’accès eux-mêmes, se tournent de plus en plus
cause leur modèle de développement. C’est le cas pour que ses navires puissent pêcher vers des petites et moyennes entrepri-
de l’Union européenne qui utilise de plus en plus dans les eaux sénégalaises. Très vite des ses spécialisées dans l’export. Pour les
tensions sont apparues avec la pêcherie ménages sénégalais, il ne reste plus que
fréquemment ce concept pour définir sa politique
artisanale au Sénégal, cette concurrence les espèces de poisson dédaignées par le
énergétique ou d’accès aux métaux indispensables inégale pour l’accès à la ressource consommateur européen.
à ses industries. De plus, les pays riches contrôlent
les institutions financières internationales comme
la Banque mondiale ou la Banque européenne
d’investissement et les orientent vers le financement Le mythe des terres marginales
de projets destructeurs pour l’environnement et les Le 30 décembre 2008, un boeing 747 prévoit de planter 40 millions d’hecta-
communautés locales, qui augmentent la pression de Air New Zealand a effectué avec suc- res de jatropha, de nombreux conflits
sur les pays du Sud : il « faut » exporter, faire entrer * cès un vol test en utilisant, pour l’un de sont apparus entre des entreprises et des
dette écologique : ses moteurs, de l’huile de jatropha. Une agriculteurs. Officiellement, le jatropha
des devises étrangères et rembourser la dette il s’agit de la dette
véritable plante miracle à en croire la est planté sur des terres « dégradées »
économique, même si cela doit se faire au détriment accumulée envers
compagnie car cet arbuste pousse sur ou « marginales », des notions très floues,
les pays du Sud par les
des communautés locales, des services sociaux pays industrialisés du des terres arides et nécessite peu d’eau d’autant plus qu’en Inde comme dans
(de santé, d’éducation) et de leur environnement. Nord, qui ont pillé et et d’engrais. L’huile extraite des graines beaucoup de pays du Sud, le statut fon-
Et, si en réalité, c’étaient les pays riches qui avaient pollué des ressources n’est pas comestible. Sa culture ne ren- cier des terres est loin d’être clarifié. Au
(eau, air, matières trerait donc pas en concurrence avec les sortir des indépendances, les États ont
une dette écologique vis à vis des pays du Sud ? premières) et causé terres fertiles nécessaires pour l’alimen- bien souvent nationalisé ces terres « va-
Comment inverser la situation et soutenir les des dommages à tation. cantes » sans prendre en compte leur utili-
l’environnement
populations locales pour qu’elles puissent décider (dépôt des déchets,
La réalité est tout autre. D’abord parce sation par les communautés locales. Faire
par elles-mêmes de l’exploitation et de la gestion gaz à effets de serre) que sans irrigation et planté sur un sol reconnaître ses droits sur la terre est un
pauvre, les rendements chutent. Les in- processus souvent long et coûteux qui
des ressources naturelles sur leur territoire ? au cours de leur
expansion industrielle. vestisseurs recherchent donc les terres les n’est pas à la portée des communautés
Une bonne partie plus riches. Ensuite, parce que la culture les plus pauvres. De nombreux conflits
de ces ressources, de cet arbuste nécessite d’immenses sur- apparaissent alors, quand l’État confie
non renouvelables ou faces, surtout si l’objectif est de faire voler ou vend ces terres à des entreprises.
surexploitées, sont par les avions ! En Inde, où le gouvernement
conséquent à jamais
indisponibles.
*
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De l’empreinte
écologique à Le seuil maximum correspond à un plafond de consom-
mation au delà duquel on empiète sur l’espace écologique
l’espace écologique Union
Européenne,
de quelqu’un d’autre. Par exemple, en prenant en
compte la capacité d’absorption naturelle de la biosphère,
États-Unis il faudrait que chaque humain n’émette pas plus de
• 2 tonnes de CO2 par an pour contenir les changements
d’Amérique,…
L’empreinte écologique est un indicateur qui permet climatiques. Or, un français émet plus de 6 tonnes de
d’évaluer la surface de sol nécessaire pour produire les CO2 par an et un habitant des États-Unis émet plus de
ressources consommées par une population et pour 20 tonnes de CO2 par an.
absorber ses déchets. Ainsi, un européen a une empreinte
écologique d’environ 4,8 hectares. En multipliant par
le nombre d’humains, on constate que si tout le monde
vivait comme un européen, il faudrait trois planètes !
Entre les deux,
Or, nous n’avons qu’une seule planète et c’est bien là il est possible de
la limite de l’empreinte écologique : à partir de là, que créer des sociétés
faut-il faire ? S’assurer que les plus pauvres n’augmentent soutenables en
* faisant preuve
pas leur empreinte écologique afin que le maintien voire renouvelable :
de créativité et
le renforcement des inégalités nous permette de vivre on distingue les res-
sources renouvelables en s’adaptant aux
tous sur une seule planète ? Une réponse plus juste comme le bois ou le conditions locales.
consiste à introduire la notion d’équité : chaque humain poisson des ressources
devrait avoir le même droit d’utiliser les ressources. non renouvelables
comme les métaux.
C’est le concept d’espace écologique. En pratique, il Il est possible de
s’agit de définir pour chaque type de ressources un seuil gérer des ressources
minimum de consommation et un plafond maximum renouvelables de façon Le seuil minimum correspond à la satisfaction des
durable si l’on ne besoins de base (se nourrir, se loger, se chauffer…).
prenant en compte la capacité de régénération des
prélève pas plus
ressources renouvelables et le stock de ressources non que l’accroissement Cameroun, Il s’agit, par exemple, de garantir à chacun l’accès à
renouvelables. naturel. Le pétrole 50 litres d’eau par jour pour boire ou se laver (d’après
est considéré comme Bangladesh,
l’Organisation Mondiale de la Santé), ou encore à 35
une ressource non Zambie,…
Respecter l’espace écologique de chacun conduit à renouvelable ou fossile kilos de papier par an indispensables pour l’éducation
questionner la façon dont s’organise le commerce car il faut des millions et la vie démocratique (d’après le collectif d’ONG
international aujourd’hui car il conduit directement ou d’années pour le European Paper Network).
former à partir de
indirectement à un accaparement des terres des plus débris de végétaux.
pauvres par les plus riches. Pour autant, si le concept *
d’espace écologique est indissociable d’une relocalisation En résumé, pour que chacun puisse répondre à ses besoins fondamentaux, il est
forte des activités, cela n’est pas pour autant incompa- indispensable de réduire fortement la consommation dans les pays industrialisés
tible avec un commerce international, plus équitable, dans les prochaines décennies et de la rééquilibrer entre les plus riches et les
plus pauvres.
notamment pour certaines ressources inégalement
réparties à la surface du globe.
10 11
Quand •
En quelques décennies, la concentration économique

les entreprises a conduit à la création d’entreprises multinationales si


puissantes que pour nombre d’entre-elles, leur chiffre

font la loi d’affaire dépasse le produit intérieur brut (PIB) des pays
dans lesquels elles sont implantées. Un tel poids écono-
mique est indissociable d’un poids politique : face à des *
société-mère
États souvent fragilisés par la corruption, les lois n’ont (ou maison-mère) :
Mais elles visent avant tout à faire des
profits ! Et dans de nombreux pays, les que peu de prise sur les entreprises multinationales. Et siège principal d’une
États, faibles ou fragilisés par la corruption, en cas de problème, plus personne n’est responsable. société possédant des
ne jouent pas leur rôle : au lieu de les filiales ou contrôlant
encadrer pour que leurs activités se fassent
Les sociétés-mères s’abritent derrière la responsabilité de façon majoritaire
Les multinationales
créent des emplois, au bénéfice de tous c’est à celui qui impo- de leurs filiales pour éviter d’avoir à rendre des comptes. d’autres entreprises.
des écoles, sera le moins de contraintes sociales ou Les communautés impactées par l’activité de ces multi- L’évolution du droit
des dispensaires environnementales. Et quand l’exploitation n’a pas suivi l’évolu-
et permettent n’est plus rentable, l’entreprise se déplace nationales n’ont bien souvent alors aucun moyen d’obte- tion économique des
aux pays du Sud ailleurs. Les écoles et les dispensaires nir justice. Il est donc urgent de créer une réglementation entreprises et il reste
ferment. Les emplois disparaissent. Et il ne
de se développer.
reste qu’un environnement détruit pour les
internationale contraignante qui encadre l’activité des encore aujourd’hui très
multinationales. difficile de poursuivre
communautés.
devant les tribunaux
une maison-mère en
cas de problème avec
l’une de ses filiales
à l’étranger.
*

Le double jeu des entreprises : le cas Michelin


Au Nigeria, un conflit oppose les com- possèdent que 20 % des parts de la So-
munautés riveraines de la forêt d’Iguo- ciété internationale de plantations d’hé-
bazuwa à l’entreprise française Michelin. véa (SIPH) qui exploite les plantations au
Pour faire face à une demande croissante, Nigeria. Une société écran qui cache mal
l’entreprise doit augmenter ses planta- une double hypocrisie car Michelin est le
tions d’hévéa dont elle extrait le latex principal client de la SIPH et n’hésite pas
pour fabriquer des pneus. Aussi, lorsque à communiquer sur son site Internet sur
l’entreprise a envoyé ses bulldozers pour son engagement dans le développement
raser près de 3 500 nouveaux hectares de durable : « Au Nigeria, les quatre plan-
forêts et de terres agricoles, les villageois tations Michelin ont à cœur de protéger
se sont rebellés. Près de 20 000 person- leur environnement. Michelin, a d’ailleurs
nes dépendent en effet de ces terres reçu en 2002 de la Nigerian Conservation
pour vivre. Foundation (NCF) le prix de la société la
Au siège de Michelin, l’entreprise se dé- plus respectueuse de l’environnement au
fend : ils ne sont pas responsables. Ils ne Nigeria ».

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Compenser sa pollution plutôt que la réduire

De plus en plus d’entreprises proposent - c’est profondément injuste car cela


à leurs clients de compenser leurs émis- conduit à un accaparement des terres
sions de carbone en plantant des arbres dans les pays du Sud pour compenser les Tu te trompes…
dans un pays du Sud. Le principe est qu’en excès du mode de vie des plus riches : par Ces plantations
grandissant, l’arbre absorbe du C02 et exemple, en Ouganda, autour du Mont El- Ma voiture n’ont rien à voir
elle ne pollue pas, avec une forêt.
« neutralise » ainsi la pollution. Une fausse gon, un groupement néerlandais d’entre-
je compense Ce sont des arbres
bonne idée pour plusieurs raisons : prises du secteur de l’électricité a expulsé en plantant à croissance rapide,
les paysans Benet pour planter des euca- des arbres ! parfois génétiquement
- c’est aujourd’hui que les émissions de lyptus sur leurs terres ; C’est génial, non ? modifiés pour stocker
gaz à effet de serre doivent diminuer, Et en plus comme ça plus de carbone.
toi, tu as une belle Ils épuisent
pas dans cinquante ans. Il faut plusieurs - enfin, c’est risquer de justifier l’inaction
forêt ! les sols…
dizaines d’années pour qu’un arbre stoc- des politiques car l’une des principales
ke la même quantité de carbone que ce raisons de l’échec actuel des négociations
qu’émet un vol d’avion de quelques heu- sur le climat est le refus des pays riches de
res. Or, il y a urgence à réduire la concen- réduire leurs émissions. Ceux-ci sont sous
tration de carbone dans l’atmosphère la pression de leurs entreprises qui pré-
car au-delà d’un certain seuil, des effets fèrent de loin la compensation carbone à
d’emballement pourraient accélérer les une réglementation contraignante. Aux
dérèglements climatiques. Par exemple, États-Unis, des entreprises comme Gene-
une hausse des températures pourrait fa- ral Motors ou American Electrical Power
voriser davantage d’incendies de forêts se sont même lancées dans un programme
ou encore la fonte des sols gelés en Sibé- d’achat de forêts au Brésil pour compen-
rie, ce qui aurait pour effet de libérer de ser leurs émissions de carbone. Ce type
grandes quantités de gaz à effet de serre, de projet a pour seul but de montrer que
et donc viendrait accélérer le problème ; les entreprises peuvent s’auto-réguler et
qu’il n’y a pas besoin de loi. En attendant,
- c’est un stockage incontrôlable et très les communautés qui dépendaient de la
limité dans le temps : il faut plusieurs mil- forêt ont vu leurs droits réduits : il est dé-
lions d’années pour stocker du carbone sormais impossible d’aller couper du bois
sous forme de pétrole, alors que le car- pour réparer sa maison car les arbres ap-
bone stocké par un arbre ne le restera au partiennent à General Motors !
mieux que quelques dizaines ou centaines
d’années : quand l’arbre sera incendié ou
que le bois sera décomposé, le carbone
stocké sera émis dans l’atmosphère et
participera aux changements climati-
ques ;

14 15
Les limites de
Certification : achetez nos OGM et nos pesticides « responsables » !

Une autre technique utilisée par les entre- cependant cultivé sous forme d’immen-
prises pour verdir leur image et pouvoir
continuer à vendre leurs produits consis-
ses plantations, il pompe tellement d’eau
qu’il peut assécher des rivières ! En Amé- la croissance
te à les faire certifier « responsable » ou
« durable ». Ces certifications n’ont pas
pour objectif de remettre en cause les
rique Latine, il est surnommé l’arbre de
la soif. Pour l’huile de palme et le soja
« responsable » c’est la même logique : les
(verte ou non)
problèmes de fond comme l’extension entreprises s’engagent à ne pas raser de
des monocultures de soja, de palmier à forêts primaires et peuvent vendre leurs La solution, c’est la science
huile ou d’eucalyptus mais d’en diminuer produits avec la précieuse certification. et le progrès technique !
les impacts et de présenter cela comme Et cela même si le soja est OGM ou si les Bientôt l’énergie verte
sera sans limite…  Euh,… pour alimenter
une amélioration. Ainsi, Carrefour propo- palmiers à huile sont traités au paraquat, nous pourrons continuer les centrales nucléaires,
se une gamme de mobilier de jardin « éco- un pesticide interdit en Europe et aux à nous développer, vous il faut de l’uranium, non ?
logique », en eucalyptus certifié FSC (un Etats-Unis car neurotoxique. Et ces entre- et moi, en utilisant moins Et les stocks sont limités…
écolabel, le Forest Stewardship Council), prises sont d’autant plus à l’aise qu’elles de ressources : le nucléaire, Quand aux agrocarburants,
les agrocarburants,… ce n’est pas mieux.
en expliquant que ce produit contribue participent souvent elles-mêmes à la dé-
Pour en produire, il faut
à la protection des forêts. Certes l’euca- termination des critères de ces labels ! beaucoup de terres,
lyptus ne vient pas d’une forêt naturelle, de pesticides
et d’engrais…
*
forêts primaires :
une forêt primaire est
un écosystème dont le
fonctionnement n’a pas
été perturbé de façon
majeure par l’homme.
Ces forêts abritent une
biodiversité excep-
tionnelle et fournissent
de nombreux services
environnementaux aux
communautés qui en
dépendent (pharma-
copée, nourriture, eau
potable...).
*

16 17

C’est un article du Times de janvier 2009 qui a mis le Plus de croissance pour sauver la planète ?
feu aux poudres : saisir deux requêtes sur le moteur de Aujourd’hui en France, ou plus généra- les importations de bois et de produits
recherche Google consommerait « la même quantité lement dans les pays dits développés, dérivés représentent le deuxième poste
d’énergie que celle nécessaire à faire chauffer l’eau pour on constate que certains problèmes en- de déficit commercial de la France. De
une tasse de thé ». En ligne de mire, l’immense parc de vironnementaux sont progressivement plus, nous importons d’immenses quanti-
résolus. Un exemple classique (mais dis- tés d’huile de palme et de soja, cultivées
serveurs du géant de l’informatique dont le fonction- cutable !) est celui des forêts françaises à la place de forêts tropicales ou de ter-
nement, notamment le refroidissement, nécessite une qui, bien que fortement exploitées au res utilisées par les populations locales
consommation croissante d’énergie. À tel point que Moyen-âge, regagnent aujourd’hui du pour se nourrir. Il serait donc impossible
le fonctionnement des ordinateurs et d’Internet est terrain. Pourtant nous consommons tou- à l’ensemble de la planète de reproduire
aujourd’hui accusé d’émettre plus de dioxyde de carbone jours plus, ce qui laisserait croire que, mé- ce modèle car une croissance infinie dans
que les transports aériens ! La polémique qui a suivi la caniquement, au-delà d’un certain seuil un monde fini n’a pas de sens. La restau-
de développement, les sociétés auraient ration globale des écosystèmes et la libé-
publication de cet article a sévèrement écorné le mythe
la volonté et la capacité de restaurer l’en- ration de ces terres utilisées aujourd’hui
de la croissance verte et de la dématérialisation qui est vironnement (c’est la théorie dite de la pour des cultures d’exportation ne seront
censée, grâce aux nouvelles technologies, permettre « courbe de Kuznets »). C’est nier le fait possibles que si la demande mondiale en
une croissance économique découplée d’impacts que notre modèle économique actuel re- ressources naturelles diminue. Et donc si
environnementaux. pose sur l’accaparement des terres et des nous consommons moins et mieux !
ressources d’autres pays : par exemple,
En réalité, la croissance économique, telle que nous la
définissons aujourd’hui, c’est-à-dire la croissance du produit *
agrocarburants :
intérieur brut, a toujours été couplée à une croissance et non pas « biocar-
de la consommation de ressources et de déchets. Bien burants »… car la
sûr, l’efficacité a été améliorée : il faut aujourd’hui 30 % culture de végétaux
de ressources en moins qu’il y a 30 ans pour produire un pour fabriquer des
carburants n’a rien à
euro de PIB, mais cela ne suffit pas à faire décliner voir avec l’agriculture
la consommation globale de ressources naturelles. biologique.
*

De l’huile de palme dans les moteurs Areva s’installe au Niger : la stratégie de la fuite en avant
Depuis plusieurs années, les forêts d’In- face aux risques environnementaux et Après avoir épuisé les mines d’uranium contamination de l’eau et de l’air par des
donésie et de Malaisie sont ravagées sociaux, l’Union européenne souhaite un françaises, le groupe français Areva s’est poussières radioactives menace la santé
pour laisser place à d’immenses monocul- système de certification : concrètement, lancé à la conquête de nouveaux gise- des ouvriers et des communautés loca-
tures de palmiers à huile. Si l’essentiel de les forêts les plus riches en biodiversité ments à l’étranger. Depuis 40 ans, Areva les. Aujourd’hui, les gisements d’uranium
la production est encore destinée à l’in- sont épargnées mais pour répondre à (ex-Cogema) extrait de l’uranium au du Niger représentent 40 % de l’approvi-
dustrie agro-alimentaire (plats préparés, cette demande mondiale croissante, les Nord du Niger, autour des villes d’Arlit sionnement d’Areva mais pour anticiper
chips, glaces…), le marché des agrocarbu- entreprises certifiées peuvent continuer et d’Akokan. Les retombées économi- leur épuisement, l’entreprise prospecte
rants est en pleine croissance. Lorsqu’en à détruire des forêts moins riches et à ques pour les populations locales sont dans de nombreux autres pays. Une stra-
janvier 2008, l’Union européenne a an- expulser des communautés. Rien qu’en très faibles et contribuent à un climat tégie de fuite en avant pour une filière
noncé son souhait de promouvoir l’uti- Indonésie, plus de 500 conflits parfois d’insécurité croissant dans la région avec qui se félicite d’une politique de déve-
lisation des « biocarburants », le cours meurtriers opposent actuellement des l’apparition de groupes rebelles armés loppement durable sans impact sur l’en-
de l’huile de palme a flambé. Depuis, communautés à des entreprises de pal- cherchant également à tirer profit de vironnement.
les projets de raffineries se multiplient miers à huile. cette exploitation. Autour des mines, la
en Indonésie et en Malaisie. Pour faire
18 19

Vers
Le produit intérieur brut (PIB) s’est progressivement
imposé comme l’indicateur de référence pour mesurer

le bien-être
la vitalité d’une économie. La croissance du PIB est
devenue l’objectif prioritaire de la plupart des politi-

pour tous ? Nous n’avons


qu’une seule planète et nous
ques publiques malgré les nombreuses limites de cet
indicateur. Le PIB ne prend pas en compte le fait que les
ressources naturelles ne soient pas infinies, ni les dom-
devons apprendre à partager
les ressources de façon mages infligés à la société et à l’environnement. Et ce
équitable. Consommer moins sont les personnes les plus démunies qui en payent le
Consommer moins ? pour que d’autres puissent
Tu ne veux pas que consommer un peu plus prix fort.
les pays pauvres et vivre mieux.
se développent ? Aujourd’hui, la convergence des crises écologiques et
sociales rappelle l’urgence de sortir d’un modèle écono-
mique basé uniquement sur la course à la croissance et à
la consommation. De nombreux experts ou associations
proposent d’en finir avec le PIB et de mettre en place
une série de critères permettant de mesurer le « bien-
être » d’une population et de prendre en compte les
limites de la planète : l’objectif des politiques publiques
ne serait plus alors la croissance du PIB mais la générali-
sation du « bien-être ».
Les inégalités sociales :
moteur de la course à la consommation
Depuis 1970, les inégalités de revenus et riches que lui. Consommer pour exister.
de patrimoine au sein des pays riches ont Une réflexion à méditer quand on consta-
considérablement progressé. Pour Hervé te le nombre de ménages partout dans le
Kempf, auteur du livre Comment les ri- monde qui préfèrent sacrifier leur bud-
ches détruisent la planète, qui s’appuie get alimentation afin de pouvoir ache-
sur les travaux de l’économiste Thorstein ter un écran plat ou le téléphone porta-
Veblen, le creusement des inégalités est ble dernier cri. Cependant, consommer
indissociable du problème de surconsom- moins ne signifie pas forcement vivre
mation. En effet, au-delà d’un certain moins bien, au contraire. Plutôt que de
seuil, consommer davantage ne permet posséder une voiture individuelle, pour-
plus de répondre à des besoins vitaux quoi ne pas en partager une à plusieurs
mais correspond à un désir de distinction ou utiliser les transports collectifs ? Pour-
sociale. C’est ce qu’il appelle la consom- quoi ne pas exiger des constructeurs des
mation ostentatoire. La différentiation de ordinateurs qui durent longtemps, et
la société en différentes couches sociales, soient facilement réparables ou modifia-
caractérisées par des écarts de revenus bles ? L’enjeu social de la réduction des
croissants, créerait une dynamique mal- inégalités rejoint donc l’enjeu écologique
heureuse où chacun envierait le niveau de la réduction de la consommation de
de consommation des personnes plus ressources naturelles.
20 21
Pour en savoir plus Nous recommandons aux décideurs politiques :
Site du Sustainable Europe Research Institute (Autriche) avec de nombreuses données sur • de réduire la consommation de ressources naturelles en Europe en passant d’une
la consommation de ressources naturelles en Europe : www.materialflows.net économie basée sur la croissance du PIB à une économie basée sur la généralisation
du « bien-être » et la réduction des inégalités.
Les Amis de la Terre Europe, Seri et Global 2009. Overconsumption? Our use of the world’s
natural resources, www.foeeurope.org/publications/2009/Overconsumption_Sep09.pdf • d’adopter un cadre juridique contraignant pour exiger la transparence et la respon-
sabilité des multinationales concernant l’impact de leurs activités et de celles de leurs
Dossier « vivre avec la Terre » de l’encyclopédie du développement durable : filiales, et permettre l’accès à la justice au sein de l’Union européenne pour
www.encyclopedie-dd.org/-terre- les victimes de ces activités dans les pays tiers.

• de défendre les droits des populations locales et des peuples autochtones à


Trop, c’est trop ! Les limites de la croissance décider par eux-mêmes de l’exploitation et de la gestion des ressources naturelles.
 Isabel, O. et Gerardo, A. 2010. Mégaprojet (verte ou non)
minier Pascua Lama : L’or plus important Collectif « Areva ne fera pas la loi au Pour porter et développer ces messages, les associations impliquées dans le réseau
que l’eau et la vie ? www.mondialisation.ca/ Niger »: http://areva.niger.free.fr/ « Une seule planète » ont décidé d’interpeller les responsables politiques, en organisant
index.php?context=va&aid=18912 des actions médiatiques, en animant des conférences ou en publiant des études de cas
Vers le bien-être pour tous ? et des analyses stratégiques. Partout en France, des associations proposent des actions
À qui appartiennent Forum pour d’autres indicateurs de sensibilisation et de mobilisation aux citoyens pour réfléchir et agir ensemble sur
les ressources naturelles ? de richesse : www.idies.org les moyens d’aller en transition vers des sociétés soutenables au Nord comme au Sud.
Les Amis de la Terre Afrique et Europe.
2010. Afrique : terre(s) de toutes les convoi- Kempf, H. 2007. Comment les riches
tises www.foeeurope.org/agrofuels/FoEE_ détruisent la planète. Seuil. 147 pages
Africa_up_for_grabs_2010_FRENCH.pdf
Site de la New Economics Foundation : Rejoignez le réseau Une seule planète
De l’empreinte écologique
à l’espace écologique
www.happyplanetindex.org/
sur www.uneseuleplanete.org !
Rocholl, M. 2002. De l’espace environ- Jackson, T. 2010. Prospérité sans crois-
• pour signer la pétition demandant aux chefs d’États européens d’adopter un cadre juri-
nemental vers la dette écologique – une sance. La transition vers une économie
dique contraignant pour que les multinationales européennes soient tenues légalement
perspective européenne. www.rcade.org/ durable. Éditions De Boeck Universités. responsables de l’impact de leurs activités sur les personnes et l’environnement à travers
secciones/comisiones/.../decol/mrocholl. 247 pages le monde ;
doc
• pour relayer la campagne « Une seule planète » : faites signer la pétition, rejoignez-nous
Quand les entreprises font la loi sur facebook, insérez un lien vers notre site sur votre blog ou votre site, tenez vous au
Forum Citoyen pour la Responsabilité So- courant grâce à l’agenda de la campagne en ligne ;
ciales des Entreprises: www.forumcitoyen-
pourlarse.org/ • pour participer à des actions dans votre ville : organisez une projection-débat, une action
de rue, participez à un groupe de réflexion sur nos modes de (sur)consommation et les
Shapiro, M. 2009. Brazil: The Money Tree alternatives pour vivre mieux, visitez l’exposition pédagogique « Une seule planète » avec
(web documentaire). www.pbs.org/frontli- vos enfants,…
neworld/stories/carbonwatch/moneytree/
• pour vous informer sur les enjeux d’une gestion durable et équitable des ressources
Dossier « La responsabilité des entreprises » : naturelles et les alternatives concrètes pouvant donner naissance à d’autres modes de
www.d-p-h.info/article439_fr.html consommation et de production : lisez le hors-série de la revue Altermondes « Nous
n’avons qu’une seule planète », découvrez le centre de ressources en ligne et l’espace
« Agir » de notre site internet…

22 23
Le réseau « Une seule planète » a été créé par plusieurs
organisations d’Europe et de pays du Sud afin de sensi-
biliser les citoyens et d’interpeller les décideurs sur les
enjeux d’une gestion durable des ressources naturelles
pour le développement de tou(te)s. En France, il est
animé par le Centre de recherche et d’information pour
le développement (CRID).

Une seule planète // CRID


14 passage Dubail 75010 Paris
T : 01 44 72 89 66
contact@uneseuleplanete.org
www.uneseuleplanete.org

Rédaction : Les Amis de la Terre


Illustrations : Sébastien Chebret
Imprimé sur papier recyclé par Corlet

Cette publication a été réalisée avec l’aide financière de la Commission européenne.


Son contenu ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant les positions de l’Union européenne.

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