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17ème Congrès Français de Mécanique Troyes,-Septembre2005

INTEGRATION DE L’EVALUATION DE LA
MAINTENABILITE DANS LA CONCEPTION DE PRODUITS

Corneliu-Alexandru SLAVILA, Daniel SCHLEGEL, Christophe DECREUSE, Samuel DENIAUD

Université de Technologie de Belfort-Montbéliard, Laboratoire M3M, 90010 BELFORT

Résumé :

Dans cet article, nous proposons une méthode et des outils associés qui permettent à l’acteur métier-maintenance d’apporter son
savoir-faire, pour contribuer efficacement à la conception du produit, au plus tôt dans le cycle de conception. La démarche
d’évaluation est présentée à partir d’un exemple de produit en cours de conception et prend en compte un certain nombre de
critères (exemple : accessibilité, modularité, démontabilité).

Abstract:

In this paper, we propose a method and the associated tools which make it possible for a maintenance expert to bring his know-
how, to contribute effectively to the design of the product, as soon as possible in the design cycle. The methodology of evaluation
is presented starting from an example of product in the course of design and takes into account criteria as accessibility,
modularity, disassembly capability.

Mots clefs :

Conception, maintenabilité, critères, intégration métier.

1 Introduction
L’amélioration constante de la qualité amène certains produits actuels à intégrer un nombre croissant
de fonctions et à devenir plus en plus complexes. La conception de ces produits est donc du ressort
d’équipes pluridisciplinaires, au sein desquelles des concepteurs, porteurs de compétences différentes,
doivent travailler ensemble. L’amélioration de la qualité recherchée précédemment et la réduction du temps
de mise sur le marché (time to market) passe par une coopération plus efficace entre les différents acteurs
de la conception. La maintenance est l’une des compétences concernées par cette amélioration de la
coopération. La facilité avec laquelle un produit peut être maintenu est déterminée dès les premiers stades
de la conception [1]. Cette aptitude à la maintenance a des conséquences importantes sur les coûts du cycle
de vie du produit et les coûts d’exploitation. C’est le cas par exemple pour les avions ou les centrales
électriques, pour lesquels les coûts d’exploitation représentent un poids important dans le coût total du
produit. La maintenance doit donc être prise en compte dès le début de la conception. Zwingelstein [2]
montre l’impact de la maintenabilité sur la disponibilité du produit et sur le coût des opérations de
maintenance, et donc sur le coût d’exploitation du produit. La maintenabilité et les coûts associés à la
maintenance peuvent constituer un argument décisif dans le choix entre deux solutions similaires.

La norme NF X 60 –101 [3] définit la maintenance comme « toutes les activités destinées à maintenir
ou rétablir un bien dans un état ou dans des conditions données de sûreté de fonctionnement ». Cela se
traduit par quatre caractéristiques présentées par le produit : la fiabilité, qui caractérise l’accomplissement
d’une fonction pendant un intervalle de temps donné ; la maintenabilité, ou aptitude du produit à être remis
en état de fonctionnement dans un intervalle de temps donné ; la disponibilité, ou aptitude à être en état de
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fonctionner lorsque les moyens extérieurs sont fournis, et enfin la sécurité, qui caractérise l’absence ou le
faible risque d’accidents. Cette étude portera plus précisément sur la maintenabilité.

Ces caractéristiques ne sont pas requises pour tous les produits. Mais dans des domaines tels que ceux
de l’aéronautique, de l’énergie ou du transport, il est important de tenir compte de ces caractéristiques de
maintenance dès la définition des spécifications. A cet effet, un grand nombre de critères de maintenabilité
sont proposés ([1], [4]) : l’accessibilité, l’aptitude au désassemblage, la manutentionabilité des composants
sont des exemples de critères à prendre en compte. Par la suite, durant le processus de conception, l’acteur
maintenance dispose de diverses méthodes et outils pour évaluer le produit au regard des critères de
maintenabilité. Certaines méthodes sont locales, et s’intéressent à un critère particulier appliqué à une partie
du produit. Ainsi, une évaluation de l’accessibilité à un composant peut être effectuée à partir de certains
éléments de géométrie autour de ce composant [1], à partir d’un mannequin numérique [5], ou de la réalité
virtuelle immersive [6]. La plupart de ces évaluations nécessitent des données qui sont assez détaillées, et ne
peuvent donc être menées que lorsque la conception est assez avancée.

2 Evaluation de la maintenance en conception


Dans les premières étapes du processus de conception, les variables de conception sont en effet
imprécises ; elles peuvent prendre n'importe quelle valeur dans une plage déterminée et le concepteur ne sait
pas à ce stade la valeur finale qui émergera à la fin du processus de conception. Afin de mieux contrôler
l'incertitude et l’hétérogénéité des données de conception utilisées pour l'évaluation de la maintenabilité,
nous proposons d’utiliser les variables linguistiques et les nombres flous au lieu des valeurs discrètes
habituelles. Il en résultent une homogénéisation des donnes issues des critères de maintenabilité qui n'ont
pas la même métrique [9]. Ces variables linguistiques et nombres flous reposent sur une généralisation de la
théorie des ensembles classique proposée par Zadeh [ 7 ]dans les années 1965. Pour tout ensemble relevant
de la théorie classique, chaque entité est soit dans l'ensemble, soit à l’extérieur de cet ensemble. Dans la
théorie des ensembles flous, les éléments peuvent avoir des degrés d'appartenance variables à un ensemble
donné : entre 0 (pas du tout dans l'ensemble) et 1 (complètement dans l'ensemble) ; une fonction
d'appartenance indique alors le niveau d'appartenance de tous les éléments à cet ensemble.

Cette approche floue donne la possibilité de représenter et de traiter les données de conception
incertaines disponibles dans la phase de définition des concepts de solution. La logique floue présente
également une certaine similitude avec le jugement humain. L’approche floue est appropriée à l'évaluation
de la maintenabilité au début du processus de conception car elle permet une représentation de
l'information spécifique à la maintenance sous une forme plus directe et plus adéquate [9]. Le problème de
conception est évalué au moyen de variables linguistiques au lieu des valeurs numériques. Les valeurs des
variables linguistiques peuvent présenter plusieurs niveaux de granularité, ce qui donne la structure
hiérarchique présentée dans la figure 1 :

Modularité

Niveau 1 Haut Moyen Bas

Niveau 2 Parfait Très haut Haut Moyen Bas Très bas Aucun

Niveau 3 Nombres flous entre [0 ; 0,5] Nb. floues approx. 0.5 Nombres flous entre [0,5 ; 1]

Niveau 4 Nombres réels entre [0 ; 0,5] 0.5 Nombres réels entre [0,5 ; 1]

Figure 1. Hiérarchie des valeurs


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La cardinalité du premier niveau de granularité atteint la valeur 3 ; celle du second niveau atteint la
valeur 7. Au troisième niveau, les éléments sont des nombres flous compris dans l’intervalle [0 ; 1] et au
quatrième niveau, les éléments sont des valeurs réelles comprises dans l’intervalle [0 ; 1].

Si L = {l0 ,..., ln } est l'ensemble d’éléments d’une variable linguistique alors L doit avoir les
propriétés suivantes :

1. L'ensemble doit être ordonné : li ≥ l j si i ≥ j


( )
2. Max li , l j = li si li ≥ l j
( )
3. Min li , l j = li si li ≤ l j

Considérons par exemple l'ensemble d’éléments du niveau 2 :

L = {l0 = A, l1 = TB, l2 = B, l3 = M , l4 = H , l5 = TH , l6 = P}
Où : A=Aucun, TB=Très Bas, B=Bas, M=Moyen, H=Haut, TH=Très Haut, P=Parfait.

L’ensemble d’éléments rattachés à une variable linguistique peut être rattachés à des nombres
triangulaires flous, qui représentent les domaines possibles ces éléments (figure 2). Les valeurs floues pour
chaque élément sont : A = (0 ; 0 ; 0,16), TB = (0 ; 0,16 ; 0,33), B = (0,16 ; 0,33 ; 0,5), M = (0,33 ; 0,5 ; 0,66),
H = (0,5 ; 0,66 ; 0,83), TH = (0.66 ; 0,83 ; 1), P = (0,83 ; 1 ; 1). La transposition des variables linguistiques
en nombres flous (triangulaires) est nécessaire pour pouvoir effectuer des opérations mathématiques afin
d’obtenir un indice de maintenabilité pour le produit évalué.

A TB B M H TH P
1

0 0.16 0.33 0.5 0.66 0.83 1

Figure 2. Transposition pour le niveau 2

L’évaluation est réalisée par un acteur maintenance participant à la conception, dès la phase
conceptuelle, en utilisant plusieurs critères de maintenabilité adapté pour le type de produit conçu.
L'évaluation commence par le choix des critères de maintenabilité les plus pertinents au regard du type de
produit, de la stratégie de maintenance et des données de conception disponibles au moment de l’évaluation.
Plusieurs critères de maintenabilité peuvent être utilisés pendant le processus d'évaluation et l'importance de
chaque critère peut changer selon le type du produit considéré et également selon le niveau de maintenance
et la stratégie de maintenance (préventive, curative, etc.) choisie. L’évaluateur doit donc assigner un poids à
chacun des critères employés. Le processus de pondération peut être exécuté par un évaluateur seul ou par
une équipe d'évaluateurs. Dans le cas de l'analyse multicritère, il est souvent difficile d’affecter des poids aux
différents critères : en effet, des problèmes apparaissent dès que l’on manipule plus de 3 critères. Pour
simplifier le processus d’évaluation nous avons réalisé un micro-outil de pondération basée sur le processus
analytique de hiérarchisation (AHP) [8], [9], ainsi qu’un micro-outil d’évaluation floue pour l’agrégation des
indices de maintenabilité. Il en résulte un indice global de maintenabilité sous la forme d’un ensemble flou
triangulaire.
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3 Application

3.1 Expérience de conception


Nous avons appliqué ce concept à des données issues d’une expérience de conception. À partir d’un
besoin, des concepteurs ont défini un produit, dans des conditions données de conception. Le produit à
concevoir est un broyeur viticole multiusage. Il a pour fonction de broyer les mauvaises herbes et les
sarments retirés lors de la taille de la vigne. Le principe de solution est imposé : il s’agit de faire tourner des
éléments coupants, appelés marteaux, à haute vitesse autour d’un arbre, appelé tambour. Certains éléments
sont également imposés, notamment les marteaux ou les éléments de réglage de la hauteur de coupe, ainsi
que les interfaces avec le tracteur supportant l’outil. Ce broyeur doit pouvoir évoluer dans un
environnement viticole, sa largeur de travail est de 90 cm minimum tout en minimisant sa largeur totale. Il
est amené à évoluer dans un environnement contraignant : outre les résidus de broyage, la terre et les
poussières, ce broyeur peut-être confronté à des pierres ou à des fils provenant du palissage de la vigne. Il
peut également subir des chocs violents, contre des poteaux en béton par exemple. Certains composants
ont une durée de vie limitée : un remplacement des marteaux est nécessaire toutes les 50 heures de
fonctionnement.

Plusieurs problèmes de maintenance ont été soulevés durant la conception de ce produit. L’un des
problèmes est le remplacement des paliers supportant le tambour. Les chocs subis par le broyeur ou
l’intrusion de corps étrangers tels que des fils de fer ou des fils en polyéthylène peuvent mener à la ruine des
de ces paliers. Des évaluations de la maintenabilité des paliers ont donc eu lieu lorsque les concepteurs ont
proposé des concepts de solution de paliers. Nous étudierons plus particulièrement deux concepts de
solutions, (figures 3 et 4). Dans la première solution (figure 3), les paliers lisses rotulés (repérés 1) sont
montés dans une cage (repérée 2) elle même assemblée sur le bâti (3) à l’aide de vis (4). Ces paliers sont
solidarisés avec la cage par l’intermédiaire d’un épaulement et d’un circlips (5). Les paliers sont solidarisés
avec l’arbre par l’intermédiaire d’un système de filetage et d’un écrou à encoche (6). Un joint à lèvres (7)
situé du coté de la partie active du broyeur prévient l’intrusion de corps étrangers dans la cage du palier. La
partie basse de l’arbre (8) peut accueillir une poulie, qui doit également s’assembler par l’intermédiaire d’un
filetage.

8
8
7 7
2
6 1
5
9
1
5
2

4 10 11 3
3 4 8

Figure 3 – Montage des paliers : solution 1 Figure 4 – Montage des paliers : solution 2

La seconde solution (figure 4) utilise quasiment les mêmes composants que la première, les solutions
se différenciant par une disposition différente de ceş composants. Le palier (1) n’est pas fileté, la cage (2) est
assemblée au bâti (3) suivant une direction opposée à la solution précédente. Les paliers sont toujours
solidarisés à la cage par l’intermédiaire d’un circlips (5) et ils sont solidarisés à l’arbre (8) par l’intermédiaire
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d’un écrou à encoches (6) et d’une entretoise (9). Le joint à lèvres (7) est monté à l’extérieur de cette cage.
La poulie (10) est assemblée sur l’arbre à l’aide d’un écrou noyé (11).

L’évaluation de la maintenabilité débute avec la sélection des critères de maintenabilité les plus
pertinents au regard du type de produit, de la stratégie de maintenance et des données de conception
disponibles au moment de l’évaluation. L’évaluateur a retenu quatre critères : outillage, accessibilité,
modularité et nettoyabilité, le poids de chaque critère étant défini par le micro-outil de pondération présenté
en figure 5 :

Figure 5 – Micro-outil de pondération

Les poids rattachés aux critères sont calculés à partir de la demi matrice de comparaisons par
paires [9]. Le micro-outil présente un indicateur de cohérence révélant la cohérence de cette demi matrice.
Le calcul des poids donne les résultats suivants : Outillage = 8% , Accessibilité = 36,8% , Modularité =
18,4% et Nettoyabilité = 36,8%.

Ensuite pour chaque critère de maintenabilité, l’évaluateur a analysé la concordance avec les deux
propositions de solutions en faisant des évaluations floues. Par exemple pour le critère « Accessibilité »
l’évaluation est « Très Bas » pour la première solution (il faudrait un outil spécial pour démonter le palier
fileté ; sinon, il faudrait démonter tout le support) et pour la seconde solution l’évaluation est « Moyen »
(bon pour accéder aux paliers, mais plus difficile pour accéder aux joints).

Figure 6 – Micro-outil d’évaluation floue (solution 2)


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Les évaluations sont faites en utilisant le micro-outil d’évaluation floue (figure 6) qui permet la
transposition des variables linguistiques dans des nombres flous et qui calcule finalement l’indice de
maintenabilité IM du concept étudié, en utilisant l’équation 1.
n

∑a ⋅I i i IM - indice de maintenabilité
IM = i =1
n ai – poids de critère « i » (1)
∑a i =1
i
Ii - nombres flous pour le critere « i »

Dans le cas de la solution 1 l’indice de maintenabilité est IM1 = (0,056 ; 0,218 ; 0,388) et pour la
solution 2, l’indice de maintenabilité est IM2 = (0,25 ; 0,419 ; 0,585). La seconde solution présente donc une
maintenabilité plus élevée par rapport à la première.

4 Conclusions

La démarche d’évaluation présentée réalise une homogénéisation des donnes issues des critères de
maintenabilité et donne une mesure globale de la maintenabilité sous la forme d’un indice (ensemble flou
compris entre 0 et 1). Cet indice permet à l’acteur maintenance de déterminer la maintenabilité d’une
solution de conception potentielle très tôt dans le processus de conception (à partir d’un schéma de
principe). Ceci contrairement à la majorité des autres méthodes d’évaluation qui ne sont pas utilisables à ce
stade.
Les concepteurs peuvent employer cette démarche pour reconnaître des contraintes de maintenance
pendant le processus de conception afin d'améliorer la conception, ou ils peuvent employer l'indice de
maintenabilité pour choisir entre plusieurs concepts du point de vue maintenance.
L’approche floue est appropriée à l'évaluation de la maintenabilité au début du processus de
conception car elle permet une représentation de l'information spécifique à la maintenance sous une forme
plus directe et plus adéquate qui est moins contraignante pour l’acteur maintenance et qui présente une
granularité variable permettant une évaluation tout au long du processus de conception.
Références

[1] Blanchard B.S., Verma D. & Peterson E.L., «Maintainability, a key to effective serviceability and maintenance
management», John Wiley & Sons Inc. New York, 1995
[2] Zwingelstein G., « La maintenance basée sur la fiabilité », Hermès, Paris, 1996, ISBN 2-86601-545-2
[3] AFNOR NF X 60-500 « Terminologie relative à la fiabilité, maintenabilité, disponibilité », AFNOR
(Association Française de Normalisation), 1988, Paris
[4] Institut de Sûreté de Fonctionnement (ISdF : Blancho P., Durant J., dir) « Sûreté de fonctionnement et
maîtrise des risques, la maintenabilité », CETIM (Centre Technique des industries mécaniques), 1999, ISBN
n° 2-85400-494-X
[5] Vujosevic R., Kusiak A. & Szczerbicki E., « Reason Maintenance in product modelling », Journal of
Engineering for Industry, 1995, Vol.117, N°2, 223-2
[6] Chedmail P., Maille B. & Ramstein E., « Etat de l'art sur l'accessibilité en réalité virtuelle, application à l'étude de
l'ergonomie», 7ème colloque sur la conception mécanique intégrée, AIP-Primeca, La Plagne, 2-4 avril 2001,
198-205
[7] L. A. Zadeh. Fuzzy sets. Information and Control, 8:338–353, 1965.
[8] T.L. Saaty, “The Analytic Hierarchy Process”, McGraw-Hill, New-York, 1980.
[9] C.A. Slavila, C. Decreuse, M. Ferney, I. Ungureanu, Maintainability Evaluation Using Fuzzy Design Data,
CIRP 2004, Cairo, EGYPT, May 16-18.

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