Professional Documents
Culture Documents
B. Cette position lui a permis de s’affirmer comme leader de la région à l’échelle mondiale.
1. Le Brésil a acquis un rô le moteur mais asymétrique dans les organisations régionales
2. A l’échelle mondiale, le Brésil tente de s’imposer dans les organisations mondiales.
II. La domination du Brésil en Amérique latine n’est cependant pas absolue, et lui
impose de renforcer les attributs de sa puissance sans s’aliéner ses partenaires.
A. La puissance économique brésilienne reste entravée par des facteurs sociaux et écologiques, et
par la spécialisation de son économie.
1. Les facteurs sociaux et environnementaux compromettent à moyen terme la puissance
économique brésilienne.
2. La spécialisation difficile de l’économie brésilienne risque d’entraver la croissance de long
terme du pays.
B. Sur le plan politique, le Brésil a découvert qu’il ne peut maintenir une domination absolue sur
ses voisins et qu’il doit donc se montrer à leur écoute.
1. La possible suprématie du Brésil a conduit ses voisins à se repositionner par rapport à lui.
2. Le dialogue avec ses voisins permettra la mise en place d’une « hégémonie » du Brésil, non
orientée aux dépends de ses voisins.
INTRODUCTION :
Dans son allocution destinée au peuple brésilien le 20 mars dernier, Barack Obama salue « l’essor économique
fulgurant de Brésil, ses progrès technologiques et ses valeurs démocratiques ». 25 ans après la fin de la
dictature, et moins de 10 ans après la dernière crise financière auxquelles les brésiliens avaient fini par
s’accoutumer, le Brésil semble s’être aujourd’hui engagé de la démocratie et de la prospérité économique.
Grand pays classé parmi les BRIC et participant actif du G20 depuis 2008, le Brésil est également appelé à jouer
un rôle important sur le plan politique international. Seule pays lusophone en terre américaine, il est confronté
dans son voisinage à un continent hispanophone, dont il partage des frontières encore mal verrouillées avec la
quasi-totalité des Etats. D’une taille plus modeste et en concurrences les uns avec les autres, ces pays ne
semblent aujourd’hui plus capables de rivaliser avec la nouvelle donne brésilienne, y compris le Mexique et
l’Argentine, traditionnellement les 2 grands de l’Amérique latine.
Comment le Brésil gère-t-il cette nouvelle puissance au contact de ses voisins et comment ceux-ci se
positionnent-ils ? Le Brésil s’oriente-t-il vers une position de dominateur ou de néo-colonial vis-à-vis du reste
du continent ? Ou bien privilégie-t-il une approche plus coopérative ?
Nous montrerons dans un premier temps que si le Brésil dispose naturellement des attributs d’une grande
puissance, ce n’est que récemment que son influence politique l’a conduit à assurer un rôle de leadership en
Amérique latine. Dans un second temps, nous verrons que sur le plan politique, le Brésil a découvert qu’il ne
peut maintenir une domination absolue sur ses voisins et qu’il doit donc se montrer à leur écoute.
Toutefois, à partir de 2000, le Mercosur entre en crise faute d’institutions communes qui lui
permettraient une certaine convergence macroéconomiques, ou même une convergence
d’intérêts communs. En effet, le Brésil ne souhaite pas de transferts de souveraineté au niveau
du Mercosur, et se contente d’un fonctionnement intergouvernemental. L’asymétrie constatée
du Brésil avec ses partenaires bloque dès lors toute décision en faveur de l’approfondissement
de cette intégration intrazone.
Dès lors, les dirigeants brésiliens successifs, plutô t que de privilégier l’approfondissement de
l’intégration politique et commerciale, ont préféré favoriser l’élargissement politique de cette
organisation régionale et de ses liens, pour étendre la sphère d’influence brésilienne.
Ainsi, à partir de 2000, puis en 2004 et 2008, le Brésil réunit à son initiative l’ensemble des pays
d’Amérique du Sud, dans le but 1/ d’affirmer une identité régionale claire ; 2/ de promouvoir les
infrastructures régionales ; 3/ obtenir une reconnaissance internationale de la zone, et
particulièrement du Brésil. En 2004, le sommet débouche sur un rapprochement du Mercosur et
de la Communauté andine, sa concurrente, qui fondent avec 3 autres Etats (dont Chili) la
Communauté sud-américaine des nations (CSN), appelée en devenir dès 2008 l’Union des Etats
d’Amérique du Sud, orientée sur la défense de la région et les infrastructures régionales.
Cependant, prenant l’exemple des infrastructures régionales, le modèle approuvé par le Brésil
au sein de l’Initiative pour l’intégration des infrastructures régionales (IIRSA) semble tisser un
réseau de routes, voies, liaisons, interconnexions électriques régionaux dans le prolongement de
ses axes nationaux de communication, montrant une volonté du Brésil de façonner le continent à
son image, ou en tout cas, d’être au centre de la nouvelle organisation de l’Amérique du Sud, bien
que faisant face à une certaine réticence de ses partenaires.
Ainsi en 2003 à Cancù n, le Brésil a pris la tête de plus de 20 pays en développement (le G20+)
qui s’est opposé à un accord minimal sur les questions agricoles, ce qui a conduit à un blocage du
cycle de Doha.
Dans cette perspective, et dans la suite de la création du G20+, le Brésil a tenté de renforcer son
approche Sud-Sud : rapprochement avec l’Inde et l’Afrique du Sud (IBAS) (les 2 démocraties des
BRICSA) ; sommets arabo-sudaméricains depuis 2005 ; coopération renforcée avec l’Afrique et
notamment l’Angola et le Nigéria ; rapprochement politique avec Chine et Iran (rencontres
présidentielles). Si ces rapprochements ont avant tout pour but d’offrir des débouchés au
commerce brésilien et d’intégrer le Brésil au commerce mondial, ils lui ont permis d’acquérir un
rô le accru en tant que leader du Sud.
C’est cette nouvelle puissance qui ont conduit le Brésil à souhaiter occuper un siège permanent
au Conseil de sécurité de l’ONU. D’une part, le Brésil estime avoir été un des vainqueurs de la
WW2. D’autre part, il se dit être le seul capable de représenter le continent latino-américain, seul
en effet à posséder les attributs de la puissance. Il rejoint dans ce cadre l’Inde et l’Allemagne qui
visent également à obtenir un poste permanent.
Le Brésil cherche dès lors à montrer sa capacité à assumer des responsabilités globales : 1/
Adhésion au TNP en 1997 bien que farouche opposant ; 2/ participation civile et militaire au
maintien de la paix en Haïti ; 3/ action diplomatique avec la Turquie sur l’Iran en mai 2010 ; 4/
tentative de positionnement sur le conflit israélo-palestinien ; 5/ responsabilité financière
mondiale : contribution au FMI + aide directe à la Grèce.
Entre temps, et c’est une reconnaissance de sa nouvelle puissance, le Brésil a intégré le G20,
mais n’est pas seul (Mexique, Argentine).
TRANSITION : Outre les avantages naturels dont bénéficie le Brésil, ce pays a donc su s’insérer
efficacement dans la plupart des organisations régionales et internationales, pour favoriser sa
politique de puissance. Toutefois, si le Brésil a aujourd’hui le rô le de leader en Amérique latine,
sa domination n’est pas absolue ; il doit dès lors améliorer sa position sans se séparer de ses
partenaires.
Avant toutes choses, rappelle que si le Brésil est le pays le + puissant en termes de PIB (8 e
économie mondiale ; 5 fois le PIB argentin), son PIB/hab reste moyen, encore inférieur à celui du
Chili ou de l’Argentine. Des facteurs structurants permettent en outre de relativiser la puissance
brésilienne.
Tout d’abord, les inégalités sociales : « aujourd’hui, 30% des Brésiliens ont un niveau de
scolarisation et de formation, des conditions de vie et des revenus équivalents à ceux des pays
les plus avancés, mais 30% peuvent se comparer aux populations des pays les moins développés.
Environ 50 millions de Brésiliens vivent dans la misère et l’indigence, et leur pauvreté remet en
cause l’unité sociale du pays. » (Observatoire des Inégalités. 2006. Pauvreté et inégalités au
Brésil), et ce malgré une croissance économique élevée. Le Brésil est le 70 e Etat du monde en
termes d’IDH, et reste un des plus inégalitaires au monde : 1% les plus riches gagnent 12% du
revenu ; 10% les plus riches gagnent plus de 45% des revenus. La politique de Cardoso et
surtout de Lula, si elles ont permis de redynamiser le pays, n’a que très peu réduit les inégalités.
En dix ans, les pauvres sont certes moins pauvres, mais leur nombre n’a que très peu baissé.
CONSEQUENCE ? tensions sociales et sécuritaires encore présentes ; obstacle au tourisme ;
faible développement du marché intérieur.
On peut rajouter à cela de forts contrastes régionaux, entre un Sudeste très développé et très
urbanisé sur la cô te, et un Nordeste encore rural et pauvre, ainsi qu’un front pionner encore non
intégré…
Cependant, ces deux facteurs n’ont pas d’incidence DIRECTE sur le niveau de croissance du pays.
En revanche, le Brésil n’a pas seulement des problèmes de redistribution et de développement
intérieur.
Premier point, l’économie brésilienne, au contraire de la Chine ou de l’Inde est une économie
anciennement industrialisée. Elle était en phase d’industrialisation rapide au 19 e siècle, et a
profité de la rupture des marchés européens pendant les guerres mondiales pour acquérir des
parts de marché qu’elle a ensuite perdues (comme l’Argentine ou le Chili). De plus, la croissance
brésilienne est restée faible pendant longtemps, et ce n’est que depuis 10 ans qu’elle est de
l’ordre de 6-7% par an. En dehors du secteur agricole, l’économie brésilienne reste encore peu
compétitive (56e rang mondial selon le forum économique mondial).
Dès lors, et c’est mon 2e point, comment expliquer le dynamisme de la croissance brésilienne ?
La prospérité depuis 10 ans est avant tout tirée par la demande mondiale (asiatique et moyen-
orientale) de matières premières. 70% des exportations Brésil => Chine sont composées de
matières premières ; du fait de l’excédent commercial brésilien, le real tend à se réévaluer, et
affaisse ainsi la compétitivité des produits manufacturés brésiliens, notamment en regard de la
Chine (c’est le syndrome hollandais). Ce phénomène risque demain de s’accentuer du fait de la
découverte de gisements de pétrole, qui porteraient le pays au rang de 4 e exportateur mondial
de pétrole. Il y a dès lors un risque pour la « reprimarisation » du pays…
B. Sur le plan politique, le Brésil a découvert qu’il ne peut maintenir une domination
absolue sur ses voisins et qu’il doit donc se montrer à leur écoute.
D’une part, crainte des Etats voisins de voir le Brésil devenir des nouveaux Etats-Unis en
Amérique latine, avec un phénomène de spécialisation Nord-Sud, où le Brésil achèterait des
matières premières pour vendre des produits manufacturés. C’est par exemple le cas de
l’Argentine, qui après avoir été longtemps le partenaire privilégié et l’adversaire économique du
Brésil, importe de plus en plus de produits manufacturés en provenance du Brésil.
Ensuite, il est important de souligner que le Brésil est parvenu à trouver un terrain d’entente sur
ces sujets avec ses voisins. Ainsi, la Bolivie, qui vend son gaz principalement au Brésil et le
Paraguay exportateur de l’électricité produite au barrage d’Itaipu ont dénoncé des pratiques
neo-coloniales et les relations asymétriques du Brésil à leur intention. Le cas du Paraguay est
exemplaire : le barrage est binational, et chaque pays a convenu par traité d’exporter son
surplus de production vers l’autre pays. Or le Paraguay = 6 millions d’hab, n’exploite que 5% de
son potentiel, et doit donc exporter le reste à un tarif non concurrenciel. Dès lors, le Brésil (psdt
Lula) a rompu avec la défense de ses intérêts à court terme et a pris en compte les inquiétudes et
révendications de ses partenaires : en 2009, paiement plus équitable de l’électricité.
Ces tensions ont cependant conduit à une réévaluation des budgets militaires de tous ces Etats,
en paix entre eux depuis 150 ans. Notamment, au Brésil, le budget militaire a doublé depuis
2002,justifié par le besoin de moderniser une armée qui doit être à la hauteur des ambitions du
Brésil, et destinée à protéger une frontière maritimes [et ses champs pétrolifères] longue de
4500km. Les autres Etats ont suivi, entrainant une augmentation notoire des budgets sur
l’ensemble du continent. Malgré tout, el Brésil reste signataire du TNP et du traité de Tlatelolco
de 1967 sur l’interdiction des armes atomiques en Amérique latine.
Dès lors, cette coopération approfondie lui permet d’augmenter son poids en tant que
représentant légitime du continent latino-américain, pour défendre ses intérêts économiques.
Ainsi, avec l’aide de l’Argentine, le Brésil a rejeté la proposition des Etats-Unis de créer l’ALCA,
zone de libre échange des Amériques en 2005 (sommet de Mar del Plata).Un bémol toutefois : le
Brésil n’a pas pris en compte dans cette affaire les souhaits et les attentes des Etats favorables au
projet américain (Colombie, Mexique…).
EN CONCLUSION, le Brésil a clairement acquis ces 10 dernières années les attributs d’une
grande puissance, sur le plan régional comme sur le plan international, tant au niveau
économique que politique et diplomatique. Toutefois, le potentiel hégémonique du Brésil est
remis en cause, à la fois par des données internes (déséquilibres de développement socio-
environnemental et économique), et externes (tensions économiques et politiques avec ses
voisins), qui ont conduit le pays à s’engager sur une diplomatie particulière, fondée sur la
coopération régionale, dans le but d’accroître son influence à l’échelle mondiale.