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Yvette A. Guillemin-Young
The French Review, Vol. 71, No. 1. (Oct., 1997), pp. 66-73.
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Tue Mar 11 11:58:44 2008
THE FRENCH REVIEW, Vol. 71, NO. 1, October 1997 Printed in U.S.A.
Ce qui signifie pour les francistes: "Des canards sauvages au col vert . . . /
Entre les saules et les ormes . . . / Son saut met le miroir en mille pièces".
Par ailleurs, la poétesse marque une préférence pour l'heptasyllabe de la
tradition galloise, mais elle ne manque pas à la rigueur d'utiliser le vers
libre et la rime finale d'influence française. Pour parodier le mot de
Montaigne, que le français y aille si le breton n'y peut aller! Lenora Timm
nous rappelle qu'Anjela Duval a dû apprendre à écrire le breton, sa
langue maternelle, afin d'exprimer dans l'écriture sa poésie "uncon-
trived, lucid , [...] honest" (16). Ce qui ne veut pas dire naïve. Cette poésie
"native", tracée au sillon dans le sol natal, s'adresse tout d'abord aux
paysans et aux Bretons qui entendent reconquérir leur terre et leur voix.
En réalité elle dépasse les marches de Bretagne pour se diffuser en une
multitude d'échos dans la conscience de tous les exilés de lieu ou de
cœur. Le chant de la terre, lyrique et pressant, s'adresse à tous les
groupes minoritaires privés de parole, sinon de voix.
Dans son essai polémique Comment peut-on être Breton? l'activiste Mor-
van Lebesque explique son appartenance à la Bretagne par une évidence
irréfutable: je la pense donc elle est (19). Pour Anjela Duval cela repré-
sente une nécessité existentielle, un lien de lieu et d'âme. Anjela est-elle
pour autant, ainsi que le suggère Lenora Timm, "a vestigial peasant", (7)
une anomalie persistant à un niveau élémentaire comme gardienne du
lieu abandonné et d'un passé révolu? Utilisant un terme de grammairien
dans les Lettres de Bretagne, P-J. Hélias remarque que le passé des Bretons
n'est jamais qu'un passé immédiat tant qu'il existe des témoins pour le
rapporter; il convient désormais de reprendre possession de ce passé et
d'opter pour "une nostalgie du futur" (73). De même dans son œuvre, la
paysanne-poète du Trégor souligne que la notion de filiation terrienne se
pose de manière plus urgente dans notre monde épris de globalisme,
mais elle n'a que faire des nostalgies citadines qui rêvent du petit village
perdu à flanc de colline, image compensatoire du déracinement urbain,
image de songe-creux. Nous seuls sommes les héritiers de notre espace
culturel menacé d'oubli, de désintégration, symbolisé par l'image drama-
tique d'une charrette abandonnée dans une cour de ferme, les brancards
tendus comme des bras suppliants vers le ciel, dans l'attente vaine d'un
cheval et d'une famille qui ne reviendront plus ("Dilezet" = Abandon,
Timm 234). Anjela implore les Bretons de reprendre en main leur avenir,
72 FRENCH REVIEW
Notes
'Dans son Histoire de France (tome I), Michelet note l'aspect "étranger" et mythique de la
région et de ses habitants: "La nature est atroce, l'homme est atroce et ils semblent s'enten-
dre. . . . Une foule de familles de paysans se regardaient comme nobles et quelques-uns se
croyaient descendus d'Arthur ou de la fée Morgane . . . Le génie de la ~ r i t a ~ nc'est
e , un
génie d'indomptable résistance et d'opposition intrépide". Dans le même ordre d'idées,
voir le Voyage en Bretagne de Flaubert et de Maxime du Camp où Flaubert entend au marché
de Rosporden "sonner les rauques syllabes celtiques mêlées au grognement des animaux"
(196). Est-ce là observation rigoureuse ou ébauche de l'épisode bouffon des Comices
Agricoles dans Madame Bova y?
2Ayant vécu en Bretagne dans les années 50 et 60, je peux attester de la vigoureuse poli-
tique de "débretonnisation" entreprise par la République, illustrée par les "bonnes his-
toires" bretonnes qui font rire la France, le personnage de Bécassine incarnant la Bretonne
ahurie, le conscrit "plouc" taré et baragouinant, etc. La Bretagne représente encore, pour
beaucoup de Français, la Gallia Commata à l'extrémité du monde civilisé.
'En 1532 François Ier déclare le Traité d'Union non consenti comme légal. La noblesse
bretonne est influencée par des alliances de plus en plus fréquentes avec la nation.
L'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539 donne un coup mortel aux langues minoritaires
et au dix-septième siècle, Breton, Basque ou Picard seront des noms de valets de comédie.
?Hersart de La Villemarqué, puis François Luzel, Anatole Le Braz et plus récemment P-J.
Hélias, ont recueilli contes, légendes et chansons afin de préserver Une riche oralité lit-
téraire et de "compter" pour continuer à "conter" les épisodes de la geste des Bas-Bretons.
'Il faudrait inclure Max Jacob, Saint-Pol Roux, Victor Ségalen, Eugène Guillevic, Angèle
Vannier, Guy et Hélène Cadou, etc. comme prédécesseurs de la nouvelle vague poétique.
"1 est devenu de mode de se dire Breton d'origine et l'engouement des dernières quinze
années se traduit par le succès touristique des fest-noz (=fêtes de nuit), des auto-collants
BZH et des petites fermes "retapées" de charme. Comment peut-on ne pas être Breton?
'On trouvera dans cette étude un choix de poèmes traduits par Roger Laouenan dans son
introduction Anjela Duval (Quimper: Nature et Bretagne, 1982).Une autre sélection est tirée
de l'anthologie de Lenora Timm A Modern Political Poet: Anjela Duval (New York: Edwin
Mellen Press, 1990) et de l'édition de P-J. Hélias Gant ar mareoù-bloaz, A u fil des saisons
(Spezet: Coop Breiz, 1995).
RDansson œuvre impressionnante et variée, P-J. Hélias exprime l'urgence de reconquérir
la langue et de la transmettre par l'écriture pour offrir aux jeunes Bretons un corpus lit-
ANJELA DUVAL 73
téraire. P-J. Hélias espère une renaissance littéraire bretonne égale au renouveau gallois. Au
cours des siècles, le breton a été principalement une langue parlée. A part quelques poèmes
du Moyen Age et du seizième siècle, (dont le "Mirouer an Ankou" ou Miroir de la Mort), et le
célèbre dictionnaire trilingue Catholicon (1499), le breton servait principalement dans l'ad-
ministration locale et les sermons. Plusieurs Buhez santez (ou Vies de saints) et mystères de
qualité littéraire variable (dont je reparlerai dans une prochaine étude) ont illustré le patri-
moine. A part de rares exceptions, les érudits bretons écrivaient en français et parlaient à
leurs domestiques en breton.
9C'est en 1932, soit quatre siècles après l'union "de contrecœur" de la Bretagne à la
France, que se constitue le premier mouvement autonomiste breton Breiz Atao (ou
Bretagne d'autrefois). Il s'illustre aussitôt en bombardant le monument à l'Union de la ville
de Rennes (siège du Parlement breton). A. Duval n'a jamais caché ses sympathies pour le
F.L.B. (Front de Libération de la Bretagne), un groupe militant qui s'est signalé dans les
années 60 et 70 par des actes de violence et de terrorisme (ex. attaques de gendarmeries,
plastiquage du château de Versailles), et plus récemment par le soutien de militants
basques. A l'occasion, Anjela a écrit des lettres politiques en faveur des activistes.
laJeannela Flamme est l'héroïne de la Guerre de Succession bretonne au quatorzième siè-
cle, opposant la dynastie des Monfort à la branche de Blois. Jeanne soutient le siège
d'Hennebont en l'absence de son époux Jean de Montfort. Cet épisode est relaté dans les
Chroniques de Froissart, celles d'Alain Bouchart, et documenté dans plusieurs histoires de
Bretagne. La "Vierge Rouge" est une référence à Anne Tudal, une des grandes figures de
l'indépendance bretonne des années 30.
Pour expliquer en partie le statut privilégié des femmes en Bretagne, il convient de noter
le rôle prédominant de la mère et du grand-père maternel dans cette société. Mort symbo-
lique du père? Voir l'étude de Philippe Carrer sur Le Matriarcat psychologique des Bretons
(Paris: Payot, 1984) et l'article d'Agnès Audibert "La Place de la femme en Bretagne" dans
Dalc'homp Sonj (numéro 15,1986,l-5).
"Dans l'imaginaire breton, l'Ankou arrive à fond de train dans une charrette aux essieux
grinçants et passe devant la demeure de celui qui va mourir. Cf. La Légende de la Mort
d'Anatole Le Braz (rééditée à Marseille: Eds. Robert, 1982).
Références