OEUVRES COMPLETES
§, JEAN CHRYSOSTOME
TRADUCTION NOUVELLE
PAR M. L'ABBE J. BAREILLE
hein beueaite de Toaots ot de Ly
AUTEUR DE L'HISTOIRE DE SAINT THOMAS, DEMILIA PAULA, ETC.
TOME CINQUIEME
PARIS
LIBRAIRIE DE LOUIS VIVES; EDITEUR
RUE DELAMDRE, 9
1868OEUVRES
COMPLETES
S. JEAN CHRYSOSTOME
EXPLICATION
(s
PSAUME VII.
Peoume de David, quil chanta au Seigneur au sujet des
‘paroles do Chas, bls de Jémini: «Seigneur ion Diew,
Fai mis en toi mon espérance, sauve-moi de tous mes
Ppereéeuteurs, et délivre-moi. »
4. Vous devriez avoir des saintes Ecritures et
des faits historiques qu’elles renferment, une
connaissance si parfaite, qu’il ne ft point né-
cessaire de longs discours pour vous les ensci-
gner. Mais, comme les uns absorbés par les oc-
cupations de cette vie, les autres plongés dans
Yindifférence, négligent de s’en instruire, nous
sommes obligés d'entrer dans de plus grands
développements pour expliquer le sujet de ce
psaume. Prétez done une oreille attentive. Quel
est ce sujet? « Psaume de David, qu’il chanta
au Seigneur. » On lit dans une autre version :
« Psaume pour l'ignorance de David. » Et dans
une autre encore : « Ignorance de David; » et,
au lieu de Chus, on lit : Ethiopien. L’obscurité
de ves paroles vient surtout de ce que vous ne
connaissez point IHistoire sainte. Il ne suflit pas,
néanmoins de vous adresser des reproches, il
faut vous instruire, et pour cela commencer ce
récit historique. Quel est done ce Chus, fils de
‘Jémini, et quelles sont les paroles qui ont donné
liew & David de chanter cet hymne? C'est ce que
nous expliquerons, en remontant jusqu'aux évé-
nements qui en ont été l'occasion. Absalom était
fils de Davidet déshonorait sa jeunesse par une vie
TOM. ¥.
DES PSAUMES
ire)
licencieuseet dissolue. len vintjusqu’a serévolter
contre son pére, le dépouiller de son royaume,
le chasser de son palais, de sa patrie, et s'empa-
rer de tout ce qu’il possédait , sans respect pour
les droits du sang, de l'éducation, de lage, et
sans égard pour les soins qui lui avaient été pro-
digués. Ce prince, plus semblable a une bate fé-
roce qu’é un homme, poussa la cruauté et la
barbarie jusqu’a franchir toutes les bornes, fou-
ler aux pieds les lois de la nature et remplir tout
le royaume de trouble et de confusion. On vit
alors oubli le plus complet de tous les senti-
ments naturels, de la crainte des hommes, de la
religion, de I'humanité, de la compassion , du
respect da a la vieillesse, Car si Absalom avait
oublié ce qu'un fils doit a son pére, devait-il au
moins respecter la vieillesse de David ; s'il était
sans respect pour ses cheveux blanes, le souvenir
de ses bienfaits anrait di lattendrir; si était
insensible la reconnaissance , encore devait-il
se rappeler qu’il ne lui avait fait aucun mal. Mais
Yambition étouffa en lui tout sentiment humain
et ne lui laissa que les instinets d'une bite f¢-
roce. Et voici que ce saint roi qui avait engen-
dré, nourri ce fils ingrat, errait dans le désert
comme un fugitif au milieu de toutes les priva-
tions qui pésent sur un misérable exilé, tandis
que son fils jouissait en paix des biens paternels.
Dans cette extrémité, od l'armée obéissait a
Vusurpateur, et oft les villes lui ouvraient leurs
42 EXPLICATION DES PSAUMES.
portes, un homme juste et bon, nommé Chus,
ami de David, Iui resta fidéle malgré ce grand
changement de fortune. En le voyant ainsi s'en-
fuir dans le désert, il déchira ses vétements, se
couvrit de cendre, pleura amérement sur la dé-
tresse de son roi, et, dans 'impuissanee de faire
autre chose, il lui offrit la consolation de ses
larmes; car ce n’était ni la fortune, ni la pui
sanee, mais la vertu qu'il aimait chez David;
voila pourquoi il lui conserva une inviolable fi-
délité, malgré la déchéance de son pouvoir. Da-
vid le voyant s'abandonner ainsi sa douleur,
lui dit : Vous me donnez des preuves (Pune ami-
tié sincére et d'un attachement véritable, mais
qui ne peuvent me servir en rien; il faut done
concerter quelque dessein qui puisse mettre fin
aux malheurs présents et me délivrer des cala-
mités qui m’accablent, Puis il lui suggéra ce
moyen ; Allez trouver mon fils, présentez-vous
devant lui avee un visage ami, confondez les
projets et rendez inutiles les conseils d’Achito-
phel. Cet Achitophel était alors tout-puissant
auprés de 'usurpateur; c’était un homme habile
dans l'art militaire, général renommé dans la
guerre et dans les combats. Aussi inspirait-il a
David plus de crainte que son fils, parce que
Yhabileté d'Achitophel n’était pas moins grande
dans les conseils. Chus obéit a Yordre du roi
sans se laisser arréter par aucune pensée de fai
blesse ou de erainte, II ne se dit pas en lui-méme:
Que deviendrai-je si je suis surpris, si ’on vient
& marracher le masque dont je me couvre, et &
dévoiler Vartifice dont je me rends Vinstrument?
La perspicacité d’Achitophel est grande, if ne
lui sera pas difficile de me prendre sur le fait et
de découvrir ce stratagéme, dont je périrai vie-~
time sans la moindre utilité pour David. Il ne
s'arréte & aucune de ces pensées, il se rend a
Yarmée de Yusurpateur, remet tout entre les
mains de Dieu, et se jette hardiment au milieu
des dangers. Si je vous raconte ce trait de cou-
rage, ce n’est pas seulement pour exciter votre
admiration, mais pour vous faire connaitre I’¢-
tendue des malheurs et des épreuves que David
ut & subir, comme aussi les précieux fruits que
nous pouvons en recueillir. Un grand nombre
nous demandent fréquemment : Rourquoi les
justes sont-ils éprouvés, tandis que les méchants
ménent une vie calme et tranquille? Nous trou-
‘vons ici la réponse & cette question : Le juste est
exposé tous les outrages de Ja fortune, et un
fils coupable, un parricide, un ennemi juré des
lois de la nature, vit au sein de la prospérité et
habite dans des palais. Mais quel fruit lui revint-
il de ce bonheur? comme aussi en quoi ces
épreuves furentelles nuisibles a David? Absa-
Jom fut bientét précipité dans un abime de
maux, tandis que David sortit plus glorieux de ses
malheurs, semblablea Vor a quilefeu du ereuset
donne une plus grande pureté et un plus vif éclat.
2. Apprenons ici d’abord a ne point nous trou-
bler ala vue des épreuves auxquelles les justes
eux-mémes sont soumis ; secondement, i nepoint
changer suivant les diverses faces des temps,
mais rester toujours fidéle aux lois de 'amitié;
troisiémement, A ne pas craindre d’affronter les
dangers pour la cause de la vertu; quatri¢me-
ment enfin, conserver toujours Pespérance au
milieu des circonstances les plus difficiles, en
comptant sur le secours de Dieu. Voyez Chus, il
ne considére ni la force de I'armée de l'usurpa-
teur, nila crainte qu'il devait inspirer, ni la mul-
titude de ses chevaux, ni ses nombreuses pha-
langes de soldats armés, ni les villes tombées en
son pouvoir, ni 'isolement de David, son délais-
sement et sa faiblesse. Il ne voit qu'une chose ,
le secours invincible de Dien et la protection
dont il couvre son roi, et cela lui suffit pour ap-
précier Ja situation des deux partis, A ses yeux,
la faiblesse est dans le camp d’Absalom, la force
est du cdté de David. Car l'un outrageait les lois
de la justice, tandis que Yautre en se défendant
avait le bon droit pour lui. I se rangea done
non pas du cété des nombreuses armées, mais
du parti od 1a vertu seule combattait, et il se ren-
dit ainsi Diew favorable. Si je vous rappelle cet
exemple, c'est afin que nous aussi nous prenions
le parti de ceux qui défendent la cause de la jus-
tice, quand méme ils seraient les plus faibles, et,
que nous refusions de combattre avec les parti-
sans de ‘injustice, quel que soit d'ailleurs leur
pouvoir. Le vice, en effet, quand toute la terre
se déclarerait en sa faveur, est ce qu'il ya de
plus faible au monde; tandis que la vertu, fit
er