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Treize leçons
de
microéconomie
et
théorie des jeux

Dominique Pellissier
Version 07.1

Leçon 1 : définitions, problématiques et voies


théoriques en microéconomie

1.1. Economie de propriété privée et définitions de


l’objet de la microéconomie

Qu’est-ce qu’une économie de propriété privée ?


Une « économie1 » (= modèle ou
représentation simplifiée de la réalité. Approche
constructiviste : on n’observe pas
directement la réalité sensible, mais une réalité
construite par un modèle) dont les
consommateurs sont propriétaires des ressources
initiales (capital humain :
compétences et talents, et capital productif :
machines et usines, via l’actionnariat pour
ce dernier). Cette « économie » n’existe pas
totalement dans la réalité (l’actionnariat
n’est pas développé à ce point), mais on a besoin de
cette hypothèse pour qu’un calcul
économique existe. Pour qu’il y ait calcul et
échange, il faut que les droits de propriété
soient clairement définis : qui possède l’épargne ,
qui investit en usines, et machines ?
Qui possède le droit de polluer ? Etc. Car on ne peut
pas échanger ce que l’on ne
possède pas et, si un bien est collectif et gratuit,
sans propriétaire, comme l’air
respirable, il est surexploité et gaspillé. (Voir aussi la
tragédie des Communs).
Commentaire du schéma : les consommateurs
vendent (v) les ressources initiales aux
producteurs qui vendent les biens de consommation
achetés (a) par les
consommateurs. Consommateurs et producteurs
sont appelés agents. Le
consommateur est au centre du modèle : il est à la
fois consommateur de biens (les
outputs de la production) et apporteur de ressources
(les inputs de la production). Le
producteur est un organisateur : il combine les
inputs pour produire des outputs.

consommateurs producteurs
marché des
ressources initiales
marché des biens
Une économie de propriété privée
v
a
v
a
1
En français, « économie » désigne à la fois la discipline
scientifique et l’objet d’étude. L’anglais distingue,
respectivement : « economics » et « economy ».
3

Les 4 hypothèses simplificatrices qui font de cette


économie un modèle statique (=on
part d’une situation d’équilibre et on observe les
effets d’un choc et le retour à
l’équilibre):
H1 : pas de monnaie, pas de crédit, pas de taux
d’intérêt. Parce qu’il y a unité de temps.
La monnaie au sens d’instrument des échanges
(pour remplacer le troc) n’est pas nécessaire
pour démontrer les théorèmes. Si monnaie il y a,
comme « numéraire » (bien-étalon dont le
prix est normalisé à l’unité), c’est un simple « voile
» recouvrant les échanges de biens.

H2 : pas d’incertitude mais information parfaite


disponible sans coûts pour tous les agents.
Les agents réalisent leurs prévisions sans délai. Il y
a unité d’action.

H3 : pas d’intervention économique de l’Etat.


Seulement juridique (garantir le bon
fonctionnement de l’économie).

H4 : pas de commerce extérieur parce qu’il y a unité


de lieu. L’économie est placée dans un
cadre géographique donné, comme un pays ou une
union économique de pays (Union
européenne).

Les hypothèses 1, 2 et 3 seront levées dans la suite


du cours

L’objet de la microéconomie (définitions) : définition


traditionnelle de Robbins
(« The science which studies human behavior as a
relationship between ends and
scarce means which have alternative uses »). Autre
définition plus moderne (la
mienne) : la science des interactions sociales entre
des agents rationnels confrontés à
des choix multiples de production et de
consommation face à la rareté économique. Le
mot interaction signifie ici que les agents entrent en
relation les uns avec les autres en
utilisant le marché principalement, mais aussi : des
contrats de droit privé (comme le
contrat de travail), des lois et réglements qui les
obligent à faire (ou à ne pas faire :
biens illicites) un échange.
L’économie de propriété privée est axée sur le
consommateur, agent central de
l‘économie. L’agent producteur ne fait que répondre
aux besoins exprimés par les
consommateurs. Ces besoins définissent le bien-être
économique qui est une partie du
bien-être général et qui se définit ainsi, selon Pigou
(The economics of welfare) :
« C’est le bien-être qui peut être mis directement ou
indirectement en relation avec la
monnaie prise comme unité de mesure »
4

1.2.La révolution marginaliste et ses contestations :


un point de vue épistémologique
(Epistémologie = philosophie des sciences) à partir
de la notion de paradigme de Thomas
Kuhn (1962)

Un paradigme est l’état de la « science normale »,


à un moment donné de son
développement. Une « révolution scientifique », au
sens de Kuhn, est un changement de
paradigme. Application : la microéconomie a
remplacé le paradigme ricardien (la valeur-
utilité s’est substituée à la valeur-travail ; le prix de
marché s’est substitué au prix de
production calculé à partir des quantités de travail
incorporées) vers 1870.
Entre 1871 et 1874, l’anglais Jevons, le français
Walras et l’autrichien Menger vont
effectivement proposer un nouveau paradigme sur
la base d’une nouvelle conception de la
valeur. Au lieu d’ancrer la valeur des choses dans
les quantités de travail, ils vont opérer une
révolution en mettant la balle du côté, négligé
jusqu’ici par leurs prédécesseurs, celui de la
demande. C’est le « degré final d’utilité » (Jevons)
qui détermine la valeur d’un bien.
L’ancien paradigme n’ignorait pas l’utilité mais
refusait que celle-ci servît à mesurer un
échange de biens. La valeur d’échange d’un bien ne
pouvait venir que du travail incorporé
pour le produire. Avec le nouveau paradigme,
l’utilité sert à mesurer la valeur d’échange.
Mais, par rapport aux économistes de l’ancien
paradigme, cette utilité est marginale : c’est la
dérivée d’une fonction d’utilité. Marginal signifiant
donc l’utilité de la dernière quantité
infinitésimale de bien consommée.
Cette révolution marginaliste a parfois été perçue
comme une réaction politique contre le
Marxisme. Ainsi Henri Denis2 écrit : « …pour mieux
prendre leurs distances à l’égard des

2
Histoire de la pensée économique, 2è édition, 1971, P.U.F.
p. 466.

Thomas Kuhn (1922-1996), docteur en physique de


l’Université de Harvard en 1949,
consacra ensuite sa carrière à l’histoire des
sciences. Structure of scientific revolutions a été
publié par l’Université de Chicago en 1962.
5

thèses de Marx, [ils] ont répudié les enseignements


des grands économistes anglais
classiques ». Certes, le premier livre du Capital a été
publié, en allemand, en 1867. Mais, à
aucun moment, les trois fondateurs de la
microéconomie ne mentionnent l’ouvrage, pas
même
Menger qui aurait pu le lire dans le texte.
En fait, l’école de la valeur-travail était arrivée à un
point où elle ne pouvait plus se
développer. Ainsi le salaire change de nature dans
une société industrielle. Il devient un prix
sur un marché. C’est une réalité, que l’on peut
refuser certes au nom de l’éthique sociale, mais
c’est une observation. Chez les anciens
économistes, le salaire moyen dépendait d’un «
fonds
des salaires » et de la croissance de la population
active comme dans une société agricole.
L’idée était de transplanter un modèle agricole où,
effectivement, il faut bien « avancer » du
capital aux salariés, pour les nourrir, avant qu’ils ne
travaillent, au monde nouveau de
l’industrie. Et si la population croit trop vite, alors le
salaire, égal au fonds par tête, va baisser.
Avec sa loi d’airain économique Ferdinand Lasalle
(1825-1864) radicalise cette idée : le
salaire ne peut pas dépasser le minimum vital car,
s’il augmente, il favorise la croissance
démographique3. Mais, dans une société industrielle
où la production est continue, et non pas
rythmée par un calendrier agricole, ce fonds
n’existe plus. De plus, le progrès technique
engendré par la Révolution industrielle, commence
à se diffuser à l’ensemble de la population
par des gains de productivité qui vont permettre
une certaine augmentation de pouvoir
d’achat. La condition ouvrière, à partir des années
1860, s’améliore -sauf la partie la plus
misérable appelée par Marx Lumpen Proletariat-
tant sur le plan économique que législatif
avec la reconnaissance des syndicats et du droit de
grève, avec une législation du travail et la
création de sociétés de secours mutuel pour couvrir
les risques de l’existence (maladie,
accidents). Si le paradigme change, c’est aussi
parce que la réalité change.

Il y a une critique contemporaine du paradigme


marginaliste (= calcul à la marge = calcul
différentiel) par le philosophe français marxiste
Louis Althusser (1918-1990), qui considère
que la microéconomie est une « idéologie théorique
» (= un discours idéaliste pseudo-
scientifique sur une réalité superficielle, le marché,
qui ignore l’exploitation capitaliste). Le
philosophe allemand Jürgen Habermas (1929-), de
l’Ecole de Francfort, a fait une critique
dans le même sens en considérant que la technique,
liée à la science, est une idéologie quand
elle est appliquée aux relations sociales parce
qu’elle modifie les préférences (cf. infra):
l’expert prend la place des citoyens dans le débat
démocratique et oriente les choix des
consommateurs alors que la microéconomie
considère que le consommateur est seul juge de
son propre bien-être, des biens qui satisfont ses
besoins.

Néanmoins, aujourd’hui, un sociologue anti-libéral


comme le français Pierre Bourdieu (1930-
2002) reconnaît, paradoxalement, le caractère
scientifique de la microéconomie qui a « les
moyens de se rendre vraie » (Contre-feux, 1998,
p.109 et s. : « …le programme néo-libéral
tend globalement à favoriser la coupure entre
l’économie et les réalités sociales, et à
construire ainsi, dans la réalité, un système
économique conforme à la description théorique,
c’est-à-dire une sorte de machine logique, qui se
présente comme une chaîne de contraintes
entraînant les agents économiques ». Avec les
anticipations rationnelles, les individus agissent
comme le modèle dominant leur dit d’agir. Il y a une
boucle causale positive entre les agents
rationnels et le marché efficient (dont le prix reflète
toute l’information sur le bien) : plus le
marché est efficient, plus les agents vont être
amenés à se conduire rationnellement, et plus ils
sont rationnels, plus les marchés vont être
efficients. Il y a une boucle causale positive.

3
Loi fausse car c’est la misère économique et une mortalité
infantile élevée qui favorisent une natalité débridée
et c’est au contraire l’élévation du niveau de vie et de la
santé publique qui favorisent une natalité réfléchie.
6
Agent rationnel
Marché efficient
+
+
Boucle causale positive

Exemple : nous verrons (leçon 6) un modèle


dynamique de convergence des prix appelé
cobweb (toile d’araignée). La dynamique est due à
une anticipation statique (les producteurs
anticipent le prix de demain à partir du prix
d’aujourd’hui :
t
a
t P
P
1 ). Avec une anticipation
rationnelle (ils anticipent aujourd’hui le prix de
demain en calculant selon le modèle de
l’équilibre M : )
/
(
1
1 t
t
a
tM
P
E
P ), il n’y a plus de dynamique de convergence. On
va
directement au prix d’équilibre. Les agents ont
réalisé la solution du modèle avec une erreur
de prévision aléatoire (bruit blanc) :
1
1
1 t
a
t
tP
P

Depuis 1953, Milton Friedman, maître à penser de


l’école de Chicago, dans un célèbre
article (The methodology of positive economics) a
jeté les bases de la microéconomie
scientifique. Avant lui, on considérait que l’individu
rationnel (= maximisant une fonction-
objectif sous contraintes (homo oeconomicus)) était
une hypothèse inacceptable car trop
éloignée de la réalité, transformant l’économie en
un discours normatif issu de la philosophie
utilitariste de Bentham. Friedman écrit alors qu’une
théorie positive n’a pas besoin
d’hypothèses réalistes. Il suffit de faire comme si
(c’est le fameux as if friedmanien, point de
départ de l’individualisme méthodologique propre à
l’Ecole de Chicago) les individus étaient
rationnels et de juger la théorie sur sa capacité
prédictive. Tant qu’aucune autre théorie n’est
capable de fournir de meilleures prédictions,
l’individualisme méthodologique reste une
hypothèse valable. Jusqu’ici aucun autre paradigme
n’a réussi à battre le modèle standard
construit sur la rationalité instrumentale. Dans le
même contexte, le philosophe des sciences
Karl Popper a défini deux critères de scientificité
d’une théorie : 1/ La possibilité de la réfuter
2/ Sa capacité à résister à la réfutation. Si on ne
peut pas prouver l’hypothèse de rationalité
(« Tous les cygnes sont blancs »), on peut rejeter
l’hypothèse d’irrationalité ( « Tous les
cygnes sont noirs »). Cette dernière hypothèse est
appelée hypothèse nulle et le but est de la
rejeter pour confirmer l’hypothèse contraire : tous
les cygnes ne sont pas noirs. Il suffit
d’observer un seul cygne blanc.

1.3.Les deux voies de la microéconomie

Voie 1 : microéconomie classique. Partant de la


main invisible de Smith (nouveau
paradigme s’opposant au paradigme mercantiliste
en 1776 : « Un individu qui ne
connaît que son propre avantage est conduit par
une main invisible à promouvoir une
fin qui n’était en rien dans ses intentions »),
intuition de l’optimum, jusqu’au deux
théorèmes du bien-être de Debreu en 1951 (un
équilibre de marché de concurrence est
un optimum ; un optimum est un équilibre).
Voie 2 : microéconomie moderne. Partant du
théorème du minimax de Von Neumann
(1928) et de l’équilibre de Nash (1951), la théorie
des jeux appliquée à des situations
concrètes de concurrence imparfaite s’est imposée
progressivement dans les années
récentes.

La voie 1 représente l’économie comme un espace


des marchandises (= biens et services
échangés sur des marchés) dans lequel « jouent »
les acteurs, les deux agents, chacun ayant
son propre espace de consommation ou de
production. Ceux-ci produisent, échangent ou
consomment les marchandises. Pour que l’économie
fonctionne à l’optimum (= sans
gaspillages), une machine à échanger fonctionne :
c’est le marché qui détermine les prix des
marchandises en fonction de l’offre et de la
demande.
La voie 2 représente l’économie comme la voie 1,
mais ajoute une dimension stratégique dans
les interactions entre agents. Ceux-ci réagissent aux
prix donnés par le marché, mais peuvent
aussi les influencer et influencer les autres agents
ou être influencés par eux, parce que la
concurrence n’est plus parfaite, mais imparfaite. La
réalité économique est mieux restituée par
cette voie car des formes de violence sociale
(economic warfare), absentes dans la voie 1, sont
prises en compte. Et aussi des formes d’agrégation
d’agents : on passe d‘une économie
atomistique (=individus) à une économie
moléculaire (= coopération et entente entre agents
individuels).

Annexe : schéma d’une économie vue par la


microéconomie

Il y a un espace des marchandises, chacune étant


repérée par un point. Ces marchandises sont
produites par les producteurs j en utilisant des
ressources naturelles, d’autres marchandises et
de la technologie. Ils offrent ces biens sur un
marché. Les consommateurs ont des préférences
supposées données et stables (exemple : le
consommateur i préfère les pommes aux poires) et
ils expriment une demande sur un marché. Ils
peuvent aussi faire des échanges entre eux (=
économie d’échange). La rationalité est ici illustrée
par la recherche de « points » maximaux
dans chaque ensemble de consommation (X) ou de
production (Y). Et ceci pour chaque agent
i ou j. Le marché permet cette recherche. Face à des
millions de décisions individuelles, le
marché permet de calculer, à tout instant, des prix
qui tendent vers un équilibre entre offre et
demande.
8

Une représentation complète de l’économie


technologie
préférences
Espace des marchandises
(Xi)
(Yj)
nature
marché

Sur le schéma, on voit que la nature, la technologie


et les préférences sont exogènes. La
critique de Habermas (« La technologie comme
idéologie ») consiste à dire que la technologie
influence les préférences, invalidant le modèle. Les
experts dictent aux consommateurs les
choix à faire (alors que le consommateur est seul
juge de ses préférences) sans qu’il y ait
débat démocratique, sans « agir communicationnel
». Pensez p. ex. au choix fait en 1974
pour l’électricité à base de centrales nucléaires. Ce
choix a été fait dans l’urgence par un
gouvernement, sans discussion au Parlement, suite
au premier choc pétrolier.

1.4.Capitalisme, socialisme, libéralisme, planisme et


politique

Capitalisme : système économique né


spontanément au 16 è siècle sous la forme d’un
Kisme
marchand, puis industriel au 19è et financier. La
détention des ressources initiales (« Capital »
monétaire = argent, et/ou physique = usines,
machines) est le fait d’une classe sociale
dominante.

Socialisme : système économique construit,


caractérisé par l’appropriation collective des
ressources ( économie de propriété publique) et par
le contrôle politique démocratique des
ressource initiales. L’homo oeconomicus est
contraint dans ses choix par l’Etat. A la limite, il
devient un homme nouveau : l’homo sovieticus,
puisque, selon la vulgate marxiste : pour
changer l’homme, il suffit de changer la société.
C’est le holisme (du grec : ολoς (holos) :
entier) qui signifie que le Tout explique les parties .
Les expériences socialistes du 20è siècle
ont échoué parce que les droits de propriété sur les
ressources initiales ont été confisquées, de
fait, par une oligarchie : les membres du Parti
Unique.
Libéralisme économique : doctrine donnant la
priorité à la liberté individuelle dans un cadre
marchand pour arriver à l’optimum économique («
libéralisme manchestérien » : laisser faire,
laisser passer).

Planisme : doctrine donnant la priorité à


l’administration de l’économie plutôt qu’aux
mécanismes du marché pour arriver à l’optimum.

Politique : la microéconomie est-elle « de droite » ?


Au départ, la microéconomie est née avec
le capitalisme industriel et la doctrine libérale. Tout
comme la géométrie est née dans
l’Egypte des Pharaons pour calculer la surface des
terres et l’impôt correspondant. Mais,
comme la géométrie, la microéconomie
contemporaine a échappé à ses origines ! Un
géomètre ne sera pas considéré aujourd’hui comme
le scribe du pharaon et contre les
paysans ! La micro- n’est ni « de gauche » ni « de
droite ». Il est possible de faire du
socialisme et du planisme avec la microéconomie,
et avec la même rigueur scientifique. La
question des choix de système et de doctrine reste
politique, propre à chaque pays en fonction
de son histoire, des préférences de la population,
etc. La Crise de 1929, provoquée par la
spéculation financière, avait jeté un doute sur les
vertus du capitalisme et du libéralisme,
conduisant les économistes à rechercher d’autres
méthodes, à la suite de Keynes. La
microéconomie fut supplantée par la
macroéconomie avec des politiques axées sur la
stimulation de la demande en vue de maintenir le
plein-emploi dans un cadre protectionniste.
Inversement, le premier choc pétrolier de 1973, en
provoquant une inflation forte et en
pointant la rareté à terme des ressources
énergétiques, a conduit les Etats à reprendre des
politiques axées sur le marché dans un cadre de
mondialisation et de déréglementation.
L’échec des économies planifiées socialistes a été
également un stimulant pour étendre les
mécanismes du marché à l’ensemble de la planète,
y compris aux pays les plus pauvres.
10

Leçon 2: la fonction de production de type


Leontief

Nous cherchons à représenter de manière simplifiée


l’ensemble des opérations
conduisant à la production de maïs. Le maïs est un
output. L’output est la quantité du bien
produite ou production : ici 1 tonne de maïs. Pour
réaliser cet output, on a besoin d’inputs.
Les inputs sont les biens produits ailleurs dans
l’économie et utilisés pour produire l’output :
semis, engrais, machines et outils. Il y a aussi des
facteurs primaires de production : terre,
travailleurs, qui ne sont pas produits par l’économie
mais qui sont issus d’un stock initial.

2.1. Un modèle simple du travail à la ferme

Ici, nous cherchons à faire une présentation


pédagogique et il n’est pas utile d’être très
réaliste, c’est-à-dire d’avoir un modèle qui décrit
complètement l’ensemble des opérations, ni
d’être très précis sur le type de maïs produit. Nous
allons donc poser comme hypothèse
simplificatrice que, pour obtenir une tonne de maïs,
il faut 0,2 t de semis de maïs et 0,4 t
d’engrais. Nous verrons ensuite ce qu’il faut faire
pour lever cette hypothèse simplificatrice.

2.2. La technologie de l’économie


Ces proportions entre l’output et les inputs sont
appelées en économie la technologie.
Pour représenter cette technologie, nous utilisons un
graphique simple.

La technologie sur 0z
maïs
engrais
0
0.2
0.4
A
z
B

La demi-droite 0z est le lieu de tous les outputs


possibles qui respectent la technologie,
c’est-à-dire la proportion entre les inputs. C’est un
sentier d’expansion. Pour produire 1t, il
suffit de la proportion donnée par le point A. Pour
faire 2t, il faut doubler les inputs (point B),
etc. C’est un changement d’échelle. On dira que la
technologie est à rendement d’échelle
constant : en multipliant par 2 (ou 4, etc.) les inputs,
on multiplie par 2 (ou 4, etc.) l’output.
11

Le point A est prolongé par deux demi-droites


parallèles aux axes pour indiquer que,
si on ne respecte pas la technologie, on va gaspiller
l’un ou l’autre input. Il y a gaspillage
parce que l’output ne change pas si on ajoute ou
trop de semis ou trop d’engrais.
Pour éviter le gaspillage de l’un ou l’autre input, on
calcule le niveau d’output compte-
tenu de la disponibilité des inputs. Par exemple, si 8
t d’engrais et 2 t de semis de maïs sont
disponibles, on choisira d’utiliser 2t de semis pour
faire 2/0.2 = 10 t d’output de maïs. Comme
la technologie impose 0.4t d’engrais pour 1t
d’output, il faudra 10 x 0.4 = 4 t d’engrais sur 8t
disponible.
Le point A et les demi-droites forment une
isoquante. Sur celle-ci, l’output reste
constant.

2.3. La fonction de production


Nous venons d’établir une relation simple entre
l’output et les inputs. Cette relation est
appelée : fonction de production. L’écriture précise
de la fonction est :

F(x,y) = Min (x/a , y/b)

avec x l’input semis, et y l’input engrais, a = 0.2 et


b = 0.4. L’opérateur Min signifie « le plus
petit nombre entre parenthèses ». Dans l’exemple
du paragraphe précédent, 8 t d’engrais et 2 t
de semis de maïs sont disponibles dans l’économie.
On pourrait produire respectivement 8/0.4
et 2/0.2, soit 20 t d’engrais et 10 tonnes de maïs. Le
plus petit nombre étant 10, l’output sera
de 10.
Son graphe (en trait gras) est donné par la figure
suivante. Au-delà de la quantité de 2t
d’input, il y a gaspillage.
maïs
semis
engrais
2
10
0
Fonction de production

a et b sont appelés des coefficients techniques de


production. Ils représentent une technologie
supposée constante.

.
12

2.4. La matrice inputs-outputs


Le tableau suivant synthétise les résultats sous la
forme d’une matrice inputs-outputs.

0
4
.
0
3
.
0
2
.
0
engrais
maïs
engrais
maïs

La matrice se lit de la manière suivante : pour une


production de 1t de maïs, il faut 0.2t de
maïs sous forme de semis et 0.4t d’engrais ; pour
une production de 1t d’engrais, il faut 0.3t
de maïs. Nous retrouvons bien l’expression d’une
fonction de production. Comme cette
matrice a été proposée par Wassily Leontief en
1941, on nomme cette fonction : fonction de
production de type Leontief.

Nous voyons qu’il est facile d’introduire des inputs


ou des facteurs de production
supplémentaires dans la fonction de production pour
arriver à exprimer l’ensemble des
opérations. Par exemple, si on veut introduire le
facteur de production « temps de travail de
l’agriculteur » (en heures), il suffit d’ajouter une
ligne supplémentaire. La matrice va être
transformée comme suit :

Encadré 1.1.
Wassily Leontief (1906-1999). Né à St Petersbourg
en Russie. Sa thèse, soutenue à Berlin
en 1928 portait déjà sur L‘économie comme flux
circulaire. Professeur à Harvard depuis
1932, il a publié en 1941 La structure de l’industrie
américaine où il utilise des matrices
inputs-outputs pour décrire les échanges entre
branches au sein de l’économie américaine.
Pour ses calculs, il a été dans les premiers à utiliser
le premier ordinateur, le Harvard
Mark 1. Prix Nobel en 1973.
Avant Leontief, Léon Walras avait déjà utilisé des «
coefficients de fabrication » (1874)
en s’inspirant des travaux d’un ingénieur des Ponts
et Chaussées, Achille-Nicolas Isnard
(Traité des richesses, 1781).
13

2
.
0
5
.
0
0
4
.
0
3
.
0
2
.
0
travail
engrais
maïs
engrais
maïs

S’il faut 0.5 h pour produire une tonne de maïs, on


voit que l’inverse du coefficient est
une productivité moyenne du facteur de production
: 1/0.5 = 2 t/h. Cette productivité est dite
apparente car, pour la calculer, on fait comme si
toute la productivité était captée par le
travail sans tenir compte de l’influence des autres
inputs. En termes techniques, on dit que
l’on ne fait pas d’imputation. (cf. leçon 3 : loi de
Wicksell).

Ce système, décrit par une matrice, est parfois


appelé « modèle fermé » parce que la
production ne sert pas à satisfaire une demande
finale, destinée au consommateur, mais ne
sert qu’à la production. Le maïs est à la fois output
et input. Il sert à la fois comme semis et
comme engrais (après une transformation que nous
négligeons). Cette description est donc
irréaliste pour décrire le fonctionnement d’ensemble
d’une économie. En revanche, cette
description est suffisante pour présenter un premier
outil de l’analyse microéconomique : la
fonction de production de type Leontief. Avec un
prolongement important vers la
programmation linéaire au moyen de la méthode du
simplexe (voir annexes 1, 2 et 3 où la
matrice précédente, mise sous forme de matrice
carrée, donc régulière, est inversée pour
calculer le maximum, égal à -min ).

14

15
16

17

Leçon 3 : de la fonction Leontief à la fonction


Cobb-Douglas

La fonction de type Leontief est très utile pour faire


de la gestion de production dans
l’entreprise en utilisant la programmation linéaire.
Néanmoins, les économistes ont vite
compris que cette fonction a des inconvénients.
D’abord, l’hypothèse de fixité des coefficients
inputs-outputs est restrictive. Avec le progrès
technique ces coefficients vont se modifier dans
le temps. L’hypothèse n’est donc valable qu’à court
terme. Ensuite, l’absence de choix entre
plusieurs technologies est peu réaliste. Certes,
quand un choix est fait, il est fait : la
production alors suit une technologie à coefficients
fixes. Mais, avant de produire, l’entreprise
peut envisager différentes technologies et choisir «
la meilleure ». Or, avec une fonction
Leontief, on ne peut pas choisir.

3.1. Le passage d’une isoquante Leontief à une


isoquante standard

Supposons que plusieurs technologies soient


disponibles pour produire un output.
L ‘exemple de la fabrication des boîtiers d’appareils
photo nous servira d’illustration. Un
châssis peut être construit entièrement en
aluminium injecté (remplacé aujourd’hui par le
magnésium moulé par thixotropie, d’où baisse des
coûts par rapport à l’alu), ou
entièrement en polycarbonate à partir d’un moule.
Entre ces deux solutions extrêmes, il y a
des combinaisons possibles avec plus ou moins
d’implants métalliques dans un châssis de
polycarbonate. Le but avec l’aluminium est
d’assurer une rigidité maximale avec des
objectifs lourds, utilisés par les pros du reportage.
Avec le polycarbonate, on arrive à faire
des boîtiers légers et moins coûteux s’ils sont
fabriqués en grande série sur une chaîne de
fabrication robotisée. Ainsi, un grand fabricant va
développer une gamme complète, depuis
un modèle professionnel « tout alu » ou « tout
magnésium » jusqu’à un modèle grand-
public « tout plastique », en passant par des
modèles semi-pro et amateur-expert.

Encadré 2.1 : châssis en magnésium d’un boîtier


professionnel
18

Sur la figure, on a représenté 5 technologies de type


Leontief a, b, c, d, e. Comme on peut
l’observer, par rapport à l’exemple, il n’y a pas de
technologie à 100 % alu ou
polycarbonate, donc située sur les axes. Les
technologies sont combinées entre elles
linéairement mais certaines combinaisons sont
inefficaces, comme a et e. En effet, chaque
technologie permet de produire un seul output-unité
(un châssis) et on voit immédiatement
qu’une combinaison a et e, si elle est possible, n’est
pas efficace : on peut faire aussi bien
avec b et c ou c et d par exemple.

Isoquante avec plusieurs technologies


alu
plastique
a
b
cd
e

On observe que l’isoquante prend une forme proche


d’une courbe. On peut donc
considérer que cet isoquante est une bonne
approximation des combinaisons linéaires de
technologies de type Leontief.
De fait, cette isoquante « standard » peut se
justifier autrement par une loi
économique fondamentale.

3.2. La loi des rendements non proportionnels

A l’origine, on trouve une intuition de Turgot dans un


écrit de 1767 (Observations sur
les mémoires récompensés par la société
d’agriculture de Limoges) : « Les productions ne
peuvent être proportionnelles aux avances ». Les «
avances » sont les semis qui servent
d’inputs à la production de blé. Sur une terre
donnée, plus on augmente l’input, plus l’output
va croître, d’abord à vitesse croissante puis
décroissante jusqu’à un maximum.
En langage moderne, on parle des rendements non
proportionnels. Ces rendements
sont dits « marginaux » pour les distinguer des
rendements « d’échelle » déjà rencontrés avec
la fonction Leontief dans la leçon 2. Les rendements
d’échelle caractérisent l’augmentation de
l’output consécutive à l’augmentation de tous les
inputs dans la même proportion. Les
19
rendements marginaux (ou productivités
marginales) caractérisent l’augmentation de
l’output
consécutive à l’augmentation d’un input, les autres
étant constants.

Cette observation a donné naissance à la fonction


de production moderne, que l’on retrouve
dans tous les ouvrages de microéconomie.

3.3. La fonction de production quasi-concave

Définition de la quasi-concavité : une fonction f est


quasi-concave sur un intervalle I de R si,
pour tout x0 de I, pour tout x1 de I, et pour t [0,1],
on a :

Encadré 2.1.

Anne Turgot (1727-1787), comme économiste, fait


partie des Physiocrates français ( de
physiocratie : gouvernement de la nature) qui
pensaient trouver des lois naturelles dans
l’activité humaine comme il existe des lois
physiques. Pénétré de philosophie
« sensualiste », Turgot prétendait que nos idées
venaient de nos sensations nées de
l’observation et que, à travers les idées , on
retrouvait l’Ordre voulu par le Créateur.
20

A titre d’illustration, dans un manuel classique de la


microéconomie4, nous trouvons la
fonction de production suivante :

(2.1.) f(x,y) = 0.09x2y2 – 0.0001x3y3

C’est une fonction polynomiale à 2 variables du 6è


degré5. Pour simplifier, on considère
l’input y comme un paramètre. Les trois figures ci-
dessous, extraites du manuel de H.& Q
montrent les graphes de la fonction (2.1) pour trois
valeurs différentes de l’input paramétré,
les productivités et les isoquantes.

Nous allons reprendre ces définitions à partir d’un


exemple numérique. Soit la
fonction :

(2.2) f(x) = 0.09x2 – 0.0001x3

obtenue en donnant la valeur unitaire à l’input y.


Cette fonction du 3è degré a une racine évidente
pour x = 0. Elle a un extremum quand la
dérivée première est nulle :
(2.3) f’(x) = 9x/50 – 3x2/10000 = 0.
Elle a un minimum local pour x = 0 et un maximum
pour x = 600.
La dérivée seconde :
(2.4) f’’(x) = 9/50 – 3 x/5000
s’annule pour x = 300 et ne change pas de signe.
C’est un point d’inflexion (H sur la figure).
f’’(0) = 9/50>0 ; x =0 est bien un minimum.
f’’(600) = 9/50 –1800/5000 <0 ; x = 600 est bien un
maximum.
Le graphe exact de la fonction est donné par la
figure 2.2 ci-dessous. Les limites, calculées à
partir de la variable de plus haut degré en
remplaçant x par - et par + , donnent
respectivement :
-0,0001(- )3 = + et -0,0001(+ )3 = -

La courbe de productivité moyenne (PM) est


donnée par l’équation obtenue en
divisant la production totale par la quantité d’inputs
:

4
J.M. Henderson & R.E. Quandt. Microéconomie. Dunod.
Paris. 1970, p.45-47.
5
On ajoute les puissances des variables.
21

0.09x – 0.0001x2

Elle a une racine évidente x = 0 et une racine réelle


x = 900. Elle a un maximum pour x = 450.
La courbe de productivité marginale (Pm) est la
dérivée de l’équation de la production
totale :

f’(x) = 0.18x – 0.0003x2

Elle a une racine évidente x = 0 et une racine réelle


x = 600. Elle a un maximum pour x = 300.
On observe sur la figure 3.2 de H&Q que la courbe
de productivité marginale coupe la
courbe de productivité moyenne en son maximum.
Sur la figure 3.1 de H&Q, le point J est le
point de contact de la tangente à la courbe de
production pour x = 450, quand z/ x = z/x.

Figure 2.2 : graphe de la fonction quasi-concave

22

Figure 2.3 : graphe de la productivité moyenne

Figure 2.4 : graphe de la productivité marginale


23

Figure 2.5 : isoquante f(x) = 300/x

Si nous reprenons enfin l’ équation initiale à deux


inputs x et y, en cherchant l’équation de la
courbe obtenue en coupant la fonction à un cote
donnée, on obtient la courbe isoquante. Sur la
figure 3.3 de H&Q, les trois isoquantes
correspondent à trois cotes différentes. En résolvant
l’équation pour une cote donnée, on obtient trois
solutions dont une seule a une signification
économique, la plus petite racine positive. C’est
l’équation d’une hyperbole équilatère. La
figure 2.5 montre une isoquante solution de
l’équation du 6è degré pour une cote de 5400.

24
3.4. La fonction de production concave : fonction
Cobb-Douglas.

La fonction quasi-concave a un inconvénient : elle


est lourde à manipuler et ne permet
pas d’incorporer facilement les hypothèses et les
lois économiques nécessaires à l’obtention
de résultats théoriques fondamentaux6. C’est
pourquoi, dès 1901 l’économiste suédois Knut
Wicksell proposa une écriture simplifiée qui fut
reprise en 1928 par deux américains, Cobb et
Douglas.
Avec deux inputs ou facteurs primaires de
production, x et y, l’écriture est celle d’une
fonction concave monomiale :
f(x,y) = xa yb
Une fonction f est concave sur un intervalle I de R si,
pour tout x0 de I, pour tout x1 de I et
pour t 0,1, on a :
f(tx0 + (1 - t) x1) t f(x0) + (1 – t) f(x1)

Les paramètres a et b sont des élasticités partielles


qui mesurent de combien de % augmente
l’output quand on augmente l’input de 1%.

Cette fonction étant monomiale, elle est homogène


de degré k = a + b. Depuis Wicksell,
l’hypothèse de la microéconomie est de considérer
que k = 1. Les rendements d’échelle sont
donc constants. Les exceptions à cette hypothèse
sont insuffisantes pour contester cette
hypothèse.
6
La fonction que nous avons étudiée précédemment n’est
pas homogène puisque elle est la somme de deux
monömes de degré différent. Or l’homogénéité est une
propriété qui est importante en microéconomie.
Définition de l’homogénéité

Soit la fonction f(x,y) = xa yb .


Avec t > 0 et k un scalaire appelé degré
d’homogénéité, on a :
f( tx, ty) = tk f(x,y)
Ici : (t x)a (ty)b = ta+b xa yb

25

Des rendements croissants ( k > 1) peuvent exister


avec une technologie où un input est
indivisible. Imaginons une usine d’automobiles
calibrée pour sortir 700 véhicules /j et qui
n’en sort que 200. En pratique, cette situation existe
pour une période de temps courte
(montée en puissance de la chaîne de fabrication ou
chute momentanée des ventes). Il est peu
vraisemblable que cette situation perdure.
L’hypothèse (appelée hypothèse d’additivité) est
donc de considérer que la technologie est
reproductible. Une fois que l’usine 1 a atteint son
objectif d’output, on peut toujours construire une
usine 2, etc. Inversement, l’hypothèse de
divisibilité permet d’adapter la capacité de
production à la demande.
Des rendements décroissants (k < 1) peuvent
exister quand un facteur primaire, donc
non reproductible, (un input, lui, est reproductible à
l’infini) , comme une surface de terre
agricole, est d’une fertilité donnée. (Exemple : on ne
peut pas produire du champagne
partout). Dans tous les autres cas, si la reproduction
est possible, l’hypothèse ne tient plus.
Si la fonction est homogène de degré 1, on peut
l’écrire encore sous la forme simplifiée
suivante :
(2.8) z/y = ( x/y)a

Cette fonction s’appelle fonction de production par


unité d’input y. Si l’input y est la quantité
de travail (en hommes-heures), z/y est l’output par
tête. Si x est le capital-machines, x/y est le
capital par tête.
C’est une fonction puissance croissante puisque a
<1 dont l’étude ne présente pas de difficulté
particulière. Cette fonction est appelée well
behaved function (« fonction bien élevée ») par ce
qu’elle incorpore les hypothèses essentielles de la
microéconomie tout en ayant une
expression mathématique simple.

Exemple 1 : les productivités. On pose a = 0.6 et 1-a


= 0.4 et on prend la fonction :

4
.
0
6
.
0
)
,
(y
x
y
x
f
z

La productivité moyenne de l’input y est de :

6
.
0
4
.
0
6
.
0
)
/
(
/
/y
x
y
y
x
y
z

La productivité marginale est de :

6
.
0
)
/
(
4
.
0
/y
x
y
z

26

En pratique, on peut donc évaluer la productivité


marginale (difficile à connaître) avec
la productivité moyenne (facile à connaître dans le
cas du travail, car celle-ci est approximée
par le CA par employé)

Exemple 2 : le taux marginal de substitution

C’est un rapport de productivités marginales

y
x f
f
R/

Démo : le long d’un isoquant, l’output reste à un


niveau constant C.

C
y
x
f)
,
(

La différentielle totale est :


0
dy
f
dx
f
y
x

D’où :

dx
dy
f
f
y
x /
/
R est donc égal à la pente de la tangente à
l’isoquant en un point donné.

On reprend la fonction de production de l’exemple 1


:

4
.
0
6
.
0
)
,
(y
x
y
x
f
)
/
(
5
.
1
4
.
0
/
6
.
0
/
4
.
0
6
.
0
4
.
0
4
.
0
x
y
y
x
y
x
f
f
y
x

Plus généralement :
)
/
)(
1
/
(x
y
a
a
R

On voit que si y/x augmente, la pente de la tg


augmente.

3.5. Loi de Wicksell et utilisation d’un théorème


attribué à Euler

Avec sa fonction de production, Wicksell a résolu le


problème dit de l’imputation. Il est
possible de calculer la productivité de chaque
facteur ou input. C’est une productivité
marginale obtenue en dérivant partiellement la
fonction par rapport à chacun des inputs ou
facteurs.
Le théorème d’Euler, que nous admettrons,
s’applique à toute fonction homogène de degré
k. Ici k = 1.

y
f
x
f
y
x
f
y
x .
.
)
,
(
27

On dérive à nouveau par rapport à x (ou y) pour


trouver la loi de Wicksell :

y
f
f
x
f
f
x
f
yx
x
xx
x 1
.
/
(.)

d’où :

y
x
f
f
xx
yx /
Comme la productivité marginale de x est
décroissante,
xx
f <0. Donc, quand x/y augmente,
yx
f augmente.
Cette loi est intéressante car elle permet de
rationaliser une intuition : en augmentant la
quantité d’un input comme une machine, on
augmente la productivité d’un autre input
comme le travail.
Application : la mesure de la productivité du travail.
Celle-ci dépend aussi du parc de
capital-machines installé autour de l’employé, et
pas seulement du travail lui-même (La
productivité marginale du travail étant décroissante,
c’est l’augmentation de l’autre input
qui la fait croître). Un employé qui travaille sur un
PC puissant aura une productivité plus
forte, sauf s’il est incapable de l’utiliser. La loi de
Wicksell permet donc d’imputer
l’augmentation de la productivité à chacun des
inputs, respectivement la machine et la
compétence de l’employé.
28

Leçon 4 : coûts et profits, l’équilibre du


producteur

Dans cette leçon va apparaître la notion de


maximisation du profit de l’entreprise.
L’hypothèse de la microéconomie est de poser que
la recherche du profit maximum est
l’objectif premier de l’entreprise. Certes, on peut
opposer d’autres objectifs : recherche du
maximum de chiffre d’affaires, recherche de la
sécurité face aux risques, voire recherche de
l’enrichissement personnel des dirigeants, etc, mais,
dans tous les cas, ces objectifs conduisent
à des résultats nets inférieurs. Il est donc bien
préférable de maximiser le profit quitte à aller
ensuite sur les marchés financiers, pour y faire des
placements, si on recherche la sécurité, ou
s’y endetter, si on recherche un enrichissement
rapide, par exemple. En séparant l’objectif
d’acquisition de celui de l’utilisation du profit,
l’analyse microéconomique montre quelle est
la voie de l’efficacité : séparer l’objectif de profit des
objectifs de l’emploi des profits.

4.1. La recherche d’un équilibre au moyen d’un


calcul d’optimisation libre

Nous partons d’une fonction de production Cobb-


Douglas, continue et dérivable deux
fois f(x,y), avec x et y les quantités d’inputs ou de
facteurs. Face à cette technologie qui
définit un ensemble de possibilités de production,
l’entreprise se trouve maintenant confrontée
à des prix qui s’imposent à elle. L’entreprise est dite
price taker. Cette hypothèse d’équilibre
partiel suppose donc que l’entreprise a une taille
insuffisante dans sa branche d’activité pour
imposer des prix aussi bien à l’achat d’inputs qu’à la
vente de son output.
Le profit est la différence entre les recettes et les
coûts. Les recettes sont égales au
volume d’output valorisé par le prix de l’ouput p.
Les coûts sont la somme des inputs
valorisés chacun par le prix unitaire px et py . Le
profit P est donc égal à :

(4.1) P = p f(x,y) – x px - y py

Comme nous cherchons à maximiser le profit, les


conditions du premier ordre imposent que
les dérivées partielles premières P’x et P’y soient
nulles. Pour avoir un maximum local, les
conditions suffisantes du second ordre imposent que
la matrice dite hessienne des dérivées
partielles secondes soit définie négative.
Les conditions du premier ordre conduisent à
interpréter économiquement l’égalité
entre px et et pf’x comme l’égalité entre le prix de
l’input et sa productivité marginale en
valeur. C’est une interprétation conforme au sens
commun : si x représente le facteur travail,
alors on dira que l’entreprise embauche tant que le
coût salarial unitaire (ou salaire) px est
inférieur ou égal au supplément de chiffre d’affaires
retiré. Il en est de même pour le second
input. Cette interprétation est soumise à
l’hypothèse d’information parfaite : on suppose que
le producteur a une connaissance parfaite de la
productivité des employés (consommateurs-
salariés). En pratique, cela est faux : avec
l’hypothèse d’information imparfaite, le salarié peut
avoir un comportement caché (facteur X de
Leibenstein). Par exemple : dissimuler sa
véritable productivité s’il est efficient, parce que le
salaire est le même pour tous, efficient et
non-efficient. En travaillant vite et moins, il se
réserve ainsi du temps de loisir. L’ingénieur
Boris Vian, employé par une administration, n’était
pas souvent au bureau mais jouait de la
trompette dans les caves de St Germain des Près !
Les conditions du second ordre sont données par la
matrice H :
29

yy
yx
xy
xx
P
P
P
P

Comme la fonction f est deux fois dérivable, les


dérivées secondes croisées sont égales
(théorème de Young) et la matrice est donc
symétrique. H est d’ordre 2. Dans ce cas H est
définie négative si le premier mineur principal A1 est
négatif et le second A2 positif7. Ici :
P’’xx < 0 et P’’xx P’’y y - P’’xy P’’yx > 0. C’est une
condition suffisante pour avoir un
maximum.

Une autre interprétation économique est de dire que


le profit P étant la différence entre
une recette totale RT et un coût total CT, la dérivée
par rapport aux quantités d’output
représente la différence entre une recette marginale
et un coût marginal. A l’optimum, on a
donc égalité entre recette et coût marginaux.

0
'
'
'
CT
RT
P

En faisant le rapport entre les deux équations des


dérivées partielles premières, on
obtient un autre résultat :

(4.2) f’x/f’y = px/py.


Le rapport des productivités marginales est appelé
taux marginal de substitution (TMS). En
calculant la différentielle totale de la fonction de
production f, on obtient :

(4.3) df = f’x dx + f’y dy

Comme, par définition, le long d’une isoquante


comme la figure 4.1. l’output est constant, on
a:

(4.4) f’x/f’y = - dy/dx.

Or –dy/dx est la pente de la tangente en un point


de l’isoquante.

7
Le mineur Ai est obtenu en supprimant les (n – i) dernières
lignes et les (n – i) dernières colonnes.
30

Figure 4.1 : isoquante et TMS


équilibre
x
y

Autre résultat : la loi dite « de l’épuisement du


produit »

On part du théorème d’ Euler :


y
f
x
f
y
x
f
y
x
)
,
(
On multiplie à gauche et à droite par p :

y
pf
x
pf
y
x
pf
y
x
)
,
(

On remplace, à droite, pfx et pfy par le prix des


inputs : px et py

y
p
x
p
y
x
pf
y
x
)
,
(

Cette équation signifie que la production en valeur


(ou « produit ») est entièrement répartie
(«épuisée ») par la rémunération (ou revenu) des
facteurs de production. Cela signifie que
l’entreprise, en régime de rendements d’échelle
constants, répartit son revenu entre les
apporteurs d’inputs, sans faire de profit anormal, ce
qui serait le cas avec des rendements
croissants. Logique car rendements croissants et
monopole ou oligopole vont de pair (cf.
leçon 11).

31

4.2. Le passage aux coûts et la dualité

Nous considérons que l’entreprise détermine le


coût total CT de sa production en
distinguant, à court terme, des coûts fixes CF et des
coûts variables. A long terme, la
distinction tombe puisque tous les coûts deviennent
variables : l’entreprise peut ajuster sa
taille à sa part de marché.
(4.5) CT = CF + pxx + pyy
x et y étant deux inputs variables avec le niveau de
l’output.
Concrètement, on peut penser à une entreprise de
transport par bus. L’amortissement des bus
et les charges de personnel sont des coûts fixes. Le
gasoil x et l’entretien courant du parc y
sont des inputs variables avec le niveau de
l’activité.
En exprimant l’input y par rapport à l’input x, on
retrouve l‘équation d’une droite de la
forme :
(4.6) y = (CT-CF)/ py – (px/py) x

Puis, si l’entreprise cherche à atteindre un niveau


donné d’output, elle sera amenée à
minimiser ses coûts. C’est la situation illustrée par la
figure 4.1. où la droite tangente à la
courbe isoquante est justement la droite d’équation
(4.6).Or cette figure décrivait aussi une
maximisation sous contrainte. C’est un résultat
important de l’équilibre de l’entreprise :
maximiser le profit sous contrainte de coûts et
minimiser les coûts sous contrainte de
production sont des problèmes duaux. Nous allons
le démontrer.
Détaillons le programme de minimisation de (4.5)
sous la contrainte d’une fonction de
production continue et dérivable deux fois f(x,y).
Nous sommes en présence cette fois-ci d’un
problème d’optimisation qui se résout en utilisant
une fonction de Lagrange ou Lagrangien L.
Il s’agit simplement d’une combinaison linéaire de la
fonction-objectif et de la (ou des )
contraintes au moyen d’une variable appelée
multiplicateur de Lagrange :

(4.7) L = CF + pxx + pyy - [ f(x,y) – z]

Les conditions du premier ordre consistent à annuler


les dérivées partielles premières de L par
rapport à x, y et . :

L’x = px - f’x = 0

L’y = py - f’y = 0

L’ = f(x,y) – z = 0

La condition de l’équilibre est à nouveau


l’égalisation du TMS avec les rapport du prix des
inputs variables :
32

f’x/ f’y = px/ py

Les conditions du second ordre font intervenir une


matrice hessienne « bordée » Hb définie
positive. Une matrice hessienne bordée Hb est une
matrice hessienne « bordée » avec le
vecteur-gradient des dérivées premières en colonne
1 et sa transposée en ligne 1. On complète
enfin la matrice par un 0 en haut à gauche .

0 - f’x - f’y

- f’x - f’’xx - f’’xy

- f’y - f’’yx - f’’yy

Pour un minimum Hb doit être définie négative. La


condition est qu’il y ait une alternance de
signes pour les (n-i) derniers mineurs principaux, le
premier étant négatif. Ici les deux
derniers sont :
A2 = 0 – 2 f’x f’x
(On enlève (3-2) dernières lignes et colonnes)
qui est bien négatif.
A3 est le déterminant de Hb. A titre d’exercice on
vérifiera qu’il est positif.

Reprenons maintenant le calcul d’optimisation libre


de 4.1 et transformons-le en une
optimisation liée pour la recherche d’un maximum:
L = pf(x,y) - [x px + y py -CT]
Les conditions du premier ordre sont :
L’x = pf’x - px = 0
L’y = pf’y - py = 0
L’ = xpx + ypy – CT = 0

Les conditions du second ordre sont données par


une matrice Hb que l’on établira à
titre d’exercice. On vérifiera aussi que Hb est définie
positive en montrant que ses mineurs
principaux sont tous positifs.

En comparant les conditions du premier ordre pour


un maximum et pour un minimum,
on voit immédiatement la dualité.
33

Remarque importante : cas où les conditions du


premier ordre sont suffisantes pour
avoir un maximum lié.
En règle générale, l’optimisation en microéconomie
consiste à maximiser une fonction-
objectif qui est concave sous des contraintes qui
sont linéaires. Dans ce cas, le Lagrangien est
concave et, donc, les conditions du premier ordre
suffisent.

Autre résultat : on part de (4.7) et on dérive par


rapport à z.

z
L/

La dérivée de la fonction de coût total quand z =


f(x,y) est égale à lambda. Donc lambda est le
coût marginal à l’optimum. (application d’un
théorème dit de l’enveloppe)

4.3. Représentations graphiques usuelles des


courbes de coûts et de l’équilibre partiel

Nous allons maintenant représenter les courbes de


coût, moyen (CM) et marginal
(Cm). Ces courbes sont issues d’une fonction de
production quasi-concave à partir des
courbes de productivité, moyenne et marginale. Le
théorème de dualité nous permet
d’admettre (sans démo) que les courbes de coût et
de productivité sont symétriques : si la
productivité est croissante, les coûts sont
décroissants, et inversement. La différence
d’échelle
entre les courbes vient des coûts fixes (CF) : ceux-ci
existent même si la production est nulle
alors que les productivités sont nulles si l’output est
nul.
34

remarque : pour le moment, ne pas prendre en


compte la droite p, ni le point E.

Nous allons maintenant établir la courbe d’offre


pour une production selon une fonction CD
homogène de degré 1.

On part de la fonction :

4
.
0
6
.
0
)
,
(y
x
y
x
f

que l’on écrit « par tête » :

y
y
x
y
y
x
f/
/
)
,
(
4
.
0
6
.
0

ou :

6
.
0
)
(X
X
f

avec X=x/y

L’équilibre du producteur est donné par la dérivée


du profit P :
CM
Cm
q
Coûts, prix
Courbes de coût issues d’une f. de production
quasi-concave
et équilibre en concurrence parfaite
CF
p
E
35

X
p
pX
P
x
6
.
0

soit :

0
6
.
0
4
.
0
'
x
p
X
p
P

On en tire la fonction de demande d’inputs :

4
.
0
/
1
)
/
6
.
0
(
x
p
p
X

La fonction d’offre est obtenue en injectant la f. de


demande d’inputs qu’on vient de calculer
dans la fonction de production :

2
/
3
)
/
6
.
0
(
)
(
x
p
p
X
f

Cette fonction est bien croissante, pour un px


donné, en fonction de p. La démonstration est
donc faite qu’une fonction d’offre existe et a une
forme précise, selon les paramètres
techniques de la fonction de production.
q. d’output
Prix de l’output

36

Leçon 5

Le comportement du consommateur et la
demande finale
pour les biens

Le traitement du consommateur est simple en


microéconomie. Il « produit » un output appelé
« utilité » au moyen d’inputs qui sont les biens de
consommation qu’il achète sur les marchés.
On suppose qu’il est rationnel comme le producteur.
Il maximise cette utilité sous une
contrainte qui est celle de son revenu. En l’absence
de crédit, il ne peut pas consommer plus
que son revenu. En l’absence d’épargne, il ne peut
pas consommer moins. L’utilité et les
biens consommés sont reliés par une relation
fonctionnelle : la fonction d’utilité qui est donc
rigoureusement identique à une fonction de
production.

1. L’individualisme méthodologique

Le postulat est celui d’un individu « rationnel » qui


se comporte comme un producteur
d’utilité. La révolution marginaliste des années 1870
a mis au premier plan le concept d’utilité
que les Classiques négligeaient. En fait, les
marginalistes ont repris le concept d’utilité
marginale, pas celui d’utilité totale sur lequel les
Classiques avaient déjà défini le concept de
valeur d’usage et sur lequel les philosophes anglais
« utilitaristes » (Bentham : 1748-1832)
avaient construit une théorie de l’action humaine en
termes de calcul mathématique de plaisirs
et de peines.
Dans un premier temps, les marginalistes ont cru,
suivant Bernouilli (cf. infra) que
l’utilité était mesurable. Ils s’inspiraient des travaux
de physiologistes comme Ernst Weber
(1795-1878) et Gustav Fechner (1801-1888) à
l’origine d’une « loi » reliant par une
fonction positive le niveau de sensation et le log du
stimulus. Ces chercheurs voulaient, à
la suite des philosophes utilitaristes, trouver un
passage entre le fonctionnement du corps
humain et le fonctionnement de l’âme humaine. A
partir de Pareto (1900), l’utilité devient
une grandeur repérable, de nature purement
ordinale.
L’idée de la décroissance de l’utilité marginale, base
de toute la théorie, avait été émise
dès 1738 par le mathématicien Daniel Bernouilli
pour résoudre le « paradoxe de St
Petersbourg ». (http://www.techno-
science.net/?onglet=glossaire&definition=6376).
John von
Neumann reprendra en 1944 dans Theory of games
and economic behaviour cette conception
avec une fonction d’utilité qui, dans une certaine
mesure, est cardinale. Du reste, von
Neumann reste dans la lignée des chercheurs
physiologistes avec ses recherches sur les
automates et les « machines mathématiques ». En
définitive, le consommateur est considéré
comme un robot maximisateur réagissant à des
stimuli.
Cette conception réductrice est aujourd’hui
largement dépassée par la nouvelle
microéconomie, fondée sur la théorie des jeux. Tout
en conservant l’individualisme
méthodologique et la rationalité, la nouvelle
microéconomie introduit l’incertitude et les
anticipations.

37

2. Première expression d’une fonction de demande :


par une équation comptable

On part de l’égalité comptable : ressource R =


emploi

L’emploi est une quantité q de bien consommé, à un


prix p.

On suppose que le consommateur attribue une part


de sa ressource, aR, à la consommation de
ce bien. Le paramètre a est un coefficient
budgétaire.

On a donc : aR = p.q. avec 1


0a

On en tire la demande q = aR/p.

Cette formulation triviale est utilisée en marketing


sous le nom de : méthode des ratios en
chaîne.
Exemple : demande pour un vidéo-projecteur à un
niveau de prix donné. On part du revenu de
la population-cible concernée. On multiplie par la
part en % dédiée aux loisirs, multipliée par
la part des loisirs consacrée à l’audiovisuel,
multipliée par la part de l’AV consacrée à la
projection vidéo.

3. Deuxième expression d’une fonction de demande


: par une fonction de Pareto

10 vendeurs sont libres du prix auquel ils vendent


un produit. A la fin de la journée, un
classement des vendeurs est fait en fonction des
quantités vendues.

rang quantité cumul


1 100 100
2 50 150
3 33 183
4 25 208
5 20 228
6 16 244
7 14 258
8 12 270
9 11 281
10 10 291
38

On voit que 2 vendeurs sur 10 (20% des vendeurs)


réalisent 86 % des ventes. C’est la loi de
Juran (ou loi « 80-20 ») tirée de la loi de Pareto.

L’équation de la loi ici est :

a
r
q1

avec a = 1.

Sous cette forme, c’est la loi de Zipf.

De très nombreux phénomènes, naturels ou


sociaux, se distribuent statistiquement selon une
loi de Pareto.

4. Troisième expression d’une fonction de demande :


par une axiomatique des choix

Le consommateur est « rationnel ». Il classe les


paniers de l biens (vecteurs) selon une relation
binaire R qui est un préordre.
Un préordre est une relation binaire réflexive et
transitive. Avec l’opérateur
(« au moins aussi désiré que »), on a : x1 x1
et,
si x1 x2 et si x2 x3 alors x1 x3

Ce préordre est complet : tous les couples sont


comparables entre eux. Ou x1 x2, ou x2 x1,
ou les deux (dans ce cas il y a symétrie et la relation
binaire est dite relation d’équivalence).

0
20
40
60
80
100
120
rang
qu
an
t
it
é
rang
quantité
39

Les paniers de biens sont des vecteurs appartenant


à un sous-ensemble de l’espace euclidien
Rl, appelé ensemble des consommations possibles.
Cet ensemble X est convexe.

La relation binaire R est supposée continue. Cet


axiome de continuité est nécessaire pour
passer à une fonction d’utilité. Avant de procéder à
ce passage, remarquons que la continuité
n’est pas du tout acceptée par les praticiens du
marketing qui estiment au contraire que le
consommateur classe les paniers de biens selon un
ordre lexicographique (= celui du
dictionnaire où A est consommé avant B, B avant C,
etc). Si A représente un bien de première
nécessité comme l’eau et B un bien comme le pain,
on peut penser que l’eau est d’abord
consommée, puis le pain. Dans ce cas, il n’y a pas
continuité. L’axiome de continuité suppose
au contraire que le consommateur « mélange » eau
et pain. D’une manière générale, le
consommateur répartit sa consommation de biens
de manière équilibrée.

L’ordre lexicographique est une relation d’ordre :


réflexive, transitive et antisymétrique (= si
le mot a précède le mot b et si le mot b précède le
mot a, alors a et b sont les mêmes mots).

Si on admet la continuité de la relation de préordre


complet, on peut démontrer (théorème de
Debreu) qu’il existe une fonction d’utilité u , quasi-
concave, dérivable 2 fois, comme la
fonction de production., telle que, si x1 x2 alors
u(x1) u(x2).

Le fait que la fonction d’utilité ait les mêmes


propriétés que la fonction de production entraîne
que les mêmes outils d’analyse existent :

La courbe isoquante s’appelle courbe d’indifférence


: le lieu de tous les couples de
biens pour lesquels le niveau d’utilité reste
constant.
Le taux marginal de substitution décrit les choix
marginaux entre deux biens
consommés.
La fonction de production Cobb-Douglas homogène
de degré 1 est ici la fonction
d’utilité standard de la microéconomie. Notons
néanmoins une différence importante
entre les deux fonctions : la concavité de la fonction
d’utilité Cobb-Douglas peut poser
problème parce que l’utilité est ordinale,
contrairement à un output qui est de nature
cardinale. L’ordinalité de l’utilité fait que celle-ci
n’est définie qu’à une fonction
monotone croissante près. Or une telle
transformation peut transformer une fonction
concave en une fonction non-concave. L’exemple
trivial suivant le montre : F[u(x,y)]
avec u(x,y) = x ½ y½ et F(u) = u2. La fonction x.y
qui en résulte a une matrice H
indéfinie.
L’équilibre du consommateur est le même que
l’équilibre du producteur et la dualité
s’applique.

Il maximise son utilité sous contrainte de revenu R


= x.px + y.py
Soit le Lagrangien L = u(x,y) - [x.px + y.py - R ]

Les conditions marginales pour avoir un maximum


sont les mêmes que pour le producteur :

y
x
y
x
p
p
u
u
'
'

Le TMS est égal au rapport de prix, à l’équilibre.


40

Si on dérive L par rapport à R, on obtient l’utilité


marginale du revenu égale donc au
multiplicateur de Lagrange :
R
L/

Ce dernier mesure donc la variation de la variable-


objectif quand on fait varier la valeur R de
la contrainte.

La dualité s’écrit ici avec le Lagrangien à minimiser :


L = x.px + y.py - [ u(x,y) – u°] avec
u° un niveau donné d’utilité (comme pour le
producteur : minimiser le coût total pour un
niveau donné d’output).

A partir de la fonction d’utilité et du comportement


de maximisation, il est possible de
déterminer une fonction de demande dite M (pour
Marshall).
Soit, par exemple, la fonction d’utilité f(x,y) = x 1/4 y
3/4 à maximiser sous la contrainte
de revenu R = x.px + y.py.
En exprimant les conditions du premier ordre par
rapport aux biens demandés x et y,
on obtient pour la demande du bien x :
x = 0.25R / px ou : x = 0.25 R. px-1
et pour le bien y :
y = 0.75 R / py ou : y = 0.75 R. py-1

On voit que la demande est fonction directe du


revenu et inversement proportionnelle au
niveau du prix. De plus, les coefficients de la
fonction d’utilité Cobb-Douglas s’interprètent
ici comme les parts relatives du revenu total
consacrées à la consommation de chaque bien.

En généralisant à une fonction u(x,y) = x a y b on a


une fonction de demande de la forme :

x = [a / (a + b)] . R / px

Le graphe de ces fonctions de demande sont ceux


d’une fonction puissance. Ils sont
communément utilisés comme exemple de fonction
de demande « directe » f(p)dans la
littérature. Très souvent, on préfère prendre la
demande dite « inverse », ou fonction
réciproque f -1 en mettant le prix en ordonnée. C’est
une convention usuelle. Tout dépend ce
que l’on veut calculer : les élasticités (demande
directe) ou la recette de l’entreprise qui vend
à un prix p une quantité x (demande inverse).
41
Prix p
x
Quantité x
Figure 5.1 : demande iso-élastique

Cette fonction de demande est appelée «


marshallienne » (de Alfred Marshall, économiste
anglais) ou fonction M.
On voit que la variation de la demande suite à une
variation de prix est toujours de signe
opposé. Il arrive parfois d’observer une anomalie,
appelée « loi de Veblen » pour certains
biens de luxe : la demande augmente quand le prix
augmente. Cela est dû à un effet du prix
sur les préférences des agents (donc sur le
coefficient budgétaire). Cela ne remet pas en cause
l’universalité de loi de la demande.

Calculons les élasticités- prix et -revenu.


L’élasticité-prix de la demande p se définit comme la
variation de demande entraînée par une
variation du prix de 1 %. En termes plus rigoureux,
c’est le rapport : d log x / dlog p pour le
bien x. On voit immédiatement que cette élasticité
est toujours la même, quel que soit le bien,
égale à –1 quel que soit le prix.
L’élasticité-revenu de la demande r se définit
comme la variation de demande entraînée par
une variation du revenu de 1 %. En termes plus
rigoureux, c’est le rapport : dlog x/ dlog R
pour le bien x. L’élasticité est toujours la même,
égale à + 1.

Dans la pratique, on observe que les élasticités sont


différentes selon les biens. Ce qui prouve
bien que les fonctions de demande sous-jacentes
sont beaucoup plus compliquées que les
fonctions M et donc n’ont rien à voir avec des
fonctions d’utilité Cobb-Douglas homogènes
de degré 1, postulées par la théorie. En France,
l’INSEE publie des estimations d’élasticités
par grandes fonctions de consommation à partir
d’enquêtes sur le budget des familles.

5. Quelques fonctions de demande usuelles utilisées


pour les tests empiriques

La demande de liquidités L est exprimée pour tenir


compte des deux motifs de détention
d’encaisses : le motif de revenu avec une élasticité
de a et le motif de spéculation avec une
semi-élasticité de b.
42

L’écriture est donc :


L = L0 Ra e –bi

L0 est un stock initial de monnaie car, contrairement


aux autres biens de consommation, la
monnaie peut être stockée longtemps.

En écriture log on a :
log L = log L0 + a log R - bi log e

On voit que l’élasticité de la demande par rapport


au revenu est positive. La semi-élasticité (d
log L / d i) par rapport au taux d’intérêt est
négative. Semi-élasticité car le taux d’intérêt étant
déjà un %, son taux de croissance ne veut rien dire.
En revanche sa variation a une
signification pour répondre à la question : « De
combien de % varie la demande L quand le
taux d’intérêt passe de 3 % à 4 % ? »

La demande linéaire est couramment utilisée pour


les tests empiriques soit sous sa forme
« directe » : D(p) = - a.p + b avec a et b les
paramètres à estimer soit sous sa forme
« indirecte » : D’(q) = - a’.q + b’.
Le principal inconvénient de cette spécification est
que l’élasticité-prix n’est plus constante
mais varie le long de la droite sauf dans les cas
limites où l’élasticité est soit nulle soit infinie.
Prenons une demande « directe » représentée par la
figure 5.2.

0p
q
p
0
q
0
e = -dq/dp
Figure 5.2 : élasticités avec une demande linéaire

On voit que pour p = 0, l’élasticité est nulle.


Inversement, quand q tend vers 0. L’élasticité
tend vers l’infini.
Attention : avec une demande « inverse », cas
présenté usuellement, les élasticités sont
inversées. Ainsi, on présente la demande du
consommateur sous la forme suivante (Figure
5.3) quand l’entreprise est « price-taker » : pour ce
prix de marché qui s’impose à elle, elle
43

peut vendre toute sa production. On considère donc


ici que l’élasticité-prix de la demande est
infinie, et se confond avec la pente de la droite de
demande.

p
q
D(q)
Figure 5.3 : Demande infiniment élastique

Parfois, pour supprimer l’inconvénient de la


variabilité de l’élasticité le long de la droite, on
calcule une « élasticité d’arc » en calculant un prix
moyen et une quantité moyenne à partir
de deux bornes. Si, par exemple, le prix du bien a
baissé de 45 à 30 et que les quantités ont
augmenté de 355 à 518, alors : q = (518 – 355) ; q
= (518- 355)/2 = 436,5 ; p = 30-45 ;
p = (30 + 45)/2 = 37,5.

L’élasticité est de – 0,93.

Note : si la demande est linéaire, la fonction d’utilité


correspondante n’est plus de la forme
Cobb-Douglas.
6. La fonction de demande « hicksienne »

Nous allons cette fois-ci minimiser la fonction


d’emploi du revenu R sous contrainte d’un
niveau donné d’utilité u° = u(x,y) En vertu du
théorème de dualité, nous pouvons
remplacer dans la fonction d’utilité les quantités
demandées x et y par les demandes M qui
correspondent à un équilibre pour le consommateur.

u° = (aR/px)a . ((1-a)R/py)1-a

ou encore :
u° = R [ aa (1-a)1-a] (1/px)a (1/py)1-a

44

Comme l’utilité est définie à une constante près ici,


on peut supprimer l’expression entre
crochet.

On résoud par rapport à R :

R = u° pxa py1-a

La demande H s’obtient en dérivant R par rapport


aux prix. Pour le bien x :

dR/ d px = x = a px a-1 py 1-a u°

Pour l’autre bien y, on a :

y = (1 – a) px a py -a u°
On observe un effet de substitution entre les biens
selon les variations de prix relatif. D’une
manière générale, en microéconomie standard, tous
les biens sont substituables entre eux. Il
n’y a pas de bien complémentaire en raison de la
forme continue des fonctions d’utilité,
excluant une forme de type Leontief.
Les élasticités croisées permettent de mesurer la
substitution ou la complémentarité entre les
biens. Ainsi, en faisant dlog x / dlog py , on a
l’élasticité croisée entre la demande x et le prix
du bien y, égale ici à ( 1 – a). Donc toujours positive
puisque a < 1.
Notons aussi que les élasticités–prix directes sont
maintenant différentes de 1. Elles dépendent
du paramètre a qui est un paramètre de
comportement supposé stable dans le temps. On
voit
que plus la préférence pour un bien est forte
(paramètre a proche de 1), plus l’élasticité-prix
directe est faible, et inversement. Ce qui est
logique.

Dans la réalité, la complémentarité (poudre de café


et eau) existe à côté de la substitution
(bus ou voiture). L’INSEE calcule des élasticités
croisées à partir d’enquêtes sur le
comportement des ménages. Si l’élasticité est
positive, les biens sont substituables. Si elle est
négative, les biens sont complémentaires.

7. Synthèse : l’équation de Slutsky


Commençons d’abord par une illustration (figure
5.4).

45

r
r0 r1
r’
r’
x
y
E0
E1
E’
Figure 5.4 : relation de Slutsky (1)

En E0 le consommateur est en équilibre : en ce


point, la tangente de la courbe d’indifférence
et la pente de la contrainte de revenu rr° sont
égales. Que se passe-t-il si le prix du bien x
baisse ? L’équation de demande M nous donne un
nouveau point d’équilibre en E1. Le
consommateur consomme plus de bien x, mais
aussi plus de bien y car son pouvoir d’achat
s’est accru. Deux effets s’ajoutent : un effet de
substitution et un effet de revenu. Pour isoler
l’effet de substitution, on déplace la droite de
revenu rr1 vers r’r’. Ainsi est éliminé l’effet de
revenu. Le point d’équilibre E’ représente un état où
le consommateur consomme plus de bien
x dont le prix a baissé et moins de bien y.
Cette présentation simple a l’inconvénient de
montrer un effet de substitution (passage de E0
à E’) avec un déplacement de la courbe
d’indifférence. Il est plus logique de montrer cet
effet
le long d’une même courbe d’indifférence. C’est la
raison d’être de la fonction de demande H
puisque celle-ci est construite avec un niveau
d’utilité constant. La figure 5.5 montre cette
nouvelle présentation. L’effet de substitution (E0-E’)
laisse le niveau d’utilité constant. Puis
l’effet de revenu fait passer l’équilibre en E1.

46

r
r0 r1
r’
r’
x
y
Figure 5.5 : relation de Slutsky (2)
E0
E’
E1

Pour formaliser ces deux effets, l’économiste Eugen


Slutsky a présenté une équation dans
laquelle l’effet total, égal à une variation de
demande M, se décompose en deux effets : effet
de substitution et effet de revenu.

La demande M et la demande H sont liées comme


nous l’avons vu. Pour calculer H, nous
sommes partis de M en l’injectant dans u. Or R = u°
px a py -a
Nous pouvons écrire :
H(px, py ) = M (px, py, R(px, py))
En dérivant (dérivation d’une fonction composée) :

)
)(
(
x
x
x dp
dR
R
M
p
M
p
H

D’où :

)
)(
(
x
x
x dp
dR
R
M
p
H
p
M

C’est l’équation de Slutsky.


La variation totale de la demande M (signe négatif)
se décompose en la somme de deux effets
à signe négatif : 1°) La variation de la demande H le
long d’une courbe d’indifférence, donc à
utilité constante, et 2°) La variation de M due à
l’augmentation du revenu réel, c’est-à-dire à
l’augmentation de R due à la baisse du prix de x

A quoi sert cette équation ?


Dans la pratique, des résultats contre-intuitifs sont
visibles grâce à cette équation.
1°) Cas d’un bien dit « inférieur » : un bien inférieur
est un bien dont l’élasticité-revenu est
inférieure à 1. Un bien sera supérieur si l’élasticité-
revenu est supérieure à 1.(Avec une CD
homogène de degré 1, l’élasticité est toujours
positive et égale à 1. Il n’y a pas de bien
inférieur ni supérieur, juste des biens « normaux »).
On parle parfois de « l’effet Giffen ».
Dans ce cas R
M > 0. Et si l’effet revenu est supérieur (en valeur
absolue) à l’effet de
47

substitution, alors la demande M diminue. Il peut


s’agir de tout bien inférieur : dans un pays
pauvre, quand le prix d’un produit alimentaire de
base diminue, sa demande peut diminuer si
l’augmentation de pouvoir d’achat se porte sur un
bien « normal ». Autre exemple souvent
cité : le travail au noir. Si la répression du travail au
noir augmente, le revenu illégal de
l’individu diminue et si le travail au noir est un bien
inférieur (contrairement au travail
déclaré), il demandera plus d’activités illégales
parce que l’effet de substitution (au profit du
travail déclaré) est faible.
2°) Cas de l’offre de travail : l’individu répartit sa
journée entre travail et loisir. L’offre de
travail et la demande de loisir sont symétriques et
dépendent du salaire.
Si le salaire augmente, le revenu augmente et si
l’effet-revenu l’emporte sur l ‘effet de
substitution, la demande de loisir augmente ou
l’offre de travail diminue.
C’est l’explication de la courbe « atypique » d’offre
de travail (figure 5.6). Pour des niveaux
élevés de revenu, le loisir va largement l’emporter
sur le travail.

q. offerte
de travail
Prix du
travail=salaire
Figure 5.6: offre atypique de travail
48

Leçon n°6 : l’équilibre de concurrence


parfaite sur un
marché

L’équilibre sur un marché pour un seul bien est


encore appelé équilibre partiel (pour le
distinguer de l’équilibre général).

Le régime de concurrence parfaite est un régime


limite : il n’est pas très réaliste,
contrairement à la concurrence imparfaite, mais
permet d’obtenir des résultats élégants et
surtout utiles pour la politique économique (quand
l’Etat intervient). En ce sens, on est plus
proche de l’économie normative que de l’économie
positive.

6.1. Agrégation des demandes et offres individuelles


pour un bien

Jusqu’ici, on a utilisé des fonctions individuelles. On


va maintenant agréger ces fonctions
pour avoir une demande et une offre de marché
pour un bien. Cette agrégation pose de
redoutables problèmes de méthode sur lesquels
nous choisissons de passer en posant que :
Il y a sur un marché un comportement d’offre
moyen qui prend en compte les comportements
individuels. Il en est de même pour la demande.

Ainsi, nous parlerons du consommateur et du


producteur en sachant que ces agents sont fictifs
et représentent en moyenne les agents individuels.

6.2. Les conditions requise pour la concurrence


parfaite

Atomicité : la branche qui produit le bien est


composée d’un nombre important de
producteurs, aucun n’ayant un pouvoir de
monopole.

Homogénéité : le bien est standardisé, fabriqué de


la même façon par tous les producteurs.

Fluidité : le bien circule librement sans entraves,


fiscale ou douanière.

Information parfaite : producteur et consommateur


partagent la même information sur la
qualité du bien.

Pas de barrière à l’entrée : tout entrant potentiel a


la possibilité de produire en faisant un profit
normal de concurrence.

6.3. L’équilibre

Il est réalisé quand l’offre est égale à la demande.


On sait que l’offre est une fonction de puissance
avec un exposant positif et la demande est
une fonction de puissance avec un exposant négatif.
49

2
/
3
/
6
.
0
)
(
x
p
p
x
f
z

avec z le niveau de l’output, x l’input par tête, p le


prix de l’output, px le prix de l’input.

On pose px=1

Et pour la demande :

1
.
8
.
0p
R
z

(Fonction de puissance tronquée pour R+).

On pose R = 100.

On obtient par égalisation :

84
.
7
20
.
10
p
et
z

Cas spéciaux :

50

1/ Equilibre à prix fixe (dit « baril de lessive ») :

C’est un cas courant dans l’industrie. A court terme,


la firme fixe un prix en tenant compte de
son coût moyen et en ajoutant une marge. Ce prix
ne varie pas même si la demande change.
On voit aussi que l’élasticité prix de l’offre est
infinie.

2/ Equilibre à offre fixe (dit « poisson frais ») :

C’est le cas d’un bien non stockable. Selon la


quantité offerte à un instant donné, le prix
d’équilibre dépendra du niveau de la demande. On
trouve aussi cet équilibre sur le marché
monétaire où l’offre de monnaie centrale dépend de
la Banque Centrale.
Sur le marché « monétaire », l’offre est donnée par
la banque centrale et le prix (taux
d’intérêt) est déterminé à l’intersection avec la
demande, laquelle se déplace en fonction de R.

On voit aussi que l’élasticité -prix de l’offre est égale


à 0 (offre rigide).

En macroéconomie : on retrouve le même schéma


de l’équilibre entre une offre et une
demande globales. Le niveau des prix est souvent
remplacé par la variation ds prix dans le
temps (ou : inflation). L’output gap mesure l’écart
entre la production réalisée y et la
production potentielle de plein-emploi. Ce gap est
nul quand l’équilibre est égal à l’offre de
longue période.

S
D
q
p
S
D
q
p
51

S
D
Prix
ou
inflation
Output gap
y=y*
S de LP
Equilibre macroéconomique

6.4. Les anomalies autour de l’équilibre

6.4.1. Le cobweb

Ou toile d’araignée car le schéma de la convergence


vers l’équilibre y ressemble.

Nous allons linéariser les courbes d’offre et de


demande autour de l’équilibre. Le modèle est
composé de trois équations :

Demande e
p
c
d
t
t .
Offre b
p
a
s
t
t 1
.
Equilibre
t
ts
d
L’équation d’offre comporte une anticipation
statique : les offreurs produisent en t en
considérant que le prix d’équilibre, encore inconnu
avant l’échange, sera le même que celui
de la période précédente.

Sans anticipation le prix d’équilibre sera égal à :

c
a
b
e
p

Avec anticipation, le modèle s’écrit sous la forme


d’une équation linéaire de récurrence :

c
b
e
p
c
a
p
t
t 1

On pose c
a
A et c
b
e
B)
(
52
La solution générale est :

p
p
p
A
p
t
t )
(
)
(
0

Partant d’un prix initial, il y a convergence vers le


prix d’équilibre si 1
A (pour que
l’oscillation s’amortisse), c’est-à-dire quand la pente
de la droite d’offre est inférieure à la
pente de la demande comme dans le schéma ci-
dessous.


P*
p
q
s
d
Cobweb convergent
q
s0 qd0
Applications :

Au départ le modèle a été appliqué aux marchés


des céréales où les producteurs réagissent en
fonction du dernier prix de campagne connu.

Mais le cobweb s’applique à tout marché où les


anticipations sont statiques et créent des
cycles. Marchés financiers p.ex. où les
comportements dits chartistes (« le cours du titre a
monté, donc il continuera à monter ») sont une
forme d’anticipation statique.

Quand le cobweb est divergent il y a une anomalie.


Quand il est convergent, il traduit le
tâtonnement walrasien, c’est-à-dire la dynamique
de l’équilibre sur un marché. Au lieu d’être
instantané, l’équilibre est réalisé progressivement.

Si on considère que les pentes sont une


approximation des élasticités ( quand l’équilibre est
au milieu des droites, c’est à peu près correct), on
voit que la condition de convergence
s’énonce ainsi : il y a convergence quand l’offre est
plus élastique que la demande par
rapport aux variations de prix).

53

6.4.2. « Menu costs » et inertie près de l’équilibre

Il s’agit ici de décrire un comportement d’inertie de


l’agent autour de l’équilibre. Face à un
changement de prix (le prix du poisson entrant dans
la composition d’un plat), l’agent (le
restaurateur) va comparer le coût de la modification
de son menu (la carte qu’il propose à sa
clientèle) avec l’avantage de conserver le prix
ancien sans modifier son menu. Cette image
traduit un comportement assez courant. Par
exemple, depuis la hausse du prix de l’essence, les
agents à revenu modeste conservent la même
demande d’essence et baissent leur demande de
loisirs. Montrons le sur ce schéma :

q.
d’essence
q. d’un autre bien
(ticket de cinéma)
Inertie près de l’équilibre
E
0
E
1
E’
1
q
0
a

L’équilibre initial est E0. Après la hausse du prix de


l’essence, l’agent rationnel aurait dû se
trouver en E1. Il préfère maintenir sa consommation
d‘essence de départ q0 et se positionner
en E’1 en dehors de l’équilibre. Pourquoi ? Parce que
sa perte d’utilité est très faible, égale à
la distance entre E’1 et la courbe d’indifférence au
point a. Cette perte est dite de second ordre
car elle dépend de la courbure de la courbe
d’indifférence, donc de u’’. En revanche, la baisse
de la demande pour l’autre bien est du premier
ordre.

Cette anomalie existe aussi en cas d’achat


automatique d’un bien usuel, comme un paquet de
café. Le consommateur a l’habitude d’acheter
toujours le même paquet et ne regarde pas le
prix. Si le prix augmente, son budget sera touché et
il baissera la consommation d’un autre
bien.

54

Leçon 7 : l’équilibre général walrasien,


existence et unicité

Comment passer de l’équilibre partiel à l’équilibre


général ? Puis comment montrer qu’un
équilibre général est un optimum (théorème 1) et
qu’un optimum est un équilibre (théorème
2) ? Nous répondrons à la première question dans
cette leçon et à la seconde dans la leçon 8.

7.1. L’identité de Walras et la loi de Walras

Chaque individu, producteur ou consommateur, doit


respecter sa contrainte (de revenu ou de
coûts). Cela se traduit par l’égalité entre offre et
demande individuelles. Le consommateur
demande des biens de consommation et offre des
biens (en général du travail). Le producteur
demande des inputs et offre des outputs. Comme
chacun est en équilibre, suite à son calcul de
maximisation, il y a identité comptable entre offre et
demande. Au niveau de l’économie, en
sommant toutes les offres et demandes
individuelles, on obtient la même identité entre
l’offre globale et la demande globale pour tout bien.
C’est l’identité de Walras. En
d’autres termes : ce qui est vrai pour chaque
individu est vrai pour chaque bien au niveau
global. C’est tautologique.

Démo pour une économie d’échange (sans


production) : il y a m consommateurs et l biens.

Chaque consommateur i équilibre son offre et sa


demande globales en valeur :

l
h
ih
h
hi
l
h
h S
p
D
p
1
1

Comme c’est vrai pour chaque consommateur, c’est


vrai au niveau général :

l
h
ih
h
m
i
hi
l
h
h
m
iS
p
D
p
1
1
1
1

On factorise les prix :

l
h
ih
m
i
h
hi
l
h
m
i
h S
p
D
p
1
1
1
1

Ensuite, on tire une loi de Walras : s’il y a équilibre


sur (n-1) marchés, il y a équilibre sur le
n-ème puisqu’il y a identité pour l’offre et la
demande globales. Ceci explique pourquoi la
monnaie « ne compte pas » dans ce modèle d’une
économie de propriété privée. Elle n’est
qu’un « voile » recouvrant les échanges. Le dernier
marché est celui d’un bien appelé
numéraire qui sert à comparer les biens entre eux.
Ce marché est donc toujours en équilibre.
55

Néanmoins, le numéraire joue un rôle car il permet


de dire que, les équations d’offre et
demande étant homogènes de degré 0 (parce que
les fonctions de production et d’utilité sont
homogènes de degré 1), les prix et les revenus ne
sont définis qu’à une constante
multiplicative près, qui est le numéraire justement.
C’est la propriété d’absence d’illusion
monétaire. Cela signifie que si la masse monétaire
M1 est doublée (chaque consommateur a
deux fois plus de billets), cela ne modifie pas la
demande de biens, car le revenu monétaire
double et le niveau général des prix double aussi.
Donc, la contrainte de revenu ne change
pas.

7.2. L’équilibre général dans une économie de


propriété privée
En comptant le nombre d’équations et d’inconnues :
autant d’inconnues que d’équations,
Walras a conclu à l’existence de l’équilibre général.
S’il y a l biens, m consommateurs et n
producteurs, il y a l prix d’équilibre qui sont les
inconnues et l équations d’équilibre partiel.

Or, il peut y avoir plusieurs équilibres sur un


marché. Exemple : le marché du travail avec
l’offre atypique. On voit qu’il y a 2 équilibres
possibles parce que l’offre n’est pas linéaire.

7.3. Preuve de l’existence et de l’unicité de l’EGW


par le théorème de Brouwer
Aujourd’hui, on utilise les propriétés des ensembles
compacts pour arriver à une
démonstration convaincante.

7.3.1. Définitions :

Ensemble convexe : si deux vecteurs x et y


appartiennent à un ensemble convexe X, leur
combinaison linéaire appartient aussi à X.

Ensemble fermé : si son complément est ouvert.

Ensemble borné : il existe un nombre k tel que la


longueur des vecteurs est inférieure à k.

Ensemble compact : convexe, fermé et borné.

d
s
s
56

Application : en microéconomie, les ensembles de


choix des producteurs et des
consommateurs sont compacts. Exemple : la courbe
d’indifférence (ou l’isoquante) est la
frontière d’un ensemble convexe compact (E).
7.3.2. Le théorème

L’idée : prenons un mouchoir mis en boule et


posons le sur une table. Puis on le déplie et on
le replie avant de le reposer sur la table. On
démontre qu’il y a au moins un point à l’intérieur
du mouchoir qui reste toujours au même endroit par
rapport à la table. Ce point est un point
fixe.

Théorème : si f est une application de X dans X, X


étant un sous-ensemble dans Rl, alors il
existe x tel que x = f(x).

1
1
x
F(x)
B
Point fixe dans un plan
A
C
On pose :

(E)
x
y
57

x
x
f
x
g)
(
)
(

Théorème de Rolle : entre B et C, la fonction g a une


dérivée égale à 0 en A.

A
A
f
A
g)
(
)
(

0
1
)
(
'
)
(
'A
f
A
g

D’où f’(A)=1. La tg en A possède une pente positive.

Application simple à l’équilibre général : x est


remplacé par p.

On part des fonctions de demande M :

p
p
R
q/
)
(

en considérant que le pouvoir d’achat du revenu


dépend des prix et que les prix dépendent du
revenu pour un niveau q donné.

)
(
.p
R
q
p

En d’autres termes, chaque agent considère le prix


comme une donnée et les choix de chaque
agent déterminent le prix au niveau général.
L’équilibre général est un point fixe.

Ce résultat fondamental a fait taire définitivement


les critiques adressées à la microéconomie
stigmatisant « l’incohérence » des prix : comment
peuvent-ils être, en même temps, des
données pour chaque agent, et le résultat d’une
confrontation entre des offres et des
demandes ?

58

Leçon 8 : l’optimum et les deux théorèmes du


bien-être

8.1. Représentation d’une économie d’échange avec


une boite d’Edgeworth

Une économie d’échange est une économie sans


production. Il y a un stock initial de biens
(ou : ressources initiales) qui est distribué à deux
individus selon une règle quelconque (au
hasard par exemple). Puis, les deux individus vont
procéder à des échanges entre eux pour
améliorer leurs positions initiales jusqu’à l’équilibre.
Ce processus est décrit dans une boite
d’Edgeworth avec un « noyau », lieu situé sur la
courbe des contrats et délimité par les
courbes d’indifférence qui passent par la distribution
initiale E0. On voit que deux solutions
existent, à chaque extrémité du noyau, E1 et E2.
Pour construire la boite, on emboîte deux équilibres
du consommateur. Le lieu de tous les
échanges possibles (autant de lieux qu’il y a de
manières de distribuer le stock initial de biens)
s’appelle courbe des contrats. Le sous-ensemble
situé entre E1 et E2 est le noyau : lieu des
équilibres optimaux qui ne sont bloqués ni par l’un
ni par l’autre agent. C’est donc dans ce
noyau qu’une négociation est possible. En revanche,
à l’extérieur du noyau, la courbe des
contrats est bloquée par l’un ou l’autre agent.

O1
O2
i
1
i
2
x
11
x
12
x
22
x
21
La boite d’Edgeworth
Blocage par
l’agent 1
Blocage par
l’agent 2
noyau

59

Mais à l’intérieur du noyau, seul un accord entre les


deux individus peut donner une solution

Zoom sur le noyau


noyau
E
0
Courbe des
contrats
E
1
E
2
Équilibre après négociation
Tg commune=
optimum

Pour passer de E0 à E1 (ou E2), on applique le critère


de l‘optimum de Pareto : par E1 passe
une courbe d’indifférence (en pointillé) qui a une
tangente commune avec la courbe de l’agent
1. Donc : la situation de l’agent 1 ne change pas,
mais celle de l’agent 2 s’améliore. En
l’absence de jalousie sociale de la part de l’agent 1,
passer de E0 à E1 est une amélioration
qui conduit à un optimum. La jalousie sociale est
une externalité négative (cf. leçon 9).

Pour trouver un accord sur l’équilibre final à


l’intérieur du noyau, on utilise le critère de
négociation de Nash. Dans le schéma suivant, on a
représenté le noyau par ce segment de
droite à pente négative –1. Dans le cas d’une
position initiale inégale et non optimale comme
E0 (l’agent 1 est moins bien doté que 2 et le point
n’est pas sur la frontière), l’utilité de 1 est
inférieure à celle de 2. L’accord se fera à l’intérieur
du noyau pour le point E1 car 2 est en
position de force : il a moins intérêt que 1 à la
réalisation d’un accord. Et s’il n’y a pas
d’accord, le coût du désaccord (-2 arbitrairement)
sera répercuté sur l’agent 1. Le point E2,
plus avantageux pour 1, est improbable car c’est 1
qui serait obligé de faire une concession.
60

u2
u1
Modèle de partage de Nash
(0,-2)
E1
noyau
E0
E2
-2,0

Avec plus de deux individus (réplication de


l’économie), des possibilités de coalition sont
possibles. En cas de partage, la coalition la plus
forte l’emporte et peut bloquer le jeu. En cas
d’échange, un jeu dit de la minorité se déroule :
supposons un seul acheteur face à trois
vendeurs ; le pouvoir est au premier. Mais, plus le
nombre d’individus augmente, ou encore :
plus l’économie devient atomistique, plus la taille du
noyau se réduit car les possibilités de
blocage individuel d’une solution d’équilibre se
réduisent. Avec un grand nombre
d’individus, le noyau se réduit à un point sur la
courbe des contrats et ce point est
l’équilibre walrasien de concurrence parfaite. Aucun
individu, aucune coalition ne peuvent
bloquer une solution s’il y a atomicité de
l’économie. On arrive donc à illustrer (il ne s’agit
pas d’une démonstration) la coïncidence de
l’optimum et de l’équilibre de marché comme
dans le théorème 1 que nous allons démontrer..

8.2. Calcul de l’optimum dans une économie de


production et d’échange et les deux
théorèmes du bien-être

On commence par une représentation graphique,


puis par la démonstration.

8.2.1. Une représentation graphique d’une


économie à un producteur, un consommateur
et deux biens

Nous allons appliquer un théorème de topologie, dit


de séparation : deux ensembles convexes
disjoints et non vides dans Rl sont séparés par au
moins un hyperplan.

Dans R2, c’est la contrainte de ressource qui sépare


les deux ensembles.

61

(X)
(Y)
p.x=R
x
1
x
2
Ensembles de production et de consommation :
séparation
par une droite de ressource R
8.2.2. Le programme de maximisation dans une
économie à un producteur, 2
consommateurs et 2 biens:

Max )
,
(
12
11
1 x
x
u

Sous :
u
x
x
u)
,
(
22
21
2

0
)
,
(
2
1 y
y
f

1
1
21
11 y
x
x

2
2
22
12 y
x
x

Lagrangien :

(
)
,
(
3
12
11
1 x
x
u
L(
)
)
,
(
4
22
21
2 u
x
x
u)
,
(
2
1 y
y
f )+ (
1 21
11
1
1 x
x
y )+
2( 22
12
2
2 x
x
y)

Conditions du premier ordre :

62

0
/
1
'
11
11 u
x
L

0
/
2
'
12
12 u
x
L
0
/
1
'
21
3
21 u
x
L

0
/
2
'
22
3
22 u
x
L

0
/
1
'
1
4
1 f
y
L

0
/
2
'
2
4
2 f
y
L

Les deux premières conditions donnent l’équilibre


du consommateur 1 ; les deux suivantes
l’équilibre du consommateur 2.
Ces 4 conditions donnent l’optimum dans une
économie d’échange (= sans production) :
égalisation des TMS au rapport de multiplicateurs
2
1/
qui sont ici identifiés à des prix de
marché
2
1/ p
p.
Les deux dernières conditions donnent l’équilibre de
l’entreprise.
Les 6 équations montrent que l’égalité de tous les
TMS pour les deux biens produits et
consommés donnent un optimum général et un
équilibre général de marché.

D’où les deux théorèmes :

Théorème 1 : un équilibre est un optimum par


rapport à un système de prix.

Théorème 2 : un optimum est un équilibre par


rapport à un système de prix.

8.3. Commentaires à propos de la portée pratique


des deux théorèmes

Théorème 1 : pas besoin d’Etat pour que la Main


invisible fasse son travail dans une
économie de propriété privée. Les prix de marché
transmettent toute l’information
nécessaire pour que les agents prennent les bonnes
décisions (= fonctions de demande et
d’offre homogènes de degré 0), sans communiquer
entre eux. Encore faut-il que les
imperfections des marchés par rapport aux
conditions de la concurrence parfaite, et les
anomalies, soient petites par rapport à la taille de
l’économie.

Théorème 2 : on peut toujours calculer un optimum,


même en présence d’« imperfections »
importantes comme les externalités (cf. leçon 9), qui
créent une communication entre agents
sans passer par les prix, mais il faudra souvent un
agent extérieur aux producteurs et aux
consommateurs, ayant un pouvoir de contrainte et
de réglementation, pour que l’optimum
« passe » dans les marchés et amène les agents à
prendre les bonnes décisions. Les prix ne
sont plus alors nécessairement des prix de marché,
mais des prix modifiés par l’Etat
pour tenir compte des imperfections (taxes et
subventions dans les prix). C’est avec ce
théorème 2 que l’intervention de l’Etat va être
étudiée dans la leçon 9.

63

Leçon 9 : application des théorèmes du bien-


être à l’Etat ou l’approche
normative de la microéconomie
Introduction : typologie de Richard Musgrave (1959)

RM distingue 3 « branches » de l’intervention de


l’Etat dans l’économie :

« Allocation branch » : c’est l’Etat producteur

« Distribution branch » : c’est l’Etat qui corrige la


répartition des revenus

« Regulation branch : c’est la régulation


macroéconomique keynésienne, dominante dans les
années 50 et jusqu’aux années ’70. N’a rien à voir
chez Musgrave avec la régulation
microéconomique contemporaine (depuis les
années ’80) des marchés, après
déréglementation et mise en concurrence des
opérateurs (comme le marché des
communications téléphoniques p. ex.).

L’esprit général est de dire que l’Etat intervient pour


pallier les insuffisances du marché. En
aucun cas, l’Etat ne se substitue au marché. Certes,
il est théoriquement possible d’atteindre
l’optimum sans aucun marché concret, mais en
simulant le marché par un Bureau du Plan,
avec une propriété étatique des moyens de
production (socialisme de marché) et ce, malgré le
calculation debate ( Argument de Ludwig v. Mises,
1920 : si les ressources initiales ne
s’échangent pas sur des marchés parce qu’elles
appartiennent à l’Etat, alors il est impossible
d’avoir un calcul économique conduisant à
l’optimum, faute de prix) : il est toujours possible
de calculer des prix fictifs (cf. leçon 2). Le bon
argument contre le socialisme de marché est :
les marchés calculent en temps réel des millions de
prix. Comment un Bureau du Plan
pourrait-il en faire autant de manière aussi
efficace ? En revanche l’avantage théorique du
socialisme est de permettre une plus grande justice
sociale puisqu’il y a contrôle des
ressources initiales. Dans la pratique, les
expériences des pays dits socialistes au 20è siècle
ont montré que la justice sociale s’est accompagnée
d’une réduction des libertés et des droits
fondamentaux des agents (cf. infra Rawls). Pour ces
raisons, le consensus aujourd’hui est de
réserver à l’Etat, outre sa fonction « d’Etat-
gendarme » dans la régulation des marchés, la
production de biens particuliers : les biens publics.
Ce qui passe par l’établissement de critères
pour distinguer biens privés et biens publics.

9.1. La fonction d’affectation

L’Etat produit des biens et des services, dits publics.


Ceux-ci ont deux caractéristiques : 1/ Ils
sont consommés collectivement par les agents 2/ Ils
créent des externalités positives.

9.1.1. Consommation collective : un service public


comme la santé publique appartient à tous
les agents dans l’économie, que ceux-ci paient une
cotisation ou ne paient pas (CMU de base
pour les résidents réguliers de plus de 3 mois ; aide
médicale de l’Etat pour les résidents en
situation irrégulière). C’est ce critère qui crée en
théorie un comportement particulier dit de
64

free rider (passager clandestin en français) :


puisque on bénéficie du service sans rien payer,
pourquoi payer ? En pratique, on va créer des
conditions strictes d’octroi pour éviter ce
comportement.

9.1.2. Les externalités positives : la santé publique


crée des externalités, c’est-à-dire que les
agents en bonne santé ne propagent pas des
maladies contagieuses (qui sont des externalités
négatives). Même un agent qui n’aime pas les
étrangers clandestins, a intérêt à ce que l’AME
soit appliquée à tous. Et, s’ils sont travailleurs, en
bonne santé, leur productivité est plus
élevée. Les producteurs captent cette externalité
positive et il est donc normal qu’ils paient
pour la santé publique.

Les juristes ont, depuis longtemps (Léon Duguit vers


1910) pointé ce critère d’externalité
positive pour définir la notion de service public.
Duguit parle d’interdépendance
sociale (Traité de droit constitutionnel, 1928): «
Relève du service public toute activité (…)
indispensable à la réalisation et au développement
de l’interdépendance sociale ».
Aujourd’hui, les juristes retiennent un critère
d’intérêt général dont les contours sont vagues
et soumis à appréciation. (Déjà à l’époque de
Duguit, il y avait débat pour savoir si le théatre
devait être public ou privé).
A un niveau normatif, le préambule de la
Constitution de 1946 art.9, repris par celle de 1958,
énonce : « Tout bien, toute entreprise, dont
l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un
service public national ou d’un monopole de fait,
doit devenir la propriété de la collectivité ».

9.1.3. Calcul d’optimum avec bien public : l’équilibre


par souscription

Nous allons démontrer que l’équilibre par


souscription n’est pas optimal en raison du
comportement de passager clandestin. On en tire la
conclusion que l’Etat doit exercer une
contrainte par l’impôt pour financer le bien. Mais,
aujourd’hui, l’école dite du « Public
choice » remet en cause cette conclusion.

Modèle d’une économie avec bien public : calcul de


l’optimum

Deux consommateurs i, 1 et 2 avec une fonction


d’utilité :
)
,
(
2
1 i
ix
x
u
x1 est un bien public, indivisible par définition ; xi2
est un bien privé divisible consommé, qui
sert de numéraire.
Un producteur de bien public :
)
(
2
1 y
g
y
avec y2 l’input qui est le bien 2.
Egalités comptables emplois = ressources :
1
1 y
x
2
2
22
12 y
x
x
avec
2 un stock de bien 2 disponible pour la
consommation ou pour la production comme
input.
On va maximiser l’utilité de 1 en maintenant
constante celle de 2 :
u
u
2
C’est le critère de Pareto pour obtenir un optimum.
Le Lagrangien s’écrit :
65

Conditions du premier ordre pour un extremum (et,


ici, réputées suffisantes pour un
maximum) :
0
/
3
'
21
1
'
11
1 u
u
x
L
4
'
12
12
/u
x
L
On pose 1
1
D’où le TMS :
4
3
'
12
'
21
'
11 /
/
)
(u
u
u
On a à gauche la somme des évaluations
marginales du bien public par chaque
consommateur,
rapportée à l’évaluation marginale du numéraire du
consommateur. Concrètement, c’est la
disposition à payer (ou souscription) de chacun pour
financer le bien public.
0
/
3
2
1
y
L
0
/
4
'
2
2
2 g
y
L
D’où le TMS :
4
3
'
2 /
/
1g
A gauche, on a l’expression de l’inverse de la
productivité marginale de l’input 2. Or, cette
expression est égale, sous certaines conditions, au
coût marginal.
En définitive, l’optimum est atteint quand la somme
des souscriptions individuelles est
égale au coût marginal de production du bien public.
Encore faut-il que chaque consommateur déclare
sincèrement son évaluation. Or il est incité
à se comporter en « passager clandestin » (free
rider) : sachant que le bien est indivisible et
qu’il ne peut pas en être exclu, il a intérêt à sous-
évaluer son évaluation marginale monétaire.
Le risque est grand que la somme des souscriptions
soit inférieure au coût marginal et que le
bien public ne soit pas produit ou de mauvaise
qualité. D’où l’intervention de l’Etat, par le
biais de l’impôt obligatoire, pour financer la
production de ce bien.

L’Ecole du choix public (public choice) tend, depuis


la fin des années ’60, à remettre en
cause cette conclusion : 1/ Il faut être sûr qu’un
financement privé est impossible. L’histoire
économique montre p.ex. que les phares en mer
(exemple emblématique du bien public dans
les manuels d’économie publique) étaient des
propriétés privées en Angleterre au 19è siècle.
Le financement se faisait par une taxe prélevée sur
les navires à leur arrivée au port. 2/Le
service public peut être produit par une personne
privée ayant une mission de SP : un réseau
de bus scolaire p.ex. 3/Dans tous les cas, le SP sera
évalué (LOLF, voir le site en ligne :
http://www.minefi.gouv.fr/lolf/index1.html). On passe
d’une logique de l’offre à un usager à
une logique de la demande d’un consommateur. Il a
fallu 40 ans (projet RCB des années ’60)
pour imposer cette démarche économique…

9.1.4. Consommation à externalité négative : bien


sous tutelle.

L’Etat peut aussi mettre sous tutelle un bien privé


dont la production ou la consommation crée
des externalités négatives. On pense au tabac et à
l’alcool, à l’automobile, à la pollution. Le
bien est donc considéré comme « indésirable », soit
par le consommateur (pollution à l’ozone
p.ex.), soit par l’Etat bien que le consommateur
désire ce bien (alcool, tabac).

Si un bien y est indésirable, son exposant dans la


fonction d’utilité sera négatif :

)
(
)
(
))
(
(
)
)
,
(
(
)
,
(
2
2
22
12
4
1
1
3
2
1
2
22
1
2
1
12
1
1 y
x
x
y
x
y
g
y
u
x
x
u
x
x
u
L
66

8
,
0
6
,
0
)
,
(y
x
y
x
f

Pour un niveau d’output de 1, on a :

4
/
3
x
y
La courbe d’indifférence a donc une pente positive
en un point.

x
y
Courbe d’indifférence dans le cas d’un bien y
indésirable
(X)

Quand la courbe se déplace vers le SE, l’utilité de


l’agent augmente. Cela peut s’interpréter
ainsi : l’agent subit une externalité négative (bruit)
qui le conduit à consommer un bien
indésirable (insomnie) dont il guérit en consommant
un bien désirable (somnifère).

On remarque aussi que la courbe est concave,


décrivant la frontière d’un ensemble de
consommation (X) qui n’est plus convexe,
contrairement aux hypothèses habituelles.

Face à une telle anomalie, la première solution a


consisté à « internaliser » l’externalité au
moyen de l’intervention de l’Etat qui va taxer
l’agent producteur de l’externalité. Cette taxe
est appelée « pigouvienne » (du nom de
l’économiste anglais Pigou, à l’origine du concept
d’externalité en 1920). On sait que le producteur est
à l’équilibre de marché concurrentiel
quand il égalise son coût marginal au prix. Ici, il crée
un coût supplémentaire qui n’est pas
pris en compte dans le calcul. En le taxant, l’Etat
l’oblige à choisir un équilibre où il produira
moins (cf. schéma). On fait donc implicitement
l’hypothèse que l’Etat agit au nom des agents
lésés. Or, on peut arriver à une solution équivalente
si les agents eux-même passent un contrat
privé avec le producteur. Il suffit donc de considérer
que les agents (habitants d’un village)
sont propriétaires des ressources initiales et qu’ils
accordent le droit à une usine polluante de
s’installer près de chez eux moyennant un niveau
de production satisfaisant pour les deux
parties. Cette solution, élégante en théorie, n’est
pas toujours possible quand il s’agit
d’implanter une usine d’intérêt public dont personne
ne veut (usine d’incinération de
déchets) . L’Etat va alors exercer son pouvoir
régalien et contrôler l’usine en fonction d’une
67

réglementation (taux de dioxine maximum à


respecter, comité de suivi sous la présidence du
Préfet.)

q. d’output
p
Cm privé
Cm social
a
b
Effet d’une taxe pigouvienne sur la production
Triangle de sur
profit
Coût de
l’externalité

Une autre solution consiste à faire du market design


en créant un marché des droits à polluer.
Plutôt que de taxer, l’Etat va créer un marché de
droits à polluer. Le principe est le suivant :
l’économie est composée deux usines A et B.
Chacune pollue pour 2t de CO2 mais leurs coûts
de dépollution sont différents : 10 € pour A et 14
pour B. L’objectif de l’Etat est de réduire la
pollution de 2t au moindre coût (car les coûts de
dépollution sont répercutés par les firmes
dans les prix de vente). On met donc aux enchères
2 droits à polluer. A enchérira jusqu’à 10 et
B sur-enchérira de 10 +1. Résultat : B obtient le
droit de polluer pour 2t. A devra dépolluer
pour 2t et cela coûtera 10 € au lieu de 14 à la
collectivité. Ce système est séduisant car
l’enchère oblige les producteurs à révéler les vrais
coûts de dépollution qu’ils seraient enclins
à dissimuler autrement.
Dans la pratique, ce marché a du mal à naître. Il
était prévu au 01/01/2005 une Bourse
européenne afin d’échanger les tonnes d’émission
de CO2 évitées, dans le cadre du protocole
de Kyoto
(http://europa.eu.int/scadplus/leg/fr/lvb/l28060.htm.)
. Jusqu’ici rien n’en est sorti.
Le système sera un peu différent du système
théorique car il y aura au départ une distribution
gratuite de droits à polluer. Puis, les producteurs qui
n’utilisent pas tous leurs droits pourront
les vendre à la « Bourse européenne du carbone ».
L’échec actuel de cette bourse vient du fait
que trop de droits ont été distribués gratuitement.
Du coup, les prix sont bas ou inexistants.

9.1.5. Monopole naturel

Voir leçon 10.


Les monopole naturels (énergie principalement)
sont nationalisés ou contrôlés par l’Etat ou
réglementés par un régulateur.

68

9.2. La fonction de redistribution

9.2.1. Un résultat fondamental du théorème 2

Comme il y a, en théorie, autant d’états P-optimaux


qu’il y a de manière de distribuer les
ressources initiales (dont les droits de propriété sur
ces ressources), il est possible de choisir
une distribution, puis de calculer l’optimum qui
correspond et, enfin, de faire passer cet
optimum dans l’économie par des prix. En pratique,
la propriété privée des ressources initiales
fait que les positions initiales sont en nombre limité
puisque la propriété privée ne peut être
remise en cause. Le choix de l’optimum relève alors
de la fiscalité et des transferts sociaux
qui corrigent la répartition primaire des revenus,
issue du fonctionnement des marchés des
inputs. On est donc dans une économie où le
marché et l’Etat interviennent pour essayer de
conjuguer l’efficacité économique et la justice
sociale. C’est ce qu’on appelle l’économie
sociale de marché (de l’allemand :
Sozialmarktwirtschaft. C’est la doctrine des
gouvernements allemands démocrate-chrétiens
(CDU) depuis 1949 : « Autant de liberté que
possible ; autant de contrainte que nécessaire »).
Sans cette intervention, la répartition des
revenus risque d’être inégalitaire car les marchés
des inputs rémunèrent en fonction de la
productivité marginale. S’il y a abondance de
travailleurs non qualifiés, ceux-ci seront
rémunérés à des niveaux faibles. Certes, comme ils
sont aussi consommateurs et disposent de
droits de propriété sur les autres inputs, on pourrait
imaginer en théorie qu’ils disposent de
revenus non salariaux (dividendes d’actions) leur
permettant de compenser un salaire faible.
En pratique, on en est loin… Il faut donc trouver des
critères permettant de définir un
optimum socialement souhaitable.

9.2.2. Critères d’un optimum socialement


souhaitable

On définit d’abord une fonction d’utilité sociale


(FUS). C’est une fonction W qui inclue
comme variables les fonctions d’utilité des agents.
m
i u
u
u
u
W
W ...
,...
,
2
1
Pour deux individus, on peut avoir :
b
a
u
u
W
2
1
avec a et b des paramètres qui expriment les
jugements de valeur de l’Etat sur la répartition
des revenus souhaitable, celle qui sous-tend
l’optimum.
Cette fonction est supposée concave en vertu de la
décroissance de l’utilité marginale du
revenu de chaque agent (cf. leçon 5, §1). Chaque
consommateur possède un revenu et il
optimise son utilité en prenant le revenu comme
contrainte. Quand on fait varier le revenu,
l’utilité varie. Si un consommateur pauvre passe de
1 à 2 euros, ce n’est pas équivalent à
passer de 1000 à 2000 euros pour un
consommateur riche. L’utilité marginale du revenu
d’un
pauvre est donc plus élevée que celle d’un riche. La
concavité de la courbe W va dépendre de
ce que l’on appelle l’aversion face au risque.
69

u
i
W
B
A
C
pauvre riche

Sur le graphique, on voit que la société préfère le


point C (répartition égalitaire) à une
combinaison linéaire des points A et B. Plus la
concavité est forte, plus la société préfère des
situations comme le point C. La concavité exprime
le désir de sécurité (ou : l’aversion face
aux risques) : si on demande à l’agent ce qu’il
préfère : une loterie où il a une chance sur deux
d’être riche ou pauvre, ou une situation certaine
avec un revenu moyen, il préfère cette
dernière solution.

1/ Critère philosophique du maximin: John Rawls


(1971)

Inspiré par l’impératif catégorique de Kant (Rawls


est un néo-kantien)
:
"Il n'y a qu'un impératif catégorique: Agis uniquement
d'après la maxime (principe
subjectif de l'action) qui fait que tu peux vouloir en même
temps qu'elle devienne une loi
universelle" (une obligation commandant à tous sans
restriction). Fondements de la
métaphysique des mœurs, page 62.

Rawls fait une application à la société en cherchant


le critère que l’agent aimerait que la
société lui applique si lui-même utilisait ce critère
comme critère d’action.

Rawls imagine une situation initiale où chaque


agent est dans l’incertitude sur ce que sera sa
place future sur l’échelle des revenus : il peut être
pauvre ou riche. Puis il pose comme
postulat que l’agent a une aversion vis-à-vis du
risque. Dans ce cas, il choisira comme critère
la maximisation de l’utilité de l’agent dans la
situation la plus défavorable, car cet agent
pourrait être lui-même.

m
i u
u
u
u
Min
Max
MaxW ...
,...
,
,
2
1

Rawls contraint ce critère en posant qu’il reste


subordonné au respect des droits individuels
fondamentaux dont la liberté. Cela condamne en
pratique les régimes dits « communistes »
qui ont cherché à réduire les inégalités en
supprimant les libertés individuelles, dont le droit
de propriété.
70

Illustration du critère de Rawls : on voit que l’agent


1 est mieux doté que 2. partant de a, on
choisira b plutôt que c.

O1
O2
x
11
x
12
x
22
x
21
La boite d’Edgeworth et le critère de Rawls
a
b
c
Distribution initiale
en a
Distribution finale en b

On voit qu’une politique à la Rawls aura un effet


limité sur la répartition puisque l’exigence
de liberté ne peut remettre en cause les droits de
propriété sur les ressources initiales.

2/ Critère politique : le vote pour une position


optimale
On imagine qu’une assemblée vote pour un
optimum socialement souhaitable. Ce modèle
stylisé simplifie la réalité où un processus politique
complexe, mettant en jeu de nombreux
mécanismes et procédures (Vote d’un Budget, puis
application par les administrations),
aboutit finalement à une répartition des revenus
corrigée par la fiscalité et les transferts
sociaux.
Formellement, la FUS à maximiser admet des poids
différents selon les agents en fonction du
vote. Un vote peut favoriser un groupe d’agents et
défavoriser un autre. Mais le vote à la
majorité garantit que les bénéficiaires obtiennent
plus d’avantages et qu’ils peuvent, en
théorie, compenser les pertes d’utilité des lésés. En
théorie, car la décision de compenser ou
non reste politique. Il suffit que la compensation
existe potentiellement pour admettre le vote.
Sur le schéma, l’équilibre E0 correspond à l’égalité
entre les deux agents 1 et 2. Le passage
vers E1 permet une croissance économique plus
forte pour les deux agents, mais avec une
inégalité au profit de 1. Pour que ce passage soit
possible, il faut que 1 qui gagne bc puisse
dédommager l’agent 2 de Oa, tout en gardant un
surplus net positif. C’est donc une extension
du critère de Nash avec dédommagement virtuel de
l’agent lésé.
71

O
a
bc
u
1
u
2
e
0 e
1
Critère de compensation potentielle

Le vote doit respecter les 5 axiomes de Arrow :

1/ Unlimited domain : l’ensemble des éléments de


choix collectif doit être issu des ensembles
de choix individuels
2/ Pareto postulate : le choix final ne doit pas être
dominé.
3/ Transitivity : l’ensemble des choix est composé
d’au moins 3 éléments
4/ Non dictatorship : le choix collectif ne doit pas
dépendre des choix d’un seul agent
5/ Independence of irrelevent alternatives : le vote
entre 3 projets X, Y et Z ne doit pas
dépendre d’un vote antérieur entre U, V et X. Si X
est un étudiant classé premier au baby-
foot, il ne sera pas classé premier en microéconomie
devant Y et Z seulement parce qu’il est
bon en baby-foot.

Théorème de Arrow : sous les 5 axiomes, un choix


collectif optimal n’est pas garanti.

Illustration : une assemblée vote à la majorité


simple entre 3 projets, X, Y et Z. Il y a 3 agents
A, B et C qui votent selon leurs préférences.
Respectivement : X>Y>Z, Y>Z>X, Z>X>Y.

On voit que, à la majorité simple : X>Y ; Y>Z ; Z>X.


L’axiome 3 de transitivité n’est pas
respecté.
Pourquoi ? Il faudrait imposer l’unimodalité des
préférences pour que le choix collectif soit
optimal. Or, le choix de l’agent C est bimodal
comme on le voit sur ce schéma où un index
ordinal d’utilité U permet de classer les préférences
de C.

72

0
U
XYZ
Bimodalité des préférences

Electeur médian : la minimisation du


mécontentement général est-elle duale par rapport
à la
max du W ? Dans une démocratie, l’homme
politique qui veut être (ré)élu va chercher des
voix en évitant de mécontenter les électeurs.
Supposons que 3 électeurs, A, B et C aient
chacun une préférence pour un niveau de dépense
publique, respectivement X, Y et Z avec
X<Y<Z. Si le politicien favorise A qui veut X, il
mécontente B et C. S’il favorise C qui veut
Z, il mécontente A et B. S’il choisit un niveau proche
de Y, entre X et Y p.ex., il ne
mécontente que C. Alors que le théorème de Arrow
est normatif (= il indique ce que DOIT
être un bon vote), l’électeur médian est un modèle
positif (= il décrit ce qui EST, ce qui se
passe réellement).

9.2.3. Les outils d’une politique redistributive

1/ L’impôt (et la subvention) forfaitaire :

En vertu du théorème 2, l’efficacité (optimum de


Pareto) et l’équité (répartition des revenus)
sont des objectifs séparés. Il est donc exclu que des
mesures de politique économique prises
en faveur de l’équité nuisent à l’efficacité. En
d’autres termes, l’égalité entre les TMS et les
rapports de prix de marché ne doivent pas être
modifiés par l’impôt ou la subvention. C’est le
cas si, par exemple, on taxe le salarié riche avec un
impôt progressif sur le revenu pour
subventionner les pauvres sans travail,
conformément aux préférences de la société
(aversion
vis-à-vis du risque) : c’est possible tant que la taxe
ne modifie ni l’effort au travail du salarié
ni le désir de trouver du travail des pauvres
(concept de redistribution optimale).
La théorie préconise donc des taxes et subventions
forfaitaires, c’est-à-dire, qui ne sont pas
calculées sur le revenu. De cette façon, le calcul
économique des agents n’est pas modifié.
Ainsi, si on veut modifier la répartition des revenus,
on prélève 100 à l’agent A et on donne
100 à l’agent B. Illustrons avec une boite
d’Edgeworth.

73

O
O’
x
11
x
12
x
22
x
21
Redistribution forfaitaire
e
e’
Par construction : Oe/O’e =Ra/Rb. En effet, un point
sur OO’ détermine la répartition du
revenu entre les deux agents.

On voit que les vecteurs prix sont colinéaires, et que


la redistribution forfaitaire ne change pas
les prix, à une constante multiplicative près. Les
courbes d’indifférence sont homothétiques,
issues de fonctions homogènes de degré 1.

En pratique, on peut approcher la taxe forfaitaire en


taxant fortement les biens à élasticité
faible, et faiblement les biens à élasticité forte.

Application : l’impôt de capitation (Poll tax)

L’idée est de l’utiliser pour financer les biens publics


puisque, par définition, tout le monde en
profite. Il est donc logique en théorie de taxer tout
le monde de manière uniforme. En
pratique, l’idée a été appliquée en 1990 par le
gouvernement anglais conservateur de Mme
Thatcher (surnommée « TINA » = There Is No
Alternative), inspiré par les « fanatiques du
marché » (ultra-libéraux, « Chicago boys »). La taxe
d’habitation est fixée par chaque
commune, en fonction de ses dépenses. Plus la
commune offre de services publics locaux
(crèches, cantines scolaires, centres culturels, etc),
plus le montant sera élevé. Puis le montant
est divisé par tête (caput en latin) de contribuable.
Ainsi, un baron vivant seul dans son
manoir paie quatre fois moins qu’une famille de 4
personnes (Père et mère au chômage, 2
enfants majeurs au chômage) dans un appartement
de cité ouvrière. C’est l’émeute. Des
vitrines de magasins sont caillassées, non pas par
les pauvres, mais par les gens de la classe
moyenne, les électeurs du parti conservateur ! Mme
T. démissionne et la poll tax est
abandonnée.

Autre proposition (Maurice Allais) : la taxe sur la


capital

L’idée est de taxer les ressources initiales (capital


humain et non humain), plutôt que le
revenu engendré par ces ressources (intérêt, profit,
dividende ou salaires). En pratique, on se
74

heurte à la difficulté de saisir les éléments de ce


capital. On peut imaginer une déclaration
libre de la valeur par l’agent. En cas de vente, il
serait amené à vendre à la valeur déclarée.
S’il sous-évalue pour payer moins d’impôt, il devra
vendre à la valeur sous-évaluée.

2/ L’impôt négatif

Autre idée germée dans le chaudron ultra-libéral de


Chicago par Milton Friedman. Mais ici,
l’application semble prometteuse.

On peut l’appliquer à partir d’un revenu d’activité


(Prime pour l’emploi, PPE) ou à partir d’un
revenu de remplacement comme le revenu
minimum d’insertion (RMI).
La théorie :

On considère un consommateur avec une fonction


d’utilité :
)
,
(t
l
f avec l les heures de loisir et t les heures de travail

La contrainte de revenu s’écrit :

)
(
)
1
(l
H
w
y

avec y le revenu disponible après impôt, le taux


d’imposition, w le salaire horaire, H la
journée de 24h, l le temps de loisir.

La fonction objectif s’écrit encore :

)
,
(y
l
f puisque y est lié à t.

L’équilibre est atteint quand :


w
f
f
y
l
)
1
(

Pour un salaire donné par le marché, et pour 0, le


consommateur choisit des quantités de
travail et de loisir en fonction de l’égalité entre le
TMS et le salaire horaire. Comme le TMS
est égal à dl
dy/ , on voit que si le salaire augmente, l’individu
travaille plus. Pour 0,
on voit que si le taux d’imposition augmente,
comme il diminue le salaire, la quantité de
travail diminue. L’effet de substitution est donc
défavorable au travail. La droite de revenu va
se déplacer autour du point H, vers le bas.

75

y
l
H
wH
E
0
E
1
Effet d’un impôt sur la q. de loisir

Quant à l’effet de revenu pour un riche, partant


d’une situation initiale E0, si le travail est
considéré comme un bien inférieur (effet Giffen) et
le loisir un bien supérieur, il est favorable
au travail car le salarié va travailler plus pour
compenser la perte de revenu (cf. supra : leçon
5, courbe atypique d’offre de travail). D’où le sens
de la flèche, ci-dessous : avec un revenu
brut élevé, et pour un niveau de salaire élevé, le fait
de baisser le salaire net par l’impôt a un
effet de revenu qui augmente l’offre de travail.

H-l
w
Courbe d’offre de travail et effet d’un impôt
E0
Effet de revenu de l’impôt,
pour un revenu élevé
Effet de subst. de
l’impôt, pour un
revenu faible

76

Si, maintenant, au lieu de taxer le salaire pour le


pauvre (effet de substitution de l’impôt
défavorable au travail pour un revenu faible flèche
vers la gauche dans le graphique)) , on le
complète par des prestations sociales liées au
travail (sinon : pas d’effet de substitution
favorable), on aura les effets inverses : effet de
substitution favorable car le salaire total
augmente (salaire direct + indirect) et effet de
revenu défavorable. Si l’effet de revenu
l’emporte, ce qui est vraisemblable, on arrive à
démontrer que l’effet des aides sociales ne
favorise pas l’offre de travail du salarié.
La redistribution ( des riches vers les pauvres) sera
dite optimale quand les effets négatifs sur
l’offre de travail commenceront à se faire sentir :
impôt trop élevé pour les riches et transfert
trop généreux pour les pauvres.

Graphiquement, représentons l’équilibre du


consommateur face à deux types de prestations :
revenu minimum et impôt négatif.

l
y
Effets désincitatifs sur le travail de revenus sociaux
Revenu
minimum
Impôt négatif
a
a’
b
b’
y minimum
y maximum

L’agent se trouve en a. Il travaille peu. Si un revenu


minimum est créé, il ira en a’. Il travaille
encore moins. Appliquons ce résultat au RMI. Un
célibataire au chômage, ne percevant
aucune prestation (pour simplifier le calcul), reçoit
433.06 euros par mois au 01/01/06. En
pratique, s’il retrouve du travail à temps partiel
payé au SMIC, p.ex. 56h/mois payés à 8.03 €,
il y a une règle d’intéressement qui s’applique :
pendant 6 mois, il pourra cumuler les deux
revenus : 882.74. Puis il y a un cumul à 50 %
pendant 1 an : 666.21 Après, il n’y a plus de
RMI : 449.68 €. L’incitation au travail est faible car
l’agent ne peut pas se reconstruire dans le
futur. Au contraire, par « myopie », il pourra croire
que son RMI ne diminuera pas et donc se
retrouver après avec des problèmes d’équilibre
budgétaire, voire de dettes.

L’autre mécanisme est celui de l’impôt négatif.


L’agent reçoit toujours un revenu minimum,
mais, quand il retravaille, il continue à percevoir ce
revenu avec une dégressivité à % constant
au fur et à mesure qu’il travaille plus. L’incitation au
travail est plus forte (b vers b’).
L’inconvénient est que cette politique est coûteuse
car il faut continuer à donner une fraction
du revenu minimum, y compris à des agents à
revenus élevés.

77

La formule générale est :


max
min y
y
avec 1
0

Cela montre que le choix de deux paramètres


implique le troisième. Prenons y min = 430 avec
un =0,3 afin de préserver l’incitation au travail.
Alors, ymax = 1433.33
Calcul :
Ecrivons l’équation de revenu :

)
(
)
1
(
min l
H
w
y
y

ou :
Y
y
y)
1
(
min
max

On voit que le coût de cette politique sera plus


élevé (Il faut continuer à subventionner l’agent
jusqu’au revenu max) qu’un simple revenu
différentiel, comme le RMI, mais probablement
beaucoup plus efficace pour l’incitation au travail et
pour le bien-être de l’agent qui peut se
reconstruire durablement dans l’avenir.

Note :

En France, la prime pour l’emploi (PPE) est la


première application de l’impôt négatif. Elle a
été créée (par un gouvernement socialiste…) en
1990 afin de restituer aux bas salaires
(jusqu’à 1,4 X le SMIC pour un célibataire) la CSG
prélevée, suite à un avis du Conseil
Constitutionnel qui rejetait le projet de ristourner
directement la CSG. On voit qu’avec un
facteur de x 1,4 seulement, l’incitation au travail
sera plus faible que dans notre exemple (x
3,3).

78

Leçon 10 : l’équilibre de monopole


1. Rappel : l’état idéal : la concurrence pure et
parfaite

Il existe un état idéal de l’économie dont l’intérêt


pratique est de mettre en évidence, comme
en creux, les limites du modèle standard s’il
advenait qu’il soit appliqué tel quel dans une
économie. Dans un tel scénario, on aurait un niveau
de production élevé, avec plein-emploi du
travail, mais accompagné : de fortes inégalités de
revenu, des services publics de mauvaise
qualité, des niveaux de pollution élevés. Ce sont ces
excès du modèle qui amènent à
considérer l’intervention régulatrice de l’Etat (cf.
leçon 9).

Cet état idéal est celui de la concurrence parfaite :


des entreprises nombreuses dans chaque
branche, pas assez fortes pour pouvoir agir
individuellement sur les prix, déterminent donc
leur équilibre par rapport à un prix de marché. Elles
sont price takers.

L’équilibre est simple : l’entreprise maximise son


profit P, différence entre une recette totale
RT(q) et un coût total donné par une fonction f(q).

)
(
.q
f
q
p
P

Condition du premier ordre :

0
)
(
'
'
q
f
p
P
q

Le prix de l’output est égal au coût marginal, la


dérivée de la fonction de coût total.

Nous allons maintenant représenter les courbes de


coût, moyen (CM) et marginal (Cm). Ces
courbes sont issues d’une fonction de production
quasi-concave à partir des courbes de
productivité, moyenne et marginale. Le théorème de
dualité nous permet d’admettre (sans
démo) que les courbes de coût et de productivité
sont symétriques : si la productivité est
croissante, les coûts sont décroissants, et
inversement. La différence d’échelle entre les
courbes vient des coûts fixes (CF) : ceux-ci existent
même si la production est nulle alors que
les productivités sont nulles si l’output est nul.

La droite de prix p est horizontale car, du point de


vue d’une entreprise, tant qu’elle produit au
prix du marché, elle écoule toute sa production.
Comme la recette totale est RT(q) = p.q, le
prix est aussi la recette moyenne RM = RT/q, donc
la droite de demande, et la recette
marginale Rm = RT’(q).

79

CM
Cm
q
Coûts, prix
Courbes de coût issues d’une f. de production quasi-
concave
et équilibre en concurrence parfaite
CF
p
E

On observe que la zone de profit correspond à la


partie croissante des courbes de coût, jamais
à la partie décroissante. Cette observation sera
importante pour définir le monopole naturel
(§5).

2. Equilibre du monopoleur

Par rapport à l’état idéal de la concurrence parfaite,


les situations de concurrence imparfaite
sont plus réalistes : monopole (Microsoft), duopole
(Boeing/Airbus), oligopole (SFR, Orange,
Bouygues telecom). Après tout, la recherche d’une
rente, c’est-à-dire l’exploitation d’une
situation exceptionnelle (brevet exclusif, localisation
géographique privilégiée, privilège de
l’Etat, monopole naturel) par rapport à une situation
de concurrence parfaite, est un puissant
facteur de motivation. On peut même dire qu’un
marché se crée d’abord sous forme d’un
monopole dont la rente attire ensuite d’autres
producteurs jusqu’à ce que, à la limite, la rente
disparaisse en régime de concurrence parfaite.

Le monopoleur est price maker : il fixe un prix et la


quantité demandée est ainsi connue, via
l’équation de la demande agrégée des
consommateurs pour le produit vendu.

Cette équation est de la forme standard : « inverse


»

q
R
a
q
f/
.
)
(

Pour simplifier, on lui donne une forme linéaire :

b
q
a
q
f.
)
(

qui est aussi la recette moyenne.

80

La recette totale est :

q
b
q
a
q
q
f
RT .
.
).
(
2

et la recette moyenne :

)
(
/q
f
q
RT
RM

La recette marginale est la dérivée de la recette


totale :

b
q
a
Rm .
2

L’équilibre est représenté par le graphique suivant :

CM
Cm
q
Coûts, prix
Equilibredu monopole
RM
Rm
q*
P*
pc
qc
m*
c
a
b
d
e

L’équilibre (q*, p*) est atteint quand Rm = Cm


comme en concurrence parfaite. Mais, ici, la
recette marginale n’est plus égale à la RM ni au prix
car la demande a une pente négative
puisque, par définition, le monopole capte toute la
demande du marché.
De ce fait, le monopole tarifie à un prix plus élevé
que l’ensemble des firmes en concurrence
et il produit moins (point m*). Il fait un profit
supérieur du fait de la rente.
Sur la figure, le point c correspond à l’équilibre si le
monopole se comportait comme si il
était en concurrence. Par exemple, s’il répond à la
menace d’entrée d’un concurrent : pour
défendre son monopole, il baissera son prix pour
dire à l’entrant potentiel qu’il ne pourra pas
faire autant de profit qu’il le souhaite.

La surface du rectangle p*m*d e représente le profit


du monopole. La surface du rectangle pc
c a b représente un profit de concurrence
hypothétique du monopole. La différence de surface
représente la rente du monopole.

81

3. Pouvoir de monopole

La mesure du degré de monopole est importante en


pratique pour aider à établir une politique
tarifaire en fonction de l’élasticité de la demande
sur le marché..

On part de la recette totale :


q
p
RT .

que l’on différentie :

p
q
q
p
RT

On divise par q :

q
p
q
p
q
RT /
/

le membre de gauche est la Rm.

En multipliant et en divisant par p la deuxième


partie du membre de droite :

/
1
1
p
Rm
avec l’élasticité de la demande par rapport au prix,
soit :
)
/
)(
/
(
/
/
q
p
p
q
p
p
q
q

Comme, à l’équilibre, Rm = Cm :

/
1
1
1
.
Cm
p

L’expression entre parenthèse est l’indicateur du


degré de monopole. Parce que, s’il n’y a pas
monopole, donc si on est en concurrence parfaite,
alors l’élasticité tend vers l’infini (droite de
demande horizontale dans le schéma du §1 supra).
Par suite on a p = Cm. Plus on s’écarte de
cette égalité, plus on s’éloigne de la concurrence
parce que le degré de monopole augmente.

L’expression entre parenthèse est aussi un taux de


marge appliqué au Cm.
En gestion des affaires (et non pas en
microéconomie), le taux de marge M est donné par :

CA
CV
CA
M/
)
(

82

avec CA le chiffre d’affaire et CV le coût variable.

Si on divise ce rapport, en haut et en bas, par les


quantités vendues, on a un taux de marge
unitaire m :

p
CVM
p
m/
)
(

avec CVM le coût variable moyen qui est, en


gestion, une approximation du coût marginal.

(On voit que : p


m
CVM
p . ce qui est exactement la manière de tarifer en
pratique des
affaires : le prix de vente est égal au coût + la
marge calculée sur le prix de vente).

On exprime par rapport à p :

m
CVM
p
1
1

Comme l’élasticité est toujours négative, on a bien


la marge unitaire qui est égale à l’inverse
de l’élasticité. Ainsi, si l’élasticité est de –4, on a une
marge m = 0.25.

Plus l’élasticité est forte, plus la marge diminue.

Cette règle pratique est à la base d’une tarification,


appelée monopole discriminant.

4. Monopole discriminant

Soit la firme japonaise Trucnon qui possède des


filiales de distribution pour chaque pays
d’Europe. Malgré le marché unique, les prix de
vente HT sont différents en Allemagne et en
France : plus élevés en France.
Le marché allemand est plus important en volume
et les consommateurs y sont mieux
organisés en associations de défense.
Trucnon le sait et va pratiquer une différenciation
des prix en fonction des élasticités prix de
la demande : plus élevée en Allemagne qu’en
France.

Explication par l’analyse microéconomique du


monopole discriminant.

Trucnon a, en Europe, un monopole de distribution


(contrairement aux USA).

Son profit total P, ramené à deux pays : Allemagne


(1) et France (2) s’écrit :

)
(
)
(
)
(
)
(
2
1
2
1 q
C
q
C
q
R
q
R
P

avec q les quantités vendues, C le coût total de


distribution, R la recette totale.

Le profit est maximum quand les dérivées partielles


sont nulles, d’où :

)
(
1
1
1 q
C
R
83

)
(
2
2
2 q
C
R

A l‘équilibre, les recettes marginales sont les mêmes


sinon la maison-mère ferait un arbitrage
spatial : vendre plus de quantités là où la recette
marginale est supérieure.

On suppose donc que cet arbitrage a eu lieu.

On peut donc réécrire l’égalité des recettes


marginales en utilisant l’équation du degré de
monopole, sachant que les élasticités sont toujours
négatives :

)
/
1
1
(
)
/
1
1
(
2
2
1
1 p
p

Comme
2
1 ,2
1 p
p.

5. Coûts décroissants et monopole naturel

L’origine du phénomène est la présence d’un


équipement initial indivisible, donc d’un coût
fixe d’un montant élevé. Indivisible signifie qu’avant
de produire un seul output, il faut
construire un équipement qui produira une quantité
d’output très élevée (Pensez à un barrage,
une centrale nucléaire, etc. Contre-exemple : une
éolienne) Ce phénomène explique le
monopole car seul un monopole peut dégager un
profit positif en régime de coûts
décroissants (voir le graphique) contrairement à une
entreprise en concurrence parfaite qui
fera des pertes parce qu’elle travaille en-dessous de
sa recette moyenne.

CMT
Cm
Rm
RMT
Equilibred’un monopole avec coûts décroissants
q
P
E*

84

Historiquement, les monopoles naturels en France


ont été nationalisés (EDF, SNCF).
L’actionnaire unique (l’Etat) a administré les prix en
rendant la rente aux clients, mais
souvent aussi sans assurer le profit normal (prix bas
pour que l’énergie soit un input peu cher
pour les autres producteurs). D’où les subventions
versées pour équilibrer les comptes.
Aujourd’hui, la tendance est à la privatisation et à la
mise en concurrence en distinguant les
coûts fixes d’infrastructure qui restent publics
(Réseau Ferré de France, Réseau de Transport
d’Electricité) et les coûts variables d’exploitation
privatisés avec plusieurs sociétés privées qui
payent un péage pour accéder au réseau
Si on estime que l’indivisibilité s ‘applique aussi aux
autres productions (voitures), et qu’elle
est inhérente à l’industrie (y compris « l’industrie »
du logiciel où la part du coût fixe, étude et
mise au point, est énorme par rapport au coût
variable, gravure du CD et boite : cas Microsoft
attaqué en justice au nom des lois anti-trusts), alors
on arrive à développer une analyse
critique de l’économie de marché à régime
capitaliste.

6. Cournot, Walras et… Proudhon, sur la


concurrence, le monopole et la dynamique du
profit

La « révolution » marginaliste des années 1870 a


repris les idées de Smith, en formalisant
mathématiquement l’intuition de la main invisible
(1776). Pour Walras (1874), le profit à long
terme est nul en régime de concurrence, (s’il n’y a
pas d’incertitude, donc de risque), puisque
la libre-entrée de nouveaux producteurs dans une
branche fait disparaître les occasions de
profit. A court terme, un profit normal positif existe
quand la concurrence n’a pas encore
exercée tous ces effets. Le monopole est considéré
comme une anomalie. Il ne permet pas
l’optimum puisque l’output est inférieur à l’output
d’équilibre concurrentiel. De plus le prix
est plus élevé générant une rente ou super-profit
prélevée sur les consommateurs.
Cournot (1838), antérieur à Walras, prend le contre-
pied de ces idées. Pour lui, le monopole
est le cas usuel et la concurrence le cas-limite.
Nous sommes donc en présence de deux
dynamiques différentes. Pour Walras, il y a profit
positif à court terme et profit nul à long terme grâce
à la concurrence. Pour Cournot, il y a
superprofit dû à la rente de monopole à court terme,
puis profit normal de concurrence et
enfin profit nul à long terme.
Il est intéressant de confronter ces deux penseurs à
un penseur hétérodoxe, le « socialiste
utopiste » Proudhon, connu (célèbre surtout pour :
« La propriété, c’est le vol ») pour sa
citation : « Plus la concurrence se développe, plus
elle tend à réduire le nombre de
concurrents » (Système des contradictions
économiques, p. 195, 1846) souvent résumée par :
« La concurrence tue la concurrence ». Proudhon
estime que la concurrence pousse les
producteurs à investir dans de nouvelles machines,
toujours plus performantes, augmentant
ainsi les capacités de production. Comme il faut
écouler la production, la concurrence
s’intensifie, conduit à des concentrations
économiques et à la création d’oligopoles, puis de
monopoles. Marx reprendra cette analyse pour
affirmer que le capitalisme industriel est
condamné à disparaître en raison de cette
dynamique. Bien entendu, cette prédiction ne s’est
pas réalisée parce que des législations ont été
créées dès la fin du 19è siècle pour condamner
les concentrations abusives (Sherman Act de 1890
aux USA).
Il n’en demeure pas moins vrai que, sans législation
anti-trust, le capitalisme semble générer
une loi de fonctionnement interne que les
Classiques anglais avaient déjà pressentie : la loi de
la baisse tendancielle de profit, contre-carrée par les
concentrations et la création de
monopoles. Dans sa version la plus récente, cette loi
a conduit à une analyse économique
hétérodoxe sous le nom de « capitalisme
monopoliste d’Etat ». L’Etat, par ses interventions
économiques, est vu comme les « béquilles du
Capital » : il finance par l’impôt des dépenses
85

non rentables (infrastructures) qui créent des


externalités positives, captées gratuitement par
les entreprises qui cherchent, en régime de
rendements croissants, à devenir des monopoles
(cf. infra. le monopole naturel) pour obtenir des
gains de productivité.
En conclusion, on peut s’interroger sur la
compatibilité entre le capitalisme et l’économie de
marché concurrentiel (cf. leçon 1). Si le capitalisme
a besoin de concurrence imparfaite pour
se développer, vieille idée que Keynes avait fait
sienne, alors l’intervention d’un Etat
régulateur s’impose, non pas pour servir de béquille
au capitalisme, mais pour rendre aux
consommateurs la rente prélevée indûment par les
firmes en ambiance de concurrence
imparfaite.
86
Leçon 11 : Duopole et jeux à somme nulle :
le « business warfare »

L’étude du duopole (2 producteurs dans la branche)


permet de simplifier l’étude, plus
complexe, de l’oligopole (plus de deux producteurs).
En effet, avec l’oligopole, des coalitions
sont possibles entre producteurs et on peut être
ramené finalement à une situation de duopole.
D’autre part, quand le nombre de producteurs
augmente, la possibilité d’une coalition stable
s’éloigne et on tend vers un régime de concurrence.
C’est pourquoi, le duopole est le cas
standard le plus étudié, entre monopole et
concurrence.

Typologie des situations de duopole :

Un duopole peut cacher une entente (appelée


cartel) pour se partager le marché. Dans ce cas,
le duopole redevient monopole. Le choix entre ces
deux régimes (duopole ou cartel) sera vu
dans la leçon suivante avec les jeux répétés à
somme non nulle où un équilibre de coopération
est possible (Folk theorem).

Dans le cas d’un duopole, on peut trouver les


situation suivantes :

A
B
leader
follower
leader follower
Hotelling, jeu
de la bataille,
jeu du poulet
Duopole de
combat (entrant
potentiel)
Duopole de
combat (entrant
potentiel)
Equilibre de
Cournot
Typologie des régimes de duopole

11.1. Le duopole de Cournot (1838)


Après conflit sur les quantités produites, il y a
équilibre au point d’intersection des deux
courbes de réaction. Cet équilibre préfigure
l’équilibre de Nash.

87

Exercice 19.4 de Varian (dans : exercices de


microéconomie-1), questions a à d.

En 1883, le mathématicien français Joseph Bertrand


propose une version du duopole où le
conflit porte sur les prix. Cette version est plus
réaliste car la guerre des prix s’observe alors
que la guerre des quantités ne s’observe pas.
Néanmoins, Cournot garde l’avantage d’avoir été
le précurseur de l’équilibre de Nash alors que
Bertrand, pourtant éminent mathématicien,
n’aboutit qu’à une trivialité qui sera raffinée que
bien plus tard avec le modèle de Hotelling
dans le cadre d’un modèle de jeu à somme nulle.
88

La « règle de Bertrand » est la suivante : si l’un des


producteurs fixe son prix plus haut que
l’autre, il ne vend rien et l’autre vend tout. Si tous
les deux vendent au même prix, ils se
partagent le marché moitié-moitié.
Bertrand pose que les coûts de production sont nuls
(étrange ?). Donc l’équilibre sera atteint,
après bataille des prix, quand les prix seront nuls.
S’il y a des coûts marginaux positifs, alors
le prix sera celui de concurrence parfaite, égal au
coût marginal. Finalement, le duopole se
comporte comme s’il y avait concurrence parfaite.

11.2. Théorie des jeux à somme nulle

Nous allons voir dans un premier temps des jeux à


somme nulle. Ces jeux, de type « duel »
sont d’application rare en économie car le « duel »
avec un vainqueur et un vaincu est un cas
de figure peu fréquent. Néanmoins certaines
situations de gestion des entreprises ressemblent
à des situations de conflit et sont parfois abordées,
souvent sans précaution, dans une optique
de stratégie militaire (David Rogers : Les stratégies
militaires appliquées aux affaires, éditions
First, 1988). C’est ce qu’on appelle le « Business
warfare » :

« Business is a game, the greatest game in the


world if you know how to play it » (Thomas J.
Watson : IBM’s founder).

L’idée générale est la suivante : les agents sont


rationnels et prudents (aversion vis-à-vis du
risque). Dans un duel, tous les deux vont choisir une
stratégie qui est la « meilleure pire » au
lieu d’utiliser la meilleure, mais aussi la plus risquée.

On part d’un jeu 2x2 qui est représenté par une


matrice de gains A :
C
L
3
5
2
4

Le joueur ligne L est appelé joueur du maximum


parce qu’il a des gains positifs (sauf 2,2) où
il a gain négatif). Le joueur colonne C est appelé
joueur du minimum.
La lecture est simple : si L choisit la stratégie h
(haut), il gagne ou 4 si C joue g (gauche) ou 2
si C joue d (droite).
Le critère du meilleur pire conduit le joueur L à
choisir la stratégie qui lui assure le maximum
du minimum (Maximin) et le joueur C à choisir le
minimum du maximum (Minimax) :

C
L
2
5
3
2
3
5
2
4

Pour L : entre un gain de 4 et un gain de 2, il choisit


le gain minimum de 2. Et, entre 5 et –3, il
choisit –3. Puis il choisit le maximum qui est 2. Sa
stratégie optimale est donc h..
89

Pour C : entre 4 et 5, il choisit la perte maximum de


5. Et, entre 2 et –3, il choisit la perte maxi
de 2. Puis, il choisit le minimum entre ces deux
pertes maximum . Sa stratégie optimale est
donc d.

On voit que + 2 est la solution du jeu, appelée «


valeur du jeu » v. Ici, la valeur est la même
pour les deux joueurs. L’équilibre est appelé « col »
ou « point-selle » (graphiquement, si
gains et stratégies sont continues, la fonction de
gain d’un joueur dépend de deux variables
qui sont les stratégies de L et de C. En 3D, cette
fonction a l’allure d’une colline avec une
crête et une vallée. L’intersection est l’équilibre :
c’est un col).

On écrit formellement :

v
a
a
ij
i
j
ij
j
imax
min
min
max

C’est le théorème de Von Neumann (1928)

11.3. Application : le duopole de Hotelling

90

Ici, la solution est un col composé des 4 cases


centrales pour lesquelles il y a partage 50-50 du
marché.
91

Autre exercice :

92

93
11.4. Stratégies mixtes (Généralisation du minimax)

Dans de nombreux cas, les jeux n’ont pas de col :


C
L
1
3
2
0

Avec les critères maximin-minimax, on a


respectivement : 0 pour le joueur L ( stratégie h) et
2 pour le joueur C (stratégie d).

Ici :
ij
i
j
ij
j
ia
a max
min
min
max

Le joueur C « empêche » le joueur L de réaliser plus


que 2 ;

Une stratégie mixte est une combinaison linéaire de


stratégies pures, pondérée par des
probabilités. On appelle X le vecteur-colonne des
probabilités x pour L et Y le vecteur-ligne
des probabilités y pour le joueur C. Le joueur va
donc laisser le hasard choisir pour lui une
combinaison de stratégies. Comment calculer ces
probabilités ?

Prenons L. Il cherche à maximiser une fonction


d’utilité espérée dite fonction de Von
Neumann:

)
1
3
(
)
2
0
(
)
(
d
g
b
d
g
h
L y
y
x
y
y
x
u
E

sous la contrainte :

1
b
h x
x

Après écriture du lagrangien et calcul des conditions


du premier ordre, on obtient :

d
g
d y
y
y1
3
2

On voit donc que le joueur L, en l’absence de toute


information, utilise un critère
d’équiprobabilité de Laplace pour calculer les
probabilités de son adversaire. Attention ! Il
joue moitié-moitié ses stratégies pour connaître les
probabilités de l’autre.

Comme 1
g
d y
y

On obtient :

2
/
1
g
d y
y
Le même calcul pour le joueur C donne :

94

3
/
2
h
x
3
/
1
b
x

La valeur du jeu sera :

1
)
2
/
1
3
/
1
1
(
)
2
/
1
3
/
1
3
(
)
2
/
1
3
/
2
2
(
)
2
/
1
3
/
2
0
(
v

Le jeu a une valeur positive et favorise, en


espérance mathématique, le joueur L. Le jeu est dit
« unfair », par opposition à un « fair game » où
l’espérance math est nulle. Exemples : à la
bourse, le jeu entre spéculateurs haussiers (bullish)
et baissiers (bearish) est fair ; les jeux de
loterie et de casino sont unfair car les propriétaires
de ces jeux sont gagnants en esp. math.

11.5. Application : la gestion d’une gamme de


produits
On part de l’exemple de Von Neumann : Holmes
contre Moriarty. C’est un « paradigme de
beaucoup de conflits possibles dans la pratique»
disent les auteurs, plus exactement : une
métaphore, qui s’applique à des cas pratiques..

95

96

Commençons par la résolution du jeu. Il n’y a pas de


col. (Bien que la solution (1,2) s’en
rapproche et c’est celle de l’histoire : Holmes
descend à Canterbury pendant que Moriarty
reste dans le train). Il faut donc calculer les
stratégies mixtes. Celles-ci sont données par v.
Neumann. La valeur du jeu v’ est l’espérance
mathématique des gains de Moriarty, soit :

40
)
6
.
0
4
.
0
100
(
)
4
.
0
4
.
0
50
(
)
4
.
0
6
.
0
100
(
'
v

et l’espérance de mourir de Holmes est :

48
)
100
*
6
.
0
*
4
.
0
(
)
100
*
4
.
0
*
6
.
0
(
)
(mourir
E

Exemple : la gestion d’une gamme de produits .


On distingue 3 niveaux : bas de gamme, gamme
moyenne, haut de gamme. Une stratégie de
gamme consiste à choisir un ou plusieurs niveaux
pour attaquer un marché et les concurrents,
lesquels vont réagir.

Appliquons le jeu de Holmes.

Un producteur H fabrique du bas de gamme. Il veut


monter en gamme moyenne, voire en
gamme haute. A-t-il raison ? Globalement, s’il
bouge, il a presque une chance sur deux
d’échouer. C’est beaucoup. Mieux vaut rester en
gamme basse.

Autres exemples : différenciation ou « marquage


» (« benchmarking »)

Exemple 1: Mercedes-Benz fabrique principalement


des voitures dans le haut de la gamme.
Sa stratégie a évolué vers le la gamme moyenne
avec les classes C et A. En retour, Audi a
réagi en montant en gamme avec la berline A8.
Exemple 2 : le n°1 de l’hôtellerie de chaîne est le
groupe Accor avec Novotel (3 étoiles). Leur
stratégie a consisté à attaquer le marché vers le
haut avec Sofitel (4 étoiles) et vers le bas (Ibis,
2 étoiles et Formule 1, 1 étoile). Le concurrent est le
groupe Envergure qui est contrôlé par la
Société du Louvre. Celle-ci fait dans l’hôtellerie de
luxe (Martinez à Cannes). Elle a contre-
attaqué avec la chaîne Campanile (2 étoiles), Bleu
Marine (3 étoiles), Kyriad et Première
Classe (1étoile).

Exemple 3 : Boeing et Airbus

97

En conclusion, le producteur qui veut diversifier a le


choix entre imiter l’autre
(« benchmarking » ou « marquage ») ou se
différencier avec une stratégie de niche. Si
l’adversaire est trop fort, le choix de la niche (se
situer à une extrémité sur le continuum) est
la meilleure réponse.

11.6. Application : stratégie push-pull

Pour promouvoir un produit, l’entreprise peut :

1/ Pousser (PUSH) son réseau de vente pour qu’il


pousse les consommateurs
2/ Attirer (PULL) le consommateur par la publicité
pour qu’il vienne dans le réseau de vente

Bien entendu, dans la pratique, un mix des deux


stratégies est optimal. Question : comment
répartir le budget promotionnel entre ces deux
stratégies ?

Ce jeu ressemble à un kriegspiel (wargame ou jeu


de guerre) où il faut vaincre l’adversaire en
1/l’attirant à un endroit pour ensuite 2/le pousser à
un autre endroit. La campagne de France
(mai 1940) est un exemple historique de cette
stratégie mixte.

98

Le joueur L attaque en h comme prévu par le joueur


C (« L’ennemi attaque selon nos
plans »). Il attire ainsi le meilleur des troupes de C.
Puis L attaque en b en poussant. Il prend
ainsi à revers l’adversaire et le contraint à la
défaite. Le joueur C pouvait accepter le piège
(stratégie g) ou le refuser (stratégie d) au vu des
rapports de reconnaissance aérienne
indiquant une forte concentration de troupes en b.
Mais C avait établi depuis longtemps sa
stratégie g (« Manoeuvre Dyle »), connue aussi de L.

La matrice de gains est la suivante :

1
1
7
/
5
3
2
7
/
2
7
/
3
7
/
4
/C
L

La valeur du jeu pour le joueur L est de v = -1/7,


donc unfair pour L.

Application à la gestion optimale du « mix


promotionnel » : 2/7 du budget pour la stratégie
PULL et 5/7 pour la stratégie PUSH. Concrètement,
le producteur commence par attirer le
consommateur dans le réseau de vente, par la
publicité ou par un concours. Puis, le client est
« poussé » à acheter. C’est le « dernier mètre », là
où le vendeur va exercer ses talents. Le
client peut accepter cette promotion (stratégie g) ou
la refuser (stratégie d).
99

Leçon 12 : duopole et jeu répété, la «


solution forte » de
Nash et le « folk theorem »

12.1. D’une microéconomie atomistique à une


microéconomie moléculaire
Si on considère que les individus, producteurs et
consommateurs agissent groupés (cartel
pour les uns, coopérative ou mutuelle ou syndicat
pour les autres), dans des marchés assez peu
concurrentiels mais où des conflits et des alliances
se développent, alors la main invisible
disparaît. C’est John Nash qui va donner la réponse
analytique en 1951 pour étudier cette
réalité économique. Il est au départ d’une «
nouvelle » microéconomie où l’optimum de
Pareto n’est plus la seule solution d’équilibre, mais
où d’autres équilibres sont possibles en
tenant compte des anticipations croisées que font
les agents les uns sur les autres.
Nous allons démontrer sous quelle condition un
groupement d’agents, consommateurs ou
producteurs, est possible et durable grâce au « folk
theorem » issu d’un jeu de Nash répété.
Mais, auparavant, nous allons étudier un jeu à un
seul coup, devenu célèbre sous le nom de
« dilemme du prisonnier ».

12.2. Premier jeu de Nash (1951) : équilibre unique


avec solution forte
Nash a voulu aller plus loin que la main invisible en
prenant en compte la complexité dans les
interactions sociales. Avec son théorème 1, il
démontre l’existence d’un équilibre pour tout
jeu fini (= à nombre fini de stratégies pures). Cet
équilibre est soit une « solution forte »
(équilibre unique avec stratégie pure), soit une
«solution » (équilibre unique avec stratégies
mixtes), soit des « sous-solutions » (équilibres
multiples). Les sous-solutions existent toujours
alors que les solutions n’existent pas toujours, mais
quand elles existent, elles sont uniques.

Le jeu de Nash est le suivant :

)
1
,
1
(
)
10
,
10
(
)
10
,
10
(
)
1
,
1
(
/
b
h
d
g
C
L

On voit que la matrice est composée des gains des


2 joueurs : c’est une bi-matrice.

La solution forte est (-1,-1). C’est la conjonction des


stratégies dominantes (b,d) puisque (10,-
1) domine (1,-10) pour les deux joueurs.
La valeur du jeu est v = -1.

12.3. Le dilemme du prisonnier, version « grand-


public » de l’équilibre de Nash par
Albert Tucker (1950)

On part d’une matrice de gains comme celle de


Nash mais que l’on convertit, pour illustrer,
en années de prison, puis en utilités, selon le
tableau suivant :
100
Années de prison utilités Gains de Nash
0 5 10
131
8 1 -1
10 0 -10

Les deux agents ont commis ensemble un délit. Ils


se sont entendus avant pour ne pas avouer
(stratégies de coopération h,g). Mais, devant le
juge, ils ont le choix entre : 1/ avouer et
dénoncer le complice (stratégie de défection b,d) 2 /
ne pas avouer. Si l’agent avoue, il est
condamné à une peine avec sursis (0) et son
complice au maximum (10ans) si lui-même
n’avoue pas. Si les deux avouent, ils sont
condamnés chacun à 8 ans, et si aucun n’avoue, le
juge les condamne quand même à 1 an pour fraude
fiscale ( !).

La matrice des utilités est :


)
1
,
1
(
)
0
,
5
(
)
5
,
0
(
)
3
,
3
(
/
b
h
d
g
C
L

L’équilibre de Nash est la défection pour les deux


joueurs. C’est une « solution forte » b,d. La
rationalité des joueurs les conduit, sans
coopération, à cet équilibre qui n’est pas la solution
P-
101

optimale pour l’économie. C’est ce résultat qui a


rendu Nash célèbre : avoir démontré que les
interactions sociales entre des agents rationnels et
prudents ne conduisent pas nécessairement
à l’optimum dès qu’on s’éloigne des marchés
parfaits.

12.4. Jeux répétés : le folk theorem

1/ Si le jeu est répété un nombre fini de fois, on


utilise l’induction à rebours (« backward
induction ») pour montrer que l’équilibre de Nash
est encore la solution forte du jeu non
répété. Au dernier tour, la défection l’emporte
comme dans un jeu à un coup. A l’avant
dernier tour, comme les agents savent que c’est
l’avant-dernier et qu’au dernier, la défection
l’emporte, la défection l’emporte aussi. Etc.
Ce résultat est illustré par le « mille-pattes de
Rosenthal » (« Centipede game », 1981) :
Erreur ! Liaison incorrecte.
A noter que si le jeu est expérimenté en
commençant par le début (forward), alors il est
possible d’avoir d’autres stratégies. En laboratoire,
les sujets montrent qu’il cherchent à
coopérer, même s’ils font l’objet de stratégies de
défection : voir ci-dessous la stratégie « tit
for tat ».

2/ Si le jeu est répété un nombre indéterminé de


fois, on fait comme s’il était joué un nombre
infini de fois. La préférence pour le futur est
introduite car, si les joueurs savent qu’ils seront
amenés à se rencontrer, le futur pèse sur le présent
ou : les gains futurs sont actualisés avec
un taux d’intérêt. Ce taux est calculé en mettant en
balance le gain actualisé de la coopération
avec le gain actualisé de la défection, sachant que
celle-ci amènera le joueur lésé à se venger
en utilisant aussi la défection.

Avec le jeu précédent, on a :


i
i/
1
5
/
3
3

On considère que la valeur actuelle d’une somme


constante jusqu’à l’infini est une rente
perpétuelle.

t
T
t
t i
R
VA )
1
/(
1
Avec R
R
t

On a :

t
T
t i
R
VA )
1
/(
1
1

Si T
Alors :
i
i
t
/
1
)
1
/(
1
et :
102

i
R
VA / formule de la rente perpétuelle (« consol » en
anglais : c’est une obligation, souvent
d’Etat, qui rapporte un intérêt, mais dont le capital
n’est jamais amorti ou amorti à une
échéance très lointaine.

D’où :

1
i

Plus i est faible, plus le futur pèse sur le présent et


plus l’économie sera en interaction forte,
deviendra moléculaire. C’est cette interaction forte
entre agents qui justifie le nom du
théorème.

Remarque sur le taux d’intérêt : il s’agit d’un taux


d’intérêt réel à long terme en situation
risquée.
1/Réel : hors inflation et ne tenant compte que de la
productivité marginale du capital-
machines (dérivée de la fonction de production par
rapport à K).
2/ à long terme : durée supérieure à 1 an
3/ en situation risquée : il y a une prime de risque
d’autant plus élevée que l’évaluation
subjective du risque est élevée.
Concrètement : ce taux sera égal à la somme du
taux de croissance à long terme de
l’ économie ( 2 %), plus une prime de, disons, 10 %.

Stratégie du tac au tac (ou « tit for tat ») : dès le


premier tour, un joueur fait défection pour
gagner 5, puis il coopère quand l’autre se venge et,
enfin, les deux coopèrent.

VA de la coopération : .....
)
1
/(
3
)
1
/(
3
)
1
/(
3
3
3
2
i
i
i
VA de la défection « tac au tac » : ....
)
1
/(
3
)
1
/(
0
5
2
i
i
On calcule la différence qui doit être positive pour
que la coopération l’emporte :
0
)
1
/(
3
5
3i
D’où i < 0.5.

Autre exercice : avec la matrice suivante :


)
10
;
10
(
)
20
;
0
(
)
0
;
20
(
)
5
;
5
(
/
b
h
d
g
C
L

g et h sont des stratégies de prix bas ; b et d des


stratégies de prix élevés.
Pour un cartel stable : i<1/2
Pour que un cartel soit supérieur à « tac au tac » :
i<0. est-ce possible ? Oui, car i est réel,
donc hors inflation. Si l’inflation dépasse 0.5 %, on a
i<0. Actuellement, en Chine, l’inflation
dépasse le taux d’intérêt réel sur les dépôts en
monnaie chinoise. D’où l’engouement pour les
comptes en devises. Plus généralement, le concept
de « monnaie fondante » est appliqué
aujourd’hui dans les SEL anti-capitalistes (Système
d’échange local) : quand un membre du
SEL a un compte positif parce qu’il offre plus de
services qu’il n’en demande, son
« épargne » est taxée afin de favoriser les
échanges. Keynes avait repris cette idée de Silvio
Gesell (1862-1930) pour expliquer que l’épargne à
court terme est un frein au développement
des échanges. Or, le développement des échanges
est un facteur de cohésion sociale.

103

12.5. Retour sur Cournot et le duopole : application


du folk theorem
Avec l’exercice de Varian 9.4., nous avons à calculer
trois profits : le profit joint (obtenu par
le cartel et divisé en deux parts égales) ; le profit au
point d’équilibre de Cournot (= (36*16)-
(4*16)=512), et le profit de défection qui est celui
obtenu quand l’un des joueurs produit plus
que l’autre, en trahissant le cartel.

Si les 2 firmes s’entendent, on est dans un cartel. Le


niveau de production Y sera celui d’un
monopole en équilibre.

Cm
Rm

ou :

4
4
100 Y
d’où Y = 24. Pour ce niveau de Y, le prix sera de P =
52.
Le profit total sera de :
1152
)
24
4
(
)
24
52
(
partagé en deux, soit : 576 pour chacun.

Calcul du profit de défection si le producteur 1 trahit


le cartel.

Le producteur 1 a une recette totale de :

1
1 Py
R

En différence totale :

P
dy
y
dP
dR .
.
1
1
D’où la recette marginale :

P
y
dy
dP
dy
dR
1
1
1 )
/
(
/

avec :

13
1
12
1
y

soit l’output du cartel divisé par 2, plus Une unité


d’output supplémentaire.

D’après l’équation de demande, on a :

2
/
1
dy
dP
104

et
52
24
*
2
100
2
100 Y
P

La recette marginale sera de :

26
52
13
*
2
Rm

Comme le coût marginal est de 4, le producteur 1


fait un profit supplémentaire de :

22
4
26
Cm
Rm
à rajouter au profit joint de 576

ce qui donne un profit de défection de 598.

Au final, on a les profits suivants pour chacun :

Profit de Cournot : 512


c

Profit joint de cartel : 576


j

Profit de défection : 598


d
Calcul du taux d’intérêt nécessaire pour que le
cartel soit stable :

i
i
c
d
j
j /
/

Ici, on obtient :

90
,
2
/
512
598
/
576
576 i
i
i

12.6. Application : entente et clause du client le plus


favorisé

C’est le cas General Electric –Westinghouse au


début des années’ 60 aux USA sur le marché
du générateur électrique à turbine, à partir de
vapeur d’eau obtenue en chauffant l’eau avec du
charbon. Ce marché a pour demandeurs des
compagnies privées ou publiques d’électricité. Le
choix de l’offreur se fait après appel d’offre sous pli
cacheté ; Les duopoleurs n’ont donc
aucune information sur le concurrent. C’est
pourquoi, il est difficile de faire un cartel quand il
y a incertitude. Et, en effet, les profits réalisés par
les duopoleurs ne sont pas très élevés.

La matrice des gains est la suivante :

2
;
2
2
;
8
8
;
2
5
;
5
/
b
h
d
g
C
L

105
avec h et g des stratégies de prix élevé ; et b et d
des stratégies de prix bas.

On voit ici que c’est la solution forte (b,d) qui


l’emporte, conformément à la réalité
historique ;

Puis, GE a décidé de rendre ses prix publics et a


annoncé qu’elle appliquerait la clause du
client le plus favorisé (= si le prix baisse pour un
client, tous les contrats antérieurs en
profitent).

La matrice de gains devient :

2
;
2
2
;
6
6
;
2
5
;
5
/
b
h
d
g
C
L
On voit que l’avantage de la défection a baissé car,
si on baisse les prix, il faut rembourser
tous les anciens clients. Il est donc probable que les
deux producteurs vont chercher à
s’entendre.

Calculons le taux d’intérêt :

Cas 1 : i
i/
2
8
/
5
5
D’où i<1

Cas 2 : i
i/
2
6
/
5
5
D’où i<3

On voit que la coopération (cartel) est possible avec


un taux d’intérêt plus élevé, dans le cas 2.
Elle est donc plus facile à réaliser. Dans le cas 1, il
faut une prime de risque nulle ; ce qui est
impossible en pratique.
12.7. Application : crédibilité d’une banque centrale

Un banque centrale (BC) joue un jeu avec les agents


non financiers, producteurs et
consommateurs (ANF pour agents). Elle choisit un
taux d’inflation : 2% p.ex. selon le traité
de Maastricht pour la BCE, puis utilise la politique
monétaire pour le réaliser. Imaginons
maintenant que la BCE veuille faire plus d’inflation
parce qu’elle souhaite faire baisser le
change EUR/USD. Elle ne dit rien aux ANF et crée de
la monnaie. Ceux-ci observent donc
une hausse de leurs prix. Ils l’interprètent
faussement comme une hausse de la demande pour
les biens produits dans l’économie, alors que c’est
une accélération de l’inflation qui est à
observer. Il y a illusion monétaire. Les producteurs
vont donc produire plus. Comme l’Euro se
déprécie, les exportations augmentent et les
consommateurs étrangers achètent. Il y a donc un
effet réel bénéfique de la croissance de la masse
monétaire et une illusion monétaire. Mais, au
bout d’un certain temps, les agents vont se rendre
compte que la hausse des prix a une origine
monétaire. Ils vont alors punir la BC quand elle
affichera à nouveau 2%. Ils ne croiront plus
l’annonce et se comporteront comme si la BC allait
faire 4 % par exemple. Mais il n’y aura
106

plus d’effet réel bénéfique sur la production car les


agents auront à nouveau un comportement
d’absence d’illusion monétaire. Avec 4 % d’inflation
ils se comporteront exactement comme
si l’inflation était à 2%.
Modélisation : la BC cherche à minimiser une
fonction de perte sociale z. Celle-ci est égale à
la somme du taux d’inflation p et du taux de
chômage u. Pour que ce dernier baisse, il faut
que l’inflation observée soit supérieure à l’inflation
anticipée par les ANF. Ceux-ci, voyant la
hausse des prix, vont l’interpréter faussement
comme un indicateur de pression de la demande
et les producteurs vont donc produire plus, les
consommateurs consommer plus, faisant ainsi
baisser le chômage.
On a donc :
)
(
.p
p
b
p
a
z avec 0
,b
a
Plus précisément :
0
min
'
b
a
z
z
p
Les pondérations de l’inflation et du chômage sont
donc égales.
Cas 1 : la BC annonce une inflation à 2 %, les agents
anticipent 2 % et l’inflation réalisée est
de 2%.
a
z2

Cas 2 : la BC annonce 2, les agents anticipent 2 et


l’inflation est de 4% . La perte sociale est la
même mais avec plus d’inflation et moins de
chômage.

Cas n° 3 : la BC annonce à nouveau 2 mais les ANF


ne la croient plus, anticipent et font 4%
a
z4

Conclusion : une règle intangible est préférable à


une politique discrétionnaire. Elle
permet à la BC d’assurer sa réputation.

12.8. Application : bien public et passager


clandestin

Nous avons vu dans la leçon 9 qu’un bien public,


échangé selon un équilibre de souscription,
conduisait à établir un budget insuffisant pour
produire le bien. La raison est le comportement
de passager clandestin.
En théorie des jeux, le passager clandestin a un
comportement de défection. Dans un premier
temps, il était d’accord pour souscrire au
financement du bien. Puis, il a fait défaut, sachant
qu’il obtiendrait néanmoins un avantage puisque,
par nature, le bien est consommé
collectivement. Au tour suivant, les autres agents
vont faire de même. En définitive, on atteint
une solution forte de Nash qui n’est pas un optimum

12.9. Application : réputation et clientèle

Un producteur (= une entreprise) a intérêt à


considérer sa réputation comme un actif
immatériel au même titre que la marque ou le nom
de domaine (****.com). La valeur de ces
actifs est estimée au moment de la vente de
l’entreprise par différence entre le prix
107

d’acquisition et la valeur comptable. Cette


différence est appelée « survaleur » ou « différence
d’acquisition », et, en anglais, « goodwill ».
La réputation permet de garder (ou d’augmenter) la
clientèle. La stratégie pour garder la
clientèle est typiquement la solution de coopération
d’un jeu répété alors que la tromperie
relève d’une stratégie de défection. Tromper un
client n’est efficace que si le jeu n’est pas
répété. C’est une situation que l’on peut trouver
dans certaines activités économiques quand le
bien n’est vendu qu’une seule fois et à un seul client
(le pavillon de banlieue), ou quand le
bien est vendu une fois à un grand nombre de
clients différents (le restaurant de plage tenu par
un gérant saisonnier).
Dans le premier cas, le bien est vendu une seule fois
et un client mécontent hésitera à
s’engager dans des procédures judiciaires
complexes et coûteuses. De plus, le client
mécontent ne va pas informer les autres clients
pour que son bien ne perde pas de sa valeur en
cas de revente. Enfin, l’assurance de 10 ans qui
couvre les dommages, contractée par le
constructeur au profit du client (c’est une obligation
légale), peut entraîner un « hasard
moral » : le constructeur risque d’être négligent
puisque l’assurance paiera les malfaçons.
Dans le second cas, le restaurant de plage peut faire
une mauvaise cuisine puisque la clientèle
de vacanciers change toutes les semaines et ne
communique pas. En revanche, le McDo du
coin, qui fait partie d’une chaîne mondiale, engage
la responsabilité de tout le groupe s’il
fournit une mauvaise cuisine.

12.10. Partage des gains dans un cartel : valeur de


Shapley

Quand un cartel se crée, la question du partage des


gains se pose. La bon sens veut que la clé
de répartition corresponde au « pouvoir » de chaque
producteur, sa PDM (= part de marché)
par exemple. En quoi la PDM est-elle une bonne
approximation du pouvoir de négociation ?

1/ Deux joueurs :

On reprend un jeu du prisonnier.

)
1
,
1
(
)
0
,
5
(
)
5
,
0
(
)
3
,
3
(
/
b
h
d
g
C
L

On va calculer un indice de pouvoir de négociation


pour le joueur L, indice appelé « valeur de
Shapley » (Comme le jeu est symétrique, le résultat
est le même pour C). L’idée est de
mesurer l’apport en gain que fait L quand il coopère
avec C en partant d’une situation initiale
où L refuse de jouer (à ne pas confondre avec la
stratégie b) et gagne donc 0..
Si L forme une coalition tout seul, il n’apporte rien :
0.
S’il joue avec C, il permet de gagner 6 à la coalition
L+C.
En moyenne il apporte donc : 3. C’est la valeur de
Shapley V égale ici au gain de la solution
de coopération.
Formellement :

))
(
)
(
(
))
0
(
)
(
(
2
/
1
)
(C
v
LC
v
v
L
v
L
V
108

La valeur V est la moyenne arithmétique de la


valeur des apports de L à deux coalitions : la
coalition où il est seul et où il apporte v(L) et la
coalition LC à laquelle il apporte la différence
avec le gain de C.

v(L) = v(C) = 0
v(LC) = 6.

2/ Trois joueurs
En plus de L et C, on a un joueur T (tiers).

Les coalitions sont : L, C, T,LC,LT, CT, LCT.

Les valeurs des coalitions sont :

v(L) = v (C)= v(T) = 0

v(LC) = v(LT) = 6

v( LCT) = 9

Formellement :

))]
(
)
(
(
*
1
[
))]
(
)
(
(
*
2
/
1
[
))]
(
)
(
(
*
2
/
1
[
))]
0
(
)
(
(
*
)
1
[(
3
/
1
)
( CT
v
LCT
v
T
v
LT
v
C
v
LC
v
v
L
v
L
V

Les pondérations ente () sont expliquées ci-dessous.

En remplaçant, on retrouve V(L)=3

3/ Généralisation : la formule de la valeur de


Shapley

)]
(
)
(
(
)!
1
/(
]
)!
1
(
)!
[(
/
1
)
(
1 k
i
n
k K
v
K
v
n
k
k
n
n
i
V

Commentaire :

1/n est la moyenne arithmétique

La seconde sommation donne l’apport à la coalition


K du joueur i. C’est donc la valeur de la
coalition v(K) moins les apports des autres joueurs
(donc en excluant le joueur i dont on
calcule l’apport). Pour 3 joueurs, on a :

)
(
)
(
(
)
(
)
(
(
)
(
)
(
(
)
0
(
)
(
( CT
v
LCT
v
T
v
LT
v
C
v
LC
v
v
L
v
109

La première sommation indique que l’on somme des


combinaisons de coalitions , autant qu’il
y a de joueurs moins 1, pour tenir compte de la
coalition dans laquelle on ne trouve pas le
joueur i. Pour n=3 joueurs, on a vu qu’il y avait 4
combinaisons : L, LC, LT, LCT. Mais pas
CT.

Remplaçons dans la formule :

)!
1
3
/(
]
)!
1
(
)!
3
[(
3
1 k
k
k

Pour k = 1, on a : 1
Pour k = 2, on a : ½
Pour k = 3, on a : 1
Ce sont les pondérations utilisées pour les apports à
la coalition K du joueur i = L.

Analyse combinatoire (rappel) : on a besoin de


l’opérateur « C,n,k »
)!
(
!
!
k
n
k
n
C
k
n
Ici, c’est
)!
(
)!
1
(
)!
1
(
1
1
k
n
k
n
C
k
n
Et on fait :
1
1
/
1
k
n
C

4/ Application : dans la téléphonie mobile, en 2005,


les parts de marché (PDM) exactes sont
inconnues mais on peut penser que la répartition
des amendes infligées au cartel permettent
une bonne estimation. Le juge a estimé le gain
retiré par le cartel : 534 millions d’euros, puis
a réparti en : 58 pour Bouygues, 220 pour SFR et
256 pour Orange.
En %, cela donne environ : 48 % pour Orange
(joueur A), 41% pour SFR (joueur B) et 11%
pour Bouygues (joueur C).
On vérifie immédiatement que ces PDM sont des
valeurs de Shapley.

5/ Exercice : une économie est composée d’un


producteur (K) qui apporte un capital de 10 et
de deux consommateurs, S1 et S2, qui apportent
leur force de travail, 10 chacun. Les valeurs v
des coalition sont : 30
2
1KS
KS ; 20
2
1S
S ; 50
2
1S
KS
Calculez les valeurs de Shapley.
110

Leçon 13 : jeux séquentiels et sous-


solutions de Nash

Jusqu’ici, les jeux ont été présentés sous forme dite


stratégique, à la manière de Nash, avec
une matrice de gains. L’hypothèse implicite est que
les joueurs jouent simultanément. Or,
dans la réalité, un joueur peut jouer avant l’autre. Le
cas classique est le jeu de l’entrant
potentiel. Un monopoleur est menacé par l’entrée
d’un concurrent. Le résultat du jeu peut être
différent selon que le monopoleur réagit avant ou
après l’entrée, si le jeu possède plusieurs
sous-solutions.
Historiquement, c’est Stackelberg qui, le premier
(1936) aborda la question mais sans utiliser
la théorie des jeux.
13.1. Duopole de Stackelberg

Il y a un « pilote » (ou « leader ») et un « satellite


» (ou « follower »). Le pilote maximise son
profit en tenant compte de la fonction de réaction
du satellite (exercice de Varian 19.4, suite et
fin)

On suppose que 1 est le leader. Il maximise son


profit en tenant compte de la fonction de
réaction de 2.

1
1
1
1 4
2
/
24
(
2
100 y
y
y
y

Après égalisation à 0 de la dérivée du profit, on


obtient :
24
1
y
Le follower produit :

12
2
/
24
1
2 y
y

production de la branche : 36.

Prix :
28
)
36
*
2
(
100
p

111

Si les deux producteurs ne veulent pas être leaders


mais veulent être des satellites l’un de
l’autre, on revient au duopole de Cournot. Si les
deux producteurs veulent être pilotes, il y a,
selon S. une « guerre économique » qui se
terminera par un vainqueur (pilote) et un vaincu
(satellite). Avec la théorie des jeux, cette situation
se traduit facilement en un jeu séquentiel
avec le jeu de l’entrant potentiel où le producteur
en place combat pour garder son leadership..

13.2. Duopole anti-S

« On a toujours besoin d’un plus petit que soi » (La


Fontaine : le lion et le rat). C’est un cas
assez fréquent où l’un des joueurs, le plus
important, a plus intérêt que les autres à ce qu’une
entente existe au sein d’un cartel. Exemple :
l’Arabie Saoudite au sein de l’OPEP. C’est le
producteur dominant et c’est lui aussi qui consentira
à faire un effort de production
supplémentaire en cas de tension sur les prix,
même si les autres producteurs ne veulent pas
faire un effort proportionné. Il y va de son intérêt
que le cartel reste stable.

Définition d’un équilibre de Nash en stratégie pure :


c’est la « sous-solution » à côté de la
solution forte et de la solution en stratégie mixte.
Chaque joueur anticipe rationnellement le
choix de l’autre. Il y a donc concordance entre ces
anticipations et les choix effectifs. En
pratique, pour détecter une sous-solution, on utilise
une fonction de réaction (pensez à
Cournot) et on regarde si la solution trouvée est
stable, c’est-à-dire si les joueurs n’ont pas
intérêt à dévier. S’ils ne font pas de gains en
déviant, c’est que la solution est bien un
équilibre de Nash.
112

Sous forme matricielle :


S. Arabia
Rest
4
,
4
6
,
1
4
,
6
2
,
2
o
d
o
d

On voit que le reste de l’OPEP a une stratégie


dominante : désobéir (d).
Il y a un équilibre de Nash : (6,4).

Appliquons la définition donnée plus haut : si Rest


anticipe que SA va jouer la stratégie d
pour gagner 6, Rest ne jouera pas o qui ne rapporte
que 1, mais d qui lui rapportera 2. Si SA
anticipe que Rest va jouer d, alors Sa jouera o pour
gagner 4. Et si Rest anticipe que SA va
jouer o, alors il ne dévie pas et continue à jouer d.
Le fait que les deux joueurs ne dévient plus
est un critère d’équilibre de Nash.

13.3. Guerre économique à la S. : jeu de


coordination
C’est un duopole où les producteurs n’arrivent pas à
se mettre d’accord, même pas sur le type
de bien à produire.
Cas classique : désaccord sur un standard
technologique. Le nouveau standard de DVD, qui
utilisera le rayon laser bleu fait l’objet de deux
normes opposées : HD (stratégie h) de Toshiba
(joueur L) et Blue-ray (stratégie d) de Sony (joueur
C).

Le jeu sous forme stratégique s’écrit :

)
2
;
1
(
)
1
;
1
(
)
1
;
1
(
)
1
;
2
(
/
b
h
d
g
C
L

2 équilibres de Nash existent : h/g et b/d. Mais le


choix entre les deux suppose que l’un des
joueurs cède à l’autre. Un équilibre coopératif (s’
entendre sur une règle d’attribution d’un
équilibre de Nash en jouant à pile ou face p.ex.) est
meilleur mais ne fait pas partie de
l’ensemble (non convexe ici) des choix possibles.

Les différentes solutions sont :


1/ Ne pas s’entendre (-1,-1) : chacun développe son
standard et c’est le marché qui choisira
comme ce fut le cas, naguère, pour la cassette
video : VHS (Matsushita) et Hi8 (Sony).
2/ L’un des deux impose à l’autre son standard :
duopole de Stackelberg avec un leader et un
follower (2,1) ou (1,2) selon la solution d’un jeu
séquentiel : qui joue le premier impose sa
solution à l’autre.
3/ Une règle de partage ou un tirage au sort: « Pour
ce standard, c’est toi : pour un autre, ce
sera moi ». Mais cette solution est extérieure à
l’ensemble non convexe. Calcul :
2
/
3
2
*
)
2
/
1
(
2
*
)
2
/
1
(
1 é
v
v

113

On note que l’équilibre de solution mixte (calculé


avec l’espérance mathématiques des gains
pondérés par les probabilités) est de 1/5. Il ne
présente aucun intérêt en pratique puisque
chaque joueur obtient autant en jouant toujours la
même stratégie pure. Si L joue toujours h :
5
/
1
)
5
/
3
(
*
1
)
5
/
2
(
*
2
)
(gain
E

u
l
u
c
2;1
1;2
-1;-1
3/2;3/2
1/5
Ensemble de gains non convexe

13.4. Guerre économique à la S. : « jeu du poulet »

C’est une variante du jeu précédent où chaque


joueur cherche à imposer son choix à l’autre.
C’est un duopole où les producteurs s’affrontent
dans un duel comme dans un jeu à somme
nulle. La particularité est que l’affrontement risque
de conduire à la disparition des deux
adversaires. Cette menace est utilisée pour forcer la
décision au profit de l’un des deux, le
plus téméraire. L’autre, qui cède, est appelé la «
poule mouillée » (chicken). On trouve ce jeu
dans un film US des années ’50 avec l’acteur James
Dean: La fureur de vivre (Rebel without a
cause). Deux voitures roulent sur la ligne médiane
l’une vers l’autre ( « a chickie run »). Le
conducteur qui s’écarte est le chicken

)
1
;
1
(
)
2
;
0
(
)
0
;
2
(
)
3
;
3
(
/
b
h
d
g
C
L

avec g et h les stratégies « rester sur la ligne


médiane », b et d les stratégies « dévier de la
ligne médiane ».

114

LC
Jeu du poulet
h
b
g
d
g
d
(-3;-3)
(2;0)
(0;2)
(1;1)
N
N

Ce jeu possède 2 équilibres de Nash, comme dans le


jeu précédent.

La probabilité pour que les joueurs ne se tuent pas 1


- (case h,g) est de :

9375
.
0
)
4
/
1
*
4
/
1
(
1
)
,
(
1g
h
prob

L’aversion vis-à-vis du risque conduit vers l’un ou


l’autre équilibre de Nash. L’emploi de la
force est donc un moyen d’arriver au résultat que
l’on souhaite. En pratique, la concurrence
féroce entre CanalSat et TPS est un bon exemple où
chaque agent risque de perdre sauf à
s’éviter (choisir des marché différents).

L’ensemble des solutions est convexe (faire le


schéma) contrairement au jeu précédent. La
solution mixte (v = ¾) est à l’intérieur de
l’ensemble. La solution v = 1 est optimale.

13.5. Jeux de l’entrant potentiel et barrières à


l’entrée

Jeu proposé par Varian :

1
;
2
0
;
0
9
;
1
9
;
1
/
b
h
d
g
C
L

On met ce jeu sous la forme d’un arbre de Kuhn.

115

LC
Jeu sous forme extensive
h
b
g
d
g
d
(1;9)
(1;9)
(0;0)
(2;1)
Recherche des équilibres de Nash : h-g ; b-d

Cette forme permet de raisonner de manière


séquentielle : qui joue le premier ?

Si L joue le premier, il choisit b et C suivra avec d. Si


C joue le premier, il choisit g et L
suivra avec h.

Ce raisonnement est à la base de tous les jeux dits


de l’entrant potentiel (« potential
competitor ») : un monopoleur C est menacé par
l’entrée d’un concurrent. Il a le choix entre
combattre (stratégie g) ou ne pas combattre
(stratégie d). L’entrant a le choix entre entrer
(stratégie b) ou ne pas entrer (stratégie h).
En pratique, c’est l’entrant potentiel qui joue le
premier. Il y a donc un seul équilibre de N.
réaliste : b-d. Si C veut empêcher l’entrée, il faut
qu’il utilise une barrière. Cette barrière
transforme le jeu car si L entre, C combat et a les
moyens de sa stratégie :
1/ Un brevet exclusif (20 ans renouvelable chaque
année à coût croissant)
2/ L’exploitation d’externalités (un réseau : C
possède le contenant (le réseau) et, de ce fait, il
maitrise aussi le contenu. Exemple : câble/tv à
péage). Le réseau a une propriété d’externalités
positives : plus il est utilisé, plus il procure
d’avantages aux clients raccordés (téléphone).
Contrôler le réseau revient à contrôler le marché.
3/ Une capacité de production utilisée à moins de
100% mais qu’il peut réactiver à tout
moment : L sait que s’il entre, la production totale
de la branche augmentera et l’empêchera
de faire du profit avant longtemps.
4/ Une baisse de prix au niveau de son coût
marginal.
116

LC
Jeu sous forme extensive avec barrière
h
b
g
d
g
d
(1;9)
(1;9)
(0;2)
(2;1)
barrière

Contre-exemple : Boeing/Airbus. Quand Airbus a


menacé Boeing, ce dernier n’a pas réagi
pensant que ce concurrent ne serait pas dangereux
(stratégie du fat cat). Quand Boeing s’est
réveillé pour devenir un top dog, c’était trop tard :
Airbus était devenu l’égal (en part de
marché : 50-50).
Autre contre-exemple : dans les années ’60,
l’industrie allemande de la photo pensait être sans
rivale. Le protectionnisme européen (barrière à
l’entrée) empêchait de voir la menace de
l’industrie japonaise, devenue déjà leader aux USA.
Quand les droits de douane ont été
fortement baissés, l’industrie allemande n’était plus
compétitive et a disparu presque
entièrement, sauf quelques niches (Rollei, Leica,
Linhof).

13.6. Jeu de l’entrant avec information imparfaite :


équilibre de Nash-Bayes

Nous changeons l’hypothèse d’information parfaite


et symétrique pour l’hypothèse
d’information imparfaite et asymétrique. Chaque
joueur peut supporter un « type » avant de
jouer une stratégie. Ce type est choisi aléatoirement
par un joueur fictif, le maître du jeu (ou la
nature), puis communiqué au joueur qui ne connaît
donc que son type, mais pas celui des
autres joueurs.
Le type sera ici : coûts faibles ou coûts élevés. Dans
le premier cas, si l’autre joueur arrive à
deviner que les coûts de l’entrant sont faibles, il
cherchera à coopérer. Dans le second cas, il
tirera la conclusion que l’entrant n’est pas
dangereux.
117

nature L
Jeu avec équilibre de Nash-Bayes
Coûts faibles
Coûts élevés
h
b
h
b
entre
(1;9)
entre
(1;9)
C
g
d
g
d
(0;2)
(4;2)
(0;0)
(2;1)
accommode
accommode

Le maître du jeu (appelé « nature ») tire à pile ou


face entre les deux types et communique le
résultat à L. Puis L prend sa décision. C ne connaît
pas le résultat du tirage mais observe la
décision de L (appelée événement ou outcome) et
en tire une opinion qui révise sa probabilité
subjective initiale (appelée prior probability): si L
entre c’est que ces coûts sont faibles avec
une probabilité égale à 0,7 p.ex. et ces coûts sont
élevés avec une probabilité de 0,3 p.ex.. Ces
probabilités sont subjectives (à l’inverse des
probabilités objectives que l’on calcule en
partant d’une urne dont on connaît la composition).
Ici, on ne connaît pas la composition de
l’urne (les types choisis) mais on cherche à inférer
la composition à partir des décisions
prises. Avec le théorème de Bayes, on prend donc le
problème à l’envers : on part de
l’observation du tirage pour inférer le contenu de
l’urne alors que, traditionnellement, on part
de l’observation de la composition de l’urne pour en
inférer les probabilités.
Le théorème est utilisé sous la forme d’une règle
pratique : la règle de Bayes. La probabilité
((dite « conditionnelle ») pour que, si L entre, ces
coûts soient faibles est de :

955
.
0
))
1
.
0
*
3
.
0
(
)
9
,
0
*
7
.
0
/((
9
,
0
*
7
,
0
Pr
et, donc, la probabilité pour que les coûts soient
élevés quand A entre est de :
045
.
0
955
.
0
1
Pr

Les espérances de gains de C sont respectivement :

Si C accommode : 955
.
1
1
*
045
.
0
2
*
955
.
0

Si C n’accommode pas : 0.955*2+0.045*0= 1.910

Ici C décide d’accommoder : L entre.


L’équilibre de N-B est donc : entrer/coopérer. Mais la
différence de gains entre les deux
stratégies est vraiment très faible pour qu’une
décision soit prise sur cette base.

118

Règle de Bayes
0.045
0.955
Posterior prob
0.9
0.1
Outcome 2 (L
entre et a des
coûts élevés)
0.1
0.9
Outcome 1(L
entre et a des
coûts faibles)
0.3
0.7
Prior prob
Hyp.2: coûts
élevés
Hyp.1: coûts
faibles

13.7. Le prix, comme menace à l’entrée ou comme


barrière : tarification au coût marginal ou
au coût moyen ?
En marketing, le prix fait partie du marketing mix
(les « 4P » avec le produit, la promotion et
la mise en place).

Source : Kotler, marketing management, p.49. Publi-


union 2000.

119

En microéconomie de la théorie des jeux, le prix est


un instrument au service d’une stratégie
en ambiance de concurrence imparfaite : il peut
servir de barrière à l’entrée ou, au contraire,
d’instrument de conquête d’un marché.

Remarque : en comptabilité, le prix de vente est


calculé en prenant le coût en amont (coût
d’achat) et en ajoutant une marge (« prix = coût +
marge ») calculée sur le prix. (Note : quand
on calcule le prix de vente en appliquant un % de
marge sur le coût, c’est un taux de marque ;
quand on le calcule sur le prix de vente, c’est un
taux de marge).
En effet, dans la formule de la marge (leçon 9), on
voit bien que :
m
p
CVM
p

La marge totale M est bien calculée sur le prix de


vente (et non pas sur le prix en amont : prix
d’achat, prix de gros, etc).
La tarification permet aux producteurs d’utiliser le
prix pour : entrer sur un marché ou
empêcher l’entrée sur un marché.

En tarifant au coût marginal, s’il est inférieur au


coût moyen, et il l’est en concurrence
imparfaite et en régime de coûts décroissants, la
firme installée dissuade tout entrant sur le
marché si les coûts fixes sont importants (donc :
coûts décroissants).

Il se peut aussi que l’entrant ait déjà couvert ses


coûts fixes sur un autre marché (le marché de
son pays). Dans ce cas, il peut tarifer au coût
marginal sur un marché extérieur et éliminer (ou
marginaliser) les producteurs installés. Ce fut
pendant longtemps la stratégie des firmes
japonaises pour conquérir des parts de marché à
l’extérieur du Japon.

Notons que l’entreprise ne connaît pas en pratique


son coût marginal (qui suppose une
fonction de coût issue d’une fonction continue de
classe 2), mais utilise comme coût pertinent
une approximation : le coût variable qui lui est
connue par la comptabilité de coûts.

Cas pratique : ce producteur veut entrer sur un


marché où le prix de vente constaté pour un
produit comparable est de 40 € ttc.

Données sur ce producteur :


Quantité produite qu’il espère vendre : 1'000’000
Tva : 7%
Marge des grossistes : 15 %
Marge des détaillants : 25 %
Coût variable unitaire : 20
Coûts fixes de production et de gestion : 4
millions/an

1/ calcul du prix départ usine (EXW = ex works)

120

40/1.07 = 37.38 ht

prix de gros = 37.38 ( 1-0.25)=28.03

Voir la formule de la marge

Prix = 28.03(1-0.15)=23.82

2/ calcul du coût complet (full cost)

Coût complet = coût fixe unitaire + coût variable

= (4'000’000/1'000'000) + 20 = 24.

L’opération n’est pas rentable. Il ne faut pas rentrer.

3/ calcul du coût direct (direct costing)

marge sur coût variable = CA – coût variable total =


23'820'000 – 20'000'000 = 3'820’000

La marge totale ne couvre pas les coûts fixes.

4/ Le producteur peut néanmoins entrer en


renonçant à couvrir tous ses coûts fixes, ou en
diminuant ses coûts fixes (p. ex. : externaliser la
gestion) ou en vendant plus cher que le
marché s’il choisit une niche pour se différencier (il
va alors actionner les 3 autres « P » du
marketing mix). Il choisit de se décaler du milieu du
marché (cf. Hotelling).

Il peut aussi augmenter sa production s’il pense


pouvoir vendre au même prix. Calcul du point
mort PM :

RT = p x q = 23.83 x q
CT = CVT + CFT = 20 x q + 4’000’000

PM = RT – CT = 0

D’où ici q = 1’044’386

Au-delà il dégage du profit.

Conclusion : les stratégies deviennent complexes


dès qu’on introduit les données comptables.

121
Conclusion

1/ La microéconomie est positive et normative :

On est parti de l’hypothèse comportementale de


l’individualisme méthodologique (= l’agent
est une personne supposée rationnelle) pour
construire, pas à pas, un modèle global de
l’économie de propriété privée.

Ce modèle est positif (« Ce qui est » et « Ce qui


sera ») : il décrit le comportement des agents
et le fonctionnement des marchés et permet de
prédire les effets de chocs exogènes, en partant
d’une situation hypothétique d’équilibre: chocs
d’offre comme un choc pétrolier qui augmente
les prix et diminue la production, chocs
technologiques qui modifient les paramètres des
fonctions de production, chocs démographiques qui
modifient l’offre de travail, chocs de
demande qui dépendent de variations non prévues
de la masse monétaire et qui font varier les
prix (définitivement) et les quantités
(transitoirement), chocs politiques qui modifient le
cadre
institutionnel dans lequel les agents jouent le jeu
économique (Exemple : la loi française qui a
imposé aux entreprises les 35h de travail par
semaine).

Ce modèle est aussi normatif (« Ce qui doit être ») :


l’optimum, créé spontanément par les
marchés en équilibre, peut être modifié par « l’Etat
» pour faire passer des objectifs de
politique économique et sociale conformément à la
typologie de Musgrave.

Cette distinction positif/normatif est une distinction


d’ingénieur (Maurice Allais, X-Mines,
Nobel d’économie). A l’ingénieur, les questions «
techniques » qui relèvent de l’optimisation
de la machine économique en fonction de
jugements de fait.. Au politicien, les questions
relatives au choix d‘un optimum en fonction de
jugements de valeur.

2/ La microéconomie unifie la science économique :


la macroéconomie monétaire, autre
branche de la science économique, est désormais
construite sur les mêmes bases que la
microéconomie alors que, au départ, avec Keynes,
elle avait la prétention de devenir une
« Théorie générale » englobant, comme cas
particulier, la microéconomie. Ainsi les postulats
keynésiens sur de prétendus comportements
macroéconomiques ad hoc, d’origine
« psychologique », comme la stabilité de la
propension à consommer, sont aujourd’hui
remplacés par une analyse microéconomique fine
des comportements de maximisation, sur
une période de temps appelée cycle vital, d’une
fonction d’utilité sous contrainte d’un revenu
dit permanent (Milton Friedman). Tout ce qui en
macroéconomie monétaire n’est pas fondé
sur une base microéconomique relève de la magie.
Ainsi, la création monétaire pour
« financer » les investissements, avec de l’inflation
pour alléger l’endettement réel, a certes
permis d’assurer la croissance forte des années
1945-74 en France et ailleurs. Cela a marché
parce que les économies étaient à l’abri de
frontières douanières et aussi parce que les
ressources non renouvelables, comme le pétrole,
étaient exploitées avec des coûts faibles,
donc avec du gaspillage. Cela ne marche plus
aujourd’hui dans le cadre d’une économie de
plus en plus mondialisée avec des sources d’énergie
coûteuses et créant des dommages à
l’environnement.

3/ La microéconomie est parfois utilisée pour décrire


des comportements non
économiques : juridiques, politiques ou personnels
(mariage, divorce). On retrouve ici
122

l’idéologie théorique dénoncée par Althusser :


l’utilisation abusive de l’individualisme
méthodologique pour décrire tout et n’importe quoi.
Exemple : Gary Becker, de l’U. de
Chicago, père du concept de capital humain,
propose de créer un marché libre pour la drogue.
Extrait :
« Les Etats-Unis mènent une guerre opiniâtre contre
la drogue depuis trente ans. Mais toutes
les batailles ont été perdues, et le coût de la guerre
n'a cessé de monter. La répression, la
menace de la prison pour les trafiquants se
traduisent évidemment par une hausse du prix des
drogues. Mais l'élasticité de la consommation au
prix est faible. Autrement dit, les
consommateurs ne sont pas dissuadés par des
drogues plus chères. Ils consacrent donc une
part croissante de leurs revenus à l'achat de drogue
- ce qui peut les mener à devenir
délinquants. En outre, la guerre elle-même coûte
très cher. Un seul indicateur : dans les
centrales fédérales américaine, le quart des
prisonniers est là pour trafic de drogue. La
facture est énorme, quand on sait qu'il y a 2 millions
de prisonniers aux Etats-Unis au coût
annuel d'incarcération de l'ordre de 30.000 à 40.000
dollars. Pour abaisser le budget global
de la guerre contre la drogue, le plus efficace est de
légaliser son usage en la taxant
fortement. C'est une «sin tax», une taxe sur le
péché. Les dépenses budgétaires se
transforment alors en recettes. Et les produits sont
de meilleure qualité, ce qui diminue les
accidents ».
Mais quelle drogue légaliser ? Naturelle (cannabis)
ou chimique (héroïne, extasy, lsd, etc) ? Et
comment maîtriser la surconsommation si les prix
baissent avec les conséquences sur les
comportements des toxicomanes ? L’économie a
peu à dire sur ces questions, en tout cas
moins que la médecine et moins que les juristes et
les hommes politiques. Dans l’Union
européenne, on tend vers un consensus pour
distinguer les consommateurs et les producteurs,
en dépénalisant la consommation individuelle et en
renforçant au contraire les peines pour les
producteurs et les distributeurs. Certains pays vont
plus loin et tendent vers la vente libre de
cannabis.
En définitive, mon opinion est qu’il faut éviter
l’économisme : la tentation d’expliquer par
l’économie l’ensemble des comportements
humains. A l’époque du marxisme triomphant
(Les années 1968-79) , l’économisme consistait à
tout expliquer, y compris l’art et la culture,
par les « rapports sociaux de production » (place de
l’individu dans une classe sociale et place
de cette classe dans l’économie). Voir p.ex. : Pierre
Bourdieu, La distinction. En renversant à
180 ° la problématique, c’est-à-dire en plaçant
l’individu au premier plan, « l’Ecole de
Chicago » avec ses « Chicago boys », évangélistes
des idées ultra-libérales et « fanatiques du
marché » (Joseph Stiglitz)- retrouve paradoxalement
le même travers méthodologique. Néo-
conservatisme nord américain, issu aussi de
Chicago avec Leo Strauss, et ultra-libéralisme
économique visent à transformer la planète selon le
même moule idéologique pour servir les
intérêts de l’Empire, en essayant d’imposer par
exemple la Common law anglo-saxonne aux
pays de droit romain ou de droit coranique. Il
semble que les peuples réagissent et s’opposent
à cette tentative en remettant au premier plan les
valeurs extra-économiques issues de l’
histoire longue des civilisations et des territoires,
faisant ainsi démentir la prédiction de
Francis Fukuyama, disciple de Strauss, sur « la fin de
l’histoire » après la chute des régimes
politiques communistes.
L’économie doit servir modestement à accroître le
bien-être économique matériel.
« L’intendance suivra » disait un homme politique
français, ancien militaire, remettant à sa
place l’économie par rapport à la Politique : au
même niveau que l’intendance qui suit le
123

déplacement d’une armée. C’est déjà un


programme suffisamment grand à réaliser, à
l’échelle
de la planète, pour améliorer les conditions de vie
de millions d’êtres humains.

124

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