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Septembre 2009
Sommaire
Introduction ............................................................................................ 3 2.1 L’exemple de Saint Nazaire les Eymes ....................................... 25
2.2 La réponse apportée par l’habitat groupé coopératif .................... 27
Chapitre 1. La pertinence du concept d’habitat groupé coopératif face à l’enjeu
de la périurbanisation. ............................................................................ 5 Chapitre 2. Les obstacles idéologiques et politiques forts...................... 31
Partie 1 : Eléments de contexte pour mieux comprendre les enjeux du 1. Le cloisonnement du concept.......................................................... 31
sujet .................................................................................................... 6 1.1 L’habitat groupé, une alternative qui ne séduit qu’une faible partie de
la population… ............................................................................. 31
1.Le concept d’habitat groupé coopératif ................................................6 1.2 …et remet en cause le principe de mixité sociale ......................... 32
1.1 Un habitat collectif .....................................................................6 2. L’idéal de la maison individuelle ou comment fuir la ville compacte ..... 35
1.2 Un habitat coopératif .................................................................7 2.1 Le culte de la maison individuelle…............................................ 35
2. Origine de l’habitat groupé coopératif.................................................8 2.2…entretenu par des incitations commerciales............................... 37
2.1 Le Familistère de Godin ..............................................................8 2.3… et politiques ......................................................................... 37
2.2 Les pays nordiques précurseurs...................................................9 3. Point de vue critique ..................................................................... 39
2.2.1 Le quartier Vaudan de Fribourg en Brisgau, Allemagne ..........10
2.2.2 L’expérience de la vallée de Vorarlberg, Autriche ..................11 Chapitre 3 : Quelles sont les conditions nécessaires au développement
2.3 L’expérimentation française. .....................................................12 de l’habitat groupé coopératif ? ......................................................... 42
3. L’habitat groupé, une réponse pertinente aux enjeux sociaux actuels ? 16
3.1 Regroupement social, vie en communauté, partage .....................16 1. Décloisonner le modèle de l’habitat groupé coopératif ....................... 42
3.2 Dimension écologique des projets (démarche HQE)......................17 1.1 Sensibiliser les habitants et intégrer de nouvelles pratiques ......... 43
3.3 Une solution économe avec la mutualisation des moyens..............18 1.2 La promotion du modèle .......................................................... 43
4. Comment se monte un projet d’habitat groupé coopératif ? ................19 1.3 Jouer sur l’offre et la demande ................................................. 44
4.1 La constitution d’un groupe.......................................................19 2. Accompagnée l’initiative privée par une initiative publique ................. 45
4.2 Mettre en place une charte ou une vision commune .....................19 2.1 La vallée du Grésivaudan, un contexte soumis à une nouvelle
4.3 La prise de décision et l’animation des réunions ..........................20 réflexion durable. ......................................................................... 45
4.4 Le choix du statut juridique.......................................................21 2.2 Orienter le développement et mobiliser les outils à disposition...... 48
2.3 Des incitations techniques et financières (novatrices) .................. 50
Partie 2 : L’habitat groupé coopératif, une réponse potentielle dans la 3. Le rôle des professionnels ou comment construire l’urbanisme durable 51
gestion du phénomène de périurbanisation ? .................................... 23 3.1 Proposer le territoire de demain................................................ 51
3.2 Voir plus loin que la ville et anticiper les changements................. 52
1. Problématique de la périurbanisation ...............................................23
1.1 La périurbanisation, sujet de controverse. ..................................23 Conclusion ............................................................................................. 53
1.2 Composer avec la périurbanisation plutôt que vouloir la contrer à Bibliographie.......................................................................................... 55
tout prix ......................................................................................24 Annexes ................................................................................................. 57
2. Pression foncière et construction des territoires. ................................25
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Introduction
Pour la première fois depuis un siècle, les campagnes françaises voient "l’individualité du logement". Il s’agit alors de penser le logement dans
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leur population augmenter . La France est en train de vivre une sorte un esprit nouveau en prenant en compte les aspirations des habitants, la
d’exode rural à l’envers. L’afflux des citadins vers le périurbain est en gestion du territoire et les préoccupations environnementales
train de façonner une nouvelle physionomie à cet espace, le composant émergeantes.
progressivement en une alternative au traditionnel couple ville-
campagne. Le périurbain attire à la fois par son environnement encore Il nous est aujourd’hui nécessaire de faire preuve d’originalité pour
préservé par rapport au pôle urbain mais aussi, et surtout, par sa assurer la viabilité et la rationalité de l’urbanisation des campagnes.
proximité avec celui-ci. L’aménagement du territoire ne pouvant plus être penser avec les
Alors que la crise du logement perdure, la «périurbanisation» est la mêmes modèles qu’il y a plusieurs décennies, il convient de trouver de
stratégie que certains particuliers ont développée pour échapper à nouveaux concepts afin de concilier les aspirations individuelles et les
l’augmentation des prix de l’immobilier urbain et à la relégation en contraintes techniques, financières et environnementales.
banlieue. Pour d’autres, il s’agit avant tout de bénéficier d’un cadre de
vie agréable, à proximité de la ville. Dans ce contexte, la maison Face à ses enjeux, l’habitat groupé coopératif se présente comme un
individuelle est à la fois le signe de ce grand changement et le point sur mode d’habiter potentiellement avantageux. Le principe est simple :
lequel il se cristallise. plusieurs personnes ou ménages décident de se regrouper, de partager
un lieu, un immeuble, un terrain avec pour but de construire un projet
Le phénomène de périurbanisation ne cessant de s’accentuer, il faut de vie commun. Cet habitat prend diverses formes et se construit au gré
aujourd’hui concilier l’exigence de densité avec la problématique de des envies et besoins de ses membres, les maîtres mots étant
convivialité, gestion de l’espace, économie d’énergie.
3
Et si oui, quelles sont les conditions politiques, techniques et financières
pour que ce mode d’habiter se développe et touche une plus large partie
des futurs acheteurs et propriétaires ?
Pour répondre à ces questions, nous développerons trois parties posant
la question de la pertinence de l’habitat groupé dans la problématique de
périurbanisation, de son acceptabilité par les individus et des moyens à
mettre en œuvre pour favoriser son développement.
Plan :
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Chapitre 1. La pertinence du concept d’habitat groupé coopératif face à l’enjeu de la périurbanisation.
Ce premier chapitre propose de livrer des éléments de contexte pour une nouvelle façon d’habiter comprenant de nouveaux besoins, et de
définir notre objet d’étude et comprendre les enjeux de notre sujet. Il nouveaux référentiels (mobilité, solidarité, proximité…).
s’agit d’abord de définir le concept d’habitat groupé coopératif pour
poser un cadre concret et de faire ensuite le lien avec la problématique - L’habitat groupé coopératif, par ses principes et sa mise œuvre,
de la périurbanisation afin de répondre à cette question: l’habitat peut-il répondre à nos problématiques sociales,
groupé coopératif peut-il constituer un outil potentiel dans la environnementales et économiques actuelles ? Peut-on faire de
gestion du phénomène de périurbanisation ? ce type d’habitat un prototype pour rendre plus durable nos
espaces périurbains ?
Plusieurs postulats apparaissent à propos de ces deux objets centraux.
L’habitat groupé coopératif est une forme d’habitat encore mal connue
- Le phénomène de périurbanisation est vu comme une forme de du grand public. Peut être parce que ce type d’habitat que l’on peut
développement non durable puisque qu’il consomme espace et qualifier d’« émergent » ne s’est pas développé en assez grand nombre
énergie à outrance. Cet aspect environnemental est au cœur des pour que l’ensemble de la population connaisse son existence.
préoccupations actuelles concernant la lutte contre le Apparu en France dans les années 80 suite aux évènements de Mai 68
réchauffement climatique. et au souhait d’un certain retour aux sources, l’habitat groupé coopératif
comptait à l’époque un nombre important de groupes souhaitant trouver
- Ce processus, loin d’être derrière nous, se poursuit de plus en une alternative aux modes d’habiter des années 70, voire une rupture
plus en profondeur dans les territoires et pose la question de la avec la société issue des Trente Glorieuses. Ils cherchaient une nouvelle
pensée aménagiste pour une démarche prospective efficace. façon de vivre plus solidaire, un mode de vie construit autour de valeurs
communes. Mais cette coopération dans le domaine du logement n’est
- La périurbanisation propose de nouveaux modes de vies. C’est là pas récente et remonte bien plus loin dans l’histoire… Nous analyserons
la conséquence sociale de ce phénomène. En habitant un tiers- donc certains modes d’habiter antérieurs afin d’en voir les points
2
espace , entre ville et campagne, les populations développent communs avec ce concept. Y a-t-il une permanence dans la démarche
ou cette forme d’habitat est inédite dans l’histoire des modes d’habiter ?
2
Martin VANIER, « Métropololisation et tiers-espace »
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Partie 1 : Eléments de contexte pour mieux Un immeuble classique se trouve être un type d’habitat groupé, par
comprendre les enjeux du sujet opposition à la maison individuelle car il abrite plusieurs logements
articulés autour d’espaces communs tels que l’entrée d’immeuble,
l’ascenseur, les locaux poubelles… Les habitants partagent ces espaces
1.Le concept d’habitat groupé coopératif au quotidien mais ne sont pas forcément impliqués dans la vie de
l’immeuble ni dans sa gestion.
1.1 Un habitat collectif
Un logement collectif classique est un espace plutôt assez impersonnel
dans lequel vivent des personnes qui ne se rencontrent pas forcément
Pour définir le mieux possible le concept d’habitat groupé coopératif, il
(bien que dans certains cas il y est une bonne dynamique et une
faut tout d’abord revenir sur la notion d’habitat. Les mots de la
certaine solidarité) en tous cas qui ne cohabitent pas. La vie quotidienne
Géographie3 indique que l’habitat est « un lieu de vie, celui où l’on
est individualisée, l’accord repose juste sur le respect des voisins et des
s’établi et qui devient comme « une façon d’être » (habitus). Ce lieu fait
parties communes en terme de propreté et de nuisances sonores le plus
partie intégrante de l’habitant, comme faisant partie de lui-même,
souvent.
comme étant le reflet de lui-même. Dans une vision plus matérialiste,
c’est aussi « l’ensemble et l’arrangement des habitations » c'est-à-dire
L’attache à un logement collectif ne parait pas être importante, on est
l’ensemble des pièces du logement ainsi que les locaux poubelles, les
attaché à son appartement mais plus rarement à l’ensemble dont il fait
garages, les caves…. Au niveau sociologique, on observe que les
partie et on l’est généralement moins qu’à une maison dont on est
différentes formes d’habitat sont le reflet de la société qui les a
propriétaire par exemple. En effet, l’acquisition d’une maison individuelle
construit. Cette définition fait apparaître une opposition dans les choix
suppose un investissement financier et humain plus important, c’est
d’habitations entre les différentes sociétés urbanisées « les sociétés qui
parfois le projet d’une vie. On s’accorde une grande réflexion avant de
privilégient les habitations individuelles et le repli sur la vie familiale au
se lancer dans ce type de projet car même s’il est toujours possible de
prix de la distance et celles qui choissent l’habitat collectif, payant une
revendre son bien, l’objectif premier est d’en faire un investissement sur
plus grande convivialité au prix d’une certaine promiscuité – pour ne
la durée.
rien dire des variations infinies qu’introduisent les différences de
revenus ».
3
Les mots de la géographie, dictionnaire critique, R. Brunet, R. Ferras, H. Théry,
Edition Reclus, la documentation française, collection Dynamique du territoire,
2005
6
Une récente enquête Ipsos4 révèle que devenir propriétaire semble être Il reflète à la fois un besoin d’individualisation matérielle mais aussi à un
considéré par une majorité des Français comme une étape essentielle de besoin de sociabilité.
la vie. Pour 7 français sur 10 l’accession à la propriété est une priorité. En effet, l’organisation de ce type d’habitat repose sur l’articulation de
Ainsi, 83% d’entre eux pensent qu’il est indispensable de donner la parties communes et d’espaces privatifs (logements individuels) dans un
possibilité à chaque individu de pouvoir devenir un jour propriétaire de même bâtiment, comme le propose un logement collectif ; ce qui fait la
son propre logement : plus qu’une étape, l’accession à la propriété différence dans un habitat groupé coopératif, le degré de promiscuité
acquiert presque le statut de droit. Parallèlement, les Français partagent entre les habitants, le type d’espaces communs, le projet de vie qui en
aussi très largement l’idée selon laquelle être propriétaire de son propre découle. L’habitat groupé coopératif repose sur un principe de
logement c’est disposer de réelles assurances quant à son futur niveau coopération dans la réflexion, la conception, la construction et la gestion
de vie. du projet de logement et sur la volonté d’y vivre ensemble dans le
respect des uns et des autres. Il y a derrière ce type de projet une très
Ainsi pour beaucoup d’entre nous, le fait de posséder un bien propre est forte idéologie de la part des participants. Cela nécessite d’être
très important et le sens du partage n’intervient que très peu dans ce convaincu qu’on peut vivre différemment tant sur le plan architectural,
domaine. On est chez soi et on préserve cet espace le mieux possible du avec des formes bâties novatrices, qu’humain, à travers une nouvelle
contexte extérieur. organisation des rapports sociaux.
On n’habite pas un espace réfléchit et construit par d’autres mais par
1.2 Un habitat coopératif soi-même ce qui implique une très forte mobilisation et motivation lors
du montage du projet et tout au long de sa réalisation. C’est aussi le cas
Pour Michel Broutin, président de l’association « Eco-habitat groupé », dans la réalisation d’une construction individuelle mais le fait de monter
l’habitat groupé coopératif va au-delà de la collectivité, et au-delà du le projet à plusieurs familles nécessite beaucoup de dialogue et de
modèle du chacun chez-soi. Il est le reflet d’un besoin pour une partie compromis pour construire un projet validé par tous. Et cette implication
de la population, d’habiter de manière plus originale et surtout de ne pas perdure jusqu’à ce que l’on décide de quitter son habitat coopératif car
vivre dans l’ignorance de ses voisins. la vie collective se construit chaque jour dans l’interaction des habitants.
4
Sondage Ipsos « L’accession à la propriété reste un objectif pour la majorité des Il est impossible de donner une définition normative de l’habitat groupé
Français » 30 janvier 2009 coopératif tant au niveau de sa forme urbaine que de son organisation
www.ipsos.fr
sociale car son cadre n’est pas fixe et les expériences sont multiples et
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variées. Les habitants eux-mêmes, selon les projets, ne le définissent 2. Origine de l’habitat groupé coopératif
pas de la même façon.
Mais on trouve toujours à la source un même constat : les occupants ont Historiquement, il existe depuis toujours des formes d’habitats groupés
tous jugé que, pour véritablement s’approprier un lieu de vie et dans le sens où les gens ont essayé différentes manières d’habiter pour
s’épanouir dans un logement, le coopératif représentait à un moment des raisons propres à l’époque. Afin de mieux comprendre la démarche
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donné de leur existence, la meilleure voie . des habitats groupés, il parait intéressant de connaître et saisir les
Dans la compréhension de cette forme d’habitat, il s’agit de savoir aspirations des mouvements qui les ont créés. Il est impossible de faire
pourquoi des personnes se lancent dans ce type d’expérience, quelles un historique exhaustif de tous ces mouvements, nous présenterons 3
sont leurs réelles motivations et quels apports attendent-ils de cet expériences d’habitat groupé menées à des époques, des lieux ou pays
engagement. différents.
On distingue là deux types d’intérêts : d’une part, l’intérêt financier,
car la mutualisation des moyens permet de réaliser des économies 2.1 Le Familistère de Godin
d’échelle sur la construction et la gestion de l’habitat, d’autre part,
l’intérêt social, ou plutôt l’apport humain dont bénéficient les membres Industriel français du 19ème siècle, Jean-Baptiste-André Godin fonde en
d’un habitat groupé coopératif, l’envie, le besoin de s’unir pour vivre 1857 un Familistère pour loger les ouvriers de sa manufacture de poêles
mieux, de manière plus solidaire. et de cuisinières installée à Guise. Il fonde l’espoir d’une
6
Nous verrons par la suite que c’est la plupart du temps c’est l’aspect qui « expérimentation sociale significative » . L’objectif est non seulement
est mise en avant dans un projet d’habitat groupé coopératif. de loger les ouvriers sur place et à moindre coût mais aussi de créer un
univers autour de l’usine, un espace de vie dans lequel on partage des
Mais avant de définir les grands principes de l’habitat groupé coopératif « communs » (économats et lavoirs) ainsi que des promenades et des
et de donner ses caractéristiques, revenons un peu en arrière pour voir jardins. Pour promouvoir les loisirs et l’instruction, Godin fait construire
où et comment ce type d’habitat a-t-il émergé, s’il est complètement un théâtre, des écoles, une bibliothèque et même une piscine privée.
novateur ou s’il s’inspire d’expériences plus anciennes.
Même s’il s’apparente à une cité ouvrière par ses principes (notamment
la nécessité pour la manufacture de la sédentarisation d'une abondante
5 6
Olivier David, président d’Habicoop, association pour le montage de Colloque de Guise du 21/05/88, « JBA Godin et le Familistère à l’épreuve de
coopératives d’habitants dans le Grand Lyon l’histoire », Presses Universitaires de Reims, 1989
8
main d'œuvre dans cette période de forte industrialisation), le 2.2 Les pays nordiques précurseurs
Familistère est une toute autre expérience. Ce n'est pas une cité
réservée aux ouvriers mais pour l'ensemble de la société qui se rattache Le concept d’habitat groupé a été lancé à la fin des années 60 par
à l’activité de l’usine. La population est composée des familles d'ouvriers quelques familles danoises. Au départ il s’agissait d’habitats sociaux
de fonderie, de mouleurs, de contremaîtres, d'employés de bureau, de destinés essentiellement à de jeunes couples, locataires, animés de la
fonctionnaires, de directeurs… Tous les acteurs de l'entreprise volonté de vivre autrement et d’élever leurs enfants dans de meilleures
bénéficient des mêmes avantages quelle que soit leur situation dans conditions. La cohabitation leur est apparue comme une réponse
l'entreprise, ils sont ses acteurs-usagers-actionnaires. novatrice aux défis sociaux, économiques et environnementaux de
l’époque, permettant de se créer un voisinage plus sécurisant où tous
La cité familistérienne ne repose pas sur le logement individuel mais est pourraient vivre ensemble et contribuer au bien-être collectif. Ces
fondée sur l'habitation collective. Il n'existe pas au Familistère de familles voulaient s’offrir un mode de vie plus solidaire fondé sur la
maison de directeur ni même une maison du fondateur. Chacun habite proximité, le service et l’entraide, et partager certaines tâches
au Familistère selon ses besoins et ses capacités dans le principe d'une répétitives comme la préparation des repas du soir, la garde des
mixité sociale généralisée. enfants. Elles parlaient de « Bofaellesskaber » signifiant « communauté
Surtout, le Familistère devient la propriété commune de ceux qui y de vie » bien vite traduit en anglais par « cohousing »7.
habitent. Il appartient à l'Association coopérative du Capital et du
Travail. La différence avec les cités ouvrières n'est pas simplement Le mouvement s’est rapidement propagé dans les pays scandinaves et
formelle, elle est fondamentale : le Familistère n'est pas un instrument anglo-saxons donnant naissance aux « Centraal wonen » des
de la prospérité industrielle et commerciale mais se veut le moyen d'une néerlandais, au Kollektivhus » des Suédois ainsi qu’à beaucoup d’autres
émancipation collective. appellations ayant toujours comme facteur commun la cohabitation.
L’idée a été de permettre à chacun de louer son logement à un prix
Le Familistère est donc vu comme une approche très innovante pour avantageux et de participer aux décisions relatives à son habitat car il
l’époque, dépassant le modèle de la cité ouvrière, souvent associé à des parait bien normal que les décisions soient prises par ceux qui vivent le
casernes et à l’exploitation des ouvriers. lieu.
7
Christian Grange, « Habitat groupé, écologie, participation, convivialité » Terre
Vivante, octobre 2008
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Les pays d’Europe du Nord ont désormais intégré ce type de logements renouvelables, les transports doux etc. mais aussi sur un projet social
dans leur paysage urbain. En Allemagne, par exemple, les habitats bâti en commun. En effet, la concertation qui a au départ attiré des
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groupés autogérés représentent près de 25% des logements neufs . Et à étudiants et des « alternatifs » qui vivaient déjà sur les lieux a ensuite
Fribourg, ville « éco-exemplaire », on recense plus de 150 projets été élargie aux organisations écologiques pour établir ensemble un
réalisés. La France n’est pas non plus restée complètement hermétique cahier des charges prenant en compte leurs idées et convictions.
à ce phénomène mais les expériences d’habitat groupé restent
relativement récentes (années 90) et surtout marginales. Au sein du quartier Vauban l’habitat groupé est le type de logement le
plus répandu. Les « Baugruppen » (associations de particuliers qui se
2.2.1 Le quartier Vaudan de Fribourg en Brisgau, Allemagne regroupent pour faire bâtir), représentent 1/3 des constructeurs sur le
quartier. Ils s’associent à un architecte pour concevoir leurs logements,
Située au sud-ouest du pays, à proximité des frontières suisses et leur agencement sur la parcelle, ainsi que les parties communes. Dans le
françaises, cette ville de 215.000 habitants (2005) à remporté le prix de cas d’un baugruppen, il s’agit de buanderie, de chaufferie commune, de
« capitale de l'environnement d'Allemagne » en 1992 et développe chambres pour les visiteurs des habitants, de local à poubelles, vélos,
l’essentiel de son économie autour du développement durable. outils de jardinage… On trouve aussi dans chaque unité une salle à
La vitrine de cette politique de développement est le quartier Vauban, manger qui peut être réservée pour des soirées. La vie s’organise plutôt
construit au début des années 90 sur une ancienne caserne militaire de manière individuelle, les initiatives de rassemblement émergent selon
française de 37 hectares. Le cabinet d'architectes KOHLHOFF & les envies de se voir, de se regrouper. Ainsi, chacun anime son temps et
KOHLHOFF de Stuttgart, remporte le premier prix de la consultation profite de son espace, individuellement ou collectivement.
internationale lancée pour produire des idées d’aménagement. Ses
propositions sont ensuite été retravaillées en coopération avec la Qualifié d’éco-quartier, le quartier Vauban est le résultat d’une vaste
commune. Parallèlement celle-ci met en place un long travail de réflexion sur la durabilité selon 4 grands items :
concertation publique pour associer les habitants et créer un consensus
au niveau du projet. - le social avec une démocratie locale forte et une organisation
Le développement de ce quartier s’appuie sur des principes écologiques de la mixité (présence de logements sociaux et privés),
forts tels que la vie sans voiture, l’habitat sain, l’utilisation des énergies - l’environnement avec une volonté écologique forte, un travail
sur les économies d’énergie et les énergies renouvelables, une
8
Anne, Farthouat, « L’habitat groupé séduit à nouveau les français », avril 2009 réduction de la place de la voiture
www.novethic.fr média expert en développement durable.
10
- le culturel avec une volonté de mixer les cultures et les l’esthétique, ils ont privilégiés la qualité de la programmation. Derrière
générations en créant une maison de quartier et un centre chaque chalet il y a donc un programme, c'est-à-dire des usages à
socioculturel, répartir de manière fonctionnelle. Un chalet qui abritait autrefois une
- l’économique avec la valorisation des petits commerces de ferme avec du stockage de foin, des animaux et des êtres humains
proximité. aussi, devient un espace qui accueille une vingtaine de logements. Les
personnes qui vont y vivre ont des besoins spécifiques qui doivent être
Cette réflexion globale et ces aménagements placent aujourd’hui satisfaits rationnellement. En allant au bout de cette démarche on arrive
Fribourg comme un exemple de développement durable en matière de à des formes qui ne sont plus celles du chalet. C’est ainsi que le
logements et de qualité de vie. Vorarlberg a vu naître des formes architecturales résolument
contemporaines respectant cependant des savoir-faire ancestraux de la
2.2.2 L’expérience de la vallée de Vorarlberg, Autriche part des artisans du bois. En effet, c’est d’eux que part tout le processus
de construction écologique que l’on connaît aujourd’hui. Ils en ont même
Au carrefour de l’Autriche, de la Suisse, du Liechtenstein et de l’Italie, fait la première activité économique de la région, devançant même le
Vorarlberg est le plus petit Lander autrichien. Dans les années 1960, un tourisme, en créant de nouveaux agglomérés, des panneaux isolants,
petit groupe d’élus (écologistes), d’architectes et de charpentiers des composants industriels sur mesure.
décident de prendre en main le développement de leur région avec une
réflexion sur l’aspect social et sur l’urbanisation dans un contexte Une grande intelligence a été déployée au niveau des techniques pour
changeant, lié à l’essor économique de l’après guerre, et impliquant un minimiser les budgets, améliorer l’agencement des logements pour
déplacement des populations. L’objectif était de proposer un progrès, un répondre aux exigences fonctionnelles des modes de vie contemporains,
logement « développé » pour les populations agricoles quittant leurs proposer des matériaux qui répondent aux défis de consommation
villages et leurs chalets pour s’installer dans la vallée urbanisée et d’énergie, allant jusqu’à développer le concept du bilan énergétique
industrialisée. positif (la maison produit plus qu'elle ne consomme).
Riche de ce patrimoine, les architectes et aménageurs, ont du réfléchir à Au Vorarlberg, l’habitat groupé offre tout le confort d’une maison
la manière de convertir ces jolis chalets autrichiens, tout en gardant leur individuelle avec entrée privative, terrasse et jardinet tout en proposant
cachet et en les modernisant, mais surtout en les adaptant aux des performances énergétiques exemplaires. On y retrouve des
nouveaux modes de vie. Ainsi plutôt que de miser uniquement sur logements de type intermédiaire proposant un habitat individuel sur
11
plusieurs niveaux dans une construction collective avec une privatisation l’habitat de manière globale. Ils explorent des formes d’organisation et
de certains espaces en vue d’une individualisation forte des logements de gestion démocratiques, et une nouvelle façon d’accéder au logement.
(entrées et escaliers d’accès individuels, jardins privatifs, etc.). Ce type
Maison du Val, Meudon 1980
d'habitat permet de combiner les avantages de l'habitat collectif et de
l’habitat individuel afin de limiter la consommation d'espace tout en
Au départ dix familles, 18 adultes et 25 enfants, 10 logements différents
répondant aux attentes des habitants. On compte parallèlement de dans une sorte d'aquarium sur trois étages fait de briques, de bois et de
multiples espaces publics, tels que des espaces verts ou des béton. Le moteur essentiel de la démarche est de vivre ensemble. La
convivialité, c'est d'avoir choisi ses voisins, mais surtout d'avoir conçu
prolongements extérieurs entre bâtiments, qui sont des lieux de un espace de vie pour s'y rencontrer et s'ouvrir sur l'extérieur. D'où
passages partagés. l'importance des locaux collectifs qui couvrent 280 m2 et dont les
fonctions ont évolué au cours du temps.
Dans certains quartiers, tout comme à Freiburg, la place de la voiture a Depuis vingt huit ans maintenant la maison a vécu et plutôt bien. Les
enfants sont partis; des appartements ont changé de propriétaires; des
été totalement repensée. En effet la voiture n’encombre plus les rues :
jeunes parents sont arrivés, faisant baisser la moyenne d'âge: il y a
les rues sont piétonnes (sauf dérogation exceptionnelle) et le toujours des enfants dans le jardin et les locaux communs sont souvent
occupé.
stationnement se fait en sous-sol pour laisser la plus grande liberté
possible aux piétons. - Salle polyvalente 60 m2, salle de réunion 40 m2, salle de musique 20
m2, 2 chambres d’amis, salle de fêtes et d’exposition 100 m2, jardin
collectif 600 m2
2.3 L’expérimentation française.
9
Nicolas Bernard, Thomas Lemaigre, « le logement déménage », la Revue
Source : www.toitsdechoix.com
Nouvelle, n°2 Février 2008
12
« Éco-logis », Strasbourg 2008
Le projet Eco-logis prévoit la construction de 11 logements (du studio au 6 pièces ) par un groupe de citoyens souhaitant y habiter ou investir, ce projet
étant fédéré par l’association « Eco-Quartier Strasbourg » pour en faire bénéficier le plus grand nombre. Il se situe dans l’Ilot Lombardie, quartier
strasbourgeois actuellement en renouvellement urbain, constitué partiellement de friches industrielles et d’habitat vétuste.
D’un montant de 1,5 millions € HT de travaux, le projet a été livré au second trimestre 2009. Par cette première réalisation, il est souhaité démontrer la
faisabilité de ce concept et mettre à profit l’expérience acquise pour d’autres projets. L’objectif est atteint puisque 5 autres groupes d’autopromoteurs se
sont déjà créés à Strasbourg et après une longue période d’observation hésitante, la municipalité soutient désormais activement ces initiatives.
Source : www.toitsdechoix.com
13
Si on associe beaucoup l’habitat groupé qui accède à la maison individuelle après des années de vie en logement collectif sera sûrement
coopératif aux éco quartiers et aux initiatives plus attaché à son statut de propriétaire, à la privatisation de son espace de vie et à la tranquillité
environnementales, on remarque qu’en que lui confère son nouveau bien. Pour les classes plus aisées, la maison individuelle n’est pas
France l’accent est davantage mis sur les forcément l’aboutissement du parcours résidentiel, elles auraient les moyens financiers d’y accéder
notions de partage et de solidarité, plus sur le mais certaines cherchent un retour à des valeurs plus humaines et refusent de rentrer dans le
social que sur l’aspect écologique. On décide moule d’un citoyen centré uniquement sur ses propres intérêts.
de se regrouper pour partager un projet de Nous postulons, mais ce n’est qu’une hypothèse, que ces familles qui ont les moyens d’acquérir
vie et des valeurs communes. leurs logements recherchent au-delà de la satisfaction des besoins matériels « un supplément
Les constructions sont moins « écolos » que d’âme » qui les démarque de la société de consommation qu’ils critiquent par ailleurs.
dans les pays nord européens. En France, la
construction passive10 ne semble pas être la Tableau récapitulatif des caractéristiques des 3 exemples cités
priorité absolue des personnes montant des
Familistère de Godin Pays du Nord France
projets d’habitat groupé coopératifs même si
Sociales Mixité sociale forte Partage du lieu de Partage d’un projet
une place non négligeable est attribuée à la
vie, de sa gestion de vie commun
réduction de la consommation d’énergie.
et de son entretien
Ce type d’habitat fait des émules auprès des
Environnementales Construction Vers des
personnes à la recherche d’une alternative à
passive conscience constructions moins
l’individualisme grandissant. A l’heure
écologique forte consommatrices
actuelle, les projets sont le plus souvent
d’énergie
portés par des personnes issues de catégories
socioprofessionnelles élevées. D’abord parce
qu’elles ont les moyens financiers pour
Economiques Economie pour les ouvriers Facture Economies d’échelle
construire leur propre logement, mais peut
(loyers peu élevés) fixation énergétique 0 dans l’acquisition du
être aussi parce qu’elles sont moins attachées
de la main d’œuvre pour le terrain et la
au fait d’être propriétaire d’un logement
patronat construction des
individuel et plus ouverte à la vie en
logements
collectivité. Un ménage de classe populaire
Source : Nina Faucheux
10
Construction dont la consommation d’énergie est
très faible voir nulle.
14
A travers ces exemples, ces expériences, et malgré des contextes très l’habitat groupé sans mettre en avant la vie en collectivité mais plutôt
différents, on remarque une certaine permanence dans la démarche, comme un moyen pour gérer les ressources naturelles et foncières.
dans la volonté de se regrouper. Selon les époques et les pays, le point
commun reste le besoin des hommes de trouver des solutions face aux Ceci résulte d’enjeux et de politiques différents entre les pays nord
changements sociétaux, de tendre vers l’intérêt général plutôt européens et la France pour ne citer que ces exemples. En effet, chez
qu’individuel pour s’adapter à de nouveaux besoins ou de répondre à nous, l’écologie est souvent une affaire de techniciens qui parlent de
des nouvelles contraintes qu’elles soient sociales environnementales ou climat, d’inertie thermique, d’économies d’énergie… ou bien une
économiques. approche politique à grande échelle. Or il est difficile d’appliquer un
modèle écologique unique sur des territoires très différents
Les exemples de Fribourg et Vorarlberg nous montrent une approche géographiquement, culturellement et socialement, la préoccupation
plutôt pragmatique. Les objectifs sont avant tout environnementaux, il environnementale n’étant pas encore le souci de tous.
s’agit de minimiser l’empreinte écologique en privilégiant les économies
d’énergie. La participation citoyenne accompagne les projets mais il Ce que nous apprennent les expériences allemandes, c’est que l’écologie
n’existe pas à proprement parler de projet de vie entre les habitants, peut être beaucoup plus accessible. Cela peut être le choix d’un maire
contrairement aux expériences françaises plus fortement imprégnées de tourner le développement de sa commune vers des objectifs plus
d’idéologie communautaire. durables, de réduire sa facture d’énergie globale, d’associer ses
Il est probable que l’essor qu’a connu l’habitat groupé coopératif dans habitants autour de ce projet partagé et de promouvoir une forme de
les pays d’Europe du Nord provienne du fait que leur approche est plus démocratie participative autour des décisions que cela implique.
simple, plus pragmatique que la notre. Par ailleurs, dans la majorité des
immeubles d’habitation (qui ne sont pas des habitats groupés Ces principes écologiques arrivent tardivement en France et amènent
coopératifs) on trouve déjà une buanderie, un garage, une salle des préoccupations de coût global, de réflexion collective sur
polyvalente commune à tous les habitants. Chacun respecte le matériel l’aménagement du territoire, sur la ville, sur le projet urbain qui auront
commun, prend à tour de rôle les tâches d’entretien. forcément des impacts positifs.
Ces pratiques sont ancrées dans la culture locale, elles sont appliquées
de façon naturelle sans qu’aucune pression ne soit mise sur les habitants
(calendrier de corvées, règlement intérieur…). Forts de ces habitudes
plus pratiques qu’idéologiques, les pays nord européens ont développé
15
3. L’habitat groupé, une réponse pertinente aux enjeux 3.1 Regroupement social, vie en communauté, partage
sociaux actuels ?
Face à ces constats, certes bien décourageants, la formule de l’habitat
Dans un contexte social et économique sous tension, les maisons groupé coopératif propose une réflexion sur la manière de s’organiser
individuelles unifamiliales ne répondent plus forcément aux besoins différemment, en insufflant le goût du collectif à l’acte d’habiter.
spécifiques de tous les types de ménages parce que l’on assiste à L’objectif est de favoriser le partage de biens et de redécouvrir la vie
l’éclatement des modèles familiaux (familles monoparentales, collective qui est sûrement la seule issue soutenable pour notre
composées et recomposées…), les ménages sont de plus en plus petits, humanité.
les rapports de voisinage s’effilochent et laissent un certain nombre
d’individus seuls et désemparés. Un nombre croissant de personnes est L’homme étant un « mammifère social11 », il a toujours vécu en groupe
condamné à une solitude de plus en plus angoissante. Les liens entre les et ne s’est construit que dans ses liens avec les autres. Ce « vivre
différentes générations se dissolvent, les personnes âgées sont autrement » n’est d’ailleurs pas une innovation, il reprend les principes
délaissées, les solidarités spontanées s’émiettent, remplacées par des de la vie quelque peu oubliée que l’on connaissait dans les hameaux et
interventions de professionnels (aide à domicile…). villages autrefois. A la différence qu’à l’époque on ne choisissait pas ses
voisins (comme le propose l’habitat groupé), on vivait avec eux pour le
Il serait facile d’attribuer toutes ces dislocations à l’omniprésence de meilleur et pour le pire. Mais l’intention n’est pas de recréer les
l’économie libérale qui consiste à acquérir le plus de BIENS possibles à communautés d’antan où il y avait généralement une forte proximité
l’heure où il est urgent de reconstruire le plus de LIENS possibles. Une entre les individus et par conséquent un manque d’intimité. L’habitat
importante frange de la population n’est plus en mesure d’acquérir son groupé n’a d’autre ambition que d’encourager des rapports, des attaches
logement, en vue du prix exorbitant de l’immobilier. Face aux insécurités dans une société trop souvent désolidarisée de manière à recréer tous
de l’emploi, du logement… chacun s’efforce de gérer au mieux son les petits liens qui font défaut à l’heure actuelle.
capital et son patrimoine, laissant de côté les personnes en difficultés Choisir ses voisins permet d’améliorer ses relations avec eux, d’instaurer
ainsi que les problématiques environnementales, de plus en plus une convivialité et de favoriser l’insertion de chacun au sein de la
préoccupantes. communauté.
11
Christian Grange, « Habité groupé, écologie, partage, convivialité », Terre
Vivante, Octobre 2008
16
Le choix de l’habitat groupé se distingue donc de l’option Bien sûr, habiter de la sorte ne convient pas à tous. Tout comme il n’y a
communautaire pure et dure et la vie collective repose sur l’action pas de modèle reproductible d’habitat groupé, tant les options et les
volontaire de chacun. La démarche de groupe est la base du projet types d’habitat peuvent être différents. Comme pour toutes les autres
d’habitat groupé, mais elle n’exclu pas l’épanouissement individuel, bien facettes de la vie, chacun construit sa propre expérience en fonction de
au contraire. Rien n’empêche de concevoir et d’organiser son habitat ses désirs et de ses besoins.
personnel car les résidents continuent à profiter de leur indépendance
tout en disposant d’un certain nombre d’espaces communs. Selon le 3.2 Dimension écologique des projets (démarche HQE)
degré de promiscuité désiré, on partage jardin, garage, cave, barbecue,
buanderie, bibliothèque, salle de jeux, bureau équipé d’ordinateurs et Vivre en habitat groupé est aussi une manière de réunir des moyens
d’une photocopieuse… Toute l’architecture privilégie l’esprit collectif, elle pour réduire l’impact énergétique sur l’environnement, de s’équiper
est étudiée pour favoriser les échanges entre voisins par la présence de différemment et d’envisager des idées qu’on ne réaliserait pas seul.
patios, jardin central, escaliers communs, parfois même une maison Acheter une éolienne (selon l’exposition au vent), installer des panneaux
commune qui sert de lieu de vie, de salle polyvalente. photovoltaïques ou encore installer une chaufferie collective sont autant
de possibilités de faire de son habitat un lieu moins consommateur
L’habitat groupé coopératif va au-delà d’un rassemblement d’habitats d’énergie et donc plus respectueux de l’environnement. Bien que de plus
unifamiliaux qui aurait pour seule ambition de réduire les coûts en plus de constructions neuves s’équipent en vue d’une réduction de la
communs. Il parait évident qu’il n’y a que peu d’intérêt à assembler des facture énergétique des ménages (isolation, panneaux solaires,
briques ensemble s’il n’y a aucune motivation supérieure à la dimension géothermie…), des possibilités plus poussées existent dans la conception
matérielle. La dimension idéologique est beaucoup plus importante que d’un habitat groupé.
les économies d’échelle. Tout d’abord parce que le montage du projet Tout d’abord parce que la mise en commun des moyens financiers ou
est long et qu’ensuite la vie en collectivité implique un certain nombre humains permettent d’acheter ou de construire et ce pour un coût divisé
de compromis. et donc allégé. Prenons par exemples les panneaux photovoltaïques qui
Pour les personnes recherchant prioritairement un intérêt économique, constituent un investissement important à l’acquisition et ne sont
on constate vite que les avantages de ce modèle dépassent le simple rentables qu’au bout de plusieurs années. Leur achat et leur installation
intérêt financier attendu au départ. deviennent alors accessibles pour les membres d’un habitat groupé
(notamment dans le cas d’un toit commun).
17
Autre point, la réflexion collective qui a de fortes chances de mener à L’effet de nombre permet des investissements beaucoup plus
des solutions plus durables du fait justement de la réflexion, de l’apport intéressants et offre également l’avantage de faire des économies de
de chacun en fonction de son expérience, des sensibilités plus ou moins fonctionnement journalières en partageant l’usage d’une machine à laver
écologiques présentent dans chaque groupe. Il peut s’agir selon les commune, d’une tondeuse à gazon, d’un accès Internet… Cela permet
aspirations des membres de végétaliser les toits des constructions également de réduire sa facture énergétique en partageant un système
(reconnu pour ces propriétés isolantes), de concevoir un système de de chauffage commun.
traitement des eaux usées ou encore d’installer un puits canadien, Réduire ses besoins et se désencombrer de certains équipements
système de ventilation qui utilise la très forte inertie du sol (8 à 12°) (chaudière par exemple) permet de réduire la taille de son habitat privé.
pour rafraichir la maison en été et la chauffer en hiver. Compacter son habitat, c’est en réduire le coût et peut être faciliter ainsi
Pour d’autres, les procédés sont plus simplifiés mais tendent aussi vers l’accès à la propriété.
une consommation raisonnée de l’énergie (choix des matériaux,
solutions de chauffage commun, isolation…). L’intérêt économique peut être important par rapport à une maison
individuelle, de l’ordre de 20% à l’achat du terrain et pour les travaux et
3.3 Une solution économe avec la mutualisation des moyens d’environ 25% en terme de coût de gestion quotidienne (chauffage,
entretien, énergie).12
Envisager l’habitat groupé coopératif permet nous l’avons dit d’accéder Dans bien des cas, les habitants prennent à leur charge une partie des
plus facilement au statut de propriétaire, bien que pour les plus travaux soient parce que certains membres du groupe ont des
convaincus, ce ne soit pas l’objectif premier. La mutualisation des compétences complémentaires soient parce que leur nombre permet de
moyens financiers va permettre tout d’abord de réaliser un gain faire face à des travaux importants (démolir des murs dans le cas d’une
important sur l’achat d’un terrain commun, souvent plus vaste que celui rénovation par exemple).
que l’on aurait pu acheter seul. De plus, on réduit considérablement les
coûts en matière de raccordement que ce soit en termes d’accès ou de
réseaux. S’ensuivent de la même manière des économies d’échelle,
comme le choix d’un architecte commun, d’un entrepreneur unique ou
l’achat de matériaux groupés.
12
Chiffres avancés par Michel Broutin, président de l’association « éco-habitat
groupé »
18
4. Comment se monte un projet d’habitat groupé ferme (projet de l’habitat groupé de la ferme de Buzet14) ou de créer des
coopératif ? jardins communautaires (projet « les Graines Urbaines, à Rennes15)
l’envie de s’associer pour acheter un terrain ou une maison à un prix
Monter un projet d’HG est une démarche longue qui n’aboutit pas
trop élevé pour un seul ménage, le choix de vivre avec des personnes
toujours, souvent par manque de prévisions en termes de budget, de
que l’on connaît bien et que l’on apprécie pour partager une mode de vie
données financières, de documents juridiques… Comme tout projet
commun ou s’assurer des vieux jours entourés (projet Intergener Action
urbanistique, l’habitat groupé coopératif doit se soumettre à des
à Colmar16)
exigences administratives parfois longues et complexes (citer)
Dans ce type de projet il faut prendre le temps de choisir ses partenaires
et de les « apprivoiser », de poser des questions précises de manière à
4.1 La constitution d’un groupe
juger de la motivation de chacun. Le noyau de départ n’est pas
forcément celui de l’arrivée et il est donc important de mettre en place
Lors du lancement du projet, plusieurs cas de figure se présentent :
des règles d’adhésion claires avec une procédure d’entrée et de sortie
- le groupe est constitué (amis, connaissances) et il ne reste qu’à
pour les nouveaux adhérents ou ceux qui veulent quitter le projet.
trouver le lieu de résidence.
- le lieu est trouvé et il s’agit de se constituer un groupe avec des
4.2 Mettre en place une charte ou une vision commune
candidats supplémentaires.
- ni le groupe ni le lieu ne sont trouvés mais il y a la volonté de s’inscrire
Il s’agit là de formuler les aspirations ou les valeurs essentielles que l’on
dans une démarche d’habitat groupé coopératif.
souhaite voir apparaître dans ce projet commun, de définir de façon
claire les objectifs, l’avenir collectif sur lequel les participants doivent
En France, de nombreux réseaux d’habitat groupé13 se sont organisés.
s’entendre. Demander à chacun de donner sa propre vision de la
Ceux-ci proposent, via leurs sites internet le plus souvent, de mettre en
communauté et poser par écrit les valeurs communes qui serviront par
relation les personnes motivées par un projet coopératif. Des groupes de
la suite de charte en cas de désaccords ou de litiges. Cette charte pose
travail sont animés par des personnes extérieures pour rapprocher des
membres en fonction de leurs affinités, du choix du lieu de résidence, de
14
leur projet commun… Cela peut être la volonté de rénover une vieille www.fermedebuzet.over-blog.com
15
www.hg-rennes.org
16
www.intergeneraction.net
13
Habicoop, alpes solidaires, Réseau habitat groupé, Eco-habitons…
19
les grands principes du projet et définit le mode de gestion du bâtiment, l’agencement du ou des bâtiments sur le terrain. Chacun imagine
elle permet aussi par exemple de mesurer les efforts qui pourront être ensuite son espace personnel et détermine le programme de sa
fournis par chacun concernant l’environnement (recyclage des déchets, construction. Suite à cette définition de base, un grand nombre de
covoiturage), la vie collective (garde d’enfants…) ou d’exposer ce qui est discussions d’ordre architectural et urbanistique naissent pour
négociable et ce qui ne l’est pas (concernant la décoration extérieure par promouvoir un ensemble cohérent et harmonieux, accepté par tous :
exemple). La charte reprend la philosophie du projet, le règlement architecture et taille du bâtiment, quantité d’espaces verts, aire de
intérieur qui précise les règles de vie ou la gestion des parties jeux...
communes. Ces réunions de préparation permettre de mûrir le projet mais aussi
Cette charte doit pouvoir évoluer et être modifiée et servir de référence d’affiner les relations entre les participants et de favoriser le sens du
dans la prise de décision. collectif. L’architecte commun prend parfois le rôle de médiateur car il a
une vision globale de la situation et permet d’orienter les cohabitants
Mais la vie collective se résume pour certains au partage de certains vers des solutions adéquates pour tous.
lieux mais pas forcément à un mode de vie commun. Le groupe doit
donc se mettre d’accord sur un certains nombre de principes et sur le Il apparaît difficile de s’insérer dans un projet déjà existant, de
type d’interactions que les membres auront les uns avec les autres. remplacer un ménage au sein d’un habitat groupé coopératif si on n’a
Regrouper une famille qui cherche avant tout un gain financier sans une pas pris part au projet dès son commencement. Il semble évident qu’on
trop forte proximité avec ses voisins avec une autre qui souhaite vivre a tout intérêt à constituer dès le début du projet un groupe relativement
de manière alternative en partageant plus qu’un simple bâtiment homogène du point de vue socioculturel ou des moyens financiers. Si le
commun ne sera pas viable. Il ne s’agit pas de se constituer en famille « vivre ensemble » est trop exigeant, l’expérience peu vite s’apparenter
cocon mais de s’ouvrir aux autres et de partager. à un ghetto ou une secte ! A contrario, si les personnes ont des points
de vue trop différents, l’espoir de progresser dans la durée peut finir par
4.3 La prise de décision et l’animation des réunions s’essouffler, faisant place aux tensions et au découragement. La
meilleure issue semble donc être l’approche ouverte, évolutive et dans la
Une fois le groupe constitué et la charte établie, il faut encore décider de mesure du possible multigénérationnelle. Par exemple si un projet
la localisation (ville ou campagne), de la taille du groupe (2-3 familles débute avec seulement des familles avec enfants, une fois ces derniers
ou 15 pour former une sorte d’écovillage), de l’alternative entre partis, la taille de l’habitat ne sera plus adaptée.
rénovation ou construction nouvelle. Puis une fois le terrain trouvé, de
20
soucis d’autant que l’acte de base18 le prévoit, les anciens habitants ont
4.4 Le choix du statut juridique un droit de préemption.
Dans l’aventure de l’habitat groupé coopératif survient rapidement la Si les copropriétaires disposent d’une relative liberté dans l’organisation
question de la constitution juridique. Christian Grange affirme que la des parties privatives, ils ne peuvent agir que collectivement sur les
spécificité de chaque projet impose de recourir à un montage juridique parties communes. Chaque propriétaire profite de son bien privé tout en
ou un contrat de propriété bien particulier, le plus adapté possible. Il respectant les règles communes établies dans un règlement
faut décider du degré d’engagement et rédiger des statuts bien ficelés appelé « règlement de copropriété ». Ce règlement indique ce que l’on
pour éviter les mauvaises surprises en cas de désistement d’un des peut faire des parties privatives et des parties communes, il définit la
membres du groupe. Certaines formules juridiques sont plus souples décoration extérieure des maisons, l’utilisation des parkings ou la
mais offrent peu de garanties, tandis que d’autres protègent mieux la présence d’animaux domestiques…
propriété. Il existe toutes sortes d’alternatives, mais les structures les Plus tard, des compléments au règlement intérieur peuvent être
17
plus fréquemment rencontrées sont la copropriété et la SCI . apportés lors d’assemblée de copropriétaires en fonction des problèmes
qui se présentent.
La copropriété semble être celle qui permet le mieux de distinguer les Légalement, la gestion journalière de la copropriété est confiée au
parties privées des parties communes. C’est la forme de division des « syndic » de l’immeuble. Le syndic administre l’immeuble au quotidien,
immeubles la plus représentée lorsqu’il s’agit d’acquérir ou de construire tente de faire respecter le règlement de copropriété et veille à ce qui a
un immeuble ou un groupe d’immeuble bâtis dont la propriété est été décidé soit correctement exécuté. Il intervient pour tous les travaux
répartie entre plusieurs personnes. La copropriété donne le titre de urgents, recouvre les charges auprès des copropriétaires et représente si
propriétaire, ce qui n’est pas le cas dans une coopérative où chacun ne besoin l’association des copropriétaires en justice. La nomination du
possède que des parts. Cet acte notarié conventionnel obligatoire décrit syndic est une décision qui revient à l’assemblée de copropriétaires. Le
les règles de bon voisinage, fixe les droits et devoirs des copropriétaires, syndic est obligatoire (sauf si tous les copropriétaires sont d’accord pour
le fonctionnement des assemblées générales, les règles liées au syndic s’en passer) et doit percevoir une rémunération pour son travail. Mais
ainsi que la destination et les règles relatives à l’administration des souvent la copropriété est trop petite pour l’intervention d’un syndic.
parties communes. En cas de départ, la revente ne pose pas trop de Ainsi, plutôt que de faire appel à un professionnel extérieur, on choisit
18
L’acte de base décrit l’ensemble des bâtiments en attribuant à chacun une
17
Société Civile Immobilière certaine quotité dans les parties communes qui lui sont attachées
21
un des membres de la copropriété afin d’éviter de payer des honoraires. L’association signe un bail avec chaque locataire, lequel paye un loyer
En général le bénévolat s’adapte sans problème pour de petites qui permet d’assurer le remboursement du prêt souscrit et prend en
copropriétés. charge la gestion courante de l’immeuble. Le loyer est calculé au plus
près des coûts de fonctionnement. La constitution en SCI offre une plus
La Société Civile Immobilière (SCI) s’inscrit dans un cadre juridique grande liberté dans la mesure où l’on peut se retirer plus facilement du
non lucratif. Il est institué par des personnes qui par un contrat projet en trouvant un remplaçant.
conviennent d’affecter des biens communs en partage en vue de les
louer ou de les mettre à disposition gratuite de ses associés. Cette Certains habitats groupés peuvent également se constituer en ASBL19
association permet de mettre en commun les capitaux de tous les afin de justifier et de légaliser une activité commune des membres tout
coopérateurs et de proposer ainsi des mensualités inférieures à celle du en étant juridiquement reconnue comme faisant partie d’une copropriété
marché immobilier. La SCI permet à des ménages modestes d’accéder à ou d’une coopérative d’habitat. Cela peut être par exemple, la volonté
la propriété moyennant un apport financier raisonnable. Cette forme de de créer un magasin de commerce équitable ou des jardins bio…
solidarité (de voisinage) prend en compte les besoins de chacun et va à Il peut s’agir aussi de personnes souhaitant vivre et s’investir dans un
l’encontre de l’individualisme. Les principes coopératifs favorisent projet de vie commun. Le but de l’activité doit rester désintéressé,
l’intégration de tous au sein de l’immeuble. Pour devenir membre de la personne n’est autorisé à recevoir des bénéfices qui résulteraient des
coopérative, il suffit d’acquérir un certain nombre de parts sociales activités de l’association. Les membres disposent d’une responsabilité
suivant les possibilités de chacun, en échange de quoi la personne reçoit limitée et n’engagent en principe pas leur patrimoine propre pour les
une participation financière dans le bâtiment, correspondant à la valeur engagements de l’association. Ce statut ne demande pas de capital
de son apport. Cette formule permet de constituer plus facilement les minimum à sa création et il permet de bénéficier de subventions et
20% d’apport de capital exigé par les banques. Ce cadre juridique d’aides à l’emploi pour son fonctionnement. Mais en cas de dissolution,
repose sur les valeurs d’égalité, de transparence dans la gestion et de les fonds engagés ne sont pas récupérables de manière individuelle et
participation de chaque personne aux décisions. Chacun possède une l’argent, pour ne pas être perdu, doit être réinvesti dans une opération
part de la coopérative mais non le logement qu’il habite. La propriété est du même type.
partagée, elle appartient juridiquement à l’association d’habitants, donc
indistinctement à tous les associés la constituant. Compte tenu de la complexité des formalités de constitution et de la
Comme tout le monde participe aux tâches d’entretien ou autres projets rédaction des statuts, la rencontre avec un notaire s’avère indispensable
communautaires, les coûts sont réduits et offrent des loyers modérés.
19
Association Sans But Lucratif
22
afin d’adapter chaque cas particulier. Il ne faut pas sous-évaluer les combattre puisqu’il nuit considérablement à l’environnement en polluant
obstacles juridiques à franchir ni les autorisations urbanistiques à l’air et les sols, en grignotant les territoires agricoles et forestiers, en
obtenir avant de construire ou de transformer un habitat existant. favorisant un mode de vie individualiste et ségrégué face à l’inégale
mobilité des personnes. On parle d’une « dégénérescence de la vieille
Cette première sous-partie nous montre que l’habitat groupé coopératif relation ville-campagne »20 qu’il s’agit de corriger car la périurbanité se
permet de construire un lieu de vie où chacun dispose de son logement définit à la croisée de ces deux entités et n’appartient ni à l’une ni à
et profite en outre d’espaces partagés qui favorisent la convivialité, l’autre. La difficile définition de cet espace rend compte de la complexité
l’entraide et permettent de bénéficier de nombreuses activités et des interactions qui la compose, qu’elles soient sociales, économiques ou
services. Ceci, en réalisant des économies d’échelle au niveau de environnementales.
l’investissement et du fonctionnement (énergie, jardin, covoiturage, Quelle est l’expression la plus nette de la périurbanisation? L’étalement
garde d’enfants, piscine…). Mais elle insiste aussi sur le fait qu’il y a résidentiel sans doute avec une urbanisation qui touchent des espaces
derrière ce type de projet une véritable volonté de construire ensemble jusque là en retrait. Qui habite le périurbain ? Des couples, des familles,
non seulement un lieu mais aussi une vision commune dans la manière des retraités, des cadres supérieurs, des ouvriers ? Peut-on extraire de
de vivre et d’habiter. cet espace des caractéristiques sociales propres ou est-ce une mosaïque
de cas sans particularismes sociaux évidents ce qui correspondrait à une
certaine mixité sociale, vivement souhaitée par les politiques ?
Partie 2 : L’habitat groupé coopératif, une Il est difficile d’apporter une réponse à ces questions tant les études sur
réponse potentielle dans la gestion du ce phénomène sont nombreuses et les résultats variés.
phénomène de périurbanisation ? Le prototype de la périurbanité reste la résidence individuelle, la bi-
motorisation et la famille avec enfants mais après une ou deux
générations de densification périurbaine, on constate que les commerces
1. Problématique de la périurbanisation et les services se sont rapprochés des habitants, que l’attraction foncière
a gagné des acteurs autres que le couple avec enfants, en quête
1.1 La périurbanisation, sujet de controverse.
d’accession à la propriété.
23
La structuration de l’espace périurbain est donc en train de passer d’un n’a que peu d’effet. Le concept de « ville émergente »21 d’Yves Chalas a
espace où étaient reléguées les fonctions indésirables ou reportées les d’ailleurs donné une nouvelle légitimité à l’espace périurbain. Il a incité à
entreprises les moins stratégiques à un espace économique et social à porter sur ces tissus un autre regard, à ne les considérer « ni comme
part, conscient de ses ressources. Le périurbain affirme des spécificités, des sous espaces urbains ni comme des espaces sous-urbanisés mais
des territorialités et une utilité propre. Aussi plutôt que de vouloir comme des espaces urbains à part entière» ayant des paysages certes
contrer à tout prix la périurbanisation, il serait bien de réfléchir à la marqués par la ruralité mais en forte relation avec la ville.
manière de composer avec elle.
Sous l’influence d’un idéal résidentiel basé sur l’acquisition d’une maison
1.2 Composer avec la périurbanisation plutôt que vouloir la individuelle, une grande partie de la population s’installe dans le
contrer à tout prix périurbain. Cette évolution pose deux problèmes. D’une part
l’urbanisation de terres agricoles ou d’espace verts naturels de manière
Forte de cette évolution, la périurbanisation peut être vue avec un diffuse ainsi que la construction d’infrastructures de transport qui
regard moins critique et surtout plus novateur pour apporter des dénaturent le paysage et coûtent excessivement cher du fait de la faible
réponses à des problèmes ciblés. Qu’est-ce qui nous gène le plus dans densité de ces espaces. D’autre part, la difficile cohabitation entre les
ce processus ? L’étalement urbain qui implique de créer de nouvelles petits villages et les constructions nouvelles.
infrastructures de transport ? La banalisation des paysages par les En effet, l’espace périurbain présente aujourd’hui des formes quelque
lotissements et les constructions standardisées qui se multiplient dans peu répétitives de lotissements « tablette de chocolat » : une allée
nos campagnes ? Ou encore le fait que ces espaces deviennent des lieux centrale avec une aire de retournement à l'extrémité et des parcelles
qu’on ne sait plus qualifier, qui se complexifient, se fragmentent et se distribuées uniformément de chaque côté. Des maisons relativement
diluent sous l’effet de la périurbanisation ? similaires accompagnées d’un agencement paysager assez standard lui
Le changement fait toujours peur, surtout dans un contexte d’incertitude aussi. Un modèle qui dénature de nombreux villages, puisque ces
où l’on ne connaît pas la limite du phénomène, puisque les territoires lotissements aux formes beaucoup plus urbaines viennent se greffer aux
considèrent et gèrent de manières différentes la périurbanisation. Notre bourgs traditionnels.
approche consiste à dire de celle-ci qu’elle évolue, qu’elle est toujours
bien ancrée dans l’aménagement du territoire français et qu’il s’agit donc
de l’appréhender d’une manière nouvelle, en l’accompagnant plutôt
21
Yves CHALAS, La ville émergente (en coll. avec Geneviève Dubois-Taine),
qu’en la brimant puisqu’à ce jour la « lutte » contre l’étalement urbain préface de Gabriel Dupuy, postface d'Olivier Piron, Éditions de l'Aube, 1997, 281
p.
24
L’enjeu est donc de mixer ancien et nouveau en dessinant de nouvelles donner de nouvelles formes, mieux réfléchies, plus compactes, plus
formes à part entière, ni rurales, ni urbaines mais bien périurbaines. Il rationnelles vis-à-vis de l’espace.
s’agit de réfléchir à ce qui nous gène fonctionnellement, esthétiquement L’intégrer dans un ensemble « dé-standardisé », se dessinant autour
et idéologiquement parlant pour apporter des solutions efficaces. d’un espace public repensé, d’une voie, d’une place structurant la vie du
Ce serait par exemple réfléchir en terme d’accès au périurbain avec la lieu (bourg ou village). Concilier l’attirance pour le périurbain et la
mise en place de transport à la demande, du développement des gestion de ces espaces en mutation en prenant en compte, agriculture,
transports en commun existant pour désengorger les routes des trafics environnement, infrastructures.
pendulaires et repousser la création de nouvelles voies. Au niveau du
Nous prendrons pour illustrer ces propositions, l’exemple de la commune
logement et de la gestion de l’espace, la question de la morphologie
de Saint Nazaire les Eymes (vallée du Grésivaudan). Le développement
urbaine est posée. Densifier l’espace, lui redonner des formes plus
de cette commune périurbaine de 2000 habitants correspond aux enjeux
compactes et donc plus traditionnelles, faire évoluer les formes urbaines
dont nous avons parlé jusqu’à présent à savoir une croissance urbaine
et les rendre moins conformes, moins linéaires.
notable et une problématique d’étalement périurbain à maîtriser.
Réfléchir également sur les modes de vie qu’à fait naître le périurbain.
Des comportements peut-être plus individualistes du fait d’une faible
2.1 L’exemple de Saint Nazaire les Eymes
promiscuité avec les autres habitants et d’un réseau social peut-être
moins dynamique, moins accessible qu’en ville ou dans un petit village
Situé sur la rive droite de l’Isère à moins de 15km de Grenoble, en accès
rural où tout le monde se connaîtrait.
direct par l’autoroute A41, Saint Nazaire les Eymes est un bourg
Donner une identité propre au périurbain, définir les fonctions et les
périurbain en pleine expansion. Autrefois village agricole, la commune a
codes de cet espace jusqu’ici atypique, « coincé » entre ville et
longtemps accueilli les populations ouvrières des papeteries de Lancey.
compagne permettrait peut être de le faire accepter comme tel et lui
Avec les Jeux Olympiques de 1968 et l’essor économique dont ont
donner un sens nouveau.
bénéficié la ville de Grenoble et sa région, c’est la classe moyenne qui
2. Pression foncière et construction des territoires. est venue peupler et agrandir le village. Aujourd’hui, la classe moyenne
supérieure a élu domicile dans cette charmante commune aux paysages
La mise en perspective du concept d’habitat groupé et de la campagnards. Elle a fait grimper les prix de telle sorte que seules des
problématique périurbaine nous éclaire sur la voie à adopter en termes familles de type cadre supérieur disposant de hauts revenus peuvent
de construction de l’espace périurbain. Re-concevoir l’habitat pour lui désormais s’y installer.
25
Les populations plus modestes sont restées sur place mais affirment que socialiste, Saint Nazaire les Eymes réfléchit au moyen d’attirer de
le visage de la commune a bien changé et qu’ils ne pourraient plus vivre nouvelles familles et diversifier sa population malgré une réserve
ici aujourd’hui s’ils n’étaient pas propriétaires de leur logement. Le prix foncière qui s’amenuise. On compte sur la commune du petit collectif et
des terrains et des maisons y est très élevé (en moyenne 3000€ du quelques logements sociaux, première réponse au besoin de densifier
22
m²) et malgré la crise économique qui secoue la France, les l’espace et de permettre à des familles plus modestes de s’installer. Mais
acquisitions immobilières se poursuivent. Même si les délais d’achat ou le logement collectif ne correspond pas vraiment à l’identité du village,
de vente se sont allongés passant de 2 semaines à 4 ou 5 mois, la ni à sa morphologie. Il est donc exclu de développer à outrance ce type
commune de Saint Nazaire les Eymes continue de croître et compter à d’habitat. Les logements collectifs existants ne dépassent pas le R+3 et
ce jour plus de 2000 habitants. la sobriété de l’architecture montre la volonté d’une inscription discrète
dans le paysage.
Un défi pour Mme Dubus, maire de la commune et vice présidente de la
Communauté de Commune du Grésivaudan, et son équipe qui La municipalité ne souhaite pas non plus voir se développer d’imposants
souhaitent préserver le charme du lieu sans pour autant le fermer à tout lotissements sur le modèle périurbain dont nous avons parlé
développement. Les surfaces constructibles sont en nombre limité et pas précédemment. Son objectif est de trouver un compromis entre
question de convertir les espaces verts ou agricoles en zone urbanisable individuel et collectif tant au niveau des formes urbaines que des
pour répondre à la demande de logement. Cette stratégie vise à attentes de la population. Il s’agit de voir la commune s’agrandir mais
protéger le cadre de vie qui a attiré une population désireuse de de façon intelligente, en respectant cette identité rurale en mutation.
s’installer dans un espace semi-rural à proximité de la ville (15 minutes Agir sur les liaisons entre le village ancien et les nouvelles constructions
en voiture). pour réduire le clivage spatial et parfois social (les populations les plus
anciennement installées le sont au centre du village, les nouveaux
Saint Nazaire les Eymes est une commune sélective de par le prix de la arrivants plutôt en « périphérie ». Recréer des hameaux ce qui implique
qualité de vie qu’elle propose mais aussi par la présence d’une certaine de densifier certaines zones d’habitat existantes au lieu de s’étendre
catégorie de population qui entretient cet élitisme (le prix du foncier plus loin. En résumé, penser un aménagement qui effacerait certains
reste élevé car la demande suit). Cependant, l’orientation politique ne aspects négatifs de la périurbanisation : l’urbanisation diffuse et la faible
semble pas aller dans le sens d’une commune opposée à la venue d’une densité.
population composée de ménages à plus faibles revenus. Commune
22
Données de la commune de Saint Nazaire les Eymes
26
Mais au-delà des aspects urbains purs et durs, un des grands enjeux est • L’individuel hors procédure, est un espace pavillonnaire
aussi de réinjecter de la sociabilité dans ce type d’espace. De faire co- produit individuellement sans procédure d’urbanisme. Il se
habiter anciens et nouveaux arrivants, travailleurs ruraux et citadins, de caractérise par une maison individuelle au centre d’une parcelle,
dépasser le modèle du chacun chez soi très présent dans le périurbain. par le mitage des constructions, l’absence d’espace public.
D’une part par la recherche de tranquillité de chacun, d’autre part par la
configuration spatiale de la commune périurbaine23. Peu d’espaces • L’individuel avec procédure, est un espace de maisons
publics, une trame viaire qui lie peu les différents espaces (centre ancien individuelles obtenu avec une procédure d’urbanisme
et nouvelles zones d’habitat), en clair, pas d’unité urbaine lisible qui (lotissement ou ZAC). Cette forme produit un nouveau
permettrait la rencontre de ses habitants, dans la vie quotidienne, au- parcellaire plus ou moins rationnalisé selon les conditions
delà des associations présentes sur la commune. locales, de nouvelles voiries (desserte et aire de retournement).
On n’observe pas d’espaces publics, mise à part la trame viaire à
2.2 La réponse apportée par l’habitat groupé coopératif l’intérieur du lotissement, ni de liaison urbaine avec le reste de
la commune. Ce type d’habitat produit une forme très unitaire et
Face à ces enjeux, l’habitat groupé apparaît comme un outil pertinent
très homogène.
pour mener à bien une démarche de densification et de socialisation. Ce
type d’habitat présente une forme architecturale très intéressante en
• L’habitat groupé, est un espace de maisons individuelles
rapport avec les enjeux actuels de compacité et de densification de
obtenu par une procédure d’ensemble (terrain et construction).
l’espace. Si l’on établit une comparaison entre l’habitat groupé et
Le parcellaire est réorganisé et des espaces hiérarchisés entre
d’autres formes d’habitation du point de vue de la densité, on remarque
privés et publics sont créés. Les maisons ne sont pas au milieu
vite qu’il est de loin le modèle le plus économe d’espace.
de la parcelle mais le plus souvent accolées. Les porteurs du
projet peuvent aussi choisirent de construire un unique bâtiment
Dominique Déléaz, ingénieur, architecte et urbaniste au Centre d’Etudes
composé de plusieurs logements agencés selon les besoins et
Techniques de Lyon, différencie trois formes résidentielles en milieu
désirs de chacun. L’aspect varie donc en fonction des
périurbain :
programmes.
23
François MANCEBO, « Accompagner les turbulences : une périurbanisation
durable », Annales de la recherche urbaine, N° 102, juil. 2007.- pp. 51-57
27
Ces trois formes constituent des tissus urbains spécifiques caractérisés par des densités de logement différentes :
Forme 1 : Individuel « hors procédure » Forme 2 : Individuel « avec procédure Forme 3 : Habitat groupé
28
Cette méthode d’analyse du développement résidentiel est établie à
partir d’une base de données (SITADEL24) qui recense chaque année et
par commune les autorisations de construire (données gérées et
Forme 1
diffusées par les Directions Régionales de l’Equipement). L’exemple
donné ci-dessus montre bien que l’habitat groupé est la forme la plus 6 ha
économe d’espace dans la mesure où elle regroupe un plus grand
nombre de logements, souvent accolés et agencés de manière à
rationaliser la parcelle.
Forme 2
3 ha
Forme 3
Source : Agence d’Urbanisme de Lyon
1,2 ha
24
Base Sitadel (Système d’Information et de Traitement Automatisé des Données
Elémentaires sur les Logements et les locaux)
www.statistiques.equipement.gouv.fr
29
Un projet d’habitat groupé permet donc par la mitoyenneté, de limiter la A travers ce premier chapitre nous avons pu voir les nombreux atouts
consommation d’espace constructible et présente donc une alternative à du concept d’habitat groupé coopératif, tant sur le plan de la forme
l’étalement urbain pavillonnaire. urbaine que de l’aspect social. Economie d’espace et d’énergie dans le
Les formes que peut prendre un habitat groupé jouent le rôle cadre d’une construction réfléchie, favorisation et création de liens
d’intermédiaire entre maison individuelle et logement collectif. Cela peut sociaux, remise en question des modes de vie et des modes d’habiter
être une grosse maison abritant plusieurs familles ou plusieurs petits actuels pour tendre vers une manière d’habiter plus durable et plus
pavillons accolés, toujours bâtis avec le souci d’économiser l’espace et solidaire…
de créer une unité.
L’habitat groupé coopératif apparaît donc comme un modèle exemplaire,
Par ailleurs, l’habitat groupé permet de retisser des liens sociaux entre pouvant répondre aux grandes questions environnementales et sociales
les familles, selon leurs envies et de tendre vers une vie sociale plus posées par l’étalement urbain et plus globalement par la société
riche et plus solidaire. On peut reconnaître à ce modèle de nombreux actuelle.
atouts du point de vue social et humain : Cependant, on constate à ce jour, en France, peu d’initiatives d’habitat
• Ne pas être seul(e) groupé coopératif, en tout cas pas de mouvement significatif en direction
de ce concept. A l’heure où il est urgent de trouver des solutions pour à
• Mettre en commun des moyens
la fois satisfaire une population en demande de logement et préserver
• Jouer la carte de la solidarité au quotidien
nos ressources (naturelles et foncières), pourquoi l’habitat groupé
• Avoir un environnement choisi et bienveillant coopératif tarde-t-il à se développer ? Ce modèle est-il adapté à notre
• Ne pas vivre replié sur soi société ? Ou juste à une catégorie de la population ?
30
Chapitre 2. Les obstacles idéologiques et politiques forts
1. Le cloisonnement du concept
A ce jour, la France compte une centaine d’expériences25 d’habitat
groupé coopératif. La quasi-totalité de ces projets ont été réalisés de 1.1 L’habitat groupé, une alternative qui ne séduit qu’une faible
manière spontanée c'est-à-dire par l’initiative de particuliers. C’est la partie de la population…
forme la plus courante ; plusieurs familles se regroupent par
l’intermédiaire d’un réseau ou de petites annonces et choisissent Notre première hypothèse serait de dire que l’habitat groupé coopératif
ensemble un terrain pour construire leur lieu de vie. Les participants ne concerne qu’une certaine catégorie de population. Une population
montent leur projet de A à Z, de manière individuelle comme ils le plutôt aisée qui cherche en plus du confort matériel qu’apporte la
feraient pour une construction individuelle. Ces projets portent souvent possession d’un bien immobilier, une meilleure qualité de vie. Qualité de
le nom d’éco-hameau (Christian Grange préfère le terme d’éco-lieu car il vie en termes de sécurité (voisinage choisi), de solidarité (pouvoir
s’agit la plupart du temps de petits ensembles et non de villages) et compter sur ses voisins, partager les compétences), d’enrichissement
cachent derrière cette appellation une très forte idéologie, qui va bien mutuel, de durabilité (construction écologique, économie d’énergie)…
au-delà de l’intérêt financier d’une construction commune. L’attente de ses personnes dépasse la seule acquisition d’un logement et
leur démarche s’inscrit dans un projet global de plus grande ampleur
Comme nous l’avons dit précédemment, les expériences françaises puisqu’ils s’engagent avec d’autres familles. « Ce type de projet est
naissent avant tout de la recherche d’un échappatoire au mode de vie énergivore car il faut se rencontrer des dizaines et des dizaines de fois.
individualisé. Ces projets alternatifs n’entrent donc pas dans les critères Pour se connaître, pour trouver un lieu, élaborer un projet commun,
de vie, dans les choix d’habiter de toute une population. choisir l’architecte, les artisans… Ce sont parfois 3 soirs par semaine qui
Ce deuxième chapitre nous permettra de connaître les raisons du faible sont consacrés à la mise en route du projet et à son suivi » précise, Jean
développement de l’habitat groupé coopératif, sur le plan des BENOIT, membre de l’habitat groupé coopératif « Bois del Terre » en
Belgique26.
26
http://boisdelterre.blogspot.com/
25
Mouvement de l’Habitat Groupé Autogéré
31
Il s’agit de créer une alchimie au sein du groupe et de trouver davantage d’avenir et de réfléchir à une nouvelle manière de vivre. Les classes les
un équilibre idéologique qu’un gain financier. Mais dans notre société plus modestes vivent souvent au jour le jour sans pouvoir se projeter
aux comportements de plus en plus individualistes, cette quête ne (ce qui ne signifie pas qu’elles n’ont pas de projets pour le futur) et ont
concerne qu’une frange mineure de la population. Pour Christian Grange, comme priorité de régler leurs problèmes quotidiens c'est-à-dire de
il s’agit d’une population « qui a pris conscience que l’humanité est au répondre aux besoins vitaux de leur famille : se nourrir, payer leur loyer,
seuil d’un changement irréversible qui risque de ne pas laisser aux se vêtir.
générations futures un monde durable ». Une population donc
convaincue que l’avenir de l’homme se trouve dans la solidarité, 1.2 …et remet en cause le principe de mixité sociale
l’entraide et le dialogue pour réduire les conflits et le repli sur soi. Les
résidents d’habitat groupé partagent des valeurs communes allant Ce constat pose donc la question de la place de la mixité sociale dans les
souvent contre le phénomène de mondialisation : démocratie, justice expériences d’habitat groupé. Bien qu’il prône le partage et la solidarité
économique, sauvegarde de l'environnement, droits humains. entre les habitants, l’habité groupé coopératif n’apparaît pas comme un
Sans basculer dans l’alter mondialisme et dans le rejet total de la société vecteur de mixité sociale. Comme nous l’avons décrit dans le premier
de consommation, ces familles souhaitent, à leur échelle, trouver des chapitre, l’habitat groupé coopératif est un rassemblement de personnes
moyens de favoriser le partage de compétences et les synergies entre aspirant à construire un nouveau mode de vie. Ces personnes se
les habitants et construire un projet viable. Cela passe par des travaux choisissent, pas seulement fonction du lieu du futur habitat mais selon
communs, par l’achat groupé de matériaux ou d’aliments par exemple. des affinités et des objectifs communs. Et très logiquement se sont
Faire graviter autour d’une construction commune des activités multiples généralement des familles issues de mêmes catégories
et enrichissantes pour dépasser les simples relations de voisinage. socioprofessionnelles qui se regroupent pour monter un projet. Parce
qu’elles ont un capital social (capacité à se faire entendre du monde),
Et c’est cela qui fait sans doute l’exception des expériences d’habitat culturel (capacité à lire le monde) et économique (capacité à profiter
groupé. Le fait qu’il y a derrière ces projets une culture à part entière et du monde) similaires. (Matthey, 2008)27 Il est plus facile de vivre avec
des codes spécifiques (la solidarité, le volontariat, l’écologie des personnes du même milieu social car les valeurs et les codes de
appliquée…). On peut expliquer ce choix, cette envie de se tourner vers conduites sont souvent proches. Les raisons de cet « entre-soi »
les autres, par le fait d’évoluer à la base dans un environnement tiennent aussi aux destins que les familles se cherchent. Choisir ses
sécuritaire. Le fait pour un ménage d’avoir un emploi, de pouvoir
assumer les besoins vitaux de sa famille permet de faire des projets 27
Laurent MATTHEY, Mixité sociale. Comment opérer la justice spatiale ? avril
2009, laboratoire du droit à la ville
32
voisins c’est choisir un environnement social particulier pour vivre forcément à l’aise dans des quartiers mixtes où les membres des classes
sereinement et voir grandir ses enfants dans le respect de certaines supérieures ont tendance à monopoliser les activités associatives et
valeurs. Respect de la nature, tranquillité, partage, sociabilité… culturelles (parents d’élèves par exemple) et à ériger leurs
comportements en norme de référence.
28
Une enquête d’Hubert Cukrowicz , chercheur au CNRS, montre que les Dévalorisante car elle repose donc sur un principe d’éducation par
critères de « bon voisinage » sont l’origine sociale et ethnique de ses l’exemple. Pour Yves Sintomer29, appliquer un principe de mixité sociale
voisins, le nombre d’enfants, leur niveau de revenus… Et que le conduit dans les faits « à valoriser les couches moyennes et supérieures
voisinage idéal est celui qui ressemble le plus à sa situation personnelle, (françaises), qui sont censées constituer des modèles de comportement
puisqu’il génère moins de conflits d’usages ou de compréhension. Si les social pour les autres catégories, notamment pour les plus précarisés et
rythmes de vie sont similaires, le fonctionnement de chaque famille est pour les « étrangers » en mal d’intégration ». Mixer les populations au
beaucoup plus acceptable pour ses voisins. Pour une famille avec sein d’un même lieu mène à exacerber les différences, à les rendre
enfants et dont les parents travaillent on constate moins de nuisances encore plus visibles. Des populations défavorisées ressentent d’autant
sonores (le soir tard par exemple), des activités communes (aller plus négativement leur situation sociale que leur lieu de vie est favorisé.
chercher les enfants à l’école), des temps de rencontres plus nombreux Faire de la classe moyenne le point de référence du lien social tend à
(le soir après le travail, le week-end). Le dialogue est donc favorisé enfermer les couches dites populaires dans un stigmate dont elles
entre des personnes qui ont les mêmes normes et les mêmes modes de auront beaucoup de mal se défaire.
fonctionnement.
Les travaux d’Eric Maurin30 soulignent que le lieu de résidence est un
Sans remettre en cause la mixité sociale en tant que valeur, on marqueur social très fort car il laisse entrevoir une classe sociale, un
remarque qu’il est difficile de la mettre en œuvre. Vouloir mixer les statut, un niveau de vie… Ainsi les classes supérieures se rassemblent
populations est en soi une théorie estimable mais en pratique cela parait dans les centres-villes ou les communes périurbaines proposant d’un
utopique et même dévalorisant pour certaines classes sociales. cadre de vie agréable et un accès rapide à la ville (vallée du
Utopique car la proximité spatiale ne conduit pas automatiquement à la Grésivaudan dans le cas de l’agglomération grenobloise). Les classes
proximité sociale. Au contraire, elle peut être source de conflits de moyennes investissent le périurbain plus lointain (Beaurepaire, la Tour
normes et d’appropriation. Les classes les plus modestes ne sont pas
29
Yves SINTOMER, Mixité sociale et lutte pour l’égalité, MOUVEMENTS
N°15/16 mai-juin-juillet-août 2001
28 30
Hubert CUKROWICZ, Choisir ses voisins, revue de sociologie française, n°34, Eric MAURIN, Le ghetto français - enquête sur le séparatisme social, Seuil
1993 pp 367-393 République des Idées, 2004
33
du Pin par exemple) ou les communes limitrophes de la ville principale Les familles aisées s’installent dans des espaces où elles déjà sont le
(Echirolles, Saint Martin d’Hères…) Les classes inférieures sont réunies mieux représentées pour s’entourer d’un voisinage stable où la
dans les grands ensembles et les quartiers les moins cotés. pauvreté, le chômage, les difficultés d’intégration culturelle n’existent
pas. Dans leur choix pour le logement et l’éducation, ces familles
Selon Eric Maurin, cette répartition résulte avant tout de la stratégie des prennent en compte l’influence que les autres familles peuvent exercer
élites qui mobilisent leurs ressources pour se mettre à l’écart. Celles-ci sur leurs enfants, l’environnement social pesant lourdement dans leur
s’accaparent des « pans entiers d’espace urbains » faisant monter les développement personnel de ceux-ci. Ainsi, la ségrégation spatiale
prix et excluant les ménages plus modestes. Les populations les plus conditionne l’environnement social qui lui-même conditionne le destin de
pauvres se regroupent dans certains lieux « par défaut et non par chacun.
quelconque communautarisme » et s’en échappent dès que leur
situation évolue. Par conséquent, on peut comprendre qu’au-delà de la qualité du
logement ou du lieu de résidence, c’est la qualité du voisinage qui
La ségrégation spatiale qui existait déjà il y a vingt ans évolue peu mais semble primer. « On choisit moins son immeuble que ses voisins »
ses effets se ressentent de plus en plus car la structure de la société souligne Eric Maurin.
change. La classe ouvrière a diminué au profit des employés, le nombre Une étude récente d’Olivier Morlet31 confirme l’existence d’un lien
de cadres a augmenté ce qui a créé un embourgeoisement d’une partie extrêmement fort entre le revenu par habitant et le prix auquel se
plus importante de la société. Au fur et à mesure que ce segment de la négocie les logements de qualité similaire. Il constate que pour les
population croît, il relègue les classes inférieures plus loin ou dans des familles, le critère de la composition sociale du voisinage est
logements aux faibles loyers. Leur pauvreté est plus visible que les prépondérant dans l’appréciation des logements.
tactiques d’évitement qui les engendrent.
Les ghettos français résultent donc des ruses d’esquive et d’entre-soi Bien sur ce manque de mixité conduit de nombreux quartiers à devenir
développées par les plus riches. On s’aperçoit que la ségrégation des lieux de relégation pour des familles n’ayant aucun choix résidentiel
spatiale repose sur les stratégies d’évitement des classes sociales les et à engendrer une ségrégation spatiale forte. Mais pour Eric Charmes32,
unes par rapport aux autres. Autrefois le patronat évitait le prolétariat, directeur adjoint et maître de conférences à l’Institut Français
aujourd’hui les cadres évitent les professions intermédiaires qui évitent
31
les employés qui évitent les ouvriers… Oliver MORLET, « Marché du logement et ségrégation spatiale en région
parisienne », Etudes foncières n°85, 2000
32
Eric CHARMES, « Pour une approche critique de la mixité sociale. Redistribuer
les populations ou les ressources ? » www.laviedesidees.fr
34
d’Urbanisme, la solution réside dans le fait « d’améliorer le sort des 2. L’idéal de la maison individuelle ou comment fuir la ville
ghettos plutôt que de vouloir les casser » c’est à dire mener une compacte
politique redistributive en direction de ces espaces défavorisés.
2.1 Le culte de la maison individuelle…
La question est : faut-il disperser les populations des communes pauvres
dans des communes mieux équipées ou faut-il mieux doter les
En matière de cadre de vie, on imagine facilement les aspirations des
communes pauvres ? Faut-il détruire les barres d’immeubles et disperser
habitants : vivre dans des logements spacieux, à un coût raisonnable,
les populations « gênantes » ou bien valoriser le tissu des solidarités
avec une bonne accessibilité aux transports, services, commerces, mais
locales, désenclaver ces quartiers en termes de transports, les doter de
dans un cadre moins urbain et à proximité de la nature. A priori, la
nouveaux équipements ?
maison individuelle située en périphérie des villes pourrait être la
La réponse n’est pas évidente mais la question mérite d’être posée et la
réponse évidente à ces attentes, l’explosion des prix de l’immobilier et la
bonne voie apparaît être un mélange entre redistribution et
pénurie de logements venant confirmer cette préférence.
développement local.
Ces deux auteurs (Maurin et Charmes) abordent ici la mixité comme un A l’échelle de la France métropolitaine, pour la période 2002-2006, la
moyen pour une plus grande justice sociale et non pas comme une fin maison individuelle représente 60% des 1,7 millions de logements neufs
en soi. commencés pendant ces dernières cinq années33. En termes
d’occupation du sol, l’importance de la forme 1 s’accentue avec 70 %
Nous avons choisi dans ce mémoire, de poser la question de la des surfaces nouvellement urbanisées. A l’échelle de la France, la
pertinence du discours sur la mixité sociale, non pas pour la renier ou la densité moyenne des développements résidentiels s’élève à environ 11
mettre à l’écart mais pour montrer que sa mise en œuvre est complexe logements par hectare.
et ambitieuse.
Notre concept d’habitat groupé coopératif est la preuve que même dans
l’optique d’une plus grande solidarité et d’une ouverture vers les autres,
la mixité n’est pas forcément le point d’honneur de ce type de projet.
33
Données issues de la base Sitadel
35
logement collectif. Le terrain autour de la maison, bien souvent clôturé,
met une barrière, une distance physique entre les habitants et pose les
limites du « chez-soi ». Lionel Rougé34, enseignant-chercheur à l’UFR de
géographie de l’Université de Caen, décrit l’aspiration pour la maison
individuelle comme une manière de « se tenir à distance de toute
contrainte sociale, pour ce qui touche à la vie familiale, dans un espace
privé susceptible de participer à leur réassurance et à la protection des
leurs - la « tranquillité ». Cette forme d’habitat correspond aussi à un
modèle de bonheur et d’épanouissement familial35. Les ménages voient
dans la maison individuelle le moyen d’élever leurs enfants sans
influence extérieure et dans un cadre propice à leur bon développement
(chambres spacieuses, jardin pour jouer, cadre verdoyant…)
budget.
En autre aspect de cet engouement pour la maison individuelle réside
• Les familles dont le projet immobilier obéit à des motivations
dans le fait qu’elle représente une ascension sociale, au sens d’accéder à
résidentielles et professionnelles.
une classe supérieure. En effet, le titre de propriétaire est un marqueur
• Des clients plus âgés qui poursuivent dans ce type de projet une
social fort puisqu’il justifie d’un statut, d’un certain milieu social, d’un
motivation purement résidentielle, en prévision de leur retraite.
34
Cette attirance pour la maison individuelle réside dans le fait qu’elle Lionel Rougé, "Inégale mobilité et urbanité par défaut des périurbains modestes
toulousains", Textuel, 25 avril 2007 http://espacestemps.net/document2237.html
propose une certaine indépendance, un sentiment de liberté pour ses 35
Lionel Rougé, « les petits budgets du périurbain », Etudes foncières n°128,
occupants qui se délestent des contraintes de voisinages imposées par le juillet-août 2007
36
niveau de vie élevé. Pour des ménages cherchant à se conformer à la aux yeux de tous. Elle touche toutes les catégories de populations : elle
norme sociale, l’accession à la propriété d’une maison individuelle est conforte la frange aisée, propriétaire de villa dans son choix de vie,
présentée comme une priorité. Elle correspond à une façon de vivre invite les catégories sociales modestes à investir, fait envie aux
qu’ils admirent et recherchent. L’accession à la propriété représente au- populations les moins favorisées.
delà du mode et de la qualité de vie, la constitution d’un patrimoine qui Elle vend la liberté d’aménagement et la multiplicité des combinaisons
pourra être légué ou revendu en cas de difficultés (perte d’emploi, possibles dans l’agencement des espaces. Elle surfe sur les attentes des
maladie ou bien déménagement…) et donc une certaine sécurisation gens et les renforcent.
financière compte tenu de l’importance de l’investissement. Pour 69%
de la population française36, la propriété serait un rempart contre la De ce point de vue là, l’habitat groupé coopératif accuse aussi du retard.
précarité. La promotion du modèle est presque essentiellement faite par
l’intermédiaire de site web ou de blog tenus par les habitants d’habitat
2.2…entretenu par des incitations commerciales groupé eux-mêmes. Ils y exposent leur démarche, le projet et ses
évolutions dans une démarche pédagogique, pour montrer que ce choix
La publicité faite autour de la maison privée défend le principe de
est envisageable et pour donner des clés à ceux qui voudraient se
l’individualité. Les magasins de bricolage notamment proposent
lancer.
régulièrement des réductions sur les matériaux dans le cadre d’offres
On ne peut pas donc pas parler d’une publicité mais plutôt d’une
promotionnelles (la semaine de la salle de bains, la quinzaine de la
information qu’il faut aller chercher (ce qui suppose qu’elle soit d’être
cuisine équipée, le mois des aménagements extérieurs…). Les spots
déjà quelque peu connue) et qui n’est pas donnée au grand public.
télévisés de ces mêmes enseignes présentent aussi les projets réalisés
par des habitants de maisons individuelle : aménagement de combles,
2.3… et politiques
de terrasse, maison passive… Ils véhiculent ainsi l’image du bien chez
soi, de l’augmentation de son confort par l’amélioration de son cadre de Au-delà d’un discours sur les comportements et l’individualisme, on
vie. remarque aussi une politique qui va à l’encontre des grands enjeux
Ces projets qui sont des modèles de réussite donnent de nombreuses énoncés plus tôt, à savoir la préservation de l’environnement et le
idées et surtout suscitent l’envie d’en faire autant chez soi. Cette renforcement du lien social entre les populations. En effet, notre
publicité entretient l’idéal de la maison individuelle, le plébiscite, l’exhibe gouvernement entretient fortement l’idéologie individualiste avec des
incitations à devenir propriétaire de maison individuelle. Les deux
36
Sondage Ipsos principaux candidats à l’élection présidentielle de 2007 relayaient
37
fortement l’aspiration des Français à l’accession à la propriété car elle infrastructures routières. Pour les ménages modestes, la contrainte
est devenue le symbole de l’habitat idéal pour les ménages. financière a un tel impact que le lieu de l’implantation devient pour eux
secondaire. La faiblesse des ressources ne permettant pas de choisir, les
L’aspiration des ménages français à accéder à la propriété est aussi constructions se font donc de plus en plus loin des centres urbains.
fortement suscitée par les politiques, de droite comme de gauche. Notre
gouvernement actuel mène depuis 2001 de nombreuses réformes pour D’autre part, ce dispositif pose là encore le problème de la mixité
inciter les ménages à acquérir des maisons individuelles. Parmi les plus sociale car il concerne une certaine catégorie de population. Sont
connues (car très médiatisée), la maison à 100 000 euros de Jean principalement ciblés les ménages qui sortent du logement locatif social
Louis Borloo (annexe 1). et les jeunes ménages avec enfants. Des ménages modestes, ayant
droit au logement social, mais ayant aussi une situation leur permettant
L’objectif est « simple » : permettre aux ménages modestes d’accéder à d’assumer un prêt sur le très long terme.
la propriété pour une somme de 100.000 euros TTC.
Après quatre années de mise en œuvre, le bilan des maisons à 100.000
Ce dispositif qui concerne les ménages ayant droit au logement social euros est maussade. Entre 20 000 et 30 000 de ces habitations devaient
peut être perçu comme un moyen de « désengorger » les zones sortir de terre chaque année. De quoi satisfaire les 87% de Français
sensibles en aidant les ménages les plus favorisés à en partir. déclarant que l'accès à la propriété est une priorité37. Mais selon l’AFAP,
en janvier 2008, seulement quatre maisons avaient été construites. Un
Pour beaucoup de politiques (notamment de gauche) d’architectes,
écart de chiffre qui s'explique tout simplement par l'impossibilité à
d’urbaniste et de sociologues, la maison à 100.000 euros est un coup de
respecter le nombre « tape-à-l'œil » de 100.000 euros38. En cause, des
pub et une idée complètement aberrante.
coûts de construction trop élevés, dus notamment à l’augmentation des
matières premières (acier, ciment, plâtre…). Face aux dérives sur le coût
D’une part parce qu’elle va à l’encontre des préoccupations
du foncier et sur le coût de la construction on parle plutôt aujourd’hui de
environnementales en jeu en favorisant l’étalement urbain.
maisons «à coûts maîtrisés».
Construire une maison individuelle à 100.000 euros terrain compris
comme le prévoit ce programme relève de l’exploit quand on voit le prix
du foncier au m². Si l’on respecte ce prix de 100.000 euros tout inclus,
cela signifie que ces maisons vont se retrouver extrêmement loin des
37
pôles urbains et qu’il faudra pour les desservir construire des Sondage IPSOS
38
Chronique de Gérard Roux, France Info, 22 janvier 2008
38
Pour faire oublier l’échec de la maison Borloo, Christine Boutin lance La défiscalisation des intérêts de l’emprunt prônée par Nicolas Sarkozy a
officiellement en avril 2008. Son programme « ma maison pour 15 été un élément essentiel de sa campagne. « La France doit être un pays
euros par jour » (annexe 2). de propriétaires » avait-il déclaré avant son investiture. Pour ce faire, la
loi « TEPA » (ou « paquet fiscal »), en faveur du Travail, de l'Emploi et
Dans le même esprit que la maison Borloo, la maison proposée par la du Pouvoir d'Achat, a été adoptée par le Parlement, sous le
Ministre du Logement et de la Ville vise surtout les ménages jeunes aux gouvernement Fillon, le 21 août 2007.
revenus modestes et avec enfants pour leur permettre de devenir, pour
seulement 15 euros par jour, propriétaires de leur maison. 3. Point de vue critique
Malgré la perplexité que suscite le montant de 15 euros par jour, la Confort, tranquillité, cadre de vie agréable et accès rapide à la ville par
maison Boutin semble être un programme plus simple, mieux ficelé et l’intermédiaire d’infrastructures routières construites pour desservir ces
plus attractif. «Il s’agit d’un package global » souligne Christine Boutin, secteurs, la maison individuelle a tout pour plaire. Mais cette aspiration
elle-même. « Autrement dit, tout est centralisé selon le principe du pose alors la question du risque de l’accession à tout prix. La volonté
guichet unique. L’acheteur n’a plus à se préoccuper d’aller dénicher son d’accéder à une maison individuelle « à la campagne » s’avère très
terrain. Celui-ci lui est fourni lorsqu’il s’adresse à un promoteur lors de prégnante pour des ménages souhaitant sortir d’un logement
ses premiers contacts. » Contrairement au plan Borloo où il lui fallait au collectif en HLM, dans lequel ils n’arrivent pas à se réaliser (Lionel
préalable se battre pour trouver le foncier. D’autre part le programme de Rougé). Pour ces ménages cherchant à se conformer à la norme sociale,
la maison à 15 euros par jour bénéficie d’une TVA plus alléchante, à l’accession à la propriété d’une maison individuelle est présentée comme
savoir 5,5% au lieu des 19,6% habituels pour une construction neuve. une priorité car elle correspond à une façon de vivre qu’ils admirent et
recherchent. Si bien que de nombreux ménages peu fortunés choisissent
Parallèlement, les programmes de défiscalisation immobilière la localisation périurbaine sans forcément en mesurer les contraintes.
objectif est de permettre aux ménages français d’acquérir un bien l’avons vu avec les programmes de maisons à 100.000 euros ou 15
immobilier (qu’il soit destiné à leur usage personnel ou à la location) en euros par jour, qui supposent un endettement sur le long terme, au
bénéficiant de réduction ou d’abattement fiscaux avantageux. minimum une quarantaine d’années avec le remboursement en deux
temps de la construction et du terrain. Bénéficier des ces aides peut
être une opportunité à saisir mais en ayant bien réfléchi à la lourdeur de
39
l’engagement financier. L’accession est un acte aux conséquences Au final, l’accession se fait exigeante en mobilisations, financière
financières lourdes et durables dans le budget, notamment quand les (avec des risques de surendettement), physique (du fait d’une mauvaise
ressources sont modestes. De plus, la faible valeur de ce type de construction) et morale (avec un fort sentiment de sacrifice pour les
logement pose la question de la standardisation et de la rapidité de ménages modestes).
fabrication. Pour rester dans un certain ordre de prix (autour de 100.000
euros) la qualité des matériaux et des procédés est revue à la baisse. Et Les dispositifs gouvernementaux liés à l’accession à la propriété, aussi
construire rapidement et moins cher, c’est le modèle sur lequel a reposé louables soient-ils en théorie, peuvent aussi avoir des effets néfastes sur
dans les années 60 la construction des grands ensembles français le plan environnemental et économique. L’accès à la propriété pose
40
d’habitat va à l’encontre « des discours vertueux sur la ville compacte et
un développement urbain durable ».
Il semble que le débat sur le choix de nos modes de vie est complexe,
avec ses difficultés et ses antagonismes : accession à la propriété et
logement social, voisinage choisi et mixité sociale, maisons individuelles
et maîtrise écologique. Face à une volonté politique qui favorise un
certain modèle d’habitat et façonne la périurbanité, il s’agit alors de
faire-valoir des nouvelles idées, de nouveaux modèles, de réunir les
conditions nécessaires au développement de nouvelles solutions.
41
Cabinet de conseil en stratégie spécialisé dans la prévision économique et la
prospective appliquée
41
Chapitre 3 : Quelles sont les conditions nécessaires au développement de l’habitat groupé coopératif ?
Le modèle de la maison individuelle capte depuis des décennies Ce troisième et dernier chapitre tente d’apporter quelques pistes pour
l’essentiel de la demande de logement. Disposer de ses propres murs et une mise en œuvre plus significative du concept d’habitat groupé
de son jardin, de son intimité, en qualité de propriétaire conduit à coopératif.
privilégier cette forme d’habitat. Mais l’insularité de la maison
individuelle exprime une quête d’autonomie qui pose aujourd’hui de
nombreux problèmes : étalement urbain, pollution due aux migrations
1. Décloisonner le modèle de l’habitat groupé coopératif
42
1.1 Sensibiliser les habitants et intégrer de nouvelles pratiques politique de logement plus rationnelle. Les expériences d’habitat groupé
coopératif sont actuellement le fruit d’initiatives menées par des
Il faut sensibiliser les habitants à ces problématiques par l’intermédiaire personnes issues d’une certaine classe sociale (le plus souvent
d’objets qui les intéressent et les concernent : leur propre logement et professions libérales et cadres supérieurs) qui lui confère une image
leur cadre de vie. L’objectif est de tendre vers de nouvelles pratiques et « bobo ». On entend parler d’éco-hameau, d’habitat groupé passif,
aspirations en montrant qu’habiter différemment ne signifie pas d’habitat alternatif… Autant de termes qui confèrent à ce concept une
renoncer à son confort et sa qualité de vie mais au contraire l’enrichir de image élististe … et l’éloigne du plus grand nombre.
nouveaux éléments tels que le renforcement des liens avec ses voisins,
les bénéfices retirés de constructions écologiques et de formes urbaines Il serait donc souhaitable de décloisonner le concept d’habitat groupé
plus denses sans oublier la satisfaction de participer à un projet durable, coopératif pour qu’il soit vu d’abord comme un mode d’habiter
respectueux de l’Homme et de l’environnement. rationnel (du point de vue de l’espace et des ressources) et accessible,
En terme économiques également, plusieurs arguments sont à défendre et non pas comme un projet utopique et alternatif. Monter un projet
pour développer l’habitat groupé coopératif auprès de la population. Ce d’habitat groupé coopératif demande un certain nombre de compromis,
type de projet réduit considérablement le prix du terrain, des travaux et néanmoins ce modèle est accessible sans pour autant mettre en œuvre
43
des raccordements aux VRD du fait qu’ils soient communs à plusieurs un projet de vie collective qui peut faire peur aux ménages aspirant à
familles. Grâce à ces diminutions de coût, on peut arriver à construire quitter les contraintes de proximité qui pesaient en logement collectif.
une maison à 100.000 euros… L’habitat groupé coopératif n’est pas un renoncement à la tranquillité et
à l’intimité mais une forme particulière d’habitat individuel.
2.2 La promotion du modèle Ce modèle concilie d’ailleurs très bien l’autonomie des ménages (partie
privative que constituent les logements) et la vie sociale du lieu (parties
Mais pour parvenir à cette nouvelle vision de l’habitat, il s’agit de mieux collectives et espace de vie commun). La préservation de l’intimité est
faire connaître le concept d’habitat groupé coopératif car celui-ci est d’ailleurs un préalable au « vivre-ensemble ». Une entrée individualisée,
encore peu connu du grand public et représente une infime part du un logement étanche aux bruits et aux vues directes des voisins, un
logement groupé en France. Sa promotion est très faible et petit jardin privatif sont intégrés au projet car les espaces de transition
principalement menée par la sphère privée, les collectivités ne s’étant et le marquage des seuils sont des éléments qui permettent de se sentir
pas encore emparées de cet outil comme d’un moyen de mener une chez soi et de pouvoir accepter le partage d’autres espaces.
43
Voies et Réseaux Divers : électricité, égouts, eau, téléphone, eaux usées…
43
2.3 Jouer sur l’offre et la demande personnes retraitées. Dans le premier cas, les différentes générations se
côtoient et s’entraident, s’enrichissent mutuellement de leur diverses
Malgré la prédominance avérée de la maison individuelle, les politiques expériences.
du logement doivent promouvoir un habitat répondant aux attentes Dans le deuxième, il s’agit de prévenir ou de répondre aux vulnérabilités
individuelles et collectives des habitants dans leur diversité. Pour ressenties avec l’avancée de l’âge, notamment l’isolement et la perte
répondre aux aspirations des ménages, il convient de considérer les d’autonomie. Un projet d’habitat groupé permet alors de se soutenir
besoins individuels en lien avec les évolutions plus globales de la société pour rompre la solitude, rester dans une dynamique de vie, maintenir
actuelle. des liens sociaux et une entraide, créer un environnement sécurisant.
En effet, l’organisation familiale connaît de profondes modifications liées L’association les HabILES45 propose des ateliers de réflexion « bien
à la décohabitation tardive des jeunes, la fin de la cellule familiale dite « vieillir en habitat groupé » dans le but de monter ce type de projet
44
traditionnelle» et la recomposition familiale (séparation, divorce, (annexe 4).
famille recomposée…) ainsi que le développement de la multi-
résidentialité (résidences secondaires, double résidence des actifs). Un projet d’habitat groupé a l’avantage d’être entièrement modulable. Il
L’allongement de la durée de vie et le prolongement de l’autonomie des peut concilier très librement l’offre (lieu d’implantation, architecture,
personnes âgées entraînent un turn-over moins important au niveau des type, nombre et agencement des logements…) à la demande (public
logements et nécessitent une adaptation de l’offre à cette attente actif, retraité, couple, famille) en fonction des besoins de chacun. Les
spécifique. participants adaptent le projet selon leurs envies, leurs besoins, leurs
usages, leurs modes de vie. Ils peuvent se détacher de l’offre
La question du vieillissement des personnes s’intègre d’ailleurs traditionnelle (maison individuelle ou logement collectif) pour créer,
parfaitement à la démarche d’habitat groupé coopératif. Au moment de innover et repenser leur habitat et leur manière d’habiter.
la retraite, le choix de ne pas s’isoler socialement mais au contraire de Stopper la « banalisation » de l’habitat est un enjeu fort si l’on veut à la
maintenir un réseau de liens à d’autres apparaît être une option fois préserver la qualité de vie des habitants et les ressources foncières.
rassurante permettant une meilleure qualité de vie. Il peut s’agir d’un La multiplicité des modes de vie, la diversité des populations et des
habitat groupé intergénérationnel (exemple du projet IntergenerAction à revenus des ménages doivent trouver une déclinaison dans la
Colmar, annexe 3) ou d’un habitat groupé essentiellement composé de diversification de l’offre de logements. Pour cela, il faut rompre avec la
44 45
Hélène VAILLE, « Sociologues, psychologues : bataille autour de la famille », Habitats Isérois Libre Et Solidaires « Bien vieillir en habitat groupé », un mode
Mensuel N° 156 - Janvier 2005 de vie basé sur les solidarités intergénérationnelles et une anticipation des besoins
évolutifs des personnes vieillissantes.
44
standardisation de l’offre et développer une gamme de logements et des Entre périurbanité et ruralité, entre maintien de l’existant et intégration
formes architecturales différenciées facilitant l’accueil de populations et de nouveaux éléments, les communes du périurbain ont un grand rôle à
de modes de vie variés. L’habitat groupé permet de concevoir un jouer dans la définition de leur identité territoriale et de leur
logement correspondant à ses aspirations, à son style de vie et morphologie. Leur préoccupation première étant de concilier une forte
susceptible d’évoluer en fonction des besoins de chacun. pression urbaine et une réserve foncière limitée. Mais comment
promouvoir l’habitat groupé coopératif sur sa commune périurbaine face
Bien loin du logement collectif, l’habitat groupé coopératif propose une à l’aspiration pour la maison individuelle et à la mainmise des
forme urbaine en adéquation avec deux types de volonté : la volonté promoteurs sur le foncier ?
des habitants d’être propriétaire d’un espace bien à eux et la volonté des
aménageurs et urbanistes de densifier le bâti pour optimiser l’utilisation 2.1 La vallée du Grésivaudan, un contexte soumis à une nouvelle
du foncier. Pour faire le lien entre ces deux aspirations, un troisième réflexion durable.
acteur doit entrer en jeu et proposer des formules de conciliation : les
collectivités. La maîtrise du foncier est, dans la vallée du Grésivaudan, un paramètre
primordial pour pouvoir garantir sur le long terme protection, usages
multiples, gestion de la ressource. Il s'agit là d'un enjeu majeur pour le
2. Accompagnée l’initiative privée par une initiative territoire, tant au niveau de l'économie, des espaces naturels que de
publique
l'habitat. Cela se traduit en premier lieu par la maîtrise du foncier en
termes de coût mais aussi de réserve. Pour cela un « cadre
Une des clés du développement de l’habitat groupé coopératif réside très
d'intervention visant à une meilleure maîtrise du foncier » a été mis en
certainement dans la prise de position des acteurs publics. Et c’est
place par les collectivités du Pays du Grésivaudan (annexe 5) pour
au niveau local que l’enjeu est fort. Dans un contexte périurbain très
réfléchir à leur rôle et leur capacité d’intervention au niveau du foncier
critiqué, les collectivités doivent plus que jamais réfléchir au nécessaire
mobilisable à court terme (opportunités), à moyen et long terme
développement d’un habitat plus durable dans son fonctionnement
(réserves foncières).
(normes écologiques) et dans son agglomération avec d’autres
logements (densité).
Concernant l’habitat, les principales questions tournent autour de
La gestion au coup par coup des demandes de construire ne permet pas
l’habitat pour tous (construction de logements sociaux pour entre
aux communes de se projeter dans le long terme et condamne trop
autre casser l’image d’une vallée trop élitiste), et de la lutte contre la
souvent d’éventuelles solutions de cohérence urbaine.
45
spéculation foncière entre les terres urbanisables et les terres préoccupations environnementales les relèguent plus au rang de
agricoles définies dans le Schéma Directeur de l’agglomération pollueurs des ressources et de l’espace que d’artisans de la terre. De
grenobloise. En effet, lors du passage du POS au PLU, de nombreux nouveaux objectifs sont donc fixés à l’agriculture et parmi eux,
possesseurs de terrains agricoles ont demandé aux municipalités en l’émergence d’un nouveau modèle agricole intégré à l’aménagement du
charge de cette conversion, une modification de leur statut en terrains territoire puisque selon la Chambre de l’Agriculture, les espaces
constructibles, pour des raisons financières évidentes. L’arrivée de agricoles forment une composante majeure des territoires.
candidats à l’accession pavillonnaire sur un territoire à tendance agricole
est susceptible de provoquer une transformation des stratégies foncières Face à ces constats, le métier d’agriculteur prend une nouvelle
passant d’un capitalisme productif agricole à un capitalisme foncier dimension. Si l’on compare le statut des agriculteurs et la posture des
46
patrimonial . Les systèmes productifs agricoles ont subit de profondes propriétaires fonciers, on remarque bien vite de quel côté penche la
transformations suite à la globalisation des marchés. Le modèle balance. On assiste à la perte de la prédominance sociale de l’agriculture
productif traditionnel qui réunissait, selon Landais47, les quatre dans les espaces ruraux, la fragilisation du statut d’agriculteur et la
conditions de la durabilité (viabilité économique, viabilité sociale, détérioration de leurs conditions de vie. Parallèlement les propriétaires
transmissibilité intergénérationnelle et reproductibilité fonciers décident librement de l’usage de leur bien en fonction du
environnementale) est remis en cause et les stratégies d’acteurs marché, des aspirations, des gains a retirer (logement, industrie,
évoluent en conséquence. Aujourd’hui l’agriculture productiviste et loisirs…).
spécialisée montre pleinement ses limites et ses effets négatifs : Le terrain libéré de son usage agricole devient alors une ressource qui
concentration foncière, surproduction, dégradation des ressources, peut s’avérer beaucoup plus lucrative notamment dans le cadre de sa
48
émissions de gaz à effet de serre… Ce modèle désormais en crise et les constructibilité.
exploitants agricoles ont du mal à trouver leur place : ils ne sont plus les
uniques garants de l’usage de la terre et doivent jouer non sur la Ce phénomène est d’autant plus vrai lorsque les territoires sont soumis
production mais sur la compétitivité. D’autres part, les nouvelles à une forte pression foncière. C’est le cas dans la vallée du Grésivaudan
car plusieurs caractéristiques ont fait d’elle un espace attractif et donc
46
Françoise Jarrige, Anne-Marie Jouve, Claude Napoleone, « Et si le capitalisme convoité. Parmi ces atouts, sa localisation, à proximité de la ville de
patrimonial foncier changeait nos paysages quotidiens ? »
47
Landais E. « Agriculture durable : les fondements d’un nouveau contrat social Grenoble mais aussi de Chambéry plus à l’ouest. Desservis par
? »1998, Courrier de l’environnement de l’INRA, 33, 5-22. l’autoroute A41, les bourgs de la vallée profitent d’un accès rapide et
48
Pete Smith, « Comment l’agriculture peut contribuer à la lutte aux changements
climatiques », rapport réalisé pour le compte de GREENPEACE, direct à l’agglomération grenobloise ou chambérienne tout en jouissant
www.greenpeace.org janvier 2008,
46
de la tranquillité et du cadre de vie campagnard. Entre les massifs de la plus près des limites bâties, construire dans les dents creuses mais
Chartreuse et de Belledonne, le Grésivaudan bénéficie d’un cadre surtout construire plus de logements sur moins d’espace.
paysager remarquable ce qui conforte sa position de territoire
d’exception en terme de qualité de vie. Ces choix sont d’autant plus stratégiques que la région urbaine
Le Grésivaudan a longtemps été le verger, potager et grenier du grenobloise révise depuis 2008 son Schéma Directeur pour le
territoire grenoblois. La richesse et la variété de son sol, son exposition transformer courant 2010 en Schéma de Cohérence Territoire (SCOT).
favorable et la main d’œuvre abondante ont permis à la vallée de Celui-ci prévoit un renforcement de la lutte contre l’étalement urbain en
prospérer grâce à son agriculture. Le nombre de parcelles agricoles s’est mettant un point d’honneur sur la densification de l’agglomération et en
ensuite amenuisé avec l’arrivée de l’industrie (liée à la Houille Blanche) restreignant le nombre de construction dans les secteurs périurbains.
remplacée plus tard par les industries de primo-processeurs concentrées Sur la vallée du Grésivaudan le futur SCOT prévoit la construction de
sur la rive droite (Crolles, Bernin, Meylan), puis plus récemment avec la 300 logements par an pour un ensemble de 49 communes (Syndicat
croissance de l’urbanisation qui empiète (du fait de nouvelles stratégies Mixte du Pays du Grésivaudan).
d’acteurs) sur ces terres.
Si l’on fait un rapide calcul, cela voudrait dire environ 6 permis de
Il est donc nécessaire d’avoir une position politique claire au sujet du construire par commune et par an. Un chiffre ridicule sachant que la ville
devenir des espaces agricoles pour éviter non seulement une de Crolles construits à elle seule une centaine de logements par an50.
défiguration des territoires semi-ruraux49 mais aussi une perte de leur Malgré une démographie qui globalement stagne, la décohabitation des
identité. La préservation des espaces verts et agricoles est en effet un ménages (divorces, départs des enfants…) provoque une hausse de la
gage de qualité du cadre de vie et un moyen de limiter la « tâche demande de logements. Bien sûr les communes devront s’accorder sur
urbaine », elle assure donc un maintien de la qualité de vie que les le nombre de permis de construire de chacune considérant qu’elles n’ont
habitants sont venus chercher dans ces espaces. ni la même taille, ni la même croissance démographique, ni les mêmes
Mais le principal instrument de la maîtrise du foncier reste la aspirations (accueillir plus de population, stabiliser ou freiner le nombre
densification du bâti. Face à une forte demande d’urbanisation, il est de nouveaux habitants en fonction de la réserve foncière ou selon des
devenu nécessaire pour les communes de pratiquer une densification équipements existants).
douce sur leur territoire. Ramener le contour des zones constructibles au
50
www.ville-crolles.fr
49
Au sens d’entre d’eux : entre ville et campagne
47
Les communes qui souhaitent poursuivre leur développement doivent
donc opter pour des solutions en accord avec ces principes. D’une part PADD
parce qu’ils sont réglementaires, d’autres part parce qu’ils montrent la se traduit par
voie d’une urbanisation plus rationnelle et plus durable, voie dans
Des orientations Un zonage et un règlement
laquelle il est aujourd’hui très conseillée voir nécessaire de s’orienter. d’aménagement (sur toute la commune)
L’habitat groupé coopératif, qui apparaît désormais très clairement
comme une solution pertinente dans ce contexte, doit être saisi par les
collectivités pour devenir un modèle d’habitat plus courant
Source : Certu
2.2 Orienter le développement et mobiliser les outils à Il s’agit de véritables micro-projets dans des périmètres précis et
disposition stratégiques, parce qu’ils représentent des zones stratégiques (entrée
de bourg, seule extension urbaine possible…). Proposer une orientation
Le PLU est le premier outil dont les communes peuvent se saisir. Parmi d’aménagement évite de laisser à l’urbanisation privée le loisir de
les éléments constitutifs de ce document, le Projet d’Aménagement et s’implanter comme elle le souhaite (sans forcément se soucier de la
de Développement Durable (annexe 6) est un document d’engagement trame urbaine existante) et permet à la collectivité de traiter la question
politique qui fait clairement apparaître les intentions de la commune en urbaine dans sa dimension esthétique. C’est aussi une manière de
matière d’aménagement et d’urbanisme, en fonction du type de contrer la tendance à la standardisation des promoteurs en imposant un
développement et de forme urbaine qu’elle souhaite voir émerger sur certain nombre de principes à respecter : préservation des éléments
son territoire. Pour mettre en œuvre ses intentions, les orientations paysagers, de l’aménagement des voiries, de l’implantation des
d’aménagement (annexe 7) constituent un volet très intéressant pour bâtiments…
donner une orientation spécifique au développement de la commune. Ainsi les personnes déposant un permis de construire dans ces
périmètres doivent proposer des projets en compatibilité avec ces
orientations d’aménagement. C’est donc une manière souple mais
efficace d’imposer un état d’esprit et de contrôler l’urbanisation du
territoire.
48
A Saint Nazaire les Eymes, la municipalité s’est saisie de cet instrument mode de vie ne les intéresse pas (ou plus), ils souhaitent expérimenter
pour empêcher la construction d’un lotissement « tablette de chocolat » une autre manière d’habiter. A cette époque une colonie de vacances est
sur une zone ouverte à l’urbanisation. L’objectif était d’intégrer au mieux à vendre sur la commune de Biviers (vallée du Grésivaudan). Ils
un nouvel ensemble d’habitat au reste du bourg. La réflexion a été décident donc de présenter leur projet sans trop y croire, les promoteurs
menée en termes de volumétrie et d’implantation des bâtiments (à immobiliers prenant généralement le pas sur les particuliers. Ironie du
l’alignement de la voirie), de préservation d’éléments paysagers sort, cette colonie de vacances n’appartient pas à la commune de Biviers
existants, et traitement des espaces publics pour créer des connexions mais à la commune d’Echirolles. Celle-ci ne souhaitant pas voir le
avec les autres hameaux de Saint Nazaire les Eymes. Au final, le projet bâtiment rasé pour laisser place à 4 ou 5 grosses villas (comme on en
s’intègre mieux au bâti existant que ne l’aurait fait un lotissement voit partout à Biviers), les membres du projet obtiennent le rachat la
traditionnel et rappelle même la morphologie du centre-bourg (village- colonie et commencent les travaux.
rue et place centrale) grâce à l’alignement des bâtiments à la voirie et
au traitement réfléchi des espaces publics. Cette petite anecdote montre ici le rôle des collectivités dans la
détermination de leurs priorités concernant le type d’habitat qu’elles
Mais ces orientations d’aménagement peuvent tout aussi bien indiquer souhaitent voir s’implanter sur la commune mais aussi la forme que
une certaine typologie d’habitat à respecter tel que des logements de celle-ci prendra.
type individuel, jumelé, intermédiaire ou collectif. Si une commune
désire favoriser des projets d’habitat groupé, elle peut stipuler à travers Plutôt que de laisser l’initiative aux promoteurs, les communes peuvent,
les orientations d’aménagement de son PLU une typologie à respecter ou si elles ont en la volonté s’emparer d’outils pour orienter le
une certaine densité sur le parcellaire. Le poids des collectivités pèse développement de leur commune. Encore faut-il que les équipes
fortement dans le développement des différents types d’habitat d’un municipales sachent expliquer leurs choix aux administrés qui trouvent
territoire. La commune peut par des mesures incitatives ou restrictives, généralement suspect qu’elles s’immiscent dans les affaires privées.
favoriser telle ou telle forme urbaine.
Les communes du périurbain sont confrontées à de fortes pressions
Au début des années 90, Grégoire Feyt, enseignant chercheur à l’Institut urbaines et doivent composer avec le manque de foncier mobilisable.
de Géographie Alpine de Grenoble, décide avec six autres familles de Soumises à la nécessité de réguler l’offre et la demande de logement et
monter un projet d’habitat groupé coopératif. Il s’agit pour eux de ne à des contraintes réglementaires, elles doivent forcément innover et
pas reproduire le modèle traditionnel de la maison individuelle car ce
49
faire preuve d’originalité et de pédagogie pour imposer des idées promouvoir un modèle d’habitat spécifique. Cette action visait à créer
nouvelles. (construction ou rénovation) 5000 logements sociaux et
De plus, les municipalités doivent composer avec les besoins et communautaires sur le territoire montréalais à l’horizon 2005. L’objectif
demandes de leurs administrés (qui constituent leur électorat) ce qui de cette démarche est de permettre aux ménages à revenus faibles ou
restreint leur marge de manœuvre. modérés d’accéder, quelque soient leurs moyens et leurs besoins, au
logement et de s’intégrer dans les différents quartiers de la ville
Dans ce contexte, même si l’enjeu foncier et la question du logement assurant ainsi une certaine mixité sociale.
sont des compétences encore communales, les communautés de
communes peuvent aussi apporter leur soutien aux communes et peser Trois acteurs principaux participent au financement du projet Solidarité
de leur influence politique par des aides (financières et techniques) qui 5000 logements : la Société d’habitation du Québec, la Société
permettront de dépasser les résistances locales. canadienne d’hypothèques et de logement et la Ville de Montréal. La ville
participe à hauteur de 15% du financement et alloue des aides
2.3 Des incitations techniques et financières (novatrices) complémentaires aux projets, notamment par la cession de terrains
municipaux à un prix inférieur à la valeur du marché et par la prise en
Si l’on souhaite développer l’habitat groupé coopératif, il faut non charge des infrastructures requises par les projets.
seulement repérer les failles du modèle (habitat groupé peu promu,
peu relayé par les pouvoirs publics, supplanté par la maison L’opération vise des projets de logements gérés par des coopératives
individuelle…) mais aussi penser de nouveaux outils incitateurs. Proposer d’habitation ou des organismes à but non lucratif (OBNL). Les
aux ménages intéressés par l’habitat groupé coopératif un projets sont conçus par les groupes d’habitants eux-mêmes en fonction
accompagnement financier dans la conception avec le financement d’un de leurs besoins. La Ville met à leur disposition des « groupes de
architecte par exemple. Cela peut être une motivation supplémentaire ressources techniques » constitués d’architecte, d’économiste de la
pour des familles qui se lancent dans l’aventure avec la garantie d’une construction, de bureau d’études techniques. Ces professionnels les
meilleure qualité des constructions du point de vue esthétique, conseillent et les orientent en termes de viabilité financière du projet, de
fonctionnel, technique mais aussi un gain financier non négligeable. capacité de gestion coopérative, de qualité architecturale… Ils assurent
également le lien entre les groupes d’habitants et les organismes
Lancée en 2002 à Montréal en partenariat avec le gouvernement du
promoteurs.
Québec, l’opération « Solidarité 5000 logements » est une bonne
illustration du type d’initiatives qui peuvent être réalisées pour
50
Même si le projet « solidarité 5000 logements » a montré des limites en 3. Le rôle des professionnels ou comment construire
terme de délais et de surcoûts (principalement liés à la hausse des prix l’urbanisme durable
du marché et à la décontamination des sols) l’idée de rechercher et de
3.1 Proposer le territoire de demain
mettre en œuvre de nouveaux moyens et procédés est forcément
pertinente. En proposant des terrains à prix réduits et en accompagnant
Un des acteurs importants dans le développement de l’habitat groupé
techniquement (et ce gratuitement) les groupes dans leur projet, la Ville
coopératif reste bien sûr l’urbaniste, aménageur du territoire. En effet,
a actionné des leviers dépassant le procédé traditionnel de financement
c’est lui qui par sa réflexion et ses projets est en mesure de moduler le
de projet.
territoire de demain, du moins d’en donner les principales orientations.
Le développement du rôle des structures de conseil, notamment les
Le projet « Solidarité 5000 logements » vise les personnes seules, âgées
CAUE, apporte aux collectivités locales assistance et conseil dans ce
ou encore les familles à bas revenus, équivalant à nos logements
domaine de compétence. Ces structures les accompagnent dans leur
sociaux. Mais il propose aussi le regroupement en habitat
démarche architecturale et urbaine en renforçant leur compétence
communautaire (très développé à Montréal), se rapprochant de notre
environnementale.
modèle d’habitat groupé coopératif. L’opération montre bien que les
décisions politiques peuvent promouvoir un type d’habitat spécifique
Ces professionnels se mettent au service des collectivités : ils ont la
selon la volonté des protagonistes. Les solutions développées pour
possibilité d’influencer les élus en proposant une nouvelle manière
arriver à l’objectif de départ (loger la population de manière convenable
d’urbaniser l’espace. Prenons pour exemple la nouvelle génération des
en répondant à ses besoins) peuvent tout à fait être mises en œuvre
PLU qu’ils ont accompagnés : moins de liberté mais plus de cohérence et
pour développer le concept d’habitat groupé coopératif dans le sens où
de rationalité. Le passage du POS au PLU a contraint les communes à
elles peuvent accompagner (financièrement et techniquement) et
approfondir leur approche de l’urbanisme : présenter un projet global
encadrer les groupes d’habitants dans leur projet.
d’urbanisme qui résume les intentions générales de la collectivité quand
à l’évolution de son territoire. Faire le territoire de demain suppose de
réfléchir, de planifier et de proposer les meilleures orientations
stratégiques possibles pour organiser le développement du territoire.
Nouvel aspect important, le fait que ce projet global doit être en
cohérence avec les principes de développement durable.
51
Cette démarche propose de nouvelles pistes de réflexion pour l’évolution La réflexion urbanistique et aménagiste peut être par conséquent un
de la ville conciliant le développement économique, le respect de levier dans le développement d’un concept innovant tel que l’habitat
l’environnement et des ressources naturelles, la satisfaction des groupé. Tout d’abord parce qu’elle oriente les décideurs vers ces
habitants en logements, services, équipements et déplacements. solutions plus durables mais aussi parce qu’elle leur donne les clés pour
mettre les en œuvre : comment construire de manière plus dense, plus
3.2 Voir plus loin que la ville et anticiper les changements écologique, plus rationnelle.
La pensée aménagiste ne doit pas se focaliser sur la ville. Elle doit être
appliquée à d’autres territoires et notamment à l’espace périurbain. Les
travaux de François Ascher sur la nouvelle modernité de la ville,
proposent de repenser en profondeur l’espace urbain en vue des
profondes mutations de notre société. Cet urbaniste visionnaire émet
l’hypothèse d’une troisième révolution urbaine après la ville classique et
la ville industrielle. Cette « ville post-moderne » voit apparaître une
poussée de l’individualisation, une diversification des liens sociaux et
une multiplicité des espaces investis par l’urbanité. Les hommes
souhaitent concilier tous les aspects constituants leur vie quotidienne
(résidence, travail, loisirs) sans perdre de temps mais en préservant
voire en améliorant leur cadre de vie ; le développement périurbain
apporte donc une réponse à cette volonté. Face à ces évolutions,
François Ascher préconise de réinventer l’action urbanistique et
d’élaborer une stratégie par projet, par territoire plutôt que d’appliquer
partout une planification uniforme. L’urbaniste moderne doit se colleter
aux réalités du terrain, prendre en compte ses caractéristiques
économiques, physiques et humaines pour le recomposer ou
accompagner son développement.
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Conclusion
Nous avons essayé de démontrer que l’habitat groupé coopératif pouvait, par sa forme urbaine plus compacte, amener des éléments de réponse à la
problématique de l’étalement urbain et proposer une alternative au modèle dominant de l’habitat individuel.
Economie d’énergie et d’espace, resserrement des liens sociaux, avantages économiques, tous les ingrédients semblent réunis pour constituer une
bonne solution aux problématiques périurbaines. Les nombreux avantages (voisinage choisi et pas subi, économie de 20% sur le coût, efficacité de
systèmes techniques collectifs, personnalisation du logement, qualité architecturale etc.) pourraient convaincre un grand nombre de particuliers d'investir
plutôt dans un projet d'habitat groupé en autopromotion que d'acquérir un logement coûteux et standardisé proposé par un promoteur.
Mais l’habitat groupé, qui plus est coopératif, ne convainc qu’une frange infime de la population française, celle déjà persuadée de l’importance de
préserver un capital environnemental et social en danger. Notre société marquée par le renforcement de l’individualisme est confortée dans l’idée que la
maison individuelle est synonyme de réussite sociale. Elle est donc très peu sensible aux vertus de l’habitat groupé coopératif d’autant que cette forme
d’habitat est peu médiatisée. Ce concept
pourtant adapté aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux apparaît comme à contre courant de l’idéologie ambiante.
Mais la société évolue toujours par nécessité, en proie à des changements et des contraintes imposées. Quand les énergies naturelles s’épuisent, on
réfléchit à la manière de les substituer. Quand l’espace constructible vient à manquer on pense verticalement la densité. Dans le cadre du développement
de l’habitat groupé coopératif en milieu périurbain il faut donc plus compter sur les avantages techniques et financiers de ce type de projet que sur
l’initiative privée.
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Les élus peuvent également trouver avantage à ce mode d’habiter pour les aider à résoudre l’équation impossible de l’augmentation de la demande et la
raréfaction des ressources foncières. Sous la diligente influence des CAUE et de quelques urbanistes inspirés ils peuvent à la fois faire évoluer les
règlements et promouvoir à titre expérimental des projets novateurs. Il est probable qu’ils seront aider en cela par la prise de conscience
environnementale de nos concitoyens.
Prenons par exemple la problématique du vieillissement des personnes. Nous avons aujourd’hui en France des listes d’attente allant jusqu’à plusieurs
années pour l’entrée en maison de retraite. Ces maisons accueillent prioritairement des personnes en perte d’autonomie avérée ou en fin de vie, mais
peu de structures existent pour les personnes âgées qui peuvent encore rester chez elles en bénéficiant de soins mais qui souffrent d’isolement. La
plupart d’entre elles souhaitent rester à domicile mais l’éloignement des services les contraint à regagner la ville.
Au moment de la retraite le choix de l’habitat groupé peut être une solution pour permettre aux personnes de se rassembler, de ne pas subir l’isolement
et au contraire maintenir des liens sociaux.
Si des solutions de ce type sont mises en place, les avantages qui en résulteront dépasseront les blocages idéologiques et l’habitat groupé coopératif
trouvera sa place comme un mode d’habiter à part entière touchant certainement de nouveaux publics.
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Bibliographie
Ouvrages
• Martin VANIER, « Métropololisation et tiers-espace »
• R. BRUNET, R. FERRAS, H. THERY , « Les mots de la géographie, dictionnaire critique », Edition Reclus, la documentation française, collection
Dynamique du territoire, 2005
• Colloque de Guise du 21/05/88, « JBA Godin et le Familistère à l’épreuve de l’histoire », Presses Universitaires de Reims, 1989
• Christian GRANGE, « Habitat groupé, écologie, participation, convivialité » Terre Vivante, octobre 2008
• Nicolas BERNARD, Thomas LEMAIGRE, « Le logement déménage », la Revue Nouvelle, n°2 Février 2008
• E. ROUX et M. VANIER, « La périurbanisation : problématiques et prospectives », La Documentation française, DIACT, 2008, 87 p.
• Yves CHALAS, « La ville émergente » (en coll. avec Geneviève Dubois-Taine), préface de Gabriel Dupuy, postface d'Olivier Piron, Éditions de
l'Aube, 1997, 281 p.
• Hubert CUKROWICZ, « Choisir ses voisins », revue de sociologie française, n°34, 1993 pp 367-393
• Eric MAURIN, « Le ghetto français - enquête sur le séparatisme social », Seuil République des Idées, 2004,
• Pôle Concevoir, construire, habiter « Habitat pluriel : densité, urbanité, intimité », PUCA, février 2005
Articles
• Guillaume ERNER, « La maison individuelle au cœur de la renaissance des territoires » étude réalisée pour l’UNICMI (Union National des
Constructeurs de Maison Individuelle), 2006
• François MANCEBO, « Accompagner les turbulences : une périurbanisation durable », Annales de la recherche urbaine. (FRA).N° 102, juil. 2007.-
pp. 51-57
• Laurent MATTHEY, « Mixité sociale. Comment opérer la justice spatiale ? » avril 2009, laboratoire du droit à la ville
• Yves SINTOMER, Mixité sociale et lutte pour l’égalité, MOUVEMENTS N°15/16 mai-juin-juillet-août 2001
• Oliver MORLET, « Marché du logement et ségrégation spatiale en région parisienne », Etudes foncières n°85, 2000
• Lionel ROUGE, « Les petits budgets du périurbain », Etudes foncières n°128, juillet-août 2007
55
• Françoise Jarrige, Anne-Marie Jouve, Claude Napoleone, « Et si le capitalisme patrimonial foncier changeait nos paysages quotidiens ? »
• Hélène VAILLE, « Sociologues, psychologues : bataille autour de la famille », Sciences humaines, N° 156 - Janvier 2005
• E. LANDAIS « Agriculture durable : les fondements d’un nouveau contrat social ? »1998, Courrier de l’environnement de l’INRA, 33, 5-22.
Sites internet
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• Anne, FARTHOUAT , « L’habitat groupé séduit à nouveau les français », avril 2009 www.novethic.fr média expert en développement durable.
• Eric CHARMES, « Pour une approche critique de la mixité sociale. Redistribuer les populations ou les ressources ? » www.laviedesidees.fr
• Lionel ROUGE, "Inégale mobilité et urbanité par défaut des périurbains modestes toulousains", Textuel, 25 avril 2007,
http://espacestemps.net/document2237.html
• Lionel ENGRAND, « Maison individuelle, point de vue d’un architecte » http://www.groupesocialistegrandlyon.org
• Guillaume EVIN « Qui voudra des maisons « Boutin » à 15 euros par jour? » - 15/04/2008 - www.expansion.com
• Pete SMITH, « Comment l’agriculture peut contribuer à la lutte aux changements climatiques », rapport réalisé pour le compte de GREENPEACE,
www.greenpeace.org janvier 2008
• www.borloo-de-robien.com
• http://www.logement.gouv.fr
• www.toitsdechoix.com
• www.fermedebuzet.over-blog.com
• www.hg-rennes.org
• www.intergeneraction.net
• http://boisdelterre.blogspot.com/
• www.statistiques.equipement.gouv.fr
• www.ville-crolles.fr
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Annexes
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Annexe 1 : La maison A 100.000 EUROS
Le dispositif de la maison à 100 000 euros, en vigueur depuis fin 2005, a pour objectif de permettre aux ménages les plus modestes de devenir
propriétaire de leur pavillon. Tous les maires sont désormais appelés à s’approprier ce nouvel outil pour développer dans leur commune l’accession
sociale à la propriété. Les ménages pourront ainsi accéder, avec un budget limité à 100 000 euros, à une maison respectant des critères de qualité
élevés. Ces maisons vérifieront notamment des normes strictes en matière de développement durable et permettront à leurs propriétaires de réaliser des
économies d’énergie. La qualité architecturale des maisons à 100 000 euros ainsi que leur localisation et leur intégration dans le tissu urbain avoisinant
feront également l’objet d’une attention toute particulière. Les maires suceptibles de s'ouvrir à ce type de produits (détenteur de terrains constructibles)
ont été incités à se rapprocher de l'Association Française pour l'Accession à la Propriété ( AFAP) qui désormais porte le concept de Maison à 100 000
Euros.
Les maisons à 100000 € devront être proposées à un prix « clés en mains ». Les honoraires, le coût de raccordement aux réseaux, le coût
d'aménagement de la parcelle, le montant des taxes et des redevances, ainsi que les frais d'acquisition et d'hypothèque devront ainsi être inclus dans le
prix. Les maisons devront avoir une surface habitable d'au moins 85 m², et devront être livrées « prêtes à vivre », sans finition restant à la charge de
l'acquéreur.
De par leur architecture et leur implantation, les maisons devront s'intégrer harmonieusement dans le tissu urbain avoisinant. Les maisons devront
atteindre un niveau de performance technique plus élevé que celui requis par la réglementation en vigueur. Elles seront ainsi plus performantes que la
plupart des logements actuellement construits. Les « maisons à 100000 € » devront ainsi atteindre un niveau de « très haute performance énergétique
», permettant de réduire la consommation d'énergie de 15% par rapport aux normes actuellement en vigueur. Les « maisons à 100000 € » s'inscrivent
donc dans une démarche de développement durable et d'économie d'énergie pour leurs propriétaires.
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MAISONS A 100000 EUROS, MONTAGES POSSIBLES :
Destiné à permettre à une population aux revenus modestes, locataires de logement HLM en général, d'accéder à la propriété, la charte de la "maison à
100 000 euros" prévoit trois types de montages possibles.
Pour les maisons situées dans les zones sensibles, les ménages peuvent, sous condition de ressources, bénéficier d'une subvention de l'Agence nationale
pour la rénovation urbaine (ANRU) plafonnée à 10 000 euros, d'un prêt à taux zéro (PTZ) et d'une TVA réduite à 5,5 % (l'équivalent de 15 000 euros).
Dans les zones hors ANRU, les futurs acquéreurs peuvent déposer un dossier de prêt social location-accession (PSLA) et de bénéficier de la TVA à 5,5 %.
La troisième voie consiste à utiliser le Pass foncier. Ce dispositif, entré en vigueur le 1er janvier 2007 et signé entre l'Etat, le 1 % logement et la Caisse
des dépôts et consignations (CDC), permet d'acquérir sa résidence en deux temps, en séparant l'achat de la maison de celui du foncier. L'acquéreur peut
ainsi rembourser en priorité la maison (sur vingt-cinq ans au maximum) avant d'entamer le paiement du terrain. En cas de difficultés, il pourra encore
devenir locataire du terrain pendant quinze ans. Le Pass-Foncier devrait concerner 20 000 ménages par an de 2007 à 2010.
Le guide de montage d'une opération « maisons à 100 000 € », édité par l'AFAP (Association Française pour l'Accession Populaire à la Propriété) sous
l'égide du Ministre du logement répond aux principales interrogations des élus et techniciens souhaitant s'engager dans cet ambitieux projet. C'est un
guide méthodologique et de conseils pragmatiques.
Source : www.borloo-de-robien.com
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Annexe 2 : La maison à 15 euros par jour
Le dispositif "ma maison pour 15 euros par jour" vise deux objectifs :
• fluidifier le marché de la location dans le parc public ou social en permettant à des familles aux revenus modestes de devenir propriétaires ;
• proposer une nouvelle offre de logement pour atteindre les 500 000 logements nouveaux par an, dont les 120 000 sociaux voulus par le
président de la République.
Sont principalement concernés, les ménages d’au moins trois personnes dont les revenus nets sont compris entre 1 500 et 2 000 euros par mois, avec
un apport personnel réduit aux frais d’acquisition et d’hypothèque.
Pour être éligibles, les ménages doivent répondre à trois critères cumulatifs :
• être primo-accédants ;
• disposer de ressources inférieures aux plafonds de ressource du prêt social location-accession (PSLA) ;
• bénéficier d’une aide à l’accession sociale à la propriété attribuée par une ou plusieurs collectivités locales du lieu d’implantation du logement.
Quelles sont les aides dont bénéficie l'accédant pour le financement de sa maison ?
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Le dispositif de la maison à 15 euros s’appuie sur le Pass-foncier qui permet de dissocier le prix du terrain de celui du bâti. Le remboursement de la
maison se fera sur une durée de 18 à 25 ans et celui du terrain sur une durée de 10 à 15 ans. Le ménage bénéfice à tout moment pendant la durée du
bail à construction de la possibilité de lever l’option d’achat portant sur le terrain.
Quelles sont les sécurités apportées aux familles face aux aléas de la vie ?
En cas de difficultés financières, la maison sera rachetée par le 1 % logement et la famille sera relogée.
En cas de divorce ou de déménagement avant l’achat du terrain, la famille pourra revendre son bien et récupérer son capital.
La maison individuelle d’une surface minimale de 85 m² sera construite sur un terrain d’au moins 250 m². La construction devra répondre à des
normes :
Le prix global d’un tel bien immobilier est évalué entre 160 000 et 185 000 euros.
Seules les collectivités locales qui attribuent aux primo-accédants une aide à l’accession sociale à la propriété nécessaire à l’attribution d’un Pass-
foncier pourront construire la maison à 15 euros par jour. Le financement du Pass-foncier ouvre le droit à une TVA réduite à 5,5 % au lieu de 19,6 %
pour les constructions neuves.
Source : http://www.logement.gouv.fr
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