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1 TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA

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3
4 AFFAIRE N° ICTR-2001-73-T LE PROCUREUR
5 CHAMBRE III C.
6 PROTAIS ZIGIRANYIRAZO
7
8
9 PROCÈS
10 Mercredi 1er mars 2006
11 9 h 25
12
13 Devant les Juges :
14 Inés M. Weinberg de Roca, Présidente
15 Khalida Rachid Khan
16 Lee Gacugia Muthoga
17
18 Pour le Greffe :
19 Stephania Ntilatwa
20 Zulphur Mhina
21
22 Pour le Bureau du Procureur :
23 Wallace Kapaya
24 Gina Butler
25 Iskander Ismail
26 Charity Kagwi-Ndungu
27 Jane Mukangira
28
29 Pour la défense de Protais Zigiranyirazo :
30 Me John Philpot
31 Me Peter Zaduk
32
33 Sténotypistes officiels :
34 Pius Onana
35 Françoise Quentin
36 Lydienne Priso
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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 TABLE DES MATIÈRES


2 PRÉSENTATION DES MOYENS DE PREUVE À CHARGE
3

4 TÉMOIN ALISON DES FORGES


5

6 VOIR-DIRE (suite)
7 Suite du contre-interrogatoire de la Défense de M. Zigiranyirazo, par Me
8 Philpot-Ndungu................................................................................................2
9 Interrogatoire supplémentaire du Bureau du Procureur, par Mme Kagwi-Ndungu
10 .......................................................................................................................54
11 Discussion entre les parties ..........................................................................60
12 Décision de la Chambre.................................................................................75
13

14 Interrogatoire principal du Bureau du Procureur, par Mme Kagwi-Ndungu......79


15

16 PIÈCES À CONVICTION
17 Pour le Bureau du Procureur :
18 P. 35...............................................................................................................54
19 P. 36...............................................................................................................56
20 P. 37...............................................................................................................56
21 P. 38...............................................................................................................56
22 P. 39...............................................................................................................57
23 P. 40...............................................................................................................80
24 P. 41...............................................................................................................97
25 Pour la défense :
26 D. 26..............................................................................................................49
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1 (Début de l’audience : 9 h 25)


2

3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Bonjour.
5

6 Madame Ntilatwa, veuillez nous présenter l’affaire inscrite au rôle de la


7 Chambre, je vous prie.
8 Mme NTILATWA :
9 Introduction d’instance :
10

11 La Chambre de première instance III du Tribunal pénal international pour


12 le Rwanda, composée des Juges Weinberg de Roca, Présidente de
13 Chambre, Khalida Rachid Khan et Lee Gacugia Muthoga, siège en
14 audience publique, ce mercredi 1er mars 2006 pour la poursuite du
15 procès en l’affaire Le Procureur c. Protais Zigiranyirazo, affaire n° ICTR-
16 01-73-T.
17

18 Je vous remercie, Madame le Président, Honorables Juges.


19 Mme LE PRÉSIDENT :
20 Je vous remercie.
21

22 Les Bancs voudront bien se présenter, à commencer par le Procureur.


23 Mme KAGWI-NDUNGU :
24 Je vous remercie.
25

26 Monsieur Wallace Kapaya, Madame Ndungu, Madame Gina Butler,


27 Monsieur Iskander Ismail, Jane Mukangira et un stagiaire.
28 Mme LE PRÉSIDENT :
29 Qu’en est-il de la Défense ?
30 Me PHILPOT :
31 Bonjour, Madame le Président, Honorables Juges.
32

33 John Philpot, Conseil principal ; Peter Zaduk, Coconseil ; Innocent


34 Nzabona, assistant ; Philippe Taylor, enquêteur.
35

36 Je vous remercie.

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1 Mme LE PRÉSIDENT :
2 Je vous remercie.
3

4 Monsieur Zigiranyirazo, êtes-vous en mesure de suivre l’audience ?


5 M. ZIGIRANYIRAZO :
6 Bonjour, Madame le Président, Honorables Juges.
7

8 Je suis en mesure de suivre les débats. Je vous remercie.


9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Je vous remercie beaucoup.
11

12 Maître Philpot, veuillez poursuivre votre contre-interrogatoire.


13

14 VOIR-DIRE
15 CONTRE-INTERROGATOIRE (suite)
16 PAR Me PHILPOT :
17 Q. Au sortir de l’audience d’hier, nous étions sur une liste qui devait être
18 élaborée au cours de la nuit. Je serais ravi d’obtenir une copie de ladite
19 liste.
20 Mme DES FORGES :
21 Madame le Président, Honorables Juges, je voudrais tout d’abord poser
22 une question : Je me suis retrouvée dans une situation difficile. J’ai
23 préparé la liste, mais il m’est survenu que les noms sur cette liste
24 procèdent de plusieurs procès. Je me demande donc dans quelle mesure
25 je suis en train d’enfreindre les lois régissant le Bureau du Procureur en
26 matière de protection des témoins, des témoins experts.
27

28 Si je soumettais cette liste à la Défense tout particulièrement, nous


29 savons que les documents sous scellés peuvent être produits sur
30 l’Internet. Je ne sais donc pas quelles sont les limites que je m’engage…
31 quelles sont les limites de ma responsabilité à ce niveau.
32 Mme KAGWI-NDUNGU :
33 Madame le Président, Honorables Juges, nous n’avons pas pris
34 connaissance de cette liste, mais nous nous conformons à l’Article 77…
35 70, car Madame Des Forges ne travaille pas avec notre seule équipe.
36

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1 Nous voudrions donc que la Chambre nous instruise sur cette affaire
2 relativement à la protection des témoins. Certains n’ont pas encore
3 comparu, d’autres n’ont même pas encore été approchés par le
4 Procureur.
5

6 C’est ce que nous suggérons, Madame le Président, Honorables Juges.


7 Me PHILPOT :
8 Je voudrais discuter de cela, mais en l’absence du témoin.
9

10 M. LE JUGE MUTHOGA :
11 Pourquoi ? Pourquoi n’êtes-vous pas à l’aise avec la présence du
12 témoin ?
13 Me PHILPOT :
14 Tout d’abord, je n’ai pas pris connaissance de la liste, et je crois que cela
15 revient à la Défense… cela est important pour la défense de mon client.
16 Nous sommes tenus par des ordonnances relatives à la protection, et si
17 c’est un document sous scellés, nous sommes tenus par la
18 confidentialité.
19

20 Les raisons pour lesquelles j’ai besoin de cette liste, c’est là une question
21 que je suis réticent à établir en présence du témoin. Cependant, nous
22 avons reçu une liste hier, une liste qui était versée aux débats, placée
23 sous scellés. Savoir tous ces noms n’était pas forcément nécessaire, et
24 hier, nous avons dit que cette liste n’était pas exhaustive.
25

26 Je vous saurais gré de bien vouloir disposer de ces éléments. Peut-être


27 qu’ils pourraient être tenus secrets du fait que les questions en jeu sont
28 des questions essentielles relativement à la requête soumise à la
29 Chambre. L’identité de ces personnes-là pourrait avoir une incidence
30 tout particulièrement importante sur les conclusions émanant de cette
31 requête.
32 M. LE JUGE MUTHOGA :
33 Veuillez me rappeler, peut-être que j’ai oublié la question : Quelle
34 question aviez-vous posée dont la réponse devait être ces noms ?
35 Me PHILPOT :
36 Je vais procéder à une paraphrase, Honorable Juge.

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2 Je pense que le docteur Des Forges a déclaré qu’elle a aidé ou qu’elle a


3 fourni une liste de noms au Procureur… au Bureau du Procureur. Je lui ai
4 demandé de nous les donner, elle nous a établi une liste non exhaustive
5 de ces noms. Si je ne me trompe pas, elle a dit que cette liste était
6 quatre fois plus importante — si je ne m’abuse. Je lui ai donc demandé
7 d’établir la liste complète, et nous étions d’accord pour qu’elle le fasse
8 au mieux de ses souvenirs.
9 M. LE JUGE MUTHOGA :
10 La question était la suivante : Quels noms avez-vous recommandés ou…
11 noms qui seraient utiles au Procureur ?
12 Me PHILPOT :
13 Oui. Pour aider le Procureur.
14 M. LE JUGE MUTHOGA :
15 Cela nous amène à dire : Quels noms avez-vous suggérés au Procureur,
16 personnes auxquelles le Procureur devrait parler en cette affaire ? Cela
17 vous empêche-t-il de lui soumettre le point que vous voulez lui
18 soumettre ?
19

20 Me PHILPOT :
21 Avec tout respect que je vous dois, non. Mais, encore une fois, la
22 Chambre est informée de nos prétentions quant à la nature de ce témoin
23 qui fait partie d’une équipe — qui fait partie d’une
24 équipe —, et le contre-interrogatoire, comme le sait la Chambre, est ce
25 moyen par lequel nous pouvons établir cela.
26 Mme LE PRÉSIDENT :
27 Maître Philpot, peut-être qu’il serait juste suffisant que le docteur Des
28 Forges établisse une liste des noms qu’elle a suggérés qui devraient être
29 contactés en l’espèce.
30 Me PHILPOT :
31 C’est la question que l’Honorable Juge Muthoga m’a posée ; j’ai répondu
32 que non.
33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Mais je ne comprends pas pourquoi cette liste n’est pas suffisante.
35 Pourquoi avez-vous besoin de savoir quelles sont les enquêtes qui ont
36 été menées et qui ne sont pas reliées à l’affaire qui nous intéresse ?

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1 Me PHILPOT :
2 C’est l’intégration de cette personne en l’équipe du Procureur qui fait
3 partie du litige.
4 Mme LE PRÉSIDENT :
5 Cela est suffisant, car de toutes les façons, nous n’allons pas revenir sur
6 d’autres affaires, c’est l’affaire qui nous intéresse. Et le docteur Des
7 Forges a dit que la liste définitive est quatre fois plus importante.
8

9 Ainsi donc, le fait qu’elle ait aidé le Bureau du Procureur a été explicité
10 par ses soins ; pourquoi avons-nous besoin de connaître les noms ?
11 Pourquoi avons-nous besoin des trois autres pages manquantes, s’il ne
12 s’agit pas de personnes qui ne sont pas liées en l’affaire qui nous
13 intéresse ?
14 M. LE JUGE MUTHOGA :
15 Maître Philpot, vous essayez de faire un point. Si je vous ai compris, c’est
16 le suivant : Le présent témoin a aidé le Procureur dans une grande
17 mesure. Et c’est là un fait que l’on ne peut réfuter.
18

19 Elle-même, elle ne peut pas le faire, elle a témoigné en d’autres affaires.


20 C’est un témoin à charge peut-être à sept reprises, à huit reprises. Une
21 personne qui a fait cela doit faire partie de la liste des personnes qui ont
22 aidé le Procureur dans une grande mesure et à grande échelle.
23

24 Donc, s’il y avait… si l’on doit se fonder sur cela, alors, faites-le donc. Je
25 pense que vous pouvez le faire. Je suis moi-même enclin à penser qu’il
26 ne serait pas avisé que de lui demander de communiquer les noms de
27 toute personne qu’elle aurait mentionnée au Procureur, personne qui
28 serait reliée ou non à l’affaire, personne reliée à l’affaire Akayezu ou des
29 personnes reliées à d’autres procès.
30 Me PHILPOT :
31 Je voudrais confirmer un point avec mon collègue.
32 Mme LE PRÉSIDENT :
33 Nous allons écouter la réplique du Procureur.
34 Me PHILPOT :
35 Je voudrais m’entretenir et confirmer tout cela avec mon confrère.
36 Mme LE PRÉSIDENT :

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1 Faites donc.
2

3 (Conciliabule entre les Juges)


4

5 (Concertation entre Maître Philpot et son Coconseil, Maître Zaduk)


6

7 M. LE JUGE MUTHOGA :
8 Très bien. Je vous remercie. Nous le ferons.
9 Me PHILPOT :
10 Je voudrais proposer que l’on remette cette question de côté, que nous
11 la laissions de côté, que je pose deux ou trois autres questions. Nous
12 pouvons être d’accord ou non, mais je ne vais pas demander au docteur
13 Des Forges de nous communiquer la liste complète. Je vais poser deux
14 ou trois questions, tout dépendra de l’issue de ces questions.
15 Mme LE JUGE KHAN :
16 À quelle décision faites-vous référence ?
17 Me PHILPOT :
18 La décision de savoir si je peux prétendre à une liste complète.
19 R. Je voudrais ajouter un point d’information : Il m’est apparu clairement,
20 après ces discussions, qu’il y a eu un quiproquo.
21

22 Je n’ai jamais proposé un quelconque témoin, soit à Madame Ndungu, à


23 Monsieur Kapaya ou à un autre quelconque membre de l’équipe pour ce
24 procès. Toutes ces suggestions ont été faites à d’autres membres du
25 Bureau du Procureur et, en l’espèce, il s’agit du témoin ADE.
26

27 Nous en avons parlé bien avant que l’on ne me propose que je vienne
28 comparaître à ce procès comme témoin expert. Par conséquent, je n’ai
29 jamais proposé quiconque au Bureau du Procureur ou au Procureur pour
30 l’affaire qui nous intéresse.
31 Mme LE PRÉSIDENT :
32 Madame le Procureur, vous avez la parole. Vous vouliez ajouter quelque
33 chose ou est-ce là ce que vous vouliez dire ?
34 Mme KAGWI-NDUNGU :
35 En outre, Madame le Président, nous voudrions que la Chambre se
36 penche sur l’Article 70 B). Et ce que la Défense demande au témoin,

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1 c’est une information qui tombe en partie sous le joug de cet Article, car
2 nous ne voyons pas quel est le contenu de cette liste, tel que stipulé par
3 l’Article 70 bis : « Si le Procureur dispose d’une liste, alors, toute autre
4 information ne doit être communiquée à la Défense sans la présence de
5 la personne qui a communiqué cette information ».
6

7 Nous ne savons pas quel est l’objet de cette longue liste de témoins.
8 Nous n’avons pas de problème sur le fait qu’à plusieurs reprises, nous
9 avons approché ce témoin. C’est un témoin expert qui connaît bien la
10 région, nous lui avons demandé de nous assister sur la base de ses
11 connaissances de la région. Cela ne pose pas de problème en l’espèce,
12 cela ne pose pas de problème si nous savons qu’elle connaissait le
13 témoin ADE également.
14

15 Nous aimerions que la Chambre statue et rende une décision en


16 l’espèce.
17 Mme LE PRÉSIDENT :
18 Maître Philpot, essayez de ne pas revenir sur la question et veuillez
19 poursuivre pour nous éviter de rendre une décision.
20 Me PHILPOT :
21 Q. Docteur Des Forges, la liste que vous avez établie, combien de
22 personnes comporte-t-elle ? Combien de noms comporte-t-elle ?
23 R. Je dirais environ 80 personnes, 25 d’entre elles sont des sources ou des
24 archives et sept d’entre elles sont des sources physiques basées sur des
25 éléments de preuve visuels.
26 Q. Je ne parlais que des noms… que des personnes, l’autre partie de votre
27 réponse n’était pas nécessaire.
28

29 Ces noms-là… Parmi ces noms, combien d’entre eux peuvent faire l’objet
30 de poursuites éventuelles et, cela, dans votre entendement ?
31 R. De poursuites de la part de qui ?
32 Q. Le TPIR.
33 R. Vous me mettez dans une situation difficile, voyez-vous, car les
34 personnes qui sont actuellement détenues dans des prisons rwandaises
35 ne peuvent être poursuivies par le TPIR, à moins que le Parquet n’ait pas
36 mené à bien sa tâche.

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1 Q. Je me conforme à vos directives. Nous allons éviter une décision, nous


2 allons voir.
3

4 Ceux qui sont détenus dans les prisons rwandaises sont-ils des témoins
5 potentiels à charge ?
6 M. LE JUGE MUTHOGA :
7 Pour ce procès ou en d’autres procès ?
8 Me PHILPOT :
9 Pour le procès qui nous intéresse.
10 R. J’en doute fort. Je vois le nom, en fait, d’une personne qui a en fait
11 déposé.
12 Q. Cette personne a déposé ?
13 R. Oui, je crois.
14 Q. Les autres qui sont détenues dans des prisons rwandaises, ces
15 personnes-là ne sont pas des témoins potentiels, dites-vous, pour les
16 procès du TPIR ?
17 R. Il n’y a qu’une personne, peut-être deux, je ne sais pas si cette deuxième
18 personne est toujours en vie, en fait. Il y a donc trois personnes que je
19 vois sur cette liste qui étaient à l’époque dans des prisons rwandaises. Et
20 je pense que depuis lors, (inaudible) personne est décédée.
21 Q. Ainsi donc, nous allons nous départir de ce groupe, nous allons nous
22 pencher sur d’autres individus.
23

24 Combien des autres personnes peuvent être des… ont… peuvent


25 endosser — peuvent endosser —des actes perpétrés durant le conflit,
26 durant le génocide en 1994 et en mettant l’emphase sur cette période
27 de trois mois qui nous intéresse ?
28 R. Peut-être trois, peut-être quatre.
29 Q. Prenez votre temps, Docteur, car nous voulons éviter que cette liste nous
30 soit communiquée.
31 Peut-être que nous devons en arriver à cela, mais si vous faites preuve
32 de minutie et de prudence, nous pourrons éviter ce problème.
33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Vous ne devez pas demander au témoin d’être prudente, elle a fait
35 montre de prudence tout le temps qu’elle a été ici.
36 Me PHILPOT :

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1 Très bien.
2 Q. Sur… Parmi ces trois ou quatre noms, combien ont été contactés par le
3 Procureur, si vous le savez ?
4 R. Aucun, je crois.
5 Q. Combien ont été poursuivis ?
6 R. Cela, je ne saurais y répondre, je ne sais combien ont été poursuivis.
7 Q. Combien d’entre eux ont été poursuivis publiquement sur ces trois ou
8 quatre ?
9 R. Je ne suis pas sûre de ma réponse, mais je crois qu’aucun n’a fait l’objet
10 de poursuites publiques.
11 Me PHILPOT :
12 Excusez-moi, Madame le Président, Honorables Juges, mais je dois
13 changer mon écouteur, je n’entends plus l’interprétation, je n’entends
14 plus rien dans mon écouteur.
15 Q. La liste en votre possession, est-ce qu’elle comporte la liste d’hier ?
16 R. Oui, c’est le cas. Je voudrais ajouter que certaines des personnes que j’ai
17 inclues dans la catégorie des personnes susceptibles d’être poursuivies
18 ne seront pas poursuivies pour le crime de génocide mais pour d’autres
19 crimes.
20 Q. Je ne fais pas de distinction. Par conséquent...
21

22 Bon, je vais vous poser une série de questions auxquelles vous


23 répondrez « oui » ou « non ».
24

25 La liste inclut toute sorte de personnes qui sont susceptibles de fournir


26 des informations au Procureur ; est-ce exact ?
27 R. C’est exact
28 Q. Ceci commence à partir de 1996 ; ai-je raison ? Si je n’ai pas raison,
29 corrigez-moi.
30 R. 1995, plutôt.
31 Q. De toute cette liste, seulement trois ou quatre personnes, selon vous,
32 pouvaient être poursuivies selon les crimes relevant de la compétence
33 du Tribunal, telle qu’interprétée actuellement ; si c’est le cas, le nombre
34 sera moindre, peut-être trois. À votre connaissance, une seule de ces
35 personnes : Vous avez recommandé notamment a été… « ADE », qui a
36 été accusée.

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1 R. Oui, c’est exact, selon mes connaissances.


2 Q. Nous pouvons passer à autre chose. Merci.
3

4 Nous avons terminé hier… Quand nous avons terminé hier, vous étiez
5 sur le point de dire que le fils de « ADE » a pris contact avec vous et vous
6 avez refusé de le rencontrer. Et, à deux autres reprises, celui-ci a essayé
7 de vous joindre à votre domicile et a parlé à certaines personnes de
8 votre famille qui lui ont répondu que vous étiez absente, puis il vous a
9 rappelée — puis il vous a rappelée — cette année ; n’est-ce pas, le fils de
10 « ADE » ?
11 R. Je ne sais pas s’il s’agit du même fils, mais l’un des fils de « ADE » m’a
12 appelée.
13 Q. Donc, il vous a appelée à partir d’un pays que je voudrais… Je ne
14 voudrais pas citer le pays en question.
15 R. Je ne sais pas où il habite ou d’où il a appelé.
16 Q. À quelle date vous a-t-il téléphoné ?
17 M. LE JUGE MUTHOGA :
18 C’est quelqu’un qui s’était identifié comme un fils de « ADE » .
19 R. C’est exact, Monsieur le Juge. Je n’ai aucun moyen de vérifier si c’était
20 exact, mais c’est ce qu’il m’a dit.
21 Me PHILPOT :
22 Q. Ainsi, vous lui avez parlé ; à quelle date vous a-t-il appelée ?
23 R. Je ne me souviens pas. Je vous demanderais d’apprécier le fait que je
24 reçois des centaines ou des milliers d’appels émanant de Rwandais ; et
25 j’ai reçu 7 900 courriers électroniques, je n’ai pas eu le temps de prendre
26 note de chaque contact.
27 M. LE JUGE MUTHOGA :
28 Ça suffit de dire que vous ne vous rappelez pas.
29 R. Je vous remercie, Monsieur le Juge. Je voudrais essayer d’étayer mes
30 propos par la raison pour laquelle, raisonnablement, je ne peux pas me
31 rappeler.
32 Me PHILPOT :
33 Q. Était-ce en 2004 ou en 2005 ?
34 R. Je pense que c’était en 2005, début 2005.
35 Q. Quel était l’objet de la discussion que vous avez eue avec ce jeune
36 homme ?

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1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 C’est seulement un fils, elle ne sait pas si c’est un jeune homme ou pas,
3 c’est un fils. Jeune… Par rapport à son père, c’est un jeune homme.
4 Me PHILPOT :
5 Ce n’est pas son père… Bon, enfin.
6 Q. Ce monsieur, le fils de « ADE », qu’est-ce que vous avez discuté avec
7 lui ?
8 R. Il m’a demandé de faire une déclaration au bénéfice du dossier de sa
9 sœur qui a fait une demande d’asile, et j’ai accepté de ce faire.
10 Q. Et ce jeune homme vous a-t-il dit ce qu’il faisait dans son pays
11 d’accueil ?
12 R. Non, la conversation a été très brève. Il a fait une demande, laquelle j’ai
13 acceptée.
14 Q. Où deviez-vous faire cette déclaration ?
15 R. J’ai fait une déclaration écrite — j’ai oublié — à cette jeune dame, ou à
16 son avocat ou les personnes qui l’aidaient dans son pays d’accueil, où
17 « il » a demandé l’asile.
18 M. LE JUGE MUTHOGA :
19 Q. Est-ce que c’était remis à main propre, ou par courriel ou par quel mode
20 de communication ?
21 R. Probablement par e-mail, pas par voie de fax.
22 Me PHILPOT :
23 Q. Est-ce quelque chose que vous avez scanné ; est-ce quelque chose que
24 vous avez rédigé puis scanné ou directement par courriel ?
25 R. Si ma mémoire est bonne, je l’ai… j’ai répondu directement par e-mail
26 sur ordinateur.
27 Q. Avez-vous signé ce document ?
28 R. Si c’était un courrier électronique, je n’ai pas pu le signer. C’est pour cela
29 que j’ai hésité. Peut-être que je l’avais faxé, mais je ne me rappelle pas
30 l’avoir faxé.
31 Q. Quelle était la nature de la déclaration que vous avez faite à son sujet ?
32 R. C’est une déclaration la concernant.
33 Q. Disant quel genre de choses ?
34 R. Ce que j’essaye d’éviter, c’est l’identification de la personne, mais je vais
35 entrer dans des détails. C’est un secret entre elle et moi, je ne vois pas
36 la pertinence à votre cause.

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1 Q. Êtes-vous un avocat ?
2 R. Non, mais j’ai roulé ma bosse.
3 Q. Vous avez fait une déclaration devant ce Tribunal soutenant la demande
4 d’asile de la fille
5 de « ADE » ; et vous avez dit que vous l’avez connue pour une période
6 de temps ?
7 R. Non.
8 Q. Quelle était la nature de la sollicitude que vous avez faite ?
9 R. Elle faisait une affirmation basée sur la convention des réfugiés, et je me
10 suis conformée à la convention des réfugiés.
11 Q. Comment est-ce que cette personne serait en danger en raison de son
12 affiliation politique ou de son affiliation familiale ou ethnique ?
13 R. Ethnique, religieuse, à partir du pays qu’« il » a fui. Ce sont les termes
14 généraux de la convention sur les réfugiés.
15 Q. Très bien. Vous avez dit des choses, vous avez dit que vous connaissez…
16 vous avez fait des informations sur elle et sa famille et que vous pensez
17 qu’elle serait en danger ?
18 R. Je n’ai pas spécifiquement précisé que j’ai des relations avec sa famille,
19 mais c’était fondé sur sa religion.
20 Q. Est-ce que cela a eu quelque chose à faire avec ses relations familiales ?
21 R. Ce n’était pas un point nécessaire d’informations ici.
22 Q. Votre Conseil… Le Procureur peut faire objection mais pas vous.
23 R. Peut-être, je pense que je dois dire : J’ai un sens aigu des obligations par
24 rapport aux personnes que j’ai aidées, et le Procureur partage ce sens
25 d’obligations au même titre que moi.
26 Q. Donc, vous n’êtes pas désireuse de nous dire…
27 M. LE JUGE MUTHOGA :
28 Si vous pouvez éviter de réfuter ce qu’elle a dit, vous pouvez dire qu’elle
29 a fait une recommandation, soit recommandation positive en faveur de
30 la fille de « ADE ».
31 Me PHILPOT :
32 Très bien. Nous sommes d’accord.
33 Q. Le fils avec qui… à qui vous avez parlé, il ne vous a pas dit ce qu’il faisait
34 dans son pays d’accueil ?
35 R. J’ai répondu.
36 Q. Très bien. Je peux dire que vous avez répondu autrement.

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

2 Dans votre déclaration, vous avez dit qu’en plus, le fils de « ADE » qui
3 étudiait — tiret, le nom du pays ; est-ce lui ?
4 R. Quand j’ai relu cette déclaration, j’ai supposé qu’il s’agissait de la même
5 personne avec qui j’ai parlé il y a plusieurs années, mais je me suis
6 rendu compte que je n’ai aucune justification pour faire cette assertion.
7 Je ne me rappelle pas, lors de nos conversations, qu’il m’ait dit d’où il
8 appelait. Donc, je ne suis pas sûre.
9 Q. Dans votre déclaration, vous avez dit que le fils du témoin « ADE » — il
10 —, et vous dites maintenant que ce n’est peut-être pas le même fils ?
11 R. C’est exact, je n’ai aucun moyen de savoir. Comme j’ai déjà dit, j’ai reçu
12 plusieurs demandes, je ne connais pas les détails, je ne connais pas les
13 noms des personnes, je ne connais pas l’ordre de descendance dans la
14 famille. C’est des gens qui m’appellent comme ça tout le temps.
15 M. LE JUGE MUTHOGA :
16 Q. A-t-il fait référence à une conversation précédente que vous avez eue
17 avec lui ? Vous a-t-il dit :
18 « Madame Des Forges, vous rappelez-vous que nous avions eu une
19 conversation dans le passé ? Et je vous rappelle, Madame Des Forges, je
20 suis le fils d’un tel et telle et j’ai besoin de votre aide ; pourriez-vous
21 m’aider ? » Quelque chose de ce genre. Quel était le format de la
22 conversation ?
23 R. Comme je l’ai dit, c’était une conversation brève, je ne me rappelle pas
24 s’il a fait référence à des contacts antérieurs avec moi. Peut-être qu’il l’a
25 fait, mais je n’en suis pas sûre. Mais comme nous avons discuté ce
26 matin, je ne suis pas encore sûre qu’il s’agissait de la même personne.
27 Mme LE PRÉSIDENT :
28 Q. Avez-vous vu ou rencontré la sœur au profit de laquelle vous avez fait la
29 recommandation ?
30 R. Je l’ai vue en tant qu’enfant au cours d’une période précédant le
31 génocide. Et nous avons… nous faisions (sic) le « Jacques, où es-tu ? »
32 C’est ça qu’« il » jouait avec mes enfants.
33 Q. Comment savez-vous que c’était le même enfant ? Vous avez rencontré
34 tous les enfants du
35 témoin ADE ?
36 R. Je pense qu’à l’époque, je les ai vus tous naître, mais je ne sais pas si je

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 13


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1 les ai revus par la suite. J’ai pris cela de bonne foi, la requête… la
2 demande qui m’a été adressée. Très sincèrement que cette personne
3 avait de bonnes raisons de me faire cette demande et, compte tenu de
4 la nature de la demande, j’ai essayé d’être le plus utile que possible.
5

6 Et pour moi, ce n’est pas pertinent. Qu’importe, c’est le contenu du


7 dossier, et le contenu du dossier, pour moi, justifie la demande d’asile.
8 Q. Je pense que le frère… Est-ce que le frère lui-même vous a contactée ?
9 R. Je ne sais pas, Madame le Juge, c’est une question. Si la personne
10 travaillait dans le même pays que je connaissais à l’époque, c’est peut-
11 être pour ça, je ne sais pas.
12 M. LE JUGE MUTHOGA :
13 Q. Est-ce que le fils est plus âgé que la fille en ce moment ou serait dans…
14 il devrait être en mesure d’assumer les responsabilités de sa sœur ?
15 Mme LE JUGE KHAN :
16 Q. Aideriez-vous quiconque ou une quelconque connaissance… de vos
17 connaissances dans pareil cas ?
18 R. Madame le Juge, à plusieurs reprises, j’ai refusé d’aider, mais ce sont là
19 des cas où j’étais persuadée que les dossiers étaient des faux ou que les
20 prétentions étaient fausses. Je n’ai jamais refusé un cas où j’estime que
21 la vérité a été dite et que la convention sur les réfugiés devait
22 s’appliquer.
23

24 La personne m’importe peu. Ce qui est important, c’est de savoir si je


25 connais la personne . je n’ai plus besoin de poser davantage de
26 questions.
27 M. LE JUGE MUTHOGA :
28 Q. Avez-vous donné de telles assistances à d’autres personnes ?
29 R. Je dirais une centaine de personnes.
30 Me PHILPOT :
31 Q. Ainsi, le fils vous a donné une description de la nature de la demande de
32 sa sœur ********************;
33 est-ce exact ?
34 R. C’est exact. Quelqu’un a dû me fournir une déclaration écrite.
35 Q. Qui vous a fourni cette déclaration écrite ?
36 R. Je ne m’en souviens pas et je ne sais même pas s’il y en avait eu une, je

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 14


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 dis que c’était une possibilité.


2 Q. Ainsi, vous avez dû vérifier la probité de la demande ?
3 R. Oui, j’ai vérifié la probité de la prétention.
4 Q. Et après évaluation, vous avez rédigé une déclaration ?
5 R. C’est exact.
6 Q. Et vous dites que vous n’avez pas signé la déclaration ?
7 R. Non.
8 Q. Et vous avez dit que vous l’avez fait sur ordinateur et que vous n’aviez
9 pas moyen de signer sur ordinateur ?
10 R. C’est exact.
11 Q. Avez-vous signé cette déclaration-là ?
12 Mme LE PRÉSIDENT :
13 Maître Philpot, le témoin a répondu qu’elle n’avait pas les moyens de
14 signer cette déclaration sur ordinateur, c’est pourquoi elle dit qu’elle
15 n’est pas sûre si elle l’a signée. Et n’allez pas plus loin, Maître.
16 Me PHILPOT :
17 Très bien.
18 Q. Ainsi, lorsque vous soumettez un document concernant une demande de
19 statut de réfugiés, normalement, est-ce que vous ne signez pas pour que
20 ce soit authentique, d’une manière quelconque ?
21 R. Très certainement, dans plusieurs juridictions où j’ai fourni de telles
22 recommandations, c’était le cas ; mais dans ce cas précis, je ne suis pas
23 sûre quelles étaient les règles. Probablement que je m’y étais
24 conformée, et tout ce qui m’était demandé, je l’ai fait. Peut-être que je le
25 ferai autrement si j’avais à recommencer.
26 Q. Donc, n’est-il pas probable que vous ayez faxé ce document ?
27 Mme LE PRÉSIDENT :
28 Le témoin a répondu à cette question, Maître Philpot.
29 Q. Madame Des Forges, est-ce que votre déclaration a aidé cette jeune
30 dame concernée ?
31 R. Madame le Juge, c’est embarrassant quelquefois que nos propres
32 insuffisances soient révélées. J’ai reçu un e-mail de retour qui… de
33 remerciement, et je ne l’ai jamais ouvert. Et cela fait partie des
34 15 000 fichiers que je n’ai pas ouverts. J’ai vu un e-mail « Thanks :
35 Merci », donc ; mais je ne sais pas si… et j’ai supposé que c’était plutôt
36 positif.

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 15


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1 Me PHILPOT :
2 Q. Il s’agit donc du fils ou la fille ?
3 R. Je ne sais pas.
4 Q. Était-ce le fils ou la fille ?
5 R. Je ne sais pas. La réponse m’a donné suffisamment d’indices pour dire
6 qu’il s’agissait de cette affaire-là.
7 Q. L’objet était « Merci » ?
8 R. Oui, c’est ce dont je me rappelle.
9 Q. Et vous préférez ne pas vous référer au nom de la personne ?
10 R. Non, c’était en un seul mot : « Merci ».
11 Q. Comment saviez-vous d’où cela provenait ?
12 R. Parce que mon ordinateur vous indique l’envoyeur.
13 Q. C’était qui ?
14 R. Quelle que soit la personne, c’était suffisant pour moi pour déclencher
15 une… déclencher en moi qu’il s’agissait d’une réponse positive. Autant
16 que j’ai pu reconstituer la demande, la demande était faite début 2005, il
17 y avait un délai fixé, et j’ai répondu dans ce délai. Puis, j’ai reçu un
18 message en retour plusieurs mois plus tard, de toutes les façons dans le
19 courant de 2005.
20 Q. Était-ce septembre ou octobre ?
21 R. Je ne me rappelle pas. C’est… Peut-être, c’était l’année dernière, je ne
22 me rappelle pas l’année.
23 Mme LE PRÉSIDENT :
24 Q. Est-ce que « ADE » vous a contactée après que vous ayez soumis cette
25 demande ?
26 R. Non, je n’ai pas eu de ce contact avec « ADE » sur ce sujet.
27 Me PHILPOT :
28 Q. Ainsi, vous avez refusé de rencontrer le fils, mais vous avez aidé la fille ?
29 R. Comme j’ai dit hier, je n’ai pas rencontré le fils. Je ne peux pas vous dire
30 qu’il s’agit d’un refus, je ne saurais être catégorique. C’est déterminé
31 certainement par l’impossibilité de faire coïncider nos calendriers ou que
32 j’ai tout simplement décliné pour d’autres raisons, je ne me rappelle pas.
33 Q. J’en conclus que vous avez refusé, parce que vous avez utilisé le mot
34 « refus » vous-même et pas moi.

35 Quelle est la fréquence de vos rencontres avec Stephen Rapp sur cette

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 16


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1 question ?
2 R. Quelle question ?
3 Q. Concernant votre déposition en la présente cause.
4 R. Je ne me rappelle pas l’avoir rencontré pour discuter la cause qui nous
5 occupe.
6 Mme LE PRÉSIDENT :
7 Q. Est-ce que cela s’agit de « ADE » ou de Zigiranyirazo ?
8 R. Cela a été mentionné au cours d’une conversation deux ou trois fois,
9 pour être sûre, mais nous n’avons pas pris de rendez-vous pour discuter
10 de l’affaire de Monsieur Zigiranyirazo ; c’est peut-être dans le contexte
11 de discussions de nombre de questions pendantes dans le cadre de mon
12 assistance au Bureau du Procureur.
13 Q. Est-ce que Monsieur Rapp a discuté quoi que ce soit avec vous
14 concernant « ADE » ?
15 R. Madame le Juge, je me rappelle qu’il m’a dit qu’il a reçu des déclarations
16 faites par « ADE » et que ces déclarations pourraient être utilisées dans
17 le cadre de préparation de mes propres travaux.
18 Q. C’était quand ?
19 R. C’était dans le courant de l’année dernière.
20 Q. 2005 ?
21 R. Oui.
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Merci.
24 Me PHILPOT :
25 Q. A-t-il discuté de « ADE » avec vous à une date antérieure, en 2004 ?
26 R. Je ne saurais dire la date, j’ai eu plusieurs discussions au cours de
27 laquelle… au cours desquelles nous avons évoqué « ADE », mais je ne
28 me rappelle… J’ai dit deux ou trois reprises où cela faisait partie des
29 discussions.
30 Q. Lorsque vous êtes venue à Arusha ?
31 Mme LE PRÉSIDENT :
32 Elle a parlé de conversations. La question était si c’étaient des contacts
33 par e-mail ou par d’autres moyens.
34 Me PHILPOT :
35 Mais non, elle a parlé de « conversations », c’est pourquoi j’ai demandé :
36 « Si... Lorsque vous êtes venue à Arusha ».

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 17


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 R. Je me rappelle d’une conversation qui avait eu lieu à Arusha ; les autres,


2 je ne me rappelle pas s’il s’agit de conversations téléphoniques ou des
3 contacts en tête-à-tête. J’ai rencontré une fois Monsieur Rapp à
4 l’aéroport en Europe.
5 Q. C’était quand ?
6 R. Je ne sais pas.
7 Q. La conversation face à face a-t-elle eu lieu en 2004 ?
8 R. Je vous ai dit que je ne me rappelle pas. Je ne tiens pas un journal intime
9 de mes conversations ni des entretiens que j’ai avec les gens.
10 Q. Est-ce que Monsieur Rapp vous a parlé de la stratégie du Procureur
11 consistant à recruter des personnes ayant une connaissance interne des
12 faits ?
13 R. Dans le contexte de la stratégie d’ensemble du Bureau du Procureur,
14 depuis 1995, j’étais au courant que — ce n’était pas surprenant — c’est
15 ce que font tous les Procureurs et que c’était là un objectif possible.
16 M. LE JUGE MUTHOGA :
17 Q. En avez-vous discuté avec Monsieur Stephen Rapp ? La question n’est
18 pas de savoir si vous en avez discuté avec le Bureau du Procureur, mais
19 en la personne de Stephen Rapp.
20 R. Une discussion explicite, qu’il me dise : « Voilà ce que nous entendons
21 faire ; avez-vous une idée pour nous ? » Non. Je pense que nous avons
22 tous supposé que naturellement, une personne désireuse de faire un
23 témoignage est quelqu’un qui a des connaissances des faits de
24 l’intérieur ; et c’était un fait, mais c’était une supposition non écrite.
25 Me PHILPOT :
26 Q. Est-ce que cela, c’était… Est-ce que cela va durer dans votre esprit
27 pendant longtemps ? Après tout, vous déposez depuis sep à huit ans
28 maintenant.
29 R. C’est une supputation raisonnable de la part de tout profane. Je ne me
30 rappelle pas de quelque chose que j’aurais… quelque chose dont j’aurais
31 eu connaissance à une période donnée, mais ça s’inscrit dans le bon
32 sens.
33 M. LE JUGE MUTHOGA :
34 Il va sans dire.
35 R. Oui.
36 Me PHILPOT :

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 18


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1 Q. Est-ce que cela est déjà dit en votre présence ?


2 R. Je ne me rappelle pas une déclaration explicite concernant la stratégie,
3 c’est-à-dire de recueillir des informations auprès des personnes ayant
4 une connaissance interne des faits.
5 Q. Vous savez qu’il est responsable : C’est lui qui était désigné pour
6 interroger les personnes ayant une connaissance approfondie des faits
7 vus de l’intérieur et que cela devrait être entouré du sceau du secret,
8 que les acteurs, les principaux acteurs de la guerre seront considérés
9 comme des personnes internes au conflit ?
10 R. Non, je ne suis pas au courant.
11 Q. Ne vous ont-ils pas donné des exemplaires ou des copies des
12 déclarations des témoins potentiels ? Lorsque vous deviez déposer, ils
13 vous ont donné des déclarations des témoins protégés, pas
14 nécessairement leur identité ; avez-vous reçu l’identité du témoin «
15 ADE » lorsque vous avez lu sa déclaration ?
16 R. Je pense que j’aurais su à partir de la teneur de la déclaration ; je pense
17 que d’ordinaire, on se référait au témoin par pseudonyme ou par code.
18 Q. Est-ce que vous dites à la Chambre que les autres témoins de l’intérieur
19 pour lesquels vous avez déposé, vous ne connaissiez pas leur identité ?
20 R. Nous savons tous que l’identité des témoins internes a circulé sur
21 Internet.
22 Q. Savez-vous de ce témoin (sic) ?
23 R. Moi, je n’ai jamais vu les noms sur l’Internet, les noms de ces témoins de
24 l’intérieur.
25 Q. Connaissez-vous les noms des témoins de l’intérieur ?
26 R. Je ne me rappelle pas de qui vous vous référez.
27 Q. Le témoin principal de l’intérieur… C’est le nom que je connais
28 d’ordinaire sur le bout des doigts.
29 Mme KAGWI-NDUNGU :
30 Je peux aider la Chambre…
31 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
32 Nous n’avons pas entendu précisément ce qu’elle a dit.
33 M. LE JUGE MUTHOGA :
34 Peut-être que si ce n’est pas le « P. 14 », c’est un autre. Si vous parlez
35 de celui qui est le plus important, c’est un jugement de valeur, et chacun
36 de nous peut avoir son jugement.

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 19


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1 Me PHILPOT :
2 Q. Si le docteur Des Forges nous dit qu’elle ne connaît pas l’identité des
3 témoins de l’intérieur de la cause actuelle…
4 Mme LE PRÉSIDENT :
5 Non, ce n’est pas ce qu’elle nous dit. Il faut la citer avec précision.
6

7 Vous étiez sur le point de consulter votre client. Donc, le Procureur a


8 parlé du témoin X.
9 Me PHILPOT :
10 Tout à fait. Je vous remercie, Madame le Président.
11 Q. Étiez-vous au courant de l’identité du témoin X ?
12 R. Je ne me souviens pas de son pseudonyme, il va falloir que je regarde ou
13 je me reporte à une liste.
14 Q. Le témoin X a comparu, si ne je me trompe pas, il y a certains
15 documents publics que j’ai lus, et il a témoigné à propos des
16 Interahamwe et à propos des réunions de pacification.
17 R. Malheureusement, votre information ne m’aide pas beaucoup.
18 Q. Savez-vous que des dispositions ont été prises pour la réinstallation
19 quelque part de la famille de
20 « ADE » ?
21 R. J’ai entendu que cela faisait partie des dispositions.
22 Q. Oui. Quand vous a-t-on informée de cela ?
23 R. Je ne m’en souviens pas. Il est possible que ce soit un membre du
24 Bureau du Procureur qui m’en ait parlé. Et je crois que cela a également
25 été le cas pour beaucoup d’autres personnes, des personnes qui ont
26 donné leurs dépositions par-devant le Tribunal ou des gens qui ont
27 témoigné par le passé. Donc, cela ne me paraît pas du tout surprenant.
28 Mme LE JUGE KHAN :
29 Q. Avez-vous discuté de la « relocation » ou de la réinstallation ailleurs de la
30 famille de « ADE » ?
31 R. Non, je n’ai pas été préoccupée par cette question ; donc, je n’en ai pas
32 du tout discuté.
33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Q. Même avec Monsieur Rapp, vous n’avez pas discuté, Madame le
35 Témoin ?
36 R. J’ai été informée de la décision. On m’a dit que sa famille serait installée

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 20


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1 ailleurs.
2 Mme LE JUGE KHAN :
3 Q. Et c’est Monsieur Rapp qui vous l’a dit ?
4 R. Oui, je pense que c’est lui, mais je n’en suis pas absolument sûre.
5 Me PHILPOT :
6 Q. Quand avez-vous été informée de cela par Monsieur Rapp ?
7 R. C’était en 2005, je ne me souviens pas de la date exacte.
8 Q. Peu après que vous ayez reçu un message de son fils, que vous ayez
9 entendu… eu des nouvelles de son fils ?
10 R. Je n’ai pas lié ces deux faits ou ces deux événements, mais de manière
11 logique, si je considère le moment où (inaudible) pour le contact et
12 l’information qui m’a été fournie, je pense que c’est
13 peut-être après ce contact que j’ai eu du fils que j’ai eu cette
14 information.
15 Q. Est-ce que « ADE » vous a téléphoné une fois qu’il a été emprisonné ?
16 R. Bien sûr que non.
17 Q. Avez-vous jamais rencontré Monsieur Knups (Phon.) ?
18 R. Je ne connais pas de Knups.
19 Q. J’aurais dit Knups.
20 R. Non, c’est un nom qui ne me dit rien. Je n’ai jamais, jamais, jamais vu ce
21 nom auparavant et je n’ai jamais entendu, d’ailleurs.
22 Q. Vous a-t-on demandé de témoigner au profit de « ADE » sur sa
23 personnalité ?
24 R. Non.
25 M. LE JUGE MUTHOGA :
26 Dans le cadre de ce procès ?
27 Me PHILPOT :
28 Dans son procès.
29 M. LE JUGE MOTHOGA
30 Ah ! Oui, dans son procès.
31 Me PHILPOT :
32 Q. Avez-vous eu donc contact avec d’autres membres de la famille de «
33 ADE » ?
34 R. Non.
35 Q. Savez-vous où ils habitent aujourd’hui ?
36 R. Je ne le sais pas.

2 PIUS ONANA, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 21


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1 Q. Quand avez-vous appris pour la première fois que « ADE » avait pris
2 contact avec le Bureau du Procureur ?
3 R. Je n’en sais rien. Je ne sais pas quand est-ce qu’il a pris contact avec le
4 Bureau du Procureur, je ne sais pas si c’est lui qui a pris contact avec le
5 Bureau du Procureur ou c’est l’inverse. En tout cas, je n’ai aucun moyen
6 de communication et je n’en sais rien du tout.
7 Q. Qui vous a dit pour la première fois qu’il y avait un entretien entre les
8 deux : Est-ce Monsieur Rapp ?
9 R. Non, je ne le pense pas, je pense que c’est quelqu’un d’autre qui m’en a
10 informée.
11 Q. Qui était-ce ?
12 R. Je ne sais pas, peut-être un enquêteur qui avait indiqué que c’était
13 possible, cet entretien, c’est
14 peut-être un Avocat.
15 Q. Quel enquêteur était-ce : Était-ce Monsieur Beyer Jean (Phon) ?
16 R. Je vous ai dit que je ne savais pas. Je ne sais pas si c’est un enquêteur
17 même. J’ai dit que cela aurait pu être n’importe qui.
18 Q. Était-ce en 2004 ?
19 R. Je vous ai dit : Je ne le sais pas, je ne sais pas quand est-ce que cela a eu
20 lieu.
21 Q. Quand avez-vous appris qu’il était en prison ?
22 R. Est-ce qu’il est en prison ? Je n’en sais rien du tout. Vous voulez dire
23 quand il s’est livré, qu’il a été transféré à Arusha ?
24 Q. Non, il ne faut pas mentionner où c’est.
25 R. Où il a été transféré, non, je n’en sais rien, je ne me souviens pas du tout
26 de la date. C’est peut-être à un moment quelconque de l’année dernière.
27 Q. Vous a-t-il parlé publiquement des dépositions qu’il allait donner ?
28 R. Non, pas autant que je m’en souvienne. J’aurais pu savoir sur quels faits
29 faire des commentaires.
30

31 (Pages 1 à 18 prises et transcrites par Pius Onana, s.o)


32

33

34

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1 Me PHILPOT :
2 Q. N’est-il pas vrai que vous avez indiqué dans le cadre de la justice
3 internationale, au mois de septembre… — vous avez même mentionné le
4 nom de la personne —, vous avez dit que le
5 témoin ADE sait beaucoup de choses à propos... beaucoup d’événements
6 à propos d’avant et d’après avril 94 ?
7 Mme DES FORGES :
8 R. Je ne pense pas que cela soit un commentaire sur le contenu de sa
9 déposition ; pour moi, il s’agissait tout simplement d’une évaluation de la
10 possibilité… de l’ampleur des connaissances qu’il avait des faits.
11 Q. Vous avez accepté de déposer dans le cadre d’un tribunal international ?
12 R. Je ne sais pas de quelle justice internationale « dont » vous parlez.
13 Q. Connaissez-vous un Trévilier (phon.) ?
14 R. Oui. Je le connais.
15 Q. Vous a-t-il parlé de « ADE » ?
16 R. Je ne me souviens pas.
17 Q. Au mois de septembre ?
18 R. Je ne pense pas que je l’aie vu au mois de septembre.
19 Q. Vous a-t-il parlé au mois de septembre ?
20 R. Non. Je ne m’en souviens pas.
21 Q. Faites-vous une distinction entre les connaissances de « ADE » et les
22 informations éventuelles qu’il pourrait livrer au Tribunal ?
23 M. LE JUGE MUTHOGA :
24 La distinction entre la connaissance de « ADE » et… Vous voulez dire ce
25 que « ADE » pourrait savoir ?
26 Me PHILPOT :
27 Oui. En effet, les connaissances « dont » pourrait avoir « ADE » sur les
28 faits, par rapport à son témoignage qu’il pourrait donner à la Chambre.
29 M. LE JUGE MUTHOGA :
30 Est-ce que cela... les deux choses ne seraient-elles pas égales ? Ces
31 deux choses ne seraient-elles pas égales, s’il était « véridique » ? Ce
32 qu’il sait, c’est ce qu’il pourrait dire, si cela est la vérité.
33 Me PHILPOT :
34 C’est ce que je pensais, Honorable Juge. Bien sûr, je suis d’accord avec
35 vous.
36

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 19


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Q. Avez-vous jamais formulé des commentaires quelconques sur le fait que


2 « ADE » pourrait communiquer des informations quelconques à un
3 Procureur ?
4 R. Dans le contexte de quel procès et quand ?
5 Q. Lorsque « ADE » a été arrêté.
6 R. Je ne me souviens pas. Mais je ne pense pas que cela soit impossible,
7 d’ailleurs.
8 Q. Si je vous suggérais que vous avez rencontré quelqu’un du Tribunal
9 international de justice et que, vous-même et Monsieur Tréjean (phon.),
10 vous avez été interviewés ou interrogés et que vous avez fait des
11 déclarations sur « ADE » ; était-ce possible ?
12 R. Je serais disposée à l’entendre.
13 Q. Alors, je vais vous imprimer le document après la pause parce que je l’ai
14 en ma possession.
15

16 Vous aviez également indiqué que, sur l’Internet, le réseau afro-


17 américain, vous lisiez les articles qui sont consignés ?
18 R. Oui. Exact.
19 Q. Il s’agit d’une association afro-américaine qui écrit des articles sur les
20 personnes comme Condolezza Rice — n’est-ce pas ? —, Magic Johnson
21 qui est également un Noir américain… que c’était l’Homme de 2005. Est-
22 ce que vous consultez souvent ce site Internet ? De temps en temps ?
23 R. Non. Je ne le consulte pas. De temps à autre, certaines associations
24 rwandaises publient des articles de ce réseau ; et ce n’est que dans ce
25 cadre-là que je peux consulter ce réseau de temps en temps ou les
26 articles qui y sont imprimés ou enregistrés.
27 Q. Vous aviez indiqué que le réseau afro-américain a des articles qui sont
28 scandaleux ; n’est-ce pas ?
29 R. Je pense que ce sont des articles qui ne sont pas basés sur des faits et je
30 pense qu’il s’agit également d’hypothèses qui ne sont pas du tout
31 fondées.
32 Q. Est-ce que cela ne donne pas une autre opinion « de » vous-même ;
33 n’est-ce pas ?
34 R. Écoutez, je ne m’en souviens pas.
35 Q. N’avez-vous pas indiqué que le témoin ADE a porté des accusations à
36 l’encontre de ses anciens « accusateurs » ?

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 20


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 R. Je ne me souviens pas de ces termes-là.


2 Q. N’est-il pas dit que vous avez réussi à aider le Procureur à obtenir des
3 renseignements ?
4 R. Je préfère qu’on ne me donne pas des éloges que je ne mérite pas ou qui
5 ne se justifient pas.
6 Q. Vous pensez que cela relève de l’ironie, que tout événement qui est
7 allégé (sic) dans ces articles afro-américains chevauche… ou constitue
8 un chevauchement entre les entretiens que vous avez eus vous-même
9 avec le témoin ADE ?
10 M. LE JUGE MUTHOGA :
11 Je n’ai pas très bien compris la question.
12 Me PHILPOT :
13 Je reprends ma question.
14

15 Q. N’est-il pas ironique que vos déclarations concernant vos entretiens avec
16 « ADE » et les articles
17 afro-américains constituent une espèce de chevauchement entre vous-
18 même et ce que vous avez mentionné ?
19 R. Nous avons parlé d’un contact sur une période de quatre ans. Et certains
20 de ces contacts sont même purement accidentels ou fortuits. Et les
21 articles qui ont été postés ou affichés n’en parlent pas.
22 Q. Et votre réunion de 91, c’est un cas.
23

24 Vous avez parlé des contacts ultérieurs que vous avez noués ; et quand
25 est-ce que vous parlerez de ces contacts, également ? Vous-même, vous
26 avez mentionné, vous avez indiqué que vous l’avez rencontré en 1999,
27 que vous l’avez référé au Bureau du Procureur.
28 R. Non. Je ne l’ai pas référé au Bureau du Procureur.
29 Q. Non. Vous « leur » avez demandé de prendre contact avec le Bureau du
30 Procureur.
31 M. LE JUGE MUTHOGA :
32 On pourrait peut-être parler de qui l’a conseillé ? Qui l’a conseillé de
33 prendre attache ?
34 Me PHILPOT :
35 Oui, Honorable Juge. Je ne veux pas jouer avec les termes, mais
36 formulons de la manière suivante :

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 21


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

2 Q. Vous l’avez recommandé au Bureau du Procureur comme étant la


3 personne qui pourrait être précieuse en ce qui concerne les
4 renseignements sur les faits concernés. Je ne considère pas que cela soit
5 scandaleux — c’est un élément qui vous donne des éloges — et ce n’est
6 qu’un esprit bien éclairé qui pourrait voir les conséquences éventuelles
7 dans cette recommandation ou les conséquences éventuelles de ces
8 actes que vous pourriez poser. Il faut d’abord que vous me démontriez la
9 vérité dans ce que vous déclarez.
10 R. Il est possible qu’au cours d’une réunion de deux heures en 91, nous
11 ayons parlé de cela. Mais je ne me souviens même pas de ces détails.
12

13 Où est la substance de ce que vous voulez déclarer ?


14 Q. (Intervention non interprétée)
15 R. Oui, la deuxième réunion est dans l’article, sauf si vous parlez d’une
16 réunion antérieure.
17 Q. Docteur Des Forges, nous allons maintenant parler d’un autre aspect :
18 Avez-vous été de manière permanente une historienne, en même temps
19 que vos activités (inaudible) des droits de l’homme ?
20 R. Eh bien, d’une certaine manière, oui. Je suppose.
21

22 Il y a eu des périodes dans ma vie où j’ai été préoccupée par la situation


23 de mes enfants, par l’amélioration de la vie dans ma ville et dans
24 d’autres localités ; et il y a eu des périodes où j’ai consacré mon temps
25 aux questions des droits de l’homme.
26

27 Mais dans le cadre de ma formation en tant qu’historienne, j’ai touché à


28 toutes ces choses-là de temps en temps, à l’exception de mon état de
29 mère de famille.
30

31 M. LE JUGE MUTHOGA :
32 Q. Êtes-vous... Parlez-vous de l’académie ? Enfin, je voudrais que vous
33 m’aidiez un peu : Comment... qu’est-ce que vous voulez dire par
34 « historienne académique » ?
35 Me PHILPOT :
36 Je ne peux pas vous aider ! Je ne sais pas ce que veut dire « historienne

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 22


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 académique ».
2 M. LE JUGE MUTHOGA :
3 Vous dites quoi ?
4

5 Qu’est-ce que vous entendez par cela ? Vous avez appris l’histoire et
6 vous devenez historienne académique lorsque vous faites quoi ?
7 Me PHILPOT :
8 Ici, nous parlons d’expert, d’expert qui a certaines qualifications
9 universitaires, qui a une certaine expertise dans certains domaines, une
10 expertise scientifique dans un domaine précis qui concerne le monde. Et
11 dans ce cas précis, nous parlons de la région des Grands Lacs.
12 M. LE JUGE MUTHOGA :
13 Je vous pose cette question parce que j’ai entendu parler « d’historienne
14 académique » en opposition aux questions pratiques ou théoriques.
15 Donc, vous voulez dire qu’il s’agit là d’une historienne qui se consacre
16 davantage à l’enseignement de l’histoire à d’autres personnes ?
17 Qu’entendez-vous par cela ?
18

19 Nous nous (sic) appelons « professeurs », nous les appelons « des


20 académiciens » ; des personnes qui ne s’occupent pas de la réalité ou
21 des choses pratiques, de manière générale. Et les autres, ce sont des
22 personnes qui n’ont pas été à l’université et qui sont... touchent plus les
23 institutions.
24 Me PHILPOT :
25 Ce que je peux vous dire, Honorable Juge, c’est qu’en ce qui concerne ce
26 cas précis, une personne... une historienne académique est une
27 personne qui est au top des... de la connaissance, qui peut expliquer à la
28 Chambre ses connaissances et c’est dans le cas de ce contexte que je
29 vais utiliser ce terme. Je sais que ce terme peut également recouvrir
30 beaucoup d’autres acceptions mais, pour l’instant, je voudrais m’en tenir
31 là.
32 M. LE JUGE MUTHOGA :
33 Je vous remercie.
34 Me PHILPOT :
35 Q. Docteur Des Forges, avez-vous jamais abandonné ou arrêté vos
36 fonctions d’historienne académique ?

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 23


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 R. Il y a eu des périodes où je n’ai pas du tout été engagée dans


2 l’enseignement de l’histoire. Je continue de me considérer comme
3 historienne et je continue également à travailler dans le domaine de
4 l’histoire, comme je l’ai dit l’autre jour. Je suis régulièrement contactée
5 par des journaux officiels ou universitaires pour faire des petits travaux
6 pour eux de temps en temps.
7 Q. N’avez-vous pas indiqué que depuis 1999, la plupart de vos écrits ont été
8 consacrés à des revues ?
9 R. Je n’ai pas dit... déclaré cela, je ne l’ai pas dit.
10 Q. Avez-vous parlé des revues au Rwanda ?
11 R. Je n’ai pas dit ça.
12 Q. Qu’avez-vous dit ?
13 R. J’ai dit que les choses les plus récentes que j’ai faites étaient pour le
14 journal de L’Histoire africaine. Et « j’ai » un livre que j’ai sur moi
15 maintenant et qui a trait au XIXe… au XXe siècle et qui porte sur l’histoire
16 du Rwanda que, moi... dont je « voudrais » donner la liste pour cette
17 revue ; et j’ai fait ça d’ailleurs juste hier, si je m’en souviens bien.
18 Q. Hier, j’ai… D’ailleurs…
19

20 Maintenant, je voudrais vous montrer quelques transcriptions et je


21 voudrais revenir sur un sujet que nous avons soulevé hier…
22 Me PHILPOT :
23 Monsieur Mussa, je voudrais que vous preniez ces transcripts et les
24 remettiez au Procureur parce que nous allons y faire référence. Vous
25 avez ici des copies pour le Procureur, pour les Juges et pour le témoin.
26

27 (Le greffier d’audience s’exécute)


28

29 Q. Je voudrais à présent me reporter à votre déposition dans le cas de


30 l’Affaire Akayesu,
31 le 12 février 1997. Je vais vous lire la question et vous donner après la
32 réponse. Et vous pourrez regarder cela et vérifier si ce qui est dit est
33 exact.
34

35 À la première page, vous avez la première question du Procureur : « Je


36 vous remercie. Maintenant, passons à l’année 1991 et, si je ne me

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 24


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 trompe pas, je crois que vous êtes repartie au Rwanda ;


2 n’est-ce pas ? »
3 « Je suis repartie en 1991 dans un autre contexte. Et à ce moment-là, les
4 efforts de participation à la politique rwandaise étaient en cours et les
5 donateurs voulaient soutenir ce mouvement et ils m’ont appelée pour
6 aller au Rwanda… »
7

8 Je vais ralentir mon rythme…


9 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
10 Parce qu’il a été rappelé à l’ordre, une fois de plus !
11 Me PHILPOT :
12 Donc : « Je vais repartir au Rwanda… Je suis repartie au Rwanda évaluer
13 la situation politique et les perspectives de l’instauration de la
14 démocratie afin de leur montrer comment mieux dispenser l’assistance
15 étrangère pour pouvoir promouvoir la démocratie. »
16 « Maintenant, en vous concentrant sur cette démocratie, était-ce un
17 nouveau domaine pour vous, d’une certaine manière ? »
18 « Le domaine des études politiques ne m’était pas inconnu. Ce qui
19 m’était nouveau, c’était la relation que j’établissais entre cela et le
20 Gouvernement américain. Au départ, je n’avais jamais eu l’idée de
21 mettre à disposition mes connaissances, dans ce cadre-là, à une
22 institution quelconque. Cela est différent…. »

24 Q. (Suite de l’intervention non interprétée)


25 R. Je ne m’en souviens pas… Maintenant que vous me le dites, maintenant
26 je me rappelle.
27 Q. Si nous allons plus loin, vers la fin... — vers la fin, c’est-à-dire la dernière
28 page du procès-verbal au milieu de page —, la question est la suivante :
29

30 « Êtes-vous repartie au Rwanda vers la fin de 92 ou début 93 ? »


31 « Je suis repartie au Rwanda en juillet 92 en qualité de consultante pour
32 le Gouvernement américain et toujours à propos du projet sur la
33 démocratie. »
34

35 (Suite de l’intervention non interprétée)


36 R. Je ne me souvenais pas... Enfin, je ne me souvenais pas de cela, en tout

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 25


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 cas pas avant que vous ne m’ayez rafraîchi la mémoire.


2 Q. Donc, en 1997, vous voulez dire que vous travailliez pour le
3 gouvernement américain ; est-ce exact ?
4 R. La déclaration que vous venez de faire n'est pas complète parce que cela
5 ne reflète pas les étapes à mi-parcours.
6

7 J'étais consultante, c'est vrai ; et c'était la meilleure façon,


8 effectivement, d'exprimer ces fonctions. Mais je ne travaillais pas pour le
9 Gouvernement américain parce que je n'étais pas un employé payé et
10 qui est allé… qui a été recruté d'une certaine manière et payé
11 quotidiennement par le Gouvernement rwandais (sic) ; je n’avais pas de
12 salaire.
13

14 J'ai été recrutée par le biais d'un groupe de réflexion et, comme je vous
15 l'ai dit l'autre jour, je ne me souvenais... je ne me souviens pas,
16 d'ailleurs, du nom de ce groupe de réflexion. Mais depuis, je me souviens
17 de ce nom parce que j'en ai parlé avec d'autres personnes qui parlent...
18 qui ont travaillé dans le cadre de l'assistance technique et il est... et ce
19 groupe s'appelle « Groupe d'évaluation pour le développement rural ». Et
20 c'est une... c'est une association qui travaille également pour l'USID en
21 vue de la production de cette étude.
22

23 Et cette étude avait pour but... — non ! — était... avait été confiée à AED,
24 qui a été confiée, par la suite, à USID pour confection.
25 Q. Ne vous considérez-vous pas comme « consultant » pour le bénéfice du
26 Gouvernement américain en 91 et en 92 ?
27 R. S'agissant de l'objectif ultime de ce travail en vue de la confection d'une
28 nouvelle politique étrangère pour l'USID, je peux dire oui, je peux vous
29 répondre oui.
30 Q. Je peux... Je vais vous lire également ce que vous avez dit… (suite de
31 l'intervention non interprétée).
32 Mme LE PRÉSIDENT :
33 Maître Philpot, l'interprète vous demande de relire le passage et allez
34 plus lentement, s'il vous plaît.
35 Me PHILPOT :
36 Q. Il serait exact donc de dire ce qui suit — et je relis vos propos :

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 26


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

2 « En ce qui concerne le travail avec Human Rights Watch, j'ai travaillé en


3 qualité de consultant pour le bénéfice du Gouvernement américain en 92
4 et 91, par rapport à la mise en place d'un programme d'assistance au
5 Rwanda aux fins de démocratisation. »
6

7 Ces propos sont-ils exacts ?


8 R. Oui. Ils le sont. C'est vrai que c'est... j'étais consultante et nous l'avons...
9 je l'ai été par le biais d'un groupe de réflexion qu'on appelait « Groupe
10 sur le développement rural... Groupe de réflexion sur le développement
11 rural ».
12 Q. Oui. Le même Avocat vous a posé la question suivante :
13

14 « Bien. Docteur Des Forges, vous-même, vous êtes activiste des droits
15 de l'homme essentiellement ? »
16 Votre réponse : « En ce moment précis, je ne suis plus activiste.
17 Maintenant, je travaille en qualité d'historienne académique. Je ne suis
18 plus activiste des droits de l'homme. »
19

20 Avez-vous déclaré cela à ce moment-là, et ceci, en 1997, au mois de


21 février ?
22 R. Pourrais-je voir ce que vous avez dit ?
23 Me PHILPOT :
24 Oui. Tout à fait. Bien sûr.
25

26 Monsieur le Greffier d'audience, tenez ; là, vous avez une copie pour le
27 témoin, les copies pour les Juges et également une copie pour le Bureau
28 du Procureur.
29

30 (Le Greffier d'audience remet un document à Madame Des Forges qui le


31 consulte)

33 L'INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
34 Les interprètes pourraient-ils avoir une copie du document qui vient
35 d'être distribué, s'il vous plaît ? Si Monsieur Zigiranyirazo veut bien
36 transmettre, peut-être, à Maître Philpot, qui transmettra à la Chambre. Je

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 27


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 vous remercie.
2

3 (Conciliabule entre les Juges)

5 Mme LE PRÉSIDENT :
6 Pourriez-vous remettre une copie aux interprètes, Maître Philpot ? Votre
7 enquêteur offre sa copie.
8 Me PHILPOT :
9 Il s'agit plutôt de la copie du client.
10 Mme LE PRÉSIDENT :
11 Nous vous remercions.
12 Me PHILPOT :
13 Q. C'est donc là un propos exact, celui que je viens de vous citer ?
14 R. C'est ce que dit le procès-verbal, en tout cas. Je ne sais pas si c'est
15 exact, mais c’est ce que dit le procès-verbal et je n'ai aucun moyen de
16 contester cela.
17 Q. Et quand avez-vous repris vos activités d'historienne académique ?
18 R. Comme je l'ai déjà dit, il y a eu des périodes d'activité moindre ou plus
19 importante dans le domaine de l'histoire. Et, en ce moment, je suis en
20 train de rédiger un ouvrage historique — comme je viens de l'indiquer il
21 y a quelques minutes — et il est presque terminé. Il s'agit d'une
22 évaluation du système foncier et également des modèles ruraux
23 d'urbanisation dans la région ouest du Rwanda.
24 Q. En février 1997, quand avez-vous repris vos activités d'historienne
25 académicienne ?
26 R. Je ne puis vous le dire. Je l'ai fait ci et là, à différentes périodes ; et c'est
27 ce que je fais également actuellement.
28 Q. Je vous ai déjà dit que je vais faire une copie de votre communiqué de
29 presse au Tribunal international ; il s'agit d'un entretien ou d'un
30 communiqué de presse ?
31 R. Il s'agit d'un entretien.
32 Q. Je vais vous le lire mais, avant de ce faire, je vais peut-être vous le
33 soumettre. Je pense même que c'est mieux ; car si je le lisais, cela
34 dévoilerait des identités. Je n'ai qu'une copie, donc si vous le désirez, je
35 vais vous soumettre ce document pour que vous en preniez
36 connaissance.

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 28


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Mme KAGWI-NDUNGU :
2 Nous aimerions prendre connaissance du document qui va être
3 communiqué au témoin.
4 Mme LE JUGE KHAN :
5 Maître Philpot, de quoi s'agit-il ? Est-ce la déclaration de Madame Des
6 Forges ?
7 Me PHILPOT :
8 Non, c'est un article paru dans un journal, le journal de International
9 Justice qui cite les propos de Madame Des Forges et de Monsieur Filip
10 Reyntjens.
11 M. LE JUGE MUTHOGA :
12 Vous ne voulez pas que le témoin lise ce document ; c'est bien cela ?
13 Me PHILPOT :
14 Tout à fait. J'aurais aimé qu'elle lise ce document mais, encore une fois,
15 nous sommes tenus par les obligations en matière de protection des
16 témoins ; nous devons nous y conformer.
17 Mme LE PRÉSIDENT :
18 Combien de temps pensez-vous qu'il vous faut ? Vous avez parlé de
19 documents à communiquer après la pause ?
20 Me PHILPOT :
21 J'ai des documents à soumettre à Madame Des Forges, j'ai une série de
22 questions, et j'espère que cela va aller très vite. Nous avons couvert une
23 grande partie de notre contre-interrogatoire. Tout dépendra, bien
24 entendu, des réponses du témoin. Mais je vais être très systématique.
25

26 J'ai un jeu de documents que je vais lui communiquer et que je vais lui
27 demander de reconnaître.
28 Mme LE PRÉSIDENT :
29 Il s'agira de soumettre des documents au témoin.
30

31 Vous aurez terminé les questions au moment de la pause ?


32 Me PHILPOT :
33 Vous parlez du contre-interrogatoire en voire-dire ?
34 Mme LE PRÉSIDENT :
35 Oui.
36 Me PHILPOT :

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 29


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Non.
2 Mme LE PRÉSIDENT :
3 Combien de temps vous faut-il encore, dans ce cas-là ?
4 Me PHILPOT :
5 Il me reste des points isolés : Certaines des allégations sur les faits et les
6 parties du voire-dire ; il y a donc des chevauchements, pour résumer
7 tout cela ; et c'est pour cela que j'ai ce jeu de documents que je vais
8 communiquer au docteur Des Forges et je vais lui poser quelques
9 questions. Si elle n'a pas beaucoup…Il y a également deux ou trois
10 autres chapitres ou des paragraphes du voire-dire qui relatent certains
11 faits. Et j'ose espérer que je pourrais terminer tout cela très rapidement
12 dans le cours de la matinée.
13 Mme LE PRÉSIDENT :
14 Je vous remercie.
15

16 Me PHILPOT :
17 Q. Docteur Des Forges, vous avez pris connaissance de l'article à présent ?
18 R. Oui. Tout à fait.
19 Q. Avez-vous donné cet entretien, cette interview, plus ou moins ?
20 R. Je ne me souviens vraiment pas avoir discuté avec ce journaliste, très
21 franchement, au cours de cette période. Mais je sais que ce journaliste
22 n'est pas toujours très fidèle ; donc, je peux penser qu'il a tiré tout cela
23 du néant.
24 Je ne me souviens pas de l'avoir vu. Vraiment, je ne me souviens pas
25 avoir eu cette conversation avec lui. Mais c'est une observation assez
26 surprenante ; cela est très édifiant, n'est-ce pas ?
27 Q. Ce n'est pas le contenu, mais c'est le fait qui m'intéresse ; c'est sur cela
28 que portait ma question.
29 R. Je ne me souviens pas avoir fait cette assertion, mais je pense que ce
30 journaliste, comme je vous l'ai dit, n'est pas toujours fidèle… ou il est
31 toujours très fidèle — plutôt — et, donc, s'il a dit que j'ai dit ceci, donc,
32 nous le prenons pour acquis.
33 Q. Au cours de la période de la guerre ou dans les environs, je pense que
34 vous étiez très impliquée et vous avez dénoncé plusieurs violations en
35 matière de droits de l'homme ; n'est-ce pas ? Je parle de 1993, 1994.
36 R. J'ai été impliquée dans des enquêtes, dans l'établissement de rapports

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 30


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 sur les droits de l'homme, de part et d'autre.


2 Me PHILPOT :
3 Je vous propose ce qui suit : J'ai une série de documents que je voudrais
4 vous communiquer, j'ai une copie pour le Procureur.
5

6 Nous pouvons, ou pas, les verser en preuve ; je ne suis pas sûr de cela.
7

8 Je vais donc vous faire transmettre une copie ; vous allez en prendre
9 connaissance. Le Procureur également va avoir sa copie. Et j'espère que
10 peu de temps après la pause, nous en aurons terminé.
11

12 Cela sied-il à la Chambre ?


13 Mme LE PRÉSIDENT :
14 Vous voulez donc donner une copie de ce document au Procureur et au
15 témoin et observer la pause ?
16 Me PHILPOT :
17 Ce que j'ose espérer faire, c'est ne pas être obligé de les verser en
18 preuve ; mais si je le faisais comme pièces à conviction, alors je vais
19 faire des copies de ces documents.
20

21 Je n'ai pas de copies prêtes par souci d'économie. Je n'ai pas fait
22 (inaudible) les copies pour tous les documents mais, par souci de
23 politesse, j'ai des copies pour le témoin et le Procureur. Je n'en ai pas
24 plus.
25

26 Je n'ai pas l'intention de le verser en preuve ; peut-être que je peux le


27 faire…
28

29 Et je ne demande pas à la Chambre de les lire au moment de la pause.


30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Mais le témoin, lui, aura l'occasion de les lire ; n'est-ce pas ?
32 Me PHILPOT :
33 Tout à fait. C'est ce que je veux qu'elle fasse à présent.
34 Mme LE PRÉSIDENT :
35 Que devons-nous faire avec les procès-verbaux ? Ils ne seront pas versés
36 en preuve ?

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 31


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Me PHILPOT :
2 Non. Pas du tout. Car cela fait partie déjà des procès-verbaux.
3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Nous pouvons donc les (inaudible) ?
5 Me PHILPOT :
6 Ça dépend de vous. En tous cas, ce ne sont pas des éléments de preuve.
7 Mme LE PRÉSIDENT :
8 Nous pouvons observer la pause à présent ?
9 Me PHILPOT :
10 Oui.
11 Mme LE PRÉSIDENT :
12 Pour combien de temps ?
13 Me PHILPOT :
14 Pour une demi-heure.
15 Mme LE PRÉSIDENT :
16 Nous allons suspendre pour une demi-heure.
17

18 (Suspension de l'audience : 11 heures)


19

20 (Reprise de l’audience : 11 h 45)


21

22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Maître Philpot, poursuivez, s’il vous plaît.
24 Me PHILPOT :
25 Q. Docteur Des Forges, je vais maintenant examiner les documents dans
26 l’ordre : Le premier
27 concerne 1993.
28 Je vais me référer au document du 1er avril 1994, un communiqué de
29 presse. À l’époque, vous étiez impliquée dans les travaux de Human
30 Rights Watch ; n’est-ce pas ?
31 Mme DES FORGES :
32 R. C’est exact.
33 Q. Ce communiqué de presse critique la coupure des systèmes de
34 communication entre le Rwanda et le reste du monde ; est-ce exact ?
35 R. S’agit-il du document de 1993 ?
36 Q. Non. Parce que ce document de 1993 traite du FPR. Non. Je ne pose pas

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 32


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 de questions relatives à ce document de 1993.


2 R. Oui. Le document d’avril traite de la coupure des communications entre
3 le Rwanda et le reste du monde.
4 Q. Ainsi, vous avez lancé un appel au reste de la Communauté
5 internationale et à la France de veiller à ce que les communications
6 soient rétablies ; est-ce exact ?
7 R. Oui. C’est exact.
8 Q. Il y a un autre document portant la date du 19 avril, un document de
9 Human Rights Watch adressé au Conseil de sécurité ; reconnaissez-vous
10 ce document ?
11 R. Oui.
12 Q. Ne s’agit-il pas d’une demande ? Dans cette lettre, pourquoi, vous et
13 Human Rights Watch, vous n’avez pas demandé un cessez-le-feu et des
14 négociations ? Peut-être que je voudrais ajouter quelque chose à ce que
15 je viens de dire : Pourquoi avez-vous demandé à ce que l’on n’accorde
16 pas de visa aux membres du Gouvernement rwandais ?
17 R. Est-ce qu’il s’agit du document du 19 avril ?
18 Q. Oui.
19 Mme LE JUGE KHAN :
20 S’agit-il d’avril 1994 ?
21 Me PHILPOT :
22 Oui.
23

24 Q. Pourquoi n’avez-vous pas demandé un cessez-le-feu à cette époque-là ?


25 Est-ce que cela n’aurait pas contribué à faire cesser les massacres ?
26 R. C’est une question fort intéressante. Et cela démontre l’évolution de la
27 pensée au sein de la Communauté des droits de l’homme. Si vous vous
28 reportez au document de 1993, vous verrez que ce document-là, du
29 moins son rapport, a demandé un cessez-le-feu et des négociations.
30 Mais, avec le temps, Human Rights Watch et d’autres organisations de
31 défense des droits de l’homme sont devenus de plus en plus précis en
32 demandant leur mandat… Et Human Rights Watch s’est interdit de ne
33 pas s’ingérer (sic) dans des questions notamment concernant le cessez-
34 le-feu.
35

36 Et si vous voyez le travail fait par les autres organisations de défense des

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 33


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 droits de l’homme et de Human Rights, nous avons demandé... nous


2 n’avons pas demandé un cessez-le-feu et des négociations, mais plutôt
3 un appel lancé aux partis de respecter les accords qu’ils ont signés. Voilà
4 l’évolution de la pensée des organisations des droits de l’homme de se
5 limiter ou de se cantonner dans le domaine qui était le leur.
6 Q. C’est Human Rights Watch maintenant ; mais à l’époque, vous
7 interveniez sur le plan politique ?
8 Est-ce que vous n’avez pas essayé d’influencer les partis et la
9 Communauté internationale concernant la conduite de la guerre et les
10 voies et moyens pouvant mettre fin aux exactions ?
11 R. Il ne s’agissait pas d’une intervention politique, mais une intervention
12 des droits de l’homme ; des droits de l’homme demandant aux deux
13 partis de s’en tenir aux Accords de la Convention de Genève.
14 Q. Ainsi, vous affirmez qu’il ne s’agit pas là d’une déclaration d’ordre
15 politique ?
16 R. C’était un appel pour mettre fin aux violations des droits de l’homme.
17 Q. Le document suivant, daté du 20 avril 1994 : Pourquoi avait désigné ce
18 Gouvernement...
19 M. LE JUGE MUTHOGA :
20 C’est quoi « RUMP... (suite de l’intervention non interprétée) » ? Qu’est-
21 ce que ça veut dire ?
22 Qu’est-ce que ça veut dire en anglais ?
23 Me PHILPOT :
24 Voulez-vous que je vous dise ce que c’est ? Approximativement — je ne
25 suis pas un linguiste —, c’est un gouvernement de passation qui n’a pas
26 de légitimité.
27 R. « Un gouvernement de gestion des affaires courantes ». Le chef de l’État
28 et le Premier Ministre…
29 J’ai utilisé ces termes en raison de la façon dont le Premier Ministre et le
30 Président ont mis en place ce Gouvernement. La procédure était celle-ci :
31 Étant donné que même les participants à ce Gouvernement ont reconnu
32 qu’il ne s’agit pas d’un gouvernement en bonne et due forme…
33 Me PHILPOT :
34 Q. Est-ce que vous suggérez que le Gouvernement mis en place le 19 avril
35 n’était pas un gouvernement légitime avec qui on ne pouvait pas
36 négocier... avec qui la Communauté internationale ou le FPR pouvaient

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 34


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 négocier ?
2 R. Comme je viens de vous expliquer, nous n’avons pas pris position vis-à-
3 vis des négociations.
4 Q. Au bas de la troisième page, Human Rights Watch Africa a félicité le
5 Gouvernement de Belgique et des États-Unis de refuser les visas et
6 déplore la décision des Gouvernements français et égyptien d’accorder
7 les visas aux membres de Gouvernement qui ont perpétré le génocide.
8 Et, encore une fois, vous essayez de nous dire qu’il s’agissait d’un
9 gouvernement illégitime qui ne pouvait pas représenter le Rwanda en
10 temps de guerre.
11 R. Je pense que c’est clair ce que dit le libellé : Il dit que ce Gouvernement
12 commettait le génocide et qu’il était inapproprié de recevoir des
13 représentants. De l’autre côté, il n’était pas indiqué de recevoir ses
14 représentants et il est dans la droite ligne de la pensée des organisations
15 des droits de l’homme de ne pas recevoir les membres de
16 gouvernements illégitimes qui violent les droits de l’homme.
17 Q. Ça, c’était en 1994. Et aujourd’hui, nous sommes en 2006. Le
18 communiqué de presse est daté du 25 avril qui dit — si je ne m’abuse :
19

20 « Human Rights Watch Africa a appris que " deux représentants " —
21 entre guillemets — du Gouvernement vont rencontrer les responsables
22 du Gouvernement français à Paris. »
23 Pourquoi avez-vous mis ces guillemets ? Est-ce que ceux-là n’avaient pas
24 à traiter avec ce gouvernement légitime ?
25 R. C’était une tentative d’indiquer qu’il s’agissait d’une autorité intérimaire.
26 Q. Le dernier paragraphe :
27

28 « Human Rights Watch Africa a insisté que la Communauté


29 internationale refuse de reconnaître tout régime qui a massacré des
30 milliers de ses ressortissants. Cela donne à croire qu’un tel régime
31 pourrait être accepté comme étant un régime légitime. »
32

33 Est-ce que vous n’étiez pas en train d’isoler ce Gouvernement afin qu’on
34 ne puisse pas négocier avec lui ?
35 R. Des négociations n’étaient pas à l’ordre du jour à cette époque-là. Ce qui
36 nous préoccupait, c’est les tueries de masse des civils.

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 35


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Q. Docteur Des Forges, lorsque les choses se sont dégradées, n’était-il pas
2 nécessaire pour les autorités, aux niveaux national et international, de
3 s’asseoir pour parler et mettre fin aux tueries à l’instant même ? N’était-
4 ce pas ce qui était nécessaire lorsqu’il y avait une guerre en cours ?
5 R. C’est un argument valable. Notre organisation avait l’autorité de faciliter
6 de telles négociations ; mais au moment où nous parlions, nous n’avions
7 pas adopté cette ligne de conduite.
8 Q. Mais vous avez dit que ce Gouvernement ne doit pas être reconnu, qu’on
9 ne devrait pas accorder de visas à ses représentants ; lorsque ses
10 représentants ont parlé avec la France, vous l’avez dénoncé.
11 R. Nous avons dénoncé les pratiques dans lesquelles étaient engagées ces
12 autorités, notamment les violations graves du droit international
13 humanitaire.
14 Q. Donc, c’était inapproprié pour… que la France rencontre ces
15 représentants ; c’est exact ?
16 R. J’ai expliqué qu’une norme des défenseurs des droits de l’homme a
17 formulé une recommandation que des recommandations (sic) soient
18 imposées à ces individus qui violent les droits de l’homme.
19 Q. Était-ce la procédure en vigueur en 1994 ? Je parle de 1994.
20 Mme KAGWI-NDUNGU :
21 S’agit-il d’une question ou d’un commentaire ?
22 Me PHILPOT :
23 C’est une question.
24 Mme LE JUGE KHAN :
25 (Intervention non interprétée)
26 R. Je suis arrivée dans le domaine des droits de l’homme en tant
27 qu’historienne, mais pas comme juriste ; et il est possible que ce sont
28 des mesures qui étaient en cours de développement à l’époque, mais ce
29 n’était pas une pratique courante des organisations des droits de
30 l’homme.
31

32 Je n’ai pas d’exemple sous la main à vous donner, mais je serais surprise
33 si vous pouvez nous donner une indication quant à savoir si c’est la seule
34 fois qu’une organisation des droits de... de défense de droits de l’homme
35 a pris de telles positions contre un gouvernement qui violait le droit
36 international humanitaire.

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 36


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Me PHILPOT :
2 Q. Est-ce que vous êtes en train de suggérer, Madame Des Forges, que
3 votre intervention… en termes de « tensions graves », ces interventions
4 n’étaient pas politiques ? De dire au monde qu’il ne fallait pas
5 reconnaître ce Gouvernement et que ses représentants ne doivent pas
6 entrer dans d’autres pays ; n’étiez-vous pas consciente que vous faisiez
7 des déclarations qui impliquaient un discours politique ?
8 R. Nous avons essayé de respecter notre mandat qui concernait les
9 violations des droits de l’homme. Évidemment, il y a des conséquences.
10 Un gouvernement qui viole les droits de l’homme ne doit pas être traité
11 sur le même pied d’égalité que les autres gouvernements qui ne violent
12 pas ces droits. C’est comme ça qu’il faut voir les choses.
13 Q. Et le (inaudible) des droits de l’homme ? Les gens sont tués, les gens ont
14 été tués, beaucoup de gens ont été tués au cours de cette guerre.
15 R. Bien sûr, les gens qui perpétraient les tueries avaient l’obligation d’y
16 mettre fin. Ce n’est pas le devoir d’une organisation des droits de
17 l’homme d’y mettre fin, c’était la responsabilité de ceux qui ont engagé
18 ces tueries sur leur propre territoire d’y mettre fin. Et nous voulions
19 attirer leur attention sur le fait qu’ils doivent mettre fin à ces violations
20 des droits de l’homme. N’est-ce pas là la vocation d’une organisation des
21 droits de l’homme ?
22

23 (Pages 19 à 33 prises et transcrites par Françoise Quentin, s.o.)


24

25

26

27

28

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30

31

32

33

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 37


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Me PHILPOT :
2 Q. Le document suivant, 29 avril... qui date du 29 avril 1994... encore une
3 fois, n’est-il pas vrai que vous attaquiez un gouvernement qui combattait
4 le FPR ?
5 Mme DES FORGES :
6 R. Pouvez-vous m’expliquer votre pensée, Maître ?
7 Q. Je vais donner lecture du dernier paragraphe.
8

9 « Un... Le gouvernement autoproclamé du Rwanda lance une campagne


10 de désinformation », et ainsi de suite. Vous en voulez plus ? C’est-à-dire
11 vous vous adressez au Gouvernement des (fin de l’intervention
12 inaudible).
13 R. C’est une dénaturation, c’est une réflexion exacte des faits. C’est un
14 gouvernement autoproclamé. Si vous voulez dire que c’est un
15 gouvernement militaire, bon d’accord.
16 Q. Comme le gouvernement qui a pris les rênes après ?
17 R. Oui, exactement.
18 Q. Vous ne vous êtes pas limitée au communiqué de presse, mais vous avez
19 également saisi le... la commission des... la sous-commission des affaires
20 étrangères des États-Unis. Je lis un document d’avril : « Il m’a été
21 demandé de m’adresser à la sous-commission des affaires étrangères
22 pour porter à leur attention ce qui se passait en ce moment. Je n’avais
23 pas saisi cette occasion, il m’a été demandé de m’adresser à cette sous-
24 commission ».
25 Mme LE PRÉSIDENT :
26 Touts ces documents que nous sommes en train d’examiner, sont-ils des
27 documents signés par le témoin, Maître ?
28 Me PHILPOT :
29 Ce sont des documents qui émanent des institutions... de son institution.
30 Mme LE PRÉSIDENT :
31 Et est-ce quelle est la seule personne qui est auteur de ce document ?
32 Me PHILPOT :
33 Non. Ce que j’ai établi dès le débat... dès le départ, c’est qu’elle
34 travaillait pour Human Rights Watch. Par exemple, ce document dont...
35 que j’ai sous la main, elle était le... la porte-parole de Human Rights
36 Watch.

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 34


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Q. Vous avez pris sur vous et vous vous êtes adressée à la communauté
2 internationale l’invitant de prendre ses responsabilités vis-à-vis de cette
3 campagne de génocide qui se déroulait à l’époque,
4 est-ce exact ?
5 R. C’est exact que je m’étais adressée à ce comité en 1994.
6 Q. Et si vous vous reportez à la page 10 de ce document, en avril, au beau
7 milieu de la page, est-ce que vous y êtes ?
8 R. Oui.
9 Q. Page 10, le 25... « le » 25 et 26 avril, les autorités françaises, de manière
10 éhontée, ont rencontré les représentants de ce gouvernement provisoire.
11 Monsieur Bicamumpaka et Jean-Bosco Barayagwiza. Et, là encore, vous
12 dites que ce gouvernement ne pouvait être reconnu ?
13 R. J’ai dit qu’il s’agissait d’un Gouvernement qui était engagé dans des
14 violations graves et massives, et des violations du droit international
15 humanitaire, et qu’un gouvernement qui rencontre ses représentants et
16 qui ne leur dit pas clairement qu’ils violaient ces... ces droits, que ce
17 gouvernement doit cesser de le faire.
18 Q. À la mi-mai, n’est-il pas exact que les représentants du Gouvernement
19 rwandais se sont rendus aux Nations Unies à New York, à la mi-mai, est-
20 ce exact ? À la mi-mai 1994, s’entend ?
21 R. C’est exact.
22 Q. N’est-il pas vrai que cette délégation de ce que vous appelez un
23 gouvernement autoproclamé a lancé un appel aux Nations Unies de
24 procéder à une intervention sous le chapitre 7, n’est-ce pas exact ?
25 R. Est-ce que nous pouvons voir la transcription de ce que vous dites pour
26 que je puisse voir la formulation qui a été utilisée à l’époque ?
27 Q. Je n’ai pas la transcription, Docteur Des Forges. Vous étiez là ?
28 R. Je n’étais pas présente, je n’étais même pas présente à New York, si ma
29 mémoire est bonne.
30 Q. Ne se sont-ils pas adressés aux Nations Unies pour demander une
31 prévention ?
32 R. Ils se sont adressés aux Nations Unies. Ce que je voudrais voir, c’est les
33 termes exacts qu’ils ont utilisés.
34 Q. Vous connaissez les interventions sous le chapitre 7 ?
35 R. Oui, je connais.
36 Q. Ne demandaient-ils pas à la communauté internationale de les aider à

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 35


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 mettre fin à ce qui se passait au Rwanda ?


2 R. Je pense que c’est très intéressant de voir de mes propres yeux les
3 termes utilisés lorsqu’ils s’adressaient aux Nations Unies.
4 Q. N’avez-vous pas réussi à empêcher à ce que les dirigeants rwandais
5 obtiennent des visas pour entrer aux États-Unis, sauf pour aller
6 s’adresser aux Nations Unies ?
7 R. Je ne le formulerais pas de cette manière. Je n’ai pas réussi, il s’agissait
8 d’une décision du Gouvernement des États-Unis de ne pas leur
9 permettre de se rendre sur leur territoire.
10 Q. Et sur votre demande, n’est-ce pas ?
11 R. C’est exact que Human Rights Watch et d’autres organisations ont
12 demandé aux États-Unis d’imposer des actions de voyage aux
13 représentants des gouvernements qui violent de manière flagrante les
14 dispositions du droit international humanitaire.
15 Q. Ces messieurs se sont adressés aux Nations Unies, il ont demandé de
16 l’aide, n’est-ce pas ?
17 R. Ils parlaient en termes très simples. Ils ne parlaient pas dans des termes
18 juridiques compliqués, mais c’est intéressant de voir les termes utilisés
19 par ces représentants lorsqu’ils s’adressaient aux Nations Unies.
20 Q. Lorsqu’un gouvernement des Nations Unies venait... intervenait pour
21 permettre d’arrêter ce qui se passe chez nous, est-ce qu’il ne s’agissait
22 pas là d’un appel à l’aide ?
23 R. Je voudrais avoir ce document devant moi avant de former ce genre de
24 jugement.
25 Q. Mais vous avez travaillé en étroite collaboration avec toutes ces
26 personnes. Vous avez suivi leurs mouvements, leurs déplacements ?
27 R. Je ne dirais pas ça.
28 Q. N’est-il pas exact qu’au moment où Monsieur Barayagwiza quittait New
29 York, vous n’étiez pas une participante pour engager une action en
30 justice pour plusieurs millions de dollars contre eux ?
31 R. Il y a des actions entreprises par Human Rights Watch et d’autres
32 organisations et avec des Rwandais qui étaient plaignants dans cette
33 affaire dirigée contre Monsieur Barayagwiza.
34 Q. Vous-même étiez-vous impliquée ?
35 R. Non. Personnellement non, je n’étais pas partie à cette plainte. Pour être
36 partie civile, vous devez être directement lié aux victimes.

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 36


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Q. Aviez-vous quelque chose (inaudible) avec ?


2 R. J’étais... J’en étais au courant.
3 Q. Avez-vous aidé à formuler ces accusations contre eux ?
4 R. Oui.
5 Q. Avez-vous aidé à la préparation de la plainte déposée par les avocats ?
6 Avez-vous porté votre assistance à ce stade de la procédure ?
7 R. Je me rappelle qu’il y avait deux collègues... de mes collègues à Human
8 Rights Watch qui avaient initié cette plainte.
9 M. LE JUGE MUTHOGA :
10 Q. C’était une plainte déposée où ? Devant quel tribunal ?
11 R. C’était dans un tribunal de district des États-Unis, le deuxième
12 (inaudible) sous les termes de la loi des États-Unis qui s’appelle la
13 procédure de Flega (Phon.). Il donne autorité aux victimes de blessures
14 qui résident aux États-Unis de porter des accusations contre des
15 personnes qui sont auteurs de ces violations pour payer les dommages
16 et intérêts à ces victimes. C’est quelque chose qui a été utilisé à une...
17 plus de deux douzaines de fois devant les tribunaux américains pour
18 faire justice aux victimes des crimes.
19 Me PHILPOT :
20 Q. Pour être clair, avez-vous aidé à la préparation de ces plaintes ou de ces
21 accusations devant les tribunaux ?
22 R. Les plaintes ont été formulées par des avocats. Il y avait des
23 communications entre ces avocats et les plaignants qui étaient des
24 Rwandais. Et les plaintes étaient déposées sur la base des informations
25 données par ces Rwandais victimes.
26 Q. Peut-être que je vais donner lecture de quelque chose que vous avez
27 rédigé dans votre rapport d’expert que vous avez préparé à l’intention
28 du Service de l’immigration du Canada. Vous avez donné une liste
29 longue d’un certain nombre d’activités. Je vais en donner lecture, si vous
30 voulez le voir, je le ferai.
31

32 « J’ai aidé à la préparation d’une plainte civile contre Jean-Bosco


33 Barayagwiza, chef de la coalition pour la défense de la République, un
34 parti politique qui a perpétré le génocide. Et cette plainte a été déposée
35 devant une juridiction américaine. » Deuxième (fin de l’intervention
36 inaudible).

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 37


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 R. Oui, comme j’ai dit... j’ai dit que j’ai fourni des informations aux avocats
2 qui ont formulé cette plainte.
3 Q. Lorsqu’il a été notifié de ce document, est-ce que vous étiez prêt ?
4 R. Oui.
5 Q. Donc, en fait, vous étiez impliquée dans cette affaire ?
6 R. Moi-même et d’autres collègues avons pris part à initier cette procédure
7 devant les tribunaux.
8 Q. Et il s’agissait d’une personne qui s’est adressée aux Nations Unies en
9 demandant de l’aide et vous avez porté plainte contre lui ?
10 R. Je ne le suivais pas.
11 Q. Je vais vous interrompre. Comment est-ce que vous l’avez trouvé dans
12 son hôtel ?
13 R. Je ne suis pas sûre, je ne me rappelle pas. C’est l’un de mes collègues
14 qui savait où il résidait, mais il ne le suivait pas. Soit qu’il a appelé
15 l’ambassade du Rwanda pour savoir où... dans quel hôtel était
16 descendue la délégation ou quelque chose de ce genre. Je ne sais pas.
17 Q. Avez-vous eu d’autres (inaudible) d’autres implications concernant
18 Barayagwiza ?
19 R. J’ai...
20 Q. Oui ?
21 R. J’ai aidé le Tribunal en fournissant des informations liées à cette affaire
22 qui pendait devant le Tribunal.
23 Q. Quel genre d’informations avez-vous préparées et liées à cette
24 procédure judiciaire ?
25 R. Je ne me rappelle pas si j’ai écrit ou j’ai fait... j’ai fait une analyse
26 contextuelle ou si j’ai recueilli des déclarations auprès de divers témoins.
27 Je ne sais pas plus la nature du document.
28 Q. Étaient-ils des documents longs ou un document court ?
29 R. Le document... L’ensemble du document était volumineux mais ma part
30 était courte. La partie que j’ai fournie... la portion que j’ai fournie serait
31 de 25... 30 à 40 pages.
32 Q. Donc, serait-il exact, pour le compte du... le compte rendu d’audience,
33 que vous avez fourni un témoignage extrajudiciaire, dans la procédure,
34 et je ne dirai pas le nom parce que c’est trop long de quatre à cinq
35 plaignants contre Barayagwiza et que vous avez fourni une déclaration
36 extrajudiciaire et des pièces à conviction en appui de cette procédure

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 38


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 civile ?
2 R. « Ex parte », qu’est-ce que cela veut dire ? C’est un terme que je ne
3 comprends pas.
4 Q. Ça veut dire que vous n’avez pas comparu en... dans l’affaire civile, mais
5 que la Chambre... la Cour pouvait prendre... rendre une décision en votre
6 absence.
7

8 M. LE JUGE MUTHOGA :
9 La Chambre ou le Tribunal statue sur la question ou le litige sans que
10 vous soyez nécessairement présente.
11 R. Pour une partie, il y avait eu réponse écrite.
12 Me PHILPOT :
13 Q. Donc, vous étiez impliquée, vous étiez au courant de ce qui se passait ?
14 R. Je n’ai jamais nié.
15 Q. Vous étiez présente lorsqu’il a reçu une notification ? Vous avez aidé
16 dans la préparation, vous avez aidé dans le jugement qui a été rendu et
17 vous étiez au courant des réponses ?
18 R. Je ne sais pas de quel jugement vous parlez.
19 Q. Nous allons revenir à cela dans une minute.
20

21 Le document suivant auquel je vais me reporter, Docteur Des Forges,


22 c’est le document sur lequel j’ai mis une date approximative : 19 mai
23 1994. C’est la raison pour laquelle je l’ai fait — reprenez-moi si je me
24 trompais — est la suivante : Cette… Ce document n’est pas daté, mais il
25 parle de six semaines environ après le génocide. Donc, j’ai estimé cette
26 date, peut-être que je me trompe. Donc, ce document a été produit six
27 semaines après le début du conflit.
28

29 À présent, je voudrais que vous vous reportiez à la page 2, en début de


30 page, page 3 — pardon —, en début de page 3. Je vais lire cette page
31 lentement :
32

33 « Le Front patriotique rwandais avait été accusé de massacres de


34 populations civiles, également Human Rights Watch n’a trouvé aucune
35 preuve pour fonder ses accusations. Il était possible, même si ça n’était
36 pas certain, que le FPR avait exécuté sommairement certains individus

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 39


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 qui étaient accusés d’être des miliciens ».


2

3 Était-ce cela la position de Human Rights Watch vers le 20 mai 1994 ?


4 R. À long terme, nous avons écrit le 15 avril au FPR. Je suis étonnée que
5 vous n'avez pas inclus ce nouveau document, document public qui avait
6 été fourni par Human Rights Watch à l´époque, nous avons donc écrit le
7 15 avril faisant état du fait que nous avions entendu des allégations sur l
8 ´exécution sommaire de personnes. Nous leur rappelions leurs
9 obligations conformément aux conventions de Genève qui disait qu´il ne
10 fallait pas qu'ils attaquent des populations civiles.
11

12 À ce stade, il y avait eu des... un rapport, un rapport initial par le


13 personnel du HCR et cela du côté tanzanien de la frontière indiquant que
14 des Rwandais avaient traversé la frontière en alléguant les massacres du
15 FPR pour ce faire.
16

17 Et sur la base de ceux qui avaient fourni ces rapports, il n'y avait aucune
18 personne blessée pour démontrer qu'il y avait eu des personnes
19 attaquées. À cette époque-là... À ce moment-là, nous essayions de
20 vérifier et de contrôler ces rapports.
21

22 Je suis sûre que vous le savez, nous avons joué un rôle très important en
23 rendant public la nature, la portée des violations des droits humains par
24 le FPR. Si vous avez choisi d'inclure une sélection de documents
25 beaucoup plus vastes, alors vous auriez eu l’occasion de parler de ces
26 points également.
27 Q. Le document nous a été fourni par Human Rights Watch. Nous travaillons
28 avec les documents que nous avons reçus de toutes les façons
29 R. Mais il y a un premier document que vous avez ignoré.
30 Q. Il apparaît que vous vous êtes trompée à propos du FPR, n´est-ce pas ?
31 Vous vous êtes trompée sur toute la ligne. Je suis sûr que vous avez lu
32 Ruzibiza, cela à partir de 1990, la politique du FPR était de massacrer
33 systématiquement les civils. Et à partir de la guerre, c'est-à-dire mai
34 1990, le FPR a phagocyté les populations civiles (inaudible) qui dit cela
35 n'est-ce pas, n'est-il donc pas vrai que Human Rights Watch s'est trompé
36 sur ce point ?

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 R. Comme je vous l'ai indiqué, notre premier contact avec le FPR sur les
2 violations du droit international ont eu lieu le 15 avril... a eu lieu le 15
3 avril. Et à ce moment-là, nous n'avions pas de preuve de massacres à
4 grande échelle telle que alléguée, mais nous leur avons demandé de se
5 conformer au droit international. Et nous avons publié des informations
6 sur les violations de la part du FPR et bien avant que Monsieur Ruzibiza
7 ne le fasse.
8

9 Si vous venez en arrière, si vous menez des recherches, vous trouverez


10 un grand nombre des preuves, des abus, des violations du FPR qui ont
11 été rendus publics par Human Rights Watch avant et au début de 1994.
12 Il y a tout un chapitre dans mon ouvrage Aucun témoin ne doit survivre
13 qui traite des abus du FPR.
14 Q. Cela me semble très intéressant. À partir de 1990 et jusqu'à cette date,
15 vous critiquez le gouvernement de Habyarimana et le gouvernement qui
16 l’a suivi. Vous demandez qu'il ne soit pas reconnu. Vous dites que c'est
17 le gouvernement autoproclamé et vous demandez que les membres de
18 ce gouvernement n'obtiennent pas de visa.
19

20 Et dans le même document, deuxième paragraphe, vous lancez un appel


21 auprès des Nations Unies de ne donner ni reconnaissance ni assistance à
22 un quelconque régime qui accède au pouvoir par le génocide.
23

24 Avez-vous appelé à la non reconnaissance du FPR ? L'avez-vous jamais


25 fait au sein de Human Rights Watch, c'est-à-dire lancer un appel pour la
26 non reconnaissance du FPR, la non délivrance de visa ?
27 R. Nous avons lancé un certain nombre de mesures contre le FPR. Sur notre
28 site Web, vous trouverez un certain nombre de documents. Je me
29 demande comment vous avez pu passer à côté et également la
30 poursuite des crimes du FPR, priorité de Human Rights Watch dès
31 l’entame du Tribunal, cela est très clair, cela est public. Nous avons
32 demandé que l'on poursuive ces crimes. Au Rwanda, au Tribunal, nous
33 avons fait de notre mieux pour documenter ces crimes et publiquement.
34 Q. Docteur Des Forges, en 1991, le projet que vous avez mené pour le
35 Gouvernement américain comme vous le dites, n'a-t-il pas demandé que
36 tout se fasse pour l'identification des cartes d'identité ?

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 41


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 R. Reprenez-moi si je me trompais, vous parlez du projet que j'ai fait ?


2 Q. Oui.
3 R. Nous avons parlé de l'abolition des cartes d'identité.
4 Q. Et n'avez-vous pas demandé que l'on contrôle l'assistance, le soutien
5 financier au gouvernement Habyarimana ? N'avez-vous pas demandé
6 cela ?
7 R. Encore une fois, si vous vous reportez à l'histoire du mouvement des
8 droits humains, cela a été, comme je l'ai dit donc, une question
9 récurrente qui requiert des sanctions, sanctions économiques et qui
10 étaient considérées comme un moyen efficient pour essayer de changer
11 les politiques des gouvernements dictatoriaux. Et au fil du temps, cela a
12 évolué, est devenu une politique de sanctions ciblées sur les individus.
13

14 Ainsi donc, les citoyens (inaudible) d'un pays ne doivent pas être
15 pénalisés par le manque d'assistance économique qui, le cas échéant,
16 aurait pu améliorer leurs conditions de vie. C'est là un autre domaine de
17 développement et cela dans le cadre des droits humains, vous devez
18 certainement savoir cela, mais qui en aucune manière ne réduit pas les
19 activités dans lesquelles nous nous étions engagés et que vous devez
20 connaître également.
21 Q. Contre le FPR, par exemple, avez-vous demandé, que l'on n'octroie pas
22 de visa aux membres et aux représentants du FPR en 1994, 95 et 96 ?
23 R. Nous avons pu demander que l'on n'octroie pas, ou des sanctions ciblées
24 quand certaines personnes... je dois vérifier cela.
25 Q. Très bien. Répondez-vous « oui » ou « non ».
26 R. Je dois vérifier mes notes. Nous avons recommandé des mesures sur le
27 temps et cela à l'endroit de la communauté internationale.
28 Q. Et qui avez-vous cité qui ne devrait pas obtenir de visa ?
29 R. Je vous l'ai déjà dit, je dois vérifier mes notes, les archives, et m'assurer
30 que c'est là une recommandation spécifique. Mais à la fin de chaque
31 rapport, nous avons une série de recommandations visant à influencer le
32 Gouvernement et l'amener à freiner les violations et sanctionner les
33 violations passées. Parfois, ça n’est pas toujours les mêmes
34 recommandations d'un rapport à l'autre, ça dépend de la nature de la
35 violation.
36 Q. Vous avez dit avoir écrit au FPR le 15 avril 1994 ; avez-vous écrit au

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 42


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Gouvernement intérimaire ?
2 R. Oui, nous l'avons fait le même jour.
3 Q. Avez-vous interrogé une quelconque personne ?
4 R. Interroger quelqu'un où, dans quelles conditions ?
5 Q. Quelqu'un du Gouvernement intérimaire pour vous enquérir de la
6 situation.
7 R. Le Gouvernement intérimaire, à ce moment-là, n'était pas du tout facile
8 à contacter.
9 Q. Et à cette période 1995... 96/94, Human Rights Watch a-t-il jamais dit
10 qu'il allait surseoir à l'aide pour le FPR du fait des milliers de personnes
11 tuées au Congo et cela selon les Nations Unies ?
12 R. Nous avons recommandé diverses sanctions contre le Gouvernement
13 rwandais et cela pour ses violations au Congo. Si vous regardez le
14 rapport intitulé « Que cache Kabila ? » Vous y trouverez des exemples et
15 vous trouverez des exemples dans tous les autres rapports de Human
16 Rights Watch qui parlent des troupes du FPR au Congo.
17 Q. Et quelles sanctions avez-vous préconisées ?
18 R. Je ne sais pas dire si nous avons une sélection complète sur le site web,
19 alors nous pourrions vous répondre.
20 Mme LE PRÉSIDENT :
21 Maître Philpot, maintenez une pause entre la question et la réponse, cela
22 aiderait beaucoup les interprètes.
23 Me PHILPOT :
24 Très bien.
25 Q. Au début des années 90 — excusez-moi —, quel type de groupes
26 d'enquêtes… quels groupes d'enquêtes aviez-vous au sein du Rwanda ?
27 R. Nous n'avions pas de groupes d'enquêtes nulle part.
28 Q. En 1990, vous en aviez sous le gouvernement Habyarimana ?
29 N'aviez-vous pas les mains libres ?
30 R. Que voulez-vous dire par « groupe d'enquêtes » ?
31 Q. Vous aviez des groupes qui voyageaient, de nombreuses ONG — je ne
32 me souviens pas des
33 noms — qui opéraient librement, ouvertement au Rwanda en 1990 ?
34 R. Oui. Mais ce ne sont pas là des groupes d'enquêtes de Human Rights
35 Watch.
36 Q. Oui. Mais ils font partie des organisations et c'était dans l’organisation à

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 vos côtés (sic), n'est ce pas ?


2 R. Je dirais qu'il s'agit plutôt de collègues, mais il n'y avait pas de
3 collaboration formelle et en tant que telle entre nous. Il n'y avait pas de
4 relation financière entre nous, et c'étaient plutôt des organisations
5 sœurs qui avaient le même objectif.
6 Q. Vous aviez des projets conjoints, n'est-ce pas ?
7 R. Je ne pense pas que nous ayons un projet conjoint en tant que tel.
8 Q. Qu’en est-il de la commission internationale, n'était-elle pas parrainée
9 par des ONG ?
10 R. Non, non, elle n'était pas sponsorisée par certaines ONG, à moins que
11 vous ne les citiez. Dans ce cas-là, nous décrions la relation avec chacune
12 d'elles, mais elle était financée, parrainée par des ONG européennes, des
13 ONG internationales.
14 Q. Et cela sous la tutelle d’ONG rwandaises ?
15 R. Oui, cela est exact.
16 Q. Je vais revenir aux documents que je vous ai communiqués avant la
17 pause. En... Le 27 juillet 1994, vous avez fait une autre présentation au
18 comité du Sénat le 27 juillet donc 1994 ; vous souvenez-vous de cela ?
19 R. Je me rappelle que j'ai été invitée par le Sénat pour les entretenir de la
20 situation qui prévalait au Rwanda.
21 Q. Et si vous regardez la page 2 dudit document, le manque de
22 stigmatisation et d’isolation du régime à partir du 6 avril. Il était donc
23 clair que le Gouvernement rwandais... le régime rwandais a... s'est
24 autoproclamé et a autoproclamé… son Gouvernement n'était pas un
25 pouvoir légitime. Il s'est approprié du pouvoir pour exterminer les
26 autres ; vous souvenez-vous d'avoir dit cela ?
27 R. Non, non, mais je puis accepter que je l'ai effectivement dit.
28 Q. Regardez maintenant la page 12, en fin de page. Vous parlez du
29 gouvernement autoproclamé qui accuse le FPR d'avoir tué des centaines
30 de milliers de civils l'année dernière et les dernières semaines, mais il
31 n'a pas été en mesure de donner de plus amples détails sur le temps, le
32 lieu, les conditions dans lesquelles les crimes présupposés auraient eu
33 lieu ; vous souvenez-vous de cela ?
34 R. C'est une déclaration exacte. Après les allégations de la part des
35 autorités rwandaises disant qu'il
36 y avait plus de centaines de milliers de personnes tuées et cela suite aux

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 événements militaires du FPR, février 1993, nous avons donc essayé


2 d'évaluer quand et comment ces centaines de milliers de personnes
3 avaient été tuées. Nous n'avons pas été en mesure d'établir la véracité
4 de ces allégations. Et jusque-là, nous n'avons trouvé aucune preuve
5 quant à leur véracité.
6 Q. N'est-il pas exact qu'il était plutôt difficile d'enquêter au-delà des lignes
7 du FPR ?
8 R. Tout à fait. C'était là un des principaux obstacles.
9 Q. À présent, dans votre rapport, je n'ai pas la page exacte, vous parlez de
10 tueries politiques ciblées au cours de « la » nuit du 6 et 7.
11 M. LE JUGE MUTHOGA :
12 De quel rapport parlez-vous ?
13 Me PHILPOT :
14 Si c'est nécessaire, je vais le retrouver.
15 M. LE JUGE MUTHOGA :
16 Nous ne l'avons pas sous les yeux. Donc, vous ne pouvez pas poser des
17 questions sur un document que nous n'avons pas.
18 Me PHILPOT :
19 Je vais avancer et passer à autre chose.
20 Q. Nous allons donc passer à autre chose, Docteur Des Forges. Nous allons
21 parler de la commission internationale. Vous étiez membre de cette
22 commission internationale, n'est-ce pas le cas ?
23 R. Cela est exact.
24 Q. Vous êtes allée au Rwanda en janvier 1993, cela pour trois semaines ?
25 R. Cela est exact.
26 Q. Et vous n'avez passé ou plutôt votre mandat adopté par le groupe était
27 de vous enquérir des violations en matière des droits de l'homme au
28 Rwanda de part et d'autre, n'est-ce pas le cas ?
29 R. Cela est exact.
30 Q. Et vous aviez la liberté de vous rendre un peu partout, cela vous était
31 autorisé par le gouvernement Habyarimana en dépit de la guerre,
32 n'est-ce pas le cas ?
33 R. Cela est exact.
34 Q. Et...
35 M. LE JUGE MUTHOGA :
36 Q. À quel moment était-ce ?

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 R. Honorables Juges, c'était certainement au mois de janvier 1993.


2 Me PHILPOT :
3 Q. Vous êtes retournée en Belgique le 22 janvier, cela après avoir passé
4 deux semaines au Rwanda ?
5 R. La seule correction que j'apporterais à votre déclaration avant de passer
6 à autre chose, c'est que nous retournions d'une série d'enquêtes et
7 cela… les groupes politiques — j'y étais moi-même — ont été arrêtés par
8 un groupe de miliciens à Gisenyi où l'interprète tutsi qui nous
9 accompagnait a été menacé par les personnes qui se trouvaient à cette
10 barrière. C'est là le seul obstacle en tant que tel que nous avons eu à
11 traverser au cours des deux semaines dans la partie du Gouvernement.
12 Q. Vous parlez de deux semaines, et vous avez été au-delà des lignes du
13 FPR pendant deux heures ?
14 R. Je savais que vous alliez ressortir cela.
15 Q. Nous allons en parler. Et vous avez été filmés ?
16 R. Nous n'étions pas d'accord.
17 Q. Et vous étiez en compagnie d'autorités du FPR ?
18 R. J'ai protesté, je me suis insurgée contre cela, et cela apparaît dûment
19 dans le rapport.
20 Q. Je vais vous poser une question à présent. Très bien. Pourquoi n'avoir
21 pas refait vos bagages pour rentrer chez vous ? Vous étiez censés
22 regarder de part et d'autre. Pendant deux semaines, vous étiez du côté
23 du Gouvernement et deux heures du côté du FPR, pourquoi n'avoir pas
24 fait vos bagages pour rentrer chez vous et dire : Nous ne pouvons pas
25 être partiales. Nous n'avons pas un accès libre ; pourquoi n'avoir pas fait
26 cela ?
27 R. C'est là une erreur que les gens font souvent, les gens ne lisent pas
28 comme il le faut. Si vous lisiez le rapport avec minutie, je suis heureuse
29 de le dire, vous découvririez que les enquêtes auprès du FPR ont été
30 menées à bon escient, étaient fructueuses dans le Gouvernement
31 rwandais. Il ne s'agit pas donc de deux heures qui ont été consacrées au
32 FPR, mais plutôt 28 personnes sur une centaine.
33

34 Et selon moi, c'est là le cinquième de notre temps de travail. Et le FPR


35 avait sous son contrôle une population de 300 000 personnes sur une
36 population de plus de millions de… de plusieurs millions de personnes. Et

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 peut-être entre 300 et 600 personnes... 600 000 personnes qui étaient...
2 qui faisaient l'objet de déplacements de populations civiles du fait des
3 combats.
4 Donc, sur cette base, cela représente le septième de la population totale
5 du pays, et qui n'aurait pu être affecté par le FPR. Et le cinquième de
6 notre temps était consacré à la documentation des violations du FPR, ça
7 n'est pas là le manque de... d'équilibre que les personnes qui lisent avec
8 attention peuvent retenir de notre rapport.
9 Q. Jean Kabanare (Phon.) fait partie de ces lecteurs, n'est-ce pas ?
10 R. Non.
11 Q. N'a-t-il pas été imposé pour qu'il devienne membre de votre commission
12 par Gasana Ndoba, étiez-vous au courant de cela ?
13 R. Je ne sais pas. Je ne savais pas que l'un connaissait l'autre. Autant que je
14 sache, je ne connais pas la relation qui liait les deux. Je ne dirais pas que
15 Monsieur Cabonare a été imposé au sein de la commission.
16 Q. Monsieur Cabonare était un membre de l'association survie qui était très
17 impliquée dans la promotion du FPR en France, n'est-ce pas ?
18 R. Je ne sais pas s'il était membre de cette association. Mais en tout cas, il
19 n'a pas été proposé par cette association.
20 Q. Eh bien, évidemment vous n'avez pas lu, je me rappelle maintenant,
21 vous n'avez pas lu le livre de Pierre Payant, n'est-ce pas ?
22 Connaissez-vous Pierre Payant ?
23 R. Je sais que c'est un journaliste véreux, son travail n'est pas toujours
24 approprié.
25 Q. Avez-vous lu ses 25 ouvrages ?
26 R. Certains on fait l'objet de beaucoup de controverses.
27 Q. A-t-il été beaucoup critiqué en France par le passé ?
28 R. Si j'ai bien compris, ce livre a été écrit avec la coopération de la famille
29 Mitterrand. Donc, ce travail n'est pas critique.
30 Q. Ce que je dis, c'est qu'il critique la politique étrangère française, son
31 implication en Algérie, n'est-ce pas ? Et il a parlé de façon positive ici
32 dans cet ouvrage de la position française, mais vous ne l'avez pas encore
33 lu ?
34 R. Comme je l'ai dit, le premier jour de ma déposition, je n'ai pas eu le
35 temps de tout lire. Mais je serais heureuse de me pencher sur des
36 passages choisis, si vous me les indiquez, je suis heureuse de les lire.

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Q. Docteur Des Forges, vous êtes un expert, dites-vous, sur le génocide


2 rwandais, sur le processus politique sur ces évènements horribles et
3 vous n'avez pas jugé nécessaire de lire, de prendre connaissance de ce
4 livre très important qui a été publié, il y a de cela trois mois. Je ne
5 comprends pas pourquoi donc n'avoir pas pris le temps pour lire ce
6 livre ?
7 R. C'est très simple. J'ai été opérée du cancer le mois dernier, j'ai eu
8 d'autres préoccupations depuis que ce livre de monsieur Payant a été
9 édité. J'ai dû choisir essentiellement entre le livre de Payant et celui de
10 Ruzibiza. Et je les ai eus à la même période, il m'a semblé que le livre de
11 Ruzibiza traitait plus directement de domaines qui m'intéressaient et qui
12 étaient de ma responsabilité dans ce Tribunal, alors que le livre de
13 Payant, je pense qu'il serait... c'est une... c’est un examen de la politique
14 française étrangère et des lobbies en Europe. Mais je ne pense pas que
15 ce livre soit directement relié au génocide.
16 Q. Très bien. L'on y parle ou plutôt c'était un survol très complet de la
17 commission ?
18 R. Est-ce complet ? A-t-il reconnu que nous avons passé 21 jours travaillant
19 du côté du FPR ? Je ne pense pas qu'il soit exhaustif dans sa vue
20 d'ensemble.
21 Q. Il parle de Jean Cabonare ?
22 R. Très certainement.
23 Q. Et beaucoup de personnes parlent de Jean Cabonare, il est devenu
24 conseiller au sein du FPR après que ce parti ait pris le pouvoir, n'est-ce
25 pas ?
26 R. Je ne connais pas ses accointances avec le FPR. Je sais qu'il est revenu
27 au Rwanda après 1994, mais je ne sais pas dans quelle mesure il s'est
28 rapproché de ce parti.
29 Q. Il y a eu de plus amples recherches sur le génocide de la part
30 d'académiciens du Maryland, n'est-ce pas ?
31 R. Tout à fait.
32 Q. Personnes qui contestent l'approche ou une approche, l'approche d'une
33 partie ?
34 R. De quelle partie vous référez-vous ? De quelle approche ?
35 Q. Êtes-vous au courant, savez-vous ce qu'ils disent ?
36 R. Quelle approche qui se penche sur un côté ?

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1 Q. Je vous demande si vous avez lu la recherche de Christian (inaudible) et


2 Alison ?
3 R. Veuillez me dire le titre de l'ouvrage parce que j’en ai lu certains.
4 Q. Vous êtes un expert, je ne le suis pas.
5 M. LE JUGE MUTHOGA :
6 Elle vous demande de lui indiquer les intitulés des différents articles pour
7 qu'elle vous dise si elle les a lus ou non.
8 Me PHILPOT :
9 Q. Avez-vous lu un quelconque document écrit par ces personnes ?
10 Mme LE PRÉSIDENT :
11 Elle a répondu que « oui », mais elle a dit qu'elle aimerait savoir quel est
12 l'intitulé du rapport auquel vous vous référez.
13 Me PHILPOT :
14 Q. Avez-vous lu celui qui est sur le site du Maryland sur le génocide
15 rwandais ?
16 R. J'ai dû lire une version préliminaire de ce rapport, je n'ai pas consulté le
17 site web. Je ne connais pas donc la teneur de l'article, peut-être si vous
18 me le remettez, je pourrais vous répondre.
19 Q. Vous êtes un expert, Docteur Des Forges, quelle est la thèse développée
20 par cet auteur ?
21 R. Ce n'est pas tout à fait clair car, en fait, ça n'est pas un travail
22 universitaire comme cela peut être entendu, mais la partie que j'ai
23 considérée comporte tellement d'inadéquations. Par exemple, Human
24 Rights Watch aurait dit que des centaines de milliers de personnes
25 auraient été tuées à Kigali. J'ai attiré l'attention le jour d'après, cela a été
26 retiré. Et donc, j'ai pensé ne pas prendre ce passage au sérieux. Donc,
27 j’ai fait un certain nombre de calculs qui étaient censés démontrer que
28 plus de Hutus que de Tutsis avaient été tués en 1994. Mais la base de
29 leurs calculs statistiques, comme j'ai dit, n'était pas exacte.
30 Q. Combien d'articles qui ont été écrits auriez-vous lus ? Si j'ai bien compris,
31 vous parlez d'un article que vous auriez lu, peut-être que je me trompe ?
32 R. J'ai eu une discussion à bâtons rompus avec eux, je pense, sur deux
33 articles, mais je ne me souviens pas des intitulés, c'est pour cela que je
34 vous demande de m'indiquer l'article auquel vous vous référez ou les
35 articles pour que je vous dise si je les ai lus. Je ne sais pas s'ils ont pu
36 publier quelque chose de crédible et de sérieux. Très sérieusement, je ne

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 le sais pas.
2 Q. Donc, en tant que soit-disant expert, vous n'avez pas jugé nécessaire de
3 lire des articles traitant de l'histoire en France, sur la guerre, sur le
4 génocide, est-ce cela une assertion que vous faites ?
5 R. Non.
6 Q. C'est une question que je vous pose. Je pense que nous en avons fini
7 avec Payant, parlez-vous d'autres choses relativement à la France ?
8 M. LE JUGE MUTHOGA :
9 Qu'aurait-elle dû lire qu'elle n'a pas lu ? C'est là un livre, et elle vous a
10 dit qu'elle ne l'a pas lu. Y a-t-il autre chose que tous les historiens ont lu
11 et qu'elle n'a pas lu ?
12 Me PHILPOT :
13 Je me réfère à ce livre.
14 M. LE JUGE MUTHOGA :
15 Elle a dit qu'au moment où ce livre a été publié, elle avait été opérée
16 d'un cancer, elle avait d'autres problèmes à l'esprit. Que vous acceptiez
17 son explication ou non, c'est votre problème, c'est ce qu'elle nous
18 explique en tout cas, c'est là l’explication qu'elle nous donne de la
19 situation.
20 Me PHILPOT :
21 Q. La commission internationale, n'est-il pas vrai que le jour où vous êtes
22 rentrée en Europe, vous avez tenu une conférence de presse pour
23 dénoncer le gouvernement Habyarimana ?
24 R. Je ne me souviens pas avoir organisé une conférence de presse. En fait,
25 il y a eu un communiqué de presse qui rappelait un certain nombre de
26 violations des droits de l’homme. Et certains nombres de civils étaient
27 revenus au moment où nous, nous quittions le pays, mais je n'ai pas ce
28 document sous les yeux, peut-être l'on pourrait le ressortir.
29 Q. N'est-il pas vrai, Docteur Des Forges, que l'une des parties les plus
30 importantes... l'une des méthodes les plus importantes de votre travail
31 consiste à organiser de nombreuses conférences de presse ?
32 R. Non. En fait, en tant qu'organisation, nous nous sommes rendus compte
33 que les conférences de presse sont inefficaces pour pouvoir livrer le
34 message aux populations.
35

36 Je me souviens d’avoir retenu deux conférences de presse liées au

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1 Rwanda. Mais s'il y en a d'autres, je vous prie de me les rappeler. Mais je


2 sais qu'il y en a une qui a été tenue au mois de mars 1993 et une autre
3 sur la publication de mon livre Aucun témoin ne doit survivre. Y en a-t-il
4 eu d'autres ?
5 Q. Mais je n'étais pas présent. Pour revenir un peu en arrière, n'est-il pas
6 vrai qu'au début des années 90 jusqu'en 95, vous avez eu pour
7 technique d'organiser des conférences de presse ? Là, je parle en termes
8 généraux.
9 R. Oui, parler avec la presse tout à fait. Cela fait partie de notre travail. Oui.
10 Q. Et le lobby et le groupe de pression?
11 R. Vous savez dans le domaine des droits de l'homme, nous appelons
12 advocacy en anglais,
13 c’est-à-dire essayez de soutenir, de développer du matériel pour essayer
14 de persuader ceux... les auteurs des violations à arrêter leurs pratiques.
15 Et dans certains cas, la presse peut nous aider pour pouvoir dénoncer
16 publiquement ces violations.
17 Q. Docteur Des Forges, je suis sûr que vous avez déjà lu les opinions
18 formulées par la Cour d'appel fédérale du Canada concernant votre
19 déposition dans l'affaire Mugesera ; avez-vous lu cela ?
20 R. Oui, nous avons également lu le jugement de la Cour suprême qui
21 critique les juges qui ont écrit cet appel parce qu’à leur avis, ils sont allés
22 au-delà de leur pouvoir. Ils ont montré cela comme étant un fait et ils ont
23 dit que vous ne pouvez pas décider, vous ne pouvez pas casser un
24 jugement parce que vous n'avez pas entendu les dépositions en
25 première instance, n'est-ce pas la décision de la Cour suprême ?
26 Q. Oui, la Cour, elle a dit qu’effectivement la Chambre d’appel ne devrait
27 pas réinterpréter les faits ?
28 R. C'est exact. Et d'après la Cour suprême, cette Cour d'appel avait abusé
29 de ses pouvoirs. C'est un fait.
30 Q. Je vais vous faire tenir copie de ce document-ci, et je vais vous poser des
31 questions sur ce document.
32 R. Vous parlez de la décision de la Cour suprême ?
33 Q. Non.
34 R. Mais pourquoi pas ?
35 Mme LE PRÉSIDENT :
36 Maître Philpot, est-ce que vous êtes sur le point de terminer ?

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 51


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Me PHILPOT :
2 Oui, nous sommes très avancés, Madame le Président. Je fais tenir des
3 copies pour les Juges et moi-même, une que je vais conserver. Ces
4 copies-ci sont celles pour les Juges. J'en ai peut-être une autre. Je
5 communiquerai cette copie au Procureur un peu plus tard.
6

7 (Le greffier d’audience s’exécute)


8

9 L'INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
10 Est-ce que nous pouvons avoir également une copie pour la cabine
11 française ?
12 Mme LE PRÉSIDENT :
13 Monsieur Mussa, veuillez confier cette copie au témoin.
14

15 (Le greffier d’audience s’exécute)


16

17 R. Je vous remercie, Madame le Président.


18 Me PHILPOT :
19 Q. Avant d'examiner cette décision, est-ce que votre nom avait été
20 mentionné dans cette décision de la Cour suprême ?
21 R. Je crois que dans les paragraphes 34 et 35, la Cour avait déclaré que la
22 Cour fédérale d'appel avait... était allée au-delà de ses compétences et
23 avait cherché à réinterpréter les éléments de preuve qu'ils n'ont pas
24 entendu et que, dans ces conditions, s'il n'y avait pas de justification
25 pour que la Chambre d'appel puisse casser la décision rendue en
26 première instance… Et d'après la Cour suprême, cette analyse de
27 l'affaire montre... montre les défaillances de la Cour fédérale d'appel. Ils
28 ont parlé des éléments de preuve pris en globalité et pas uniquement
29 ma déposition ou les éléments de preuve que moi j'ai produits.
30 Q. Je voudrais vous demander de vous reporter au paragraphe 85 du
31 document que je viens de confier.
32

33 « Madame Des Forges a admis que la commission produit des rapports


34 très rapidement avec urgence et la commission n'a pas pris de contact
35 avec Mugesera... »
36 Mme LE JUGE KHAN :

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 52


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Maître Philpot, sil vous plaît, vous allez trop vite.


2 Me PHILPOT :
3 Oui, c'est vrai, le temps presse.
4 R. Mais Monsieur Mugesera était inaccessible, personne ne savait où il était
5 allé, il était sorti du pays ; donc, on n'a pas pu le contacter à un moment
6 donné, même si on avait eu le temps.
7 Me PHILPOT :
8 Q. Ce n'est pas l'explication que vous avez fournie, Madame, au mois de
9 septembre 95.
10 R. Tout à fait. J'étais encore un témoin peu expérimenté et j'étais un peu
11 intimidé de paraître au box. Et je prends ou je saisis cette occasion pour
12 pouvoir ajouter ces détails.
13 Q. Vous avez déclaré devant la commission d'immigration que les
14 accusations peuvent être... peuvent s'avérer fausses, est-ce exact ?
15 R. Ce ne sont pas les termes que j'ai employés.
16 Q. Vous pouvez lire le paragraphe 87, je n’essaie pas de vous induire en
17 erreur, Madame le Témoin.
18 R. Oui, je crois que ce serait mieux que nous revenions au dossier du
19 procès lui-même pour nous reporter aux termes exacts. Je pense que
20 cette Chambre voulait produire... voulait voir comment les éléments de
21 preuve étaient présentés et utilisés les propres termes que moi-même
22 j'avais présentés.
23 Mme LE PRÉSIDENT :
24 Maître Philpot, vous êtes en train de confronter le témoin non seulement
25 avec sa déposition mais également avec votre propre interprétation des
26 faits. Je ne pense pas que cela soit approprié.
27 Me PHILPOT :
28 Madame le Président, j'essaye de lire ce que la Chambre ou la Cour a dit
29 et non pas ce que d'autres personnes ont dit.
30 M. LE JUGE MUTHOGA :
31 En d'autres termes, quel est le maximum que vous voulez tirer de ce
32 document ? Est-ce que c'est la Cour qui n'a pas cru les témoins ? Ils n'ont
33 pas tenu compte des éléments de preuve qui ont été fournis ? Et si ce
34 n'était pas des témoins crédibles ? Parce que rien de tout cela en tout
35 cas n'était notre jugement ou notre affaire, surtout qu'il est dit
36 clairement que la Cour suprême avait un point de vue différent.

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 53


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Me PHILPOT :
2 Mais les points de vue tels que présentés par docteur Des Forges n'ont
3 pas été pris en considération. En fait, je voudrais faire déposer ce
4 document, le faire verser au dossier sous la cote...
5 M. MUSSA :
6 « D. 26 ».
7 Mme LE PRÉSIDENT :
8 Je vous remercie, Monsieur Mussa.
9

10 (Admission de la pièce à conviction D. 26)


11

12 Et après la pause déjeuner, j'aimerais recevoir la copie de cette pièce.


13 Me PHILPOT :
14 Je m'excuse, Madame le Président, d’avoir manqué une copie à vous
15 transmettre.
16 Q. Docteur Des Forges, n'est-il pas exact que vous étiez un Conseil aux
17 Nations Unies dans le cadre de la mise en place... aux États-Unis dans la
18 mise en place de ce Tribunal ?
19 R. Non.
20 Q. Quel était votre rôle (inaudible) en 1994 dans le cadre de la commission
21 des experts ?
22 R. Je n'avais aucun rôle à y jouer dont je me souviens. Je ne me souviens
23 pas d'ailleurs avoir fait quoi que ce soit. Je sais que je les ai rencontrés,
24 mais en dehors de cela, je n'ai rien fait d'autre en dehors de ce contact
25 bref que j'ai eu avec ce groupe d'experts.
26 Q. Je vais donner lecture de ce que vous avez déclaré dans le cadre de
27 votre rapport d'expert, dans l'affaire Mugesera : « J'ai fourni l'assistance
28 et la documentation à la commission d'expert nommée par le Conseil de
29 sécurité des Nations Unies au mois de juillet 1994, afin de mener des
30 enquêtes sur les crimes de guerre et les actes de génocide commis au
31 Rwanda » est-ce exact ?
32 R. Effectivement, je leur ai bien fourni les documents, mais je n'ai pas eu un
33 contact direct avec eux. Je leur ai fourni, par exemple, des
34 enregistrements de la radio RTLM que j'avais obtenus sur le terrain et il
35 est possible que je leur ai également fourni d'autres renseignements.
36 Q. Avez-vous communiqué des déclarations des témoins au TPIR dans

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 54


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 certains cas ou dans certaines affaires ?


2 R. Je ne le crois pas sauf si vous me rafraîchissez la mémoire en me
3 donnant un exemple précis. Nous avons effectivement fourni certains
4 documents dans certains cas, mais en ce qui concerne les déclarations
5 de témoins, de manière générale, je suis un peu réticente à en partager
6 avec qui que ce soit, mais je ne me souviens pas d'un exemple précis où
7 je l'aurais fait.
8 Q. Connaissez-vous une dame qui s'appelle Lydia Nyerere ?
9 R. Nyerere ?
10 Q. Lydienne Nyerere.
11 R. Je connais une dame du nom de Lydia, mais je ne pense pas que le nom
12 que vous venez de citer soit son nom de famille.
13 Mme LE PRÉSIDENT :
14 Quelle est l'épellation de ce nom ?
15 Me PHILPOT :
16 C’est : N-Y-E-R-E-R-E.
17 R. Je ne sais pas s'il s'agit de la personne que moi j'ai déjà rencontrée.
18 Me PHILPOT :
19 Q. N'est-il pas vrai que vous aviez recueilli une série de déclarations au
20 Rwanda et c'est comme si ces personnes avaient prêté serment dans le
21 cadre du serment américain ? Et moi, je vais donner une paraphrase de
22 ce qui est dit parce que je n'ai pas lu ces déclarations à l'effet que : Si je
23 reconnais que j'ai menti, je serai puni dans le cadre de la législation
24 américaine.
25 R. Oui, cela a été dit de cette manière.
26 Q. Et la déclaration dans le procès Barayagwiza a été confiée au TPIR
27 comme étant une assistance apportée au Bureau du Procureur du TPIR ?
28 R. Je ne sais pas si le TPIR a fait usage de ces documents parce qu'il
29 s'agissait là des documents publics et cela faisait partie du dossier... des
30 archives judiciaires de la Cour aux États-Unis. Et je ne sais pas si le
31 Bureau du Procureur en a fait usage ou pas.
32 Q. Je voudrais revenir à cela, à votre participation. N'est-il pas vrai que vous
33 aviez référé le Tribunal à certaines de ces déclarations ?
34 R. Je ne me souviens pas l'avoir fait. Il est possible que je leur ai dit qu'il y
35 avait un dossier judiciaire qui aurait... pourrait contenir des
36 renseignements précieux concernant la CDR et Barayagwiza mais,

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 55


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 comme je l'ai dit, il s'agit des documents publics et avec un certain


2 effort, ils auraient pu eux-mêmes obtenir ce genre de renseignements.
3 Me PHILPOT :
4 Madame le Président, je voudrais encore 10 minutes. Ce que je propose
5 que nous fassions...
6 Mme LE PRÉSIDENT :
7 Dix minutes parce que nous voulons effectivement lever l'audience avant
8 de rendre la décision.
9 Mme KAGWI-NDUNGU :
10 Madame le Président, Honorables Juges, en ce qui concerne la
11 planification de notre travail, est-ce que Monsieur Philpot peut nous dire
12 combien de temps il lui faut encore ?
13 Mme LE PRÉSIDENT :
14 Voulez-vous répéter votre question ? On ne l’a pas entendue.
15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 Nous aimerions que le Conseil nous donne une idée du temps qu'il lui
17 faut encore pour que nous puissions planifier notre travail.
18 M. LE JUGE MUTHOGA :
19 Il a 10 minutes, 10 minutes jusqu'à la fin de son interrogatoire. Si c'est
20 possible ou pas, mais il vous le dira.
21 Me PHILPOT :
22 Je peux aller plus loin. Nous avons des argumentaires à présenter, si je
23 ne veux pas trop m'avancer, nous avons des arguments à vous présenter
24 sur le voire-dire. Vous avez déjà une bonne partie de cela par écrit. Nous
25 avons des éléments factuels également que nous voudrions produire. À
26 notre avis, il nous faudra peut-être une demi-heure, 45 minutes, au plus.
27 Moi, je ne vais pas m'engager à 100 % en ce qui concerne ce temps.
28 Mme LE PRÉSIDENT :
29 Mais nous parlons de la finalisation de votre voire-dire avant la pause. Si
30 vous avez parlé de 10 minutes, est-ce qu'on peut vous accorder 10
31 minutes pour que vous terminiez avec le voire-dire ? Parce que ça fait
32 déjà une journée et demie que nous traitons de cette question.
33 Me PHILPOT :
34 Q. Étiez vous conseiller de Richard Goldstone qui est le premier Procureur
35 du TPIR ?
36 R. J'ai tenu un certain nombre de conversations avec le juge Goldstone à

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 56


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 propos de la mise en place du TPIR, c'est vrai. Maintenant dire que j’étais
2 conseiller, ça c'est aller un peu trop loin.
3 Q. Lui avez-vous donné des conseils et mis à sa disposition des
4 renseignements ?
5 R. Des renseignements, oui, tout à fait, et un grand volume ?
6 Q. Et des conseils ?
7 R. Oui, de temps en temps. Mais cela ne veut pas dire que je suis conseiller
8 parce que le conseiller, c'est une relation permanente avec cette
9 personne. Nous avons eu trois ou quatre conversations dans lesquelles je
10 lui ai montré mon opinion d'expert sur les faits dont nous discutions.
11 Q. Avez-vous fourni des renseignements au juge Vandermeersh ?
12 R. Oui, je l'ai fait.
13 Q. Est-ce que Human Rights Watch a envoyé le personnel au TPIR ou a
14 prêté des personnels au TPIR, ont permis à certains membres de
15 travailler pour le TPIR ?
16 Mme LE PRÉSIDENT :
17 Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Est-ce que vous voulez que ce
18 soit une personne de Human Rights Watch qui vienne ici en vacances et
19 travailler au TPIR dans le présent ou dans le passé en qualité de témoin ?
20 Me PHILPOT :
21 Non, en qualité de conseiller.
22 R. Autant que je sache, une personne qui assistait le Tribunal c'est mon
23 collègue Bernard Oracure (Phon.) qui aurait donné une opinion d'expert
24 sur la question de viol.
25 Me PHILPOT :
26 Q. Et Monsieur Longman (Phon.) était lui aussi prêté au TPIR, a-t-il
27 également aidé le TPIR, Monsieur (inaudible) Longman ?
28 R. Monsieur Longman était un chercheur pour Human Rights Watch. Il avait
29 localisé et fait la copie d'un certain nombre de documents qui ont été
30 utiles et que moi j'ai utilisés pour pouvoir rédiger mon livre Aucun
31 témoin ne doit survivre. Et certains renseignements ont été confiés au
32 TPIR. Et je pense que Monsieur Longman avait prêté serment et avait
33 confié certaines de ces déclarations dans le cadre de l'affaire Kayishema
34 et il est venu témoigner pour dire qu'il avait lui-même fait des copies de
35 ces documents que nous avons confiés dans l'affaire Kayishema.
36 Q. Vous avez une bonne mémoire.

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 M. LE JUGE MUTHOGA :
2 La question qui a été posée est de savoir s'il avait été employé par le
3 TPIR.
4 R. Honorables Juges, je sais qu'il a été à Arusha pendant une journée en
5 qualité de témoin, témoin de faits, je ne parle même pas de sa qualité de
6 témoin expert, si je m'en souviens bien.
7 Me PHILPOT :
8 Q. Avez-vous organisé des séminaires au profit du Bureau du Procureur ?
9 R. Oui, je crois qu'à deux reprises ou plutôt trois, j'ai fait un séminaire sur
10 l'utilisation des témoins experts, un autre ou les deux autres étaient axés
11 davantage sur l'histoire du génocide.
12 Q. Et le séminaire portant sur les témoins experts, à quel moment a-t-il été
13 organisé ?
14 R. Eh bien, je crois que c'était en 2005, je ne me souviens pas de la date
15 exacte, non.
16 Q. Avez-vous donné un programme pour ce séminaire ?
17 R. Pour ce séminaire, non. En fait, on m'a demandé de faire un exposé la
18 veille.
19 Q. Et quel était le thème de cet exposé exactement ?
20 R. « Quelle est la meilleure manière de présenter les preuves d'un témoin
21 expert ? Comment est-ce qu’un témoin peut être utile à la Chambre ».
22 Q. Avez-vous parlé également du contre-interrogatoire des experts de la
23 Défense ?
24 R. C'est possible que nous ayons parlé de cela également. Cela était
25 possible. Nous avons parlé de l'ensemble du processus du
26 contre-interrogatoire pas seulement du contre-interrogatoire des témoins
27 à décharge mais également des témoins experts.
28 Q. Et qu'en est-il des experts… des témoins experts de la Défense ?
29 R. Nous avons dit expert que ça soit d'un côté ou de l'autre.
30 M. LE JUGE MUTHOGA :
31 Vous parlez de la Défense ou des experts ? Quelle est votre question ?
32 Suggérez-vous qu'il aurait fait un exposé sur le contre-interrogatoire des
33 experts de la Défense et non pas les experts du Procureur ?
34 Me PHILPOT :
35 Oui, cela fait partie de mes questions.
36 Q. Avez-vous fait des commentaires précis concernant les experts de la

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Défense ?
2 R. Je ne me souviens pas avoir mis en exergue la question des experts de la
3 Défense. Nous avons parlé de contre-interrogatoire de manière générale,
4 que ce soit des témoins à charge ou à décharge.
5 Me PHILPOT :
6 Madame le Président, je voudrais que nous nous reportions sur ce
7 séminaire.
8 Q. Quand est-ce qu’il a eu lieu ?
9 R. Il y avait eu beaucoup de personnes.
10 Q. Est-ce que les Conseils de la défense étaient autorisés à participer à ce
11 séminaire ?
12 R. Je n'ai pas demandé l'identité des participants. Mais j'avais demandé la
13 veille, avant de parler aux gens, que j'étais venue sans être bien
14 préparée et j’ai parlé en termes généraux. Et je suis repartie, allée
15 m'occuper de mes affaires. Donc, j'ignore qui étaient les participants à
16 ce séminaire.
17 Me PHILPOT :
18 Je n’ai plus d’autres questions pour ce témoin. Je voudrais consulter mon
19 collègue pour quelques minutes, Madame le Président.
20 Mme LE PRÉSIDENT :
21 Oui.
22

23 Docteur Des Forges, maintenant vous êtes libre.


24

25 Vous avez des questions en interrogatoire complémentaire ?


26 Mme KAGWI-NDUNGU :
27 Oui, j'ai quelques questions en interrogatoire complémentaire. Est-ce que
28 je peux les présenter maintenant ?
29 Mme LE PRÉSIDENT :
30 Oui, tout à faire. Allez-y.
31

32

33 VOIRE-DIRE
34 INTERROGATOIRE SUPPLÉMENTAIRE
35 PAR Mme KAGWI-NDUNGU :
36 Q. Docteur des Forges, essayons d'examiner ensemble les documents que

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 la Défense vient de vous communiquer. Vous avez parlé d'un document


2 qui vous parlait des abus du FPR, pourrez-vous nous dire dans quel
3 cadre, dans quelles circonstances vous avez formulé ce commentaire ?
4 Mme DES FORGES :
5 R. C'est un document qui représente un résumé du rapport de la
6 commission internationale et cela indique… — je pense que c'est bien ce
7 document dont il s'agit, je crois que c'est après cela — et ce document
8 montre en détails les tueries commises sur les civils par le FPR.
9 Q. Combien de temps après ce rapport a-t-il été rédigé, après la
10 commission internationale ?
11 R. Je pense que cela a eu lieu au mois d'avril 1993 avril, avril ou mai.
12 Mme KAGWI-NDUNGU :
13 Madame le Président, nous aimerions verser ce document au dossier.
14 Mme LE PRÉSIDENT :
15 Monsieur Mussa, quelle est la cote à affecter à ce document ?
16 M. MUSSA :
17 Il s'agit de la pièce P. 33.
18 Mme LE PRÉSIDENT :
19 Voulez-vous nous confier des copies de ce document ?
20 Mme LE PRÉSIDENT:
21 Après la pause.
22 M. MUSSA :
23 Désolé, Madame le Président. Je me suis trompé, ce sera la cote P. 35.

25 (Admission de la pièce à conviction P. 35)


26

27 Mme KAGWI-NDUNGU :
28 Ce sont les copies du document que la Défense vient de nous confier.
29 Mme LE PRÉSIDENT :
30 Nous n'avons pas reçu copie de cela. Nous n’avons pas reçu copie. Une
31 fois que vous prenez la décision de verser ce document au dossier, il
32 vous appartient de fournir les copies de ce document.
33 Mme KAGWI-NDUNGU :
34 Très bien. Honorables Juges, je le ferai.
35 Q. En examinant les autres documents que vous avez sous les yeux, il y en
36 a un qui porte la marque

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 20 avril 94… qui porte la date 20 avril 1994, et sur ce document il est
2 mentionné un numéro de téléphone. Il y a un numéro de téléphone qui
3 est mentionné, qui est inscrit à côté de votre nom ; est-ce bien votre
4 numéro de téléphone ?
5 R. Oui, c'est bien mon numéro depuis des décennies.
6 Q. Et l'autre document du 20 avril 94, c'est le même numéro de téléphone ?
7 R. Oui, c'est bien cela.
8 Q. Et au cours de cette période qui s'est écoulée entre le 6 avril et juillet,
9 receviez-vous des coups de fil des Rwandais sur ce téléphone... sur ce
10 numéro ?
11 R. Oui, tout à fait, et ceci chaque jour.
12 Q. Est-ce que ce numéro de téléphone était-il inscrit sur tout autre
13 document public en dehors de ceux que vous avez sous les yeux ?
14 R. Oui. Ce numéro de téléphone était largement diffusé et ceci à plusieurs
15 occasions.
16 Q. Je voudrais que vous examiniez le document qui porte la date « 29 avril
17 94 », au troisième paragraphe, vous aviez indiqué que Mugenzi aurait
18 donné certaines informations au Gouvernement ; était-ce ce qui se
19 passait sur le terrain au Rwanda, ces renseignements que vous aviez
20 fournis ?
21 R. D'après les renseignements que j'ai recueillis à cette époque auprès des
22 personnes qui se trouvaient dans le pays et un peu plus tard, qui ont été
23 étayés par les recherches que nous avons effectuées, donc la situation
24 présentée par Monsieur Mugenzi n'était pas exacte.
25

26 En fait, au cours de cette conférence de presse, il y'avait des journalistes


27 qui venaient du Rwanda, des journalistes internationaux qui l'ont appelé
28 à venir participer à cette conférence de presse. Ils l'ont dénoncé et ils
29 ont dit que ce n'était pas ce que vous avez déclaré et nous avions vu la
30 situation de nos propres yeux.
31 Q. De la période allant du 6 avril jusqu'à la fin du mois de mai 94, pourquoi
32 vous êtes-vous concentrée sur les violations commises par le
33 Gouvernement rwandais, le Gouvernement rwandais de l'époque et non
34 pas celles du FPR de manière précise ?
35 R. Il y avait plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, il y avait l'ampleur de ces
36 massacres, de ces crimes, il y avait également la nature de ces crimes.

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Le génocide était quelque chose qui attirait l'attention… sur laquelle il


2 fallait immédiatement attirer l'attention de la communauté
3 internationale. Et la possibilité d'avoir accès à ces renseignements dans
4 les localités où ce génocide avait eu lieu était beaucoup plus importante
5 que l'obtention des documents des zones où les tueries du FPR avaient
6 eu lieu.
7 Mme KAGWI-NDUNGU :
8 Honorables Juges, je voudrais également verser ces deux documents au
9 dossier, documents qui nous ont été communiqués par la Défense. Et je
10 vous ferai des copies de ces documents après la pause.
11 M. LE JUGE MUTHOGA :
12 Q. Avant d'arriver à cela, dites-nous à quel endroit la déclaration de
13 Mugenzi a été faite.
14 R. Cette déclaration a été faite lors d’une conférence de presse à Nairobi,
15 au Kenya. Je crois que cela a eu lieu le 25 ou le 26 avril.
16 Mme KAGWI-NDUNGU :
17 Le document qui porte la... 20 avril, document P. 26 et le document
18 29 avril.
19 M. MUSSA :
20 « P. 36 et P. 37 ».

22 (Admission des pièces à conviction P. 36 et 37)


23

24 Mme KAGWI-NDUNGU :
25 Q. Examinons maintenant la conférence de presse d’avril qui a été donnée
26 également par la Défense. Et dans ce document, on nous parle de Jean-
27 Bosco Barayagwiza. Vous avez indiqué qu'il était le chef de la CDR.
28 Pouvez-vous nous dire quelle est la situation qui prévalait au Rwanda
29 lorsque les milices de ce parti avaient le contrôle des lieux ?
30 R. Les renseignements que j'avais ont été étayés par des renseignements
31 reçus par d'autres personnes, c'est-à-dire la CDR avec sa milice ont été
32 impliquées dans de nombreuses tueries, les tueries à grande échelle des
33 civils.
34 Q. Très bien. Vous aviez indiqué dans votre livre, au chapitre 3 du livre
35 intitulé Témoin... Aucun témoin ne doit survivre, vous avez dit que de
36 nombreux massacres ont été commis.

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 R. Je ne sais pas s'il s’agit du chapitre 3.


2 Q. C'est dans un autre chapitre et pas le chapitre 3.
3 R. Les renseignements que j'y ai fournis nous ont été confiés par plusieurs
4 personnes ou nous les avons obtenus de plusieurs sources. Nous avions
5 également eu accès à certains documents et les... de manière générale,
6 les documents inofficieux... officieux.
7 Mme LE JUGE KHAN :
8 Q. Pouvez-vous vous souvenir l'appartenance ethnique de ces victimes, les
9 victimes des massacres dont vous avez parlé ?
10 R. Les victimes étaient, de manière générale, hutues, mais il y avait
11 également des victimes tutsies lors de ces massacres.
12 Mme KAGWI-NDUNGU :
13 Honorables Juges, il s'agit... je vous montre là une autre pièce que nous
14 voudrions en… verser au dossier. Il s'agit du document n° 1 tiré du livre
15 Aucun témoin ne doit survivre que nous voudrions verser au dossier sous
16 la cote P. 27...
17 M. MUSSA :
18 « P. 38 ».
19

20 (Admission de la pièce à conviction P.38)


21

22

23 Mme KAGWI-NDUNGU :
24 Q. On vous a posé des questions sur le procès de Mugesera. Vous avez
25 parlé de la Cour fédérale d'appel. Avez-vous eu le temps de passer en
26 revue la décision rendue par la Cour suprême ?
27 R. Oui, j'ai lu cette décision.
28 Q. Avez-vous parlé également de la révision de cette décision ?
29 R. Oui.
30 Mme KAGWI-NDUNGU :
31 J'ai plusieurs exemplaires de décision de ce document. Je voulais lui
32 confier une de ces copies pour qu'elle puisse l'examiner.
33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Vous allez parler de cette question de révision ?
35 Mme KAGWI-NDUNGU :
36 Non, non, je ne veux pas m'attarder là-dessus.

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Q. Je voudrais tout simplement montrer à la Chambre de quelle partie il


2 s'agit où on voit les éléments de preuve qui ont été fournis.
3 R. Comme je l'ai dit tantôt, Madame le Président, je n'ai pas mentionné les
4 noms, mais il s'agissait de la question de la compétence pour pourvoir
5 les éléments de preuve qui ont été fournis et ceci aux paragraphes 35 et
6 plus.
7 Mme KAGWI-NDUNGU :
8 Ce sera, Madame le Président, notre prochain document à verser au
9 dossier qui portera la cote P…
10 M. MUSSA :
11 « P. 39 ».
12

13 (Admission de la pièce à conviction P. 39)


14

15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 Excusez-moi, je voudrais consulter mon confrère.
17 Q. On vous a accusée de parti pris lorsqu’il s’agit de violations commises
18 par le FPR, pouvez-vous nous dire si vous avez parlé dans d’autres
19 documents de ces violations du FPR ?
20 R. Pour l’année 1994, il y a eu des publications aux mois de septembre et
21 décembre qui ont parlé de ces violations commises par le FPR et depuis
22 lors, par... chaque fois que cela s'est avéré nécessaire et opportun — et,
23 malheureusement, ça a été le cas — nous avons produit des documents
24 de ces violations et à l'intérieur du Rwanda et en République
25 démocratique du Congo.
26 Q. On vous a posé des questions concernant vos relations avec le témoin
27 ADE, pouvez-vous dire à la Chambre si vos contacts avec ce témoin ADE
28 ont été influencés par votre rapport ?
29 R. Non, ils ne l'ont pas été.
30

31 Mme KAGWI-NDUNGU :
32 Une seconde, Madame le Président.
33 Q. On vous a également accusée d'avoir des rapports particuliers avec le
34 Bureau du Procureur, pouvez-vous indiquer à la Chambre quelle est la
35 nature des rapports que vous entretenez avec le Bureau du Procureur ?
36 R. Je me considère comme étant une personne ressource pour la bonne

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 administration de la justice. C'est un rôle qui m'a été plus ou moins


2 imposé par la nature des événements parce qu'il y a très peu de
3 personnes qui ont étudié la situation du Rwanda et qui ont suffisamment
4 d'éléments pour pouvoir parler de ces pays.
5

6 J'ai été appelée par plusieurs personnes, par des institutions, pour
7 pouvoir fournir des renseignements précieux, et moi, je me sens obligée
8 de le faire ou de m'y plier. Et parfois, cela a conduit à certains conflits
9 entre moi-même et Human Rights Watch et le Bureau du Procureur. Nous
10 avons critiqué le Bureau du Procureur pour incompétence, nous l'avons
11 critiqué, nous l'avons traité d'incompétence surtout dans le cadre de
12 l'affaire Barayagwiza ou devant la presse, nous avons également pris
13 positions qui ont été... positions qui ont été contraires à l'élaboration des
14 Actes d'accusation formulés par le Bureau du Procureur, et dans certains
15 cas, c'étaient des renseignements qui ont amené le Procureur à retirer
16 des Actes d'accusation retenus contre une personne qui avait déjà été
17 condamnée.
18

19 Et donc, je ne me considère pas comme étant une personne qui joue un


20 rôle de stratégie sous l'une… d’une certaine manière mais plus tôt
21 simplement d'une personne qui, par le jeu des circonstances
22 involontaires, est devenue une personne qui sait beaucoup de choses sur
23 une catastrophe terrible qui a frappé un certain pays. Et je pensais que
24 cela pourrait être mis à la disposition des services compétents qui, eux,
25 poursuivent des crimes contre l'humanité à cette période.
26 Q. Encore une question, Madame le Témoin. La Défense vous a demandé de
27 faire une liste des personnes... les noms des personnes que vous aviez
28 confiés au Bureau du Procureur...
29 M. LE JUGE MUTHOGA :
30 Madame Ndungu, vous savez que cette liste n'a pas été versée au
31 dossier pour de bonnes raisons, c'est-à-dire… le témoin elle-même avait
32 fait des réserves. Voulez-vous encore parler de cette liste et vous voulez
33 la verser au dossier ?
34 Mme KAGWI-NDUNGU :
35 Non, je ne vais pas lui poser des questions là-dessus. Je vais faire comme
36 Monsieur Philpot a fait et je vais simplement lui poser des questions sur

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 cette base.
2 M. LE JUGE MUTHOGA :
3 Donc, vous ne demanderez pas le versement de cette pièce au dossier ?
4

5 Mme KAGWI-NDUNGU :
6 Non, pas du tout.
7 Q. Donc, en examinant cette liste sur laquelle Monsieur Philpot vous a posé
8 des questions, voulez-vous nous dire si ces personnes étaient d'un seul
9 côté du conflit... d'un seul côté des parties au conflit ou de l'autre côté ?
10 R. Les personnes dont les noms figurent sur ces listes représentent les gens
11 qui pourraient être condamnés ou poursuivis des deux côtés... des deux
12 parties au conflit et des personnes qui ont pu être victimes de ces
13 conflits entre ces deux parties.
14 Q. Une dernière question. Vous nous avez décrit en détails...Vous nous avez
15 parlé de manière exhaustive des relations qui existaient entre
16 vous-même et le témoin ADE. Compte tenu de vos contacts au Rwanda
17 et de votre connaissance du Rwanda à l'époque, est-ce que cette relation
18 que vous entretenez avec lui est spéciale ?
19 R. Non, elle ne l'est pas. J'ai eu des contacts avec les Rwandais en l'année
20 2000... les Rwandais et par milliers, et c'est la raison d'ailleurs pour
21 laquelle j'ai des problèmes à me rappeler si j'ai un contact précis avec un
22 témoin ou un autre. C'est une personne qui me revient à l'esprit et je n'ai
23 pas eu de contact récent avec cette personne. Il n’y a rien
24 d’exceptionnel par rapport à cette personne, c'est peut-être très dur ce
25 que je dis, mais il n'y a rien d'exceptionnel, plutôt, sur les rapports que
26 j'entretiens avec cette personne.
27 Mme KAGWI-NDUNGU :
28 Honorables Juges, je suis arrivée à la fin de mon interrogatoire
29 complémentaire.
30 Mme LE JUGE KHAN :
31 Q. Madame Des Forges, je voudrais que vous nous donniez les détails sur
32 les relations que vous entretenez avec le Bureau du Procureur. Est-ce
33 que les membres du Bureau du Procureur discutent avec vous de la
34 déposition que vous allez donner avant que vous n'arriviez dans le box ?
35 R. Honorables Juges, le Bureau du Procureur, bien sûr, a accès au rapport
36 du témoin expert. Et parfois, j'ai demandé aux membres du Bureau du

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Procureur de me dire ce qu'ils voulaient exactement. Par exemple, un


2 rapport qui irait de 90 à 93 ou, par exemple, la période qui nous
3 concerne, l'année 94. Et dans ces cas précis, les officiers militaires et les
4 civils. Voilà, c'est ce genre de discussion que nous avons. Et en plus de
5 cela, il y a eu d'autres discussions d'ordre général que nous tenons en
6 dehors de ma déposition sur les points qui, à mon avis, doivent être
7 portés à l'attention de la Chambre.
8 Mme LE PRÉSIDENT :
9 Nous vous remercions, Madame Des Forges. Vous pouvez à présent
10 prendre congé de la Chambre.
11 Mme DES FORGES :
12 Je vous remercie Madame le Président.
13

14 (Madame Des Forges se retire du prétoire)


15

16 Maître Philpot, nous allons vous entendre maintenant. J'espère que vous
17 serez court.
18 Me PHILPOT :
19 Je ne pense pas que cela prendra du temps, mais nous avons... je me
20 demandais si... Enfin, je connaissais déjà la réponse. Je voudrais
21 expliquer à la Chambre comment est-ce que nous avons l'intention de
22 traiter cette question. Je vais parler de la question de qualification en
23 tant que telle et de la question de la pertinence. Et mon collègue va
24 parler du parti pris.
25 M. LE JUGE MUTHOGA :
26 Combien de minutes vous faut-il ?
27 Me PHILPOT :
28 Combien de minutes me demandez-vous ? Si je parle trop vite...
29 Mme LE PRÉSIDENT :
30 Je voudrais que vous évitiez de répéter les questions. Je voulais savoir
31 combien de temps il vous faudra pour présenter votre argumentaire. Ce
32 n'est pas la peine d'être trop long.
33 Me PHILPOT :
34 Oui, l'argumentaire sur le parti pris, ce sera mon collègue. Maintenant…
35 Mme LE PRÉSIDENT :
36 Non, non, ce n'est pas cela.

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Me PHILPOT :
2 Ce ne sera pas long. Moi-même aussi je ne serais pas long, je vais
3 seulement parler de la pertinence et je n'ai pas encore traité de cette
4 question, Madame le Président.
5 Me PHILPOT :
6 S'agissant de la question de la qualification, je voudrais vous parler
7 d'abord de la question…
8 M. LE JUGE MUTHOGA :
9 Vous n'avez pas encore répondu à ma question. Combien de temps vous
10 faut-il encore ?
11 Me PHILPOT :
12 Peut-être moins d'une demie heure.
13 M. LE JUGE MUTHOGA :
14 Je vais vous donner toute l'heure pour que vous parliez un quart d'heure
15 et que votre collègue parle un quart d'heure.
16 Me PHILPOT :
17 C'est comme vous voulez. Nous n'avons pas l'intention d'être trop long.
18 M. LE JUGE MUTHOGA :
19 Et quelle est votre réponse à cela, Madame le Procureur ?
20 Mme KAGWI-NDUNGU :
21 Cela dépend de ce que la Défense doit dire, mais je n'ai pas l'intention
22 de prendre beaucoup trop de temps. Je ne suis pas très loquace comme
23 vous l'avez vu, je n'ai pas parlé beaucoup de temps dans mon
24 interrogatoire complémentaire. Donc, je parlerai très peu en fonction de
25 l'argumentaire de mon confrère.
26 M. LE JUGE MUTHOGA :
27 Très bien. Nous serons ici jusqu'à une demi-heure encore, n'est-ce pas ?
28 Me PHILPOT :
29 Oui, je peux être d’accord avec vous, mais bon. J'attends, nous allons
30 voir.
31

32 Le docteur Des Forges a déclaré qu'elle est en train de témoigner, elle a


33 dit mot pour mot, selon le procès-verbal, que ses activités au Rwanda en
34 tant que activiste des droits de l'homme...
35 Mme KAGWI-NDUNGU :
36 C'est une dénaturation de ce que j'ai dit. J'ai parlé d'expert, ce n'est pas

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 la peine de parler d'activiste des droits de l'homme devant la Chambre..


2 M. LE JUGE MUTHOGA :
3 C'est ce qui a été enregistré.
4 Me PHILPOT :
5 Je voulais tout simplement dire que s'agissant de ses activités en qualité
6 d'activiste des droits de l'homme — et c'est mon collègue qui va
7 s'occuper de cela — je voudrais donc m'attarder sur sa qualité
8 d'historienne. Vous aurez remarqué qu’en cette qualité, elle a publié très
9 peu de documents récemment, qu'elle a témoigné dans le cadre de
10 l'affaire Akayesu, elle a indiqué qu'elle n'était plus historienne.
11 M. LE JUGE MUTHOGA :
12 Pour être plus précis, ce qu'elle a déclaré c'est qu'elle n'était pas, à ce
13 moment-là, historienne académique.
14 Me PHILPOT :
15 Non, je ne vais pas mal interpréter ces propos et faire perdre le temps à
16 la Chambre sur ce point. Mais nous avons également constaté que
17 certains des ouvrages importants comme ceux de Payant et d'autres
18 personnes qu'elle n'a pas encore lus, de Christian (inaudible). Nous, au
19 TPIR, il s'agit là d'une question très importante des points que, eux, ils
20 ont soulevés dans ces ouvrages. Nous avons parlé de la question de
21 conflits, il y a beaucoup de littératures qui apparaissent sur ces points
22 bien précis.
23

24 Alors, je voudrais faire valoir devant cette Chambre que le docteur Des
25 Forges est restée dans le passé... s'est contentée de se limiter au passé
26 en ce qui concerne sa perception historique et son appréciation de
27 l'histoire du Rwanda.
28

29 Il me semble que — et mon collègue vous le montrera bientôt — qu'elle


30 ne va pas changer d'opinion sur ce point, il me semble qu’elle se
31 présente toujours comme étant une personne qui a une mission et non
32 pas une personne qui veut aider vraiment le Tribunal.
33 Dans notre requête, nous voulons montrer notre préoccupation
34 s'agissant de la portée de son témoignage et savoir également si son
35 témoignage est nécessaire pour que la Chambre puisse rendre sa
36 décision sur l'Acte d'accusation.

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

2 Je voudrais suggérer à la Chambre que sa déposition est entièrement


3 inutile, et je vais vous expliquer ce que j'entends par cela.
4

5 Avez-vous d'abord un exemplaire de ce rapport parce que je vais m'y


6 référer, Madame le Président ?
7 M. LE JUGE MUTHOGA :
8 Maître Philpot, puisque ce rapport n'est pas sous nos yeux à ce moment
9 précis et c'est d'ailleurs pour ça que nous vous avons accordé quelques
10 minutes pour nous parler de cela. Donc, nous ne pouvons pas nous y
11 référer.
12 Me PHILPOT :
13 Je ne veux pas que nous entrions dans les problèmes d'objections toutes
14 les deux minutes parce que cela est contre productif. Mais je voudrais
15 vous dire que le rapport auquel je vais me référer a environ plusieurs
16 pages. À la page 124, cette page parle de la situation avant le régime
17 Habyarimana, mais cela peut paraître impertinent par rapport à la cause
18 actuelle.
19 Mme LE JUGE KHAN :
20 Mais vous nous parlez de ce rapport, pourquoi ne vous référez-vous pas
21 au CV ?
22 M. LE JUGE MUTHOGA :
23 Expliquez-nous ce que vous voulez dire par cela. Vous pouvez nous
24 parler de la période de l'expertise qu'elle a présentée. Vous pouvez nous
25 montrer les faits qu'elle a montrés, qu'elle a voulu produire devant cette
26 Chambre qui ne concernent pas la cause actuelle parce que si vous nous
27 parlez du rapport et nous citer certaines pages, ça veut dire que nous
28 devrons examiner ces pages et alors que vous voulez nous montrer
29 qu'elle n'est pas expert. Alors, il faut nous donner des faits qui nous le
30 prouvent.
31 Me PHILPOT :
32 Très bien. Donc, nous devons reporter à plus tard une partie des... de
33 mon argumentaire sur cette question et cela dépend de vous,
34 Honorables Juges.
35

36 Je voudrais vous proposer que l'histoire du Rwanda est une question très,

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1 très intéressante, elle n'est pas une histoire qui est pertinente par
2 rapport à l'Acte d'accusation. L'Acte d'accusation, si nous le lisons très
3 bien — et moi j'ai encore cinq minutes —, le paragraphe 3 fait référence
4 au pouvoir que détenait Habyarimana et de son cercle restreint appelé
5 Akazu.
6

7 Dans un premier temps, il avait le pouvoir de punir et le pouvoir de


8 donner des ordres. La Chambre se souviendra qu'il n'y a pas de
9 responsabilité du supérieur hiérarchique dans cet Acte d'accusation.
10 Donc, c'est seulement une question d'ordre à donner à une personne
11 pour commettre un crime.
12

13 Les paragraphes 5 à 10 sont axés sur l'entente. Et le problème qui s'est


14 posé devant la Chambre de première instance était clair. Il s'agit des
15 faits matériels qui doivent être allégués. En fait, ils le sont parce que
16 l'Acte d'accusation avait été finalement... est finalement sorti le 8 mars.
17 Il s'agit donc de l'Acte d'accusation qui accepte les exigences ou qui se
18 conforme aux exigences ou directives émises par la Chambre.
19

20 Le docteur Des Forges pourrait donc se référer dans son témoignage et


21 dans son rapport à des événements précis qui se sont produits parce
22 qu'il s'agit là des faits matériels qui doivent être prouvés.
23

24 Au fur et à mesure que nous avançons, on se rend compte qu'il s'agit


25 d'une espèce de litanie parce que les événements se répètent.
26

27 Le docteur Des Forges pourrait nous parler de la zone de l'usine de thé


28 de Rubaya de manière générale. Je propose qu'elle ne parle pas des
29 actes individuels commis par l'Accusé. Elle pourrait également nous
30 parler du barrage routier de Kacyiru, et du barrage routier de la
31 Corniche, de Kiyovu et d'autres faits précis relatés dans l'Acte
32 d'accusation. Je voudrais...
33 M. LE JUGE MUTHOGA :
34 Maître Philpot, si vous avez trouvé qu'il y a des éléments sur lesquels elle
35 pourrait déposer, c'est très bien, ça veut dire qu'elle devient expert. Elle
36 peut donc devenir expert pour nous donner son point de vue sur ces

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 petits points.
2 Me PHILPOT :
3 Très bien. C’est un problème à double tranchant parce qu’il n'y a aucun
4 endroit dans son rapport où elle fait référence à cela. Enfin, je vais faire
5 exception à ces événements.
6 Mme LE PRÉSIDENT :
7 Maître Philpot, nous sommes là pour décider si elle peut témoigner en
8 qualité d'expert ou pas. Et là, vous admettez qu'il y a quand même
9 quelques domaines ou quelques aspects sur lesquels elle pourrait
10 témoigner, des aspects qui seraient couverts par son expertise. Mais
11 vous dites qu'elle ne peut pas parce qu'elle est parti pris.
12

13 Alors, ce qui vous reste maintenant à prouver c'est la qualification.


14 Est-ce qu'elle est qualifiée pour ce faire ?
15 Me PHILPOT :
16 Laissez de côté le rapport parce que nous avons décidé qu'elle peut
17 témoigner sur des éléments qui sont couverts ou pas par le rapport.
18 Mme LE PRÉSIDENT :
19 Le rapport, nous ne l'avons pas sous les yeux, donc nous en ignorons
20 totalement la teneur.
21 Me PHILPOT :
22 Très bien. Ce que je vais vous dire, Madame le Président, c’est que tout
23 son témoignage doit être limité aux faits indiqués dans l'Acte
24 d'accusation et pas plus. Elle ne doit pas nous donner les contextes
25 historiques qui soient en dehors de son rapport tel que vous l'avez vu.
26 Mme LE PRÉSIDENT :
27 Pourquoi ne peut-elle le faire ? Pourquoi ne peut-elle pas témoigner en
28 qualité de témoin expert dans les domaines qui ne sont pas relatés dans
29 son rapport ?
30 Me PHILPOT :
31 Parce que nous n'avons pas eu... nous n'en avons pas été informés. Nous
32 avons un rapport qui est sorti le 8 mars, elle a eu suffisamment de temps
33 pour lire le rapport. C'est un peu comme une déclaration de témoin de
34 manière générale. Cette déclaration doit porter sur des faits qui
35 intéressent la Chambre ou la cause.
36

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Nous ne voulons pas être pris de court par une série d'événements
2 inconnus qui pourraient nous être présentés de manière inattendue. Il
3 faudrait qu'elle soit limitée dans sa déposition.
4 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 Très bien. Mais ce qui n'est pas indiqué dans le rapport et les points sur
6 lesquels elle pourrait témoigner, nous ne le savons pas encore, moi je ne
7 le sais pas. Et donc, nous ne pouvons pas anticiper. C'est lorsqu'elle sera
8 assise là dans le box des témoins qu'elle nous dira comment est-ce que
9 la lune tourne autour du soleil. Mais à ce moment-là, nous dirons : Non,
10 ce n'est pas un point qui est inclus dans votre rapport et vous n'avez pas
11 le droit d'en parler. Mais à ce stade, ça va être un peu difficile.
12 Me PHILPOT :
13 Tout à fait, Honorables Juges. Je pense nous sommes sur la même
14 longueur d'ondes sur cette question parce qu'en fait, j'ai fini mon
15 argumentaire. Je voudrais indiquer à la Chambre que nous avons déposé
16 une série d'arguments juridiques que nous avons déposés sur votre
17 bureau s'agissant de l'utilisation de la déclaration par mon témoin (sic).
18 Et cela n'a pas été versé au dossier. À mon avis, c'est une question qui
19 est un peu prématurée, mais nous ne voulons pas prendre la Chambre
20 de court sur ce point.
21

22 Je voudrais à présent donner la parole à mon cher confrère. Et je vous


23 remercie de votre compréhension.
24 Me ZADUK :
25 Bonsoir, Honorables Juges. De manière générale, le point sur lequel je
26 vais parler c'est une question d'activités, c'est une question de la
27 qualification d'un témoin expert oui, d'un témoin expert.
28 Nous avons déposé un mémoire exhaustif là-dessus et je voudrais que
29 les Juges puissent encore se focaliser sur ces principes qui ont été
30 évoqués. Cela nous permettra de gagner du temps. Le principe auquel
31 on se réfère de manière générale dans le cadre de common law, c'est un
32 principe qui porte le nom improbable de bateau. Je crois qu'il s'agit d'une
33 affaire anglaise. Il est indiqué que l'objet de la présentation du témoin
34 expert doit être bien défini, bien explicite et le... la justification de cela
35 doit être également claire.
36

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1 En tant que expert, le témoin a un devoir essentiel à accomplir devant la


2 Chambre. C'est un privilège que ce témoin a de pouvoir donner son
3 opinion sur les éléments de preuve et les critères, pour cela, doivent être
4 fournis et même démontrés. Et cela se retrouve dans le cadre de la
5 common law et également dans le cadre du procès Akayesu qui, à mon
6 avis, nous laisse un fardeau, surtout aux parties, sur l'objectivité de la
7 présence d'un expert.
8

9 Je suis en train de rechercher le passage en l'affaire Akayesu. Oui,


10 l’impartialité en l'affaire doit concerner les crimes pour lesquels Akayesu
11 est poursuivi, il ne peut pas être dit à coup sûr, à mon avis que ceci est
12 applicable au cas du docteur Des Forges vis-à-vis de son objectivité. En
13 raison de la panoplie de son expérience, on ne peut pas être sûr de son
14 objectivité.
15

16 Elle a accepté qu'elle a travaillé un certain nombre de fois pour le


17 compte du Procureur. Un témoin expert ne peut pas, selon moi, être
18 quelque chose comme une personne qui mène une croisade. Elle
19 poursuit un objectif bien louable pendant longtemps, mais ce n'est pas
20 tous les aspects qu'elle peut couvrir, sur lesquels elle peut donner son
21 opinion. Par exemple, sur le Président Kagame (inaudible) elle a un haut
22 niveau de connaissance des événements survenus au Rwanda en 1994,
23 mais la proposer comme témoin expert et alors qu'elle est liée à l'une
24 des parties, la déposition de Madame Des Forges, à notre avis, a une
25 association prolongée avec le Procureur.
26 Mme LE JUGE KHAN :
27 C'est les deux parties à la cause ? Il n'y a pas de comparaison entre lui et
28 le docteur Des Forges.
29 M. LE JUGE MUTHOGA :
30 Par exemple, en l'affaire Akayesu ou Nahimana… a déposé dans une
31 affaire où selon… aux yeux de la Chambre elle était enclin à déposer en
32 faveur d'Akayesu, ce témoin en question peut être un témoin à la
33 présente cause.
34 Me ZADUK :
35 Je pense qu'à mon avis, il y a une différence dans les analogies et dans
36 les positions. Ce témoin est un militant... est une militante dans un

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 domaine où sa déposition est inacceptable en raison de son manque


2 d'objectivité. Et si je peux entrer dans les détails, je peux donner un
3 certain nombre d'éléments qui... par exemple, elle est intervenue devant
4 les Nations Unies en 1994 dans ses efforts en vue de faire conclure un
5 cessez-le-feu. En toute... En aucune définition, cela ne fait pas d'elle un
6 acteur. Nous essayons de soumettre à la Chambre...
7 Mme LE PRÉSIDENT :
8 Dans l'intervention de Barayagwiza devant le Conseil de sécurité, il y a la
9 résolution du Conseil de sécurité énonçant le cessez-le-feu. Alors, quel
10 est le lien avec son intervention en mai ?
11 Me ZADUK :
12 Elle a essayé d'hypothéquer les efforts de Barayagwiza pour mettre fin
13 au conflit, et dans la mesure où elle pouvait le discréditer. Je me rends
14 compte que je n'ai pas beaucoup de temps, ainsi, je vais me limiter aux
15 questions de son contact avec « ADE ».
16

17 Je dois dire que nous n'avons pas un élément probant. Mais dans son
18 réseau américain, elle a joué un rôle essentiel en arrangeant les témoins
19 pour le Procureur. Bien sûr, elle n'a pas admis tout cela. Mais à mon avis,
20 je dirais qu’une portion substantielle de cet article est confirmée par sa
21 déposition, une relation de longue date avec...
22 M. LE JUGE MUTHOGA :
23 Qu'est-ce qui se passe ?
24 Mme LE PRÉSIDENT :
25 Nous avons un problème, il y a un problème d'interférence avec la
26 sténotypiste dans nos casques.
27

28 Il y a un problème d'ordre technique.


29

30 J'avais suggéré que vous puissiez donc recommencer là où vous avez


31 parlé de la pièce à conviction. Tout ce que vous avez dit n'a pas été
32 traduit parce qu'il y a la bande d'enregistrement sonore qui se déroule.
33 Me ZADUK :
34 Il n'y avait pas une pièce à conviction qui appuyait tout ce qui concerne
35 l'article de Afro American association. Il y a un point saillant qui nous
36 concerne dans la déposition du docteur Des Forges. Elle a eu une

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 association de longue date avec le témoin ADE. Elle a parlé d'une


2 réunion tenue à Buffalo puis des conversations téléphoniques qui ont eu
3 lieu.
4

5 Par la suite, elle a confirmé que sa famille a demandé de l'assistance.


6 Elle a confirmé qu'il lui a rendu visite en 1991. Et l'article dit que c'était à
7 New York, mais c'était chez elle à Buffalo. Elle a dit qu'il se trouvait au
8 Kenya, donc elle lui a proposé de se rapprocher du TPIR. Donc, le
9 docteur... il y a beaucoup d'éléments dans ce rapport... dans cet article
10 avec lequel le docteur Des Forges est d'accord.
11

12 Et la suggestion qui me paraît cruciale, c'est que c'est elle qui l'a recruté
13 ou qu'elle a négocié à sa place. Et en même temps, pour utiliser ses
14 propres mots concernant la rencontre de 1991, il y a beaucoup à parier
15 sur la curiosité et ce qui nous laisse perplexe.
16

17 En lisant entre les lignes, je soumettrais à... je ferais valoir devant la


18 Chambre que soit le docteur
19 Des Forges se rappelle de certaines choses ou qu'elle a admis certaines
20 choses… — ça n'a pas de sens — voyage en hiver de Montréal à Buffalo
21 pour juste dire bonjour et qu'elle ne se rappelle pas de la teneur de la
22 conversation autre que ces (inaudible) avec une personne avec qui elle
23 n'avait pas de contact pendant des décennies. E cela nous laisse
24 perplexe. Si cela lui est arrivé, elle aurait dû tirer les choses au clair.
25

26 La même question se pose pour ce qui concerne ses contacts avec


27 « ADE ». Elle a dit que « j'ai essayé de couper court à notre conversation
28 parce que je n'étais pas intéressée à lui parler ». Je pense que c'est juste
29 de dire que ce n'est pas quelque chose d'habituel, elle fait preuve de
30 zèle pour aider le Tribunal.
31

32 Il est incroyable qu'une personne qu'elle connaît comme connaissant les


33 faits de l'intérieur du régime d’Habyarimana et pour lesquels elle
34 accepte de déposer pour le compte du Tribunal, je fais valoir,
35 respectueusement, que ceci est peu probable par rapport à ce que nous
36 savons. Et on aurait dû supposer qu'elle aurait pu obtenir davantage

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 d'informations sur cette personne pour l'orienter vers le TPIR, pour le


2 préserver comme témoin potentiel. C'est inimaginable ce qu'elle nous
3 dit.
4

5 Un dernier point sur son objectivité, Madame le Président, Madame,


6 Monsieur les Juges, je fais valoir qu'en tenant compte de l'évaluation de
7 son objectivité, son attitude à la barre pour la grande majorité du
8 contre-interrogatoire de Monsieur Philpot, elle était courtoise. Elle a parlé
9 quelque fois à haute voix... elle n'a pas parlé à haute voix, mais elle a
10 (inaudible) franchement...
11

12 Le docteur Des Forges, elle a attaqué Monsieur Philpot sans raison


13 apparente pour avoir accès à des rapports de service de
14 renseignements. D'où est-ce qu'elle tire ça ? Elle a attaqué le Afro
15 american network comme « menant » une tentative visant à la
16 discréditer. Et une experte de bonne renommée comme elle, alors ne
17 peut pas refuser un tel témoin. Le seul inconvénient, je vous soumettrais
18 à… l'affaire du Procureur, c'est… que Monsieur Philpot s'est référé
19 comme un point de droit.
20

21 Nous suggérons que l'on ne doit pas être une personne suspecte pour
22 faire valoir qu’elle-même essaie de discréditer l'article en question.
23

24 Merci, Madame le Président.


25 Mme LE PRÉSIDENT :
26 Je vous remercie, Monsieur Zaduk.
27 Madame le Procureur.
28 Mme KAGWI-NDUNGU :
29 Mesdames, Monsieur les Juges, le docteur Des Forges a été citée à
30 comparaître devant ce prétoire pour établir les faits en interrogatoire
31 direct et en interrogatoire... en contre-interrogatoire qu'elle est
32 historienne, qu'elle a fait ce travail et qu'elle est impliquée dans ce
33 domaine depuis les années 60 jusqu'à ce jour.
34

35 Elle a présenté des arguments en faveur des deux côtés des parties à la
36 cause qu'elle ne plaide pas pour le régime Habyarimana ni pour le

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 77


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1 régime de Paul Kagame. On ne saurait discréditer cette dame. Elle a


2 soumis ses publications dans tous les domaines, elle a reçu des
3 distinctions.
4

5 Mesdames, Monsieur les Juges, pour que nous puissions admettre une
6 partie de l'Acte d'accusation du Procureur, la Défense a dit qu'il incombe
7 au Procureur de tout prouver et même les noms des Accusés, leur date
8 de naissance, leur lieu de naissance. Pour la Défense, ceci n'est pas
9 admissible.
10

11 Il est donc par conséquent de notre devoir de plaider toutes les portions
12 de cet Acte d'accusation. Le Règlement de procédure et de preuve
13 définit que ce Règlement de procédure doit régir la procédure en matière
14 de preuve et des règles énoncées dans la présente section, s'applique à
15 toute procédure devant les Chambres, celles-ci ne sont pas liées par les
16 règles de droit interne régissant l'administration de la preuve.
17

18 Ce témoin devant plusieurs Chambres de première instance a été


19 considéré comme témoin crédible malgré le rôle qu'elle a joué en
20 collaboration avec le rôle du Procureur. Elle a dit qu'il s'agit d'un pays de
21 l'Afrique centrale qui n'est pas connu et que très peu de personnes se
22 sont intéressées à étudier cette région. En raison de sa connaissance
23 exceptionnelle, on lui a accordé ce rôle exceptionnel et c'est le rôle
24 qu'elle a joué. Et je voudrais que la Chambre tienne cela en compte.
25

26 Je dis que l'Article 89 A) dit que la Chambre peut admettre tout élément
27 de preuve pertinent dont elle estime qu'il a valeur probante. L'histoire
28 doit être comprise dans son intégralité. Je le dis parce que la raison...
29 pour la simple raison que dès le début de ce qui a été cité dans le
30 paragraphe 3, le Président... que le pouvoir politique financier était
31 consolidé dans les mains du Président Habyarimana lors de son règne
32 dans le cadre du cercle restreint de sa famille élargie, les membres d'une
33 élite recrutés exclusivement de la préfecture nord-ouest du Rwanda, de
34 la préfecture de Ruhengeri. Elle a dit que Zigiranyirazo était un homme
35 influent de l'Akazu. En relation à cela, nous avons dit qu'il avait un
36 contrôle de facto et avoir... et ayant la capacité de punir les gens pour

2 LYDIENNE PRISO, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 78


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1 leur conduite.
2 Nous n'avons pas imputé la responsabilité au titre du (inaudible), mais
3 nous imputer la responsabilité de… la responsabilité du supérieur,
4 complicité dans le génocide parce qu'il y a participé conjointement à une
5 entreprise criminelle.
6 M. LE JUGE MUTHOGA :
7 Madame le Procureur, avez-vous compris l'objet de l'objection de la
8 Défense ? L'objection de la Défense comporte trois points :
9

10 Premièrement, le témoin n'est pas une historienne accomplie.


11

12 Et suivant, étant une telle historienne, elle a des liens étroits avec les
13 principaux enquêteurs. Elle pourrait nous dire quelque chose qui est...
14 qui a un penchant.
15

16 Et troisièmement, dans tous les cas, quels que soient les faits reprochés
17 à l'Accusé, ces faits n'ont pas besoin d'être expliqués par un expert.
18

19 Vous devez donc voir... aborder les objections de la Défense sur ce point.
20 Mme KAGWI-NDUNGU :
21 Dans la première partie de mes arguments, j'ai touché à ses qualités
22 d'historienne. J'ai dit qu'elle a reçu les récompenses de mérite et elle a
23 démontré ses mises à jour et qu'elle est une historienne accomplie.
24

25 Et je pense que ceci a été établi devant la Chambre. J'ai parlé de ses
26 relations spéciales, si elle a eu des relations avec le Bureau du
27 Procureur. Et comme je l'ai dit plus tôt, c’est parce que ce petit pays de
28 l'Afrique centrale qui… n’a pas beaucoup de personnes qui en parlent. Et
29 lorsque le génocide a eu lieu, il y a eu très peu de personnes de son
30 genre qui pouvaient informer qui que ce soit sur ce qui s'est passé dans
31 cette région.
32

33 Maintenant, je parle de la pertinence de l'histoire et de sa déposition.


34 Mme LE PRÉSIDENT :
35 Oui. La distinction entre l'Article 7.6.3 et 89, (inaudible) le témoin a
36 déposé...vous avez dit que Monsieur Zigiranyirazo avait le pouvoir de

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1 punir ou d'empêcher les actes conformément au « 6.3 », et pourtant,


2 vous ne lui imputez pas ces responsabilités. Et je voudrais savoir
3 pourquoi est-ce que cela entre en jeu... en ligne de compte du point de
4 vue de votre perspective.
5 Mme KAGWI-NDUNGU :
6 Madame le Président, nous avons travaillé ou plutôt lorsque nous avons
7 accusé (inaudible), chaque membre de cet (inaudible) était responsable
8 d'une série d'actes criminels. Lorsque nous avons noté ces actes
9 criminels dans le cadre de l'entreprise criminelle commune, nous devions
10 établir le contexte sociopolitique dans lequel ces actes ont été perpétrés.
11 Nous avons noté que par-devant cette Chambre, cet Accusé en l'espèce,
12 à supposer qu'il n'avait pas de capacité sociale, qu'il n'avait aucun rôle à
13 jouer dans un parti quelconque, il nous incombe de refléter comment de
14 facto, il était membre d'un groupe Akazu et comment cela lui donnerait
15 une autorité de facto, une position de facto dans une entreprise
16 criminelle commune avec d'autres personnes allant des Interahamwe
17 aux autorités gouvernementales.
18 Mme LE PRÉSIDENT :
19 Il s'agit de l'Article 61 et non 63.
20 Mme KAGWI-NDUNGU :
21 Tout à fait, il s'agit de l'Article 61. Nous devons démontrer les stratégies
22 des différents acteurs au sein de ce groupe et également attirer
23 l'attention de la Chambre sur les relations entre les individus et les
24 groupes sociaux.
25

26 Au sein de cette Chambre, je fais remarquer qu'il y a des paysans, des


27 agriculteurs et des personnes éduquées. Nous avons parlé de l'Accusé,
28 nous avons posé des questions au témoin en l'occurrence comment
29 fonctionnait l'Accusé. La Défense a noté que ça n'est pas là un témoin
30 expert, « dit-il ».
31

32 Madame le Président, Honorables Juges, nous avons apporté le témoin


33 expert, ce témoin-là qui a étudié le Rwanda sur plusieurs périodes, qui a
34 établi des parallèles entre une structure du pouvoir qui existait de façon
35 non officielle au Rwanda, qui a établi un parallèle qui permettrait à une
36 personne qui n'avait pas une position officielle à avoir une position de

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1 facto. Et cela a été très actif au Rwanda. Ce serait travestir la justice que
2 de ne pas examiner cela en profondeur, toute la voie de notre
3 accusation.
4

5 Toute activité de l'Accusé au cours de la période que nous avons retenue


6 dans l'Acte d'accusation tombe sous le contexte de cette organisation,
7 c'est dans ce cadre que ce contexte, Madame le Président, Honorables
8 Juges…
9

10 Nous pensons et nous invitons la Chambre à examiner cela, et sur la


11 base de cet examen, pouvoir comprendre le contenu que nous avons
12 établi pour l'Acte d'accusation. Si vous comprenez ce qu'est l'Akazu,
13 alors vous comprenez toute la portée des accusations retenues contre
14 l'Accusé.
15

16 Je fais remarquer, même le docteur Des Forges au cours du


17 contre-interrogatoire a déclaré que l'Akazu était une élite politique dans
18 le centre... au centre d'un système qui dominait le Rwanda et qui ne
19 voulait pas perdre ce contrôle. Elle a également dit que les tueries ont
20 commencé le 7 avril et « a » atteint son apogée à un moment donné.
21 Tout cela était relié à Habyarimana.
22

23 Il nous est important d'examiner le rôle du témoin et cela relativement à


24 ces tueries, et relativement à ces activités. Vous avez des témoins, un
25 (inaudible) ont parlé de lui depuis 1990, à l'époque il n'était plus préfet.
26 Et en tout respect, se sont adressés à lui en disant : « Monsieur le Préfet
27 Zigiranyirazo ». Il avait toujours l'escorte présidentielle, il avait toujours
28 des bureaux. Donc, je crois qu'il revient à la Chambre d'examiner les
29 voies et moyens par lesquels il exerçait ce pouvoir. Et également...
30

31 (Conciliabule entre les Juges)


32

33 Mme LE PRÉSIDENT :
34 Je suis désolée. Madame Ndungu, vous avez la parole.
35 Mme KAGWI-NDUNGU :
36 Je vous remercie, Madame le Président. Comme je le disais, ce témoin-là

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 va nous préciser le contexte dans lequel ces accusations par-devant la


2 Chambre peuvent être explicitées. Elle va donner à la Chambre le
3 contexte, elle va donner également à la Chambre la capacité, et cela du
4 côté du Procureur, de bien comprendre l'Acte d'accusation et les
5 accusations que nous avons soulevées
6 par-devant la Chambre.
7

8 Quant à son objectivité, je voudrais préciser ce qu'elle a dit par-devant la


9 Chambre. Ce témoin n'est pas payé, elle n'a jamais reçu une quelconque
10 rémunération pour son travail. Elle a déclaré au cours du
11 contre-interrogatoire au Bureau du Procureur, son organisation a été
12 impliquée car elle a demandé que des accusations soient retenues
13 contre quelqu'un, qu'il fallait condamner le FPR. Le rôle qu'elle a joué n'a
14 pas été biaisé dans le cadre de ce conflit.
15

16 En ce qui concerne les contacts qu'elle a eus avec des témoins, en


17 l'occurrence le témoin ADE, très franchement, la Défense s'est
18 accaparée de cela, a essayé d'en faire ses choux gras. Le témoin a dit
19 qu’elle a passé 40 ans au Rwanda, elle avait beaucoup de contacts,
20 beaucoup de ces personnes-là sont des victimes, d'autres sont des
21 condamnées, cela devrait-il être retenu pour dire qu'elle n'est pas
22 objective ?
23

24 Le Conseil de la défense a déclaré qu'au cours de son


25 contre-interrogatoire, elle s'est énervée et elle n'était pas très utile.
26

27 Le Conseil de la défense l'a harcelée, l'a mise mal à l'aise, est-ce là le


28 niveau du contre-interrogatoire qu'il faut mener pour essayer de la
29 discréditer par-devant une Chambre ? Dans toutes ses réponses, elle est
30 restée objective, crédible en tant que témoin par-devant la Chambre. Et
31 comme elle l'a déclaré, « ADE » n'était que l'un de ses étudiants. Elle
32 était enseignante et pas seulement en 1968, tout au long des ans, elle a
33 eu des contacts avec les Rwandais, elle l'a dit ici et là. Il y en a certains
34 qu'elle considérait comme étant des membres de sa propre famille.
35 Madame le Président, Honorables Juges, c'est là un témoin crédible, un
36 témoin objectif. Je voudrais inviter la Chambre à écouter ce témoin. Elle

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1 est là non pas pour jeter l'opprobre sur certaines personnes comme le
2 veut faire apparaître la Défense mais plutôt comme une historienne
3 objective qui se rappelle l'histoire du génocide, un génocide qui a eu lieu
4 dans une toute petite nation que personne ne connaît.
5

6 Madame le Président, Honorables Juges, veuillez l'écouter, veuillez


7 écouter sa déposition. Et sur le fondement, essayez de comprendre le
8 contexte qui fonde nos allégations contre l'Accusé. Et je pense que cela
9 sera d'une grande pertinence pour la présente Chambre.
10

11 Un tout petit moment, Monsieur Kapaya voudrait prendre la parole.


12 M. KAPAYA :
13 Je vous remercie, Madame le Président, Honorables Juges. Je voudrais
14 ajouter un tout dernier point. L'objet de la comparution du docteur Des
15 Forges est de cadrer les accusations qui sont retenues contre Monsieur
16 Zigiranyirazo, l'Accusé, ou nous l'accusons, nous accusons Monsieur
17 Zigiranyirazo, nous ne sommes pas dans un acte isolé, cela apparaît
18 dans le cadre de l'évolution de l'histoire du Rwanda.
19

20 Lorsque nous parlons de (inaudible) par exemple, nous pensons qu'il y a


21 eu une entreprise criminelle commune pour éliminer les Tutsis en tant
22 que groupe ethnique. Il est important que Alison
23 Des Forges dépose sur les aspects historiques, sur les relations qui
24 existaient entre les groupes ethniques, entre ces populations. Si on se
25 penche uniquement sur l'Acte d'accusation, pourquoi quelqu'un voudrait
26 éliminer un autre groupe ethnique ? C'est Alison Des Forges qui va
27 camper le contexte dans le cadre... dans le cadre duquel ces relations
28 ont existé, dans le cadre duquel ces antagonismes entre les deux
29 groupes ethniques ont existé dans la localité. C'est dans ce cadre-là et
30 dans ce contexte qu'il était important d'avoir un sous-bassement
31 historique du conflit afin de mieux comprendre les allégations factuelles
32 de l'Acte d'accusation et leur remettre dans leur contexte.
33

34 Nous faisons valoir humblement, Madame le Président, Honorables Juges,


35 que le docteur Des Forges est très objective. Son objet principal dans sa
36 déposition par-devant ce Tribunal et pour tous les procès auparavant, et

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1 comme nous le demandons aujourd'hui, c'est de rendre justice, c'est


2 d'aider le Tribunal avec des aspects sociaux historiques en l'espèce.
3

4 Madame le Président, Honorables Juges, vous connaissez la loi en ce qui


5 concerne le génocide, mais nous pensons qu'avec la déposition du
6 docteur Des Forges, alors elle va nous apporter la partie historique pour
7 que vous puissiez interpréter les aspects juridiques.
8

9 Mme LE JUGE KHAN :


10 En ce qui concerne la partialité, comment justifiez-vous la relation du
11 docteur Des Forges avec le témoin ADE ?
12 M. KAPAYA :
13 Honorables Juges, la relation entre « ADE » et le docteur Des Forges a
14 commencé il y a très longtemps en 68, c'était un accident de l'histoire.
15 « ADE » était étudiant *************************** et le docteur Des
16 Forges y allait pour mener à bien ses recherches et études. Et c'est de
17 cette façon fortuite qu'ils sont entrés en contact l'un et l'autre.
18 Par conséquent, nous ne voyons aucune relation d'un type quelconque
19 qui se serait développée entre les deux entre 68 jusqu'à environ 1990.
20 Mme LE JUGE KHAN :
21 À un moment donné, elle s'est rendu compte que « ADE » était l'un des
22 auteurs. Et plutôt que d'aider le TPIR à l'arrêter, elle lui a conseillé de se
23 rapprocher des membres du Bureau du Procureur du TPIR.
24 M. KAPAYA :
25 Honorables Juges, c'est là comment le docteur Des Forges a démontré
26 son objectivité. Lorsqu'elle s'est rendu compte par le biais de sa
27 recherche, sa recherche au Rwanda, lorsqu'elle s'est rendu compte que
28 « ADE » aurait pu être d'une façon ou d'une autre impliqué dans certains
29 crimes et que cette personne-là est venue demander de l'aide, elle a
30 décidé de ne pas l'aider. En lieu et place, elle lui a conseillé d'aller voir le
31 TPIR, de se rapprocher du TPIR, en espérant que le TPIR suivra l'affaire.
32 Et cela est contraire à sa conscience que d'aider une personne qui en
33 son fort intérieur pense-t-elle… pense-t-elle aurait pu être coupable d'un
34 crime quelconque.
35

36 Ainsi donc, elle lui a demandé de se rapprocher du Tribunal pour que

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1 nous entreprenions les recherches nécessaires pour nous assurer si cela


2 est avéré.
3 M. LE JUGE MUTHOGA :
4 Et par la suite, elle a parlé de son implication, de ses affinités avec le
5 Procureur.
6 Mme LE JUGE KHAN :
7 Avec Monsieur Rapp en particulier.
8 M. KAPAYA :
9 Le docteur Des Forges a une expertise et elle prodigue des conseils au
10 Bureau du Procureur et à d'autres instances. Elle a été de par le monde,
11 de par les États-Unis pour apporter sa connaissance des choses comme
12 elle l'a dit. Elle nous conseille sur plusieurs points, mais nous ne sommes
13 pas tenus à l'écouter car ce n'est pas la seule personne qui prodigue des
14 conseils au Bureau du Procureur et aux autres instances du Tribunal.
15

16 Ce qu'elle ne fait pas, c'est nous dire qui condamner, qui ne pas
17 condamner, cela relève d'une cuisine interne du Bureau du Procureur.
18 Donc, ce qui est acceptable en conformité à l'Article 59 du Règlement.
19 L'on peut tirer des informations de toutes sources, y compris sources
20 émanant des experts. Nous ne voyons donc pas comment la relation
21 entre le Bureau du Procureur et Des Forges peut aller au-delà d'une
22 relation purement professionnelle.
23 Mme LE PRÉSIDENT :
24 Je vous remercie.
25

26 Nous allons donc suspendre et nous reprendrons à 16 heures.


27

28 (Suspension de l'audience : 14 h 25)

30 (Pages 34 à 74 prises et transcrites par Lydienne Priso, s.o)


31

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1 (Reprise de l’audience : 16 h30)


2

3 Mme LE PRÉSIDENT :
4 Nous allons rendre notre décision :
5

6 La Défense, conformément à l’Article 73 du Règlement, a demandé que


7 la Chambre ordonne ce qui suit :
8

9 Premièrement, que le Procureur définisse les faits sur lesquels le docteur


10 Des Forges doit témoigner.
11

12 Deuxièmement, que le Procureur définisse la base factuelle du


13 témoignage de l’expert.
14

15 Et troisièmement, qu’une audience contradictoire puisse être organisée


16 concernant la déposition du témoignage… du témoin Des Forges.
17

18 La Défense a également indiqué que la Chambre devait rejeter le


19 témoignage du témoin en qualité d’expert parce qu’elle manque
20 d’objectivité et que le Procureur doit prouver que le docteur Des Forges
21 est qualifiée pour pouvoir témoigner sur les faits dont il s’agit.
22

23 La Chambre est au courant que « Des Forges » est qualifiée et qu’elle a


24 déjà témoigné en qualité d’expert dans le cadre de plusieurs procès par-
25 devant le Tribunal. Le docteur Des Forges a fait beaucoup de recherches
26 et « il » est historienne et, surtout, connaît les faits sur l’histoire du
27 Rwanda.
28

29 La Chambre prend conscience des questions soulevées par la Défense.


30 La Chambre prend bonne note des défis soulevés par la Défense,
31 c’est-à-dire que le docteur Des Forges a fait preuve de partialité en ce
32 qui concerne ses relations avec le témoin ADE et sa coopération avec le
33 Bureau du Procureur.
34

35 S’agissant de la portée de son témoignage, la Chambre sera guidée par


36 sa pertinence dans le contexte de l’Acte d’accusation.

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 75


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

2 La Chambre considère qu’on doit traiter la question de la partialité du


3 témoin une fois qu’on aura considéré l’ensemble des éléments de preuve
4 dans son intégralité, à la fin du procès. S’agissant de l’admissibilité ou de
5 la recevabilité des éléments de preuve et du poids à accorder à ces
6 éléments, la Chambre prendra sa décision un peu plus tard.
7

8 Donc, après avoir repassé en revue tous ces éléments et examiné


9 l’expertise du témoin, la Chambre décide que le docteur Des Forges peut
10 déposer en qualité de témoin expert.
11

12 Madame le Procureur, veuillez commencer votre interrogatoire principal.


13

14 Mme KAGWI-NDUNGU:
15 Madame Des Forges, bon après-midi.
16

17 Désolée, Madame le président, avant que je n’engage mon interrogatoire


18 principal…
19 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
20 Interruption du Procureur.
21 M. KAPAYA :
22 Honorables Juges, avant que nous n’allions de l’avant, je voudrais dire,
23 par rapport à la requête de la Défense, quelque chose sur le CV du
24 témoin (sic) : Il est dit que le CV a une incidence sur le rapport de
25 l’expert ; donc, je voudrais savoir si nous devrons d’abord statuer sur
26 cette requête parce que cela a une certaine incidence sur la déposition
27 du témoin.
28 Mme LE PRÉSIDENT :
29 Nous préférerions que vous commenciez l’interrogatoire principal
30 maintenant et nous nous prononcerions un peu plus tard, après 18
31 heures, par écrit. Nous ne voulons pas perdre le temps judiciaire sur ce
32 point parce que nous nous attendons à ce que ces deux parties
33 terminent d’abord avec la déposition du témoin d’ici lundi.
34 M. KAPAYA :
35 Je vous en sais gré, Honorables Juges.
36 Mme LE JUGE KHAN :

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 76


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Monsieur Kapaya, puis-je savoir qui a confectionné ce CV du… Docteur


2 Des Forges ?
3 Mme KAGWI-NDUNGU :
4 De quel CV s’agit-il, Madame le Juge ?
5 Mme LE JUGE KHAN :
6 Le CV de l’Accusé.
7 M. LE JUGE MUTHOGA :
8 Parlez-vous de la requête ou du CV ?
9 M. KAPAYA :
10 C’est l’Accusé lui-même qui l’a préparé.
11 Me ZADUK :
12 Il s’agissait d’un entretien ; c’est la suite d’un entretien avec l’Accusé.
13 Mme LE PRÉSIDENT :
14 Il s’agit d’un extrait d’un rapport de l’enquêteur ?
15

16 Me ZADUK :
17 Oui.
18 Mme LE PRÉSIDENT :
19 Nous pourrons peut-être statuer sur cette question un peu plus tard.
20 Pour l’instant, nous aimerions que vous entamiez l’interrogatoire
21 principal.
22 M. LE JUGE MUTHOGA :
23 Je n’ai pas vu cette requête. Quelle est la teneur de cette requête ? Que
24 demandez-vous, Maître Zaduk ?
25 Me ZADUK :
26 Essentiellement, il s’agit d’une objection vis-à-vis du fait que Docteur
27 Des Forges fasse référence à une partie quelconque de la déclaration du
28 témoin (sic), parce que la déclaration elle-même est irrecevable.
29

30 Nous avons déposé cette requête hier, Honorables Juges.


31 Mme LE PRÉSIDENT :
32 Oui. Nous l’avons reçue à 13 heures et nous ne savons pas encore quel
33 est son contenu ou sa teneur.
34 Me ZADUK :
35 On y parle de la déposition du docteur Des Forges avant de « parler »
36 aux questions essentielles qui nous concernent…

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 77


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Mme LE PRÉSIDENT :
2 Si cela agrée aux deux parties, nous aimerions statuer sur cela demain.
3

4 Et nous aurons une réponse écrite peut-être un peu plus tard que nous
5 pourrons considérer après l’audience.
6 M. KAPAYA :
7 (Intervention non interprétée)
8 Mme KAGWI-NDUNGU :
9 Honorables Juges, avant d’entamer mon interrogatoire principal, je
10 voudrais vous expliquer certains documents que nous avons dans le jeu
11 de documents.
12

13 Le document qui se trouve dans le classeur…


14 M. LE JUGE MUTHOGA :
15 De quel document s’agit-il ? S’agit-il du document relié dont vous parlez
16 et celui du classeur ? Vous parlez d’un classeur, je n’ai pas encore vu de
17 classeur. S’agit-il de celui que vous aviez là, tout à l’heure ? C’est de
18 celui-ci dont il s’agit ?
19

20 Mme KAGWI-NDUNGU :
21 Oui.
22 M. LE JUGE MUTHOGA :
23 Il n’est pas bien touffu, il n’est pas volumineux en tout cas.
24 Mme KAGWI-NDUNGU :
25 Je voudrais vous expliquer ce document. Les documents qui se trouvent
26 dans ce classeur sont les documents que je vais utiliser avant de parler
27 au docteur Des Forges ; et les documents également que vous avez dans
28 l’autre jeu, c’est ceux que j’ai organisés après mon entretien avec elle.
29 Donc, nous allons les utiliser parallèlement.
30 Me PHILPOT :
31 Avons-nous reçu tous ces documents dans leur intégralité ? Parce que je
32 sais que nous avons reçu certains documents le dimanche et d’autres
33 lundi ; alors, je ne sais pas à quoi le document fait référence.
34 Mme KAGWI-NDUNGU :
35 Vous avez reçu un classeur noir ; ensuite, un document relié.
36 Mme LE PRÉSIDENT :

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 78


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Un document relié avec une page blanche ?


2 Mme KAGWI-NDUNGU :
3 (Intervention non interprétée)
4 M. LE JUGE MUTHOGA :
5 (Intervention non interprétée)
6 Me PHILPOT :
7 Je ne suis pas sûr de quel document il s’agit, je ne vois pas de quoi il
8 s’agit exactement.
9

10 Pour éviter des problèmes, est-ce qu’elle peut montrer de quoi il s’agit
11 pour que nous sachions exactement tous de quel document on parle ?
12 Mme LE PRÉSIDENT :
13 (Intervention non interprétée)
14 Me PHILPOT :
15 (Intervention non interprétée)
16 M. LE JUGE MUTHOGA :
17 (Intervention non interprétée)
18 Me PHILPOT :
19 (Intervention non interprétée)
20 M. LE JUGE MUTHOGA :
21 Êtes-vous satisfait, Maître Philpot ?
22

23 Me PHILPOT :
24 Oui, Honorables Juges. Je vous remercie. Je vous remercie.
25 M. LE JUGE MUTHOGA :
26 Ça va ?
27 Mme LE PRÉSIDENT :
28 Nous allons organiser… Nous allons tenir cette audience
29 jusqu’à 18 heures, sans pause.
30

31 INTERROGATOIRE PRINCIPAL
32 Par Mme KAGWI-NDUNGU :
33 Bonsoir, Madame Des Forges.
34 Mme DES FORGES :
35 Bonsoir.
36 Mme KAGWI-NDUNGU :

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 79


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Q. Avez-vous préparé un rapport, à la demande du Bureau du Procureur,


2 dans le cadre de votre procès… du procès contre Zigiranyirazo ?
3 Mme DES FORGES :
4 R. Oui.
5 Q. Je voudrais vous montrer un exemplaire de votre rapport…
6

7 (Problèmes techniques audio)


8

9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Nous avons encore le même problème technique de tout à l’heure. Il y a
11 le déroulement de la cassette française et ce n’est pas la traduction qui
12 se passe en ce moment en Chambre.
13

14 Il semble que le problème soit résolu.


15

16 Vous pouvez poursuivre, Madame le Procureur, ou, plutôt, commencer.


17 Mme KAGWI-NDUNGU :
18 Q. S’agit-il bien de votre rapport ?
19 R. Oui.
20 Q. Pouvez-vous indiquer à la Chambre comment est-ce que vous vous êtes
21 préparée ? Comment
22 est-ce que vous avez confectionné ce rapport ?
23 R. C’est sur la base des recherches que j’ai conduites moi-même et d’autres
24 collègues sur un certain nombre d’années.
25

26 C’est également le résultat de mon travail de plusieurs décennies en


27 qualité d’historienne lorsqu’on parle de la connaissance des questions
28 appropriées.
29

30 Il s’agit également du résultat des documents que j’ai pu obtenir soit du


31 Gouvernement rwandais soit d’autres sources. Nous parlons des
32 documents accessoires que nous avons reçus des personnes sur le
33 terrain.
34 M. LE JUGE MUTHOGA :
35 Q. Veuillez nous préciser, Madame le Témoin : Est-ce que ce document…
36 est-il signé ?

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 80


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Mme KAGWI-NDUNGU :
2 Je ne pense pas que cela soit signé. Il porte tout simplement le titre
3 « Rapport d’expert du docteur Des Forges ».
4 Mme LE JUGE KHAN :
5 Madame le Procureur, avez-vous montré ce rapport au docteur Des
6 Forges ?
7 Mme KAGWI-NDUNGU :
8 Oui. Elle a un exemplaire de ce rapport sous les yeux, Madame le Juge.
9

10 Honorables Juges, je voudrais donc verser au dossier ce document


11 comme pièce à conviction du Procureur.
12 Mme LE PRÉSIDENT :
13 Vous vous souvenez que vous deviez nous donner des photocopies de
14 certaines pièces que vous aviez versées avant la pause.
15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 Oui.
17 Mme LE PRÉSIDENT :
18 La pièce que vous venez de verser portera la cote P. 40.
19 M. MUSSA :
20 « P. 40 ».
21

22 (Admission de la pièce à conviction P. 40)


23

24 Mme KAGWI-NDUNGU :
25 Q. Hier, vous aviez indiqué que l’histoire était reliée au génocide. Et sur la
26 base des études diverses que vous avez menées et sur votre
27 connaissance en votre qualité d’expert de la crise rwandaise,
28 pourriez-vous indiquer à la Chambre si vous considérez que les
29 tendances historiques au Rwanda étaient… ont conduit à la commission
30 du génocide au Rwanda ?
31 R. En qualité… En ce qui concerne l’histoire, les historiens pensent que les
32 événements prennent source des développements du système
33 économique ou politique ainsi que des résultats de certaines situations…
34 situations temporaires. Le génocide et les événements historiques ne
35 sont pas différents. Ils nous montrent qu’il y a une certaine tendance ou
36 certaines tendances qui ont été enregistrées, et cela est également le

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 81


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 résultat immédiat d’une certaine crise. Et, bien sûr, cela tranche un peu
2 avec ce qui s’est passé pendant d’autres périodes.
3 Q. Pensez-vous qu’il y a eu une différence entre ce qui s’est passé lors de la
4 période précoloniale et ce qui s’est passé en 1994 ?
5 R. Il y a une certaine continuité des faits.
6

7 Je voudrais d’abord relever le problème de… les trois thèses de


8 communication par rapport aux hiérarchies observées dans la société.
9 Parfois, on dit que les autorités (sic) acceptent l’autorité… que les
10 Rwandais obéissent toujours aux autorités. Ce n’est pas ce que je dis
11 maintenant.
12

13 Je veux déclarer que les Rwandais comprennent la communication qui


14 existe entre les hauts lieux… le niveau supérieur et la base ; on
15 comprend comment est-ce que les différents canaux de communication
16 fonctionnent depuis le haut jusqu’au bas, jusqu’à la base. Et les gens,
17 même à la base, peuvent prendre leurs décisions en fonction des
18 événements et des sanctions éventuels qui leur sont présentés.
19

20 Je vais vous donner un exemple de ce que je déclare : Pendant le


21 génocide… Ou… Oui. Pendant le génocide, les structures ordinaires du
22 pouvoir du système bureaucratique « a » continué à fonctionner de
23 manière spectaculaire. Des ordres pouvaient être donnés depuis le
24 sommet, que ce soit le Président ou le Premier Ministre, et ces ordres
25 sont transférés très rapidement à la base.
26

27 Je vais vous donner également un exemple des ordres concernant, par


28 exemple, l’organisation de ce qu’on appelait « les comités de sécurité »
29 ou les « conseils de sécurité » : Lorsqu’on… Avec… Après le génocide…
30 Ce qui est surprenant, ce sont les rapports ou les procès-verbaux des
31 réunions qui ont eu lieu pendant le génocide au niveau de ces comités
32 de sécurité. Les autorités continuaient de se correspondre et il y avait
33 même ces correspondances qui étaient en trois exemplaires — même en
34 temps normal, sans compter en temps de crise… Donc, ce genre de
35 communication et l’utilisation spectaculaire de la radio pour pouvoir
36 intensifier la transmission des directives, cela a pu nous permettre de

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 82


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 retracer un peu l’existence de ce genre de documents.


2

3 Un autre point que je voudrais soulever à cet égard, c’est la forme ou la


4 structure officielle de pouvoir. Vous avez une structure qui fonctionne et,
5 à côté de cette structure, il y avait également un système parallèle et
6 qui… (inaudible) et qui était parfois distinct, séparé, et qui marchait
7 également. Et ce système parallèle était basé sur l’établissement des
8 relations personnelles.
9

10 Par exemple, vous pouviez avoir quelqu’un dont le poids dans le système
11 était disproportionné par rapport à son rang dans le système formel. Il y
12 a eu des cas où des officiers militaires subalternes pouvaient donner des
13 ordres, des ordres qui étaient conflictuels, ou pouvaient ne pas obéir aux
14 ordres reçus de leurs supérieurs. Et pourquoi ? Parce qu’ils avaient ce
15 réseau, ce système de pouvoir personnel qui leur permettait de
16 fonctionner de manière autonome. Et donc, les relations professionnelles
17 ont continué à assumer une certaine importance, même en période de
18 crise. Et cela a parfois abouti à certains résultats dans des institutions
19 officielles et selon des conséquences (sic) qui étaient vraiment difficiles à
20 être comprises… prises individuellement.
21

22 Donc, d’un côté, nous avons une communication intense entre certaines
23 personnes et… d’un côté, et, de l’autre, un système parallèle de
24 connaissances de l’autre… Donc, ces relations personnelles étaient
25 organisées sur ce que nous pourrions appeler « un système de
26 clientélisme » : Des gens qui ont un grand pouvoir, qui offraient leur
27 protection, qui offrent même des avantages, que ce soit formel ou
28 informel, à des personnes qui détenaient moins de pouvoir et qui, en
29 retour, leur offraient leur loyauté et leurs services aux personnes qui
30 étaient au-dessus d’elles. Et ceci est devenu une caractéristique très
31 importante pendant la période du génocide.
32 Q. En ce qui concerne ces réseaux personnels constituant le clientélisme,
33 pouvez-vous expliquer à la Chambre si cela avait une structure datant de
34 la période précoloniale ?
35 R. Le système de clientélisme était bien établi au Rwanda avant l’arrivée de
36 l’administration coloniale. À l’intérieur de chaque groupe… (inaudible) et

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 83


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 à travers les deux groupes (inaudible), il y a un système de clientélisme


2 qui s’opérait parmi les Tutsis. Nous pouvons identifier d’autres systèmes
3 de clientélisme opérant au sein des Hutus. Et puis, il y a certains
4 systèmes de clientélisme qui coupent… qui recoupent les deux ethnies.
5 Ainsi, certains Hutus pouvaient exercer leur influence sur leurs
6 subordonnés.
7

8 Le clientélisme dont on parle au Rwanda comprenait les vaches. Mais


9 s’agissant du clientélisme chez les Hutus, la considération n’était pas le
10 bétail, mais plutôt la terre, parce que c’étaient des sociétés agraires. Les
11 gens ont des lignées qui contrôlaient la terre et l’utilisation de la terre à
12 des gens qui sont devenus leurs clients et qui rendent des services et
13 leur doivent allégeance.
14 Mme LE PRÉSIDENT :
15 Je vais poser une question avant que vous n’alliez plus loin.
16 Q. N’y a-t-il pas une contradiction entre le fait que des ordres étaient suivis
17 et, en même temps, on peut dire que… les gens peuvent désobéir aux
18 ordres en raison des réseaux d’affinités ? Comment est-ce que cela
19 fonctionne, ce système organique, ce système organique de relations
20 personnelles ?
21

22 Vous nous indiquez qu’il y a une différence du système de réseaux,


23 d’une part, entre Hutus et, d’autre part, entre Tutsis et qu’ils ne se
24 « mariaient » pas entre eux.
25 R. Je vous remercie, Madame le Juge, pour me donner l’occasion d’expliquer
26 davantage mes propos.
27 La question est de savoir ce qui est plus important : La structure formelle
28 ou la structure informelle ?
29

30 Si vous prenez le pays dans son ensemble et tout au long de la période


31 du génocide, il faut donner une réponse en raison des dynamiques
32 locales ou de la politique locale. Je dirais plutôt : La dynamique locale a
33 affecté les événements dans une certaine mesure.
34

35 Vous avez certaines situations où le système informel et le système


36 formel ont fusionné, notamment les autorités militaires travaillant de

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 84


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 concert avec les fils de personnalités influentes. Mais dans le cas où il y


2 avait des litiges, ils peuvent se combattre avec un niveau très élevé de
3 violence en raison des litiges entre Hutus eux-mêmes … peut les amener
4 à avoir des disputes entre eux. La démonstration de la virulence contre
5 les Tutsis doit… est démontrée par qui a plus d’influence : Prouver que
6 vous êtes le meilleur défenseur des Hutus est celui qui « à même… » est
7 prédisposé à éliminer les Tutsis. Et ceci peut vous attirer des relations
8 ethniques et devenir un dénominateur commun entre les gens. C’est ce
9 qui s’est passé.
10

11 Je ne peux pas vous donner une réponse plus précise, mais c’est un
12 phénomène éminemment compliqué.
13

14 S’agissant du système clientélisme, je ne voudrais pas vous donner


15 l’impression qu’il n’y avait pas d’interaction, parce qu’il y avait eu des
16 mariages mixtes entre les deux groupes ethniques, mais j’essayais de
17 faire une distinction parce que plusieurs érudits parlent de clientélisme
18 pour signifier que c’était l’apanage des Tutsis pour subjuguer les Hutus.
19 Ça n’a pas été toujours comme ça. Il y avait des Tutsis puissants qui
20 contrôlaient des Tutsis moins puissants, de la même manière qu’il y a
21 des Hutus très puissants qui subjuguaient des Hutus moins puissants.
22 Tout ceci se passait simultanément.
23

24 Dans le Nord-ouest, par exemple, où il y a eu très peu de résidants


25 tutsis, il y a le clientélisme entre Hutus ; c’est un mécanisme du pouvoir
26 entre Hutus, jusqu’à l’imposition du contrôle extérieur exercé par les
27 Tutsis avant l’arrivée des « colonialismes »…
28 Mme KAGWI-NDUNGU :
29 Q. À la page 1 de votre rapport, vous avez discuté… parlé du Rwanda
30 au XVIIIe siècle ; y avait-il une forme d’autonomie qui prévalait à cette
31 époque-là ?
32 R. Le Rwanda est inhabituel parmi les pays africains modernes, parce que
33 le Rwanda n’avait pas les mêmes frontières qu’à l’époque précoloniale.
34 Sous le règne du Rwabugiri, le Rwanda s’orientait vers le système
35 centralisé de pouvoir. Il y avait des poches d’autonomie, des zones
36 dominées par des Hutus ; il y avait des poches de domination tutsie

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1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 également qui n’ont pas accepté complètement la domination du


2 système central. Lorsque les colons sont arrivés, ils ont créé une
3 collaboration avec la Cour centrale afin d’écraser ces incongruités dans
4 le système et de rendre le système uniforme et plus dirigé à partir du
5 Centre.
6 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre : Ceux qui habitent aujourd’hui au
7 Rwanda…
8 R. La population « actuelle » du Rwanda, du Nord-ouest du Rwanda, sauf
9 pour des régions forestières, la population était à prédominance… ce que
10 nous appelons « à prédominance hutue ». Sauf pour les éleveurs tutsis
11 qui gardaient leurs animaux dans les forêts, il y avait très peu de Tutsis
12 dans cette région. Ce qui a fait la différence au cours de la période
13 coloniale, c’est qu’en puisant sur le pouvoir militaire et économique de
14 l’administration coloniale, la Cour centrale a élargi ou a étendu son règne
15 et a subjugué les Hutus du Nord-ouest.
16 Q. S’agissant de cette même région du Nord-ouest du Rwanda, y avait-il un
17 royaume qui existait dans cette région ?
18 R. Au début de la période coloniale, il y avait un certain nombre de zones
19 autonomes que l’on peut décrire comme de petits États qui partagent les
20 mêmes caractéristiques dans leur système de règne, probablement
21 parce que la Cour centrale… parce qu’ils dérivaient du système de la
22 Cour centrale.
23 Q. S’agissant de Giciye et de Karago, y a-t-il des royaumes dans cette
24 région ?
25 R. Ce « qui est devenu » les communes de Giciye et de Garago et des zones
26 avoisinantes ? Il y avait une région connue comme Bushiro, contrôlée par
27 ses propres dirigeants sur une base relativement autonome jusqu'aux
28 années 1920.
29 Q. Quel était le système agraire en vigueur au Bushiro ?
30 R. C'est un système où il y a des puissants qui contrôlaient les terres, qui
31 s'appelaient des Ubukonde et qui avaient le droit d'installer d'autres sur
32 ces terres et qui se sont incorporés à leur tour dans l'unité socio-
33 économique de leur lignée.
34 M. LE JUGE MUTHOGA :
35 Q. Madame Des Forges, quelle partie définissez-vous comme la région du
36 Nord-ouest du Rwanda ? Qu'est-ce que vous incluez dans cette partie du

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 86


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Rwanda ?
2 R. C'est une très bonne question. Cela correspond à peu près aux trois
3 préfectures : Gisenyi à l'ouest ; Ruhengeri vers l'est et le centre ; et
4 Byumba à l'extrême-est avec des différences significatives.
5

6 Les deux préfectures du Nord... Pardon ?


7

8 « Ruhengeri » : R-U-H-E-N-G-E-R-I ; « Gisenyi » : G-I-SE-N-Y-I.


9

10 Ce sont là les deux préfectures qui ont les populations les plus denses et
11 qui disposaient de la structure que je décrivais.
12 Q. Byumba et Mutara se trouveraient...
13 R. Byumba et Mutara seraient vers la région Est. Mais ce sont des régions
14 du Nord au sens géographique ; mais au sens économique, il y a des
15 différences qui font que le Mutara et le Byumba sont densément peuplés
16 et qui « contient... comprend » des zones d'élevage plutôt que des zones
17 d'agriculture.
18

19 Mon commentaire sera dirigé sur Gisenyi et Ruhengeri.


20 M. LE JUGE MUTHOGA :
21 Poursuivez.
22 Mme KAGWI-NDUNGU :
23 Q. Nous parlions du royaume du Bushiro ; est-ce qu'il y avait une Cour
24 royale dans ce royaume ?
25 R. Il y avait une structure étatique avec un chef central attaché à cette
26 région. Oui, il y avait une Cour.
27 Mme LE PRÉSIDENT :
28 Q. Désolée, c'est peut-être... ce serait peut-être une répétition : Ce que
29 vous décrivez concerne Gisenyi, Ruhengeri, Byumba et Mutara ?
30 R. C'est plus réduit que cela : C'est dans « l'emprise » de Gisenyi actuelle et
31 même pas tout cela, dans la partie Sud-est de la préfecture actuelle de
32 Gisenyi.
33 Mme KAGWI-NDUNGU :
34 Q. Comment décrivez-vous le fonctionnement de pouvoir politique dans ce
35 royaume de Bushiro ?
36 R. Le pouvoir est exercé par lignées et, au-dessus de ces lignées, il y avait

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 87


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 des chefs supérieurs. À la période coloniale, il y avait l'imposition des


2 groupes tutsis dans cette région avec le déplacement forcé du chef qui
3 s'appelait Nyamwaka — N-Y-A-B…-W-A (sic) — qui a été remplacé par la
4 structure centrale du pouvoir qui était un Tutsi et ses subordonnées.
5 M. LE JUGE MUTHOGA :
6 Q. C'est au cours de quelle période, Madame ?
7 R. Ceci est bien tard. C'est à l'époque coloniale, au cours des années 1920.
8

9 À cet égard, il y avait eu des changements dans la dynamique du


10 pouvoir au niveau local avec l'arrivée et l'imposition d'une nouvelle élite.
11 Il y a eu un chambardement dans la structure du pouvoir et les gens ont
12 établi leurs propres relations de clientélisme avec les Tutsis. Vous avez
13 des lignées hutues qui n'étaient pas très puissantes auparavant par
14 rapport à leurs terres, ils sont devenus plus puissants en raison de leurs
15 relations avec les chefs tutsis installés.
16 Mme KAGWI-NDUNGU :
17 Q. Au cours de la période post-coloniale au Rwanda, est-ce que ce système
18 de clientélisme a toujours perduré ?
19 R. Dans un sens informel, les structures sont toujours opérationnelles, et
20 même en termes techniques et juridiques. Le système agro-foncier que
21 j'ai décrit — « Ubukonde » — a été aboli en décembre 2005, donc,
22 seulement il y a quelques mois.
23

24 Il y avait d'autres tentatives de remettre ça en cause dans le cadre de la


25 révolution de 1959 et après. Mais le pouvoir central du Nord-ouest s'était
26 protégé. Et ce système agraire a prévalu dans cette région jusqu'à il y a
27 deux mois.
28 Q. Pouvez-vous nous épeler « Ubukonde » ?
29 R. U-B-U-K-O-N-D-E.
30 Q. Pouvez-vous décrire à la Chambre en quoi consistait ce système foncier ?
31 R. C'est un système par lequel ceux qui ont défriché la terre avaient le droit
32 de l'utiliser, par rapport à ceux qui sont à l'extérieur de la lignée, en
33 retour aux services et aux produits agricoles.
34 Mme LE PRÉSIDENT :
35 Q. Pour devenir propriétaire foncier, est-ce que c'était normal ? Est-ce que
36 le propriétaire foncier ne pouvait pas céder sa propriété foncière ?

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 88


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 R. Madame le Juge… Madame la présidente, l'introduction de l'économie


2 monétaire est arrivée tardivement, suite à l'expérience coloniale. Ainsi,
3 ce serait après les années 1920 qu'on pouvait céder sa propriété
4 foncière.
5

6 L'achat de la terre sous l'administration coloniale était limité aux zones


7 urbaines. Il n'y avait pas de zones urbaines de l'époque dont nous
8 parlions, en ce sens « que » l'on pouvait acheter ou vendre la terre.
9

10 La réforme agraire actuelle qui est en train d'être mise en œuvre au


11 Rwanda va permettre, pour la première fois, l'enregistrement des terres
12 dans le système des domaines. Et ceci sera un changement
13 révolutionnaire à bien des égards.
14 Mme KAGWI-NDUNGU :
15 Q. Et connaissiez-vous bien la famille de Zigiranyirazo ?
16 M. LE JUGE MUTHOGA :
17 Qu'est-ce que vous entendez dire par cette question ?
18 Mme KAGWI-NDUNGU :
19 Est-ce que vous êtes familière avec la lignée familiale de Zigiranyirazo ?
20 M. LE JUGE MUTHOGA :
21 Est-ce « qu'il » les connaît ou bien... Est-ce qu'elle les connaît ou bien
22 est-ce qu'elle les a étudiés ? Quand vous demandez à une personne si
23 elle est familière avec une famille, est-ce que cela veut dire qu'elle a
24 vécu avec cette famille, et donc elle connaît la descendance, ou bien
25 vous les connaissez en les étudiant ? Lequel entendez-vous dire ?
26 Mme KAGWI-NDUNGU :
27 Je vais reformuler ma question.
28

29 Q. « Fondée » sur vos études de la région et de vos connaissances d'expert,


30 pouvez-vous dire à la Chambre si vous êtes familière avec le genre de
31 lignée ou la descendance de l'Accusé ?
32 M. LE JUGE MUTHOGA :
33 De façon « dérogative » ou « diffamatoire » ?
34 Mme KAGWI-NDUNGU :
35 Q. (Intervention non interprétée)
36 R. Leur statut familial ?

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 89


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Q. (Intervention non interprétée)


2 R. Tel que je l'ai compris, l'histoire de cette famille descend de la lignée des
3 Ubukonde, c'est-à-dire des propriétaires terriens, mais ne figurant pas
4 parmi les très riches propriétaires fonciers. Mais c'était une famille assez
5 prospère pour pouvoir assurer l'éducation, dans le sens européen, de
6 certains de ses fils. Pas les filles, qui ne valaient pas grand-chose, mais
7 les fils ont acquis les compétences techniques modernes pour rendre
8 service à l'élite tutsie et à l'administration coloniale qui était au-dessus
9 des Tutsis.
10 Q. Êtes-vous familière... Je reformule ma question : Est-ce que cette famille
11 détient son pouvoir par d'autres moyens ?
12 R. En dehors de la propriété foncière, les relations entre l'un de ses fils et
13 les sous-chefs tutsis étaient une source importante de pouvoir — en
14 dehors de la possession des propriétés foncières qui leur conféraient un
15 pouvoir certain.
16 Q. Et qui était ce fils ?
17 R. Le fils dont je parle s'appelait Magera.
18 Q. Quelle était sa relation avec l'Accusé ?
19 R. Il était le père de l'Accusé…
20 Me PHILPOT :
21 (Intervention non interprétée)
22 Mme LE PRÉSIDENT :
23 Oui ?
24 Me PHILPOT :
25 (Intervention non interprétée)
26 Mme LE PRÉSIDENT :
27 Vous avez la parole.
28 Me PHILPOT :
29 Au cours de notre plaidoirie, et cela, relativement à notre requête, nous
30 avons mis l'accent sur le fait qu'il fallait rester dans le cadre du rapport.
31 Je n'ai pas une connaissance complète du rapport — je n'ai pas fait
32 d'objection jusqu'ici — mais la plupart des éléments qui nous ont été
33 soumis ne figurent pas dans le rapport.
34

35 Je ne voudrais pas faire obstruction.


36

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 90


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Cependant, ce détail sur Monsieur Magera… — je suis désolé, Docteur


2 Des Forges, si je me
3 trompe — ce détail n'apparaît pas dans le rapport et non plus le système
4 de propriété foncière dans la région.
5

6 Je voudrais donc soulever une objection et la Chambre, à son tour, doit


7 statuer.
8 Mme KAGWI-NDUNGU :
9 Madame le Président, Honorables Juges, le témoin a remis son rapport ;
10 ce rapport ne sert que de base, tout comme toute autre déclaration,
11 pour en extirper les éléments de preuve.
12

13 Au cours de sa déposition, tout ce qu'elle dit est tiré de son rapport ; elle
14 ne doit donc pas se limiter au rapport.
15

16 Je pense que la Défense aurait dû s'imprégner du rapport.


17 Mme LE JUGE KHAN :
18 Pouvez-vous nous indiquer le passage du rapport auquel vous faites
19 référence ?
20 Mme KAGWI-NDUNGU :
21 Je parle de la première partie, première partie relative au Rwanda :
22 « (Inaudible) sophistiquée et stratifiée ».
23 Mme LE PRÉSIDENT :
24 La référence au père de l'Accusé ?
25 Mme KAGWI-NDUNGU :
26 Je passe à la fin du rapport en page 33... Oui. La page 32 — plutôt.
27 Me PHILPOT :
28 Je voudrais faire une objection formelle à ce niveau car tous ces points
29 émanent du CV.
30

31 Nous pouvons en parler demain, nous pouvons le faire demain.


32

33 Pour ce qui est de la première partie — « Le Rwanda, société


34 sophistiquée et stratifiée » —, l'on n'y parle pas de la région de Bushiro
35 — et j'en passe !
36 R. Je pense que c'est là, de façon générale, ce que j'ai dit lorsque j'ai parlé

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 91


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 des changements politiques et administratifs et, également, comment


2 l'administration a déplacé les autorités hutues pour les faire remplacer
3 par des Tutsis — en fin de page 2, donc : « Tous les privilèges accordés
4 aux Tutsis ».
5

6 Et l'aspect de clientélisme apparaît en page 1, dans le paragraphe


7 intitulé : « État sophistiqué ».
8

9 Et l'organisation de hiérarchie est également prise en compte dans le


10 rapport.
11

12 Me PHILPOT :
13 Ce que je dis ici — je ne veux pas faire obstruction ; encore une fois,
14 c'est que je n'ai pas soulevé d'objection auparavant car… —, lorsque l'on
15 a parlé de la région de Bushiro, je n'ai rien vu sur ce point — à moins que
16 je ne me trompe —, tout comme lorsque l'on a parlé du système foncier
17 et toutes ces parties-là qui sont apparues lors de votre déposition.
18 Mme LE PRÉSIDENT :
19 Q. La distinction entre les régions, Madame le Témoin, pourriez-vous nous
20 guider et nous expliciter cela ?
21 R. Madame le Président, la description des différences qui existent entre les
22 régions est prise en compte dans une « période moderne », en fin de
23 page 4 ; on a mis l'accent sur les différences sous-jacentes pour les
24 conflits entre l'élite du Nord-ouest qui a su supplanter la Ire République et
25 est devenue le pouvoir en place pour la IIe République.
26

27 L'on ne pouvait comprendre cette dynamique régionale si vous ne


28 comprenez pas que les Hutus du Nord-ouest se considéraient comme
29 étant essentiels au pouvoir jusqu'à ce qu'ils soient supplantés par les
30 Tutsis et avec l'avènement du colonialisme.
31 Me PHILPOT :
32 Pour répondre à cela, tout d'abord, les portions auxquelles Docteur Des
33 Forges se réfère traitent des XVIe, XVIIe siècles. Cela est tout à fait
34 nouveau pour moi — je ne puis pas y répondre ! — et cela n'est pas
35 allégué dans l'Acte d'accusation.
36

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 92


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Je voudrais donc demander que le témoignage se cadre sur l'Acte


2 d'accusation. Et je pense que la Chambre a déjà statué sur ces
3 questions, et cela, relativement à la pertinence des preuves.
4 Mme KAGWI-NDUNGU :
5 Madame le Président, Honorables Juges, nous parlons de la portée de la
6 déposition du témoin, nous avons présenté le contexte — et nous
7 demandons à la Défense de reconnaître tout cela —, nous avons pour
8 devoir de présenter les éléments de preuve à la Chambre. Tous ces
9 éléments sont compris dans le rapport. Un témoin expert se fonde sur
10 son rapport et également sur sa « déposition » au cours de son
11 interrogatoire principal et de son contre-interrogatoire. Je voudrais donc
12 que la Chambre m'autorise à poursuivre.
13 Mme LE PRÉSIDENT :
14 Même si tout cela est intéressant, quel est le corollaire avec l'Acte
15 d'accusation ? Pourquoi avez-vous besoin de cette information ? Et
16 pourquoi voulez-vous la fournir à la Chambre ?
17 Mme KAGWI-NDUNGU :
18 Nous sommes obligés de vous donner le contexte, le contexte des
19 réseaux de facto et informel. Nous ne pouvons pas le faire si nous ne
20 vous donnons pas l’origine. Nous ne pouvons pas, comme ça, tout de
21 (inaudible), vous l'expliquer sans le remettre dans le contexte ; cela fait
22 partie de la déposition. Mais nous étions sur le point d'avancer et de
23 passer à autre chose.
24 M. LE JUGE MUTHOGA :
25 Jusque là, je ne comprends pas encore comment cela est relié à l'Acte
26 d'accusation. Quel... Qu'y a-t-il dans l'Acte d'accusation qui peut être
27 prouvé sur la base de la véracité ou non de ce qu'elle dit, et vice versa ?
28 Mme KAGWI-NDUNGU :
29 Honorables Juges, la question que je vais poser à présent va mettre la
30 lumière sur cela et la Chambre comprendra aisément pourquoi je pose
31 ces questions.
32 M. LE JUGE MUTHOGA :
33 Nous allons donc vous écouter avant que nous ne statuions.
34 R. Je voudrais faire un rappel en matière d'histoire : Les structures du
35 pouvoir — comme je les ai décrites pour répondre à la première
36 question : Quelle est la pertinence de l'histoire ? S'entend…

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 93


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Mme LE PRÉSIDENT :
2 Nous ne mettons pas en doute la pertinence de l'histoire. La Défense
3 remet en cause et en doute le fait de savoir si nous avons besoin de
4 cette information — pas qu'elle soit importante ou non, de façon
5 générale —, si cela est pertinent en l'espèce.
6

7 Mais le Procureur nous a promis que dans les deux ou trois prochaines
8 questions qu'elle va poser, qu'elle pourra établir le corollaire entre les
9 deux.
10 Mme KAGWI-NDUNGU :
11 Q. Connaissiez-vous... Connaissez-vous la famille de Habyarimana ? Non !
12 Non. Non. Je vais y aller directement : Quel parallèle le système de
13 clientélisme et… Dans le cadre de ces systèmes de propriétés foncières,
14 quel est le corollaire qui existe donc avec la IIe République ?
15 R. L'existence d'une conscientisation très forte, comme étant les peuples
16 du Bushiro et comme ayant le désir de partager le pouvoir au niveau
17 national, est « sous-jacent » des dynamiques de 1970 et des années 80.
18 Et tout particulièrement la déroute de la Ire République, l'installation de
19 Habyarimana, le fils du Cishuru (sic) sont représentants, d'une certaine
20 façon, des familles très puissantes du
21 Nord-ouest.
22

23 La révolution de 1959 qui a été conclue par la monarchie tutsie a été le


24 résultat du Centre et du
25 Nord-ouest ; et c'est le Centre qui a pris la plus grande part. Mais
26 en 1973, le Nord-ouest en avait assez et c'était là le contexte dans lequel
27 a eu lieu le coup… qui a dérouté Kayibanda et installé Juvénal
28 Habyarimana au poste de... au rang de chef d'État.
29

30 La prédominance de cette élite du Nord-ouest s'est poursuivie sous


31 l'égide ou sous l'ère Habyarimana. Et la violence que nous avons connue
32 dans les années 90 était en partie une réaction de la lutte des
33 populations du Centre et du Sud ; des Hutus, mais également des Tutsis,
34 pour lutter contre la prédominance du Nord-ouest.
35

36 Vous comprenez donc que… cette violence à partir du moment où vous

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 94


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 comprenez les rivalités qui existaient entre ces régions et, également, la
2 très grande sensibilité que le groupe du Nord-ouest avait que… de
3 perdre le contrôle sur les Tutsis mais également sur les Hutus du Sud.
4

5 Ainsi donc, le génocide est apparu de cette façon. Il avait été prémédité.
6 Les Tutsis sont devenus la bête noire des luttes internes au sein des
7 Hutus du Nord-ouest et du Centre. C'est là une connexion établie pour
8 démontrer que les violences des années 80...
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Q. Pourquoi cette lutte était-elle nécessaire au sein des Hutus ?
11 R. Madame le président, je ne pense pas que cela soit nécessaire. Dans les
12 dynamiques politiques, il s'agit là de la disponibilité de ces ressources
13 potentielles pour régler les problèmes de compétitions politiques… Cela
14 est apparu en 1973, lorsque le Nord-ouest a repris le pouvoir aux Hutus
15 du Sud et du Centre. Ils l'ont fait après des périodes de discrimination et
16 parfois de violence ; mais, même si cette violence est exagérée, l'on
17 parle de milliers de personnes qui ont été tuées et ce sont les Tutsis qui
18 ont beaucoup souffert. Et c'est cela qui a donné à Habyarimana l'excuse
19 de s'insurger et de reprendre l'État... les rênes du pays.
20

21 En 1990, les choses étaient beaucoup plus compliquées car il y avait une
22 invasion extérieure à prédominance tutsie ; et la cible était plus
23 intéressante car chaque partie essayait de prouver son grand
24 engagement aux révolutions du passé en exerçant des actes de violence
25 sur les Tutsis.
26 Mme KAGWI-NDUNGU :
27 Q. Une autre question sur le royaume Bushiro : Dans ce royaume, les
28 femmes avaient-elles un pouvoir, un pouvoir important ?
29 R. Les femmes jouaient un rôle au sens économique car elles avaient la
30 charge de leur foyer. Et, en outre, en connexion avec les dirigeants, la
31 mère était dans une situation privilégiée. Au début
32 du XXe siècle, la reine mère a joué un rôle très important en politique. Et
33 c'est là le parallèle que l'on peut établir avec le rôle qui avait été joué
34 par l'épouse du Président. La femme du Président joue un rôle souvent
35 très important ; mais au Rwanda, il y a cette tradition : Une femme
36 importante en Cour qui joue un rôle important, et cela, par le biais d'une

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 95


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 connaissance homme.
2

3 Lorsque j'ai commencé à étudier cela dans les années 90, le surnom que
4 l'on donnait à l'épouse du Président était Kanjogera, c'était le nom de la
5 reine mère. C'était une reine mère très importante et une reine mère qui
6 avait exercé son contrôle par le biais de ses frères... par le biais de ses
7 deux frères.
8

9 Et je pense que lorsque les Rwandais lui ont donné ce surnom, c'était
10 non seulement une référence à elle, mais une référence à toute une
11 situation politique d'une femme très puissante qui exerçait son contrôle,
12 en partie, par l'entremise de ses frères.
13 Q. Pourriez-vous épeler le nom « Kanjogera » ? Cela aux fins du procès-
14 verbal.
15 R. K-A-N-J-O-G-A-R-A (sic).
16 Q. Je vous remercie.
17

18 Quel type de pouvoir détenait la famille de Habyarimana ?


19 R. La famille de Habyarimana était beaucoup moins puissante que la famille
20 de son épouse, en partie car son père n'était pas originaire de Bushiro, il
21 venait d'ailleurs, et il s'est installé dans la traite des noirs. Je pense qu'il
22 travaillait chez les missionnaires qui se sont installés vers 1920. Donc,
23 c'était un orthodoxe. C'était une nouvelle source de pouvoir peu usité,
24 comme je l'ai expliqué, qui émanait du pouvoir colonial.
25

26 Ensuite, cela a été multiplié et il est devenu une autorité militaire. Il a pu


27 le faire en gravissant les échelons des forces militaires coloniales
28 organisées. Et il est devenu l'autorité militaire la plus importante de sa
29 génération dans l'armée rwandaise après l'indépendance.
30

31 Et c'est cette fusion, cette combinaison de pouvoirs qui fait de cette


32 région... de cette famille… prédominante dans la région et, pendant très
33 longtemps, la famille prédominante de toute la nation.
34 Q. Nous allons passer au Rwanda colonial ou à un autre domaine : Veuillez
35 dire à la Chambre ce qui étaient les signes les plus importants pour le
36 repérage de l'identité ethnique.

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 96


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1 R. L'administration coloniale a donc trouvé cet État dominé par les Tutsis
2 comme étant une structure très malléable et elle a voulu le faire… ils ont
3 éliminé du pouvoir ces paquets autonomes, les Bushiro, d'autres Hutus
4 et des femmes qui détenaient le pouvoir — avec l'avènement du régime
5 colonial. C'est ce qui s'est passé jusqu'à l'indépendance.
6 Mme LE PRÉSIDENT :
7 Q. Docteur Des Forges, il y a quelque moment, vous avez dit que seuls les
8 hommes avaient droit à l'éducation, les femmes ne comptaient pas, alors
9 que maintenant vous dites que les femmes étaient importantes. Veuillez
10 expliciter cela.
11 R. Les femmes étaient importantes, Madame le Président, dans la société
12 avant l'avènement de l'administration coloniale et après « les »
13 indépendances.
14

15 L'administration européenne coloniale était une administration blanche,


16 masculine, elle n'était pas féminine ; et l'accès aux écoles élitistes qui
17 préparaient les Rwandais à servir l'administration n'était pas
18 « ouvertes » aux femmes et, généralement, pas aux Hutus également. Et
19 c'est de cette façon que l'administration coloniale s'est retrouvée à
20 multiplier sa structure à des Tutsis, et tout particulièrement dans des
21 domaines dominés par les hommes.
22 Mme KAGWI-NDUNGU :
23 Q. Vous parliez... Vous nous avez dit quel était l’insigne le plus important de
24 l’identité ethnique comme faisant partie de ses efforts…
25 R. Dans le cas de ses efforts pour réserver le pouvoir aux Tutsis,
26 l’administration coloniale devait savoir comment reconnaître les Tutsis et
27 ceux qui ne l’étaient pas. Cela n’était pas facile. Les catégories étaient
28 fluides, ambiguës, à l’exception d’une catégorie : Celle de Bushiro où
29 vous saviez que c’était là une résidence tutsie. Mais dans d’autres zones
30 du pays, ce n’était pas aussi facile car le mariage interethnique disait
31 que les traits ethniques n’étaient pas le meilleur guide pour la...
32 (inaudible) ethnique. Ce qu’ils ont fait, ils ont établi un système sur
33 papier.
34

35 C’était une société bien bureaucratique où l’identité des personnes était


36 décidée une bonne fois pour toute ; et c’est ce qui a amené toute la

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1 question de l’identité ethnique, qui l’a rendue beaucoup plus rigide,


2 beaucoup plus ferme qu’auparavant. Vous ne pouviez en aucune façon
3 changer vos papiers d’identité car c’était devenu un papier, cela ne vous
4 permettait plus de passer d’une catégorie à une autre.
5

6 Au cours de l’administration coloniale, ces cartes étaient la clé au


7 succès, et cela, pour les Tutsis ; c’est cette carte qui vous permettait
8 d’aller à l’école, qui vous permettait de trouver un emploi également.
9

10 Après la révolution de 1959, les cartes d’identité ont été maintenues,


11 mais ce sont… les signes ont changé et ce qui était « plus » est devenu
12 « moins » et, ainsi donc, les personnes qui étaient détentrices de ces
13 cartes faisaient l’objet de discrimination. Et la forme finale de cette
14 dynamique a eu lieu avec le génocide en tant que tel, lorsque les cartes
15 sont devenues l’extrait de décès qui a permis de sélectionner les Tutsis
16 aux fins de les massacrer.
17 Q. Avant de poursuivre dans ce sens, un peu plus tôt, vous nous avez parlé
18 de l’historique de la famille de Zigiranyirazo et de Habyarimana ; de
19 quelle source tenez-vous ces informations ?
20 R. C’est là une information que j’ai obtenue d’une grande variété de
21 sources au début des années 90, lorsque les gens ont commencé à
22 parler du contrôle exclusif grandissant du Nord-ouest et lorsqu’ils ont
23 parlé également des personnes qui détenaient ce contrôle, qui...
24 (inaudible). C’était dans la presse — lorsque la presse a été multipliée,
25 qu’elle était beaucoup plus critique — et c’est quelque chose qui se
26 disait au sein des Rwandais très fréquemment. Donc, il me serait difficile
27 d’identifier avec précision mes sources d’information, mais c’est là une
28 information que je détiens depuis très longtemps.
29 M. LE JUGE MUTHOGA :
30 Q. Cela… Cette information est-elle documentée quelque part ?
31 R. Honorable Juge, je pense que oui, l’on en parle dans des sources
32 secondaires assez nombreuses et dans le travail Filipp Reyntjens, dans le
33 livre de Jean Gasana. Je pourrais spécifier ces références spécifiques le
34 cas échéant et je vous tiendrai informés.
35 Mme KAGWI-NDUNGU :
36 Q. Nous parlions de l’identité ethnique ; vous venez de nous dire comment

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1 cela était, comment cela a été utilisé au Rwanda au cours du génocide.


2 Nous allons passer à une toute autre question.
3

4 Et je me penche sur la page 5 de votre rapport : Sur la base de votre


5 connaissance d’expert de la région, veuillez nous dire comment les
6 ressources se distribuaient entre les régions, les groupes ethniques ;
7 comment ces ressources étaient réparties dans la Ire République ?
8 R. Dans la Ire, le Centre et le Sud, dans une certaine mesure, avaient le vent
9 en poupe, le Nord-ouest en avait moins. Et ceci explique cela : Les
10 populations du Centre et du Sud étaient en priorité hutues ; mais du fait
11 des mariages entre Hutus et Tutsis, il était parfois difficile d’être sûr
12 à 100 % — lorsque quelqu’un disait qu’il était hutu mais que ses parents
13 étaient tutsis.
14

15 Il y avait également des complications : Les Tutsis étaient les seules


16 personnes dont l’accès était autorisé pendant très longtemps, accès aux
17 institutions d’éducation secondaires. Après l’indépendance, il n’y avait
18 plus beaucoup de Hutus qui disposaient des compétences modernes
19 pour gérer la bureaucratie. C’est pour cela que les Tutsis ont dû être
20 maintenus, il fallait que les choses continuent, que la roue continue à
21 tourner ; et c’est pour cela que les gens étaient fâchés : Pourquoi ces
22 Tutsis, donc, étaient en poste d’autorité ? La révolution s’impose !
23 Q. Lorsque vous dites que les populations du Sud et du Centre étaient les
24 populations privilégiées, comment cela se dénotait-il dans la société
25 rwandaise et dans la scène politique ?
26 R. Ils prédominaient, ils occupaient les postes d’autorité dans
27 l’administration. Et comme cela se passait dans beaucoup d’États
28 africains à l’époque, le gouvernement et l’administration étaient les
29 sources principales d’emploi, le secteur privé était relativement sous-
30 développé. Ils contrôlaient donc le système étatique et ils avaient accès,
31 par ce biais, aux projets de développement, aux ressources économiques
32 également ; et c’est par là qu’ils sont arrivés aux structures étatiques.
33 Q. Nous allons passer maintenant à la IIe République.
34 M. LE JUGE MUTHOGA :
35 Pourquoi ne pas conclure et clôturer le sujet de la Ire République ? Si vous
36 pensez être arrivée au terme, alors nous passons à la IIe République. Il

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 99


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1 faudrait que le témoin puisse nous dire…


2 Mme KAGWI-NDUNGU :
3 C’est ce que j’allais faire.
4 Mme LE PRÉSIDENT :
5 Q. Vous nous parliez de la propriété foncière ; que s’est-il passé après 1994/
6 95 quant aux terres qui étaient des propriétés, par exemple, de toutes
7 les personnes condamnées, disons, par le présent Tribunal ?
8 R. Question pertinente. Théoriquement, les biens des personnes
9 considérées comme étant celles qui avaient commis la catégorie 1 du
10 génocide qui inclurait, je crois, la plupart, sinon toutes les personnes
11 condamnées par le Tribunal, leurs biens, donc, doivent être confisqués
12 par l’État. Donc, théoriquement, ces biens devraient revenir ou devraient
13 servir à payer des dommages et intérêts aux survivants. Mais, en fait,
14 l’État n’a pas voté les lois nécessaires pour donner des... pour payer des
15 indemnités aux survivants.
16

17 Juste une petite anecdote. Ce qui s’est passé, c’est que certains de ces
18 biens « s’est » retrouvés dans les mains d’individus, individus qui
19 détiennent le pouvoir.
20 Mme LE JUGE KHAN :
21 Q. Ce n’est pas le bien de l’État ? Il ne s’agit pas des biens qui étaient les
22 propriétés du gouvernement ? Ce n’est pas un bien appartenant à
23 l’État ?
24 R. Je pense que cela doit être un bien de l’État, mais cela n’est pas toujours
25 le cas ; mais… ou bien, si c’est le cas, c’est juste de façon virtuelle.
26 Mme KAGWI-NDUNGU :
27 Q. Nous parlions de la IIe République. Veuillez nous dire : Comment est née
28 la IIe République ?
29 R. Un groupe d’officiers militaires représentant tout d’abord Gisenyi et
30 Ruhengeri, c’est-à-dire le
31 Nord-ouest, ont fait un coup d’État militaire sous l’égide du général
32 Habyarimana, et c’est ainsi qu’ils ont établi la IIe République. Ils l’ont fait
33 dans le cadre d’un coup… sans effusion de sang. Mais ceux qui
34 détenaient le pouvoir, ceux qui étaient les autorités dans la Ire
35 République ont été emprisonnés et ont souffert d’une longue mort et…
36 inhumaine. Certains sont morts de faim, d’autres de soif, pour des

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 100


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1 périodes variables ; le plus long à tenir pour quelqu’un qui n’a plus
2 mangé était une période de 59 jours, cette personne était confinée dans
3 une prison de la préfecture de Ruhengeri.
4 Q. Que s’est-il passé ? Qu’est-il advenu du premier Président ?
5 R. Le premier Président de la République également a souffert de la même
6 mort : Manque d’attention, manque de nourriture ; je pense que ce sont
7 les raisons principales de sa mort même si une autopsie n’a pas été
8 menée.
9 Q. (Intervention non interprétée)
10 R. La préfecture de Ruhengeri, à l’époque, était dirigée par Monsieur
11 Zigiranyirazo.
12 Mme LE JUGE KHAN :
13 Q. Vous dites qu’il n’y a pas eu d’autopsie ; sur quelle base, donc, fondez-
14 vous cette information pour dire que l’ancien chef d’État est mort de
15 faim ?
16 R. Honorables Juges, il y a eu un procès et certains officiers militaires ont
17 été accusés, reconnus coupables de ce supplice inhumain.
18 Q. Par qui ont-ils été jugés ? Où et quand ?
19 R. C’était un procès dans le système judiciaire rwandais par les autorités
20 rwandaises. La date qui me vient à l’esprit, c’est 1980 ; mais je dois
21 vérifier cette date, je ne suis pas sûre à 100 %.
22 Q. Et qui a commandité ce procès ?
23 R. Ce procès résultait de changement dans les dynamiques au sein du
24 groupe en fonction « aux » autorités… Et les autorités militaires,
25 identifiées comme étant responsables, ne bénéficiaient pas des faveurs
26 du général Habyarimana.
27 Mme KAGWI-NDUNGU :
28 Q. Avez-vous des sources documentaires pour corroborer cette information
29 sur la façon dont
30 la IIe République est morte ?
31 R. L’on en a parlé dans grands nombres de sources primaires et
32 secondaires. L’une des sources les plus récentes, je crois, est un livre de
33 Jean Gasana qui traite de la question dans les détails.
34 Mme KAGWI-NDUNGU :
35 Madame le Président, Honorables Juges, si vous regardez vos documents
36 du classeur noir, vous verrez un document qui se présente comme ceci,

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 101


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 intitulé Rwanda du parti État, etc.


2

3 Et je voudrais soumettre au témoin ce document.


4

5 (Le Greffier d’audience remet le document à Madame Des Forges qui le


6 consulte)

8 Q. Connaissez-vous ce document ?
9 R. Oui. Je connais le livre dont est extrait ce passage.
10 Q. Pourriez-vous nous montrer le passage, peut-être le lire ? Passage
11 « dont » l’on parle de
12 la IIe République ?
13 R. La cabine dispose-t-elle d’une copie ?
14 Q. Oui.
15 R. Nous allons commencer au début de la page 30. Il y a un passage en
16 italique : « 55 personnes furent assassinées dans des conditions
17 horribles sur l’ordre de Lizindi… »
18 M. LE JUGE MUTHOGA :
19 Nous n’avons pas de traduction de la cabine ; veuillez reprendre,
20 Madame.
21 Mme KAGWI-NDUNGU :
22 (Intervention non interprétée)
23 M. LE JUGE MUTHOGA :
24 Je n’ai pas la traduction.

26 Q. Est-ce que vous voulez reprendre, Madame Des Forges ?


27 R. « Celui-ci présentait une liste des condamnés à mort au chef de la
28 sécurité de Ruhengeri... (inaudible), Sebahunde Jean-Maurice, qui la
29 transmettait au commandant Bizahupa (phon.) Stanislas, commandant
30 de place à Ruhengeri, et à Sembagare (phon.), directeur de la prison. Les
31 malheureux étaient alors privés d’eau et de nourriture pendant une
32 longue période et, quand ils étaient à bout… L’un d’entre eux put
33 subsister pendant 59 jours. Le commandant Bizaruka (phon.) fournissait
34 une escorte de militaires qui les conduisaient à Gisenyi où des fosses
35 communes avaient été creusées ; quand ils n’avaient pas été achevés en
36 cours de route, ils étaient tout simplement enterrés vivants. »

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 102


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Mme KAGWI-NDUNGU :
2 Honorables Juges, puis-je verser cela au dossier comme étant la
3 prochaine pièce à conviction du Procureur ?
4 M. MUSSA :
5 Qui serait donc la cote P. 41.
6 Mme LE PRÉSIDENT :
7 « 41 » ?
8 M. MUSSA :
9 Effectivement, « 41 ».
10 Mme LE PRÉSIDENT :
11 Très bien.
12

13 (Admission de la pièce à conviction P. 41)

15 Mme KAGWI-NDUNGU :
16 Q. Sur la base de votre connaissance de la région, pourrez-vous donner à la
17 Chambre votre opinion d'experte sur la manière dont les tueries de cette
18 Ire République affectaient la IIe République ?
19 R. Il s'agissait surtout des gens du Nord-ouest... les dirigeants du Nord-
20 ouest qui ont été indirectement responsables aux yeux d'autres
21 personnes au Rwanda.
22

23 Au moment des Accords d'Arusha et au moment des discussions sur


24 l'avenir du Rwanda après la guerre, l'une des questions principales qui
25 avait été posée était de considérer la question de l'impunité ou la grâce
26 à accorder aux personnes qui avaient été impliquées dans la mise à mort
27 des dirigeants de la Ire République.
28

29 Au début des... des années 90, nous avons eu la mise en place du


30 multipartisme, encore une fois, sous le régime de Habyarimana et avec
31 le système de parti unique ; mais après, plusieurs partis ont été créés et
32 l'un de ces partis était opposé au parti du Président lui-même et c'est le
33 parti des Hutus du Centre et du Sud.
34

35 Et l'un des objectifs de ces partis, c'était d'obtenir justice pour le


36 Président qui avait été tué, à leurs yeux, par les gens de la région Nord-

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 103


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 ouest. Et cette dynamique de la... de justice a favorisé les tueries des


2 dirigeants des premiers... des dirigeants de la Ire République.
3 Et ceci a été... a constitué un... un mobile essentiel pour les gens de
4 Habyarimana, pour voir si on pouvait lever l'impunité et la nécessité de
5 contrôler la majorité au sein de l'Assemblée nationale pour que le
6 Président ne puisse pas être... être traduit en justice pour ces crimes
7 commis sous son régime.
8 Me PHILPOT :
9 Madame le Président, sauf si je me trompe, il s'agit là d'un argument et…
10 d'une logique qui m'est tout à fait nouvelle : Cela n'est indiqué nulle part
11 dans le rapport, cela n'est pas non plus indiqué dans l'Acte d'accusation.
12

13 C'est une question qui vient d'être soulevée et il est donc nécessaire que
14 les éléments de preuve qui sont fournis par devant cette Chambre soient
15 d'abord pertinents par rapport à la question dont cette Chambre est
16 saisie — s'agissant de la question de responsabilité de mon client.
17

18 Deuxièmement, nous... nous avons reçu notification de ces... de cet


19 argument très tardivement et je voudrais donc demander que ces
20 éléments de preuve puissent être expurgés de cette déposition. Parce
21 nous ne sommes pas des historiens, nous avons besoin d'analyser ces
22 éléments de preuve ; et si nous avons l'intention d'y répondre, il ne
23 faudrait pas que cela... nous soyons pris de court par ces informations.
24 Mme KAGWI-NDUNGU :
25 La question de la mort des dirigeants de la Ire République se trouve
26 « dans » la page 4… de ce rapport — il y est indiqué qu'il y a eu des
27 rivalités entre les différentes régions —, il s'agit même d'un sous-titre
28 —, on parle de l'unité… et des rivalités au sein des régions — et cela est
29 même indiqué vers la fin.
30

31 En fait, ce que nous avons indiqué à la Défense, ce sont des informations


32 qui sont indiquées en note « en » bas de page n° 4. Il s'agit d'un ouvrage
33 qui est... qui est... qui est disponible, qui est même public, et il est
34 disponible depuis le mois d'août de l'année dernière.
35

36 Si la Défense avait fait son travail et avait effectué les recherches

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 104


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 pertinentes...
2 Mme LE PRÉSIDENT :
3 Madame, vous n'avez pas besoin d'être discourtoise.
4

5 De quelle manière est-ce que cet élément de preuve est lié à l'Acte
6 d'accusation et aux allégations qui sont portées à l'encontre du client de
7 la Défense et pour lesquels la Défense doit se préparer ?
8 Mme KAGWI-NDUNGU :
9 (Micro fermé)
10 L'INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
11 Microphone.
12 Mme KAGWI-NDUNGU :
13 Comme nous l'avions indiqué dans l'Acte d'accusation, Madame le
14 Président, et également dans... dans notre mémoire préalable au procès,
15 nous avons indiqué que notre témoin expert allait donner le contexte
16 dans lequel l'Accusé a exercé ses pouvoirs.
17

18 Nous avons... Nous vous avons fourni ce contexte. Et cette information


19 est très importante dans la mesure où, comme la Défense l'a indiqué
20 devant cette Chambre, « elle » n'occupait pas de position officielle au
21 cours de cette période 1990/1994.
22

23 Et à notre avis, l'Accusé a... s'est entendu avec d'autres personnes qui
24 avaient un certain pouvoir et nous en avons... nous avons déduit cette
25 responsabilité de pouvoir « dont » il détenait.
26 Me PHILPOT :
27 Je ne dis pas que je n'ai pas lu à… la note en bas de page… Je n'ai pas
28 fait objection à cela, je n'ai pas fait objection au fait que Monsieur
29 (inaudible) était responsable de ces... tueries ou de ces victimes ou de
30 ces morts. Mais lorsqu'elle a parlé maintenant du désir de l'impunité…
31 des Accords, des pourparlers de paix, nous ne sommes plus d'accord,
32 parce que ce sont des faits qui nous sont inconnus et qui ne sont pas du
33 tout évoqués dans l'Acte d'accusation.
34

35 Donc, je fais haut et fermement objection.


36

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 105


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1 J'ai dû attendre patiemment parce que je ne voulais pas faire objection à


2 ce moment-là, mais lorsque vous faites des allégations infondées ou
3 même des... vous... vous portez à notre connaissance des éléments qui
4 ne sont indiqués ni dans le rapport ni dans l'Acte d'accusation, nous ne
5 pouvons pas réagir face à ces éléments.
6 Mme KAGWI-NDUNGU :
7 Madame le Président, je voulais faire une nouvelle déclaration. Je suis
8 sûre que la Défense... la Défense a une autre position par rapport au...
9 au Bureau du Procureur. Et il l'a indiqué ; par exemple, ils ont dit qu'il n'y
10 avait pas de génocide. Je ne pense pas que ce soit correct de faire une
11 telle proposition au témoin et de chercher à disputer notre thèse.
12

13 Nous avons fait des déductions et nous avons fait ces déductions sur la
14 base de la... des détentions de ses pouvoirs à côté du Président.
15

16 Et c'est pour... sur cette base-là que nous vous produisons ces éléments
17 de preuve, Madame le Président.
18

19 (Conciliabule entre les Juges)


20 Mme LE PRÉSIDENT :
21 Objection retenue.
22 Mme KAGWI-NDUNGU :
23 Q. À cette époque, qui était le préfet de Ruhengeri ?
24 Mme LE PRÉSIDENT :
25 Attendez une seconde, s'il vous plaît.
26

27 (Conciliabule entre les Juges)

29 L'INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
30 Consultation des Juges sur le siège.
31 Mme LE PRÉSIDENT :
32 Veuillez poursuivre, Madame le Procureur.
33 Mme KAGWI-NDUNGU :
34 Honorables Juges, si… je veux bien comprendre votre décision, mais je
35 voudrais demander des éclaircissements : Je voulais poser des questions
36 sur des informations d'ordre général concernant l'Akazu.

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 106


1 ZIGIRANYIRAZO MERCREDI 1ER MARS 2006

1 Mme LE PRÉSIDENT :
2 L'objection qui a été faite, ce n'était pas par rapport à ces
3 renseignements de base, c'était plutôt sur le sentiment de culpabilité
4 des populations de Bushiro et que cela a conduit au génocide. Cela n'est
5 pas indiqué dans l'Acte d'accusation, ni dans le rapport d'ailleurs.
6 Mme KAGWI-NDUNGU :
7 Honorables Juges, (inaudible) si... si j'ai bien compris ce qu'a indiqué le
8 témoin, elle n'a pas dit que cela a... a abouti au génocide.
9 Mme LE PRÉSIDENT :
10 Cela n'est pas évoqué dans le rapport. Elle a donné les sentiments
11 qu'éprouvaient les populations des gens du Nord et cela n'a jamais été
12 évoqué où que ce soit.
13 Mme KAGWI-NDUNGU :
14 (Intervention non interprétée)
15 Mme LE PRÉSIDENT :
16 Nous avons déjà rendu notre décision. Donc, je voudrais vous dire que
17 vous devrez avancer…
18 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
19 Parce que Madame le Procureur avait demandé si elle pouvait reposer
20 des questions sur ce point.
21 M. LE JUGE MUTHOGA :
22 Ce que les Juges dire... disent ou veulent exprimer, c'est ceci : Ce que dit
23 Madame Des Forges doit montrer que cela doit nous permettre de
24 comprendre les questions évoquées dans le rapport ou l'Acte
25 d'accusation. Cela va nous permettre de savoir si Monsieur Zigiranyirazo
26 est coupable ou non des faits qui sont allégués dans l'Acte d'accusation
27 que vous avez confectionné. Alors, le résultat de la déposition de ce
28 témoin doit être lié à ce fait de l'Acte d'accusation, et plus, puisqu'elle
29 est... elle est témoin expert. Et dans son cadre de son rapport de témoin
30 « d'expert », cela doit également englober des faits qui doivent être liés
31 à cet... à ces... aux chefs d'accusation et cela doit également être lié aux
32 éléments de preuve auxquels la Défense est préparée à répondre, et
33 ceci, sur la base du rapport... des points qu'elle a soulevés dans le
34 rapport.
35

36 Alors, la question qui a été posée et à laquelle nous avons accordé

2 FRANÇOISE QUENTIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE III - page 107


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1 l'objection, c'est que ces faits ne semblent pas très liés aux chefs
2 d'accusation contre l'Accusé. Et cela ne... ne semble pas... cela n'est pas
3 non plus indiqué dans le rapport, comme l'a d'indiqué Monsieur Philpot et
4 Monsieur... l'ont indiqué Messieurs Philpot et Zaduk. Vous ne pouvez pas
5 donner cette opinion et ils sont préparés à réagir à certains faits.
6

7 Mais nous ne vous empêchons pas de poser vos questions dans le cadre
8 de votre interrogatoire principal de la manière la plus idoine pour vous
9 lorsque cela, effectivement, doit vous permettre de prouver les points
10 que vous voulez... sur lesquels vous voulez attirer l'attention de la
11 Chambre. Et ces faits doivent être ceux indiqués dans l'Acte
12 d'accusation.
13

14 Donc, une fois vous aurez prouvé cela, si elle a d'autres opinions qui
15 peuvent nous permettre de comprendre ces éléments de preuve qui sont
16 idoines, nous aurons besoin de ces opinions, mais pas d'autres qui n'ont
17 rien à voir avec ceux que nous voulons faire (inaudible).
18 Mme KAGWI-NDUNGU :
19 Très bien, Honorables Juges. Je vais garder cela à l'esprit au moment où
20 je vais poursuivre mon interrogatoire principal.
21 Mme LE PRÉSIDENT :
22 Est-ce que vous voulez poursuivre maintenant ou vous voudriez prendre
23 une pause ?
24 Mme KAGWI-NDUNGU :
25 je voudrais observer la pause maintenant, jusqu'à demain.
26 Mme LE PRÉSIDENT :
27 Nous allons lever l'audience jusqu'à demain, 9 heures.

29 (Levée de l'audience : 18 heures)


30

31 (Pages 75 à 101 prises et transcrites par Françoise Quentin, s.o.)


32

33

34

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1
2
3 SERMENT D’OFFICE
4
5
6
7
8
9
10 Nous, sténotypistes officiels, en service au Tribunal pénal international
11 pour le Rwanda, certifions, sous notre serment d’office, que les pages qui
12 précèdent ont été prises au moyen de la sténotypie et transcrites par
13 ordinateur et que ces pages contiennent la transcription fidèle et exacte
14 des notes recueillies au mieux de notre compréhension.
15
16
17
18
19
20 ET NOUS AVONS SIGNÉ :
21
22
23
24
25
26
27
28 ____________________ ____________________
29 Pius Onana Lydienne Priso
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36 ____________________
37 Françoise Quentin
38
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