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En 2003, l’Union européenne a entrepris de créer dans le secteur du gaz naturel un mesures de libéralisation proposées par la
marché unique libéralisé. Cinq ans plus tard, la réalité est toutefois encore loin de cet Commission nuisent-elles à la sécurité d’ap-
objectif. Le marché reste cloisonné, et les opérateurs historiques demeurent dominants provisionnement, comme le pensent cer-
sur leur marché national respectif. Les avantages annoncés en matière de prix et tains? Ou constituent-elles au contraire une
d’investissements ne se sont pas concrétisés. Par ailleurs, la sécurité d’approvisionnement manière de garantir la sécurité énergétique
en gaz naturel, notamment en provenance de Russie, est devenue une préoccupation de l’UE? Dans quelle mesure sécurité d’ap-
majeure de l’UE. C’est dans ce contexte que la Commission européenne a proposé en provisionnement et libéralisation du mar-
2007 une nouvelle vague de réformes, et en particulier le découplage de la propriété, ché sont-elles compatibles?
qui suscite un vif débat. Partisans et adversaires des réformes invoquent volontiers la
sécurité d’approvisionnement pour faire valoir leur point de vue. Cependant, en fin de
compte, c’est davantage la mise en place d’un marché unique décloisonné et fluide que
sa libéralisation qui permettra d’apporter des garanties en matière de sécurité PLACE DU GAZ NATUREL
d’approvisionnement. Le découplage de la propriété pourrait constituer un moyen de DANS L’ÉCONOMIE EUROPÉENNE
progresser vers cet objectif à long terme.
Le gaz naturel n’est pas simplement une
source énergétique parmi d’autres; il est
devenu ces dernières années absolument
crucial pour l’économie européenne. En
P
our l’Union européenne, la question
fondamentale en matière de gaz effet, à la suite des chocs pétroliers des
naturel est de savoir où aller chercher années 1970, le gaz a progressivement rem-
les ressources énergétiques nécessaires et placé le pétrole comme combustible dans
selon quelles modalités les acheminer jus- l’industrie lourde et dans la production
qu’à leur point de consommation. Ainsi la d’électricité. Il présente en outre l’énorme
politique gazière de l’UE porte-t-elle sur avantage d’émettre relativement peu de
deux éléments fondamentaux. Le premier CO2 par rapport à d’autres combustibles
est la sécurité d’approvisionnement en gaz
naturel, dont l’importance devrait s’ac-
croître dans les années à venir. Le second est
la création d’un marché intérieur libéralisé. (*) Auteur d'un travail de recherche sur "La dimension gaziè-
re dans les relations UE-Russie".
Cet article se penche sur les relations entre NDLR: Dans le numéro de mai 2008, un article sera consa-
ces deux éléments-clés. Les nouvelles cré aux voies d’approvisionnement en gaz de l’Europe.
FIGURE 3 : Provenance du gaz consommé en Europe en 1996 et 2006 27, le gaz naturel importé de Russie repré-
sente 7 % de la consommation énergétique
brute. Cependant, pour certaines écono-
mies européennes, comme la Hongrie, la
Lituanie, la Lettonie et la Slovaquie, cette
part tourne autour des 30 %, ce qui les rend
particulièrement dépendantes du gaz russe
(voir figure 5, page suivante).
L’« or bleu » est d’ores et déjà la source
d’énergie en plus forte croissance (3), et la
demande de gaz devrait selon toute vrai-
semblance augmenter au cours des pro-
chaines années, en dépit d’un accroissement
probable de la part du nucléaire et/ou des
énergies renouvelables dans le bouquet
énergétique. Étant donné que les ressources
indigènes déclinent, la Commission euro-
péenne estime que l’Union importera 70 %
de ses besoins en gaz naturel d’ici à 2020, et
jusqu’à 84 % d’ici à 2030 (4). Il ne fait
FIGURE 4 : Part des importations dans la consommation de gaz des pays de l’UE-25
Note : les pourcentages négatifs indiquent que le pays est un exportateur de gaz naturel.
Les valeurs supérieures à 100 % sont dues à un changement des stocks.
Malte et Chypre : pas applicable.
Source : Eurostat
aucun doute que la Russie sera l’un des FIGURE 5 : La part du gaz russe dans l’économie des pays de l’UE-27
principaux fournisseurs en gaz de l’UE. Les
experts estiment que la Russie fournira
250 milliards de m3, soit près de la moitié
de la demande de l’UE en gaz importé à
l’horizon 2020, qui devrait s’élever à
525 milliards de m3 (Konoplyanik, 2005,
pp. 283-4).
SÉCURITÉ
D’APPROVISIONNEMENT
EN GAZ NATUREL
Moscou. De plus, les craintes ont été exacer- sance internationale, Bruxelles opte pour la chargées d’assurer la non-discrimination,
bées par la présence de plus en plus marquée création d’un marché unique du gaz et sa une concurrence effective et le bon fonc-
du géant gazier russe Gazprom sur le marché libéralisation. Après avoir mis en place en tionnement du marché (art. 25). La directi-
européen du transport et de la distribution 1998 des règles communes pour le marché ve doit être transposée pour le 1er juillet
de gaz ainsi que par les crises ukrainienne et intérieur du gaz naturel, l’UE initie en 2003
biélorusse de janvier 2006 et 2007. 2004, bien qu’un délai supplémentaire de
un grand mouvement de libéralisation avec
la directive sur le marché intérieur du gaz trois ans soit accordé pour la séparation juri-
Si l’Union européenne est dépendante du
gaz russe, il convient de noter qu’en la naturel (10), qui concerne « le transport, la
matière, la Russie est encore bien plus distribution, la fourniture, et le stockage du
dépendante de l’UE. En effet, alors qu’un gaz naturel » (art. 1). FIGURE 6 : Vente de gaz naturel par Gazprom
peu plus du quart du gaz consommé dans et recettes de cette vente (2006)
La directive entend apporter des « avantages
l’UE provient de Russie, cette dernière considérables », « en ce qui concerne les
envoie la quasi-totalité de ses exporta- gains d’efficacité, les réductions de prix,
tions (8) dans l’UE. De surcroît, l’économie l’amélioration de la qualité du service et
russe est extrêmement dépendante des l’accroissement de la compétitivité ». Elle
recettes que génèrent les exportations d’hy-
constate que d’« importantes lacunes subsis-
drocarbures (9). Ainsi la Russie tient-elle à
tent » et entend « prendre des dispositions
la sécurité énergétique, qui signifie pour elle
concrètes pour assurer des conditions de
avant tout la sécurité de la demande et des
concurrence équitables et pour réduire le
rentrées financières.
risque de domination du marché et de com-
Il est important de noter que les ventes de portement prédateur, en garantissant des Tarif moyen par région en 2006 (€/1000 m3)
gaz naturel russe à l’Europe ne sont pas sans tarifs de transport et de distribution non Europe (hors pays baltes) 150 €/1000 m3
spécificités. Le gaz naturel est généralement discriminatoires (…) et en garantissant la CEI et pays baltes 60 €/1000 m3
vendu à des prix alignés sur ceux du pétrole protection des droits des petits consomma- Russie 36 €/1000 m3
brut, dans le cadre de contrats à long terme teurs vulnérables » (considérant 2).
assortis d’une clause take or pay et jusqu’il y
a peu d’une clause de destination finale, qui Pour parvenir à cet objectif, la directive pré-
sont autant d’éléments assurant la stabilité voit notamment, outre les obligations de
et la pérennité des contrats. Il est transporté service public, la protection des consomma-
sur des milliers de kilomètres, généralement teurs, l’accès des tiers et l’ouverture des mar-
depuis la Sibérie occidentale, par gazoducs, chés, la séparation juridique des gestion-
si bien que les coûts de transport sont plus naires de réseau de transport (art. 9) et de
élevés que les coûts de production. Pour ces distribution (art. 13). Alors que la
raisons, le mode de fonctionnement du Commission européenne avait, au début Source : OAO Gazprom
marché est axé sur le long terme et les inves- des années 2000, cherché à faire disparaître
tissements à consentir sont colossaux. les contrats à long terme, la directive de (8) Gazprom fait toujours la distinction entre les « exporta-
libéralisation leur reconnaît une place, pour tions » à destination de l’Europe, vendues en moyenne à
150 €/1000 m3, et les « livraisons à la CEI », vendues en
autant qu’ils ne portent pas atteinte aux moyenne à 60 €/1000 m3 (prix appliqués en 2006).Voir la
objectifs de libéralisation et soient compa- figure 6.
LA DIFFICILE CRÉATION tibles avec les règles de concurrence (consi- (9) Ce secteur représente à lui seul 30 % de la production
dérant 25). industrielle du pays, 54 % des exportations, 32 % des recettes
DU MARCHÉ INTÉRIEUR DU GAZ budgétaires consolidées et 54 % des recettes du budget fédé-
La directive prévoit également l’instaura- ral (Krivoshchekova, 2006, p. 6).
Alors que Moscou mène une politique diri- tion, dans chaque État membre, d’autorités (10) Directive 2003/55/CE du Parlement européen et du
Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes
giste dans le secteur des hydrocarbures, qu’il de régulation, qui soient totalement indé- pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la direc-
entend utiliser comme instrument de puis- pendantes du secteur du gaz. Elles sont tive 98/30/CE.
dique des gestionnaires de réseau de distri- lement intégrés, comme GDF ou E.ON, Royaume-Uni dans les années 1990 (18).
bution. qui ont pu renforcer leur présence sur leur Dès le début de l’année 2007, un débat est
Pour ce qui est de la sécurité d’approvision- marché national. En janvier 2007, l’enquê- ainsi lancé, avec de vastes implications éco-
nement, Bruxelles entend, dans la foulée de te sectorielle sur les marchés de l’énergie nomiques et sociales à long terme, qui tou-
la libéralisation, renforcer les dispositifs menée par la Commission confirme l’exis- chent les questions de la sécurité énergé-
internationaux de stockage prévus notam- tence de graves problèmes de concurren- tique, des prix et des indispensables inves-
ment dans le cadre de l’AIE. En avril 2004, ce (14). La Commission annonce son tissements dans les infrastructures.
alors que vont adhérer huit nouveaux États intention de lancer des enquêtes, ainsi que
34 procédures d’infraction contre 20 États Le débat porte également sur l’organe
particulièrement dépendants des importa- régulateur du marché. La Commission
tions de gaz russe, l’UE adopte une directi- membres, afin de veiller au respect de la
législation. prône l’instauration d’une autorité de
ve sur la sécurité d’approvisionnement en
régulation européenne, mais le Conseil a
gaz naturel (11). Celle-ci impose aux États C’est que, comme l’a déclaré Neelie Kroes,
préféré en mars 2007 renforcer le mécanis-
membres de prendre des mesures afin de commissaire européenne à la Concurrence,
veiller à la sécurité de l’approvisionnement, le sous-investissement a assez duré, en parti-
en particulier des ménages (art. 4), pour culier dans les réseaux (15). Le degré élevé
autant qu’elles soient compatibles avec les de concentration sur les marchés est peu
règles du marché intérieur. Elle crée un propice aux investissements dans l’infra-
groupe de coordination pour le gaz, et char- structure (16), à un moment où le besoin (11) Directive 2004/67/CE du Conseil du 26 avril 2004
ge les États membres de prévoir des mesures concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’ap-
d’investissements se fait partout sentir. Les provisionnement en gaz naturel.
nationales d’urgence en cas de crise (art. 7). marchés restent nationaux et les échanges
(12) Règlement (CE) n° 1775/2005 du Parlement européen
Il convient de noter que les contrats à long transfrontaliers entre opérateurs historiques et du Conseil du 28 septembre 2005 concernant les condi-
terme sont cités à plusieurs reprises comme demeurent limités, notamment faute d’in- tions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel.
instrument renforçant la sécurité énergé- terconnections. Les réseaux sont peu trans- (13) Communication de la Commission au Conseil et au
tique. parents, bon nombre d’opérateurs man- Parlement européen « Perspectives du marché intérieur du
gaz et de l’électricité », COM(2006) 841 final, 10 janvier
La libéralisation avait été présentée comme quant à leur obligation de publier les infor- 2007.
génératrice de nombreux avantages. mations relatives au marché. (14) Parmi les problèmes rencontrés figurent le degré élevé de
concentration du marché, l’intégration verticale de l’offre, de la
Pourtant, la plupart d’entre eux ne se sont production et de l’infrastructure qui empêche un accès équi-
pas encore matérialisés. En particulier, les table aux infrastructures et débouche sur des investissements
insuffisants dans ces dernières, et enfin la mise en place éven-
consommateurs ont ressenti une augmenta- tuelle de pratiques collusoires entre les opérateurs en place en
tion des prix. Cela tient certes aux obliga- LA POURSUITE vue du partage des marchés. Pour plus de détails, voir le com-
tions environnementales et à la hausse du DE LA LIBÉRALISATION: muniqué de presse IP/07/26.
cours mondial du pétrole, sur lequel s’ali- DÉCOUPLAGE (15) « A sparky new policy », The Economist, 11 janvier
2007.
gnent les prix du gaz, mais aussi au manque DE LA PROPRIÉTÉ
de concurrence et de transparence sur les (16) Par exemple: « In a decision in May 2006, the Italian
competition authority found ENI guilty of abusing its dominant
marchés. En effet, malgré un règlement de C’est dans ce contexte que la Commission position on the wholesale gas supply market in Italy by
2005 qui précise les conditions d’accès aux présente en septembre 2007 un troisième
delaying investments that would increase the capacity in a
pipeline owned by one of its subsidiaries (Trans Tunisian
réseaux de gaz naturel (12) et qui vise à paquet législatif pour la libéralisation du Pipeline Company) », Energy sector competition inquiry,
accroître la transparence et à lever les obs- marché du gaz (17). La grande nouveauté Frequently asked questions and graphics (MEMO/07/15).
tacles au marché intérieur, la Commission proposée ici est d’imposer aux gestionnaires (17) Proposal for a Directive of the European Parliament
note en janvier 2007 (13) que les obstacles and of the Council amending Directive 2003/55/EC of
des réseaux de transport et de distribution the European Parliament and of the Council of 26 June
techniques à la concurrence restent nom- non plus une simple séparation juridique de 2003 concerning common rules for the internal market
breux. leurs activités, mais un découplage de la
in natural gas, COM (2007) 529, 19 septembre 2007.
(18) Il convient toutefois de noter que sur le marché des États-
Il semblerait que la libéralisation ait jusqu’à propriété (ownership unbundling), tel qu’il a Unis, libéralisé depuis 20 ans, le découplage de la propriété
présent surtout profité aux groupes vertica- été pratiqué de manière volontaire au n’est pas requis.
me de coordination des régulateurs natio- sante. Les partisans de la réforme rétorquent seurs du découplage de la propriété,
naux (ERGEG+). En outre, la proposition que si la Commission peine à faire appli- Commission et régulateurs nationaux en
de la Commission prévoit des mesures de quer les règles existantes, le découplage de la tête, affirment quant à eux que cette réfor-
sauvegarde (19) protégeant le marché propriété devrait faciliter la tâche aux régu- me est indispensable pour garantir un mar-
européen contre les sociétés originaires de lateurs européens, et permettre d’imposer ché intérieur du gaz ouvert et compétitif,
pays tiers, comme par exemple Gazprom. des règles du jeu identiques à tous les favorisant notamment les investissements
Celles-ci devraient être soumises aux acteurs, qu’ils proviennent d’un État dans l’infrastructure, qui constituent un élé-
mêmes exigences que les sociétés de l’UE membre ou d’un pays tiers. ment crucial pour la sécurité d’approvision-
en matière de découplage de la propriété, nement.
L’intensité du débat sur le découplage de la
ce qui aura pour effet d’empêcher
propriété fait parfois oublier que ce n’est pas Certes, il ne fait aucun doute que le décou-
Gazprom par exemple d’acquérir une par-
une fin en soi mais plutôt un instrument plage de la propriété aura un coût pour les
ticipation majoritaire ou même significati-
permettant de créer un marché intérieur entreprises. Il est également indubitable que
ve dans les réseaux de distribution euro-
effectif caractérisé par une réelle concurren- les grands groupes disposent d’une véritable
péens de gaz. De plus, il est proposé qu’en
ce. En tout état de cause, la difficulté de la puissance de négociation face aux fournis-
matière de systèmes de transmission, toute
mise en œuvre du marché intérieur de seurs de gaz, et peuvent donc obtenir des
acquisition par une société extracommu-
nautaire doive préalablement être autorisée l’énergie indique que les États membres res- conditions plus avantageuses que de petits
par un accord politique entre l’UE et le tent très attachés à leurs prérogatives dans ce opérateurs. Cependant, il faut également et
pays tiers concerné. secteur stratégique. Certains regrettent le surtout, afin de garantir la sécurité énergé-
temps où les opérateurs nationaux étaient tique de l’Europe, que le marché intérieur
La Commission, le Parlement européen et maîtres chez eux et jouaient un rôle de tam- du gaz soit caractérisé par une véritable
les autorités de régulation sont générale- pon, protégeant ainsi les consommateurs concurrence, ouvert, fluide, bien intercon-
ment favorables à la réforme. En revanche, des variations de prix sur les marchés inter- necté et dès lors attractif.
l’industrie, gros consommateurs industriels nationaux.
et groupes gaziers verticalement intégrés Le décloisonnement des marchés natio-
confondus, ainsi que le Conseil, y sont naux, par le développement des capacités
farouchement opposés. L’opposition du d’interconnexion, est capital pour la sécuri-
Conseil (20) est claire lorsque l’on sait que té d’approvisionnement. En effet, le cloi-
certains des États membres qui y siègent QUEL LIEN ENTRE sonnement des marchés limite grandement
sont actionnaires des grands opérateurs LIBÉRALISATION ET SÉCURITÉ le choix des opérateurs en matière de
gaziers. Ainsi, la France est particulièrement D’APPROVISIONNEMENT? sources d’approvisionnement en gaz natu-
opposée au découplage de la propriété; rel, et peut permettre aux fournisseurs
l’Allemagne également, mais dans une Dans le débat sur la libéralisation du mar- dominants sur un marché (par exemple
moindre mesure (21). À l’heure qu’il est, il Gazprom dans certains pays d’Europe cen-
ché du gaz, il est de bon ton d’invoquer la
est encore trop tôt pour dire qui, des parti- trale et orientale) de dicter leurs conditions.
sécurité d’approvisionnement. Les grands
sans ou des opposants à la réforme, va l’em- groupes énergétiques verticalement intégrés
porter. affirment que s’ils doivent scinder leurs acti-
Les opposants au découplage de la proprié- vités, ils ne pourront plus être pris au
té font valoir non sans raison qu’avant de sérieux par les grands fournisseurs étrangers,
(19) COM (2007) 529, 19 septembre 2007, p. 7.
proposer de nouvelles mesures, telles que le notamment Gazprom. Des entreprises plus
petites ne seraient pas en mesure de s’enga- (20) Voir le plan d’action du Conseil européen (2007-
découplage de la propriété, il faut surtout 2009) Une politique énergétique pour l’Europe, conclu-
que la réglementation actuelle soit mise en ger sur des périodes très longues qui impli- sions de la présidence du Conseil européen des 8 et 9 mars
œuvre de manière stricte et systématique, quent des sommes considérables, et en fin 2007.
que les violations soient poursuivies et sanc- de compte, le découpage des grands groupes (21) Il faut noter que Gaz de France appartient à 80,2 % à
l’État français, tandis que E.ON n’appartient qu’à hauteur de
tionnées, et que le marché soit contrôlé par en plus petites sociétés nuirait gravement à 2,5 % aux pouvoirs publics allemands, en l’occurrence le Land
une autorité de régulation européenne puis- la sécurité d’approvisionnement. Les défen- de Bavière.
Sur un marché intérieur décloisonné, les prises du marché par une concentration Caspienne et du Moyen-Orient. Ces projets
opérateurs gaziers pourront choisir d’ache- horizontale propice à l’interpénétration des constituent d’ailleurs l’une des priorités de
ter leur gaz en Russie, en Norvège, en marchés nationaux. l’UE en matière d’énergie.
Afrique du Nord, ou encore au Moyen- Les liens entre libéralisation du marché
Orient et en Afrique sous la forme de gaz gazier et sécurité d’approvisionnement sont
naturel liquéfié. L’objectif est actuellement contrastés. Telle qu’elle est appliquée actuel-
de porter à 10 % les capacités d’intercon- CONCLUSION lement, la libéralisation n’offre pratique-
nexion entre les marchés nationaux pour ce ment aucune garantie en matière d’approvi-
qui est du gaz (comme d’ailleurs de l’électri- En matière de gaz naturel, l’Union euro- sionnement. Pour obtenir ces garanties, il
cité) (22). péenne est soumise à deux grandes faudra impérativement mettre en place un
En soi, la libéralisation n’a pas nécessaire- contraintes: d’une part, l’accroissement marché intérieur du gaz fluide, concurren-
ment un impact positif ou négatif sur la continu de la dépendance aux importations tiel et interconnecté. Le découplage de la
sécurité d’approvisionnement. Ce qui de gaz, notamment en provenance de propriété pourrait y contribuer. Cependant,
importe avant tout, c’est la création d’un Russie, et d’autre part, l’accroissement de la la création d’un marché intérieur du gaz est
marché intérieur effectif présentant des dépendance de l’économie européenne au un objectif à long terme, dont la réalisation
conditions équitables pour tous les acteurs. gaz naturel. Il lui faut dès lors, outre les prendra dans le meilleur des cas de très
Pour l’heure, alors que le marché est libéra- énergies renouvelables et l’efficacité énergé- longues années ■
lisé mais toujours cloisonné et dominé par tique, miser sur la diversification des sources
de grands groupes verticalement intégrés, et des voies d’approvisionnement en gaz
les garanties en matière d’approvisionne- naturel. À cet égard, le gazoduc
ment sont faibles. Idéalement, le marché Nordstream, reliant directement la Russie à
intérieur du gaz devrait être ouvert, concur- l’Allemagne en passant sous la mer Baltique, (22) Plan d’action du Conseil européen (2007-2009) Une
rentiel, fluide et bien interconnecté. Le ne peut donner qu’une illusion de sécuri- politique énergétique pour l’Europe, mars 2007, p. 18.
découplage de la propriété pourrait y té (23). Les clés de la solution sont dans le (23) Il a d’ailleurs suscité de vives réactions négatives:la Suède
contribuer, particulièrement s’il permet à développement du gaz naturel liquéfié, et et la Finlande s’inquiètent officiellement des répercussions
environnementales, tandis que la Pologne y voit un projet s’ins-
terme de remplacer la concentration verti- dans l’ouverture d’un quatrième corridor de crivant dans la « tradition Molotov-Ribbentrop ».Voir « Divided
cale qui caractérise aujourd’hui les entre- gazoducs en provenance de la mer and panicky », The Economist, 4 mars 2006.
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