Premier secrétaire du Parti socialiste
Paris, mardi 12 janvier 2016
Seul le prononcé fait foi
Commençons par le commencement : Permettez-‐‑moi de vous
souhaiter une bonne année 2016, ainsi qu’à l’ensemble de votre
profession. Au cours de l’année passée, certains de vos collègues sont
morts en l’exerçant. Le Parti socialiste pense à eux, salue leur mémoire et
n’oublie pas que la France est devenu le troisième pays le plus touché
après l’Irak et la Syrie. Alors, je vous souhaite de pouvoir exercer votre
beau métier dans les meilleures conditions, au service de vos lecteurs et
de vos auditeurs, au service de la liberté et de la République.
L’année 2016 sera une année de transition. 2016, c’est la fin de
l’insouciance et le début des années de sang. La fin des élections
intermédiaires et le début de la présidentielle. La fin du débat sur le
pacte de responsabilité et le début de celui sur la fléxisécurité. La fin de
la COP21 et le début de sa mise en application. C’est aussi la fin du Parti
socialiste à l’ancienne, à la papa et le début d’une nouvelle donne à
gauche : un pôle à vocation majoritaire, renouvelant les contenus et les
contenants, une gauche sociale, écologique et républicaine.
Au cours de cette année 2016, nous serons confrontés à des crises
conjointes, lourdes de potentialités dangereuses :
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-‐ La crise du terrorisme tout d’abord. Daech recule là-‐‑bas mais
frappe ici. Il faut le combattre là-‐‑bas avec la coalition internationale
et ici avec notre cohésion nationale.
-‐ La crise du chômage ensuite. Le chômage ne recule pas encore
assez, la précarité progresse trop. Les inégalités sont trop
marquées, il faut persévérer et mieux cibler.
-‐ La crise écologique ensuite. La signature de la COP21 n’a pas mis
un terme au saccage de notre planète mais à notre inconséquence
coupable. Il faut désormais agir au quotidien pour éviter que notre
planète se meure.
-‐ La crise des réfugiés. L’Europe est en première ligne et doit
défendre à la fois ses frontières et ses racines humanistes. Le défi
est immense.
-‐ La crise de l’Europe enfin, après le Grexit nous allons vivre le
Brexit sur fond de tentation nationale populiste sur tout le
continent.
Dans ce contexte complexe et périlleux, je demanderai au Parti
socialiste de défendre la République réelle, la République jusqu’au
bout, la République sociale et solidaire. Il ne s’agit pas de défendre la
IIIème, la IVème République mais LA République moderne, celle de la
liberté ordonnée, de l’égalité réelle et de la fraternité laïque. Il faut la
défendre en assurant la sécurité de nos concitoyens en garantissant notre
cohésion sociale en agissant pour la concorde nationale. Pour les
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socialistes, la France sans la République ce n’est plus la France. C’est ce
contrat, ce contrat social qui doit être renouvelé, défendu et promu.
La réforme constitutionnelle doit s’inscrire dans cette bataille pour la
République réelle. Elle constitutionnalise l’état d’urgence et va contenir
une mesure sur la déchéance nationale qui doit respecter quatre critères
essentiels :
-‐ Montrer la détermination de la nation face aux Français qui portent
atteinte aux autres Français
-‐ Assurer la cohésion de la nation, ce qui est la meilleure mesure
antiterroriste qui soit
-‐ Empêcher toute forme de stigmatisation, notamment vis-‐‑à-‐‑vis des
binationaux
-‐ Empêcher que la Patrie des Droits de l’Homme crée des Hommes
sans patrie, donc éviter l’apatridie
Je ne suis ni aveugle, ni sourd. Etant socialiste, je vois les hésitations
des socialistes, j’entends des protestations de socialistes mais aussi ceux
que cela ne choque pas et qui veulent aller vite. De fait, nous travaillons,
avec des experts, pour trouver une position équilibrée qui s’appuie sur
les principes évoqués à l’instant. Nous travaillons à une formulation qui
respecte la parole présidentielle, qui tient compte aussi de la parole des
socialistes et qui parle en outre à la droite dite républicaine afin que la
réforme constitutionnelle puisse être votée par les deux Assemblées.
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Le Parti socialiste a aussi travaillé sous l’égide de Laurent Azoulai à la
refonte du service civique. Nous nous félicitons donc que le président de
la République ait décidé de faire de cette question la pierre angulaire de
l’engagement.
Nous ajoutons une nouvelle disposition politique : la création d’une
garde nationale. Après les attentats du 13 novembre 2015 et l’urgence, il
faudra trouver un moyen pour épauler nos forces de sécurité. Rappelons
que le territoire est soumis à Vigipirate depuis vingt ans sans
interruption. Les forces de sécurité ne peuvent être mobilisées sans arrêt.
Il nous semble opportun de faire appel au civisme et à l’esprit
patriotique de nos concitoyens. Et de renouer avec une tradition issue de
la Révolution française jusqu’en 1870 : les gardes nationaux. Comment ?
La garde nationale pourrait mobiliser toutes les réserves des forces
armées, la gendarmerie nationale, la police nationale et les unifier dans
un dispositif unique. C’est plusieurs dizaine de milliers de concitoyens
mobilisables.
Au cours de cette année, le Parti socialiste doit également travailler
à l’émergence de la société décente pour tous. Il n’y a pas de
République réelle sans société décente. Société décente cela veut dire une
société qui respecte la dignité de chacun, qui permet de maitriser des
destins individuels, une société qui ne laisse personne sous la ligne de
flottaison, qui refuse le précariat, la relégation et l’exclusion. Dans cette
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perspective, il faut continuer le combat frontal contre le chômage et
entamer la lutte centrale contre la précarité. J’ai demandé une inflexion
en ce sens et le Parti Socialiste a travaillé : vous allez avoir le pré-‐‑rapport
d’Emeric Bréhier, intitulé « la Justice au cœur » et qui ouvre un certain
nombre de pistes. Oui, en cette année 2016, je demanderai au Parti
socialiste d’être fidèle à sa source, de retrouver le chemin de la lutte
contre les inégalités et les exclusions. Contre la précarité, beaucoup reste
à faire. Même si beaucoup a été fait malgré une marge de manœuvre
budgétaire étriquée : le compte social universel, le compte pénibilité, le
compte personnel d’activité, le plan pauvreté etc.
Pour le Parti socialiste enfin, l’année 2016 sera l’année du
dépassement. Avant d’aborder ce dépassement, il faut évoquer
succinctement la situation politique dans lequel il se fera. Je ne parle pas
ici des sondages mais des votes aux régionales. Le Front national a viré
en tête mais il n’est pas parvenu à prendre la tête d’exécutifs régionaux.
Le « ni-‐‑ni » de la droite a volé en éclat et les primaires sont entrées dans
la phase de l’impeachment, voire de l’éviction de Monsieur Sarkozy.
Enfin les gauches qui perçoivent la nécessité de s’unir dès le premier
tour, explorent des chemins. Ils ont raison parce que le tripartisme
nécessite non pas le rassemblement au deuxième tour mais d’être au
deuxième tour. C’est le grand changement stratégique. Le Parti socialiste
fait une lente remontée électorale, 14% aux élections européennes, 22%
aux élections départementales, plus de 23% aux élections régionales
malgré l’élimination dans des régions entières, ce que je n’oublie pas. La
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gauche est trop divisée. Elle est frappée par la cacophonie. Elle est plus
dans la désignation du candidat à la prochaine présidentielle que dans le
nouveau projet pour celle-‐‑ci. Paradoxal, lorsqu’on se réclame pour
certains de la VIe République. Certains évoquent l’idée d’une primaire. Il
faudrait quand même préciser de quel type de primaire on parle. Si c’est
une primaire de la contestation, si elle se limite à la gauche de la gauche,
le Parti socialiste ne se sent pas concerné. Si c’est une primaire de la
refondation, si elle concerne toute la gauche pour la ressouder et la
renforcer, si elle est ouverte sans exclusive, d’Emmanuel Macron à Jean-‐‑
Luc Mélenchon, alors, oui, pourquoi pas. Mais, cette primaire devra être
sincère et unitaire jusqu’au bout, c’est-‐‑à-‐‑dire qu’elle engagerait, une fois
passée, tous les candidats malheureux à soutenir l’heureux élu. Il
faudrait demander aux heureux candidats potentiels s’ils sont ouverts à
cette option.
Indépendamment de cette hypothèse de la primaire, le Parti
socialiste préparera cette échéance présidentielle sur le fond, avec
notamment les « Cahiers de la Présidentielle » qu’animera Guillaume
Bachelay. Il s’agira ici de redonner du sens et non de rédiger une somme,
de faire le point sur nos actions mais surtout d’ouvrir un horizon.
Je l’ai dit, 2016 sera l’année du dépassement, donc l’année de la
mise en place de l’Alliance Populaire, de la Belle Alliance. Il faut sans
doute ici préciser les choses et lever un malentendu : il ne s’agit pas
d’une gauche plurielle bis, ou de la seule union de la gauche. La stratégie
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mise en place est claire : il s’agit d’abord de rassembler autour du Parti
socialiste toutes celles et tous ceux qui refusent le Front national et la
droitisation de la droite dans les solutions économiques et sociales, ceux
qui veulent prendre à bras le corps la question écologique et qui
souhaitent enfin une renouveau européen. Nous le ferons sachant que
sur notre gauche, des responsables et des individus ne sont pas d’accord
pour nous accompagner dans cette première phase. C’est respectable. Le
Parti socialiste refuse de les traiter en surplomb, mais puisqu’il règne la
division et voire la confusion, nous entrons nous dans l’action. L’alliance
populaire est tout à la fois une stratégie et un but. Elle commence par la
fédération des écologistes, des socialistes, des démocrates, des radicaux
et surtout de citoyens pour un rassemblement social, écologique et
républicain. Elle s’achèvera quand toutes les forces de gauche seront
rassemblées. Le Parti socialiste doit se dépasser pour répondre à cette
équation nouvelle. Puisque la voie du haut est fermée, nous
rassemblerons par le bas, puisque les appareils coincent, nous en
appelons directement aux citoyens, aux associations et aux personnalités.
Nous le ferons pour renforcer la grande alliance entre le peuple
progressiste et les valeurs progressistes, ce sera aussi la meilleure
manière pour créer le mouvement dès le premier tour de la
présidentielle. Rendez-‐‑vous fin février, début mars pour l’appel et à
l’automne pour la Convention sur la Belle Alliance-‐‑Alliance Populaire.
Entre temps nous installerons dans chaque département des collectifs
unitaires qui se coordonneront à l’automne dans la convention.
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Enfin, l’année 2016 sera marquée par un certain nombre de
commémorations. Il y aura le centenaire de la naissance de François
Mitterrand. Il y aura aussi le 1er mai qui sera l’occasion de saluer la
mémoire de Léon Blum, comme je le fais chaque année depuis mon
entrée en fonction, mais aussi, cette année, de commémorer le Front
Populaire (1936-‐‑2016). Le Front Populaire ce n’est pas seulement la
référence d’une gauche unie, c’est aussi celle d’une gauche qui agit, un
esprit auquel il nous faut être fidèle aujourd’hui.
Voilà, j’en ai finis pour le tableau de cette année dont les contours
exacts dépendront avant tout de nous.
Je vous souhaite à nouveau une bonne année 2016, une année qui
vous donne l’occasion d’aimer la vie, une année bien évidemment pleine
de questions pointues et de relances précises. Je suis donc tout ouïe.
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