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L’homme
qui change
nos vies
Steve Jobs,
patron d’Apple
3:HIKNLI=XUXUU[:?b@a@k@e@k;
ITALIE : 3,50 € - JAPON : 700 ¥ - LUXEMBOURG : 3,50 € - MAROC : 25 DH - NORVÈGE : 46 NOK
PORTUGAL CONT. : 3,50 € - SUISSE : 5,80 CHF - TOM : 700 CFP - TUNISIE : 4,10 DTU
Tsevis Visual Design - Photo : Corbis
e n c o u ve r t u r e ●
◀ Steve Jobs, l’homme qui change nos vies.
LA RÉVOLUTION
APPLE
Depuis son retour, en 1997, à la tête de son entreprise alors
moribonde, Steve Jobs en a fait l’un des géants de
l’informatique grand public. ■ Chaque nouveauté estampillée
de la fameuse pomme est désormais synonyme de succès et
de bouleversement de nos existences. ■ Le lancement de la
tablette, le 27 janvier, ne déroge pas à cette règle. ■ Cette
fois, c’est l’ensemble de la filière des médias traditionnels
En attendant la mise en vente du premier iPhone à New York,
qui espère profiter de l’innovation. le 29 juin 2007, des jeunes fans de la marque passent le temps
en regardant un film sur leur ordinateur portable.
L
de faire tout cela à la fois. Rien d’étonnant, nateur commun de la plupart des produits
Londres
donc, si certains parlent d’un “tournant déci- Apple : presque toujours, ils prennent une idée
a scène se passe dans un avenir proche. ■ Récompense sif dans l’accès à toutes sortes de médias et dans existante et la rendent irrésistible. L’iPod,
La journée a été longue. Enfin venu à En novembre 2009, leur utilisation” ou encore d’une “réinvention l’iPhone et l’iMac sont tous des produits qui
bout de vos obligations professionnelles, le magazine par Apple de l’informatique individuelle”. Dans ont innové, obligeant le reste du secteur à s’ali-
vous vous affalez dans votre canapé et économique The New York Times, le chroniqueur médias gner sur cette nouvelle référence.
vous attrapez cet appareil étincelant que Fortune a désigné David Carr écrit : “Je n’ai pas été aussi enthou- Prenons l’exemple de l’iPod. En octo-
vous avez acheté l’autre jour. Ce petit Steve Jobs comme siasmé à l’idée d’acheter quelque chose depuis mes bre 2001, Apple n’était pas le premier sur le
bijou au design épuré – qui vous a coûté le patron 8 ans, quand j’ai commandé de petits hippocampes marché des lecteurs MP3. Mais, si l’on en croit
1 100 euros au bas mot – est la tablette de la décennie, proposés en quatrième de couverture d’un maga- Ian Fogg, analyste en matière de produits grand
d’Apple. Avec son écran de 10 pouces sans cla- considérant qu’il zine de bandes dessinées.” public chez Forrester Research, Apple a bou-
avait notablement
vier, c’est un peu un iPhone survitaminé. Vous Mais, pour vraiment révolutionner notre leversé les choses en proposant un baladeur
contribué
le mettez en marche d’une simple pression du vie, la création d’Apple doit être bien davan- plus petit, à la capacité bien plus importante
à “changer notre
doigt et vous commencez à… A faire quoi, au monde”.
tage que le meilleur lecteur électronique de sa (environ 1 000 morceaux). La véritable révo-
juste ? On nous annonce que cet appareil va catégorie : elle doit aussi nous permettre de lution fut la molette cliquable, permettant de
révolutionner la lecture des versions électro- regarder les films autrement, de jouer autre- naviguer parmi tous ces morceaux. Avec le
Gates lui-même, le rival de Steve Jobs. “J’uti- médias chez Forrester Research, “elle pour- le succès de ce téléphone, encore trouvé son public.
lise déjà une Tablet [Microsoft] comme ordina- rait faire la synthèse entre nos différents lecteurs de qui intègre un disque dur Le peu de contenus
dont la capacité disponibles y est sans
teur de tous les jours”, avait déclaré le patron de médias numériques.”
peut atteindre 16 Go. doute pour beaucoup.
Microsoft en 2003. “C’est un PC aux possibi- Charles Arthur
A
centaines, sinon des milliers d’individus exception-
nellement doués qui y travaillent. Leur destin après
pple Inc. vaut environ 140 milliards de Steve dépendra en grande partie de la direction
dollars [98 milliards d’euros]. Mais qu’ils se donneront pour le remplacer. L’entreprise s’est
vaut-elle un seul cent sans Steve Jobs ? désintégrée après le départ de Steve, au milieu des
L’entreprise s’est bâtie autour de sa per- années 1980 ; espérons qu’ils feront mieux la pro-
sonnalité et de son inspiration. Et c’est chaine fois.” D’autres doutent cependant qu’Apple
aujourd’hui l’entreprise la plus obser- puisse survivre longtemps sans le perfectionnisme
vée, enviée, admirée et adorée au monde. “Jobs exigeant que Jobs met dans ses produits. “Apple
n’est pas un ingénieur, remarque l’écrivain Dan continuera sur la lancée de son modèle commercial
Lyons. Il est à peu près incapable de concevoir quoi actuel”, estime Philip Elmer-DeWitt, responsable
que ce soit et il ne connaît rien aux circuits impri- du blog Apple 2.0, “et cela pourrait se poursuivre
més. Mais c’est le modèle parfait de l’utilisateur des années. Mais les choses seront différentes sur un
final, le type qui est de notre côté.” Dan Lyons a point essentiel : avec Jobs, il y avait un type au début
créé un blog intitulé The Secret Diary of Steve et à la fin de tout projet, et ce type avait le pouvoir de
Jobs [Le Journal secret de Steve Jobs] en l’ac- dire : ‘C’est nul, reprenez tout de zéro.’ Celui ou
compagnant d’une devise qui résume l’étrange celle qui le remplacera aura peut-être la même vision
Jonh G. Mabanglo/Corbis
mélange de pouvoir et de fantaisie de geek et le même titre de fonction, mais il ou elle ne sera
qu’incarne le patron d’Apple : “Je vous redon- jamais le cofondateur ou la cofondatrice d’Apple, et
nerai le sens de l’émerveillement enfantin. Il n’y a Steve Jobs, à San donc n’aura jamais la même autorité que lui.”
rien que vous puissiez faire pour m’en empêcher.” Francisco en 2004.
Aussi, entre politique du secret et fanatisme de APPLE CONTINUE DE SURPRENDRE
UN PUBLIC QUI EN REDEMANDE
geek, le Bon Steve et le Mauvais Steve se fon- on disait que le département marketing d’Apple
dent pour ne former qu’une seule personna- se résumait à Jobs debout devant son miroir en Mon opinion personnelle est qu’une fois que
lité gigantesque et fascinante. “Il aurait fait un train de se demander ce dont il aurait envie. Jobs ne sera plus là Apple cherchera à fusionner
excellent roi de France”, disait Jef Raskin, le Son éviction d’Apple en 1985 a été vécue avec Google. Les deux entreprises sont en train
cerveau qui fut derrière le premier Mac. par Jobs comme un arrêt de mort, mais il ne s’est de converger à un rythme accéléré. Les princi-
Qualifier Jobs d’obsédé du contrôle, c’est pas laissé entraîner facilement dans les ténèbres. paux secteurs de convergence sont, en premier
comme dire que la pluie mouille. Au moment Il a créé NeXT. La société produisait de beaux lieu, les téléphones mobiles. Il y a l’iPhone
de la conception du premier Mac, les ingénieurs ordinateurs destinés à l’éducation, mais ils étaient d’Apple et l’Android de Google, lequel n’est pas
voulaient y inclure des “ports d’extension” à par- chers et impossibles à vendre. Un an plus tard, un téléphone en soi, mais un système d’exploi-
tir desquels les gens auraient pu connecter des il a acheté au créateur de Star Wars, George tation qui peut être utilisé par d’autres opéra-
dispositifs leur permettant de configurer leur ■A la une Lucas, une étrange communauté d’hommes teurs téléphoniques. Google produit également
machine. Jobs s’y est opposé. C’était sa machine, Le numéro un brillants qui pensaient que l’on pouvait faire des le logiciel de navigation Chrome, qui fait concur-
elle devait être fermée et parfaite. Depuis, il n’a d’Apple a fait films sur ordinateur. La communauté s’appelait rence au Safari d’Apple. Et, surtout, Google tra-
pas changé, même s’il a fait des concessions pour la couverture Pixar. Même si cela ne semblait devoir débou- vaille actuellement sur un système d’exploitation
l’iPhone, en autorisant des entreprises extérieures de nombreux cher sur rien, Steve Jobs préparait sa vengeance d’ordinateur, également baptisé Chrome, qui
à développer des applications – “apps” – que l’on magazines au cours et il avait bien l’intention de l’assouvir. Pixar a pourrait devenir un concurrent sérieux pour Mac
peut télécharger sur son mobile. Steve Jobs est des dernières d’abord conclu un partenariat avec Disney pour OS X. Les apps de l’iPhone d’Apple sont éga-
années.
également obsédé par les entrailles de ses produire Toy Story, tandis qu’Apple, malade et lement en compétition avec de nombreuses appli-
En octobre 1999,
machines. Il rend ses ingénieurs littéralement perdant de l’argent, a racheté NeXT et réinté- cations Google gratuites. L’enjeu, c’est que les
Time vantait déjà
fous, en exigeant que l’intérieur des machines gré Jobs. En quelques mois, il est redevenu Dieu. deux entreprises cherchent à ravir la domination
son parcours et ses
soit beau, en dépit du fait que les clients ne le choix. En juin 2007, Pixar a engrangé des millions, et bientôt des mil- du marché mondial à Microsoft. En dépit de ses
verront jamais. Ce code de perfection impéné- quelques jours liards de dollars. Apple a essuyé la poussière qui défauts et de son incapacité à innover, le système
trable s’étend même à la vision qu’a Jobs de son avant le lancement lui souillait la face pour sortir de sa tombe grâce d’exploitation Microsoft Windows continue à
propre corps. Il a toujours été extrêmement de l’ iPhone, à l’iMac, un ordinateur de bureau monobloc res- dominer le marché informatique mondial. La
attentif à son alimentation, et ses ennuis de santé New York Magazine semblant à un jouet. Puis, en 2002, les années perte du génie de Jobs pour la conception de
n’ont fait qu’exacerber cette tendance. Il fut n’hésitait pas de vaches maigres de NeXT ont enfin produit nouveaux produits signifierait qu’un rappro-
un temps où l’on racontait que son plat préféré à le déifier un retour sur investissement. Mac OS X, le nou- chement entre le sens de l’innovation de Google
consistait en carottes crues râpées sans le moindre en parlant d’iGod. veau système d’exploitation d’Apple, était fondé et le sens du design et du marché d’Apple pour-
assaisonnement. sur l’architecture logicielle de NeXT. Il était rait s’avérer extrêmement prometteur, même
Pour reprendre les termes du psychiatre superbe, infiniment meilleur et infiniment plus si les autorités antitrust risquent probablement
Michael Maccoby, le numéro un d’Apple est un beau que Microsoft Windows. Steve Jobs était de voir la chose d’un mauvais œil.
“narcissique productif”. Pour Jobs, le monde est bien décidé à ringardiser Microsoft. Mais la Et puis il y a la grande question épique de
un épiphénomène, un effet secondaire de l’exis- domination mondiale lui échappait encore. Il l’a Steve Jobs lui-même. La Silicon Valley peut-être
tence de Steve. Ou plutôt c’est une pyramide obtenue en 2001 avec l’iPod, puis en 2007 avec survivre sans lui ? Pouvons-nous survivre sans
avec Jobs au sommet, quelques personnes bril- l’iPhone. Le premier a pratiquement raflé la tota- lui ? “Je pense que nous avons besoin de narcissiques
lantes juste au-dessous de lui, et puis tous les lité du marché des lecteurs MP3, et le second productifs comme Jobs, affirme Michael Maccoby,
autres – les “blaireaux”. Pour lui, le blaireau client est en passe de réaliser la même chose sur le mar- mais il y a toujours des bavures.Vous pouvez hériter
n’a pas toujours raison. A l’époque de ses débuts, ché des téléphones mobiles. Apple est désormais d’un Abraham Lincoln ou vous retrouver avec un
P
chose de plus qu’une simple entreprise. Pour les Washington tent plus d’attention que ceux d’autres sociétés,
fans, il en a fait une grande cause ; aux yeux des dans la mesure où il est souvent arrivé qu’ils bou-
sceptiques, cependant, la réalité est plus sinistre. our mémoire, j’écris cet article sur un leversent les règles du jeu. Mais j’aurais préféré
“Apple est moins une entreprise qu’une véritable MacBook Pro. Simultanément, j’écoute ne pas entendre un mot de plus sur Apple et sa
secte, souligne Dan Lyons. Si l’Eglise de sciento- de la musique sur iTunes grâce aux tablette avant le lancement officiel. Non pas parce
logie se lançait dans l’électronique grand public, ça écouteurs vendus avec l’iPod, dans le que ce n’est pas une information, mais parce que
deviendrait Apple.” Le statut de l’entreprise n’est souci de ne pas déranger mes voisins. A nombre des journalistes glosant sur ce futur lan-
guère remis en question. Elle est observée par moins de 30 centimètres de l’endroit où cement ont manifestement renoncé à la respon-
des blogueurs qui épluchent ses applications bre- je suis assis, mon iPhone est en train de se sabilité qu’ils ont vis-à-vis de leurs lecteurs au
vetées et analysent chacune de ses initiatives. “Je recharger. Comme le diraient les gourous du profit d’un fanatisme mielleux à souhait.
nage dans les sites d’infos Apple comme une baleine marketing, je suis vraiment “très Mac”. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a aucun service
dans un banc de crevettes”, reconnaît Philip Elmer- Comme la plupart des gens qui s’intéressent rendu au lecteur. Conscient du battage
DeWitt. Et pourtant, l’entreprise continue à sur- de près ou de loin aux technologies, je consacre façon tsunami qui s’annonçait, tout
prendre et à stupéfier. Si je ne veux pas que Jobs chaque jour un peu de mon temps à me tenir journaliste vraiment soucieux de rendre
meure, ce n’est pas parce que mes ordinateurs au courant des actualités en la matière. un service à ses lecteurs aurait dû avoir
et mon iPhone sont “absolument déments” par Mais pas ce soir. Ce soir, pas moins le bon goût de fermer son clapet sur Apple
rapport à leurs piètres concurrents, mais parce de sept des dix articles les plus pendant une semaine et de se concentrer sur
que, avant tout, on le doit à une personnalité récents sur l’agrégateur d’infor- de vrais scoops. Sept jours au cours desquels
extraordinaire. Je me suis fait une règle de ne mations Techmeme portent sur ils auraient dû cesser de se comporter comme
pas employer le mot “génie” pour qualifier un Apple. Certes, Internet ne se des gamins qui n’arrivent pas à se concentrer
homme d’affaires, mais je suis prêt à faire une résume pas à la page d’accueil de ce sur leur cours de maths parce qu’ils savent que
exception pour Steve Jobs. Les génies ont ten- site, qui n’est qu’un algorithme aidé les vacances de Noël commencent dans une
dance à voir leur propre existence comme ayant par une équipe de journalistes en chair semaine. Sept jours de silence avant l’inévi-
une signification universelle, comme incarnant et en os. Peut-être est-ce simplement table débauche de masturbation journalis-
les grands courants de leur époque. Peut-être qu’ils se font une petite journée Apple. tique sur l’écran impeccable du dernier
qu’ils n’en sont pas conscients, mais cela trans- Je vais donc faire un tour sur ma miracle d’Apple. Paul Carr
paraît de manière évidente dans leur travail. Tout source préférée d’infos sur les techno-
ce que je sais de Jobs me confirme que c’est bien logies hors Silicon Valley : le blog de
◀ Le premier logo d’Apple a été réalisé en 1976
ainsi qu’il voit sa propre vie, comme le lieu de Rory Cellan-Jones sur le site de la
par Ron Wayne, cofondateur de l’entreprise.
fusion de la révolution high-tech et du consu- BBC. Rory s’intéressant surtout à
Il représentait Isaac Newton assis au pied
mérisme chic. Il est, comme le dit Dan Lyons, Londres, on peut généralement d’un arbre avec la fameuse pomme au-dessus
“le parfait utilisateur final”, à la fois producteur compter sur lui pour jeter un œil de la tête. Très vite, cette image un peu désuète
et consommateur. Il ne fait qu’un avec les blai- hors de la bulle. Mais pas ce soir. a été remplacée par une pomme multicolore dessinée
reaux et leurs gadgets. Voilà la personne qu’est “Le monde de l’édition est-il en passe par le graphiste Rob Janoff. Elle fut l’image de
Steve Jobs. Bryan Appleyard de connaître son grand moment iPod ?” marque de l’entreprise pendant plus de vingt ans.
L
New York
e patron d’Apple, Steve Jobs, en est per-
suadé : son nouvel outil va transformer les
secteurs du manuel scolaire, de la presse
et de la télévision de la même façon que
l’iPod a bouleversé l’industrie de la mu-
sique. Des responsables de la marque à
la pomme auraient récemment rencontré des
Chris Maluszynski/Moment/Agence VU
éditeurs de livres, de journaux et de magazines
pour poser les bases d’une éventuelle collabora-
tion. The New York Times, Conde Nast Publica-
tions, HarperCollins Publishers et son proprié-
▲ Dans le métro de New York, les habitudes de lecture
taire, News Corp., qui possède également
ont évolué. Certains utilisent leur Kindle (à gauche)
The Wall Street Journal, pourraient fournir des
ou leur iPhone, d’autres préfèrent le papier.
contenus pour la tablette.
Le président du NewYork Times, Arthur Sulz-
berger, s’est refusé à tout commentaire sur le ■ Résultats leurs ventes n’est pas sans embûches. En choi- conception et la programmation de la tablette
sujet, se contentant d’un simple “Restez à Grâce à une sissant d’exploiter seulement les meilleurs pour que son utilisation soit la plus intuitive pos-
l’écoute !” Apple serait également en train de très forte demande contenus et non pas l’intégralité des programmes sible. L’entreprise a testé un moyen d’écrire des
négocier avec certains groupes de télévision d’iPhone de certaines sociétés de télévision et d’opérateurs notes virtuelles et un système pour que l’appa-
comme CBS et Walt Disney, propriétaire d’ABC, et de matériel du câble, Apple s’est heurté à leur résistance. reil reconnaisse automatiquement l’utilisateur
un abonnement mensuel à un certain nombre informatique Dans l’industrie de la musique, beaucoup se avec une Webcam. La campagne de recherche
estampillé de par
de chaînes. L’éditeur de jeux vidéo Electronic plaignent du fait qu’Apple est devenu un filtre de contenus menée par Apple s’est intensifiée
sa célèbre pomme,
Arts pourrait, pour sa part, être chargé de mettre obligé entre les labels et les consommateurs. à l’automne. Des représentants auraient été
Apple a terminé
en avant le potentiel ludique de la tablette. La l’année 2009 en
De plus, le nombre de téléchargements de envoyés, en octobre, au Salon du livre de Franc-
stratégie déployée par Apple pour approcher les beauté en réalisant morceaux sur l’iTunes Store n’a pas augmenté fort, le plus grand rendez-vous littéraire du
médias contraste fortement avec celle de ses ses plus grosses assez rapidement pour compenser la baisse des monde. Au même moment, la marque aurait
concurrents. Google, par exemple, propose sur- ventes au cours du ventes de CD. proposé aux groupes de télévision un projet de
tout des contenus sans copyright, comme sur dernier trimestre, service d’abonnement sur le thème du “meilleur
son site de partage de vidéos, YouTube, qui fait MODERNISER iTUNES DEVIENT de la télé”, qui permettrait aux abonnés de vision-
avec un revenu
UNE DE SES PRINCIPALES PRIORITÉS
relativement peu de différence entre les vidéos historique de ner à la demande les programmes d’un bouquet
fournies par les utilisateurs et celles qui viennent 15,6 milliards de Le dernier bébé d’Apple va devoir surmonter de chaînes contre paiement d’un forfait mensuel.
des sociétés de médias. Des sites Internet tels dollars (11 milliards plusieurs obstacles. Selon les spécialistes, la Il s’agirait, pour les utilisateurs, d’un moyen sup-
que Twitter et Facebook peuvent aussi accueillir d’euros) et un demande dépendra de son prix. Pour la marque, plémentaire d’accéder facilement à des conte-
les contenus produits par les utilisateurs. bénéfice net de plus il s’agit aussi de convaincre les utilisateurs d’ache- nus télévisuels. Apple souhaiterait proposer entre
de 3,3 milliards
Depuis longtemps, Steve Jobs cherche à ter ce produit en plus d’un iPhone et d’un ordi- quatre et six émissions par chaîne.
de dollars. Pendant
concevoir de nouvelles façons d’accéder aux nateur portable. En outre, elle devra faire face à L’entreprise envisagerait également de mo-
cette période,
contenus plutôt qu’à réinventer ces contenus. l’entreprise
la concurrence de netbooks meilleur marché ainsi derniser iTunes, en créant une version Inter-
L’iTunes Store est ainsi devenu le premier dis- a écoulé quelque que d’autres gadgets, comme Kindle, le lecteur net du service, qui pourrait être lancée dès le
tributeur de musique du monde, notamment 8,7 millions de livres électroniques d’Amazon. mois de juin. Provisoirement appelé iTunes.com,
parce qu’il permet d’acheter plus facilement d’iPhone, deux fois Le succès de la tablette va dépendre de “la elle permettrait aux utilisateurs d’acheter de la
de la musique (produite généralement par de plus qu’en 2008 à façon dont elle s’intégre dans la vie quotidienne de musique sans passer par le programme iTunes
grands labels discographiques), en proposant des la même période. l’utilisateur, et du fait qu’elle donne accès à suffi- installé dans les ordinateurs et les iPhone. L’un
morceaux plutôt que des albums. L’Apple TV, Dans le même samment de contenus pour justifier son utilisation”, des principaux axes de cette nouvelle stratégie
un récepteur multimédia numérique, a égale- temps, elle a vendu estime Henry Lu, vice-président de Micro-Star serait de disséminer des onglets “Acheter” dans
ment été conçu pour que les utilisateurs puis- 3,3 millions International, une entreprise taïwanaise qui a autant de sites Internet que possible, et d’inté-
sent acheter ou louer des films et des émissions d’ordinateurs, essayé en vain, il y a quelques années, de com- grer les transactions avec iTunes à des activités
télévisées à l’unité. Selon l’un de ses anciens col- soit un bond de mercialiser une tablette électronique. telles que l’écoute de la radio sur Internet ou
33 % par rapport à
laborateurs, Steve Jobs est “attentif aux besoins Dans le domaine de l’éducation, Apple pour- la consultation de sites de critique musicale.
l’année précédente.
des acteurs traditionnels du secteur et veut les aider rait avoir du mal à séduire les universités si la En novembre 2009, Apple a embauché Tracy
De quoi donner
en leur proposant de nouveaux canaux de distri- le sourire tablette ne répond pas à leurs besoins ou si elle Augustine, ancienne directrice commerciale des
bution”. On ne sait pas encore comment Apple à la société et n’est pas compatible avec les autres appareils éditeurs de manuels scolaires Cengage Learning
compte faire payer les contenus accessibles depuis ses actionnaires. électroniques utilisés par les étudiants. Ama- et Pearson Education, et lui a confié la direction
sa tablette, mais, d’après des personnes connais- Ces derniers zon espérait conquérir ce marché avec son lec- du programme pédagogique au niveau mondial.
sant bien l’entreprise, celle-ci pourrait bien renon- espèrent que teur de livres électroniques de 9,7 pouces, le D’après ce que l’on peut lire sur le site de réseaux
cer aux modes de paiement classiques. Apple la tablette leur Kindle DX, mais les écoles ont trouvé qu’il n’était professionnels LinkedIn, elle a été chargée de “la
réfléchirait avec The NewYork Times à un moyen permettra de faire pas assez interactif et manquait de fonctions de stratégie et des ressources à mettre en œuvre pour
d’acheter les informations en passant par iTunes. encore mieux en base, comme le foliotage et les dessins en cou- développer le service éducatif en ligne à destination
Le chemin qu’a emprunté Steve Jobs pour 2010. leur. Selon une source bien informée, Apple a des étudiants”.
moderniser l’accès aux contenus et augmenter mis en œuvre des moyens importants dans la Yukari Iwatani Kane et Ethan Smith
P
se trouve, des livres avec des quiz interactifs, ou versions plus chères destinées à la tablette Apple,
encore des romans qui combinent écrit et audio. ils pourraient différer la sortie de leurs livres
our obtenir les faveurs des éditeurs, des “Dès le lancement du Kindle, nous savions que les dans la boutique Kindle. “La bataille portant sur
auteurs et des lecteurs, Apple et Ama- innovations ne se feraient pas toutes entre les murs la valeur d’un livre électronique est en train de se
zon ont décidé d’ouvrir les hostilités. Internet, livre électronique d’Amazon, confie-t-il. Nous voulions ouvrir le dérouler sous nos yeux”, confie un directeur édi-
Pour l’heure, la librairie électronique et La guerre du numérique Kindle à une large palette de créateurs – depuis les torial qui préfère garder l’anonymat. “Dans cette
son Kindle règnent sur un marché nais- aura bien lieu développeurs jusqu’aux éditeurs, en passant par les bataille, Apple propose une offre favorable aux édi-
sant, mais en plein boom. Ils représen- auteurs – pour que chacun y trouve son intérêt.” teurs et, par conséquent, aux auteurs.”
Google
tent 70 % des ventes de lecteurs de livres Amazon veut donc contrecarrer les projets
électroniques et 80 % des achats d’ouvrages.
Microsoft
LE LIBRAIRE EN LIGNE EST PRÊT d’Apple. Le 20 janvier, le libraire en ligne a
Apple À EN DÉCOUDRE
S’inspirant d’Apple, Amazon a annoncé, le Amazon annoncé qu’il améliorerait les conditions de
21 janvier, qu’il ouvrirait son Kindle aux déve- et les autres Mais cette manœuvre marque aussi une évo- rémunération des auteurs et des éditeurs qui
loppeurs d’applications. Apple, avec sa tablette, lution de la relation qu’entretient Amazon avec publieraient des livres électroniques directement
plus polyvalente (et plus onéreuse) que le Kindle, ■ Dossier les journaux et les magazines qui lui fournissent sur le Kindle. Son but est d’amener les auteurs
entend bien favoriser la lecture de livres, de jour- Dans notre n° 994 des éditions numériques. En effet, nombre de et leurs agents à céder les droits de leurs livres
du 19 novembre
naux et d’autres supports. “Le système de prix du ces sociétés ont exprimé leur mécontentement électroniques et à les vendre directement à Ama-
2009, nous avons
Kindle l’emportera-t-il sur le sex-appeal d’Apple ? à propos de la part qui leur revient, limitée à zon. Aux termes de ces nouvelles conditions,
consacré de
Là est la question, non ?” s’interroge Richard nombreuses pages
30 % du prix d’abonnement, et de l’absence de Amazon accorderait aux auteurs et aux éditeurs
Charkin, directeur exécutif de Bloomsbury à la question relation directe avec leurs abonnés. Avec la créa- qui acceptent de fixer le prix de vente de leur
Publishing, à Londres, qui suit l’évolution des de l’avenir du livre tion d’applications spécifiques au Kindle, ces livre en dessous de la barre des 9,99 dollars un
ventes de livres électroniques avec le plus vif électronique. Nous sociétés pourront vendre davantage de conte- pourcentage de 70 % du prix. Cette proposition
intérêt. “Je n’en ai pas la moindre idée.Tout ce que insistions déjà sur nus mis à jour en continu, qui leur rapporteront fait sans nul doute écho à l’offre d’Apple. Mais
je peux dire, c’est que c’est génial. Plus il y a de gens la rivalité naissante de l’argent. les éditeurs ne sont pas en mesure d’anticiper
qui vendent des livres, en format électronique ou entre les grands Reste que, pour les maisons d’édition, la l’arrivée sur le marché d’un autre poids lourd :
autre, mieux c’est.” acteurs du secteur nouvelle tablette d’Apple constitue une chance Google. Celui-ci cherche également à se lancer
Pour répondre à l’offensive d’Apple, le informatique en or. Elle leur offre la possibilité de contrer la dans la vente de livres électroniques. “Plus le
libraire en ligne a décidé de publier un kit de – Google, Amazon, mainmise d’Amazon sur le marché du livre élec- nombre de sociétés qui contrôlent les transactions des
développement que les entreprises, y compris Apple et Microsoft – tronique et de regagner un certain pouvoir de consommateurs est élevé, plus le rôle des éditeurs sera
pour dominer
les éditeurs de livres et de magazines, pour- négociation dans des domaines sensibles comme important”, estime Mike Shatzkin, directeur
le secteur
ront utiliser pour créer et vendre des applica- celui des prix. Plusieurs éditeurs racontent d’Idealog, une société qui aide les éditeurs à
prometteur de
tions destinées au Kindle. Mais, tant qu’il n’aura l’édition numérique. qu’Apple a proposé un arrangement selon lequel développer des stratégies numériques. “Avec
pas lancé de modèles plus sophistiqués de son A commander ils pourraient fixer le prix de leurs livres, Apple l’entrée d’Apple sur ce marché, et si Google lui
Kindle, les développeurs resteront limités par ou télécharger percevant seulement une commission de 30 %. emboîte le pas dans trois mois, l’univers du livre
son écran noir et blanc et par la lenteur du rafraî- en ligne sur : Comme Amazon paie aux maisons d’édition un numérique aura peut-être un visage complètement
chissement de la page. Selon Ian Freed, l’un des http://boutique.cour prix de gros qui équivaut d’ordinaire à la moi- différent d’ici la fin de l’année.”
responsables de Kindle, chez Amazon, les déve- rierinternational.com tié du prix de vente d’un livre imprimé, les édi- Brad Stone et Motoko Rich