Professional Documents
Culture Documents
MONTRÉAL
LE 2 JUIN 2010
c.
DÉCISION
CITATION
1
R.R.Q., c. P-13.1, r. 1.
FAITS
[3] Le 31 mars 2008, vers 15 h 10, les agents Roy et Daniel Dubuc patrouillent à
pied la Plaza Côte-des-Neiges. Leur voiture de police est garée dans le
stationnement intérieur du centre commercial.
[7] Le véhicule a été saisi, étant donné le permis sanctionné de son frère. À la
suite de son intervention verbale lors de l’arrestation de son frère, il a aussi été
arrêté pour entrave par d’autres policiers.
[8] M. Hopkinson affirme avoir parlé à l’agent Roy, le 24 mars 2008, et l’avoir
informé que ses papiers étaient en règle. Le policier ne lui a pas donné le motif de
la saisie de son véhicule. L’agent Roy nie avoir parlé à M. Hopkinson à cette
occasion.
[9] Les agents Roy et Dubuc continuent leur marche dans le centre commercial.
Vers 15 h 20, les policiers passent près du comptoir où se trouve M. Hopkinson
pour se diriger vers leur voiture de police. L’agent Dubuc devance l’agent Roy.
[10] Mme Adolphus discute avec Mme Valerie Johnson Lewis, une connaissance
qu’elle vient de rencontrer dans le centre commercial. Les dames sont à quatre ou
cinq pieds de M. Hopkinson.
Version du policier
[11] L’agent Roy entend un bruit ou un cri. Il s’agit d’une voix, mais il ne peut pas
saisir ce que la personne a dit. M. Hopkinson le regarde. Se sentant visé, il
s’approche de M. Hopkinson et lui demande : « What did you say? » M. Hopkinson
répond qu’il ne lui a rien dit. Il est convaincu que M. Hopkinson lui a dit quelque
chose. Après sa deuxième demande, M. Hopkinson le pousse avec ses mains au
niveau de la poitrine.
[14] L’agent Dubuc soutient que Mmes Adolphus et Lewis s’interposent en tirant
par les bras sur l’agent Roy et qu’il doit les repousser.
Version du Commissaire
[15] M. Hopkinson rapporte qu’en voyant l’agent Roy celui-ci lui demande :
« What did you say? » Le policier s’approche de M. Hopkinson et le frappe à la
poitrine avec son torse. M. Hopkinson répond n’avoir rien dit, mais le policier
réplique : « You called me a piece of shit ». M. Hopkinson lui demande : « Do you
have a problem with me? »
[16] Mme Adolphus voit l’agent Roy frapper son fils avec son torse à la hauteur de
la poitrine et l’entend lui demander : « What did you say? » Son fils répond qu’il n’a
rien dit, mais il est accusé par le policier de l’avoir traité de « piece of shit ». Elle
s’approche de la scène. L’agent Roy frappe son fils de nouveau avec son torse. Elle
s’interpose et tire son fils par les bras vers elle.
[17] L’agent Roy revient vers M. Hopkinson après que sa mère l’ait retiré des
mains du policier et elle doit étendre les bras pour le protéger.
[18] Mme Lewis entend un policier dire à M. Hopkinson : « Did you say something
to me? » et ajouter : « You called me a piece of shit » pour ensuite le frapper à deux
reprises avec son torse au niveau de la poitrine.
Version du policier
[20] M. Hopkinson lui donne quatre coups de poing rapides au visage et tente de
crever l’œil du policier avec son doigt. L’agent Roy réussit à mordre le doigt de
M. Hopkinson et celui-ci enlève sa main. L’agent Roy lui donne deux coups de
poing au visage.
[21] L’agent Roy agrippe un bras de M. Hopkinson et l’agent Dubuc prend l’autre
bras pour faire un contrôle articulaire. Les policiers le retournent et il se trouve à
plat ventre au sol. Mme Adolphus tire l’agent Dubuc par les bras qui doit la
repousser.
Version du Commissaire
[24] Pendant que sa mère tente de le protéger en étendant les bras, l’agent Roy
revient vers lui et agrippe sa main. M. Hopkinson se défait de la prise du policier.
L’agent Roy contourne Mme Adolphus, l’agrippe de nouveau avec ses mains et le
fait trébucher. M. Hopkinson est couché sur le dos et le policier est sur lui.
[25] L’agent Roy lui donne deux coups de poing au visage. Sa main atteint le
policier au visage pour se protéger. Le policier mord son doigt et l’asperge de poivre
de Cayenne.
[26] Par la suite, les agents Roy et Dubuc le retournent face contre terre pour lui
passer les menottes.
[27] Un agent de sécurité porte assistance aux agents Roy et Dubuc en prenant
les jambes de M. Hopkinson. L’agent Dubuc tient un bras, mais M. Hopkinson se
débat. La foule, d’une centaine de personnes, crie de façon agressive.
[30] L’agent Pascal Degand agrippe les jambes de M. Hopkinson et assiste les
agents Roy et Dubuc dans le transport jusqu’à la voiture de police stationnée à
l’extérieur.
[31] Étant donné que M. Hopkinson se débat, l’agent Degand doit lui mettre les
menottes aux pieds avant qu’il ne soit entré dans la voiture de police.
[32] Mme Adolphus, ayant déjà quitté le centre commercial, l’agent Roy ne peut
pas procéder à son arrestation pour entrave.
[34] À 15 h 55, les agents Roy et Dubuc quittent le centre commercial avec
M. Hopkinson et arrivent au centre de détention à 16 h 10. M. Hopkinson est fouillé
par l’agent Dubuc et, à 16 h 20, il est mis en cellule.
[38] Le 25 août 2008, M. Hopkinson dépose une plainte contre l’agent Roy au
bureau du Commissaire.
2
Pièce P-8 (en liasse).
Chef 1
[40] M. Hopkinson affirme que l’agent Roy l’a abordé en s’approchant de lui, en
lui demandant ce qu’il lui avait dit, en le frappant à la poitrine avec son torse à deux
reprises, et en l’accusant de l’avoir traité de « piece of shit ». Sa version est
corroborée par sa mère, Mme Adolphus, ainsi que par Mme Lewis.
[41] L’agent Roy soutient qu’il entend un bruit ou un cri, qu’il s’agit de propos qu’il
n’a pas pu saisir, mais qu’il est certain que lesdits propos proviennent de
M. Hopkinson, qu’il est visé par ces propos et qu’il s’est approché de M. Hopkinson
pour s’enquérir des mots exacts prononcés par ce dernier.
[42] L’agent Dubuc prétend qu’il n’entend pas l’échange de propos entre son
collègue et M. Hopkinson. Il n’a vu aucun geste précis, que ce soit ceux de
M. Hopkinson ou de l’agent Roy. « Ça se tiraillait », dit-il. L’agent Dubuc explique
qu’il n’a pas vu cette partie de la séquence, étant occupé à réagir au cri et à
observer tout ce qui se passait autour.
[43] Pourtant, l’agent Dubuc se trouve à peine à quelques pieds de son collègue
et de M. Hopkinson. Le Comité a de la difficulté à croire que l’agent Dubuc ait vu
son collègue s’approcher de M. Hopkinson, mais qu’il n’ait rien entendu et que
l’agent Dubuc ait seulement vu, sans aucune précision, M. Hopkinson et
l’agent Roy « se tirailler ».
[44] Il est pour le moins surprenant que l’attention de l’agent Dubuc ait été attirée
ailleurs, au moment de cette partie déterminante de l’événement. Le Comité croit
que l’agent Dubuc a vu et entendu plus que ce qu’il a relaté devant le Comité.
[45] Pour le Comité, non seulement est-il plausible, mais il est plus que probable
que M. Hopkinson ait traité l’agent Roy de « piece of shit ».
[47] Bien que l’agent Roy n’ait pas procédé à l’arrestation de M. Hopkinson, il est
le policier qui a fouillé sa voiture. Selon M. Hopkinson, il y a eu une discussion entre
lui et l’agent Roy à ce moment.
[48] Le Comité est convaincu que M. Hopkinson n’était pas des plus heureux en
voyant l’agent Roy, une première fois, le 31 mars 2008, dans le centre commercial
et qu’il ait traité le policier de « piece of shit », en revoyant les policiers une dizaine
de minutes plus tard.
[49] Ceci étant dit, il est plus que probable que l’agent Roy ait capté ce que
M. Hopkinson lui avait dit et qu’il l’ait abordé comme ce dernier, ainsi que
Mmes Adolphus et Lewis le prétendent, en lui disant : « You called me a piece of
shit ».
[51] Selon la version de l’agent Roy, M. Hopkinson l’a poussé avec ses mains au
niveau de la poitrine. M. Hopkinson le nie.
[53] Le Comité est d’avis que les gestes et les propos du policier ont été faits et
prononcés dans le but de gêner M. Hopkinson et de lui faire peur et ils constituent
3
comme tels de l’intimidation, selon la jurisprudence .
[54] Pour tous ces motifs, le Comité conclut que l’agent Roy a dérogé à l’article 6
du Code, en intimidant M. Hopkinson.
3
Commissaire c. Delsame, C.D.P., C-2003-3162-3, 23 février 2004; Commissaire c. Legault,
C.D.P., C-2002-3065-2, 3 septembre 2002; Commissaire c. Bigras, C.D.P., C-2000-2892-3,
12 mars 2002; Commissaire c. Barrette, C.D.P., C-98-2512-2, 20 décembre 2001.
Chef 3
[56] Considérant les motifs exprimés par le Comité pour conclure à l’intimidation
de l’agent Roy sur la personne de M. Hopkinson, il s’ensuit que ce dernier était
justifié de repousser le policier.
[59] M. Hopkinson n’a pas commis de voies de fait et il n’a fait aucun geste
pouvant justifier son arrestation pour ce motif. Dans les faits, l’agent Roy a donc
procédé illégalement à l’arrestation de M. Hopkinson.
[60] Pour ces motifs, le Comité conclut que l’agent Roy a dérogé à l’article 7 du
Code, en procédant illégalement à l’arrestation de M. Hopkinson.
Chef 4
[62] La preuve policière révèle que M. Hopkinson a été arrêté vers 15 h 50, qu’il
est arrivé au centre de détention vers 16 h 10, et qu’il a été écroué et mis en cellule
à 16 h 20. Il a été confié au fonctionnaire responsable à partir de ce moment-là.
[64] Pour ces motifs, le Comité conclut que l’agent Roy a dérogé à l’article 7 du
Code, en détenant illégalement M. Hopkinson.
Chef 5
[65] Le Commissaire reproche à l’agent Roy d’avoir utilisé la force sans droit sur
M. Hopkinson, à l’encontre de l’article 7 du Code.
[67] Il s’ensuit que l’agent Roy a utilisé la force, selon son témoignage, pour
amener M. Hopkinson au sol et pour le maîtriser par deux coups de poing au visage
et par le poivre de Cayenne, sans droit.
[68] Pour ces motifs, le Comité conclut que l’agent Roy a dérogé à l’article 7 du
Code, en utilisant la force sans droit sur M. Hopkinson.
Chef 2
[70] La preuve révèle que l’agent Roy a arrêté M. Hopkinson pour voies de fait
sur un policier. À la suite de l’arrestation, l’agent Roy a rédigé un rapport
4
d’événement , qui est un document de cinq pages où il décrit les faits conduisant à
l’arrestation de M. Hopkinson.
[71] Il convient de rappeler que le Comité n’a pas cru l’agent Roy, que
M. Hopkinson n’a pas commis de voies de fait envers le policier et que l’arrestation
de M. Hopkinson était illégale. Ceci étant dit, le Comité est d’avis que le policier a
porté une accusation de voies de fait sans justification contre M. Hopkinson.
[72] Il reste à déterminer si l’agent Roy a porté cette accusation sciemment sans
justification contre M. Hopkinson.
[75] Pour tous ces motifs, le Comité conclut que l’agent Roy a dérogé à l’article 6
du Code, en portant sciemment contre M. Hopkinson une accusation sans
justification.
4
Pièce C-7.
5
Commissaire c. Boucher, C.D.P., C-2009-3508-3, 18 janvier 2010; Commissaire c. Cardinal,
C.D.P., C-99-2770-3, 17 mai 2001, paragr. 143.
[76] PAR CES MOTIFS, après avoir entendu les parties, pris connaissance des
pièces déposées et délibéré, le Comité DÉCIDE :
Chef 1
Chef 2
Chef 3
Chef 4
Chef 5
Me Christiane Mathieu
Procureure du Commissaire
Me Pierre E. Dupras
Procureur de la partie policière