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CO me OAC ALARM EM ELH LLL ALL WY LEY CY Loe Ieee POP OOO OO ALe AACA POO SOL SPN A COO oon ey ; é art Ds SHIHIN ANE HERTH REMC NKMaME ARORA RRR ART VEY 60 eV CVV cP ee ROSEMAN IKE MIKINENIMENLME ERIM ERLE RENE MET eo eT ee Wi ZHXME SWS Ke? ANE MANEH EME IMAM EMI E RENE AN SAP GORD DCD CV ED EDD ELD EY CHAPEL YY YEU Sey ues AAS EMAM ELMER IATL MELE MLM ERT CL HY SEE Ri Koha SHES ara R CERRO RGN RRR NT RUNES ARROR RRO ORE MEMIMEAIMERE INI I NEHER LREH ERRORS RE THT CPOE MEALIL LICL ICL IC LICY SOY See nee nee nee ue Tse oe eee ro we Sey OW wee ehenernmoeanenaneviresencecrercere eens OSS MINDEREMEME KEKE RERI RITE TATE RE NR DSSEMS MA SEMA MIME RE ZHZ MEHL MZUENE MEALS KREIS > EMM KL ALES sO OOOO SALSA eG CABAL RAHUL RAMA MENZHTAAM IMAL XML HELE Id CE OOo LICL ICE MXM ME CE) EHIME SHE KENZI INEM ERE INTRERIRE NERS TR TSMR T TTT / 44 G-w-- aN LES ALTITUDES VAMERIQUE TROPICALE conranies AU NIVEAU DES MERS A POINT Dm YOR DE LA CONSTITUTION MEDICALE PAR D. JOURDANET NOETRI EN MEDECINE DES FACULAES DE PAILS KP UF ERIE. Peul-dive serone-nows obligés 4’apporter quelques changoments f La dooirine que fous avons présentée dans co. mémoiro, Ges modilicauions des premitres, idées ne often: rien h cenx qui ne cherchent ts veriie que poor elle-méme, et sans"auive ésir que celui de la trouver. Ta Momoire de UA caténie des Sciences, 1789, |) 588. PARIS J.-B. BAILLIERE er FIS LIBRAINES DE L’ACADEMIE IMPERIALE DE NEDEGINE Rue Hautefeuille, 19 LONDRES | NEW-YORK Hlippoiyto Bailhére, 219, Negent street | Bulliére brothers, 440, Broadway” MADRID, Gs DALLLY-DAILLIENL PLAZA DEL PRINCIPE ALFONSO, U6 1864 en? PREFACE Personne ne comprendra mieux que moi Vim- perfection de cet opuscule. Hl est ’ébauche inache- yée d'un livre plus sérieux que je méditai dans les derniers mois de mon séjour au Mexique, et dont mon départ précipité n’a pas permis de réunir tous les éléments. L’expérimentation physique et Pau— torité des autopsies lui font presque partout défaut. De retour en France apres une pratique de dix-neuf ans, portant tour a tour mon attention sur ce que jai longtemps observé et sur ce que J ignore encore, je me suis vo dans l’allernative d’écrire une oeuvre imparfaite ou de garder le silence sur des faits in- tere de cette nombreuse clientéle qui fut pour moi, pen- an sants et peu conus. Jai di me souvenir alors 2 PREFACE. dant tantd’années, si bienveillante et si affectueuse ; je me suis rappelé ces hommes d’un autre monde, qui m’accueillirent auprés @eux comme un frére, et ces compatriotes estimables dont l’amitié sincére me relit, & deux mille licues de distance, comme la patric de ma naissance et de mes premiers ans. Et je n/ai plus hésité. - Il m’a semblé que ma reconnaissance leur devait un dernier effort pour témoigner mes bons désirs d'etre encore utile. C'est de ce sentiment qu’est né cet opuscule. Malgré ses imperfections, mes confrbres y ver- ront, je Vespére, plus d’un* motif de le lire avec bienveillance, peut-étre avec intérét. Il aborde des questions non encore étudiées, et j’ai la confiance quon me saura gré d’avoir dévoilé aux praticiens @Europe les effets de Vair raréfié des Altitudes sur la vie de l'homme. LES ALTITUDES bE L’AMERIQUE TROPICALE PREMIBRE PARTIE CHAPITRE I. INTRODUCTION, VOYAGE, GEOGRAPHIE, Je veux étudier la vie de ‘homme an milieu de |’atmos- phére des lieux élevés. Plusieurs points du globe pou- yent fournir des éléments a cet intéressant travail; mais aucun pays, au dela de 2,000 métres d’éléyation, m’offre Pétendue uniforme qui se déroule sur la Cordillere du Mexique. Depuis les hauts sommets qui couvrent Jalapa jusqwa Ja ville de Durango, le sol se soutient, pendant 200 lieues, 4 une hauteur qui dépasse 2,000 méires, et doublant cette distance pat son prolongement jusqu’au Nouveau- + LES ALTITUDES Mexique, il offre, du sud au nord, Je spectacle superbe de vallées fertiles, eneadrées par des monts d’aspects va- rigs et partout majestueux. Quelquos uns parmi les pics de ces montagnes gigan- tesques présentent nos regards le saisissant tableau des neiges éternelles, défiant les ardeurs d'un soleil tropical. A leurs piads, les plantes et les hommes luttent contre les feux de la zone torride, et la végétation des pays tempérés marque a notre admiration La distance moyenne entre ces points d’un froid intense et d’une chaleur extréme. Pays merveilleux quenrichissent également la nature vivante ct la matidre inanimée, offrant 4 la con- sommation et au bien etre de ses habitants les végétaux du monde entier avec les métaux que convoitent 4 Yenvi Vindustrie et Populence des hommes! Remarquable @ailleurs par sa situation dans le globe, nous voyons cette region favorisée lever royalement son front superbe pour dominer deux océans dont les eaux baignent ses rivages opposés, préte 4 recevoir d’une main ¢t a lancer de autre vers le monde du Pacifique et vers la vieille Asie, les richesses de Ja civilisation et de Vindustrie, qui lui viendront des merveilles euro- péennes. Tout le monde connait cette situation; mais personne n’y veut donner une atiention sérieuse. Quant a moi, DE L’AMBRIQUE TROPICALE, 8 je wai pu voir la vie de Vhomme au milieu de cette nature exceptionnelle, sans me demander si 'atmosphére qui modifie si profondémoent la nature et 'aspect des vé- gétaux, au point Wimiter notre France aux portes de PE= quateur, waurait pas aussi son action marquée sur Vexistence et la santé des hommes qui la respirent. Pai lion de me réjouir d’avoir ainsi porté mon attention sur cotte étude, pleine dun intérét que personne ne mécon- naitra, je espere. Mais, sans anticiper sur les résultats de co travail, voyons avec attention le pays qui en est Pobjet. Si vous ouyrez une mappemonde, vos regards, traver- sant VAilantique et voguant 2 travers les Antilles, se trouveront arrétés au sud de V’ile de Cuba 4 24° 30’ de la titude nord, par une pointe de terre appelée cap Catoche. Cest par cat avancement qu’expire, a Pest, la République Mexicaine, vers le 89° de longitude occidentale du méri- dien deParis. A partir de ce lieu, se dirigeant vers louest et ldgdrement au sud, ce premier sol du Mexique forme une péninsule plate qui n’offre @antre élévation que quelques collmes dépassant de fort peu le niveau des mers. C’est Etat du Yucatan. Dans sa terminaison ooci- dentale, le terrain s’éléve au sn pour former le plateau 6 LES ALTITUDES do V'Etat de Chiapas et s’abaisse vers le nord pour com- mencer ce sol has et marécageux, qui s’appelle Tabasco et se continue, en changeant de nom, jusqu'a Visthme de Tehuantepec. A Vexception de Chiapas, dont nous ne parlerons plus, ce pays, le plus chaud de Ja Nouvelle-Es- Pagne, nous servira de type pour les études que nous ayons a faire des maladies qui se développent au niveau de Ja mer. Nous aurons donc a y revenir. Reprenant maintenant notre description a Pisthme de Tehuantepec et ne franchissant point encore la Cordil- ere, nous yoyons une bande de terre s'étendre a ses pieds vers le nord, pour former la partie basse des Mtats de Vera- Cruz et de Tamaulipas, et jeter la barriare occidentale du golfe du Mexique déja enfermé an sud par les plages de Tabasco et de Yucatan. C'est la que se trouve la ville de Vera-Cruz a 19° 44’ de latitude.. A propos de ce port, célébre dans Phistoire des conqué rants: espagnols, plus célébre de nos jours par la ter- reur que son climat inspire aux (Européens, on me par- donnera un retour sur mes souvenirs de vingt années, Je veux dire les impressions qui accompagnérent mon premier voyage et mon arriyée dans cette ville loin- taine. Co récit est tont entier dans mon sujet, en ce quil dé- montre état @esprit dans lequel les émigrants vaventu- DE L'AMERIQUR TROPICALE. 7 rent vers ces paragas qu'une réputation sinistre fait vi- yement redouter. Je résolus de partir pour le Mexique au mois de jan- vier 1842. J’arrivai au Havre dans ce but. Les personnes que je vis dans cette ville s'empressérent d’approuyer Pé- poque dont j’avais fait choix pour mon voyage. « C’est la meillenre saison pour aller 4 Vera-Cruz, » me disail-on do toutes parts. Cependant Ie ciel était couvert, la pluie tombait froide et glacée, les vents soufflaient avec furie, et mes regards ne pouvaient se porter sans émotion sur Jes vagues écumantes qui venaient se briser avec fracas, sur la plage. Javais peine 4 comprendre que ce fit une saison du meilleur choix pour entreprendre une traver= séo maritime. Mes doutes ne tardérent pas a se dissiper par Pexplication du capitaine qui devait commander no- tre navire. « Nous arrivorons 4 Vera-Cruz avant Pépoque dela figyre jaune, me dit-il un jour. » Enentendant pour la premiere fois ce mot de fidvre janne qui ne dovait plus cesser de résonmer A mes orcilles pendant tout le voyage, je compris enfin quo les habitants du port, uniquement préoceupés de Vidée des périls @’nne mort lointaine, étaient pen soucienx des dangers que fait courir une mer courroucée, 8 LES ALTITUDES En attendant le départ, je visitai quelques personnes au Havre. — Ov allez-vous? me demandait-on partout. — Je vais & Vera-Gruz: — Ah! Dieu! e’est bien mal- sain! yous n’avez pas peur de Ja fivre jaune? — C’était le refrain de tout le monde. Ce fut sous Fimpression de ces craintes générales quo nous partimes du Havre le 15 février. Tl se peut quo, commie on nous l’assurait au port, ce fit 1d Ja bonne sai- son pour arriver a Vera-Cruz; mais, a coup sir, oo 16- tait pas la meilleure pour navigner dans la Manche. Quinze jours de tempéte et de vent debout, tel fut notre lot! Au début de la seconde quinzaine de notre naviga- tion, nous n’étions qu’a cent Hieues du Havre. Depuis ce moment, du reste, le voyage fat heuréux. On rit, on dansa, on fit gaiment Je haptéme du tropique ; mais, tous Jes jours au dessert, on parla fiévre jaune, Enfin, le 10 avril, au point du jour, lespassagers, préve- nus par notre capitaine, étaient accourus sur le pont pour voir an loin devant nous, se confondant avee Vhorizon, des ondulations mal définies qui se dessinaient vaguement comme des nuages bruns couchés sur les flots. (était In terre. Insensiblement ses formes devinrent plus précises et le doute ne fut plus permis. Nous arriyions au Mexi- que. Grace 4 ’habileté de notre capitaine, le cap était sur Vera-Cruz, et cette ville nous apparut tout coup comme DE L'AMERIQUE TROPICALE. 9 sortant des vagues, Je me hate de avouer : Yaspect de ce port 4 réputation sinistre attriste I'ame du voyageur qui repose pour la premiére fois sa vue sur ses terrasses ari- des qu’aucune végétation ne vient couronner. Les mai- sons, vues de la mer, seraient cependant agréables & Peril, si Pattention ne se portait en méme temps sur Varidité des sables brdlants qui entourent la ville. On dirait qu’un souffle de morta tout desséché sur cette plage; malgré soi, on entend résonner au fond de son coeur les mots sinistres de fldvre jaune, si souvent répélés avant le départ et ’éternel sujet des conversations du bord. Un canot s'avance vers notre navire; c’est le pilote. Chacun de nous accourt vers les bastingages, cherchant & percer du regard la distance qui nous sépare, pour lire sur les traits de ce premier homme @’une plage de mort les traces du climat mourtrier qu'il habite. Je Payouerai sans détour: les joues amaigries de notre pilote, son teint olivatre, sa conjonctive jaunie n’étaient pas bien propres a détruire la réputation funeste qui, par- tout en Europe, présente Vera-Cruz comme un des ports es plus meurtriers du monde, et @autant moins qu’un de nos passagers Ini crie d’aussi loin qu’il peut s’en faire entendre : « Y a-+t-il beaucoup de flévre jaune 2 Vera- Cruz?» C'est avec ces impressions qu’on arrive a terre; cest sous empire de ces idées sinistres que Von porte 10 LES ALTITUDES ses regards avec anxiété sur les hommes accourus en grand nombre sur Je méle pour voir les nouveaux débar- qués. Tei 1a so’ne change. On voit bien, A la yérits, un teint basané par le soleil tropical; mais Peril est gai, la joue ronde, le jarret tendu; les allures sont fron- ches, bienveillantes, hospitaliéres. La joie, Je bonheur respirent a Vaise sur des visages doux et souriants, Aujourd’hui, dix-neuf ans aprés ces émotions qui se conservent fraiches dans mon 4mecomme silenr date était de quelques jours seulement, je vols encore ma surprise au souvenir de ce bien étre, de ce contentement, de cette hospitalité joviale et franche dont je fus Je témoin en débarquant 4 Vera-Cruz. Ce fut un coutraste saisissant avec les conversations sinistres qui m‘assaillirent an Havre et qui ne tarirent pas pendant cinquanto cing jours de trayersée maritime. Mes yeux cherchérent yainement cet aspect de souf- france que je croyais trouver sur tous les visages, J’eus le bonheur @’y yoir, au contraire, les preuves d’une santé parfaite. Et cependant, si vous sortez des murs d’en- ceinte, votre dme s’attriste 4 Vaspect @un. paysage aride ou malfaisant. D’un edté, des sables sans vio; @autre part, des marais s’étendant au loin, recouverts par des arbres tropicanx, rahougris, chétifs, comme empoisonnés DE L’AMBRIQUE TROPICALE. At par Vair quills xespirent et par eau croupissante dont ils sont abrenyés. Mais les vents protégent la ville contre ces émanations déléteres. Venant le plus souvent du nord-est ou du nord, ils entrainent loin des habitations les produits immondes des marécages. De sorte que, les naturels et les Européens acclimatés sy trouvent 4 merveille, et la reputation d'insalubrité de Yera-Cruz doit se renfermer dans les limites de l’acclima- tement par la fiévre jaune. Nous aurons plus loin & trai- ter ce sujet. En ce moment nous parlons en voyagenr seulement de ce port redonté oi je ne fis en 4842 qu’une yisite de quinze jours, Des circonstances fortuites me firent alors prendre la résolution de me fixer dans le Yucatan. Aprés quatre jours dune traversée heureuse, nous arrivames i Cam- péche, dont l’aspect vraiment poétique ne s’effacera ja- mais de mes souvenirs. (est que cette ville, vue de la mer, ne nous offrit pas un spectacle ordinaire, Les flots dorés par le soleil couchant, caressaient mol- Jement les remparts de granit qui forment son enceinte. Du sein de cette mer tranquille, des maisons basses ot modestes naissent vers les faubourgs parmi les cocotiers et les fleurs. Le centre de la ville cache la monotonité de 42 LES ALTITUDES Ses toits en terrasse sous lo riant aspect de nombreux belvéders et des tours élevées de sos églisos, Et puis, le regard s’attache ayec bonheur sur les gracieuses et pit- toresques éminences qui, toujours vertes comme un prin+ temps d’Europe, forment a la ville une riante couronne Wun éternel feuillage encadré dans Pazur du ciel, Charmant pays! Je me sentis heureux de Vavoir choisi pour mon séjour et je compte parmi los plus beaux jours de ma vie mes cing années qui s’y s'ont éeoulées parmi des hommes aifeciueux qui aiment les étrangers et prati- quent avee griice les devoivs de Phospitalité, Ces lieux qui ont été le thédtre de mes études sur Pin- fluence des pays tropicaux du niveau des mers reparai- tront plus tard dans mon écrit, comme je Vai déji dit. Aujour@’bui j'ai hate d’entrainer avec moi le lecteur Yers les prodigicuses élévations de la Cordillare, Partis du port de Vora-Cruz, si nous prenons notre di- Tection vers Voecident, commo pour arriver au Pacifie que, nos pas seront arrétés par la chaino des Andes et nous perdrons, 4 Vouest ct au nord, le niveau des mers que nons ne retrouverons plus que surles plages. Mais ces sigantesques éminences aprds s’ttre souleyées ensemble, @une base commune, ont cbiéi A des impulsions diverses DE L'AMERIQUE TROPICALE. 13 pour varier les niveanx infini. Des temps d’arvét for- ment des vallées innombrables, entourées, tantét de ma- molons atides, tantot de monticules également boisés, ici de montagnes aux formes capricieuses, 1a de pies escar- pés qui lancérent en @antres temps leurs feux voloani- ques dont quelques uns fument encore dans les airs, Crest a cette prodigieuse multiplicité de caprices géolo- giques que le Mexique emprunte ses cultures variées, 4 des hauteurs qui varient elles mémes 4 Vinfini de- puis le niveau des mers jusqu’aux neiges éternelles. La t8te podtisée par les récits de ces merveilles natu- ralles, j'ai franchi pour la premiére fois Ja Cordillére au mois de novembre 4848. Nous partimes de Vera-Gruz vers trois heuresde la nuit. Le ciel était pur, Vair calme, la température suffocante. Nous traversdmes, sansrien en voir, les marais immondes qui croupissent prés de la ville, respirant & pleins pou- mons les miasmes que V’ohseurité des nuits labore, Heureusement pour nous, nos mules marchaient vite ; elles nous enlevérent en peu @instants A celte influence morbide & laquelle le voyageur ne résisterait pas long- temps. Des Européens peu fayorisés de la fortune et que l’exi- 14 LES ALTITUDES guité de leurs ressources oblige A voyager au pas des mu- letiers et des chariots de transport, sont trop souvent Vietimes de ces émanations malfaisantes. Pour nous 4 qui lo sort fournissait des moyens plus salubres de voyager, nous étions au soleil levant, bien loin dune céte infestée, et nos regards, avides d’une na- ture si souvent révée, cherchaient a lire, dans les paysa- ges qui nous entouraiont, nos progras dans ascension vers le grand plateau. Mais rien autour de nous ne répondait @ nos réves, Ici des rocs dentelés, percant un sol noirdtre au milieu de quelques arbrisseaux épinoux ct secs; 1A des mame+ lons arides ; par ci, parla, de grands atbres clairsemés et veuls de leur feuillage étoutfé sous les étreintes de Hanes parasites ; plus loin des foréts épaisses, inexplorées; et partout un spectacle curieux : des branches éparses étalant au soleil des flours diverses aussi originales par lours for- mes que brillantes par lour éelat; ce sont les eapricieuses orchidées qui s’alimentent au sue @une séve étrangére, Au milicu de cette nature bizarre Phomme n’a presque tien produit aux abords du chemin. Par distances éloi- gnées quelques cases misérables soutionnent sur des ro~ Seaux une toiture aux feuilles de palmier. Un hamac les traverse, bercant presque sans fin leurs paresseux habis tants, DE L’AMERIQUE TROPICALE. 15 Et vous montez toujours, swifoqué par la poussiere on brisé par la sol rocailleux du chemin. Enfin, vous voyez quelques hommes, quelques champs cultivés d Puente Nacional, i Plan del Rio; mais quelle culture et quelles gens ! Montez encore. Aux approches da soir, le sol moins embrasé vous enivrera du parfum des fleurs; des oiseaux gazouilleront des chants nouveaux, plus doux que les cris percants des toucans et le rauque babil des perroquets levez la téte alors, et yous verrez autour de yous un feuil- lage touffu, compagnon de vos ébats denfance : le chéne prospére sur les terrains que yous parcourez. Depuis lors la cdte est oubliée. Quelques palmiers vous rappelleront encore le tropique, mais la végétation prend rapidement les allures ewropéennes et quand yous ar- riverer A Jalapa, vous serez déja préparé aux visages frais et rosés que cette ville originale offrira a vos regards satisfaits. ; Je connaissais beaucoup Jalapa avant de avoir vue. Les voyageurs qui Pont visitée se plaisent & Vorner, dans leurs récits, des plus riantes images. La yérité ne s’en trouve pas offensée, Gest un bouquet de fleurs sur un lit de verdure. Toutes les saisons, tous les climats s’y sont donné rendez-vous et chacun d’eux faisant choix de ses productions les plus belles a concouru par ses dons 16 LES ALTITUDES aux splendeurs de ce site. La nature ef a doublé le prix enles encadrant dans le paysage le plus accidenté qui s puisse yoirau monde et dont le caprice de formes et Wallures échappe A toute description comme a toute ana- lyse. st vers ces premiers effets remarquables de Véléva- tion que nous reporterons plus tard nos regards au- jourd’hui charmés, pour en tirer d’utiles enseignements. En ce moment notre plan nous presse, et dans cette pre- miére étude aspect des lieux et des choses, c'est a peine si nous avons le temps de saluer en passant cette ville coquette oi les maisons en amphithéAtre semblent se grandir l’uno aprés autre pour ne rien perdré du droit étre admirées au passage. Soyons juste pourtant, au risque de paraitre ingrat, et disons sans détour que les constructions n’ont rien d’attrayant pour Veil ébloui déja aride, les peintures sont sombres, les balcous peu gra- par la beauté des champs. L’architecture en est cienx. Jalapa a trop compté sur Jos fleuves pour captiver le touriste; nous lui pardonnons, pour notre part; car nous savons qu’aprés avoir franchi le scuil de cos habitations sombres et eres, on retrouve dans le sourire gracieux de Vhospitalité et des affections sivedres les flours plus précieuses du cour, Ausorlir de Jalapa l'asoonsion devient rapide. En quel- DE L'AMERIQUE TROPICALE. 17 ques instants on perd de vue les derniers palmiers, les moustrueuses fougéres, et par une brusquerie de transi- tion a la quelle l’esprit n’était pas préparé, on passe tout A coup au tableau triste et sombre des paysages de pins. Un vent frais nous saisit, le froid nous gagne; Ana hac est franchi (4). La nuit se passe 4 Pérote, petite ville qui domine le débouché du grand plateau. Elle est froide en toutes saix soris, glaciale pour les voyageurs qui viennent de Vera- Cruz, quand le soleil n’est plus sur Vhorizon. Prenez vos précautions; car yous greloterez le lendemain a quatro heures du matin en montant en diligence. Au soleil levant vous étes en plein plateau de ’Ana- huae et yous yoyez so dérouler deyant yous une plaino immense, accidentée de rares mamelons, 4 bouche béante, environnés au loin de la lave que les siécles ont re- froidie. L’eil est borné de tous cdiés par des montagnes d’una hauteur relative peu considérable; mais comptant déji 2 Jour base les 7,500 pieds sur lesquels vous rowlez en route unie. Le ciel est pur, Yair froid, le soleil radieux, Phorizon grandiose; et malgré vous la tristesse vous gague... Clest (1) Anahuae est le nom azt’que de la partie la plus centrale du pla- teau, a is LES ALTITUDES que yos regards roulant de toutes parts dans V’espace, lassés du spectacle un moment admiré des roes noirs ou blendtres des monts de la vallée, cherchent instinctive- ment la nature animée et révélent son absence a votre curiosité stupéfaite. Crest, en effet, triste 4 voir, surtout si vous voyagez dans les mois privés de pluie. Les champs sont arides, desséehés par une atmosphére sans vapeur. Leur aspect jaundive et Péclat brillant du natron qui vient de dis- tance en distance s’effleurir sur le sol, fatiguent vos regards amis d’une nature plus tiante et plus fertile. En yain le cactus éléye-t-il sur cette terre abandonnée les silhouettes bizarres et accentuées de ses genres divers ; en vain étend-il dans les airs ses bras et ses raquettes nues. Ila sans doute Pattrait de la curiosité et yous souriez un instant & cette yégétation que ne connut ja- mais votre enfance; mais le front se ride bient6t et. la sévérité de ce tableau yous raméne 4 des pensées som: bres. La nature s’y anime rarement. Les animaux domesti« ques y broutent & contre cmur un pAturage sans subs- tance et Phomme qui Phabite, amaigri, halé, jaundtre, a Fair de vivre mal a Vaise et peu réjoui au milieu de Papre nature dont il est environné. Levez les yeux; abandonnez ce sol sans vie. Voyez Je DE LVAMERIQUE TROPICALE. 49 ciel; voyez scintiller dans Vespace cet éther délié qu'un soleil radieux fait vibrer a vos regards éilouis. Quel éclat ! on dirait mille scleils prodiguant au désert Ja splendeur merveilleuse d’une lumiére sans ardeur, Votre yue n’a plus de limites et les monts éloignés se groupent, s’assemblent et serapprochentpour vous former un panorama sans distance appréciable. L’Orizaba & 30 lieues & votre gauche, le Popocatepetl encore plus loin doyant vous, ces deux pics majestueux éternellement couverts de leur manteau de neige paraissent deux géants qui viennent & yos pieds yous présenter’ leurs hommages en saluant votre bienvenue. Livrez-vous a ce ciel splendide; vous arviveren a Pue= bla enchanté, oubliant les cahotements d’une diligence incroyable, la poussiare qui vous suffoque et les voleurs dont la route est parseméa, En entrant a Puebla, revencs a la torre; abandonnez ‘yos contemplations éthérées ; vous verrez avec bonheur ves maisons bariolées de couleurs diyerses, ces rues ali- gnées au cordeau, la propreté partout. J’ai vecu deux ans dans cette ville a laquelle on a fait la réputation @’etre peu hospitaliére aux etrangers. Disons vite que c’est la une interprétation fausse de la réalité des sentiments. Les convictions religieuses exagérées ou mal assises y inspi- rent aux habitants dela méflance pour ceux qui viennent 20 LES ALTITUDES Wailleurs; mais quand ceux-ci sont conus et estimés, on les aime et J’on pratique leur égard Vhospitalité la plus affectueuse. Jen suis un vivant et reconnaissant exemple. Ce que le climat de Puebla a d’influence sur la santé de Vvhomme, nous aurons le dire dans une partie plus Gloignée de notre @uvre. Aujourd’hui, nous trayersons en voyageur cette ville intéressante. Nous nous y arré- terons assez cependant pour admirer son beau ciel, la ferlilité des campagues qui Ventourent, et surtout cate température si donce, si constamment agréable qu’elle est le plus grand élément de bien-étre et de satisfaction pour ceux qui Vhabitent. A six kilométres de cette ville, au milieu d'une plaine fertile, les Aztéques avaient choisi le lieu de leurs contemplations religieuses. Cho- lula était leur ville sainte et l’on yoit encore le twnulus au haut duquel s‘élevait Te plus grand temple de leurs divinités. Cette douce atmosphére a comme un parfum céleste, et les Ages qui ont changé les races n’ont pas dé- raciné leurs aspirations divines, Puebla est encore au- jourd’bui Ia ville du Mexique ot le sentiment catholique se traduit le plus en éclats de courage contre le parti li- béral qui menace les prérogatives du clorgé, Nous sortirons, quoique a regret, de cette capitale un des Etats les plus intéressants de la confédération. Cette DE LAMERIQUE TROPICALE. aL derbidre journée de voyage nous améno 4 Mexico. Vos regards trouveront partout 4 se roposer sur une na- ture grandiose ou fertile. A vos cbtés, Tes champs eulti- -yés dela belle vallée de San-Martin-Yezmeluca; devant yous, les voleans renommés qui vous cachent la grande capitale ; tout autour, des mamelons a formes capricieu- ses} sur vos t8tes, un ciel incomparable; au terme du voyage enfin, la vallée de Mexico. Nous voila done sur ce plateau fameux, dans cette ca- pitale, une des reines du monde de Colomb et Yobjet de mes désirs de tant d’années; centre d’nne vallée qui ne fut sans doute qu’un vaste eratére dont le temps a sou- levé le fond en y accumulant insensiblement la terre vé- gétale, par los desséchements suecessifs des eaux que les montagnes y font afiluer. Tout autour, 1esmonts s’élevant graduellement, depuis les cdteaux verdoyants jusqu’anx pies les plus arides et les plus escarpés, forment un vaste amphithédtre circulaire dot les Ages applaudiront un jour, je Vespére, am spectacle de la prospérité que te progrés réserve sans doute 4 Vavenir de ce site pri- ‘yilégié. Remarquons, vers le sud-est, ce voloan renommé, Je Popocatepetl, dont le front pur s‘éléve 43,400 metres au-dessus des deux ocdans qu'il domine. A ses cdtés, I’Is- 22 LES ALTITUDES taccibuatl, autre cime gigantesque dont la neige, con- vrant des surfaces capricieuses, présentait aux anciens Aziéques les formes d’una femme étendue (4). Plus loin, et toujours, des monts superbes, se contournant gracieu- sement pour former co cirque majestueux qu’on ne peut déorire et que les podtes seuls pourrent un jour chanter dignement. Aux pieds de ce soulévement circulaire, les siécles n’ont pas pu séoher encore les lacs qui, sans doute, furent long- temps les dominateurs de la vallée. Au nord, & huitliewes de Mexico, se trouve la lagune de Zumpango de une lieua et demie carrée de surface, s’élevant de7 metres au dessus du nivean de la capitale. A un niveau inférieur de 5 mé- tes, le Jac de San Cristobal ocoupe quatre lieues carrées da terrain et domine encore de 2 métres et demi les rues de Mexico, dont il est distant de quatre lieues seulement, Au sud-est, Chaleo avec le bras allongé de Xochimileo présente une étendue do six licues et demiescarrées. Entin le lac de Tezcuco, aux portes mémes de la ville, forme une surface aqueuse qui n'est pas moindre de dix Neues. Son fond so trouve 4 environ 4 metre au-dessous du niveau de Ja ¢ea- pitale, mais les crues périodiques de Ia saison des pluies Jui font de beaucoup dépasser, 4 sa surface, le niveau des ()Istaceibuatl, on langue axtéque, siynifio: femme blanche. DE L'AMERIQUE TROPICALE. 23 rues de Mexico. En somme, une élendue de vingt-deux Jieues carrées est cccupée par les eaux qui menacent a chaque instant la ville, dont elles dépassent Vélévation au. dessus des- mers. Tl a done fallu des travaux dune hante importance pour préserver de Finondation la belle capitale de PA- nahuac, dautant plus que les Ines du nord, ponvant ds- verser l'excédant de leurs eanx vers ceux qui leur sont inférieurs,-augmentent sans cesse les dangers. Les In- diens, avant Cortés, s’en étaient gravement préocoupés, comme. Vattestent les efforts quils firent pour conjurer Jes malheurs dont ils étaient menacés. Depuis la con- quéte, tous les gouvernements ont montré leur sollici- tude dans le méme but. [i n'entre point dans le plan de cet ouvrage de déorire Jos travaux dart exéoutés & différentes époques; mais je dois dire quiils ont principalement porté sur les. soins & prondro pour déverser hors dé Ia vallde, par le canal fa- moux de Huehnetoca, les principaux cours d’eau qui vien- dvaient trop grossir les lagunes. Un canal inachevé, éta- blissant 1a cormmmunication entre les lacs de Tezcuco, de San Cristobal et de Zompango, anrait pour but de déver- ser lecontann de ces lagunes hors de la yallée vers la ri- vidre de Tula, bras du Panuco qui se jette danse golfedu Mexique. 2A LES ALTITUDES ‘Un compatriote estimable et laborieux, M. Poumaréde, a proposé tout récemment @établir un vaste syphon, dont il a caleulé trés-savamment tous les ayantages, pour dessécher Ja vallée entiére. . Quoiqu’il en soit, les eaux dominent Ja vallée de Mexico. Abstraction faite des dangers qui en résultent au point de yue d'une catastrophe possible, il importe 4 no- tre sujet de faire remarquer que Vinondation se voit par= tout, autour de la capitale, pendant plusieurs mois de Pannée, et qu’en toutes saisons, il suffit de creuser la terre 2 une profondeur de $0 centimétres pour trouver Veau avec abondance dans toute la ville. Gette eau est saumétro ot tient en dissolution une grande quantité de sels parmi lesquels dominent le ses- qui-carbonate de soude et le chlorure de sodium. Ges sels forment un natron abondant qui s’effleurit sur le sol, non-seulement dans la vallée de Mexico, mais encore sur de vastes étendues dans différents états de la République. Telle est cette vallée qui présente une surface de 240 liewes earrées et renferme 650 mille habitants. La capi- tale, se trouve 42,277 metres. Le barométre, par consé- quent, s’y maintient 4 585 millimétres, ce qui revient A dire que Vatmosphére y perd environ Je quart de son poids. DE L'AMERIQUE TROPICALE. 25 Si maintenant, de ce point central, nous dirigeons nos pas en rayonant vers totites les directions, nous retrou- yverons a Vest PEtat de Puebla, au sud Guerrero, Quere- taro au nord, et tout autour de la vallée 1'Btat de Mexico. Ce dernier, riche en produgtion’ multiples, présente @a- hord 4 notre admiration la belle vallée de Toluca, sa ca- pitale, placée a plus de huit mille pieds au dessus du ni- yeau des mers, & la base @’un volcan d’un admirable aspect. Descendant ensuite vers ses vallées profondes, nous voyons successivement Cuautla, Cuernavaca, villes importantes par la culture de canne Asucre dont elles sont entourées. Remontant encore, nous rencontrons les i richesses wminérales de Tasco, de Pachuca, de Real del: Monte, etc., dont les produits dans les temps passés et les: rendements grandioses @aujourd’hui sont dignes de la réputation que le monde a faite 4 cette partie du globe, que les Espagnols ont rendue célebre. En sorte que, présentant des hauteurs diverses, habi- tées depuis 3,000 jusqu’d plus de 8,000 pieds, cet Htat qui compte 3,014 licues carrées et 1,012,800 habitants, nous fournira les influences diversas de ses altitudes va- rides sur la vie des hommes qui Phabitent. a LEtat de Puebla nous fournit les mémes éléments mixtes Wobservations, aveo 1,733 lieues carrées et 638,600 habitants. Au nord de Mexico, Etat de Queretaro plus 26 LES ALTITUDES uniformément élevé au-dessus du niveau des mers, jus- qu’ se rapprocher partout de la hauteur de la vallée de Mexico; plus au nord et vers Vouest, Guanajuato, et Za- catecas et Durango; nous écartant a Pest de ces pro- vinces, Etat de san Luis Potosi et celui d’Aguas Ca- lientes, tous fort éleyés sur ce plateau merveilleux de PAnahuac et contenant ensemble une population de 2,000,000 d’imes sur 17,233 lieues carrées. On ne gaurait se faire une idée précise, dit le baron dé Humboldt, de la richesse territoriale @’un Etat sans connaitre la charpente des montagnes, Ja hauteur 4 la quelle s’éléyent las grands plateaux de V'intérieur, et la température qui est propre a ces régions dans lesquelles les climats se suecédent comme par stages les uns au dessus des autres. » (Essai sur le roy. de la N. Espagne, page 249), _ De méme que ces connaissances sur les Altitudes ?un ‘pays sont nécessaires pour bien comprendre les questions économiques qui s’y rattachent, elles sont indispensables aussi ponr avoir une juste idée de la santé et de la maladie en rapport avec les influences climatériques. Comme la végétation, 1a vie animale y suit les caprices des niveaux, el les sonffrances humaines, soustraites aux influences vulgaires des latitudes, demandent une inde spécink’ qui emprunte son originalité aux oscilla~ DE L'AMERIQUE TROPICALE. 21 tions du barométre bien plus qu’a Ja distance de l’équa- tour. Aussi est-il du plus haut intérét pour le médecin do caleuler avec soin les hauteurs des liex, Aw Mexique, les divisions administratives et les paralldles de la ligne équinoxiale sont dune importance minime, an point de yue de la pathologie et de Vhygiéne. Nous en étudierons plus loin les raisons; mais dés 4 présent, établissons trois zones horizontales en imitant les habitudes et ’expé- rience populaires du Mexique, qui les ont déja signalées A notre attention sous la triple dénomination de « terres chandes, torres tempérdes et terres froides, » dont la pre- miére correspond 4 Ja distance qui s’étend du niveau des mers a la hatteur de 4,000 matres. La seconde renferme les mille métres qui suivent. La troisiéme comprend les pays qui dépassent deux ki- lométres de hauteur. Ajouter deux kilométres encore et vous arriverez a la région des neiges éternelles. Ces différentes zones horizontales offrent des aspects quivarient &Viniini ; car, Paprds le baron de Humboldt (Loe. cit.) : A peine existe-t-il un point sur le glohe, dont les montagnes présentent une construction aussi extraordi- dinaire que celles de Ia Nouvelle-Espagne. En Europe, la 28 LES ALTITUDES Suisse, la Savoie et le Tyrol sont regardés comme des pays trds élevés; mais cette opinion n'est fondée que sur Vaspect qu’oifre Vagroupement d’un grand nombre de cimes perpéiuellement couyertes de neige, et disposées dans des chaines souvent paralléles a la chaine con- trale. Lescimes des Alpes s'élavent & 3,900, méme a 4,700 métres de hauteur, tandis que les plaines voisines dans le canton de Berne n’en ont que 400 4 600. Cette pro- mitre élévation tres médioere peut éire considérée comme celle de la plupart des plateaux @une étendue considé- rable on Souabe, en Bavidre et dans la Nouyelle-Bilésie, prés des sources do 1a Wartha et de la Piliza. En Espagne, Je sol des deux Castilles a un pen plus de 880 matres (300 toises) d’élévation, En Franco, le plateau le plus hantest celui de TAuyergne, sur lequel reposent lo Mont-d‘Or, le Cantal et le Puy-de-Domos V'élévation de ce plateau, Gaprés les observations de M. de Buch, est de 720 ma- tres (370 toises). Ces exemples prouvent qu’en général, en Europe, les terrains élovés qui présentent Paspoct do plaines, n'ont guére plus de 400 a 800 matres de haue teur au-dessus du niveau de Vocéan (1). (4) Daprés les mesures les plas réeontes (Humboldt, Relelion histoe ‘rique, tom. 111, pag, 208), le platean de Vintérieur de Espagne a 390 & 800 toises; celui de Ia Suisse, entze les Alpes et le Jura, 270 toises;- celui de Ia Bavitre 260 toises; celui de la Souabe 480 toises do hau. teur. i DE L’AMBRIQUE TROPICALE. 29 » La chaine de montagnes qui forme le vaste plateau du Moxique est la méme que calle qui, sous le nom des Andes, traverse toute Amérique méridionale ; cependant laconstruction ou charpente de cette chaine, différe beau- coup au sud et au nord de l’équatour. Dans Vhémisphére austral, la Cordillére est partout déchirée et interrom- pue par des crevasses qui ressemblent a des filons ouverts et non remplis de substances hétérogénes. S’il y existe des plaines élevées de 2,700 & 3,000 métres (1,400 41,500 toises), comme dans le royaume de Quito, et plus au nord dans la Province de Los Pastos, elles ne sont pas comparables en étendue a celles de la Nouyelle-Es- pagne ; ce sont plutét des vallées longitudinales limitées par deux branches dela grande Cordillére des Andes. Au Mexique, au contraive, c'est le dos méme des montagues quiforme le plateau; cest la direction du plateau qui désigne, pour ainsi dire, celle de toute Ja chaine. Au Pérou, les cimesles plus élevées constituent la créte des Andes ; au Mexique, ces mémes cimes, moins colossales, il est vrai, mais tontefois hantes de 4,900 45,400 métres 2,600 a 2,770 toises), sont ou dispersées sur le plateau, ou rangées d’aprés des lignes qui n’ont aucun rapport de parallélisme avec Paxe principal de la Cordillere. Le Pé- rou_et le royaume de la Nouvelle-Grenade offrent des vallées transyersales dont la profondeur perpendiculaire 30 LES ALTITUDES est quelquefdis de 1,400 métres (700 toises). C’est Yexis- tence de ces vallées qui empéche les habitants de voya- ger autrement qu’a cheval, 4 pied ou portés sur le dos @Indiens appelés cargadores. Dans le royaume de la Nouvelle-Espague, au contraire, les-voitures roulent de- puis la capitale de Mexico jusqu’a Santa-Fé, dans la pro- vines du Nouveau Mexique, sur une longueur de plus de 2,200 kilomatres ou 500 lieues communes. Sur toute cette routs, art n’a pas eu d surmonter des difficultés consi- dérables, En général, le plateau mexicain est si peu interrompu par les vallées, sa pente est si uniforme et si douce, qué jusqu’a la ville de Durango, située dans la Nouvelle-Bis- caye, 2440 lieues de distance de Mexico, le sol reste constamment éleyé’de 1,700 4 2,700 métres (850 4 1,950 toises) au-dessus du niveau de VOcéan voisin : c'est la hauteur des passages du Mont-Cenis, du Saint-Gothard et du Grand Saint-Bernard. Pour présenter dans tout son jour un phénoméne géologique si curienx et si nouveau, j'ai fait cing nivellements barométriques. Le premiet traverse le royaume dela Nouvelle-Espagne, depuis les cOtes dela Mer du Sud jusqu’a celles du golf Mexicain; WAcapuleo A Mexicu, et de cette eapitale Ala Vera-Cruzs Le second nivellement s’étend de Mexico par Tula, Que- Tetaro et Salamanca & Guanaxuato; le troisiéme coms DE LAMERIQUE TROPICALE. st prend l’intendance de Valladolid, depuis Guanaxuato a Patzcuaro et au voleande Jorullo; Je quatridme ‘conduit de Valladolid & Toluca, et de 1a 4 Mexico; le cinqniéme ombragse les environs de Moran et d’Actopan. Le nombre des points dont j’ai déterminé la hauteur, soit au moyen du barometre, soit trigonométriquement, s’éleve 4203 ; ils sont tous distribués sur un terrain contenn entre les 1630" et 24°0" de latitude boréale, et les 102°" et 98°28’ de longitude (occidentale de Paris). Au dela de ces limites, je ne connais qu’un seul endroit dont l’élévation soit exactement déterminée. Cet endroit est la ville de Durango, dont Ja hauteur au-dessus du niveau de ro- céan, déduite de la hauteur moyenne du barometre, est do 2,000 metres (1,027 toises). Le plateau dn Mexique conserve, par conséquent, sa hauteur extraordinaire méme en s’étendant vers le nord, bien au dela du tro- pique du Cancer, Quant 4 Ja surface des liewx élevés absolument sous- traits aux influences tropicales, le méme auteur en pré- cise Pétendue par ces paroles : « Dans les provinces Mexicaines situées sous la zone forride, un espace do 93,000 licues carrées jouit d’un climat plutét froid que tempéré, » il eat a temiatquer que, dans cette apprécidtion, dé Humboldt fait abstraction de la partie du plateau qui st 32 LES ALTITUDES trouve au nord du tropique et qui comprend Yespace le plus septentrional des Etats de San Luis et de Zacatecas, et les Etats entiors de Durango et de Chihuahua. Ceite ex- clusion, bonne quand il s’agit d’ane grande précision de calouls géographiques, n’est pas nécessaire pour notre étude. La partie la plus au nord de Durango, ne dépasse pas 26°, et comme (ailleurs la hauteur s'y maintient a 2,000 metres, nous y trouvons, d’une part, Ja latitude conyenable et, d’un autre cdté, une altitude suffisante pour ne pas séparer ces pays des régions tropicales qui font spécialement Vobjet de notre étude. Nos considérations peuvent méme raisonnablement s’élen- dre jusqu’A PBtat presque tout entier de Chihua- hua. De sorte que, si nous portons maintenant notre atten- tion sur les populations nombreuses qui yiyent dans les contrées que nous yenons de décrire, nous eroyons pou- voir affirmer que, sur les 8,283,000 Ames que Von compte dans cette république, environ 6,000,000 d’hom- mes se trouvent soustraits, par l'altitude, aux effets ab- solus des climats torrides. Sur ce nombre, il est vrai de dire que 5,000,000 résident dans Ja zone froide. Nous savons que ces affirmations n’ont pas une exac- litude mathématique; mais, aprés un sérieux examen de la maniére dont la population se trouve repartie

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