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GEJ8 C12

De la matière et de ses dangers

1. Agricola déclara avec quelque émotion : « Mais, Seigneur et Maître, Tu es pourtant


infiniment sage et rempli d'une volonté toute-puissante : Tu as sous Tes ordres d'innombrables
légions d'anges très puissants, à l'instar de Raphaël : nous-mêmes, Romains, nous sommes
prêts, pour le triomphe de la bonne cause, à partir en guerre au sens de ce monde contre la
puissance de tous les diables, et nous n'avons au cœur et à la bouche que cette devise : "Plutôt
voir la terre réduite en cendres que de laisser détruire une seule parcelle de la vérité et de la
justice que nous enseigne Ta doctrine."
2. Mais, à Toi seul, Ta toute-puissance est telle que Tu n'as pas besoin de l'aide de Tes
anges innombrables, et encore bien moins de nos armées romaines : il T'est donc bien facile
de mettre un terme définitif aux sinistres agissements du prince des ténèbres et du mensonge,
qui œuvre en secret contre Toi ! Que faisons-nous, nous, les hommes, lorsqu'un criminel est
inamendable ? Soit nous l'enfermons, comme on dit, à perpétuité, soit nous lui appliquons en
toute justice la peine de mort ! Car lorsqu'un homme est devenu un diable accompli, il vaut
mille fois mieux le faire quitter ce monde que de le laisser vivre pour le plus grand malheur
des gens de bien. Fais de même, Seigneur et Maître, avec le prince du mensonge et des
ténèbres de la vie, et la paix, l'ordre, la vérité, l'amour et la justice régneront sur terre parmi
les hommes ! »
3. Je dis : « Il t'est facile de parler ainsi, parce que tu ne comprends pas encore ce que
c'est vraiment que l'enfer et que le prince du mensonge et des ténèbres!
4. Tu as raison de dire que J'ai certainement assez de puissance pour détruire l'enfer
avec son prince et tous ses diables : mais si Je le faisais, il n'y aurait plus de terre sous tes
pieds, et il n'y aurait plus ni soleil, ni lune, ni étoiles ! Car toute la Création matérielle est un
jugement permanent conforme à l'ordonnance immuable de Ma volonté et de Ma sagesse. Ce
jugement est nécessaire pour que les âmes humaines puissent, sur sa base solide, conquérir la
liberté et la parfaite autonomie de la vie éternelle indestructible.
5. Si, suivant ton conseil, Je dissolvais toute la Création matérielle, Je devrais en
même temps détruire le corps de chaque homme, quand ce corps est l'outil indispensable de
l'âme, car, selon Ma sagesse suprême, lui seul permet à l'âme de conquérir et de gagner la vie
éternelle.
6. Mais, même si le corps est indispensable à l'âme pour atteindre la vie éternelle, il
n'en est pas moins pour elle le plus grand des maux : car, lorsqu'elle se laisse ensorceler par
les nécessaires attraits de sa chair, qu'elle leur cède et s'y plonge tout entière, elle se soumet
ainsi au jugement de son propre prince du mensonge et des ténèbres, et il sera bien difficile de
l'en délivrer.
7. Or, vois-tu, ce que ton corps est à ton âme, cette terre l'est pour tout le genre humain
! Qui se laisse éblouir et captiver par l'éclat de ses richesses se soumet délibérément à son
jugement et à la mort de ce jugement par la matière, dont il lui sera encore plus difficile de se
libérer.
8. Or, les hommes savent de mieux en mieux arracher à la terre de splendides richesses
afin de procurer à leur chair autant de bien-être, de confort et de plaisir que possible, et c'est
précisément en cela que l'activité du prince de l'enfer s'est grandement accrue, activité qui est
elle-même le jugement éternel et donc la mort de la matière, et avec elle des âmes qui, pour
les raisons que Je viens de dire, se sont laissé captiver par elle.
9. Quelle toute-puissance, quelle sagesse peuvent lutter contre ce jugement et le
vaincre pour l'éternité ? Je vous le dis à tous : il n'y a que la vérité que Je vous ai enseignée, et
la force du plus grand renoncement à soi-même et de la vraie humilité du cœur !
10. Si tu ne veux rien d'autre que ce que tu as reconnu comme vrai, si tu t'y conformes
en toute vérité au lieu de feindre, comme font les gens du Temple et aussi beaucoup de païens,
pour des raisons mondaines, alors, tu as vaincu en toi l'enfer tout entier et son prince. Les
mauvais esprits présents dans toute matière ne pourront plus rien contre toi, et, quand bien
même ils viendraient en nombre infini de tout le grand homme de la Création pour t'affronter,
ils devraient fuir devant toi comme la balle de blé et le sable du désert devant une violente
tempête.
11. Mais si les richesses terrestres te captivent au point que, pour mieux les posséder,
tu sois capable de nier la vérité même que tu as reconnue, tu es déjà vaincu dans ton âme par
la puissance de l'enfer et de son prince, qui a nom mensonge, ténèbres, jugement, perdition et
mort.
12. Vois nos sept Égyptiens : ils connaissent toutes les grandes richesses cachées de la
terre et pourraient les exploiter en masse : mais ils les méprisent et préfèrent une vie
parfaitement simple, ne recherchant que les richesses spirituelles, et c'est pourquoi ils ont
gardé intactes les qualités authentiques des premiers hommes, qui font d'eux des maîtres qui
commandent à toute la nature, ce qui ne serait certes pas le cas s'ils s'étaient jamais laissé
captiver par les attraits de la nature.
13. Si un maître de maison veut garder sa maison en bon ordre, il ne doit pas devenir
familier avec sa domesticité ni s'accommoder de toutes ses faiblesses. Car, s'il le faisait, il
serait bientôt prisonnier d'une domesticité impertinente, et lorsqu'il voudrait dire à l'un ou à
l'autre : "Fais ceci ou cela", ces serviteurs sur qui il n'aurait plus d'autorité lui obéiraient-ils ?
Oh, que non, ils se moqueraient de lui !
14. Il en irait de même pour un général qui se mettrait aux ordres de soldats qui lui
doivent leur force et leur courage. Que l'ennemi menace et qu'il commande alors à ses soldats
d'attaquer et de vaincre, les soldats obéiraient-ils à ce général affaibli ? Oh non, ils
regimberaient et diraient : "Comment peux-tu nous commander, si tu es faible ? Tu n'as pas eu
le courage ni la volonté de nous entraîner sérieusement au maniement des armes et t'es
contenté de folâtrer avec nous comme un compagnon de jeux ! Comment nous mènerais-tu à
l'ennemi ? Tu ne nous as jamais commandés ! Comment deviendrais-tu tout à coup notre
maître, quand nous avons été les tiens si longtemps ?
15. Et il en va ainsi de tout homme que ses parents et ses maîtres n'ont pas exhorté
depuis son plus jeune âge à faire abnégation de lui-même dans toutes les passions charnelles,
de peur qu'elles ne deviennent maîtresses de son âme ! Car une fois que les passions auront
pris l'avantage sur l'âme, il sera bien difficile à celle-ci, devenue faible et sans volonté, de
maîtriser tous les désirs et les convoitises de sa chair.
16. Mais lorsqu'une âme est, dès sa jeunesse, guidée par les vérités d'une raison lucide
et exercée à maîtriser toujours mieux sa chair et à ne lui autoriser que ce qui lui est
naturellement dû selon Mon ordonnance, de toute évidence, cette âme sera indifférente au
monde avec ses richesses et ses attraits charnels, et cette âme spirituelle et forte sera maîtresse
non seulement des passions de son corps, mais aussi de toute la nature terrestre, donc de
l'enfer et de son prince du mensonge et des ténèbres.
17. Vous savez à présent ce qu'est réellement l'enfer, ce qu'est le prince du mensonge
et des ténèbres et comment il faut le combattre pour en triompher à coup sûr. Faites-le, et vous
aurez bientôt détruit son empire sur terre et serez, vous, les hommes, maîtres de toute la terre,
de sa nature et de la vôtre. »

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