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Femy, Je Vous aime ! par Lssia Quand j'ai découvert que j'étais gouine, plein de choses se sont passées dans ma téte et dans mon corps. C*était super génial et j'ai baisé comme jamais. Et j'ai rencontré d'autres gouines. En fait, j'ai rencontré un nouveau monde. Il était beau, ce monde, et me fascinait. Mais il m'était completement inconnu. Je n'en comprenais ni les normes ni les codes, fraichement débarquée de l'hétéronormalité. Je ne connaissais méme pas Monique Wittig. Mais je riais aux blagues sur les piercings a l'arcade, hochait la téte quand on me parlait de Delphy et prétendait avoir adoré le dernier Despentes. Puis je rentrais chez moi, googlait toutes les informations que j‘avais pu enregistrer, et enrichissait ma gouine culture. Peu a peu, je me suis fait des potes, j'ai commencé a connaitre du monde. Mais quelque chose me chiffonnait, je n‘arrivais pas trop a identifier quoi mais je ne me sentais pas vraiment a ma place. Pourtant, plus gouine radicale qué moi y'avait pas (ah, les bébés gouines!), j'avais lu Despentes pour de vrai et réussissait méme a faire quelques blagues de l'entre soi. Juste, je ne comprenais pas pourquoi ma transformation en gouine n'allait pas de pair avec un changement de style, pourquoi je ne me mettais pas a adorer les chemises a carreaux ou les t-shirts, les jeans et les cheveux courts, comme toutes les autres gouines que j‘avais autour de moi. Parce que j'y tenais moi @ mes robes, mes chaussures a talon et mes boucles d'oreilles cheap ! Seulement j'avais 1'impression que ca me faisait perdre des points gouines, que a m'enlevait de la crédibilité et de la légitimité a faire partie de ce monde. Je me sentais un peu a part. Et un jour, j'ai rencontré F. Cheveux longs et soignés, haut moulant, jean serré, boots léopard et mascara, belle a en couper le souffle - je me suis dit, elle, elle ne peut pas étre gouine, impossible. Et si. Alors un jour, j'ai surmonté ma peur d'aller lui parler, et je lui ai dit que le fait qu'elle soit ce qu'elle était, avec tous ses accessoires et sa flamboyance, me faisait me sentir mieux, plus a l'aise avec mon propre amour de cette forme de féminité. Elle a ri, m'a dit que j'étais chou, que pour rien au monde elle n'abandonnerait cette partie de son identité, et m'a dit qu'on aurait qu'a étre des partners dans cette mini-lutte pour la valorisation de la mini- jupe. J'étais trop contente. J'avais rencontré ma premiere fém, mais je ne le savais pas encore. Parce que la deuxiéme fém que j'ai rencontrée, et 1 ou tout a fait sens, je l'ai rencontrée grace & une brochure que mon amoureuse m'a offerte (La question butch/fem de Joan Nestle) : c'était moi. Je me suis reconnue, je me suis trouvée. C’était donc ¢a mon adoration de la féminité affichée et rion indiscutable gouinerie | J'étais fém ! Je pouvais étre féminine a souhait et gouine ! Incroyable. Bon, aprés le temps de la satisfaction, vint le temps des questionnements. J'étais fém et assumée comme telle, mais ne me sentais pas faire partie de la communauté & 100 %. Je me sentais encore jugée pour ma féminité, j'avais l' impression que je serais acceptée immédiatement parmi des gouines si j'étais masculine. Ce que je ressentais & 1'époque, c'était cette suspicion permanente que les féms sont des meufs hétéras. Ce passing de meuf hétéra, certains l'appellent un « privilege », notamment quand on bascule dans le monde extérieur. Etre en permanence ramenée a ton statut de meuf dans la rue ou les espaces publics, moi j'appelle ca de la misogynie et du sexisme. Donc pas vraiment un privilége hein, vous m'aurez comprise. Et en ce qui concerne l'intérieur de nos communautés, le fait de ne pas étre lue comme une gouine du fait de ta féminité pousse & 1'outing constant : puisqu'il n'y a aucune évidence de gouinitude quand t'es fém tu dois toujours l'afficher. Mais alors, qui bénéficie d'étre lue comme gouine, immédiatement et a priori ? La butch ou la gouine boyish ? Et qui entretient ce stéréotype ? Pas que les hétéros, j'en suis sire. Penses-y, la prochaine fois que tu croises une fém. PS : Non, je n'ai pas honte de dire que ma vie a changé le jour ou F m'a fait essayer son rouge @ levres. Maintenant, j'ai 27 rouges a levres de différentes couleurs, je peux pas vivre sans, et je kiffe. Et non, je ne suis pas sous le joug du patriarcat sans m'en rendre compte a cause de ¢a. Merci, bisous. «Ledésir estl'essence méme des identités queer. Nous nous définissons au travers de celleux.que nous désirons . Et bien que ce soient le sexe et/ou l'identité de genre des individuEs que nous désirons qui.définissent hos identités queer, nos désirs prennenttoutes sortes de Voies belles et passionnantes. Alors ,dans.un monde ou nous prenons bravement position autour de nos désirs queer, comment se fait-il que tant de représentations des Hlésirs queer pulissent étre trouvées dans les pages de f'importe quel magazine hétéro > Ol: sont les représentations des queers que JE désire ? Oi sont les représentations des queers de couleur, prolétaires , transgenres , groSSEs ,handicanées, agéEs? Malheureusement, ces représentations manquent dans la plupart des publications , de l'art et des performances LGBT grand-public, Cenendant; la grosse fem redoutahle que je Suis ne mange pas de ce pain-la. C'est ma mission de donner de la visibilité 4 celleux d'entre-nous qui ont été invisibilisé6Es , pas seulement dans la culture hétéro grand-public , mais égalementdans la culture LGBT grand- public , voire alternative . Parce que c'est a travers la Visibilité que les désirs peuvent étre nommés. » Krista Smith aka Kentucky Fried Woman, in Femmes of power , 2008 Traduit de l'anglais par Fallope K. Dyke LA DIMENSION FEMTASTIQUE Quand j'étais petite, mes programmes télé favoris étaient Motus et "Académie des Neuf. Dés que j'ai su lire, je me suis ruée sur La Case de "'Oncle Tom. Je ne porte que des vétements a carreaux et mon passe- temps favori est le sudoku. En clair, j'adore les cases.(Non, en fait mon enfance a été rythmée par Lady Oscar, Albator et I'lle au Trésor. Par contre, j'aime le sudoku. Pour de vrai.) Bref, j'ai écrit une intro. Je m'identifie comme fem. Si on veut faire simple, les fems sont des gouines féminines (voir trés). Si l'on veut lire entre les lignes, c'est plus compliqué. * Cherchez la fem* Ltidentité fem ne se résume pas & un baton de rouge a lévre et une paire de talons aiguilles. II s'agit avant tous d'une construction (¢a vous rappelle quelque chose?). Les fems ont déconstruit l'image de la féminité et la subvertissent pour en faire a la fois un outil et I'étendard de leur identité. Il ne s'agit plus de se soumettre a l'apparence (et aux réles) que la société assigne aux femmes, mais de s'approprier ces codes et de les subvertir, dans la joie et la bonne humeur de préférence. Donc oui, vous pouvez croiser des fems qui feraient facilement passer Dita von Teese pour Jackie Sardou, tout comme d'autres qui ressemblent a madame tout-le-monde (votre voisine, votre institutrice, votre boulangére...). Dans le deuxiéme cas (c'est-a-dire la plupart du temps), a moins qu'elle ne se l'écrive sur le front (et reléve sa frange) vous aurez bien du mal a deviner que vous avez affaire a une fem. Ce qui nous améne au grand fléau des fems. Pire qu'un mascara qui bave ou qu'un brushing raté, j'ai nommé : linvisibilité. On entend souvent parler des lesbiennes invisibles 4 qui l'on balance qu'elles se sont trompées de bar, mais que dire des fems qui s'entendent demander pour la troisiéme fois « mais tu es sire que tu n'es pas hétéro? » par la meuf avec laquelle elles sont en train de baiser? D’ailleurs, méme Viandox*, mecque des cases faciles, n'a jamais osé intégrer les identités fem a ses catégories (mais ca, ce n'est peut- étre pas plus mal) * Désir, désirs * La plupart du temps, lorsque l'on entend parler des fem, c'est lorsque l'on évoque les dynamiques de désirs butch/fem. Oui mais non. Enfin en tous cas, pas toujours... Une fem sans sa butch c'est comme une bicyclette sans poisson: ca roule. Non, nous ne craquons pas toutes pour les crétes et les marcels. Certaines fems sont attirées par les fems comme il y a des butches attirées par les butches, d'autres peuvent étre attirées par a peu prés la terre entiére. Nos désirs sont indépendants de notre apparence**. [Message perso a mes amiEs : par contre si vous pouviez éviter de systématiquement vouloir me caser avec des fems, j'apprécierais énormément] CertainEs nous reprochent pourtant de reproduire les schémas hétéronormatifs a travers notre apparence et nos désirs (pour les fems fréquentant des butches ou des FtM). Ce n'est pas le cas, nous refusons juste d'entrer dans des carcans homonormatifs pour leur bon plaisir (et au détriment du nétre). * Autodétermination * Alors que je lui demandais si elles connaissait des personnes susceptibles de s'identifier comme butch ou fem dans le bar ot! nous nous trouvions, une personne militante, éclairée sur les questions des genres et des sexualités, m'a reproché de « toujours vouloir mettre les gens dans des cases » . J'ai eu l'impression d'affronter les airs horrifiés et les lecons de morale des LGBT's mainstream qui tentent de vous expliquer que non, vous ne pouvez pas décemment vous revendiquer gouine ou pédé, puisque c'est tellement avilissant, vulgaire, et (Horreur! Malheur!) homophobe. Le propos est différent mais le ressenti est exactement le méme: I'impression de me voir confisquer mon identité. C'est ce qui m'a poussé a écrire cet article Dormez tranquille, nous ne forgons personne a rentrer dans une case, méme si l'oncle Tom a l'air super chouette. Par contre, personne ne nous empéchera d'investir notre propre case. Une case ouverte, voire plusieurs parce que la ou il y a de la géne il n'y a pas de plaisir. Les identités fem, comme les identités butch et un tas d'autres qui existent ou qui restent a inventer, ont ceci en commun qu'elles sont basées sur l'autodétermination. On construit sa propre identité, on l'enfile comme un vétement qui nous plait, on se taille nos propres costards pourvu que l'on s'y sente a I'aise, et on en change a notre guise. Sans rien imposer a personne, mais sans s'excuser d'étre ce que nous sommes. Comme vous nous sommes multiples et diverses. Et exigeons le respect. [FI Fallope K. Dyke [I B, a SALONS a se ET pour la sencee 2G. Marche e COW 2G @) des Fiertés 2 Ere 2012 vet Lyon SONI gkt Mon amour des extrémes me prédisposait a me présenter d'une facon soit trés masculine, soit trés féminine. C'est étrange que j'ai finalement penché du coté Fem pour l'image (externe, donc) que je voulais donner car mon caractére, mon moi interne est davantage Butch dans la représentation que je m’en fais. De plus, je suis dénuée de tout second degré et je suis plus souvent en mode warrior, sur la défensive, le visage fermé, voire agressif qu'arborant un petit sourire coquin et mutin, ce cété fun que je préte dans mon imaginaire a la Fem. Je le suis en privé, et dans tout lieu safe, mais dehors, ou en présence de gens que je ne connais pas ou que je n’aime pas (et illes sont nombreux/ses, vous n'imaginez méme pas), je suis en milieu hostile et en milieu crétin, je montre les dents. Jiai été élevée dans la valorisation de la féminité, j'ai eu pour modéle ma mére qui me montrait des photos d’elle, radieuse, pin-up, coiffée-maquillé, « femme », quoi. On avait une grande armoire qui regorgeait de ses vétements et j'aimais m‘habiller avec. Je me transformais en véritable porte-bijoux et feuilletais tous ses magazines « féminins ». Bref, pendant trééés longtemps, je me suis conformée sans me poser de questions et avec une satisfaction dont on ne pourra probablement jamais déterminer la cause exacte: était-ce vraiment a « moi » que ¢a plaisait ? Quand j'ai commencé a y réfléchir, a la fin de mon lycée, je me suis sentie flouée, trahie. Qu'on ait décidé pour moi de ce a quoi je ressemblerais, ca m'apparaissait soudainement dans toute sa violence: comme si on m'avait baptisée a ma naissance Alors je suis rentrée dans une phase ou j'ai rejeté toute cette mascarade, dans l'espoir d'y trouver en dessous mon vrai moi mais entre les phases ol je coupai mes cheveux trés courts (a la tintin, puis avec une créte puis de plus en plus long car je révais toutes les nuits que j'avais a nouveau des cheveux.. j'ai fini par capituler), ou je m‘habillais de fagon relativement masculine, mimant plus, au fond, celles que je désirais que celle que je désirais étre, eh bien, entre toutes ces phases, mon désir de « féminité » me revenait en pleine poire comme la balle vicieuse du Jokari. Voila ou intervient la fatalité: aujourd'hui, il n'est plus question (je ne dis pas jamais, il ne faut jamais dire jamais) pour moi de m'aventurer dans des expériences de masculinité, sauf dans un autre corps que le mien car, soit dit en passant, je n'aime l'aventure romantique et érotique qu’avec les butchs et les transboys. Mais je n'ai pas perdu mon temps en faisant ces expériences, au contraire, si je ne les avais pas explorées, j'aurais toujours eu ce doute, cette indécision. Je suis petite et fréle, je n'ai jamais croisé un muscle sur ma personne.. j'ai impression que je n'étais pas prédisposée a faire une belle butch. Je n'ai pas la base pour ca. En revanche, ma téte fait une bonne base pour du coloriage a base de maquillage et mon corps s'adapte plus a des robes pour enfant qu'a un chouette costard-cravate. Donc, je ne me vois pas bucth, pourtant, ce qu'il me semble important de dire est que je me vois beaucoup plus [butch ou fem] qu'entre-deux. C'est parce que j'ai d'abord hai chacun d'eux que j'accepte aujourd'hui, et me joue, de mes choix de Fem-inité. Cette Fem-inité est adressée a des personnes qui me font fantasmer et sont elles mémes déviantes au regard des normes de genre. Ma féminité, parce qu'elle leur est offerte, est déviante. Jamais je ne tirerai intentionnellement profit de la confusion qu'il peut y avoir sur ‘ma féminité pour obtenir un appart', avoir une bonne note d'oral, bénéficier d'une aide.. Parce qu'a mes yeux, ga serait la trahir. Si j'en accepte les bénéfices liés a la norme hétérosexuelle, je triche en laissant les autres penser que cette féminité n'est pas réfléchie. Et il n'y a rien, concernant mon identité, qui me dérange et me répulse plus que l'on puisse penser ga de moi: qu'on me prenne pour une hétéra ou pire, une lipstick. Je dis « pire » car pour moi, la lipstick se distingue de la fem dans sa volonté intégrationniste de se camoufler, quitte a laisser ses - pas si- semblables lutter pour ses droits, étre visibles et concentrer sur elles la haine homophobe et transphobe. Cette confusion ne peut avoir lieu que dans le regard d'autrui car je sais qui je suis, je Sais que je suis queer, avec tout ce que ca implique pour moi: antisexiste, antiraciste, anticlassiste, alliée trans, militante, anticapitaliste, altermondialiste, anti-binarisme, prosexe, antifasciste et libertaire (liste non exhaustive.) et je sais que le moindre aspect (associé a la représentation du) féminin de ma personne a d'abord été questionné — évalué = rejeté puis seulement ré-accepté de fagon volontaire et conscientisé de ma part. Ma Fem- inité actuelle n'est plus sur la lignée de mon éducation de fillette, il y a eu une brisure, qui lui donne toute sa valeur et fait toute la différence: ma Fem-inité est un choix. ‘Dans ce choix, je me suis fixé des régles du jeu, afin que mon aspect ne trahisse pas mes convictions. J'évoquais le risque de faire de ma Fem-inité un usage contraire a mes convictions mais je suis aussi trés exigeante et précautionneuse dans mes choix pour sa construction: selon moi, ma queerité m'incite a réfléchir a la fagon dont je vais construire puis présenter cette féminité. Et cette queerité me semble incompatible avec le fait d'enrichir des firmes qui tirent profit de l'image hégémonique et dictatoriale de « la Femme ».. Aujourd'hui, c'est encore un trés GROS casse téte dont je n'ai pas trouvé la solution que de trouver une féminité lisible comme queer ou du moins non conforme, non hétéro ‘lly a quelques références qui m'ont accompagné dans mon cheminement de la fagon dont je voulais étre Fem: surtout des blogs recensant des photos de Fems prises d'un peu partout sur cette planéte: je peux rester des heures a consulter ces grands kaléidoscopes et a me laisser envahir progressivement par la puissance et la magie des diverses facettes de cette identité qui me fascine. Je ne vois pas comment parler de l'identité Fem sans aborder la question ‘facheuse mais @ laquelle aucune d'entre nous n'échappe: I'invisibilité. Pour ma part, vivre au quotidien dans l'invisibilité de mon engagement politique est un inconvénient majeur, quasi invivable. masculine, plus je me sentais libre d'étre Fem-inine, et donc, étre moi-méme et surtout fiére de l'étre. Sans étre un faire-valoir, mes conquétes m'offraient l'avantage d'étre en phase avec la fagon dont je me percevais. Qu'on me mé-prenne pour une jeune fille hétérosexuelle, toute enlisée dans la norme hétéro-proprette et fiére de l'étre, certifiée conforme, ga me file des frissons, En compagnie de sa partenaire, une Fem est visible comme gouine. J'ai connu ce plaisir délicieux de se balader au bras d'une gouine masculine, a cette Epoque je m'autorisais a étre féminine, sexy. Parce que quand ma copine me prenait la main, les passants arrondissaient les yeux et soudain, ma jupette n‘était plus qu'une jupette, mes bijoux devenaient des indices d'une interprétation bien différente de celle qu'ils avaient eu en premier lieu sur moi. Plus la meuf, au bout de mon bras était Mon attirance pour les butchs me rendait plutét service de ce cété la. Mon attirance pour les transboys, quant a elle, m'a valu de devoir réfléchir a d'autres moyens d’étre lisible comme queer. Parce que les hétéros sont prét a tout pour conforter leur réalité et ce n'est qu’en cas d'obligation extréme qu'ils abandonnent leur interprétation du schéma hétéro qu’ils collent sur tout ce qu'ils voient. Ce que je veux dire, c'est qu'une féminité déviante, sur une meuf qui sort avec un mec en apparence tout ce qu'il y a de plus normal (oul parce que I'hétéro ne va pas imaginer que tous les mecs ne sont pas cisgenres, t'imagines !), et bah, pour les mémes raisons, les éléments dissonants, déviants, vont étre gommés au profit de ce qui peut étre lu comme une féminité conventionnelle dans un couple hétéro conventionnel. Du coup c'est un réel défi pour moi de ne pas baisser les bras et laisser aux gens la facilité de me catégoriser comme ca les arrange eux. Une de mes solutions a été le tatouage : une manchette assez visible pour déranger au moins un certain nombre de gens. Et méme si je n'ai pas tatoué en toutes lettres « mon corps m'appartient », c'est finalement bien ce que ¢a veut dire, et c'est justement ce qui me plait dans le tatouage : rendre mon corps unique, en faire une création originale dont je suis l'auteure. Mes piercings en font aussi partie. Le fait que j'écrive ce texte entre les deux tours de |'élection présidentielle me force a en rajouter une couche sur le fait que je n'ai aucune envie de m'intégrer dans cette société raciste, islamophobe et sexiste, aucune envie de faire des concessions sur mon identité pour ne pas faire de vague, aucune envie, non plus qu'un des 20% des votants FN puisse me trouver jolie en me croisant. C'est pour ca que si c’était possible, je me baladerai avec un gros autocollant « queer » (ou « gouine », pour que ¢a soit clair pour tout le monde), je n'ai pas peur des étiquettes si c'est moi qui les choisit, parce que cette étiquette choisie a au moins le mérite d'étre explicite : tout sauf étre prise pour une de mes ennemiEs politiques. Enfin, j'assume mon agressivité et cette partie de ma personnalité me fait parfois penser que le terme Hard Fem me définirait mieux. Je me sens hard fem a chaque fois que ma colére éclate, pour remettre des homophobes a leur place, réagir a des propos réac ou faire front avec mon copain contre la transphobie quotidienne Bref, je me sens hard fem a chaque fois que je me sens forte et a chaque fois que je me souviens que la société fait tout pour que ¢a n’arrive jamais aux meufs. KI-INTBAL | il parait que si je suis faire un gote@ou, je seis Tsire une dombe.. fronchement, lo honde des cothes-fachos mé@ donne hien eavie de verifier por moi-memé... Lu-k Nibol FEM ANECOOTE Quand j'ai rencontré les gouines, j'avais les cheveux longs et je ne me sentais pas assez gouine. Pour y remédier, j'ai décidé de me raser une partie de mon cété droit de la téte (tu vois trés bien laquelle). Ca a marché, j'ai gagné des points gouine. J'ai raconté cette histoire a mon amie L. de San Francisco, une grosse fém non- blanche, elle a explosé de rire et m'a dit : a SF, on appelle ¢a le femme visibility patch ! Of course. Lissia M9 WEM0QUGS BaoeAe MA FEMINITE EST BELLE SUBTILE VULGAIRE SUBVERSIVE VIOLENT PeS BUEANCHE CHT. so Ee FONDAMENTALE HIE AFFIRMEE ATE HIGH- MAINTENANCE GOLOREE GROSSE DIVAESQUE = E E oOo" mr cmm HO oO EXCESSIVE SUPERFICIELLE DOREE MAQUILLEE VERDRESSED ASSUMEE QUEER EFFEMINEE MALPOLIE MASCULINE POILUE HARDCORE MUSICALE BRUYANTE FOLLE DRAMAQUEENIQUE DANSANTE HIGH-FASHION PUTASSIERE INTELLIGENTE DEBORODANTE. ELeSst sé. SELF MADE FEM par Mina R. Self made fem We m/"identifie comme queer fem, fe.m., pour éviter la confusion avec le terme femme en frangais ; switch, fministe fem-iniste, butch- et trans-lover, fat positive, pro-sexe, gouine, lesbienne, ancienne fille 4 PD. Ye ne m/identifie pas toujours comme femme : j/’ai Iu Monique Wittig, mais il mest difficile d'échapper & des années d’étiquetage fore’. He mV"auto-identifie comme fem. Ve crois en l'auto-identification : pour moi, est fem toute personne se disant fem. Sur la visibilité fem Mee si au quotidien, j/e passe, comme on dit. Le passing. Le fait d’évoluer incognito, loup dans la bergerie, dans un monde qui n’est pas le nétre. Car quand on pense au théme « fem », on pense immédiatement la question de la visibilite, et de I'invisibilité supposée des fems, tant il y a de choses écrites sur le sujet’. Ve ne ve considére pas comme invisible. Ye ne m/imagine pas comme invisible. Plutot ‘comme disposant d’une visibilité a g¢ométrie, et & géographie variable. 1e suis visible des gens qui regardent, de ceux que je choisis. J/’arbore des codes sélectionnés (féminité exagérée, ongles trés courts, bandana occasionnel pour le fem-flagging). Tu es tentée de ne dire privilégi¢e. Saurais-tu méme définir la nature de ce soi-disant privilége ? Pourquoi ? Parce que mon placard est de plomb? Parce que j/e suis sans cesse obligée de sortir de ce placard, et qu’encore & ce moment-li, on ne me eroit pas ? Jie vois ce que tu veux dire : les butches, elles, vivent dans un placard de verre, et elles en paient le prix, au quotidien. Leur homosexualité est le premier élément de leur identité que les gens saisissent, la plupart, en tout cas, J/'aurais done de la « chance » de ne pas étre Iue comme gouine a la minute méme ot entre dans une pice, ou lors d'un entretien d’embauche. Mais pense aussi que j/e ne suis pas vue comme gouine méme dans certains les bars lesbiens ! Que fais-tu de ga, hein, des gouines a méche qui nve demandent si j/e suis au bon endroit ? J/e m/e prends des fléches de tous odtés : d'autres lesbiennes (qui rejettent mon apparence), et "hommes (qui ne comprennent pas que si je m’habille sexy, je ne leur suis pas destinée).. LA ot le suis la plus visible, c’est en couple. Il y a une visibilité tts forte du couple butch: fem? qui est immédiatement sexualisé. Immédiatement, nous recevons des regards hostiles "hommes straights, surtout dirigés vers la butch, d’aprés m/on expérience. Glagant, le regard Voir notamment bpd. suparbutch nets=femmes visibility : femme-invisibility’;__hitp:/theitidentty. wordpress.com /2009/11/23/should--write-iton-my-forshead (pages ‘consultées le 17 evtier 2013) fe ne dis pas que toutes les fems sortent avee des butches, et vice-versa. C'est simplement mon cas au moment de Véciture, du serveur au restaurant grec rue Saint-Martin, quand tu poses ta main sur ma cuisse. Stressants, les regards des hommes dans le métro tard le soir. Et cet homme qui nous interpelle rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, alors que nous marchons main dans la main. Toujours les regards des hommes. Parce qu’évidemment, la fem n'est qu'une fille hétéro paumée, momentanément détournée du droit chemin mais récupérable, bien entendu ! On n’imagine pas que la fem porte le strap-on, que la butch jouit sous sa langue. J/’aime cette visibilité. Parce que politiquement, ces gens qui vont recevoir brutalement la vue du couple butch-fem en ont besoin, Ils doivent savoir que j/e mouille quand ma partenaire nve plaque brutalement contre le mur ; j/e dois le dire, et le dire en ces termes. Sur les politiques fem On dit : c’est vulgaire, on dit : c’est cru, on dit : c’est inutile, il faut vouloir l’indifférence, on dit : nous, homosexuels, sommes comme vous, hétérosexuels, on dit: mainstream, on dit : c'est dépassé tout ¢a, les fems et les butches appartiennent au passé, maintenant tout le monde est gender neutral, on dit : pourquoi? Parce que si nous ne parlons pas pour nous-mémes, soit nous serons tout simplement rayées de la carte de l’existence, soit quelqu’un le fera pour nous, et ga ne sera sirement pas juste. Le Do It Yourself (DIY) va jusqu’a notre identité, Construisons-nous nous-mémes pour ne pas que d'autres le fassent a notre place. Prenons la parole de force : parce que bon, faut pas réver, on ne nous la donnera pas. Nous n’avons pas disparu depuis les années 40/50, nous ne nous taisons pas, nous sommes li, nous sommes queer. I] va falloir s*habituer. J/e pratique une monogamie contingente. Tout en m/identifiant comme politiquement polyamoureuse ~ j/e ne préne pas la monogamie comme modéle a suivre. J/e n’ai pas toujours été monogame, j/e ne le serai peut-étre pas toujours. C’est juste l’arrangement que nous avons trouvé pour le moment. Tout ce que j/e dis sur le fait d’étre fem n’engage que m/oi. Ce n’est que ma maniére & m/oi d’atre fem. Ve considére qu’il y a autant de fagons d’étre fem que de fems. Pour m/oi, étre fem, c'est tendre vers toi le poing de la révolution, les ongles trés courts, le pouce bien calé entre le majeur et index. Sur les relations avec le reste de « la communauté » Pour autant, il y a consensus: les fems ne sont pas des lipsticks. D’ailleurs, il y aurait beaucoup a dire sur la différence entre fem et lipstick : pour éviter par exemple qu’ une fille un soir dans un bar ne m/e dise « Mais toi, tu es lipstick ! [Affirmation péremptoire sans me connaitre] Ben oui, tu portes du rouge A lévres ! ». En anglais, il y a plusieurs termes pour se déerire. High fem. Hard fem. Sans doute qu’il y a des fems qui ne s‘identifient pas comme queer. He n’aime pas trop ces différentes expressions, surtout high fem. Parce que s'il y a des high fems, c'est qu'il doit y avoir des low fem, non ? We n’aime pas la higrarchie qui se trouve ainsi introduite, Et toutes les fems ne seraient pas hard ? Des dures ? J/*aimerais voir ¢a ! Alors évidemment, le rapport butch-fem n’est pas systématique ~ j/e résiste & toute définition de « fem » uniquement dans un rapport & « butch », comme si aucune fem n’existait par elle- méme - mais c'est ce qui m/"attire mvoi. J/"aime les nuques fraichement rasées, "aime les bottes de combat, j/’aime les chemises, les treillis, les calegons, les débardeurs, les tatouages. Jaime les muscles, ou pas. J/aime la force. Bien sir, il y a aura des féministes, Seconde Vague pour ne citer qu’elles, pour me reprocher de jouer avec le feu, en « singeant le schéma hétéro», parce qu’évidemment, si j/e souscris en apparence & une performance de genre hétéro-patriarcale, alors tout de suite, j/e ne suis pas forte, et pas féministe. Oui, j/e porte des robes a pois, de gros nocuds dans les cheveux et des sous-vétements affriolants. Ca n’empéche pas d’étre forte ! Et justement, mon apparence n’est pas hétéro-patriarcale. Ne ne décris pas comme cisgenre, merci. Tant pis si certain-e-s la lisent comme telle. Survient alors la litanie de tout ce que j/e ne serais pas - vraiment. Si j/e me présente comme fem, j/e ne suis pas vraiment lesbienne, j/e ne suis pas vraiment féministe, j/e ne suis pas sexuelle, j/e ne suis pas forte, j/e ne suis pas rebelle, j/e ne suis pas politisée. N’est-ce pas ce quavait voulu dire cette militante LGBT m’ayant vaguement croisée deux fois : «Toi, avee son sac a main de poufe, tu n’es pas vraiment lesbienne ! ». Si j/e m’identifie comme fem, C'est que j/e n’aurais pas Iu les grands textes feministes, e*est que j/e n’aurais pas compris Monique Wittig ! Bien sir. /*échouerais & étre une femme authentique pour certaines, ou une lesbienne authentique, pour d'autres. Dans les deux cas, j/e perds. Toujours deja accusée d’étre vendue au patriarcat, Pire, ”importerais une identité américaine ! Comme s'il n’y avait jamais eu de butches et de fems de ce cété-ci de I’Atlantique ! Ce n’est pas parce que usage du terme « fem » en frangais est récent que la réalité & laquelle il correspond n’existait pas avant, Les « jules » et les «nanas» ou les « femmes » n’ont pas attendu le renouveau des années 90, cocotte ! /"ai une certaine nostalgic pour la culture des bars d’avant 1968, pour le stonebutch blues’ (malgré les raids de police), pour la sous-culture. Pour la culture ouvriére américaine blanche, Pour les stds afro-américaines. Pour le bulldagger swagger’, la démarche de cowboy. Pour la classe dangereuse, et pour cela profondément attirante Ou alors, de lipsticks, j/’entends des : « ah, enfin une fille feminine. Y’a que des bonhommes ici. Elles donnent une mauvaise image de la communauté. Elles sont une caricature. ». Tu les appelles des camionneuses, des gargonnes, des «hommasses ». Tu ne sais pas ce que tu loupes. Tant pis pour toi. De gouines & méche, ou de gender neutral (qui se croient gender neutral, anyway), j”entends encore : « Nan, mais moi, je refuse toute étiquette. A quoi ga sert > Voir Les tonebutch Blues, Sydney (Australia), Readhowyouwant, 2012 [1993], * Voir & ce sujet la chanson de Phranc, « Bulldagger swagger » : bhip:/www. youtube.com watch?v=Xi0rNaPGALw (page consultée le 5 janvier 2013). de se limiter ? Je suis en dehors de tout ¢a, j’échappe aux vieilles catégories démodées. Le XXI sidele, c'est l’émancipation des étiquettes ». Ben tant mieux pour toi hein ! Mais tu m/expliqueras comment tu fais pour te définir et pour te construire sans étiquettes, ne serait- ce contre lesquelles te positioner ! Peux-tu m/e regarder dans les yeux et m/e garantir que quand tu te vois dans la glace, tu ne te dis jamais «je suis... » ? Hum ? C’est ce que j/e pensais. Nvempéche, j/e me considére comme féministe, et jessaie de vivre en tant que féministe....sans savoir ce que ga peut signifier, mais bon. J/'ai toujours les ongles courts, trés courts, toujours prés au fisting. On ne sait jamais, dans une journée, il peut arriver plein de choses. Fisting comme expérience politique, et mystique. En tant que fem, j/e m’impose d’étre visible dans la rue. J/envoie aux personnes que j/e pense étre butches des regards langoureux. J/"essaie de leur dire que j/e les ai vu-e-s, et que j/e les trouve belles, ou beaux. We veux leur dire qu’ elles sont belles, ou beaux. Sur ma performance fem Parfois j/’ai des talons hauts, parfois pas, parfois j/’ai du maquillage et du vernis aux ongles, parfois pas, parfois j/e suis épilée, parfois pas, parfois je porte des pantalons, parfois des robes. Des paillettes. Toujours le goat de outrance. A ce sujet, un ami pd m/’a dailleurs un jour répondu : « C’est pour ga que tu t’habilles comme une drag queen ?» Oui, c’est pour ga. Ma féminité est parodique. Elle a des sources dinspirations, mais pas de modéle. C’est une parodie sans modéle, Ve me souviens du premier mec avec qui j/”ai couché : « Tu ne peux pas Uhabiller normalement, comme les autres filles? ». Non, j/e ne peux pas m’habiller normalement, comme les autres filles ; de toute fagon, il ne valait pas la peine d’étre baisé. De méme, j/’enrage quand j/’entends Tinjonction a « faire plus naturelle ». Comme si le maquillage était un artifice cachant une nature déja la qu’il suffirait de révéler. Hypocrisie. Fuck le nude. Bien sir, en tant que fem, il y a des tensions avec les lipsticks et les gouines a méche. J/e pourrais énumérer toutes les différences de style vestimentaire sans en venir 4 bout : parce que la vraie difference, c’est 1a politisation. Les fems sont politisées. Ironiquement, c’est ma visibilité que les lipsticks nve reprochent cette fois. J/e ne joucrais pas le jeu d’étre « comme tout le monde », fondue dans la masse. J/e suis la gouine A laquelle elles ne veulent pas étre iées. Ve ne donne pas le change, j/e ne montre pas patte blanche au maitre, j/e ne donne pas «une bonne image de la communauté», He ne passe encore pas assez inapergue. Les gouines 4 méche, elles, m/e reprochent de ne pas faire vraiment gouine. Ve n'ai pas Vuniforme requis du hipster, la méche & la Justin Bieber et la chemise a carreaux, I’air blasé et le corps androgyne. ass Mes sources d"inspiration pour la construction de ma fem-inité se situent quelque part entre Scarlett O"Hara, Joan Holloway, RuPaul et Dolly Parton, En ce sens, ma fem-inité est une pratique transgenre. Elle est un voyage. Jai rencontré des fems s'identifiant comme trans Pour le moment, ¢a m/e pose un probléme. J/e vois bien ce qu’elles veulent dire (nous nous fabriquons sans cesse, notre genre est du bricolage) ; mais j/’ai l’impression d’usurper un label que j/e n’ai pas mérité en quelque sorte. Oui, /e me transforme au quotidien. Ye suis un processus. Un work in progress. J/ai Vimpression de n’étre jamais terminge, de toujours advenir. Parce qu’on n” nait jamais fem, on n'est jamais fem, on le devient ; on est toujours en train de le devenir. Pour nvoi, étre fem, c’est savoir que: j/e ne suis pas née fem, je le deviens. Et c'est un renouvellement constant, sans fin, Ma manire d’étre fer & 20 ans n’était pas la méme que celle de mes 25/26 ans, et elle ne sera pas la méme que celle de mes 40/50 ans ou plus. We portais des collants résilles et des rangers au lycée. Jai eu tres britvement le cheveux courts et des shorts cargo avec débardeur blanc ou baggy. Aujourd'hui, /e serais plutot portée vers les bas couture et les porte-jarretelles, les bullet bras, ces soutiens-gorges pointus des années $0, J/'ai eu des robes & smocks. J/"ai eu les cheveux bruns et noirs, blonds et roux. Raides, bouclés. Lichés, ou en chignon banane. W/e peux faire dominatrix, ou femme- enfant, Si j/“avais &té étiquetée homme a la naissance, j/e serais une folle flamboyante - parce que j/e ne veux pas renoneer aux paillettes. On nve dia : ce n’est pas de « bon goat », « c'est vulgaire », « ga fait mauvais genre», « ga fait pute». W/e répondrai que votre tentative de m’imposer votre police du style ~ qui est en méme temps une police du genre (dans tous les sens du terme) ~ n'est qu’une maniére de restreindre mes possiblités d’expression politique. Iignore si ga explique pourquoi ma performance de genre n'est pas apaisée. Lorsque tu nv’as demandé si se présenter comme fem, ca n’était pas soufitir d'un Syndrome de Stockholm’, j/’ai voulu te répondre un non catégorique. Mais nvoi aussi j/e me suis posé la question. M/oi aussi, de temps en temps, ”ai peur que mon expression de genre soit limitée alors méme que j/e peux expérimenter comme j/e veux. Sauf que j/e fis un bien mauvais drag king. Bon, c'est vrai, j/e n'ai pas encore assez travaillé de ce e6té-la, done il y a une marge de manceuvre. Voyant ma difficulté & ne pas sourire d’emblée, bien m’anerer dans le sol, & donner de viriles poignées de main, jai constaté que si mon esprit sait bien que le genre est une construction et une performance, mon corps, lui, I’a oublié. A force de répéter la performance, & force de I'exagérer, mon corps I’a naturalisée. II m/e faut apprendre & men détacher physiquement, & nv’en émanciper. Iai remarqué quelque chose en sortant dans le «milieu», comme on dit: les fems grandissent dans Visolement ~ j/e ne connais pas de fem qui ait grandi dans une communauté de fems. Et pourtant, nous nous ressemblons. Nous partageons les mémes codes. Notre style est trés souvent plus ou moins vintage, trés années 40-S0 (éventuellement relues selon langle punk rock/grunge des années 90), des variations autour de Bettie Page. Surtout, nous nous reconnaissons, Au-deli des détails vestimentaires — loin d’étre des détails, des prises de position hautement politiques. We vois dans le regard d'une fille que j/e croise si elle se dit tiens, on est de la méme famille. Evidemment, on ne peut pas étre sir qu’une personne est fem avant qu’elle ne Wait dit elle-méme, Pareil pour butch, pareil pour toute identi ailleurs. Ve ne veux pas coller une étiquette & quelqu’un. Apris, dans le regard, il peut y avoir reconnaissance. * Ft pourtans, tun'as pas lu King Kong Theorie, de Virginie Despentes (2010 (2006), Paris, Le Livre de Poche) voir pages 123-126. aE OT YS 7 a a Mae ES a WANT. ‘ EOL | NES“ - | * "Femmes want revolution"|* | TES e AMOUREUSES ‘ textes et illustrations par Albane Apres trois ans passés a étre sa meieure amie en ramiie. La meilleure amie en pantalon de papi, au crane rasé en blonde, des sécrétions salées sous les ongles. Ton amoureuse s'est trahie dans la cuisine, quelqu'un parlait de toi. C'est étrange a penser, quelqu'un a du demander « Oh oui Claire sera la ? nous l'aimons beaucoup hein ? vous étre vraiment trés proches elle et toi n'est-ce pas ?» juste histoire de dire quelque chose peut étre parce qu'un repas de féte se prépare et qu'il faut toujours tromper l'ange qui passe quand en famille dans une cuisine, on ne sait plus vraiment pourquoi. « Tu l'aimes beaucoup Claire hein ? » l'air de rien, qui n'en pense pas plus, qui écaille le poisson ou quoi que ce soit. A ce moment la je pense qu'elle faisait la vaisselle, a la main, dans la mousse, en regardant par la fenétre vers un jardin, en pente immense, déclinant vers une forét. Et ton amoureuse rougie depuis ses mollets biens faits jusque dans ses yeux. Et sa mére voit cela, elle qui travaillait son déni depuis que l'idée étrange I'avait traversée, tuant la sincére incrédulité. Elle aurait pu tenir le coup jusqu'aprés les fétes si tous agissements s'étaient fait dans le bon sens dans son sens. Mais ton amoureuse rougie, comme une amoureuse ne rougie pas de honte, mais toujours de plaisir. Et l'on comprend que tu n'es plus sur la liste des convives mais pas forcément pourquoi. A moins que l'on ne sache tout ce qu'il y a de sexuel dans la sexualité, et comme c'est désagréable d'imaginer sa fille faire preuve d'imagination sexuelle, quand elle est la entre vous tous, les mains dans la vaisselle. Comme si elle se masturbait sur le canapé au moment du vin sucré. C'est odieux de vous imaginer avec les cheveux courts et de grosses silhouettes devenir moches et toutes seules et sans aucun avenir avec des marginaux drogués malade dépendants. Sa fille s'est toujours enlaidie volontairement c'est un fait, elle cherche toujours & se distinguer comme si les autres n'étaient pas assez bien pour elle, comme si nos vies n'étaient pas assez bien pour elle, alors que je suis trés fiere de ma vie j'ai fais beaucoup d'efforts pour tenir tout ca en marche et dans la montée en plus, comme si Je n'étais pas assez bien pour elle. Et chez moi en plus sous mon nez, elles m'ont menti, m'on prise pour une conne pendant trois ans, elles ont du penser que je ne comprendrais pas que je suis trop conne pour accepter. Et bien oui ma fille je suis trop normale pour accepter que tu me mentes et que tu exhibes ta libération sexuelle dans ma maison comme si j'étais trop conne comme si j‘allais pas voir comme si je pouvais pas accepter ca. Aussi aprés trois ans sans voir ca, la mére pris trois ans pour ne pas accepter ca. Ton amoureuse t'a appelée pour te dire de ne plus venir, qu'il n'y aurai pas de place ni pour toi ni pour elle a cause du rouge qui lui était monté au joues et de sa mére qui n'arriverai pas a ouvrir des huitres pour toi. II faudrait qu'elle reste quand méme, tu lui dis, tu t'en remettras, mais qu'elle mange le canard et la salade et les fromages encore une fois pour les grands parents qui sont tellement plus savants tellement plus amusants, il faut rester parce qu'ils sont si vieux. Mais elle partira au moment de I'apéritif sa mére la regarde avec dégout et colére comme si elle était en train de se masturber sur le canapé au moment du vin sucré. Vous vous étes rejointes a poil jusqu'au point de convergence ou s'entrechoquent son anxiété et ton soulagement. Elle dors a cété de toi ton amoureuse épuisée d'émotions de corps et d'abandon. Tu prends le temps d'adresser des pensées aux convives de la féte. Tu leur dis combien tu les comprends et combien ils ont tort. Tu penses aux blagues cochonnes que doit retenir le tonton trop con et tu penses que les masques sont tombés et qu'il était temps. Tu crois que les familles sont comme ¢a autours de toi et que vous allez vous en remettre. Vous vous remettrez de ¢a oui mais pas d'autre chose, on ne sait pas, certainement un probléme de compétition entre vous, qui domine qui veut empécher l'autre de se réaliser qui avance plus vite qui regarde en arriére qui veut constamment baiser qui ne veut pas. Elle n'est plus du tout ton amoureuse. Peut étre que tu n'avais pas le temps en fait. Cela fait déja quelques mois que tu ne dors pas plus qu'il ne faut pour survivre. Le concours de médecine qu'il faudrait réussir. Le travail d'assistante de prof de musique aveugle a plein temps. Tu n'oubliera jamais que la flute et la féte des mére sont des inventions pétainistes. Et dans les temps de transport tu inventes des instruments de musique sensuels qui réagiraient a la chaleur de la peau et a la couleur des yeux. Tu crées une écriture musicale vraiment expressive a partir de photographies d'hystériques. Des choses belles et compliquées que tu oublieras aussi vite que le nom des muscles du cou. Un été vous vous quittez tu n'as plus ou habiter tu n'aimes plus passer le concours de médecine et tu ne donnes plus de cours de flute. Tu passe un mois entier chez ton ami Hugues allongés sur son balcon Boulevard Saint Germain des Prés a regarder que rien ne se passe en fumant des joins roulés sur tes cuisses d'oie Blanche. Vous étes en pause avec le monde. Tu es née en 74 l'année de Young Frankenstein et tu as toujours été la meilleure, en karaté en ouvrier agricole en cavalier en planeur , tu aurais pu étre la meilleur mais parfois tu ne t'intéressais pas assez. Tu es fatiguée cet été la et depuis les toits tu regardes la rue vide, avec Hugues vous bullez et vous faites des ronds de fumée, vous attendez un peu encore avant de replonger dans vos difficultés. Et tu trouves une nouvelle amoureuse, et tu |'aimes. Tu ne penses plus & cette ancienne amoureuse ni a sa mére, mais son grand peére te manques parfois, si tu es obligée de penser a un grand pére tu penses plutét a celui la. Celui qui avait dit dans la cuisine quelque chose comme « Claire viendra j'espére, nous I'aimons beaucoup ta Claire, ca se voit que vous vous aimez beaucoup toutes les deux, quelle chance, cette petite est charmante et dréle et brillante, ah, vraiment nous aimons savoir qu'elle viendra, toi aussi Ca te fait plaisir n'est ce pas ? ». Début Septembre pourtant le Grand Pére meurt. Alors sa petite fille t'appelle, elle sait que vous vous portiez une estime et une affection réciproque. Que si tu avais pu, tu l'aurais recouvert de chaussettes en fil d'Ecosse, mais tu étais précaire alors tu ne pouvais pas. Et que si il avait pu il t'aurait défendu contre la mére outrée, mais c'était sa fille a lui alors il ne pouvait pas. C'est ce que vous-vous dites au téléphone. Tu ajoutes que tu tiens vraiment a faire ton deuil, elle accepte que tu viennes dans la maison familiale lundi puisque vous serez seules toute la journée. Tu prends le volant et tu roules vite, heureuse de n'avoir personne & blesser sur le siege passager. La maison de famille est magnifique au milieu de son grand jardin vert au milieu d'une belle forét verte. Elle t’accueilles simplement sans te demander de nouvelles, vous prenez de I'alcool de prune et discutez de cause du décés avec vos mots d'étudiantes en médecine. Vous étes seule dans cette beauté car la famille est a |'Eglise pour l'enterrement, elle personne ne lui fera mettre les pieds la dedans, surtout que son grand pére était communiste. Tu bois ton alcool de prune en essayant de sentir le gott du fruit, il n'y a plus que de I'éther. Tu roules deux cigarette a la muscade que vous fumez sous un soleil dangereux, celui qui donne le cancer de la peau. A l'étage il y a une grande salle de bain blanche et parme. Avec une baignoire a l'ancienne, émaillée blanche posée sur quatre cygnes de bronze. Vous étes nues dans cette cuve enlacées et vous faites couler l'eau pour qu'elle vous contienne. L'eau vous arrive aux épaules dilue la sueur et les larmes qui manquaient. Vos corps se reconnaissent et se rassurent, la beauté infuse, vous reprenez des poses apprises, certains rythmes qui ne vous appartiennent plus reviennent se jouer du bout de la peau. La pointe de son sein émerge et se noie de nouveau. On frappe a la porte et c'est sa mére qui vous trouve la. Qui pose sur le meuble une pille de serviettes parme. Tu ne comprends pas comment l'eau fait pour frissonner encore autour de vos corps quand vous étes tellement stupéfaites, immobilisées. Tu es cété robinet c'est a dire en face de la porte en face de la mére. L'eau est parfaitement transparente et la lumiére de 18h vous fais de trés belles nudités. Sa fille ne bouge pas sa mére ne part pas du tout. Elle ne fait pas du tout demi-tours pour crier quelque chose depuis le couloir. Elle s'avance et avance la machoire et avance les épaules et avance les mains. Tu as peur qu'elle ne s'en prenne a toi mais c'est sa fille qui est ciblée. Certainement parce que de toute maniére elle n'arrive pas a te regarder. Tu ne peux pas t'interposer attraper les bras de la mére pour I'immobiliser, la forcer a sortir ni l'insulter en retours ni la frapper en retours ; Parce que tu es nue dans I'eau, parce que c'est sa mére, sa mére qui vient de perdre son pére, et dans la baignoire duquel sa fille et toi étiez en train de baiser. Le bruit alerte l'oncle beauf et la tante beauf qui sont en bas et qui reviennent aussi de l'enterrement. Alors la fureur se glace la mére arréte les bruits arréte les mouvements. Elle sort de la salle de bain de la maison du jardin, elle part en voiture visiter une autre partie de la forét de pins. Vous étes rhabillées depuis 20 minutes allongées sur la pelouse l'une a cété de l'autre vous pensez que vous ne vous reverrez peut étre plus. L'oncle beauf descend vers vous, il a des cigarettes et du café qu'il propose. II s'assoie aussi dans le jardin au dessus de vos tétes. Il est doux avec vous, il vous dit que c'est la vie, et vous le croyez.

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