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20 juillet 2003
L’
Église catholique « est convaincue de pouvoir apporter une contribution
spécifique à la perspective de l’unification » européenne, comme le rappelle
Jean-Paul II dans l’Exhortation apostolique sur l’Église en Europe (Ecclesia
in Europa). L’idée d’une telle contribution n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit
dans une conscience claire du rôle qu’elle a joué au cours des siècles et qu’el-
le garde comme institution et comme communauté de croyants. Ses membres se sont
démenés pour faire avancer la reconstruction d’un continent épuisé et divisé par les
conflits et leurs conséquences, marquant le XXe siècle.
Certes, au cours des travaux de la Convention européenne, des acteurs du débat se
sont émus des propositions émanant des Églises. Ils ont agité le
chiffon rouge annonçant une grave menace. Or, comme les
Pas de autres confessions, l’Église catholique ne part pas à la recon-
quête de l’Europe, et « ne demande pas un retour à des formes
retour à d’État confessionnel ».
Dans « le plein respect de la laïcité des Institutions », le Pape
un État demande, avec les autres Églises chrétiennes, la reconnaissance
de trois aspects importants d’une réalité humaine, sociale et
religieuse. Il ne s’agit ni de prébendes, ni de privilèges indus.
confessionnel Dans chacun des pays, les Églises et communautés religieuses
doivent pouvoir s’organiser librement, conformément à « leurs
propres statuts et leurs propres convictions » sans avoir à subir
des contraintes et des restrictions. Par ailleurs, les Confessions religieuses cherchent à
structurer un dialogue régulier avec l’Union européenne, selon leur identité spécifique,
pour échanger et collaborer sur des projets précis. Enfin, il convient de respecter le sta-
tut juridique dont les Églises jouissent déjà dans les législations des États membres de
l’Union, sans vouloir niveler ou uniformiser les situations dans la vaine recherche d’un
plus petit dénominateur commun.
En considérant ainsi les Églises, le système constitutionnel et juridique en cours d’éla-
boration renforcera la liberté religieuse et la liberté de conscience. Hier comme aujour-
d’hui, les Églises et leurs membres sont présents et s’engagent dans la construction de
l’Europe. Leur rôle ne peut donc pas être minimisé.
P.S. Après la deuxième Assemblée spéciale du Synode sur l’Europe qui a eu lieu en 1999, Jean-Paul II vient de signer
l’Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Europa. Il conclut ainsi les cinq synodes continentaux qui ont
conduit à la publication d’un document pour chacun : Église en Afrique (DC 1995, n. 2123, p. 817-855), en Amérique (DC
1999, n. 2197, p. 106-141), en Asie (DC 1999, n. 2214, p. 978-1009), en Océanie (DC 2001, n. 2260, p. 1072-1105),
et maintenant en Europe.
ECCLESIA IN EUROPA
DE SA SAINTETÉ LE PAPE JEAN-PAUL II
Europe et de donner des orientations pour encore, nous avons vécu des moments de commu-
promouvoir une nouvelle annonce de l’Évangile, nion dans la foi et dans la charité, animés par le
comme je l’ai souligné dans la convocation que désir de réaliser un fraternel « échange de dons »,
j’ai rendue publique le 23 juin 1996, au terme de enrichis réciproquement par la diversité des expé-
l’Eucharistie célébrée au stade olympique de riences de chacun (10).
Berlin (5). Il en est ressorti la volonté d’accueillir l’appel
L’Assemblée synodale ne pouvait omettre de que l’Esprit adresse aux Églises en Europe pour
reprendre, de vérifier et de développer ce qui était les mobiliser face aux nouveaux défis (11). Le
ressorti lors du précédent Synode consacré à l’Eu- regard rempli d’amour, les participants de la
rope, qui s’était réuni en 1991, au lendemain de rencontre synodale n’ont pas craint d’observer la
la chute des murs, sur le thème « Pour que nous réalité actuelle du continent, notant ses lumières et
soyons témoins du Christ qui nous a libérés ». ses ombres. Il en ressort une claire conscience que
Dans cette première Assemblée spéciale étaient la situation est marquée par de graves incertitudes
apparues l’urgence et la nécessité de la « nouvelle dans les domaines culturel, anthropologique,
évangélisation », dans la certitude que « l’Europe éthique et spirituel. Une volonté croissante s’est
ne doit pas purement et simplement en appeler affirmée tout aussi clairement, celle de pénétrer
aujourd’hui à son héritage chrétien antérieur : il dans cette situation et de l’interpréter pour voir
lui faut trouver la capacité de décider à nouveau les tâches qui attendent l’Église ; il en est résulté
de son avenir dans la rencontre avec la personne « des orientations utiles afin de rendre toujours
et le message de Jésus Christ » (6). plus visible le visage du Christ par une annonce
Neuf ans après, la conviction que « l’Église a plus incisive, corroborée par un témoignage cohé-
le devoir pressant d’apporter à nouveau aux Euro- rent » (12).
péens l’annonce libératrice de l’Évangile » (7) s’est 4. Le fait de vivre l’expérience synodale avec
présentée encore une fois avec sa force stimulante. un discernement évangélique a fait mûrir progres-
Le thème choisi pour la nouvelle Assemblée syno- sivement la conscience de l’unité qui, sans nier les
dale proposait encore, sous l’angle de l’espérance, différences provenant des vicissitudes historiques,
le même défi. Il s’agissait donc de proclamer cette lie les diverses parties de l’Europe. C’est une unité
annonce d’espérance à une Europe qui semblait qui, s’enracinant dans une commune inspiration
l’avoir perdue (8). chrétienne, sait harmoniser les traditions cultu-
relles et qui requiert, sur le plan social comme sur
L’expérience du Synode le plan ecclésial, une progression constante dans
la connaissance réciproque ouverte à un plus
3. L’Assemblée synodale, qui a eu lieu du 1er grand partage des valeurs de chacun.
au 23 octobre 1999, s’est avérée une précieuse Peu à peu, au cours du Synode, est devenue
occasion de rencontre, d’écoute et de confrontation : évidente une forte propension à l’espérance. Tout en
on y a approfondi la connaissance réciproque faisant leurs les analyses de la complexité carac-
entre évêques des diverses parties de l’Europe et téristique du continent, les Pères synodaux ont
avec le Successeur de Pierre, et tous ensemble compris que la plus grande urgence peut-être qui
nous avons pu nous édifier mutuellement, grâce l’envahit, à l’Est comme à l’Ouest, est un besoin
surtout au témoignage de ceux qui, sous les accru d’espérance, capable de donner un sens à la
anciens régimes totalitaires, ont supporté pour la vie et à l’histoire, et d’aider à marcher ensemble.
foi de dures et longues persécutions (9). Une fois Toutes les réflexions du Synode ont cherché à
répondre à ce besoin à partir du mystère du Christ
(5) Cf. Angélus, 2 : Insegnamenti XIX/1 (1996), p. 1599-1600 ; la et du mystère trinitaire. Le Synode a voulu propo-
documentation catholique 93 (1996), p. 673. ser à nouveau la figure de Jésus vivant dans son
(6) Synode des Évêques – Première Assemblée spéciale pour l’Europe,
Déclaration finale (13 décembre 1991), 2: Enchiridion Vaticanum 13,
n. 619; la documentation catholique 89 (1992), p. 124.
(7) Ibid. 3: Ench. Vat., l.c., n. 621; la documentation catholique, l.c., p. 125. (10) Cf. Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale pour
(8) Cf. Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale pour l’Europe, Message final, 2: l’Osservatore Romano, 23 octobre 1999, p. 5;
l’Europe, Instrumentum laboris, 3: l’Osservatore Romano, 6 août 1999 – la documentation catholique 96 (1999), p. 955-956.
Suppl., p. 3; la documentation catholique 96 (1999), p. 751. (11) Cf. Jean-Paul II, Homélie durant la concélébration de conclusion de
(9) Cf. Jean-Paul II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la la Deuxième Assemblée spéciale pour l’Europe du Synode des Évêques
Deuxième Assemblée spéciale pour l’Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), 4 : AAS 92 (2000), p. 179 ; la documentation
(23 octobre 1999), 1 : AAS 92 (2000), p. 177 ; la documentation catholique 96 (1999), p. 960.
catholique 96 (1999), p. 959-960. (12) Ibid.
L’obscurcissement de l’espérance
7. Cette parole est aussi adressée aujourd’hui
aux Églises en Europe, souvent tentées par l’obs-
(13) cf. Proposition 1. curcissement de l’espérance. En effet, le temps que
nous vivons, avec les défis qui lui sont propres, L’image du lendemain qui est cultivée s’avère
apparaît comme une époque d’égarement. Beau- souvent pâle et incertaine. Face à l’avenir, on
coup d’hommes et de femmes semblent désorien- ressent plus de peur que de désir. On en trouve
tés, incertains, sans espérance, et de nombreux des signes préoccupants, entre autres, dans le vide
chrétiens partagent ces états d’âme. Nombreux intérieur qui tenaille de nombreuses personnes et
sont les signes préoccupants qui, au début du troi- dans la perte du sens de la vie. Parmi les expres-
sième millénaire, troublent l’horizon du continent sions et les conséquences de cette angoisse exis-
européen, lequel, « tout en étant riche d’immenses tentielle, il faut compter en particulier la
signes de foi et de témoignage, et dans le cadre dramatique diminution de la natalité, la baisse des
d’une vie commune certainement plus libre et plus vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, la
unie, ressent toute l’usure que l’histoire ancienne difficulté, sinon le refus, de faire des choix défi-
et récente a provoquée dans les fibres les plus nitifs de vie, même dans le mariage.
profondes de ses populations, entraînant souvent On assiste à une fragmentation diffuse de l’exis-
la déception » (14). tence ; ce qui prévaut, c’est une sensation de soli-
Parmi les nombreux aspects, amplement tude ; les divisions et les oppositions se
rappelés aussi à l’occasion du Synode (15), je multiplient. Parmi les autres symptômes de cet
voudrais mentionner la perte de la mémoire et de état de fait, la situation actuelle de l’Europe
l’héritage chrétiens, accompagnée d’une sorte connaît le grave phénomène des crises de la
d’agnosticisme pratique et d’indifférentisme reli- famille et de la disparition du concept même de
gieux, qui fait que beaucoup d’Européens donnent famille, la persistance ou la réactivation de conflits
l’impression de vivre sans terreau spirituel et ethniques, la résurgence de certaines attitudes
comme des héritiers qui ont dilapidé le patri- racistes, les tensions interreligieuses elles-mêmes,
moine qui leur a été légué par l’histoire. On n’est l’attitude égocentrique qui enferme les personnes
donc plus tellement étonné par les tentatives de et les groupes sur eux-mêmes, la croissance d’une
donner à l’Europe un visage qui exclut son héri- indifférence éthique générale et de la crispation
tage religieux, en particulier son âme profondé- excessive sur ses propres intérêts et privilèges.
ment chrétienne, fondant les droits des peuples Pour beaucoup de personnes, au lieu d’orienter
qui la composent sans les greffer sur le tronc irri- vers une plus grande unité du genre humain, la
gué par la sève vitale du christianisme. mondialisation en cours risque de suivre une
Certes, les prestigieux symboles de la présence logique qui marginalise les plus faibles et qui
chrétienne ne manquent pas dans le continent accroît le nombre des pauvres sur la terre.
européen, mais avec l’expansion lente et progres- Parallèlement à l’expansion de l’individua-
sive de la sécularisation, ils risquent de devenir lisme, on note un affaiblissement croissant de la
un pur vestige du passé. Beaucoup n’arrivent plus solidarité entre les personnes : alors que les insti-
à intégrer le message évangélique dans l’expé- tutions d’assistance accomplissent un travail
rience quotidienne ; il est de plus en plus difficile louable, on observe une disparition du sens de la
de vivre la foi en Jésus dans un contexte social et solidarité, de sorte que, même si elles ne
culturel où le projet chrétien de vie est conti- manquent pas du nécessaire matériel, beaucoup
nuellement mis au défi et menacé ; dans de de personnes se sentent plus seules, livrées à elles-
nombreux milieux de vie, il est plus facile de se mêmes, sans réseau de soutien affectif.
dire athée que croyant ; on a l’impression que la 9. À la racine de la perte de l’espérance se
non-croyance va de soi tandis que la croyance a trouve la tentative de faire prévaloir une anthropo-
besoin d’une légitimation sociale qui n’est ni logie sans Dieu et sans le Christ. Cette manière de
évidente ni escomptée. penser a conduit à considérer l’homme comme
8. Cette perte de la mémoire chrétienne s’ac- « le centre absolu de la réalité, lui faisant occuper
compagne d’une sorte de peur d’affronter l’avenir. faussement la place de Dieu. On oublie alors que
ce n’est pas l’homme qui fait Dieu, mais Dieu qui
(14) Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale pour fait l’homme. L’oubli de Dieu a conduit à l’aban-
l’Europe, Instrumentum laboris, 2: l’Osservatore Romano, 6 août 1999 –
Suppl. p. 2-3; la documentation catholique 96 (1999), p. 763. don de l’homme », et c’est pourquoi, « dans ce
(15) Cf. ibid., 12-13. 16-19 : l’Osservatore Romano, l.c., p. 4-6 ; la contexte, il n’est pas surprenant que se soient
documentation catholique, l.c., p. 768-769 ; Idem, Rapport avant la largement développés le nihilisme en philosophie,
discussion, I : l’Osservatore Romano, 3 octobre 1999, p. 6-7; la documen-
tation catholique 96 (1999), p. 935-938; Idem, Rapport après la discus- le relativisme en gnoséologie et en morale, et le
sion, II, A: l’Osservatore Romano, 11-12 octobre 1999, p. 10. pragmatisme, voire un hédonisme cynique, dans
la manière d’aborder la vie quotidienne » (16). La Mais tout cela se révèle profondément illusoire
culture européenne donne l’impression d’une et incapable de satisfaire la soif de bonheur que le
« apostasie silencieuse » de la part de l’homme cœur de l’homme continue à ressentir en lui-
comblé qui vit comme si Dieu n’existait pas. même. Ainsi subsistent et s’intensifient les signes
Dans une telle perspective prennent corps les préoccupants de la disparition de l’espérance, qui
tentatives, renouvelées tout récemment encore, de parfois se manifestent même à travers des formes
présenter la culture européenne en faisant abstrac- d’agressivité et de violence (20).
tion de l’apport du christianisme qui a marqué son
développement historique et sa diffusion univer- Signes d’espérance
selle. Nous sommes là devant l’apparition d’une
nouvelle culture, pour une large part influencée par 11. Aucun être humain ne peut vivre sans
les médias, dont les caractéristiques et le contenu perspectives d’avenir, et moins encore l’Église, qui
sont souvent contraires à l’Évangile et à la dignité vit dans l’attente du Royaume qui vient et qui est
de la personne humaine. De cette culture fait déjà présent dans ce monde. Il serait injuste de ne
partie aussi un agnosticisme religieux toujours pas voir les signes de l’influence de l’Évangile du
plus répandu, lié à un relativisme moral et juri- Christ dans la vie des sociétés. Les Pères synodaux
dique plus profond, qui prend racine dans la perte les ont recherchés et soulignés.
de la vérité de l’homme comme fondement des Il faut inscrire parmi ces signes le retour à la
droits inaliénables de chacun. Les signes de la liberté pour l’Église dans l’Est européen, avec les
disparition de l’espérance se manifestent parfois à nouvelles possibilités ainsi ouvertes pour l’action
travers des formes préoccupantes de ce que l’on pastorale ; le fait pour l’Église de se concentrer sur
peut appeler une « culture de mort » (17). sa mission spirituelle et sur son engagement à
vivre le primat de l’évangélisation, même dans ses
L’inéluctable nostalgie de l’espérance rapports avec la réalité sociale et politique ; la
prise de conscience accrue de la mission propre
10. Mais, comme l’ont souligné les Pères syno- de tous les baptisés, dans la diversité et la complé-
daux, « l’homme ne peut pas vivre sans espérance : mentarité des dons et des tâches ; la présence plus
sa vie serait vouée à l’insignifiance et deviendrait marquée de la femme dans les structures et dans
insupportable » (18). Bien souvent, celui qui a les milieux de la communauté chrétienne.
besoin d’espérance croit pouvoir trouver un apai-
sement dans des réalités éphémères et fragiles. Et Une communauté de peuples
ainsi, l’espérance, emprisonnée dans un milieu
purement humain fermé à la transcendance, est 12. En considérant l’Europe en tant que
identifiée, par exemple, au paradis promis par la communauté de citoyens, on ne manque pas de
science et par la technique, ou à des formes signes qui ouvrent à l’espérance ; malgré les contra-
diverses de messianisme, au bonheur de nature dictions de l’histoire, nous pouvons, avec un
hédoniste procuré par le consumérisme ou au regard de foi, voir en eux la présence de l’Esprit
bonheur imaginaire et artificiel produit par des de Dieu qui renouvelle la face de la terre. Les
stupéfiants, à certaines formes de millénarisme, à Pères synodaux les ont décrits ainsi à la fin de
l’attrait des philosophies orientales, à la recherche leurs travaux : « Nous constatons avec joie l’ou-
de formes de spiritualité ésotériques, aux divers verture croissante des peuples les uns aux autres,
courants du New Age (19). la réconciliation entre nations longtemps hostiles
et ennemies, l’élargissement progressif du proces-
sus d’unification aux pays de l’Est européen.
(16) Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale pour Reconnaissances, collaborations et échanges de
l’Europe, Rapport avant la discussion, I, 1. 2 : l’Osservatore Romano,
3 octobre 1999, p. 6 ; la documentation catholique 96 (1999), tous ordres sont en développement, de sorte que
p. 935-936. se crée peu à peu une culture européenne, on peut
(17) Cf. Proposition 5a. même dire une conscience européenne, dont nous
(18) Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale pour
l’Europe, Message final, 1: l’Osservatore Romano, 23 octobre 1999, p. 5; espérons qu’elle pourra faire croître, spécialement
la documentation catholique 96 (1999), p. 955. auprès des jeunes, le sentiment de la fraternité et
(19) Cf. Proposition 5a ; Conseil pontifical de la Culture et Conseil la volonté du partage. Nous enregistrons comme
pontifical pour le Dialogue interreligieux, Jésus le porteur d’eau vive.
Une réflexion chrétienne sur le « New Age », Cité du Vatican, 2003 ; la
documentation catholique 100 (2003), p. 272-310. (20) Cf. Proposition 5a.
positif le fait que tout ce processus se développe mourir pour lui, dans la conviction que Jésus est
selon des méthodes démocratiques, sur un mode le Seigneur et le Sauveur des hommes et qu’en lui
pacifique et dans un esprit de liberté qui respecte seulement l’homme peut donc trouver la véritable
et valorise les légitimes diversités, suscitant et plénitude de la vie. De cette façon, selon l’avertis-
soutenant le processus d’unification de l’Europe. sement de l’Apôtre Pierre, ils se montrent prêts à
Nous saluons avec satisfaction ce qui a été fait rendre compte de l’espérance qui est en eux (cf.
pour préciser les conditions et les modalités du 1 P 3, 15). En outre, les martyrs célèbrent l’“Évan-
respect des droits humains. Dans le contexte, enfin, gile de l’espérance”, car l’offrande de leur vie est
de la légitime et nécessaire unité économique et la manifestation la plus grande et la plus radicale
politique en Europe, tandis que nous enregistrons de ce sacrifice vivant, saint et accepté par Dieu,
les signes de l’espérance qu’offre la considération qui constitue le véritable culte spirituel (cf. Rm
accordée au droit et à la qualité de la vie, nous 12, 1), origine, âme et sommet de toute célébra-
souhaitons vivement que, dans une fidélité créa- tion chrétienne. Enfin, ils servent l’“Évangile de
trice à la tradition humaniste et chrétienne de l’espérance” parce que, par leur martyre, ils expri-
notre continent, soit garanti le primat des valeurs ment au plus haut degré l’amour et le service de
éthiques et spirituelles » (21). l’homme, en ce qu’ils démontrent que l’obéissance
à la loi évangélique engendre une vie morale et
Les martyrs et les témoins de la foi une convivialité qui honorent et promeuvent la
dignité et la liberté de chaque personne » (23).
13. Mais je voudrais attirer l’attention en parti-
culier sur certains signes qui se sont manifestés La sainteté de beaucoup
dans la vie proprement ecclésiale. Tout d’abord,
avec les Pères synodaux, je veux proposer de 14. La conversion opérée par l’Évangile a
nouveau à tous, afin qu’il ne soit jamais oublié, le donné comme fruit la sainteté de beaucoup
grand signe d’espérance constitué par les d’hommes et de femmes de notre temps. Non
nombreux témoins de la foi chrétienne qui ont vécu seulement de ceux qui ont été proclamés officiel-
au siècle dernier, à l’Est comme à l’Ouest. Ils ont lement comme tels par l’Église, mais aussi de ceux
su faire leur l’Évangile dans des situations d’hos- qui, avec simplicité et dans la vie quotidienne, ont
tilité et de persécution, souvent jusqu’à l’épreuve donné le témoignage de leur fidélité au Christ.
finale de l’effusion du sang. Comment ne pas penser aux innombrables fils et
Ces témoins, en particulier ceux qui ont filles de l’Église qui, tout au long de l’histoire du
affronté l’épreuve du martyre, sont un signe continent européen, ont vécu une généreuse et
éloquent et grandiose, qu’il nous est demandé de authentique sainteté dans le secret de la vie fami-
contempler et d’imiter. Ils attestent à nos yeux la liale, professionnelle et sociale ? « Tous ensemble,
vitalité de l’Église ; ils nous apparaissent comme tels des “pierres vivantes” adhérant au Christ, la
une lumière pour l’Église et pour l’humanité, car “pierre angulaire”, ils ont construit l’Europe
ils ont fait resplendir dans les ténèbres la lumière comme édifice spirituel et moral, en laissant à la
du Christ ; appartenant à diverses confessions postérité l’héritage le plus précieux. Le Seigneur
chrétiennes, ils resplendissent de ce fait comme Jésus l’avait promis : “Celui qui croit en moi
un signe d’espérance pour le cheminement accomplira les mêmes œuvres que moi. Il en
œcuménique, dans la certitude que leur sang « est accomplira même de plus grandes, puisque je pars
aussi une sève d’unité pour l’Église » (22). vers le Père” (Jn 14, 12). Les saints sont la preuve
Plus radicalement encore, ils nous disent que vivante de l’accomplissement de cette promesse et
le martyre est l’incarnation suprême de l’Évangile ils encouragent à croire que cela est possible,
de l’espérance : « En effet, les martyrs annoncent même dans les heures les plus difficiles de l’his-
cet Évangile et en témoignent par leur vie jusqu’à toire » (24).
l’effusion du sang, car ils sont certains de ne pas
pouvoir vivre sans le Christ et ils sont prêts à
(23) Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale pour
l’Europe, Instrumentum laboris, 88: l’Osservatore Romano, 6 août 1999 –
(21) Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale pour Suppl., p. 17; la documentation catholique 96 (1999), p. 801.
l’Europe, Message final, 6: l’Osservatore Romano, 23 octobre 1999, p. 5; (24) Jean-Paul II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la
la documentation catholique 96 (1999), p. 958. Deuxième Assemblée spéciale pour l’Europe du Synode des Évêques
(22) Jean-Paul II, Angélus (25 août 1996), 2: Insegnamenti XX/2, p. 237; (23 octobre 1999), 4 : AAS 92 (2000), p. 179 ; la documentation
cf. Proposition 9. catholique 96 (1999), p. 960.
source de l’espérance qui ne déçoit pas (30). Ce l’a fait jusqu’à présent, une importante contribu-
don est à l’origine de l’unité spirituelle et culturelle tion à la mise en place de structures qui, en s’ins-
des peuples européens et, aujourd’hui encore pirant des grandes valeurs évangéliques ou en se
comme à l’avenir, il peut constituer une contribu- mesurant à leur aune, promeuvent la vie, l’histoire
tion essentielle à leur développement et à leur inté- et la culture des différents peuples du continent.
gration. Oui, en ce début du troisième millénaire, Nombreuses sont les racines qui, par leur sève,
après vingt siècles, l’Église se présente toujours ont conduit à reconnaître la valeur de la personne
avec la même annonce, qui constitue son unique et de sa dignité inaliénable, le caractère sacré de la
trésor : Jésus Christ est le Seigneur ; en Lui et en vie humaine et le rôle central de la famille, l’im-
nul autre est le salut (cf. Ac 4, 12). La source de portance de l’enseignement et de la liberté de
l’espérance, pour l’Europe et pour le monde entier, pensée, d’expression et de religion, tout comme
c’est le Christ, et l’Église est « le chemin par lequel elles ont conduit à la protection juridique des indi-
passe et se répand la vague de grâce surgie du vidus et des groupes, à la promotion de la solida-
Cœur transpercé du Rédempteur » (31). rité et du bien commun, à la reconnaissance de la
À partir de cette confession de foi jaillit de nos dignité du travail. Ces racines ont favorisé la sujé-
cœurs et de nos lèvres « une joyeuse [...] confes- tion du pouvoir politique à la loi et au respect du
sion d’espérance : Toi, Seigneur ressuscité et vivant, droit des personnes et des peuples. Il convient de
[...] tu es l’unique et vraie espérance de l’homme rappeler ici l’esprit de la Grèce antique et de Rome,
et de l’histoire ; tu es “parmi nous l’espérance de l’apport des peuples celtes, germaniques, slaves,
la gloire” (Col 1, 27), déjà en cette vie et aussi par- finno-ougriens, ainsi que de la culture juive et du
delà la mort. En toi et avec toi, nous pouvons monde de l’islam. Mais il faut reconnaître que,
accéder à la vérité, notre existence a un sens, la historiquement parlant, ces inspirations ont trouvé
communion est possible, la diversité peut devenir dans la tradition judéo-chrétienne une force
richesse, la puissance du Règne est à l’œuvre dans capable de les harmoniser, de les consolider et de
l’histoire et aide à l’édification de la cité des les promouvoir. C’est un fait que l’on ne peut igno-
hommes, la charité donne une valeur durable aux rer ; au contraire, dans le processus de construc-
efforts de l’humanité, la souffrance peut devenir tion de la « maison commune européenne », il
salvifique, la vie vaincra la mort, la création parti- faut reconnaître que cet édifice doit s’appuyer
cipera à la gloire des fils de Dieu » (32). aussi sur les valeurs qui ont trouvé dans la tradi-
tion chrétienne leur pleine manifestation. En
Jésus Christ, notre espérance prendre acte tourne à l’avantage de tous.
L’Église « n’a pas qualité pour exprimer une
19. Jésus Christ est notre espérance parce que préférence en faveur de l’une ou l’autre solution
Lui, le Verbe éternel qui est éternellement dans le institutionnelle ou constitutionnelle » de l’Europe,
sein du Père (cf. Jn 1, 18), nous a aimés au point et elle veut donc respecter de manière cohérente
d’assumer notre nature humaine, excepté le la légitime autonomie de l’ordre civil (34). Mais
péché, partageant notre vie pour nous sauver. La elle a le devoir de raviver dans le cœur des chré-
confession de cette vérité est au cœur même de tiens d’Europe la foi en la Trinité, en sachant bien
notre foi. La perte de la vérité sur Jésus Christ ou qu’une telle foi est un signe avant-coureur d’une
son incompréhension empêchent de pénétrer authentique espérance pour le continent. Bien
dans le mystère même de l’amour de Dieu et de la des grands paradigmes de référence mentionnés
communion trinitaire (33). ci-dessus, qui sont à la base de la civilisation
Jésus Christ est notre espérance parce qu’Il européenne, ont leurs racines les plus profondes
révèle le mystère de la Trinité. Tel est le centre de la dans la foi trinitaire. Cette dernière porte en elle
foi chrétienne qui peut encore offrir, comme elle une extraordinaire puissance spirituelle, cultu-
relle et éthique, capable, entre autres, d’éclairer
(30) Cf. Proposition 4, 1. aussi certaines grandes questions qui se posent
(31) Jean-Paul II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la aujourd’hui en Europe, telles que la désagréga-
Deuxième Assemblée spéciale pour l’Europe du Synode des Évêques
(23 octobre 1999), 2: AAS 92 (2000), p. 178; la documentation catholique tion sociale et la perte d’une référence qui donne
96 (1999), p. 960. un sens à la vie et à l’histoire. Il apparaît donc
(32) Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale pour
l’Europe, Message final, 2: l’Osservatore Romano, 23 octobre 1999, p. 5;
la documentation catholique 96 (1999), p. 955-956. (34) Jean-Paul II, Encycl. Centesimus annus (1er mai 1991), 47: AAS 83
(33) Cf. Proposition 4, 2. (1991), p. 852; la documentation catholique 88 (1991), p. 542.
nécessaire de renouveler la réflexion théologique, 21. Pour les croyants, Jésus Christ est l’espé-
spirituelle et pastorale du mystère trinitaire (35). rance de toute personne parce qu’il donne la vie
20. Les Églises particulières en Europe ne sont éternelle. Il est « le Verbe de vie » (1 Jn 1, 1), venu
pas de simples entités ou organisations privées. En dans le monde pour que les hommes « aient la vie
réalité, elles déploient leur action dans une dimen- et l’aient en surabondance » (Jn 10, 10). Il nous
sion institutionnelle spécifique qui mérite d’être montre ainsi que le sens véritable de l’existence
mise en valeur sur le plan juridique, dans le plein de l’homme ne reste pas enfermé sur l’horizon
respect du bon ordonnancement civil. Réfléchis- humain, mais qu’il s’ouvre sur l’éternité. Chaque
sant sur elles-mêmes, les communautés chrétiennes Église particulière en Europe a la mission de
doivent se découvrir à nouveau comme un don par prendre en compte la soif de vérité de toute
lequel Dieu enrichit les peuples qui vivent sur le personne et le besoin de valeurs authentiques
continent. Telle est l’annonce joyeuse qu’elles sont susceptibles d’animer les peuples du continent.
appelées à transmettre à toute personne. En appro- Avec une énergie renouvelée, il lui revient de
fondissant la dimension missionnaire qui leur est présenter la nouveauté qui la fait vivre. Il s’agit de
propre, elles doivent attester constamment que mettre en œuvre une action culturelle et mission-
Jésus Christ « est l’unique médiateur, porteur de salut naire organique qui, par des activités et des argu-
pour l’humanité tout entière : en lui seulement l’hu- mentations convaincantes, montre que la nouvelle
manité, l’histoire et le cosmos trouvent leur signi- Europe a besoin de retrouver ses racines
fication définitivement positive et se réalisent en profondes. Dans ce contexte, ceux qui s’inspirent
totalité; il recèle en lui-même, dans son événement des valeurs évangéliques ont une fonction essen-
et dans sa personne, les raisons ultimes du salut ; il tielle à exercer, qui fait partie du fondement solide
n’est pas seulement un médiateur de salut, il est sur lequel doit être édifiée une convivialité plus
aussi la source même de ce salut » (36). humaine et plus pacifique, parce qu’elle respecte
Dans le contexte actuel du pluralisme éthique tous et chacun.
et religieux qui caractérise de plus en plus l’Europe, Il est nécessaire que les Églises particulières en
il est donc nécessaire de confesser et de proposer à Europe sachent redonner à l’espérance sa dimen-
nouveau la vérité sur le Christ, unique Médiateur sion eschatologique originale (38). La véritable
entre Dieu et les hommes, et unique Rédempteur espérance chrétienne est en effet théologale et
du monde. C’est pourquoi – comme je l’ai fait à la eschatologique, fondée sur le Ressuscité qui vien-
fin de l’Assemblée synodale – avec toute l’Église dra de nouveau comme Rédempteur et Juge, et
j’invite mes frères et sœurs dans la foi à savoir qui nous appelle à la résurrection et au bonheur
constamment s’ouvrir en toute confiance au Christ éternel.
et à se laisser renouveler par lui, annonçant à toute
personne de bonne volonté, avec la force de la paix Jésus Christ vivant dans l’Église
et de l’amour, que celui qui rencontre le Seigneur
connaît la Vérité, découvre la Vie, trouve la Voie 22. En retournant au Christ, les peuples euro-
qui y conduit (cf. Jn 14, 6 ; Ps 16 [15], 11). Par le péens pourront retrouver l’espérance qui seule
style de vie des chrétiens et par leur témoignage en offre une plénitude de sens à la vie. Aujourd’hui
parole, les habitants de l’Europe pourront décou- encore, ils peuvent le rencontrer car Jésus est
vrir que le Christ est l’avenir de l’homme. Dans la présent, il vit et il agit au cœur de son Église : il est
foi de l’Église, « il n’y a pas sous le ciel d’autre nom dans l’Église et l’Église est en lui (cf. Jn 15, 1ss ;
donné aux hommes, par lequel nous devions être Ga 3, 28 ; Ep 4, 15-16 ; Ac 9, 5). En elle, par le
sauvés » (Ac 4, 12) (37). don de l’Esprit Saint, il poursuit constamment son
œuvre de salut (39).
Avec les yeux de la foi, nous devenons capables
(35) Cf. Proposition 4, 1. de voir la présence mystérieuse de Jésus dans les
(36) Cf. Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale pour
l’Europe, Instrumentum laboris, 30 : l’Osservatore Romano, 6 août 1999
– Suppl., p. 8 ; la documentation catholique 96 (1999), p. 777.
(37) Cf. Homélie durant la concélébration de conclusion de la Deuxième (38) Cf. Proposition 5.
Assemblée spéciale pour l’Europe du Synode des Évêques (23 octobre (39) Cf. Jean-Paul II, Encycl. Dominum et vivificantem (18 mai 1986), 7:
1999), 3 : AAS 92 (2000), p. 178 ; la documentation catholique 96 AAS 78 (1986), p. 816; la documentation catholique 83 (1986), p. 585;
(1999), p. 960 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Dominus Iesus
Dominus Iesus (6 août 2000), 13 : AAS 92 (2000), p. 754 ; (6 août 2000), 16 : AAS 92 (2000), p. 756-757 ; la documentation
la documentation catholique 97 (2000), p. 817. catholique 97 (2000), p. 818.
liturgique et de la vie intérieure. Avant tout et d’une plus authentique communion entre eux et
surtout, elles devront louer le Seigneur, le prier, avec toutes les autres réalités ecclésiales, et qu’ils
l’adorer et écouter sa Parole. Ce n’est qu’ainsi « vivent avec amour dans la pleine obéissance
qu’elles pourront assimiler son mystère, vivant aux évêques » ; d’autre part, il est nécessaire aussi
totalement pour Lui, comme membres de son que les évêques, « en leur manifestant l’amour
Épouse fidèle. paternel qui est le propre des pasteurs » (51),
28. Face aux influences permanentes qui pous- sachent reconnaître, mettre en valeur et coor-
sent à la division et à l’opposition, les diverses donner leurs charismes et leur présence, pour
Églises particulières en Europe, fortes de leur lien l’édification de l’unique Église.
avec le Successeur de Pierre, doivent s’engager à En effet, par une collaboration croissante entre
être véritablement lieu et instrument de communion les différentes réalités ecclésiales sous la conduite
pour tout le peuple de Dieu, dans la foi et dans aimante des pasteurs, l’Église entière pourra
l’amour (50). C’est pourquoi elles cultiveront un présenter à tous un visage plus beau et plus
climat de charité fraternelle, vécue avec une radi- crédible, reflet plus limpide de celui du Seigneur,
calité évangélique, au nom de Jésus et de son et elle pourra ainsi contribuer à redonner espé-
amour ; elles développeront une ambiance de rance et consolation à ceux qui la cherchent
rapports amicaux, de communication, de cores- comme à ceux qui, bien qu’ils ne la cherchent pas,
ponsabilité, de participation, de conscience en ont besoin.
missionnaire, d’attention et de service ; elles seront Afin de pouvoir répondre à l’appel de l’Évan-
animées par des attitudes d’estime, d’accueil et de gile à la conversion, « il nous faut faire tous
correction mutuelle (cf. Rm 12, 10 ; 15, 7-14), ensemble un humble et courageux examen de
ainsi que de service et de soutien réciproque (cf. conscience pour reconnaître nos peurs et nos
Ga 5, 13 ; 6, 2), de pardon mutuel (cf. Col 3, 13) erreurs, pour confesser avec sincérité nos lenteurs,
et d’édification les uns des autres (1 Th 5, 11) ; nos omissions, nos infidélités et nos fautes » (52).
elles s’emploieront à poursuivre une pastorale qui, Loin de favoriser des attitudes défaitistes de
mettant en valeur toutes les légitimes diversités, découragement, la reconnaissance évangélique de
favorise en même temps une collaboration cordiale ses propres fautes ne pourra que susciter dans la
entre tous les fidèles et leurs différentes associa- communauté l’expérience que vit le baptisé : la
tions ; elles relanceront pour cela les organismes joie d’une profonde libération et la grâce d’un
de participation, qui sont de précieux instruments nouveau départ, ce qui permet de poursuivre avec
de communion en vue d’une action missionnaire une vigueur renouvelée le chemin de l’évangéli-
concertée, suscitant la présence d’agents pastoraux sation.
préparés de manière appropriée et dûment quali-
fiés. Ainsi, ces Églises, animées par la communion Pour progresser
qui est manifestation de l’amour de Dieu, fonde- vers l’unité des chrétiens
ment et raison de l’espérance qui ne déçoit pas (cf.
Rm 5, 5), seront à la fois un reflet plus resplendis- 30. Enfin, c’est aussi dans le domaine œcumé-
sant de la Trinité et un signe qui interpelle et invite nique que l’Évangile de l’espérance est une force et
à croire (cf. Jn 17, 21). un appel à la conversion. Dans la certitude que
29. Pour que la communion dans l’Église l’unité des chrétiens répond à la volonté du
puisse être vécue plus pleinement, il convient de Seigneur « pour qu’ils soient un » (cf. Jn 17, 11)
mettre en valeur la variété des charismes et des et qu’elle se présente aujourd’hui comme une
vocations, qui convergent toujours plus vers nécessité pour une plus grande crédibilité de
l’unité et qui peuvent l’enrichir (cf. 1 Co 12). l’évangélisation et comme une contribution à
Dans cette perspective, il est également néces- l’unité de l’Europe, il faut que toutes les Églises et
saire, d’une part, que les nouveaux mouvements Communautés ecclésiales « soient aidées et encou-
et les nouvelles communautés d’Église, « renon- ragées à interpréter le cheminement œcuménique
çant à toute tentation de revendiquer des droits comme un mouvement où l’on “va ensemble” vers
d’aînesse et à toute incompréhension des uns à
l’égard des autres », progressent sur le chemin
(51) Cf. Proposition 21.
(52) Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale pour
l’Europe, Message final, 4: l’Osservatore Romano, 23 octobre 1999, p. 5;
(50) Cf. Proposition 15, 1. la documentation catholique 96 (1999), p. 957.
le Christ » (53) et vers l’unité visible voulue par l’annonce de l’Évangile et par la diversité de leurs
lui, de telle sorte que l’unité dans la diversité rites, peuvent apporter à une édification plus
resplendisse dans l’Église comme don de l’Esprit réelle de l’unité (56). En même temps, je veux
Saint, artisan de communion. une fois encore assurer les pasteurs, ainsi que nos
Pour que cela se réalise, il convient que tous frères et sœurs des Églises orthodoxes, que la
fournissent un effort patient et constant, animé nouvelle évangélisation ne peut en aucune
d’une authentique espérance et en même temps manière être confondue avec le prosélytisme,
d’un sobre réalisme, et visant à « la mise en valeur restant sauf le devoir de respecter la vérité, la
de ce qui déjà nous unit, à l’estime sincère et réci- liberté et la dignité de toute personne.
proque, à l’élimination des préjugés, à la connais-
sance et à l’amour mutuels » (54). Dans ce sens,
le fait de s’engager pour l’unité, si l’on veut que
cet engagement repose sur des bases solides, ne
peut pas ne pas comporter la recherche passion- II. L’ÉGLISE ENTIÈRE ENVOYÉE
née de la vérité, par un dialogue et une confron- EN MISSION
tation qui, tout en reconnaissant les résultats déjà
obtenus, sachent les utiliser comme une incitation 33. Servir l’Évangile de l’espérance par une
à aller de l’avant pour surmonter les divergences charité qui évangélise est un devoir et une respon-
qui divisent encore les chrétiens. sabilité pour tous. Quel que soit en effet le
31. Il est indispensable de poursuivre le charisme ou le ministère de chacun, la charité est
dialogue avec détermination, sans capituler devant la voie royale indiquée à tous et que tous peuvent
les difficultés et les épreuves. Ce dialogue doit être parcourir : c’est la voie que la communauté ecclé-
mené « sous divers aspects (doctrinal, spirituel et siale tout entière est appelée à suivre sur les pas
pratique), en suivant la logique de l’échange des de son Maître.
dons, que l’Esprit suscite dans chaque Église, et
en éduquant les communautés et les fidèles, L’engagement des ministres ordonnés
surtout les jeunes, à vivre des moments de
rencontres et à faire de l’œcuménisme bien
compris une dimension ordinaire de la vie et de 34. Les prêtres, en vertu de leur ministère, sont
l’action ecclésiales » (55). appelés de manière spéciale à célébrer, à enseigner
Ce dialogue est une des préoccupations et à servir l’Évangile de l’espérance. En raison du
majeures de l’Église, surtout en Europe, elle qui, sacrement de l’Ordre qui les configure au Christ,
au cours du précédent millénaire, a vu naître trop Chef et Pasteur, les évêques et les prêtres doivent
de divisions entre les chrétiens et qui progresse conformer toute leur vie et toute leur action à
aujourd’hui vers une plus grande unité. Nous ne Jésus ; par la prédication de la Parole, par la célé-
pouvons pas nous arrêter en chemin ni retourner bration des sacrements et en guidant la marche de
en arrière ! Nous devons poursuivre notre marche la communauté chrétienne, ils rendent présent le
et vivre dans la confiance, car, avec la grâce de mystère du Christ et, à travers l’exercice même de
Dieu, l’estime réciproque, la recherche de la vérité, leur ministère, ils « sont appelés à prolonger la
la collaboration dans la charité et surtout l’œcu- présence du Christ, unique et souverain Pasteur,
ménisme de la sainteté ne pourront pas ne pas en retrouvant son style de vie et en se rendant en
porter leurs fruits. quelque sorte transparents à lui au milieu du trou-
32. Malgré les inévitables difficultés, j’invite peau qui leur est confié » (57).
tout le monde à reconnaître et à apprécier, avec Insérés dans le monde sans être du monde (cf.
amour et dans un esprit fraternel, la contribution Jn 17, 15-16), ils sont appelés, dans la situation
que les Églises catholiques orientales, par leur culturelle et spirituelle présente du continent
présence même, par la richesse de leur tradition, européen, à être signes de contradiction et d’es-
par le témoignage de leur « unité dans la diver- pérance pour une société qui est malade de vivre
sité », par l’inculturation qu’elles ont réalisée dans
(56) Cf. Proposition 22.
(53) Proposition 9. (57) Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Pastores dabo vobis
(54) Ibid. (25 mars 1992), 15: AAS 84 (1992), p. 679-680; la documentation
(55) Ibid. catholique 89 (1992), p. 459.
à un niveau horizontal et qui a besoin de s’ouvrir les propos des Pères du Synode : « Ne perdez pas
au Transcendant. cœur et ne vous laissez pas accabler par la fatigue ;
35. De ce point de vue, le célibat sacerdotal en pleine communion avec nous, évêques, en
prend un relief particulier comme signe d’une fraternité joyeuse avec les autres prêtres, en
espérance fondée totalement sur le Seigneur. Le cordiale responsabilité avec les consacrés et tous
célibat n’est pas une simple discipline ecclésias- les fidèles laïcs, continuez votre œuvre précieuse
tique imposée par l’autorité ; au contraire, il est et irremplaçable » (64) !
avant tout une grâce, un don inestimable de Dieu Outre les prêtres, je désire évoquer aussi les
pour l’Église, valeur prophétique pour le monde diacres, qui participent au sacrement de l’Ordre,
actuel, don de soi dans le Christ pour son Église, bien qu’à un degré différent. Envoyés pour servir
source de vie spirituelle intense et de fécondité la communion ecclésiale, ils exercent, sous la
pastorale, témoignage du Royaume eschatolo- direction de l’Évêque et avec son presbyterium, la
gique, signe de l’amour de Dieu envers ce monde « diaconie » de la liturgie, de la parole et de la
en même temps que signe de l’amour sans partage charité (65). De cette manière qui leur est propre,
du prêtre envers Dieu et envers son peuple (58). ils sont au service de l’Évangile de l’espérance.
Vécu comme réponse au don de Dieu et dépasse-
ment des tentations d’une société hédoniste, non Le témoignage
seulement le célibat favorise l’épanouissement des personnes consacrées
humain de celui qui y est appelé, mais il se révèle
un facteur de croissance pour les autres aussi. 37. Le témoignage des personnes consacrées est
Estimé dans toute l’Église comme un bien particulièrement éloquent. À ce propos, il faut
pour le sacerdoce (59), exigé comme une obliga- avant tout reconnaître le rôle fondamental qu’ont
tion par l’Église latine (60), tenu en grand respect eu le monachisme et la vie consacrée dans l’évan-
par les Églises orientales (61), le célibat, dans le gélisation de l’Europe et dans l’édification de son
contexte de la culture actuelle, apparaît comme identité chrétienne (66). Un tel rôle ne doit pas
un signe éloquent qui doit être conservé comme disparaître de nos jours, au moment où une
un bien précieux pour l’Église. Une révision de la « nouvelle évangélisation » du continent se fait
discipline actuelle en ce domaine ne permettrait urgente et où l’établissement de structures et de
pas de résoudre la crise des vocations au presby- liens plus complexes le met en face d’un tournant
térat à laquelle on assiste en de nombreuses délicat. L’Europe a toujours besoin de la sainteté,
régions d’Europe (62). Le service de l’Évangile de de l’esprit prophétique, de l’activité d’évangélisa-
l’espérance requiert aussi que, dans l’Église, on tion et de service des personnes consacrées. Il
s’efforce de présenter le célibat dans toute sa convient aussi de souligner la contribution spéci-
richesse biblique, théologique et spirituelle. fique que les Instituts séculiers et les Sociétés de
36. Nous ne pouvons ignorer que l’exercice du Vie apostolique peuvent apporter grâce à leur
ministère sacré est confronté de nos jours à bien aspiration à transformer le monde, de l’intérieur,
des difficultés liées tant à l’ambiance culturelle par la puissance des béatitudes.
qu’à la diminution du nombre de prêtres, avec 38. L’apport spécifique que les personnes
l’accroissement des charges pastorales et la consacrées peuvent fournir à l’Évangile de l’espé-
fatigue qui en découlent. En conséquence, les rance trouve son point de départ dans quelques
prêtres qui se consacrent avec un dévouement et aspects qui caractérisent de nos jours le visage cultu-
une fidélité admirables au ministère qui leur est rel et social de l’Europe (67). Ainsi, la demande de
confié sont encore plus dignes d’estime, de grati- nouvelles formes de spiritualité, qui se fait sentir
tude et d’affection (63). aujourd’hui dans la société, doit trouver une
Avec confiance et gratitude, je veux moi aussi réponse dans la reconnaissance du primat absolu de
leur exprimer mes encouragements, en reprenant Dieu, vécu par les personnes consacrées dans le
(58) Cf. ibid., 29: AAS, l.c., p. 703-705; la documentation catholique, l.c.,
p. 467-468; Proposition 18. (64) Cf. Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale pour
(59) Cf. Code des Canons des Églises orientales, can. 373. l’Europe, Message final, 4: l’Osservatore Romano, 23 octobre 1999, p. 5;
(60) Cf. Code de Droit canonique, can. 277, 1. la documentation catholique 96 (1999), p. 957.
(61) Cf. Paul VI, Encycl. Sacerdotalis cælibatus (24 juin 1967), 40: AAS (65) Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l’Église Lumen
59 (1967), p. 673; la documentation catholique 64 (1967), col. 1262. gentium, 29.
(62) Cf. Proposition 18. (66) Cf. Proposition 19.
(63) Cf. ibid. (67) Cf. ibid.
L’Europe d’hier et d’aujourd’hui connaît une aussi bien par la maternité physique ou spirituelle,
présence significative et l’exemple lumineux de telles les activités éducatives, la catéchèse, l’accomplis-
figures de laïcs. Comme l’ont souligné les Pères sement de grandes œuvres de charité, que par la
du Synode, il faut évoquer entre autres, avec grati- vie de prière et de contemplation, les expériences
tude, le souvenir d’hommes et de femmes qui ont mystiques et la rédaction d’écrits remplis de
témoigné et qui témoignent du Christ et de son sagesse évangélique (75).
Évangile, par leur service de la vie publique et les À la lumière des très riches témoignages du
responsabilités que celle-ci comporte. Il est d’une passé, l’Église manifeste sa confiance dans ce que
importance capitale « de susciter et de soutenir les femmes peuvent faire aujourd’hui pour la
des vocations spécifiques au service du bien croissance de l’espérance à tous les niveaux. Il y a
commun : des personnes qui, à l’exemple et avec des aspects de la société européenne contempo-
le style de ceux qui ont été appelés “les pères de raine qui constituent un défi pour la capacité
l’Europe”, sachent être les artisans de la société qu’ont les femmes d’accueillir, de partager et d’en-
européenne de l’avenir, en l’asseyant sur les bases gendrer dans l’amour, avec ténacité et générosité.
solides de l’esprit » (73). Que l’on pense, par exemple, à la mentalité scien-
Il faut apprécier tout autant l’œuvre accomplie tifique et technique largement répandue, qui
par des laïcs chrétiens, hommes et femmes, relègue dans l’ombre la dimension affective et le
souvent dans une vie ordinaire et cachée, à travers rôle des sentiments, à l’absence du sens de la
d’humbles services qui leur permettent d’annon- gratuité, à la crainte diffuse de donner la vie à des
cer la miséricorde de Dieu à ceux qui sont plon- êtres nouveaux, à la difficulté de se placer dans
gés dans la pauvreté ; nous devons leur être une relation de réciprocité avec l’autre et d’ac-
reconnaissants pour l’audacieux témoignage de cueillir celui qui est différent de soi. C’est dans ce
charité et de pardon qu’ils donnent, évangélisant contexte que l’Église attend des femmes l’apport
par ces valeurs les vastes horizons de la politique, vivifiant d’une nouvelle vague d’espérance.
de la vie sociale, de l’économie, de la culture, de 43. Mais pour que cela puisse se vérifier, il est
l’écologie, de la vie internationale, de la famille, nécessaire que, avant tout dans l’Église, soit
de l’éducation, de la vie professionnelle, du travail promue la dignité de la femme, car l’homme et la
et de la souffrance (74). À cette fin, il est utile femme ont la même dignité, ayant été créés tous
d’avoir des itinéraires pédagogiques qui rendent les deux à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf.
fidèles laïcs capables d’un engagement de foi au Gn 1, 27), et comblés chacun de dons propres et
sein des réalités temporelles. De tels parcours, particuliers.
fondés sur un sérieux apprentissage de la vie Comme cela a été souligné durant le Synode,
ecclésiale, en particulier sur l’étude de la doctrine il est souhaitable que, pour favoriser la pleine
sociale, doivent être en mesure de leur apporter participation des femmes à la vie et à la mission
non seulement la doctrine et le dynamisme, mais de l’Église, leurs talents soient davantage mis en
aussi les éléments spirituels adaptés qui soutien- valeur, y compris par l’attribution de fonctions
nent leur engagement vécu comme un authen- ecclésiales qui reviennent de droit aux laïcs. Il faut
tique chemin de sainteté. aussi mettre convenablement en valeur la mission
de la femme comme épouse et mère, et son
Le rôle de la femme dévouement dans la vie familiale (76).
L’Église ne manque pas d’élever la voix pour
42. L’Église est bien consciente de l’apport dénoncer les injustices et les violences perpétrées
spécifique de la femme dans le service de l’Évan- contre les femmes, en quelque lieu ou circons-
gile de l’espérance. L’histoire de la communauté tance qu’elles se produisent. Elle demande que
chrétienne montre que les femmes ont toujours soient véritablement appliquées les lois qui protè-
eu une place importante dans le témoignage évan- gent les femmes et que soient prises des mesures
gélique. Il faut se souvenir de tout ce qu’elles ont efficaces contre l’usage humiliant d’images fémi-
fait, souvent dans le silence et de manière cachée, nines dans la publicité commerciale et contre le
dans l’accueil et la transmission du don de Dieu, fléau de la prostitution ; elle souhaite que le
(73) Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale pour
l’Europe, Instrumentum laboris, 82: l’Osservatore Romano, 6 août 1999,
p. 16; la documentation catholique 96 (1999), p. 799. (75) Cf. Proposition 30.
(74) Cf. Proposition 29. (76) Cf. ibid.
service rendu par les mères dans le cadre de la vie et à le manger : « Va prendre le petit livre ouvert
familiale, au même titre que le service rendu par dans la main de l’ange qui se tient debout sur la
les pères, soit considéré comme une contribution mer et sur la terre […]. Prends et mange-le » (Ap
au bien commun, y compris à travers des formes 10, 8-9). Ce n’est qu’après l’avoir assimilé en
de reconnaissance économique. profondeur, qu’il pourra le communiquer comme
il convient aux autres, à qui il est envoyé avec
l’ordre de « parler sur un grand nombre de
peuples, de nations, de langues et de rois » (Ap
10, 11).
devenir le « levain » qui transforme et qui anime missionnaires qui témoignent de la charité de
de l’intérieur toute expression culturelle (83). Dieu devant tous les hommes » (88). L’annonce
de l’Évangile de l’espérance implique donc d’avoir
Par le témoignage de la vie à promouvoir le passage d’une foi qui s’appuie sur
des habitudes sociales, pourtant appréciables, à
49. L’Europe réclame des évangélisateurs une foi plus personnelle et adulte, éclairée et
crédibles, dans la vie desquels resplendisse la beauté convaincue.
de l’Évangile (84), en communion avec la croix et Les chrétiens sont donc appelés à avoir une foi
la résurrection du Christ. Ces évangélisateurs qui leur permette de se confronter de manière
seront formés comme il convient (85). Aujourd’hui, critique à la culture actuelle, résistant à ses séduc-
il est plus que jamais nécessaire que tout chrétien tions ; d’influer avec efficacité sur les milieux
ait une conscience missionnaire, à commencer par culturels, économiques, sociaux et politiques ; de
les évêques, les prêtres, les diacres, les consacrés, manifester que la communion entre les membres
les catéchistes et les professeurs de religion : de l’Église catholique et avec les autres chrétiens
« Tout baptisé, en tant que témoin du Christ, doit est plus forte que tout lien ethnique ; de trans-
acquérir une formation appropriée à sa situation, mettre avec joie la foi aux nouvelles générations ;
non seulement pour éviter que sa foi ne s’épuise d’édifier une culture chrétienne capable d’évan-
par manque de vigilance dans un milieu hostile géliser la culture toujours plus vaste dans laquelle
comme l’est le milieu sécularisé, mais aussi pour nous vivons (89).
soutenir son témoignage évangélisateur et lui 51. En plus de veiller à ce que le ministère de
donner un nouvel élan » (86). la Parole, la célébration de la liturgie et l’exercice
« L’homme contemporain écoute plus volon- de la charité soient orientés vers l’édification et le
tiers les témoins que les maîtres ou, s’il écoute les soutien d’une foi mûre et personnelle, il faut que
maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins » (87). les communautés chrétiennes s’activent pour
La présence et les signes de la sainteté sont donc proposer une catéchèse adaptée aux différents itiné-
décisifs : la sainteté est un présupposé essentiel à une raires spirituels des fidèles, selon la diversité de
authentique évangélisation, capable de redonner leur âge et de leurs conditions de vie, prévoyant
l’espérance. Il faut des témoignages forts de vie également des formes appropriées d’accompagne-
nouvelle dans le Christ, sur le plan personnel et ment spirituel et de redécouverte de leur Baptême
communautaire. Il ne suffit pas en effet que la (90). Dans ce programme, la référence fonda-
vérité et la grâce soient offertes à travers la procla- mentale sera évidemment le Catéchisme de l’Église
mation de la Parole et la célébration des Sacre- catholique.
ments ; il faut qu’elles soient accueillies et vécues En particulier, reconnaissant qu’il s’agit là
en toute circonstance concrète, dans la façon d’une indiscutable priorité dans l’action pastorale,
d’être des chrétiens et des communautés ecclé- il faut cultiver et, si nécessaire, relancer le minis-
siales. C’est là un des défis les plus importants qui tère de la catéchèse en tant qu’éducation et crois-
attendent l’Église en Europe au début du nouveau sance de la foi chez toute personne, de sorte que
millénaire. la semence, déposée par l’Esprit Saint et transmise
par le Baptême, pousse et parvienne à maturité.
Former à une foi adulte En référence constante à la Parole de Dieu,
conservée dans la Sainte Écriture, proclamée dans
50. « L’actuelle situation culturelle et religieuse la liturgie et interprétée par la Tradition de
de l’Europe exige la présence de catholiques l’Église, une catéchèse organique et systématique
adultes dans la foi et de communautés chrétiennes constitue, sans nul doute, un instrument essentiel
et primordial pour former une foi adulte chez les
(83) Cf. Synode des Évêques – Deuxième assemblée spéciale pour chrétiens (91).
l’Europe, Instrumentum laboris, 53: l’Osservatore Romano, 6 août 1999 –
Suppl., p. 12; La documentation catholique 96 (1999), p. 788.
(84) Cf. Proposition 4, 1.
(85) Cf. Proposition 26 1. (88) Proposition 8, 1.
(86) Synode des Évêques – Deuxième assemblée spéciale pour (89) Cf. Proposition 8, 2.
l’Europe, Rapport avant la discussion, III, 1: l’Osservatore Romano, (90) Cf. Propositions 8, 1a-b; 6.
3 octobre 1999, p. 9; la documentation catholique 96 (1999), p. 944. (91) Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. Catechesi tradendae (16 octobre
(87) Paul VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), 41: 1979), 21: AAS 71 (1979), p. 1294-1295; la documentation catholique
AAS 68 (1976), p. 31; la documentation catholique 73 (1976), p. 8. 76 (1979), p. 906.
52. Dans la même ligne, il faut également souli- évangéliser l’Europe (96). Par l’« échange des
gner le rôle important de la théologie. Il existe en dons » entre les différentes Églises particulières,
effet un lien intrinsèque et inséparable entre l’évan- sont mises en commun les expériences et les
gélisation et la réflexion théologique, car cette réflexions de l’Europe de l’Ouest et de l’Est, du
dernière, en tant que science ayant un statut et une Nord et du Sud, et sont partagées des orientations
méthodologie propres, vit de la foi de l’Église et est pastorales communes ; ainsi se manifeste de
au service de sa mission (92). Elle naît de la foi et manière toujours plus significative le sentiment
elle est appelée à l’interpréter, en gardant son lien collégial qui unit les évêques du continent, pour
imprescriptible avec la communauté chrétienne annoncer ensemble, avec audace et fidélité, le
dans toutes ses composantes ; au service de la nom de Jésus Christ, seule source d’espérance
croissance spirituelle de tous les fidèles (93), elle pour tous en Europe.
introduit ces derniers à la compréhension appro-
fondie du message du Christ. Avec tous les chrétiens
En exerçant sa mission d’annoncer l’Évangile
de l’espérance, l’Église qui est en Europe apprécie 54. Dans le même temps, apparaît comme un
avec gratitude la vocation des théologiens, elle impératif imprescriptible le devoir d’une collabo-
reconnaît la valeur de leur travail et elle en assure ration œcuménique fraternelle et convaincue.
la promotion (94). Avec estime et affection, je les Le sort de l’évangélisation est étroitement lié au
invite à persévérer dans le service qu’ils accom- témoignage d’unité que sauront donner tous les
plissent, en unissant toujours recherche scienti- disciples du Christ: « Tous les chrétiens sont appe-
fique et prière, en entretenant un dialogue attentif lés à accomplir cette mission selon leur vocation.
avec la culture contemporaine, en adhérant fidè- La tâche de l’évangélisation implique d’avancer
lement au Magistère et en collaborant avec lui en l’un vers l’autre et d’avancer ensemble, en partant
esprit de communion, dans la vérité et dans la de l’intérieur ; évangélisation et unité, évangélisa-
charité, en s’imprégnant du sensus fidei du peuple tion et œcuménisme sont étroitement liés entre
de Dieu et en contribuant à le nourrir. eux » (97). C’est pourquoi je fais miennes de
nouveau les paroles écrites par Paul VI au
Patriarche œcuménique Athenagoras Ier : « Puisse
II. TÉMOIGNER DANS L’UNITÉ ET l’Esprit Saint nous guider dans la voie de la récon-
DANS LE DIALOGUE ciliation, afin que l’union de nos Églises devienne
un signe toujours plus lumineux d’espérance et
La communion entre les Églises de réconfort au sein de l’humanité entière » (98).
particulières
En dialogue avec les autres religions
53. L’annonce de l’Évangile de l’espérance aura 55. Comme pour tout l’engagement de la
une force d’autant plus efficace qu’elle sera liée au « nouvelle évangélisation », il faut également, en
témoignage d’une unité et d’une communion ce qui concerne l’annonce de l’Évangile de l’espé-
profondes au sein de l’Église. Les Églises particu- rance, que soit instauré un dialogue interreligieux
lières ne peuvent pas affronter seules le défi qui profond et intelligent, en particulier avec le
les attend. Il faut une authentique collaboration judaïsme et avec l’islam. « Entendu comme
entre toutes les Églises particulières du continent, qui méthode et comme moyen en vue d’une connais-
soit l’expression de leur communion profonde ; colla- sance et d’un enrichissement réciproques, il ne
boration d’ailleurs requise par la nouvelle réalité s’oppose pas à la mission ad gentes, au contraire il
européenne (95). Dans ce cadre prend place l’ap-
port des organismes ecclésiaux européens, à (96) Cf. Jean-Paul II, Discours aux Présidents des Conférences épiscopales
commencer par le Conseil des Conférences épisco- européennes (16 avril 1993), 1: AAS 86 (1994), p. 227; la documenta-
tion catholique 90 (1993), p. 501.
pales d’Europe. C’est un instrument efficace pour (97) Jean-Paul II, Discours pendant la célébration œcuménique de la Parole
rechercher ensemble des voies appropriées pour à la cathédrale de Paderborn (22 juin 1996), 5: Insegnamenti XIX/I,
p. 1571; la documentation catholique 93 (1996), p. 662.
(92) Cf. Proposition 24. (98) Paul VI, Lettre du 13 janvier 1970: Tomos agapis, Rome-Istanbul
(93) Cf. Proposition 8, 1c. (1971), p. 610-611; cf. Jean-Paul II, Encycl. Ut unum sint (25 mai
(94) Cf. Proposition 24. 1995), 99: AAS 87 (1995), p. 980; la documentation catholique 92
(95) Cf. Proposition 22. (1995), p. 158.
lui est spécialement lié et il en est une expression » 57. Il s’agit également de se laisser inciter à
(99). Dans ce dialogue, il n’est pas question de se une meilleure connaissance des autres religions,
laisser prendre par une « mentalité marquée par pour pouvoir instaurer un dialogue fraternel avec
l’indifférentisme, malheureusement très répandue les personnes de l’Europe d’aujourd’hui qui y
parmi les chrétiens, souvent fondée sur des adhèrent. En particulier, il est important d’avoir
conceptions théologiques inexactes et imprégnée un juste rapport avec l’islam. Comme cela s’est
d’un relativisme religieux qui porte à considérer révélé plusieurs fois ces dernières années à la
que “toutes les religions se valent” » (100). conscience des évêques européens, ce rapport
56. Il s’agit plutôt de prendre une plus vive « doit être conduit avec prudence, il faut en
conscience du rapport qui lie l’Église au peuple juif connaître clairement les possibilités et les limites,
et du rôle singulier d’Israël dans l’histoire du salut. et garder confiance dans le dessein de salut de
Comme il était déjà apparu lors de la première Dieu, qui concerne tous ses fils » (103). Il faut
Assemblée spéciale pour l’Europe du Synode des être conscient, entre autres, de la divergence
Évêques et comme l’a rappelé également le dernier notable entre la culture européenne, qui a de
Synode, il faut reconnaître les racines communes profondes racines chrétiennes, et la pensée musul-
qui existent entre le christianisme et le peuple juif, mane (104).
appelé par Dieu à une alliance qui reste irrévocable À cet égard, il est nécessaire de préparer conve-
(cf. Rm 11, 29) (101), puisqu’elle est parvenue à nablement les chrétiens qui vivent au contact
sa plénitude définitive dans le Christ. quotidien des musulmans à connaître l’islam de
Il est donc nécessaire de favoriser le dialogue manière objective et à savoir s’y confronter ; une
avec le judaïsme, sachant qu’il est d’une impor- telle préparation doit concerner en particulier les
tance fondamentale pour la conscience chrétienne séminaristes, les prêtres et tous les agents pasto-
de soi et pour le dépassement des divisions entre raux. On comprend par ailleurs que l’Église, alors
les Églises, et aussi d’œuvrer pour que fleurisse un qu’elle demande aux Institutions européennes
nouveau printemps dans les relations mutuelles. d’avoir à promouvoir la liberté religieuse en
Cela implique que chaque communauté ecclésiale Europe, se fasse également un devoir de rappeler
ait à pratiquer, chaque fois que les circonstances le que la réciprocité dans la garantie de la liberté reli-
permettront, le dialogue et la collaboration avec gieuse doit être observée aussi dans les pays de
les croyants de la religion juive. Un tel exercice tradition religieuse différente, où les chrétiens
suppose, entre autres, que « l’on se souvienne de sont en minorité (105).
la part que les fils de l’Église ont pu avoir dans la Dans ce domaine, on comprend « l’étonne-
naissance et dans la diffusion d’une telle attitude ment et le sentiment de frustration des chrétiens
antisémite au cours de l’histoire, et que l’on en qui accueillent, par exemple en Europe, des
demande pardon à Dieu, favorisant de toutes les croyants d’autres religions en leur donnant la
manières possibles les rencontres de réconciliation possibilité d’exercer leur culte et qui se voient
et d’amitié avec les fils d’Israël » (102). On devra interdire tout exercice du culte chrétien dans les
par ailleurs, dans ce contexte, se souvenir aussi des pays où ces croyants majoritaires » (106) ont fait
nombreux chrétiens qui, parfois au prix de leur de leur religion la seule qui soit autorisée et
vie, ont aidé et sauvé leurs « frères aînés », surtout encouragée. La personne humaine a droit à la
dans des périodes de persécution. liberté religieuse et, en tout point du monde, tous
« doivent être exempts de toute contrainte de la
part soit d’individus, soit de groupes sociaux, et
(99) Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), 55: de quelque pouvoir humain que ce soit » (107).
AAS 83 (1991), p. 302; la documentation catholique 88 (1991), p 173.
(100) Ibid., 36: AAS, l.c., p. 281; la documentation catholique, l.c.,
p. 165-166.
(101) Cf. Synode des Évêques – Première Assemblée spéciale pour
l’Europe, Déclaration finale (13 décembre 1991), n. 8: Ench. Vat., 13, (103) Synode des Évêques – Première Assemblée spéciale pour
n. 653-655; la documentation catholique 89 (1992), p. 129; Deuxième l’Europe, Déclaration finale (13 décembre 1991), 9: Ench. Vat., 13,
Assemblée spéciale pour l’Europe, Instrumentum laboris, 62 : n. 656; la documentation catholique 89 (1992), p. 129.
l’Osservatore Romano, 6 août 1999 – Suppl., p. 13; la documentation (104) Cf. Proposition 11.
catholique 96 (1999), p. 791-792; Proposition 10. (105) Cf. ibid.
(102) Proposition 10; cf. Commission pour les Rapports religieux avec (106) Jean-Paul II, Discours au Corps diplomatique (12 janvier 1985), 3:
le judaïsme, Nous nous souvenons: une réflexion sur la Shoah (16 mars AAS 77 (1985), p. 650; la documentation catholique 83 (1985), p. 219.
1998): Ench. Vat. 17, n. 520-550; la documentation catholique 95 (107) Conc. œcum. Vat. II, Déclaration sur la liberté religieuse
(1998), p. 336-340. Dignitatis humanæ, 2.
la présence d’attitudes diversifiées. On constate médias, en vue d’une bonne maîtrise des
leur désir de vivre ensemble pour sortir de l’isole- nouveaux langages. Un soin spécial sera apporté
ment, leur soif plus ou moins consciente d’absolu ; au choix de personnes préparées pour la commu-
on découvre chez eux une foi cachée qui demande nication du message à travers les médias. Il sera
à être purifiée et qui veut suivre le Seigneur ; on très utile aussi de procéder à un échange d’infor-
perçoit la décision de poursuivre le chemin déjà mations et de stratégies entre les Églises sur les
entrepris et l’exigence de partager la foi. divers aspects et les initiatives concernant une
62. À cette fin, il convient de renouveler la telle communication. Il ne faudra pas non plus
pastorale des jeunes, organisée par tranches d’âge négliger la création de moyens locaux de commu-
et attentive aux diverses conditions des enfants, nication sociale, y compris au niveau paroissial.
des adolescents et des jeunes. Il sera en outre En même temps, il s’agit d’assurer une
nécessaire de lui conférer une plus grande struc- présence dans les processus de la communication
ture organique et une plus grande cohérence, avec sociale, pour la rendre plus respectueuse de la
une écoute patiente des demandes des jeunes, vérité de l’information et de la dignité de la
pour les rendre acteurs de l’évangélisation et de la personne humaine. À ce propos, j’invite les catho-
construction de la société. liques à participer à l’élaboration d’un code de
Dans cet esprit, il est important de promouvoir déontologie pour ceux qui travaillent dans les
des occasions de rencontres entre jeunes, de milieux de la communication sociale, en se lais-
manière à favoriser un climat d’écoute mutuelle et sant éclairer par les critères que les organismes
de prière. Il ne faut pas avoir peur d’être exigeant compétents du Saint-Siège (115) ont récemment
avec eux en ce qui concerne leur croissance spiri- indiqués et que les évêques réunis en Synode
tuelle. On leur montrera la route de la sainteté, les avaient énumérés ainsi : « Respect de la dignité de
invitant à faire des choix fermes à la suite du la personne humaine, de ses droits, y compris le
Christ, ce à quoi ils seront encouragés par une vie droit à la vie privée ; service de la vérité, de la
sacramentelle intense. Ils pourront ainsi résister justice et des valeurs humaines, culturelles et
aux séductions d’une culture qui souvent ne leur spirituelles ; estime des différentes cultures pour
propose que des valeurs éphémères ou même éviter qu’elles ne se fondent dans la masse ;
contraires à l’Évangile, et devenir eux-mêmes protection des minorités et des plus faibles ;
capables de faire preuve d’une mentalité chrétienne recherche du bien commun, au-delà des intérêts
dans tous les domaines de leur existence, y particuliers et de la prédominance des critères
compris les divertissements et les loisirs (113). purement économiques » (116).
J’ai encore vivement présent devant les yeux
les joyeux visages de tant de jeunes, véritable espé- La mission ad gentes
rance de l’Église et du monde, signe éloquent de
l’Esprit qui ne se lasse pas de susciter des énergies 64. Une annonce de Jésus Christ et de son
nouvelles. Je les ai rencontrés aussi bien au cours Évangile qui se limiterait au seul contexte euro-
de mes voyages dans les différents pays que lors péen serait le signe d’un manque préoccupant
des inoubliables Journées mondiales de la d’espérance. L’œuvre d’évangélisation est animée
Jeunesse (114). par une véritable espérance chrétienne quand elle
s’ouvre aux horizons universels, qui incitent à
L’attention aux médias offrir gratuitement à tous ce qu’on a soi-même
reçu en don. La mission ad gentes devient ainsi
63. Étant donné l’importance des moyens de expression d’une Église modelée par l’Évangile de
communication sociale, l’Église en Europe ne peut l’espérance, qui continuellement se renouvelle et
pas ne pas réserver une attention particulière au se rajeunit. Telle a été au long des siècles la
monde multiforme des médias. Cela implique entre conscience de l’Église en Europe : d’innombrables
autres la formation appropriée des chrétiens qui générations de missionnaires, hommes et femmes,
œuvrent dans les médias et des usagers des allant à la rencontre d’autres peuples et d’autres
pas d’exemples de chrétiens authentiques qui C’est pourquoi, à toi, Église qui vis en Europe,
vivent des moments de silence contemplatif, qui j’adresse un appel pressant : Sois une Église qui
participent fidèlement aux propositions spiri- prie, qui loue Dieu, qui en reconnaît la primauté
tuelles qui leurs sont faites, qui vivent l’Évangile absolue et qui l’exalte avec une foi joyeuse. Redé-
dans leur existence quotidienne et qui en témoi- couvre le sens du mystère : vis-le avec une humble
gnent dans les divers milieux où ils sont enga- gratitude ; témoignes-en avec une joie convaincue
gés. On peut aussi discerner des manifestations et contagieuse. Célèbre le Salut du Christ :
d’une « sainteté populaire », qui attestent que accueille-le comme un don qui fait de toi son
même dans l’Europe actuelle il n’est pas impos- sacrement ; fais de ta vie le vrai culte spirituel qui
sible de vivre l’Évangile, aussi bien à un niveau plaît à Dieu (cf. Rm 12, 1).
personnel que dans une authentique expérience
communautaire.
68. Parallèlement à de nombreux exemples de Le sens du mystère
foi authentique, il existe aussi en Europe une reli-
giosité vague et parfois déviante. Ses indices revê- 70. Certains symptômes révèlent un affaiblis-
tent souvent un caractère général et superficiel, sement du sens du mystère dans les célébrations
quand ils ne sont pas carrément en contradiction liturgiques elles-mêmes, qui devraient au
les uns avec les autres chez les personnes mêmes contraire l’y introduire. Il est donc urgent que dans
dont ils proviennent. Ce sont des phénomènes l’Église soit ravivé le sens authentique de la liturgie.
manifestes de fuite dans le spiritualisme, de Celle-ci, comme l’ont rappelé les Pères synodaux
syncrétisme religieux et ésotérique, de recherche à (119), est un instrument de sanctification ; elle est
tout prix de « l’extraordinaire », qui peuvent une célébration de la foi de l’Église ; elle est un
conduire à des choix déviants, telle la participa- moyen de transmission de la foi. Avec l’Écriture
tion à des sectes dangereuses ou à des expériences sainte et les enseignements des Pères de l’Église,
pseudo-religieuses. elle est source vivante d’une authentique et solide
Le désir diffus d’une nourriture spirituelle doit spiritualité. Comme le souligne bien aussi la tradi-
être accueilli avec compréhension et purifié. À tion des vénérables Églises d’Orient, par la litur-
l’homme qui, même confusément, prend gie, les fidèles entrent en communion avec la
conscience qu’il ne peut vivre seulement de pain, Sainte Trinité, faisant l’expérience de leur partici-
il est nécessaire que l’Église puisse témoigner de pation à la nature divine, en tant que don de la
manière convaincante de la réponse que Jésus fit grâce. La liturgie devient ainsi anticipation de la
au tentateur : « Ce n’est pas seulement de pain que béatitude finale et participation à la gloire céleste.
l’homme doit vivre, mais de toute parole qui sort 71. Dans les célébrations, il faut redonner à
de la bouche de Dieu » (Mt 4, 4). Jésus la place centrale, afin de nous laisser éclai-
rer et guider par lui. Nous pouvons trouver là
l’une des réponses les plus claires que nos
Une Église qui célèbre communautés sont appelées à donner à une reli-
giosité vague et inconsistante. La liturgie de
69. Dans le contexte de la société actuelle, l’Église n’a pas pour but d’apaiser les désirs et les
souvent fermée à la transcendance, étouffée par peurs de l’homme, mais d’écouter et d’accueillir
des comportements consuméristes, propice aux Jésus le Vivant, qui honore et loue son Père, afin
formes anciennes et nouvelles d’idolâtrie, et en que nous puissions le louer et l’honorer avec lui.
même temps assoiffée de quelque chose qui aille Les célébrations ecclésiales proclament que notre
au-delà de l’immédiat, la mission qui attend l’Église espérance nous vient de Dieu, par Jésus notre
en Europe est tout à la fois exigeante et exaltante. Seigneur.
Elle consiste à redécouvrir le sens du « mystère » ; Il s’agit de vivre la liturgie comme œuvre de la
à renouveler les célébrations liturgiques afin Trinité. C’est le Père qui agit pour nous dans les
qu’elles soient des signes toujours plus éloquents mystères célébrés ; c’est lui qui nous parle, qui
de la présence du Christ Seigneur ; à assurer de nous pardonne, qui nous écoute et qui nous
nouveaux espaces au silence, à la prière et à la donne son Esprit ; c’est vers lui que nous nous
contemplation ; à revenir aux Sacrements, surtout tournons, lui que nous écoutons, que nous louons
l’Eucharistie et la Pénitence, car ils sont source de
liberté et de nouvelle espérance. (119) Cf. Proposition 14.
et que nous invoquons. C’est Jésus qui agit pour II. CÉLÉBRER LES SACREMENTS
notre sanctification, nous rendant participants de
son mystère. C’est l’Esprit Saint qui opère avec sa 74. Une place toute particulière doit être réser-
grâce et fait de nous le Corps du Christ, l’Église. vée à la célébration des Sacrements, en tant qu’ac-
La liturgie doit être vécue comme annonce et tions du Christ et de l’Église ordonnées au culte
anticipation de la gloire future, terme ultime de à rendre à Dieu, à la sanctification des hommes et
notre espérance. Comme l’enseigne en effet le à l’édification de la communauté ecclésiale.
Concile : « Dans la liturgie terrestre nous partici- Conscients qu’en eux c’est le Christ lui-même qui
pons, en y goûtant par avance, à cette liturgie agit par l’action du Saint-Esprit, nous devons célé-
céleste qui est célébrée dans la sainte cité de Jéru- brer les sacrements avec le plus grand soin, en en
salem vers laquelle nous tendons dans notre pèle- créant les conditions favorables. Les Églises parti-
rinage [...], jusqu’à ce que [le Christ], qui est culières du continent auront à cœur d’intensifier
notre vie, se manifeste et que nous soyons mani- leur pastorale sacramentelle pour en faire recon-
festés nous-mêmes avec lui dans la gloire » (120). naître la profonde vérité. Les Pères synodaux ont
mis en lumière cette exigence pour répondre à
deux dangers : d’une part, certains milieux ecclé-
Formation liturgique siaux semblent avoir perdu le sens authentique du
sacrement et risqueraient donc de banaliser les
72. Si, après le Concile œcuménique Vatican II, mystères célébrés ; d’autre part, de nombreux
une partie du chemin a été accomplie pour vivre baptisés, attachés aux usages et aux traditions,
le sens authentique de la liturgie, il reste encore continuent à recourir aux sacrements aux
beaucoup à faire. Il faut un renouveau régulier et moments significatifs de leur existence, sans pour
une formation constante de tous, ministres ordon- autant vivre conformément aux indications de
nés, personnes consacrées et laïcs. l’Église (122).
Le véritable renouveau, loin de provenir d’actes
arbitraires, consiste à développer toujours mieux L’Eucharistie
la conscience du sens du mystère, de façon à faire
des liturgies des moments de communion avec le 75. L’Eucharistie, don suprême du Christ à
grand et saint mystère de la Trinité. En célébrant l’Église, rend mystérieusement présent le sacrifice
les actions sacrées comme relation à Dieu et du Christ pour notre salut : « La très sainte Eucha-
accueil de ses dons, expressions d’une authen- ristie contient en effet l’ensemble des biens spiri-
tique vie spirituelle, l’Église en Europe pourra tuels de l’Église, à savoir le Christ lui-même, notre
vraiment nourrir son espérance et l’offrir à ceux Pâque » (123). C’est en elle, « source et sommet
qui l’ont perdue. de toute la vie chrétienne » (124) que l’Église
73. À cette fin, un grand effort de formation est puise au long de son pèlerinage, y trouvant la
nécessaire. Destinée à favoriser la compréhension source de toute espérance. En effet, l’Eucharistie
du sens véritable des célébrations de l’Église, elle « donne une impulsion à notre marche dans l’his-
requiert, en plus d’une formation appropriée sur toire, faisant naître un germe de vive espérance
les rites, une spiritualité authentique et une dans le dévouement quotidien de chacun à ses
éducation qui permette de la vivre en plénitude propres tâches » (125).
(121). On doit donc promouvoir plus intensé- Nous sommes tous invités à confesser la foi
ment une véritable « mystagogie liturgique », avec dans l’Eucharistie, « gage de la gloire future », dans
la participation active de tous les fidèles, chacun la certitude que la communion avec le Christ, que
selon ses attributions, aux actions sacrées, en nous vivons actuellement comme pèlerins dans
particulier à l’Eucharistie. notre existence mortelle, anticipe la rencontre
suprême le jour où « nous serons semblables à lui,
parce que nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3, vérité du péché personnel et la nécessité du
2). L’Eucharistie est un « avant-goût de l’éternité pardon personnel de Dieu à travers le ministère
dans le temps » ; elle est présence divine et du prêtre. Les absolutions collectives ne sont pas
communion à cette présence ; mémorial de la une modalité laissée à la libre appréciation dans
Pâque du Christ, elle est par nature dispensatrice l’administration du sacrement de la Réconcilia-
de la grâce dans l’histoire humaine. Elle ouvre à tion (130).
l’avenir de Dieu ; étant communion avec le Christ, 77. Je m’adresse aux prêtres, les exhortant à
en son corps et son sang, elle est participation à être généreusement disponibles pour écouter les
la vie éternelle de Dieu (126). confessions et à être eux-mêmes des exemples en
s’approchant avec régularité du sacrement de la
La Réconciliation Pénitence. Je les invite à mettre soigneusement à
jour leurs connaissances dans le domaine de la
76. Avec l’Eucharistie, le sacrement de la théologie morale, de manière à pouvoir affronter
Réconciliation doit aussi jouer un rôle fondamental avec compétence les problèmes apparus récem-
pour retrouver l’espérance : « L’expérience person- ment dans le domaine de la morale personnelle et
nelle du pardon de Dieu pour chacun de nous est sociale. Puissent-ils porter aussi une particulière
en effet le fondement essentiel de toute espérance attention aux conditions concrètes de vie dans
pour notre avenir » (127). L’une des racines de la lesquelles se trouvent les fidèles et savoir les
résignation qui assaille tant de personnes aujour- conduire patiemment à reconnaître les exigences
d’hui doit être cherchée dans l’incapacité de se de la loi morale chrétienne, les aidant à vivre le
reconnaître pécheur et de se laisser pardonner, sacrement comme une joyeuse rencontre avec la
incapacité souvent due à la solitude de ceux qui, miséricorde du Père céleste (131) !
vivant comme si Dieu n’existait pas, n’ont
personne à qui demander pardon. En revanche, Prière et vie
celui qui se reconnaît pécheur et qui se confie à
la miséricorde du Père céleste fait l’expérience de 78. En plus de la célébration eucharistique, il
la joie d’une vraie libération et il peut avancer convient de promouvoir aussi les autres formes de
dans l’existence sans se replier sur sa propre prières communautaires (132), aidant à redécou-
misère (128). Il reçoit ainsi la grâce d’un nouveau vrir le lien qui existe entre ces dernières et la
départ et il retrouve des raisons d’espérer. prière liturgique. En particulier, tout en mainte-
C’est pourquoi il est nécessaire que dans nant vivante la tradition de l’Église latine, on doit
l’Église en Europe le sacrement de la Réconcilia- développer les diverses expressions du culte
tion soit ravivé. Il faut cependant redire que la eucharistique en dehors de la Messe : adoration
forme du sacrement est la confession personnelle personnelle, exposition et procession, qui sont à
des péchés, suivie de l’absolution individuelle. comprendre comme des expressions de la foi en
Cette rencontre entre le pénitent et le prêtre doit la permanence de la présence réelle du Seigneur
être favorisée, quelles que soient les formes dans le Sacrement de l’autel (133). À propos de la
prévues du rite du Sacrement. Face à la perte célébration personnelle ou communautaire de la
largement répandue du sens du péché et à l’affir- Liturgie des Heures, dont le Concile a aussi rappelé
mation d’une mentalité marquée par le relati- la grande valeur pour les fidèles laïcs (134), on
visme et le subjectivisme dans le domaine moral, s’attachera à faire voir le lien qui la relie au
il est nécessaire que, dans toute communauté mystère eucharistique. Les familles seront encou-
ecclésiale, on pourvoie à une sérieuse formation ragées à réserver un temps pour la prière en
des consciences (129). Les Pères du Synode ont commun, de façon à interpréter à la lumière de
insisté pour que l’on reconnaisse clairement la l’Évangile toute leur vie conjugale et familiale.
(126) Cf. Jean-Paul II, Discours à l’audience générale (25 octobre 2002), (130) Cf. Jean-Paul II, Motu proprio Misericordia Dei (7 avril 2002), 4:
2: Insegnamenti XXIII/2 (2000), p. 697; la documentation catholique 97 AAS 94 (2002), p. 456-457; la documentation catholique 99 (2002),
(2000), p. 965. p. 453-454.
(127) Cf. Proposition 16. (131) Cf. Proposition 16; Jean-Paul II, Lettre aux prêtres pour le Jeudi saint
(128) Cf. Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale 2002 (17 mars 2002), 4: AAS 94 (2002), p. 435-436; la documentation
pour l’Europe, Rapport avant la discussion, III, 2 : l’Osservatore catholique 99 (2002), p. 304.
Romano, 3 octobre 1999, p. 9 ; la documentation catholique 96 (132) Cf. Proposition 14c.
(1999), p. 945-946. (133) Cf. ibid.
(129) Cf. Proposition 16. (134) Cf. Const. Sacrosanctum Concilium, 100.
Ainsi, à partir de là et dans l’écoute de la Parole vécue dans la charité à travers le don de soi libre
de Dieu, se développera cette liturgie domestique et généreux, même dans les moments d’apparente
qui accompagnera tous les moments de la vie impuissance. Ainsi, la vie est animée par une
familiale (135). espérance indéfectible parce qu’elle s’appuie
Toute forme de prière communautaire uniquement sur la certitude de la puissance de
présuppose la prière individuelle. Entre la Dieu et de la victoire du Christ : c’est une vie
personne et Dieu naît ce colloque en vérité qui remplie des consolations de Dieu, par lesquelles
s’exprime dans la louange, dans l’action de grâce, nous sommes appelés à consoler à notre tour
dans la supplication adressée au Père, par Jésus ceux que nous rencontrons sur notre route (cf.
Christ et dans l’Esprit Saint. Jamais ne sera 2 Co 1, 4).
délaissée la prière personnelle, qui est comme la
respiration du chrétien. À tous aussi, on appren- Le jour du Seigneur
dra à redécouvrir le lien entre cette dernière et
la prière liturgique. 81. Le jour du Seigneur est le moment par
79. On réservera aussi une attention parti- excellence et hautement évocateur en ce qui
culière à la piété populaire (136). Largement concerne la célébration de l’Évangile de l’espé-
présente en diverses régions d’Europe grâce aux rance.
confréries, aux pèlerinages et aux processions Dans le contexte actuel, les circonstances
auprès de nombreux sanctuaires, elle enrichit rendent précaire pour les chrétiens la possibilité
le cours de l’année liturgique, inspirant de vivre pleinement le dimanche comme jour de
coutumes et usages familiaux et sociaux. Toutes la rencontre avec le Seigneur. Il n’est pas rare qu’il
ces formes doivent être considérées avec atten- se réduise à n’être qu’une « fin de semaine », un
tion, moyennant une pastorale de promotion et simple temps d’évasion. C’est pourquoi il faut
de renouveau, qui les aide à développer ce qui une action pastorale organique au niveau éduca-
est expression authentique de la sagesse du tif, spirituel et social, qui aide à en vivre le sens
peuple de Dieu. Tel est assurément le saint véritable.
Rosaire. En cette année qui lui est consacrée, il 82. Je renouvelle donc l’appel à redécouvrir le
m’est cher d’en recommander de nouveau la sens profond du jour du Seigneur (138) : qu’il soit
récitation, car, « s’il est redécouvert dans sa sanctifié par la participation à l’Eucharistie et par
pleine signification, le Rosaire conduit au cœur un repos rempli de joie chrétienne et de frater-
même de la vie chrétienne et offre une occasion nité. Qu’il soit célébré comme le centre de tout le
spirituelle et pédagogique ordinaire mais culte, comme l’annonce incessante de la vie sans
féconde pour la contemplation personnelle, la fin, qui ranime l’espérance et redonne courage
formation du peuple de Dieu et la nouvelle sur le chemin. Ne craignons pas alors de le
évangélisation » (137). défendre contre toute attaque et de tout mettre en
En matière de piété populaire, il faut veiller œuvre pour que, dans l’organisation du travail, il
constamment aux aspects ambigus de certaines soit sauvegardé, de manière à être un jour pour
manifestations, les préservant des dérives sécu- l’homme, au bénéfice de la société entière. En
lières, du consumérisme irréfléchi ou encore des effet, si le dimanche était privé de sa signification
risques de superstition, afin de les maintenir dans originelle et s’il devenait impossible en ce jour de
le cadre de formes assurées et authentiques. On réserver un temps convenable à la prière, au
fera œuvre d’éducation, expliquant que la piété repos, à la communion et à la joie, il pourrait
populaire doit toujours être vécue en harmonie arriver « que l’homme reste enfermé dans un
avec la liturgie de l’Église et en relation avec les horizon si réduit qu’il ne peut plus voir le ciel ;
Sacrements. alors, même revêtu d’un habit de fête, il devient
80. Il ne faut pas oublier que le « culte spiri- profondément incapable de faire la fête » (139).
tuel capable de plaire à Dieu » (cf. Rm 12, 1) se Et sans la dimension de la fête, l’espérance ne
réalise avant tout dans l’existence quotidienne, trouverait pas de maison où habiter.
fatigue, la conscience de la dignité de tout homme ; société de la prospérité et de l’efficacité, dans une
à aller à la découverte des besoins des personnes culture caractérisée par l’idolâtrie du corps, par le
en ouvrant, s’il le faut, de nouvelles voies là où le refus de la souffrance et de la douleur, et par le
besoin se fait le plus urgent, et là où l’attention et mythe de la jeunesse éternelle » (145), l’attention
le soutien sont les plus déficients » (143). envers les malades doit être considérée comme une
priorité. À cette fin, il faut promouvoir, d’une part,
une présence pastorale appropriée dans les diffé-
II. SERVIR L’HOMME rents lieux de la souffrance, par exemple à travers
DANS LA SOCIÉTÉ l’engagement d’aumôniers d’hôpitaux, de membres
d’associations de bénévolat, d’institutions sanitaires
Redonner espérance aux pauvres liées à l’Église, et, d’autre part, un soutien aux
familles des malades. De plus, il est nécessaire
86. À toute l’Église il est demandé de redonner d’être proche du personnel médical et paramédical,
espérance aux pauvres. Les accueillir et les servir avec des moyens pastoraux adaptés, pour le soute-
signifie pour elle accueillir et servir le Christ nir dans son exigeante vocation au service des
(cf. Mt 25, 40). L’amour préférentiel pour les malades. En effet, dans leur activité professionnelle,
pauvres est une dimension nécessaire de l’être les personnes qui travaillent dans le monde de la
chrétien et du service de l’Évangile. Aimer les santé rendent chaque jour un noble service à la vie.
personnes et leur témoigner qu’elles sont particu- Il leur est demandé d’offrir aussi aux patients le
lièrement aimées de Dieu veut dire reconnaître soutien spirituel particulier qui suppose la chaleur
qu’elles ont une valeur en elles-mêmes, quelles d’un contact humain authentique.
que soient les conditions économiques, culturelles 89. Enfin, on ne saurait oublier qu’il est parfois
et sociales dans lesquelles elles vivent, les aidant fait un usage indu des biens de la terre. Manquant
à développer leurs potentialités. en effet à la mission de cultiver et de garder la
87. Il faut par ailleurs se laisser interpeller par terre avec sagesse et amour (cf Gn 2, 15),
le phénomène du chômage, qui, dans beaucoup de l’homme a, dans de nombreuses régions, dévasté
pays d’Europe, constitue un grave fléau social. À plaines et forêts, pollué les eaux, rendu l’air irres-
cela s’ajoutent aussi les problèmes liés à l’accrois- pirable, bouleversé les systèmes hydrogéologiques
sement des flux migratoires. Il est demandé à et atmosphériques, et provoqué la désertification
l’Église de rappeler que le travail est un bien que de vastes zones.
toute la société doit prendre en charge. Même dans ce cas, servir l’Évangile de l’espé-
Présentant à nouveau les critères éthiques qui rance veut dire s’engager de manière nouvelle
doivent guider le marché et l’économie, dans un pour un usage correct des biens de la terre (146),
respect scrupuleux de la place centrale que développant l’attention qui, en plus de sauvegar-
l’homme y occupe, l’Église ne peut négliger la der des habitats naturels, défend la qualité de vie
recherche du dialogue avec les personnes enga- des personnes, afin de préparer pour les généra-
gées dans le domaine politique et syndical, et dans tions futures un monde plus conforme au projet
le monde de l’entreprise (144). Le dialogue doit du Créateur.
tendre à l’édification d’une Europe entendue
comme communauté de peuples et de personnes, La vérité sur le mariage et la famille
communauté solidaire dans l’espérance, non
soumise exclusivement aux lois du marché, mais 90. L’Église en Europe, dans toutes ses compo-
fermement préoccupée de sauvegarder la dignité santes, doit proposer à nouveau, avec fidélité, la
de l’homme même dans ses rapports économiques vérité sur le mariage et la famille (147). C’est une
et sociaux. nécessité qu’elle ressent intensément en elle-
88. Qu’une attention particulière soit aussi même, car elle sait qu’elle est qualifiée pour
portée à la pastorale des malades. Considérant que accomplir cette tâche, en vertu de la mission évan-
la maladie est une situation qui suscite des ques- gélisatrice que lui a confiée son Époux et
tions essentielles sur le sens de la vie, « dans une Seigneur, et que cette tâche s’impose aujourd’hui
(143) Cf. Jean-Paul II, Encycl. Evangelium vitæ (25 mars 1995), 90: (145) Proposition 35.
AAS 87 (1995), p. 503; la documentation catholique 92 (1995), p. 396. (146) Cf. Proposition 36.
(144) Cf. Proposition 33. (147) Cf. Proposition 31.
de nouveau avec une insistance inégalée. De européenne elle-même mettent en place des poli-
nombreux facteurs culturels, sociaux et politiques tiques familiales authentiques et adaptées (149).
contribuent en effet à provoquer une crise, 92. Une attention particulière doit être réser-
toujours plus évidente, de la famille. Ils compro- vée à l’éducation des jeunes et des fiancés à l’amour,
mettent, dans certaines mesures, la vérité et la grâce à des parcours spécifiques de préparation à
dignité de la personne humaine, et ils remettent la célébration du sacrement de Mariage, qui les
en cause, en la dénaturant, l’idée même de famille. aident à arriver jusqu’à ce jour en vivant dans la
La valeur de l’indissolubilité du mariage est de chasteté. Dans son œuvre éducative, l’Église se
plus en plus méconnue ; on revendique des montrera prévenante, accompagnant également
formes de reconnaissance légale des unions de les jeunes époux après la célébration de leur
fait, les mettant sur le même plan que les mariages mariage.
légitimes ; on observe même des tentatives visant 93. Enfin, l’Église est aussi appelée à rencon-
à faire accepter des modèles de couples où la diffé- trer, avec une bonté maternelle, tous ceux qui
rence sexuelle ne serait plus essentielle. sont dans des situations matrimoniales qui
Dans ce contexte, il est demandé à l’Église peuvent facilement faire perdre l’espérance. En
d’annoncer avec une vigueur renouvelée ce que dit particulier, « face aux nombreuses familles dislo-
l’Évangile sur le mariage et la famille, pour en saisir quées, l’Église se sent appelée, non pas à exprimer
la signification et la valeur dans le dessein salvi- un jugement sévère et distant, mais plutôt à intro-
fique de Dieu. Il est en particulier nécessaire de duire dans les plaies de tant de drames humains la
réaffirmer que ces institutions sont des réalités qui lumière de la Parole de Dieu, accompagnée du
proviennent de la volonté de Dieu. Il faut redé- témoignage de sa miséricorde. Tel est l’esprit avec
couvrir la vérité de la famille, en tant que commu- lequel la pastorale familiale cherche à prendre en
nauté intime de vie et d’amour (148), ouverte à la charge également les situations des croyants qui
génération de nouvelles vies ; et aussi sa dignité sont divorcés et se sont remariés civilement. Ils ne
« d’Église domestique » et sa participation à la sont pas exclus de la communauté : ils sont même
mission de l’Église et à la vie de la société. invités à participer à sa vie, en accomplissant un
91. Selon les Pères du Synode, il faut recon- chemin de croissance dans la ligne des exigences
naître que de nombreuses familles, dans le quoti- évangéliques. Sans leur taire la vérité du désordre
dien d’une existence vécue dans l’amour, sont des moral objectif dans lequel ils se trouvent et des
témoins visibles de la présence de Jésus qui les conséquences qui en découlent quant à la
accompagne et qui les soutient par le don de son pratique sacramentelle, l’Église entend leur
Esprit. Pour affermir leur marche, on devra appro- montrer toute sa proximité maternelle » (150).
fondir la théologie et la spiritualité du mariage et 94. S’il est nécessaire, pour servir l’Évangile de
de la famille ; proclamer avec fermeté et intégrité, l’espérance, d’apporter une attention particulière
et montrer au moyen d’exemples efficaces la vérité et prioritaire à la famille, il est tout aussi vrai que
et la beauté de la famille fondée sur le mariage les familles elles-mêmes ont une tâche irremplaçable
entendu comme union stable et féconde d’un à accomplir à l’égard de ce même Évangile de l’es-
homme et d’une femme ; promouvoir dans toute pérance. C’est pourquoi, en toute confiance et
communauté ecclésiale une pastorale familiale affection, je renouvelle mon invitation à toutes les
organique et adaptée. En même temps, il sera familles chrétiennes qui vivent en Europe :
nécessaire d’offrir, avec une sollicitude maternelle « Familles, devenez ce que vous êtes ! » Vous êtes
de la part de l’Église, une aide à ceux qui se trou- une représentation vivante de l’amour de Dieu :
vent dans des situations difficiles, par exemple les Vous avez la « mission de garder, de révéler et de
mères célibataires, les personnes séparées, les communiquer l’amour, reflet vivant et participa-
divorcés, les enfants abandonnés. Dans tous les tion réelle de l’amour de Dieu pour l’humanité et
cas, il conviendra d’encourager, d’accompagner et de l’amour du Christ Seigneur pour l’Église son
de soutenir une juste participation des familles, Épouse » (151).
seules ou associées, dans l’Église et dans la
(149) Cf. Proposition 31.
société, et de veiller à ce que les États et l’Union (150) Jean-Paul II, Discours pour la troisième Rencontre mondiale des
Familles à l’occasion de leur jubilé (14 octobre 2000), 6: Insegnamenti
XXIII/2, p. 603; la documentation catholique 97 (2000), p. 973.
(151) Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris consortio (22 novembre
(148) Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. past. sur l’Église dans le monde 1981), 1: AAS 74 (1982), p. 99-100; la documentation catholique 79
de ce temps Gaudium et spes, 48. (1982), p. 6.
Vous êtes le « sanctuaire de la vie [...] : le lieu techniques de diagnostic prénatal, qui sont mises
où la vie, don de Dieu, peut être convenablement non pas au service de thérapies précoces, parfois
accueillie et protégée contre les nombreuses envisageables, mais « d’une mentalité eugénique
attaques auxquelles elle est exposée, le lieu où elle qui accepte l’avortement sélectif » (157).
peut se développer suivant les exigences d’une Il faut aussi mentionner la tendance, que l’on
croissance humaine authentique » (152). observe dans certaines parties de l’Europe, à penser
Vous êtes le fondement de la société, en tant que qu’il pourrait être permis de mettre fin sciemment
lieu premier de l’« humanisation » de la personne à ses jours ou à ceux d’autrui : d’où une diffusion
et du « vivre ensemble » (153), modèle pour l’ins- de l’euthanasie, cachée ou effectuée au grand jour,
tauration de rapports sociaux vécus dans l’amour en faveur de laquelle les demandes et les tristes
et la solidarité. exemples de légalisation ne manquent pas.
Soyez vous-mêmes des témoins crédibles de 96. Face à cet état de fait, il est nécessaire de
l’Évangile de l’espérance ! Car vous êtes « servir l’Évangile de la vie » également grâce « à
« Gaudium et spes » (154). une mobilisation générale des consciences et à un
effort commun d’ordre éthique, pour mettre en
Servir l’Évangile de la vie œuvre une grande stratégie pour le service de la vie.
Nous devons construire tous ensemble une nouvelle
95. Le vieillissement et la diminution de la culture de la vie » (158). C’est là un grand défi
population auxquels on assiste dans divers pays qu’il faut affronter avec responsabilité, dans la
d’Europe ne peuvent pas ne pas être des motifs de certitude que « l’avenir de la civilisation euro-
préoccupation ; en effet, la chute des naissances est péenne dépend en grande partie d’une défense et
le symptôme d’un rapport perturbé avec l’avenir ; d’une promotion résolues des valeurs de la vie,
c’est une manifestation évidente d’un manque centre de son patrimoine culturel » (159) ; il s’agit
d’espérance, c’est le signe de la « culture de mort » en effet de rendre à l’Europe sa véritable dignité,
qui traverse la société contemporaine (155) qui est d’être le lieu où toute personne est recon-
Avec la chute de la natalité, il faut rappeler nue dans son incomparable dignité.
d’autres signes qui concourent à provoquer Je fais volontiers miennes ces paroles des Pères
l’éclipse de la valeur de la vie et à déchaîner une du Synode : « Le Synode des Évêques européens
sorte de conjuration contre elle. Parmi eux, il faut incite les communautés chrétiennes à se faire les
tout d’abord mentionner avec tristesse la diffusion évangélisatrices de la vie. Il encourage les couples
de l’avortement, même en utilisant des prépara- chrétiens et les familles chrétiennes à se soutenir
tions chimiques et pharmaceutiques qui le mutuellement pour demeurer fidèles à leur
rendent possible sans devoir recourir à un méde- mission de collaborer avec Dieu dans la généra-
cin, et le soustrayant ainsi à toute forme de tion et l’éducation de nouvelles créatures ; il
responsabilité sociale ; cela est favorisé par la apprécie toute généreuse tentative de réagir à
présence, dans les législations de nombreux États l’égoïsme en matière de transmission de la vie,
du continent, de lois permettant un geste qui égoïsme nourri par de faux modèles de sécurité et
demeure un « crime abominable » (156) et qui de bonheur ; il demande aux États et à l’Union
constitue toujours un grave désordre moral. On européenne de mettre en œuvre des politiques
ne peut pas oublier non plus les attentats perpé- clairvoyantes qui promeuvent les conditions
trés à travers les interventions « sur les embryons concrètes de logement, de travail et d’aide sociale,
humains qui, bien que poursuivant des buts en en vue d’aider à la constitution de la famille et à
soi légitimes, en comportent inévitablement le répondre à la vocation à la maternité et à la pater-
meurtre », ou bien l’utilisation détournée des nité, et qui en plus assurent à l’Europe d’aujourd’hui
la ressource la plus précieuse : les Européens de
(152) Jean-Paul II, Encycl. Centesimus annus (1er mai 1991), 39: AAS demain » (160).
83 (1991), p. 842; la documentation catholique 88 (1991), p. 538.
(153) Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici
(30 décembre 1988), 40: AAS 81 (1989), p. 469; la documentation
catholique 86 (1989), p. 176. (157) Jean-Paul II, Encycl. Evangelium vitae (25 mars 1995), 63: AAS
(154) Cf. Jean-Paul II, Discours à la première Rencontre mondiale des 87 (1995), p. 473; la documentation catholique 92 (1995), p. 383.
Familles (8 octobre 1994), 7: AAS 87 (1995), p. 587; la documentation (158) Ibid., 95: AAS, l.c., p. 509; la documentation catholique, l.c., p. 398.
catholique 91 (1994), p. 969. (159) Jean-Paul II, Discours au nouvel ambassadeur de Norvège près le
(155) Cf. Proposition 32. Saint-Siège (25 mars 1995): Insegnamenti XVIII/1, p. 857.
(156) Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, 51. (160) Proposition 32.
Bâtir une cité digne de l’homme européennes aussi bien de l’utopie totalitaire de la
« justice sans liberté » que de celle d’une « liberté
97. La charité active nous engage à hâter la sans vérité » qui s’accompagne d’une fausse
venue du Règne de Dieu. C’est pourquoi elle conception de la « tolérance », toutes deux
apporte son concours à la promotion des valeurs porteuses d’erreurs et d’horreurs pour l’humanité,
authentiques qui sont à la base d’une civilisation comme en témoigne malheureusement l’histoire
digne de l’homme. Comme le rappelle en effet le récente de l’Europe elle-même (163).
Concile Vatican II, « dans leur marche vers la cité 99. La doctrine sociale de l’Église, en raison de
céleste, les chrétiens doivent rechercher et goûter son lien intrinsèque avec la dignité de la
les choses d’en haut ; mais, par là, la gravité du personne, est faite pour être comprise aussi par
devoir de travailler en collaboration avec tous les ceux qui n’appartiennent pas à la communauté
hommes à l’édification d’un monde plus humain, des croyants. Il est donc urgent d’en répandre la
loin d’être diminuée, est plutôt accrue » (161). connaissance et l’étude, dans le but de surmonter
L’attente des cieux nouveaux et de la terre l’ignorance que même les chrétiens ont à son
nouvelle, loin d’éloigner de l’histoire, intensifie la endroit. C’est ce qu’exige l’Europe nouvelle en
sollicitude pour le monde présent où, jusqu’à voie de construction, elle qui a besoin de
aujourd’hui, croît la nouveauté qui est germe et personnes éduquées selon ces valeurs et disposées
figure du monde à venir. à travailler à la réalisation du bien commun. À
Animés par ces certitudes de foi, engageons- cette fin s’avère nécessaire la présence de laïcs
nous à construire une cité digne de l’homme ! Même chrétiens qui, dans les diverses responsabilités de
s’il n’est pas possible de réaliser dans l’histoire un la vie civique, économique, culturelle, dans le
ordre social parfait, nous savons pourtant que tout monde de la santé, de l’éducation et de la poli-
effort sincère pour construire un monde meilleur tique, agissent de manière à pouvoir y diffuser les
est accompagné de la bénédiction de Dieu et que valeurs du Royaume (164).
toute semence de justice et d’amour plantée dans
le temps présent donnera son fruit dans l’éternité. Pour une culture de l’accueil
98. Dans la construction d’une cité digne de
l’homme, un rôle d’inspiration doit être reconnu à la 100. Parmi les défis qui se posent aujourd’hui
doctrine sociale de l’Église. À travers elle, en effet, pour le service de l’Évangile de l’espérance appa-
l’Église pose au continent européen la question de raît celui du phénomène croissant de l’immigration,
la valeur morale de sa civilisation. Cette doctrine qui interroge l’Église sur sa capacité d’accueillir
tire son origine de la rencontre entre, d’une part, chaque personne, quel que soit le peuple ou la
le message biblique et la raison, et, d’autre part, les nation auquel elle appartient. Il incite également
problèmes et les situations concernant la vie de toute la société européenne et ses institutions à
l’homme et de la société. Par l’ensemble des prin- rechercher un ordre juste et des modes de convi-
cipes qu’elle propose, cette doctrine contribue à vialité respectueux de tous, comme aussi de la
poser des bases solides pour une vie sociale à la législation, en vue d’une éventuelle intégration.
mesure de l’homme, dans la justice, la vérité, la Devant l’état de pauvreté, de sous-développe-
liberté et la solidarité. Tournée vers la défense et la ment ou même d’insuffisance de liberté qui,
promotion de la dignité de la personne, fondement malheureusement, caractérise encore divers pays
non seulement de la vie économique et politique, et qui pousse de nombreuses personnes à aban-
mais aussi de la justice sociale et de la paix, elle donner leur terre, se fait sentir le besoin d’un
apparaît capable d’assurer des bases solides aux engagement courageux de tous pour la réalisation
piliers sur lesquels se bâtit l’avenir du continent d’un ordre économique international plus juste, qui
européen (162). La doctrine sociale de l’Église soit en mesure de promouvoir l’authentique déve-
comporte aussi les points de repères qui permet- loppement de tous les peuples et de tous les pays.
tent de défendre la structure morale de la liberté, 101. Face au phénomène migratoire, l’Europe
de manière à sauvegarder la culture et la société est mise au défi de trouver des formes nouvelles
et intelligentes d’accueil et d’hospitalité. C’est la
(161) Const. past. Gaudium et spes, 57. vision « universaliste » du bien commun qui
(162) Cf. Proposition 28; Synode des Évêques – Première Assemblée
spéciale pour l’Europe, Déclaration finale (13 décembre 1991), 10:
Ench. Vat., 13, n. 659-669; la documentation catholique, 89 (1992), (163) Cf. Proposition 23.
p.130. (164) Cf. Proposition 28.
l’exige : il faut dilater son regard jusqu’à embrasser Le service de l’Évangile exige en outre que
les exigences de toute la famille humaine. Le l’Église, défendant la cause des opprimés et des
phénomène même de la mondialisation demande exclus, demande aux autorités politiques des divers
ouverture et partage s’il veut être non pas une États et aux responsables des Institutions euro-
source d’exclusion et de marginalisation, mais au péennes de reconnaître la condition de réfugié à
contraire de participation solidaire de tous à la ceux qui fuient leur pays d’origine en raison de
production et à l’échange des biens. menaces pour leur vie, et aussi de faciliter leur
Chacun doit s’employer à la croissance d’une retour dans leur pays, ainsi que de créer les condi-
solide culture de l’accueil qui, tenant compte de tions pour que soit respectée la dignité de tous les
l’égale dignité de toute personne et du devoir de immigrés et que soient défendus leurs droits
solidarité à l’égard des plus faibles, demande que fondamentaux (166).
soient reconnus les droits fondamentaux de tout
migrant. Il est de la responsabilité des autorités
publiques d’exercer un contrôle sur les flux migra- III. OPTONS POUR LA CHARITÉ
toires en fonction des exigences du bien commun.
L’accueil doit toujours se réaliser dans le respect 104. L’appel à vivre une charité active, adressé
des lois et donc se conjuguer, si nécessaire, avec par les Pères synodaux à tous les chrétiens du
une ferme répression des abus. continent européen (167), représente la synthèse
102. Il faut également s’employer à découvrir heureuse d’un service authentique rendu à l’Évan-
les formes possibles d’une véritable intégration des gile de l’espérance. Aujourd’hui, je te propose à
immigrés légitimement accueillis dans le tissu mon tour cet appel, Église du Christ qui vis en
social et culturel des diverses nations euro- Europe. Que les joies et les espérances, que les tris-
péennes. Cela exige que l’on ne cède pas à l’indif- tesses et les angoisses des Européens d’aujourd’hui,
férence à l’égard des valeurs humaines universelles surtout des pauvres et de ceux qui souffrent, soient
et que l’on soit attentif à sauvegarder le patri- aussi tes joies et tes espérances, tes tristesses et tes
moine culturel propre à chaque nation. Une angoisses, et que rien de ce qui est authentique-
convivialité pacifique et un échange des richesses ment humain ne manque de trouver un écho dans
intérieures réciproques rendront possible l’édifi- ton cœur ! Regarde l’Europe et son cheminement,
cation d’une Europe qui sache être la maison avec la sympathie de celui qui apprécie tout
commune, où chacun puisse être accueilli, où nul élément positif, mais qui, en même temps, ne
ne fasse l’objet de discrimination, où tous soient ferme pas les yeux sur ce qui n’est pas en harmo-
traités et vivent de façon responsable comme nie avec l’Évangile et qui le dénonce avec force !
membres d’une seule grande famille. 105. Église en Europe, accueille chaque jour
103. Pour sa part, l’Église est appelée à avec une fraîcheur renouvelée le don de la charité
« continuer son action pour créer et améliorer que le Seigneur t’offre et dont il te rend capable !
sans cesse ses services d’accueil et ses attentions Apprends de lui le contenu et la mesure de
pastorales à l’égard des immigrés et des réfugiés » l’amour ! Et sois l’Église des Béatitudes, continuel-
(165), pour faire en sorte que soient respectées lement conformée au Christ (cf. Mt 5, 1-12).
leur dignité et leur liberté, et que soit favorisée Libre de toute entrave et de toute dépendance,
leur intégration. sois pauvre et amie des plus pauvres, accueillante
On veillera en particulier à assurer une assis- envers toute personne et attentive à toute forme
tance pastorale à l’intégration des immigrés catho- de pauvreté, qu’elle soit ancienne ou nouvelle !
liques, en respectant leur culture et l’originalité de Continuellement purifiée par la bonté du Père,
leurs traditions religieuses. À cette fin, il est bon reconnais dans l’attitude de Jésus, qui a toujours
de favoriser les contacts entres les Églises d’origine défendu la vérité tout en se montrant miséricor-
des immigrés et celles qui les accueillent, en vue dieux envers les pécheurs, la norme suprême de
d’étudier des formes d’aide qui peuvent également ton action.
prévoir la présence, parmi les immigrés, de prêtres,
de personnes consacrées et d’agents pastoraux, (166) Cf. Congrégation pour les Évêques, Instr. Nemo est (22 août
convenablement formés, provenant de leur pays. 1969), 16: AAS 61 (1969), p. 621-622; la documentation catholique 67
(1970), p. 62; CIC, can. 294 et 518; CCEO, can. 280 § 1.
(167) Cf. Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale pour
l’Europe, Message final, 5: l’Osservatore Romano, 23 octobre 1999, p. 6;
(165) Proposition 34. la documentation catholique 96 (1999), p. 957-958.
En Jésus, à la naissance duquel la paix fut Dieu, toute prête, comme une fiancée parée pour
annoncée (cf. Lc 2, 14), en lui qui dans sa mort a son époux » (Ap 21, 2) et qui se réfère directe-
abattu toute inimitié (cf. Ep 2, 14) et qui a donné ment au mystère de l’Église. C’est une image qui
la paix véritable (cf. Jn 14, 27), sois un artisan de parle d’une réalité eschatologique : elle va au-delà
paix, invitant tes fils à laisser purifier leur cœur de tout ce que l’homme peut faire ; elle est un don
de toute hostilité, égoïsme ou esprit partisan, favo- de Dieu qui s’accomplira dans les derniers temps.
risant en toute circonstance le dialogue et le Mais elle n’est pas une utopie : elle est une réalité
respect réciproques ! déjà présente. C’est ce qu’indique le verbe au
En Jésus, justice de Dieu, ne te lasse jamais de présent utilisé par Dieu – « Voici que je fais toutes
dénoncer toute forme d’injustice ! En vivant dans choses nouvelles » (Ap 21, 5) – avec la précision
le monde avec les valeurs du Règne qui vient, tu qui suit : « Tout est réalisé désormais » (Ap 21, 6).
seras l’Église de la charité, tu apporteras ton indis- Car Dieu est déjà en train d’agir pour renouveler
pensable contribution à l’édification en Europe le monde ; la Pâque de Jésus est déjà la nouveauté
d’une civilisation toujours plus digne de l’homme. de Dieu. Elle fait naître l’Église, elle en anime
l’existence, elle renouvelle et transforme l’histoire.
107. Cette nouveauté commence à prendre
forme avant tout dans la communauté chrétienne,
qui est déjà aujourd’hui « la demeure de Dieu avec
les hommes » (cf. Ap 21, 3), au sein de laquelle
CHAPITRE VI Dieu est déjà à l’œuvre, renouvelant la vie de ceux
L’ÉVANGILE DE L’ESPÉRANCE qui se soumettent au souffle de l’Esprit. L’Église est
pour le monde signe et instrument du Royaume
POUR UNE EUROPE qui se réalise avant tout dans les cœurs. Un reflet
NOUVELLE de cette même nouveauté se manifeste aussi dans
toute forme de convivialité humaine animée par
« J’ai vu descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la l’Évangile. Il s’agit d’une nouveauté qui interroge
cité sainte, la Jérusalem nouvelle » (Ap 21, 2) la société à tout moment de l’histoire et en tout
point de la terre, particulièrement la société euro-
La nouveauté de Dieu dans l’histoire péenne qui, depuis de nombreux siècles, écoute
l’Évangile du Règne inauguré par Jésus.
106. L’Évangile de l’espérance qui résonne
dans l’Apocalypse ouvre le cœur à la contempla-
tion de la nouveauté opérée par Dieu : « Alors j’ai I. LA VOCATION SPIRITUELLE
vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le DE L’EUROPE
premier ciel et la première terre avaient disparu,
et il n’y avait plus de mer » (Ap 21, 1). C’est Dieu L’Europe promotrice des valeurs
lui-même qui proclame cette nouveauté avec des universelles
mots expliquant la vision qui vient d’être décrite :
« Voici que je fais toutes choses nouvelles » 108. L’histoire du continent européen est
(Ap 21, 5). marquée par l’influence vivifiante de l’Évangile.
La nouveauté de Dieu – pleinement compré- « Si nous tournons notre regard vers les siècles
hensible sur l’arrière-plan des choses du passé, passés, nous ne pouvons pas manquer de rendre
faites de larmes, de deuil, d’affliction et de mort grâce au Seigneur pour le fait que le christianisme
(cf. Ap 21, 4) – consiste à sortir de la condition a été pour notre continent un facteur primordial
du péché et de ses conséquences, dans laquelle se d’unité entre les peuples et les cultures et de promo-
trouve l’humanité ; c’est le ciel nouveau et la tion intégrale de l’homme et de ses droits » (168).
nouvelle terre, la Jérusalem nouvelle, par opposi- On ne peut certes pas douter que la foi chré-
tion à un ciel et à une terre anciens, à un antique tienne fait partie, de façon radicale et détermi-
ordre des choses et à une Jérusalem vétuste, tour- nante, des fondements de la culture européenne.
mentée par ses rivalités.
Il n’est pas indifférent pour la construction de (168) Jean-Paul II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la
deuxième Assemblée spéciale pour l’Europe du Synode des Évêques
la cité de l’homme d’utiliser l’image de la Jérusa- (23 octobre 1999), 5 : AAS 92 (2000), p. 179 ; la documentation
lem nouvelle qui descend « du ciel, d’auprès de catholique 96 (1999), p. 960.
Le christianisme a en effet donné sa forme à l’Eu- respect de tous, valorisant les particularités histo-
rope, y faisant pénétrer certaines valeurs fonda- riques et culturelles, les identités nationales et la
mentales. La modernité européenne elle-même, richesse des apports que pourront fournir les
qui a donné au monde l’idéal démocratique et les nouveaux membres (171). Dans le processus d’in-
droits humains, puise ses valeurs dans son héri- tégration du continent, il est capital de prendre en
tage chrétien. Plus qu’un espace géographique, cet compte le fait que l’Union n’aurait pas de consis-
héritage peut être qualifié de « concept majoritai- tance si elle était réduite à ses seules composantes
rement culturel et historique, caractérisant une géographiques et économiques, mais qu’elle doit
réalité née comme continent grâce, entre autres, avant tout consister en une harmonisation des
à la force unificatrice du christianisme ; celui-ci a valeurs appelées à s’exprimer dans le droit et dans
su fondre entre eux des peuples différents et des la vie.
cultures diverses, et il est intimement lié à la
culture européenne tout entière » (169). Promouvoir la solidarité
Cependant, au moment même où l’Europe et la paix dans le monde
d’aujourd’hui renforce et élargit son union écono-
mique et politique, elle semble aussi souffrir 111. Dire « Europe » doit vouloir dire « ouver-
d’une profonde crise de valeurs. Bien qu’elle ture ». Malgré les expériences et les signes
dispose de moyens accrus, elle donne l’impres- contraires qui d’ailleurs n’ont pas manqué, c’est
sion de manquer d’élan pour nourrir un projet son histoire même qui l’exige : « L’Europe n’est pas
commun et pour redonner à ses citoyens des vraiment un territoire clos ou isolé ; elle s’est
raisons d’espérer. construite en allant, au-delà des mers, à la
rencontre d’autres peuples, d’autres cultures,
Le nouveau visage de l’Europe d’autres civilisations » (172). C’est pourquoi l’Eu-
rope doit être un continent ouvert et accueillant qui
109. Dans le processus de transformation continue à pratiquer, dans l’actuelle mondialisa-
qu’elle vit actuellement, l’Europe est appelée avant tion, des formes de coopération non seulement
tout à retrouver sa véritable identité. En effet, bien économique, mais également sociale et culturelle.
qu’elle soit parvenue à constituer une réalité forte- Il y a une exigence à laquelle le continent doit
ment diversifiée, elle doit édifier un nouveau répondre de manière positive pour que son visage
modèle d’unité dans la diversité, une communauté soit véritablement nouveau : « L’Europe ne saurait
de nations réconciliées, ouverte aux autres conti- se replier sur elle-même. Elle ne peut ni ne doit
nents et engagée dans le processus actuel de se désintéresser du reste du monde ; elle doit au
mondialisation. contraire garder pleine conscience que d’autres
Pour donner un nouvel élan à son histoire, elle pays, d’autres continents, attendent d’elle des
doit « reconnaître et retrouver, dans une fidélité initiatives audacieuses, pour offrir aux peuples les
créatrice, les valeurs fondamentales à l’acquisition plus pauvres les moyens de leur développement
desquelles le christianisme a apporté une contri- et de leur organisation sociale, et pour édifier un
bution déterminante, et qui peuvent se résumer monde plus juste et plus fraternel » (173). Pour
dans l’affirmation de la dignité transcendante de réaliser une telle mission de manière appropriée,
la personne, de la valeur de la raison, de la liberté, il sera nécessaire « de repenser la coopération inter-
de la démocratie, de l’état de droit et de la distinc- nationale en termes de nouvelle culture de solidarité.
tion entre politique et religion » (170). Considérée comme ferment de paix, la coopéra-
110. L’Union européenne continue à s’élargir. tion ne peut pas se réduire à l’aide et à l’assistance,
Tous les peuples qui partagent le même héritage surtout quand on envisage en retour de tirer profit
fondamental ont pour vocation d’en faire partie à des ressources mises à disposition. Au contraire,
plus ou moins longue échéance. Il faut souhaiter elle doit exprimer un engagement concret et
que, en plus d’assurer une mise en œuvre plus tangible de solidarité qui vise à faire des pauvres
affermie des principes de subsidiarité et de soli-
darité, une telle expansion se réalise dans le (171) Cf. ibid.; cf. aussi Proposition 28.
(172) Jean-Paul II, Lettre au cardinal Miloslav Vlk, Président du Conseil des
Conférences épiscopales d’Europe (CCEE) (16 octobre 2000), 7 :
Insegnamenti XXIII/2, p. 628; la documentation catholique 97 (2000),
(169) Proposition 39. p. 960.
(170) Ibid. (173) Ibid.
citoyens, en notant que de telles valeurs consti- sont les bases sur lesquelles repose la maison
tuent avant tout le patrimoine des divers corps commune européenne ; [...] affrontez, en toute
sociaux. Il est important que les Institutions et justice et équité, et avec un grand sens de la soli-
les États reconnaissent que, parmi ces corps darité, le phénomène croissant des migrations,
sociaux, il y a aussi les Églises et Communautés faisant en sorte qu’elles soient une nouvelle
ecclésiales, ainsi que les autres organisations ressource pour l’avenir européen ; faites tous vos
religieuses. À plus forte raison, quand elles exis- efforts pour qu’aux jeunes soit garanti un avenir
tent déjà avant la fondation des nations euro- vraiment humain, par le travail, la culture, l’édu-
péennes, elles ne sont pas réductibles à de cation aux valeurs morales et spirituelles » (182).
simples entités privées, mais elles agissent avec
un poids institutionnel spécifique, qui mérite L’Église pour la nouvelle Europe
d’être sérieusement pris en considération. Dans
le déroulement de leurs activités, les différentes 116. L’Europe a besoin d’une dimension reli-
Institutions étatiques ou européennes doivent gieuse. Pour être « nouvelle », à la manière de ce
agir en sachant que leurs systèmes juridiques ne qui est dit de la « cité nouvelle » de l’Apocalypse
seront pleinement respectueux de la démocratie (cf. 21, 2), elle doit se laisser rejoindre par l’action
que s’ils prévoient des formes de « saine collabo- de Dieu. L’espérance de construire un monde plus
ration » (180) avec les Églises et les Organisations juste et plus digne de l’homme ne peut en effet
religieuses. faire abstraction de la prise de conscience que les
À la lumière de ce qui vient d’être souligné, je efforts humains ne conduiraient à rien s’ils
voudrais m’adresser encore une fois aux rédac- n’étaient pas accompagnés par le soutien divin, car,
teurs du futur traité constitutionnel de l’Europe, « si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs
pour que, dans ce dernier, figure une référence travaillent en vain » (Ps 127 [126], 1). Pour que
au patrimoine religieux et spécialement chrétien l’Europe puisse être édifiée sur des bases solides,
de l’Europe. Dans le plein respect de la laïcité des il est nécessaire de s’appuyer sur les valeurs
Institutions, je souhaite par-dessus tout que authentiques, qui ont leur fondement dans la loi
soient reconnus trois aspects complémentaires : morale universelle, inscrite dans le cœur de tout
le droit des Églises et des communautés reli- homme. « Non seulement les chrétiens peuvent
gieuses de s’organiser librement, en conformité s’unir à tous les hommes de bonne volonté pour
avec leurs propres statuts et leurs propres convic- travailler à la construction de ce grand projet, mais
tions ; le respect de l’identité spécifique des plus encore ils sont invités à en être en quelque
Confessions religieuses et le fait de prévoir un sorte l’âme, en montrant le véritable sens de l’or-
dialogue structuré entre l’Union européenne et ganisation de la cité terrestre » (183).
ces mêmes Confessions ; le respect du statut juri- Une et universelle, tout en étant présente dans
dique dont les Églises et les institutions reli- la multiplicité des Églises particulières, l’Église
gieuses jouissent déjà en vertu des législations catholique peut offrir une contribution unique à
des États membres de l’Union (181). l’édification d’une Europe ouverte au monde. De
115. Les Institutions européennes ont pour l’Église en effet se dégage un modèle d’unité essen-
but déclaré la défense des droits de la personne tielle dans la diversité des expressions culturelles,
humaine. Par cet engagement, elles contribuent la conscience d’appartenir à une communauté
à construire l’Europe des valeurs et du droit. Les universelle qui s’enracine dans les communautés
Pères synodaux ont fait appel aux responsables locales mais ne s’épuise pas en elle, le sens de ce
européens, leur disant : « Élevez la voix quand qui unit au-delà de ce qui distingue (184).
sont violés les droits humains des individus, des
minorités et des peuples, à commencer par le
droit à la liberté religieuse ; réservez la plus (182) Synode des Évêques – Deuxième Assemblée spéciale pour
grande attention à tout ce qui regarde la vie l’Europe, Message final, 6: l’Osservatore Romano, 23 octobre 1999, p. 5;
humaine de sa conception jusqu’à sa mort natu- la documentation catholique 96 (1999), p. 958.
(183) Jean-Paul II, Lettre au cardinal Miloslav Vlk, Président du Conseil
relle, et la famille fondée sur le mariage : telles des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE) (16 octobre 2000), 4:
Insegnamenti XXIII/2, p. 626; la documentation catholique 97 (2000),
(180) Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, 76. p. 960.
(181) Cf. Jean-Paul II, Discours au Corps diplomatique (13 janvier 2003), (184) Cf. Synode des Évêques – Première Assemblée spéciale pour
5: l’Osservatore Romano, 13-14 janvier 2003, p. 6: la documentation l’Europe, Déclaration finale (13 décembre 1991), 10: Ench. Vat., 13,
catholique 100 (2003), p. 120. n. 669; la documentation catholique 89 (1992), p. 130-131.
117. Dans ses relations avec les pouvoirs Conférences épiscopales nationales, l’accroisse-
publics, l’Église ne demande pas un retour à des ment de la collaboration œcuménique entre les
formes d’État confessionnel. Mais en même chrétiens, l’élimination des obstacles qui mena-
temps, elle déplore tout type de laïcisme idéolo- cent l’avenir de la paix et le progrès des peuples,
gique ou de séparation hostile entre les institu- le renforcement de la collégialité affective et
tions civiles et les confessions religieuses. effective et de la “communio” hiérarchique »
Pour sa part, dans la logique d’une saine colla- (187). De même, il faut reconnaître le service de
boration entre communauté ecclésiale et société poli- la Commission des Épiscopats de la Communauté
tique, l’Église catholique est convaincue de pouvoir européenne (COMECE) qui, suivant le processus
apporter une contribution spécifique à la perspec- de consolidation et d’élargissement de l’Union
tive de l’unification, offrant aux institutions euro- européenne, favorise l’information mutuelle et
péennes, en continuité avec sa tradition et en coordonne les initiatives pastorales des Églises
harmonie avec les directives de sa doctrine d’Europe concernées.
sociale, la présence de communautés de croyants 119. Le renforcement de l’Union au sein du
qui cherchent à réaliser l’humanisation de la continent européen incite les chrétiens à coopé-
société à partir de l’Évangile vécu sous le signe de rer au processus d’intégration et de réconciliation
l’espérance. Dans cette optique, il est nécessaire à travers un dialogue théologique, spirituel,
que des chrétiens, convenablement formés et éthique et social (188). En effet, « dans l’Europe
compétents, soient présents dans les diverses en marche vers l’unité politique, pouvons-nous
instances et Institutions européennes, pour admettre que ce soit précisément l’Église du
concourir, dans le respect des justes dynamismes Christ qui soit un facteur de désunion et de
démocratiques et à travers une confrontation des discorde ? Ne serait-ce pas là un des plus grands
propositions, à définir une convivialité euro- scandales de notre temps ? » (189).
péenne toujours plus respectueuse de tout
homme et de toute femme, et donc conforme au À partir de l’Évangile,
bien commun. un nouvel élan pour l’Europe
118. L’Europe qui est en train de se construire
comme « union » pousse aussi les chrétiens vers 120. L’Europe a besoin d’un saut qualitatif dans
l’unité pour qu’ils soient de vrais témoins d’espé- la prise de conscience de son héritage spirituel. Un
rance. Dans ce cadre, il faut poursuivre et déve- tel élan ne peut lui venir que d’une écoute renou-
lopper cet échange de dons, qui a revêtu ces velée de l’Évangile du Christ. Il appartient à tous
dernières années des expressions significatives. les chrétiens de s’employer à satisfaire cette faim
Réalisé entre communautés ayant des histoires et et cette soif de vie.
des traditions diverses, il incite à nouer des liens C’est pourquoi « l’Église éprouve le devoir de
plus durables entre les Églises des divers pays et renouveler avec vigueur le message d’espérance
il conduit à leur enrichissement mutuel, à travers qui lui a été confié par Dieu » et elle répète à l’Eu-
rencontres, confrontations et aides réciproques. Il rope : « “Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le
faut en particulier mettre en valeur la contribu- héros qui apporte le salut” (So 3, 17). Son invitation
tion de la tradition culturelle et spirituelle offerte à l’espérance ne se fonde pas sur une idéologie
par les Églises catholiques orientales (185). utopiste. [...] C’est, au contraire, le message éter-
Un rôle important pour la croissance de cette nel du salut proclamé par le Christ (cf. Mc 1, 15).
unité peut être joué par les organismes continentaux Avec l’autorité qui lui vient de son Seigneur, l’Église
de communion ecclésiale, qui attendent d’être ulté- répète à l’Europe d’aujourd’hui : Europe du troi-
rieurement encouragés (186). Parmi ceux-ci, il sième millénaire, “que tes mains ne défaillent pas !”
convient d’attribuer un rôle particulier au Conseil (So 3, 16) ; ne cède pas au découragement, ne te
des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE) dont
la mission est, au niveau de tout le continent,
d’« assurer la promotion d’une communion (187) Jean-Paul II, Discours au Conseil des Conférences épiscopales
d’Europe (16 avril 1993), 5: AAS 86 (1994), p. 229; la documentation
toujours plus intense entre les diocèses et les catholique 90 (1993), p. 502.
(188) Cf. Proposition 39d.
(189) Jean-Paul II, Homélie durant la célébration œcuménique à l’occa-
sion de l’Assemblée spéciale pour l’Europe du Synode des Évêques
(185) Cf. Proposition 22. (7 décembre 1991), 6: Insegnamenti XIV/2, p. 1330; la documentation
(186) Cf. ibid. catholique, 89 (1992), p. 81
“dur combat contre les puissances des ténèbres” intercède pour nous
qui se déroule à travers toute l’histoire des qui œuvrons dans l’histoire,
hommes. Et par cette identification ecclésiale avec avec la certitude
la “femme enveloppée de soleil” (Ap 12, 1), on que le dessein du Père s’accomplira.
peut dire que “l’Église, en la personne de la bien-
heureuse Vierge, atteint déjà la perfection qui la Aurore d’un monde nouveau,
fait sans tache ni ride” » (192). montre-toi la Mère de l’espérance
124. L’Église entière regarde donc Marie. Grâce et veille sur nous !
aux multiples sanctuaires mariaux disséminés Veille sur l’Église en Europe :
dans toutes les nations du continent, la dévotion qu’elle soit transparente à l’Évangile ;
à Marie est très vivante et fort répandue parmi les qu’elle soit un authentique lieu de communion ;
peuples européens. qu’elle vive sa mission
Église en Europe, continue à contempler Marie, d’annoncer, de célébrer et de servir
et reconnais qu’elle apporte « sa présence et son l’Évangile de l’espérance
assistance maternelles dans les problèmes pour la paix et la joie de tous.
multiples et complexes qui accompagnent aujour-
d’hui la vie des personnes, des familles et des Reine de la paix,
nations » et qu’elle vient au secours « du peuple protège l’humanité du troisième millénaire !
chrétien dans la lutte incessante entre le bien et le Veille sur tous les chrétiens :
mal, afin qu’il « ne tombe pas » ou, s’il est tombé, qu’ils avancent dans la confiance
qu’il « se relève » » (193). sur le chemin de l’unité,
comme un ferment
Prière à Marie, Mère de l’espérance pour la concorde sur le continent.
Veille sur les jeunes, espérance de l’avenir,
125. Dans cette contemplation, animée par un qu’ils répondent généreusement à l’appel de Jésus ;
amour authentique, Marie nous apparaît comme veille sur les responsables des nations :
la figure de l’Église qui, nourrie par l’espérance, qu’ils s’emploient à édifier une maison commune,
reconnaît l’action salvifique et miséricordieuse de dans laquelle soient respectés
Dieu, à la lumière duquel elle lit son propre la dignité et les droits de chacun.
chemin et toute l’histoire. Elle nous aide à inter-
préter, aujourd’hui encore, nos itinéraires en réfé- Marie, donne-nous Jésus !
rence à son Fils Jésus. Créature nouvelle modelée Fais que nous le suivions et que nous l’aimions !
par l’Esprit Saint, Marie fait croître en nous la vertu C’est lui l’espérance de l’Église,
de l’espérance. de l’Europe et de l’humanité.
À Elle, Mère de l’espérance et de la consolation, C’est lui qui vit avec nous, au milieu de nous,
nous adressons avec confiance notre prière : nous lui dans son Église.
confions l’avenir de l’Église en Europe et l’avenir Avec toi, nous disons
de toutes les femmes et tous les hommes de ce « Viens, Seigneur Jésus ! » (Ap 22, 20) :
continent : Que l’espérance de la gloire
déposée par Lui en nos cœurs
Marie, Mère de l’espérance, porte des fruits de justice et de paix !
marche avec nous !
Apprends-nous à proclamer le Dieu vivant ; Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 28 juin
Aide-nous à témoigner de Jésus, l’unique Sauveur ; 2003, vigile de la solennité des saints apôtres
rends-nous serviables envers notre prochain, Pierre et Paul, en la vingt-cinquième année de
accueillants envers ceux qui sont dans le besoin, mon pontificat.
artisans de justice,
bâtisseurs passionnés d’un monde plus juste ; JEAN-PAUL II
(192) Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris Mater (25 mars 1987), 47: AAS
79 (1987), p. 426; la documentation catholique 84 (1987), p. 404.
(193) Ibid., 52: AAS, l.c., p. 432; la Documentation catholique, l.c.,
p. 406; Cf. Proposition 40.
L’Évangile, source de vie C’est avec joie que, ce soir, je signe et je rends
publique l’Exhortation apostolique Ecclesia in
pour l’Europe Europa, qui recueille et met en forme ce qui est
apparu au cours de cette importante assemblée
synodale.
La brève lecture biblique que nous avons
Homélie pour la signature de entendue – le début de la Lettre aux Romains –
inscrit ce geste dans la perspective plus authen-
l’Exhortation Ecclesia in Europa tique et vaste de la mission évangélisatrice de
l’Église, modelée sur celle des Apôtres. Les trois
caractéristiques par lesquelles saint Paul se définit
Le samedi 28 juin à 19 h 00, en la basilique devant la communauté chrétienne de Rome
Saint-Pierre de Rome, le Pape Jean-Paul II, peuvent, en particulier, s’appliquer au sens large à
entouré des cardinaux Jan Pieter Schotte, Paul toute l’Église, qui est, précisément, la servante de
Poupard, Antonio María Rouco Varela et Zenon Jésus Christ, apostolique par vocation et choisie
Grocholewski, a signé et rendu publique pour annoncer l’Évangile de Dieu (cf. Rm 1, 1).
l’Exhortation apostolique post-synodale J’exprime ma plus vive et cordiale reconnais-
« Ecclesia in Europa ». La délégation du sance au cardinal Jan Pieter Schotte et au Secréta-
Patriarcat œcuménique de Constantinople, riat général du Synode des Évêques, ainsi qu’à tous
conduite par l’Archevêque d’Amérique ceux qui ont coopéré au déroulement de l’Assem-
Dimitrios, a participé à la célébration des blée synodale pour l’Europe de 1999, fournissant
Premières Vêpres de la solennité des saints ainsi les bases pour ce Document. Je salue les cardi-
Pierre et Paul. À cette occasion, le Pape a naux, les archevêques et les évêques présents, ainsi
prononcé l’homélie. En voici le texte (*) : que les prêtres, les religieux, les religieuses et les
laïcs réunis pour cette solennelle célébration.
J’étends mon salut fraternel également à la déléga-
1. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. tion envoyée par le Patriarche œcuménique, Sa
Bienheureux toi, Simon : le Père te l’a révélé » Sainteté Bartholomeos Ier, et guidée par le vénéré
(Antienne 1). Avec cette Antienne s’ouvre la psal- Archevêque d’Amérique Dimitrios. Nous sommes
modie des Premières Vêpres de la solennité des réconfortés par la conscience qu’eux aussi parta-
saints apôtres Pierre et Paul. Ces paroles nous gent les mêmes préoccupations que nous pour la
ramènent au dialogue entre Jésus et Simon Pierre, sauvegarde et la promotion des valeurs morales
près de Césarée de Philippe. Elles retentissent dans la nouvelle Europe.
constamment dans cette basilique : elles sont
comme gravées dans les pierres, dans les Les racines chrétiennes de l’Europe,
mosaïques et, surtout, dans ce lieu central appelé principale garantie de son avenir
« Confession ».
Tu es le Christ ! – répète ce soir le Successeur 3. « Jésus Christ, vivant dans son Église ». Le
de Pierre avec ses frères évêques, avec les prêtres fait que le Christ soit vivant dans son Église
et le peuple chrétien de l’Europe et de chaque lieu ressort de l’histoire bimillénaire du christianisme.
de la terre. Il proclame cette vérité fondamentale De la rive orientale de la Méditerranée, le message
de la foi chrétienne avec vigueur et une joie évangélique se diffusa en rayonnant à travers l’em-
profonde. Seul le Christ est le Rédempteur de pire romain, pour ensuite se greffer sur les
l’homme, seul le Christ est notre espérance. multiples ramifications ethniques et culturelles
2. « Jésus Christ, vivant dans son Église, présentes sur le continent européen. À toutes
source d’espérance pour l’Europe ». Tel était le celles-ci, l’Église – précisément appelée « catho-
thème de la deuxième Assemblée spéciale pour lique » – a transmis le message unique et univer-
l’Europe du Synode des Évêques, qui s’est dérou- sel du Christ.
lée au Vatican du 1er au 23 octobre 1999. La « Bonne Nouvelle » a été et continue d’être
source de vie pour l’Europe. S’il est vrai que le
christianisme ne peut être réduit à aucune culture
(*) Texte original italien dans l’Osservatore Romano des 30 juin-
1er juillet. Version française de la Salle de presse du Saint-Siège revue en particulier, mais qu’il dialogue avec chacune
par la DC. Titre et sous-titre de la DC. afin de les orienter toutes à exprimer le meilleur
décrite comme une épouse qui va célébrer ses Luca : Opere esegetiche X/II, Milan-Rome 1978,
noces. p. 289).
Le symbolisme sponsal, qui apparaît avec force Et, dans une autre œuvre, il continue :
dans ce passage (cf. v. 4-5), est, dans la Bible, une « L’Église est belle. Aussi le Verbe de Dieu lui dit-
des images les plus intenses pour exalter le lien il : “Tu es toute belle, mon amie, et il n’y a en toi
d’intimité et le pacte d’amour qui existent entre le aucun motif de blâme” (Cantique des Cantiques, 4,
Seigneur et le peuple élu. Sa beauté, faite de 7), car la faute a été engloutie… Aussi le Seigneur
« salut », de « justice » et de « gloire » (cf. v. 1- Jésus – poussé par le désir d’un amour si grand,
2), sera si merveilleuse qu’elle pourra être « une par la beauté de ses habits et de sa grâce, puisque
couronne de splendeur dans la main du désormais, chez ceux qui ont été purifiés, il n’y a
Seigneur » (cf. v. 3). plus aucune souillure due à la faute – dit à
L’élément décisif sera le changement de nom, l’Église : “Mets-moi comme un sceau sur ton
comme cela se produit même de nos jours quand cœur, comme un sceau sur ton bras” (Cantique des
la jeune fille se marie. Prendre un « nom nouveau » Cantiques, 8, 6), c’est-à-dire : tu es toute parée,
(cf. Is 62, 2), cela signifie presque assumer une mon âme, tu es toute belle, rien ne te manque !
identité nouvelle, entreprendre une mission, chan- “Mets-moi comme un sceau sur ton cœur”, pour
ger radicalement de vie (cf. Gn 32, 25-33). qu’ainsi ta foi resplendisse dans la plénitude du
4. Le nom nouveau que prendra « l’épouse sacrement. Qu’elles aussi, tes œuvres reflètent et
Jérusalem », dont le destin est de représenter tout montrent l’image de Dieu : tu as été faite à son
le peuple de Dieu, est illustré par le contraste que image » (I misteri, n. 49. 41 : Opere dogmatiche, III,
spécifie le Prophète : « Personne ne t’appellera Milan-Rome 1982, p. 156-157). ■
plus : “l’Abandonnée”, on ne dira plus de ta terre :
“la Dévastée”, mais on t’appellera : “Celle en qui
je prends plaisir”, et ta terre sera : “l’Épousée” »
Le 40e anniversaire
(Is 62, 4). Aux noms qui indiquaient la situation
précédente d’abandon et de désolation, c’est-à-dire
la dévastation de la ville par les Babyloniens et le
drame de l’exil, se substituent maintenant les
noms de la re-naissance, et ce sont des termes
de l’élection de Paul VI
d’amour et de tendresse, de fête et de bonheur.
Toute l’attention se concentre alors sur l’époux.
Et voici la grande surprise : le Seigneur lui-même
Audience générale du 25 juin (*)
assigne à Sion son nouveau nom nuptial.
Merveilleuse, surtout, est la déclaration finale qui 1. Le passage de l’Évangile de saint Jean (Jn 21,
résume le thème du chant d’amour que le peuple 15-17), que nous venons d’entendre, nous a
a entonné : « En effet, comme le jeune homme proposé une nouvelle fois une scène évangélique
épouse une vierge, ainsi ton Créateur t’épousera ; suggestive. Le Fils de Dieu confie à Pierre son
comme l’époux se réjouit de son épouse, ton Dieu troupeau, l’Église, et il avait déjà assuré précé-
sera enthousiasmé pour toi » (v. 5). demment à ce sujet que les portes de l’enfer ne
5. Le chant ne célèbre plus les noces d’un roi et prévaudraient pas contre elle (cf. Mt 16, 17-18).
d’une reine, mais l’amour profond qui unit pour Jésus fait précéder cette « remise » de l’Église à
toujours Dieu et Jérusalem. En son épouse Pierre d’une demande d’amour : « Simon, fils de
terrestre, qu’est la nation sainte, le Seigneur trouve Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » (Jn 21, 15).
ce même bonheur dont le mari fait l’expérience Une question inquiétante qui, répétée par trois
avec la femme qu’il aime. Au Dieu distant et trans- fois, ramène notre pensée au triple reniement de
cendant, juste juge, succède désormais le Dieu l’Apôtre. Mais celui-ci, malgré son amère expé-
proche et amoureux. Ce symbolisme nuptial rience, proteste humblement : « Seigneur, tu sais
passera dans le Nouveau Testament (cf. Ep 5, 21- tout ; tu sais bien que je t’aime » (Jn 21, 17).
32) et sera repris et développé par les Pères de L’amour est le secret de la mission de Pierre !
l’Église. Par exemple, saint Ambroise rappelle que, L’amour est aussi le secret de tous ceux qui sont
dans cette perspective, « le mari est le Christ, la
femme est l’Église, épouse par amour, vierge par (*) Texte italien dans l’Osservatore Romano du 26 juin. Traduction et
sa pureté intacte » (Esposizione del Vangelo secondo titre de la DC.
appelés à imiter le Bon Pasteur dans leur 4. Riche est son magistère, qui a visé en
conduite du Peuple de Dieu. « Officium amoris grande partie à éduquer les croyants au sens de
pascere dominicum gregem », « c’est une tâche l’Église.
d’amour que de faire paître le troupeau du Parmi ses nombreuses interventions, je me
Seigneur », aimait dire Paul VI, faisant sienne une limiterai à rappeler, outre l’Encyclique
expression bien connue de saint Augustin. programme de son pontificat Ecclesiam suam,
2. « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que l’émouvante profession de foi connue sous le
ceux-ci ? ». Combien de fois mon vénéré Prédé- nom de Credo du Peuple de Dieu, prononcée avec
cesseur, le serviteur de Dieu Paul VI, que nous force sur la Place Saint-Pierre le 30 juin 1968.
rappelons aujourd’hui, aura-t-il entendu retentir Comment taire encore ses prises de position
dans son esprit ces paroles de Jésus ? Quarante courageuses pour la défense de la vie humaine
années se sont écoulées depuis son élection au avec l’Encyclique Humanae vitae, et en faveur des
Siège de Pierre, le 21 juin 1963, et vingt-cinq ans peuples en voie de développement avec l’Ency-
depuis sa mort, le 6 août 1978. Depuis sa clique Populorum progressio, pour construire une
jeunesse, il avait travaillé au service direct du société plus juste et plus solidaire ?
Siège apostolique, aux côtés de Pie XI. Il fut Il y a aussi les réflexions personnelles qu’il
pendant une longue période un des collaborateurs avait l’habitude de noter durant ses retraites spiri-
les plus fidèles et les plus précieux de Pie XII. tuelles, quand il « se retirait » avec lui-même,
Il fut le successeur immédiat du bienheureux comme « dans la cellule du cœur ». Il méditait
Jean XXIII, que j’ai eu la joie d’élever aux souvent sur la place à laquelle Dieu l’avait appelé
honneurs des autels il y a trois ans. Son ministère pour le service de l’Église « toujours aimée », dans
de Pasteur universel de l’Église dura quinze ans l’esprit de la vocation de Pierre. « Dans cette
et fut surtout marqué par le Concile Vatican II et méditation – notait-il au cours d’une de ces
par une grande ouverture aux exigences de retraites –, personne ne pourrait être plus engagé
l’époque moderne. que moi-même… Pour la comprendre, pour la
J’ai eu moi aussi la joie de prendre part aux vivre ! Seigneur, quelle réalité, quel mystère !…
travaux conciliaires et de vivre la période de C’est une aventure où tout dépend du Christ »
l’après-Concile. J’ai pu personnellement appré- (Retraite, 5-13 août 1963 ; Meditazioni inedite, Éd.
cier les efforts que Paul VI ne cessait de déployer Studium).
pour le nécessaire « aggiornamento » de l’Église 5. Bien chers frères et sœurs, rendons grâce à
aux exigences de la nouvelle évangélisation. Dieu pour le don de ce Pontife, guide ferme et
Lorsque je lui ai succédé sur le Siège de Pierre, sage de l’Église. Dans l’homélie du 29 juin 1978,
j’ai eu soin de poursuivre l’action pastorale qu’il un peu plus d’un mois avant la conclusion de sa
avait commencée, m’inspirant de lui comme d’un laborieuse existence terrestre, Paul VI confiait :
Père et d’un Maître. « Devant les dangers que nous venons de
3. Apôtre fort et doux, Paul VI a aimé l’Église décrire… nous nous sentons poussés à aller vers
et a travaillé à son unité et pour intensifier son le Christ, comme à l’unique salut, et à lui crier :
action missionnaire. Dans cette optique, on “Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de
comprend pleinement l’initiative innovatrice des la vie éternelle” (Jn 6, 68). Lui seul est la vérité,
voyages apostoliques, qui aujourd’hui fait partie lui seul est notre force, lui seul est notre salut.
intégrante du ministère du Successeur de Pierre. Réconfortés par lui, nous poursuivrons ensemble
Il voulait que la communauté ecclésiale notre chemin » (DC 1978, n. 1746, p. 656).
s’ouvre au monde, sans cependant céder à l’esprit À la lumière de l’éternelle destinée, nous
du monde. Avec une prudente sagesse, il a su comprenons mieux combien il est urgent d’aimer
résister à la tentation de « s’adapter » à la menta- le Christ et de servir son Église avec joie. Que
lité moderne, supportant avec force évangélique Marie nous obtienne cette grâce, elle que Paul VI,
les difficultés et les incompréhensions et, parfois par amour filial, voulut appeler Mère de l’Église.
même, l’hostilité. Même dans les moments les Et que la Vierge prenne dans ses bras celui qui fut
plus difficiles, il a fait en sorte que ne fasse pas son fils dévot, dans l’éternelle béatitude réservée
défaut au Peuple de Dieu sa parole éclairante. aux fidèles serviteurs de l’Évangile. ■
Vers la fin de ses jours, le monde entier a paru
redécouvrir sa grandeur et s’est serré autour de
lui avec émotion.
de l’homme et en propose une conception ouverte propagation (vous aurez reconnu l’enseignement
à sa dimension individuelle, sociale et transcen- du Catéchisme de l’Église catholique, n. 2315).
dante. c) La paix, toutefois, est beaucoup plus que
b) Un autre domaine d’action du Siège aposto- l’absence de conflits. Elle repose sur un ordre
lique est celui relatif à la promotion et à la défense social et international, fondé sur le droit et sur la
de la paix. justice.
Il est inutile de m’étendre sur la conviction Plus d’une fois, le Pape Jean-Paul II s’est écrié :
avec laquelle les Souverains Pontifes rejettent le « Il n’y a pas de paix sans justice ! ». Chaque pays
choix de la guerre comme solution aux contro- a le devoir d’assurer à ses citoyens la jouissance
verses entre les peuples. d’un certain nombre de besoins fondamentaux : la
À l’occasion de la récente crise irakienne, le nourriture, le travail, le logement, l’éducation.
Pape Jean-Paul II et ses collaborateurs ont rappelé Comme le rappelle le n. 76 de la Constitution
que tout État a le devoir de protéger son existence apostolique Gaudium et spes du Concile Vatican II:
et sa liberté, avec des moyens proportionnés, « Quant à l’Église, fondée dans l’amour du
contre un agresseur injuste. En dehors du cas de Rédempteur, elle contribue à étendre le règne de
la légitime défense qui justifie le recours aux la justice et de la charité à l’intérieur de chaque
armes, il faut toujours, pour résoudre les conten- nation et entre les nations ».
tieux, privilégier les instruments du dialogue et Le Saint-Siège est également convaincu que
de la médiation, comme l’arbitrage de tiers impar- tout pays a le devoir de respecter les principes
tiaux ou d’une autorité internationale, dotée de coutumiers du droit international et les conven-
pouvoirs suffisants. En effet, l’expérience a tions auxquelles il a librement adhéré. Sans droit,
démontré que la violence engendre la violence. non seulement il n’y a pas d’ordre, mais il n’y a
Vous vous souvenez sans doute de l’exclamation pas non plus de liberté ni de paix.
du Pape pendant la première Guerre du Golfe : Durant la crise irakienne, le Saint-Siège a déclaré
« La guerre est une aventure sans retour ! ». Ou qu’il n’adhérait pas au principe de la « guerre
encore, il y a quelques mois : « La guerre est préventive » – un concept imaginé pour l’occasion
toujours une défaite pour l’humanité ! ». – et a demandé le respect de la Charte des Nations
Le Saint-Siège a donc toujours encouragé les Unies, en particulier de son chapitre VII, qui
efforts visant à parvenir à un désarmement effec- énonce les critères de comportement, en cas de
tif, qui dépasse la dissuasion, fondée sur l’équi- menace ou d’agression à la paix.
libre de la terreur. Afin d’appuyer moralement La Communauté internationale, en effet, a
l’engagement dans cette direction, le Saint-Siège élaboré et codifié une série de droits et de devoirs
n’a pas hésité à signer le Traité de non-proliféra- qui constituent, désormais, une part du patrimoine
tion nucléaire de 1971 ; il a adhéré au Traité commun de l’humanité. Au prix d’immenses sacri-
contre la production, le développement et l’utili- fices, la Communauté internationale a acquis un
sation des armes chimiques, de 1993, et à celui corpus juridique consistant et détaillé qui, s’il avait
qui interdit les mines anti-personnel, de 1997. été appliqué ces dernières années, conformément à
Tout cela afin d’encourager une authentique l’adage antique « pacta sunt servanda », aurait épar-
culture de la paix. gné beaucoup de sang versé et aurait évité de
La conviction du Saint-Siège est que la puis- nombreuses crises internationales.
sance destructrice et les souffrances causées par Le Saint-Siège a toujours démontré le prix qu’il
des armes de ce type les rendent à ce point dange- attachait au droit international et a souvent colla-
reuses que leur utilisation provoque sans aucun boré à la rédaction de conventions qui, avec le
doute des dommages qui sont largement supé- temps, ont perfectionné celui-ci. Je pense, par
rieurs au mal qu’elles entendent éliminer. Il ne exemple, à des concepts tels que le devoir d’inter-
faut pas non plus oublier que la course aux arme- vention humanitaire ou les droits des minorités.
ments, loin d’éliminer les causes de guerre, risque En outre, les Papes n’ont jamais hésité à expri-
de les aggraver. L’emploi de richesses immenses mer leur estime pour l’Organisation des Nations
pour la mise au point d’armes toujours nouvelles Unies. Je pense à Pie XII, à Jean XXIII, mais
empêche de porter secours à des populations surtout, à Jean-Paul II qui, lors de sa dernière
démunies et fait obstacle au développement des visite, en 1995, à l’occasion du 50e anniversaire de
peuples. Le fait de s’armer à outrance multiplie les sa fondation, la définissait comme « le plus grand
causes de conflits et augmente le risque de leur des instruments de synthèse et de coordination de
du genre humain deviennent plus centraux dans parfois cruellement – à cause de leur croyance
leur dialogue. Comme le souligne le Rapporteur religieuse.
spécial, la qualité du dialogue interreligieux dans Un principe fondamental en ce qui concerne
notre culture contemporaine dépendra de la capa- la législation relative à la liberté religieuse dans les
cité des chefs religieux à « considérer leur propre sociétés pluralistes d’aujourd’hui établit que là où,
diversité comme une partie d’une authentique à cause des circonstances ou de l’histoire d’un
culture de pluralisme ». peuple particulier, une reconnaissance civile parti-
Les chefs religieux ont une responsabilité culière est accordée à une communauté religieuse
particulière dans la tâche de réaffirmer profondé- dans la constitution ou dans la législation d’un
ment – et, lorsque cela est possible, ensemble – État, le droit de tous les citoyens et de toutes les
que les tentatives visant à utiliser les sentiments communautés religieuses à la liberté religieuse
religieux pour engendrer la division, ou à utiliser doit être également reconnu et respecté (cf. Vati-
la religion comme une excuse à la violence et au can II, Déclaration sur la Liberté religieuse, 5).
terrorisme, ne peuvent se concilier avec un Personne ne devrait être considéré comme un
authentique esprit religieux. Une condition préa- citoyen de deuxième classe à cause de ses
lable de cette affirmation consistera à garantir que croyances religieuses. Chaque communauté reli-
les croyants évitent toute tentative de stéréotyper gieuse a droit à sa propre existence et à la recon-
ou de présenter de façon erronée les autres reli- naissance légale qui lui permet d’agir pleinement
gions et leurs croyances. Il faut faire attention à la dans n’importe quel pays. La législation devrait
façon dont les autres religions sont représentées être appliquée de façon équitable pour toutes les
dans les manuels scolaires et éducatifs. Les communautés religieuses. L’interprétation ou l’ap-
manuels actuels devraient être réexaminés – avec plication arbitraire de la législation est une viola-
la collaboration des représentants des religions tion du droit à la liberté religieuse.
concernées – et, si nécessaire, remplacés. Un cadre juridique de la liberté religieuse ne
devrait pas viser à encourager un contrôle des
Le droit à la liberté religieuse doit être organisations religieuses, mais plutôt à permettre
reconnu et respecté aux croyants la pleine et libre pratique de leur reli-
gion – soumise uniquement aux limitations fixées
Une responsabilité incombe également aux par l’article 1.3 de la Déclaration sur l’élimination
personnes ne professant aucune croyance reli- de toutes formes d’intolérance et de discrimina-
gieuse, en particulier celles qui assument une tion fondée sur la Religion et la Croyance – ainsi
responsabilité dans la vie publique et les mass- qu’à apporter leur contribution, en tant que
médias, qui doivent traiter les croyances reli- croyants, au bien commun de la société à laquelle
gieuses des autres avec respect et éviter les ils appartiennent et à conserver des institutions
stéréotypes ou les formes de banalisation de la caritatives et humanitaires appropriées (cf. ibid.,
croyance religieuse. Il n’y a pas de place dans une art. 6b).
culture de la tolérance pour des actes et des décla- Face aux tensions croissantes existant entre les
rations – qu’ils proviennent de croyants ou de divers groupes ethniques, il est de l’intérêt de tous
non-croyants – qui expriment un manque de que la liberté religieuse soit encouragée et que le
respect ou qui offensent ce qu’il y a de plus sacré dialogue entre les religions se développe dans l’in-
pour la conscience des fidèles et de leurs commu- térêt de toute la famille humaine. ■
nautés.
La responsabilité première du dialogue inter-
religieux revient, comme je l’ai souligné, aux chefs
religieux, mais les États ont la responsabilité de
garantir le cadre, la culture et la législation fonda-
mentaux au sein desquels un tel dialogue peut
avoir lieu, et d’assurer que la diversité et le plura-
lisme soient pleinement respectés, en particulier
en ce qui concerne les minorités religieuses.
Toutefois, comme l’a souligné le compte rendu du
Rapporteur, il existe encore des exemples dans le
monde d’aujourd’hui de peuples persécutés –
Faire participer les pauvres d’avoir sa part des bénéfices et des opportunités de
la mondialisation, en étant les protagonistes actifs
aux processus de décision des choix fondamentaux qui leur appartiennent en
tant que personnes. Il faut lutter contre les
qui les concernent pratiques qui empêchent les femmes de jouer un
rôle actif dans la société, et de jouir de la même
protection légale que les hommes.
Intervention de Mgr Diarmuid Martin Une approche de la lutte contre la pauvreté
fondée sur les droits de l’homme à l’ère de la
à la 59e session de la Commission des mondialisation doit se concentrer sur la personne,
Droits de l’Homme des Nations Unies comme le rappelle le Pape Jean-Paul II (Centesi-
mus annus, 40) (DC 1991, n. 2029, p. 538.
Du 17 mars au 25 avril, s’est tenue à Genève NDLR), dans le cadre des « besoins qualitatifs qui
la 59e session de la Commission des Droits ne peuvent être satisfaits par les mécanismes du
de l’Homme des Nations Unies. Lors du débat marché uniquement ». A cet égard, il est utile de
sur les droits économiques, sociaux et culturels, rappeler que lorsque la Déclaration universelle des
l’Observateur permanent du Saint-Siège auprès Droits de l’Homme parle de rémunération du
de cette organisation, Mgr Diarmuid Martin, travail (art. 23, 3) et de niveaux adéquats de vie
a prononcé le 7 avril un discours pour aborder (art. 25, 1), elle ne considère pas la personne
le thème de la pauvreté. En voici le texte (*) : uniquement comme un individu, mais dans le
cadre du réseau de besoins et de responsabilités
liés à sa famille.
MADAME LE PRÉSIDENT,
La pauvreté extrême,
Dans le cadre de l’ordre du jour, ma délégation affront aux droits de l’homme
souhaite évoquer le thème de la pauvreté extrême
dans le contexte de la mondialisation. Le fait que La pauvreté extrême est un affront à la dignité
la pauvreté extrême existe partout dans le monde humaine et une violation de facto des droits de
nous rappelle clairement que la mondialisation l’homme. Une approche fondée sur les droits de
sous sa forme actuelle – avec tous les bénéfices et l’homme doit souligner les responsabilités fonda-
opportunités qu’elle comporte – n’a pas conduit à mentales des États à fournir un cadre législatif et
un vaste système d’intégration. La concentration politique approprié, afin de promouvoir le déve-
et l’intensité de la pauvreté extrême dans certaines loppement humain pour tous. Les États doivent
régions du monde sont parmi les symboles les garantir une assistance afin que les besoins fonda-
plus puissants des inégalités inacceptables qui mentaux soient satisfaits et qu’un minimum de
existent encore dans le monde aujourd’hui. services soient disponibles. Mais cela ne suffit pas.
La notion d’intégration devrait représenter un Une approche de la lutte contre la pauvreté fondée
trait caractéristique d’une approche visant à sur les droits de l’homme doit être au premier
réduire la pauvreté fondée sur les droits de plan dans le passage de politiques d’assistance à
l’homme, une approche qui souligne l’indivisibi- des politiques visant à promouvoir la capacité
lité et l’universalité des droits de l’homme, en humaine, et à permettre à tous de réaliser le
plaçant la dignité intégrale de chaque personne potentiel que Dieu leur a donné.
humaine et l’unité de la famille humaine en son Pour y parvenir, il est nécessaire que les
centre. personnes vivant dans la pauvreté participent
Une approche de la lutte contre la pauvreté directement aux processus de décisions politiques
fondée sur les droits de l’homme doit se distinguer qui les concernent, ainsi que leur famille. Ce n’est
en encourageant les politiques qui considèrent les probablement qu’en écoutant les pauvres que
personnes comme les sujets créatifs de leur vie. nous pouvons comprendre ce qu’est l’expérience
Chaque personne devrait avoir la possibilité de la pauvreté. Pour que les personnes vivant dans
la pauvreté soient des partenaires actifs dans la
lutte contre celle-ci, elles ont besoin avant tout
(*) Texte original en anglais dans l’Osservatore Romano du 12 avril.
Version française de la Salle de presse du Saint-Siège. Titre et sous-titre d’une voix, d’une reconnaissance, d’une sécurité
de la DC. et d’une intégration.
que la mémoire de tant de victimes innocentes et L’avenir de ces régions dépend également de
leur sacrifice ne seront pas vains, ils nous encou- vous ! Ne cherchez pas ailleurs une vie plus aisée,
rageront à édifier de nouvelles relations de frater- ne fuyez pas vos responsabilités en attendant que
nité et de compréhension. d’autres résolvent les problèmes, mais remédiez
de façon résolue au mal par la force du bien.
Ivan Merz, apôtre des jeunes Comme le bienheureux Ivan, recherchez la
rencontre personnelle avec le Christ qui éclaire la
3. Très chers frères et sœurs, que le juste, vie d’une lumière nouvelle. Que l’Évangile soit le
inondé par la lumière divine, devienne à son tour premier critère qui guide vos orientations et vos
la flamme qui resplendit et qui réchauffe. C’est ce choix ! Vous deviendrez ainsi missionnaires à
que nous enseigne aujourd’hui la figure du travers vos gestes et vos paroles et vous serez les
nouveau bienheureux Ivan Merz. signes de l’amour de Dieu, des témoins crédibles
Jeune homme brillant, il sut multiplier les de la présence miséricordieuse du Christ. N’ou-
riches talents naturels dont il était doté et il obtint bliez pas : « On n’allume pas une lampe pour la
de nombreux succès humains : sa vie peut être mettre sous le boisseau » (Mt 5, 15).
qualifiée de vie bien réussie. Mais la raison pour 6. Chers frères et sœurs qui participez avec
laquelle il est aujourd’hui inscrit dans l’Album des tant de ferveur à cette célébration, que la paix de
bienheureux n’est pas celle-ci. Ce qui l’introduit Dieu le Père, qui surpasse tout sentiment, garde
dans le chœur des bienheureux est son succès votre cœur et votre esprit dans la connaissance et
devant Dieu. La grande aspiration de toute sa vie, dans l’amour de Dieu et de son Fils, notre
en effet, a été celle de « ne jamais oublier Dieu, de Seigneur Jésus-Christ !
toujours désirer s’unir à Lui ». Dans chacune de C’est la prière et le souhait que, par l’interces-
ses activités, il rechercha « l’aspect sublime de la sion du bienheureux Ivan Merz, le Pape élève
connaissance du Christ Jésus » et il se laissa aujourd’hui pour vous et pour tous les peuples de
« conquérir » par lui (cf. Ph 3, 8.12). la Bosnie et Herzégovine. ■
4. Ivan Merz grandit à l’école de la liturgie,
source et sommet de la vie de l’Église (cf. Sacro-
sanctum Concilium, 10), jusqu’à la plénitude de la
maturité chrétienne et il devint l’un des promo-
teurs du renouveau liturgique dans sa patrie.
En participant à la Messe, en se nourrissant du
Conservez intègre votre
Corps du Christ et de la Parole de Dieu, il trouva
l’impulsion pour devenir l’apôtre des jeunes. Ce
foi, ferme votre espérance
n’est pas un hasard s’il choisit pour devise « Sacri-
fice-Eucharistie-Apostolat ». Conscient de la voca- Paroles à l’Angélus à Banja Luka
tion reçue dans le Baptême, il fit de son existence
une course vers la sainteté, « mesure élevée » de
la vie chrétienne (cf. Novo millennio ineunte, 31). Le dimanche 22 juin, en fin de matinée,
C’est pourquoi, comme l’affirme la première après la messe de béatification d’Ivan Merz
lecture : « Son souvenir ne s’effacera pas, son nom à Banja Luka (Bosnie et Herzégovine),
vivra de génération en génération » (Si 39, 9). le Pape Jean-Paul II a récité l’Angélus
5. Le nom d’Ivan Merz a représenté un avec les fidèles présents. Il a prononcé des
programme de vie et d’action pour toute une paroles à cette occasion. En voici le texte (*) :
génération de jeunes catholiques. Il doit continuer
à l’être aujourd’hui ! Très chers jeunes, votre patrie
et votre Église ont vécu des moments difficiles et 1. La tendre dévotion qu’il nourrissait à l’égard
à présent il faut œuvrer afin que la vie reprenne de la Mère du Seigneur et de l’Eucharistie fut un
pleinement à tous les niveaux. Je m’adresse donc soutien important dans la vie du bienheureux
à chacun de vous, en vous invitant à ne pas faire Ivan Merz.
marche arrière, à ne pas céder à la tentation du
découragement, mais à multiplier les initiatives
afin que la Bosnie et Herzégovine redevienne une (*) Texte original croate dans l’Osservatore Romano du 28 juin. Version
terre de réconciliation, de rencontre et de paix. française de la Salle de presse du Saint-Siège. Titre de la DC.
niveaux, afin que ma visite puisse avoir lieu. J’invoque sur vous tous les abondantes Béné-
J’adresse un dernier et cordial salut à toutes les dictions du Très-Haut, auquel je demande de
populations de ce bien-aimé pays, sans distinction susciter dans le cœur de chacun des sentiments
d’ethnie, de culture ou de religion. En recevant cet de pardon, de réconciliation, de fraternité. Telles
après-midi la visite de courtoisie des présidents sont les bases solides d’une société digne de
de la République serbe et de la Fédération de l’homme et acceptée de Dieu.
Bosnie et Herzégovine, puis des membres du Terre de Bosnie et Herzégovine, le Pape te
Conseil interreligieux, j’aurai présents à l’esprit porte dans son cœur et te souhaite des jours de
tous les habitants de ce pays. prospérité et de paix ! ■
LA DOCUMENTATION CATHOLIQUE, éditée Responsable administratif et financier : Yolande PRIX DU NUMÉRO : France 4,50 €. Éditrice responsable pour le Canada:
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La liberté religieuse et les prérogatives essentielle. En outre, nous nous interrogeons sur
des États la signification de la référence aux « responsabi-
lités à l’égard de la Terre » qui, écrite ainsi, laisse-
L’incorporation de la Charte des Droits fonda- rait entendre qu’elle est, en quelque sorte,
mentaux en tant que deuxième partie de la personnifiée. De même, nous nous interrogeons
Constitution est un autre pas important vers un sur la référence à l’Europe comme « espace privi-
renforcement de la protection des droits des légié de l’espérance humaine », qui paraît relever
citoyens au niveau de l’Union. Néanmoins, nous d’une conception trop eurocentrique. Nous conti-
désirons souligner à nouveau quelques lacunes nuons également à croire qu’une référence à Dieu
importantes dans le texte de la Charte, particuliè- serait appropriée dans ce texte constitutionnel
rement en ce qui concerne le clonage, le mariage comme garantie de la liberté et de la dignité de la
et la famille, ainsi que la liberté religieuse (1). personne humaine. Nous pensons que ce complé-
Ainsi, apprécions-nous le fait que la Charte ne ment est nécessaire et qu’il pourrait être ajouté
s’applique qu’aux politiques et actions de l’Union sans discriminer personne.
et donc qu’elle respecte les prérogatives des États La Convention a fait évoluer le débat sur l’ave-
membres, lorsqu’ils ont à légiférer dans ces nir de l’Europe. Nous appelons les Chefs d’État et
domaines délicats. de Gouvernement et la prochaine Conférence
Le projet de Titre VI de la Constitution sur la Intergouvernementale à faire en sorte que les
vie démocratique de l’Union devrait aider les progrès accomplis par la Convention ne soient pas
citoyens à participer plus activement au proces- remis en cause.
sus démocratique européen en reconnaissant la
dimension horizontale de la subsidiarité ainsi que Le 19 juin 2003
sa dimension verticale : à savoir, que les différents
acteurs de la société civile ont différentes compé- Le Comité exécutif de la COMECE
tences et caractéristiques et que celles-ci doivent
être prises en compte dans le processus démocra-
tique. La complexité grandissante de la société
moderne rend impératif le besoin d’une nouvelle
approche à la participation démocratique.
Nous nous réjouissons surtout de la présence
de l’Article 51 qui garantit le respect du statut des
Églises et communautés religieuses dans les États
membres, basé sur leurs différentes traditions
constitutionnelles. La disposition prévoyant un
dialogue ouvert, transparent et régulier reflète la
contribution spécifique des Églises et commu-
nautés religieuses, distinctes de l’autorité sécu-
lière, au service de la société européenne dans son
ensemble.
Le projet final du préambule est une amélio-
ration de la proposition originale faite par le Prési-
dium de la Convention. En supprimant les
références aux civilisations helléniques et
romaines et aux Lumières, l’impair historique
consistant à omettre le Christianisme a été réparé.
À notre avis, cependant, une référence inclusive à
la contribution du Christianisme, sans lequel l’Eu-
rope ne serait ce qu’elle est aujourd’hui, reste