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s10 28, Les yeace fertles Par-dela Jes murs de nos nuits Par-dela Phorizon de nos baisers Le rire contagicux des hyénes Pouvait bien ronger les vieux os Des étres qui vivent un par un Nous jouions au soleil 4 la pluie a la mer A qavoir qu’un regard quan ciel et qu’une nie Les nétres. » L'evidence poétique (3937) ances prononcée & Londres, le 24 juin 1936, a tion de l' Exposition surrialifle, organiste par Roland 00, om temps ef yenu ol tous les pottes ont le droit ‘devolr de soutenir quis somt'profancemen er dans Ta vie des autres hommes, dane Ta ic une. Tommet de tout, ou, je sas, is ont toujours esigus-uns 3 ots corer cate baliera, ay ¢ ils n’y étaient pas, ils n’ont pas su nous dite y pleut, qu'il y fait nuit, qu’on y grelotte, et gees mesos Pomme de on lorable, qu'on y gurde, quion doity garde ok de Filme bease qu'on y. ented ie ‘de boue, des paroles de mr Ad commer Ue conime ile pur queue peut fe, pour qui voit, le malheur défait® et refait sans cease de banal, vulgure, insupportble, imporsivie, n'y a pas de grandeur pour qui veut grancif, pus de modlle pour Qui eherche'ce Soil ns js vu. Nout sommes! tous sur le mene rang Tes autres. aat des contidi@ions que dans un but égali- la poésic, malheureuse de plaice quand elle ae it Welle-méme, s'applique, depuis. tovjours, les persécutions de toutes sortes, a refuser de 54 29, Llévidece peti servie un ordre qui n'est pas le sien, une gloire ine | Sirable et les avantages divers accordés au confor ime 6p ee non ] 5] _ Poésie pure? La force absolue de la poésie purle} 1 gr ie Hommes, tous lx hommes, Ecoutone ae teeamont |e La poise doit tire faite par tone. Nad par wn'» Toutes les tours? d'ivoire setont démoliet) qoutes es paroles seront sactées et Phomme, #tanl enfin aceordé a la réalité, qui est sienne, n’aura plul] qu’ fermer les yeux® pour que s’ouvrent les portes dl | Hervelleur. 2, Liévidence pottique ss elle ne confond jamais ce qui sera avec ce qui Ta verte se dit tes vite, sans réléchi, tout ent, et Ia tristesse, Ia fureur’, Ia gravité, Ta joie i sont que changements de temps, que ciels sé- potte est celui qui inspire bien plus que celui est inspiré?. Les potmes ont toujours de grandes s blanches, de geandes marges de silence 08 la ire ardente se consume pour recréer un délire passé. Leur principale qualité est non pas, je le te, d'invoquer, mais d'inspirer. Tant de poemes fur sans objet réuniront, un beau jour, des ts?. On réve sur un potme comme on réve sue etre. La compréhension, comme le désis, comme ine, est faite de rapports entre la chose A com- ¢ et les autres, comprises ou incomprises*, Yes Pespoir ot le désespoir qui déterminera pour cut évellé — pour le poeie — 'adion de son ination. Qu’ formule cet espoir ou ce désespoir rapports avec le monde changeront immédiate- t, Tout est au poste objet a sensations® et, par juent, & sentiments. Tout le concret devient Yaliment de son imagination et Vespoir, le poi passent, avec les sensations et les senti- ts, au concret®, ‘2, pour micux toucher un public, jusqu’d ce hypothe, annonce cate epnereane sous Te taba poésie surréaliste Paurais préféré :« V6 poétique ». Car sila poésie dont je parle 3 par des mots, on he sauraie contester quraucun Pexpression Tui soit refusé, Le susréalisme état d’eeprit. Vous en avez une preuve sensation par cette exposition de peinture, qui groupe de 80 exposants, de toutes nationalités. sagtemps ravelés au rang de scribes, les peintres it des pommes et devenaient des virtuosest. vvanité, qui es immense, les a presque toujours a Vinsaller devant ‘une image, devant un freomme devant un mur, pour ie tepéter. Ils t pas faim eux-mémes. Les peintres sur- , qui sont des poétes, pensent toujours A autre om Ue], Te pain ft plus ute que la pote, Mais moun ‘au sens complet, humain du mot, Pamour-passion n'est pas plus utile! que la poésie®. L’homme, en | plegant au sommet de Péchele des eres, ne pe Fie la valeur de ses sentiments, si peu produdits antisociaux qu’ils paraissent. « I! at, dit Feuerbach, ter mines sis git Veninal, mais chet ll le venation ‘an Tien d'itre relative, subordonnde aus besoins infériea ae [a vie, devient un re absolu, son propre but, sa prope Jonissance.» C’e& ici que Yon retrouve la’ nécessitt ‘Lthomme a besoin d'avoir constamment conscienet de sa suprématie sur la nature, pour s’en protéget, | pour la vaincre. [2] Ta, jeune homme, Ia nostalgic de son enfane — homme, la nosalgie de son adolescence — viel lard, Tamettume d'avoir vécu. Les images du putt sont faites d'un objet 4 oublier et d'un objet Am souvenir, Il projette avec ennui ses prophéties dang Te passé, Tout ce qu’il crée disparait avec Phomma] wil €tait hier. Demain’, il connaitra du nouveay Mais sjoure’hui manque'3 ce present universe, [5] Liimagination n’a pas Pinstiné dimitation. lla eft la source et Ie torrent qu'on ne remonte pih Cres de ce sommeil vivant que le jour naft et meutl a tout ingant, Elle et univers sins. sociation Punivers qui ne fait pas partie @’un plus grand ua vor, Puntvers sans dies, ulaghelle he ment fama 29, Libidewe postigue a7 1é pendant trente années, il mourut dans un de fous, plus Iucide et plus pur quaucun homme fron temps, En 1789, celui qui a bien mésité d’étre par isin le ‘Divin Marquis appeat de Ia lle le peuple au secours des prisonniers; en 1795, wué pourtant corps et Ame a la Revolution, bre dc la sedtion des Piques, il se dressat contre la e de mort, il réprouvait les crimes que l'on commet ston il demeure ahés devant le nouveau cle, ide I Etre Supréme que Robespierre fait célébrer; ext confrontef som gente 4 cel! de tout un peuple lier dela liberté. A peine sorti de prison, il envoie ‘Premier Consu, le premier exemplaice dun libelle re Lui. fade a voulu redonner 4 homme civilisé la force es instindts primitifs, il a voulu déliveer Vimagi- fn amoueuse de ses propres objets. Ila cru que Hla, ct de IA sewement, naitrat la veritable égalite®, ‘verti portant son bonheut en clle-méme, il’es rau fiom de tout ce qui soufire, de Pabaisser’, P Vhumilier, de lui imposer la loi supreme du heus, contre toute illusion, contre tout mensonge, quelle puisse aider tous ceux quelle réprouve fice un mnde ala taille immense de Phomme. ‘morale cheétienne, avec laquelle il faut souvent, éscspoir et honte, ’avouer quion n’est pas pres finir, ex une galére. Contee elle, tous les appétits ‘corps imaginaat sinsurgent. Combien faudre-til re hurler, se démenct, pleurer avant que les ret de Parsoue deviennent ler fgnres de la facilis, fa lberté> ‘Ecoutez la tristesse de Sade : « C’eff une chase tris frente que aie on que de jours la presve en of qu'on ous les jours sans joui, ef qu'on jonit encore plas sans dimer.» TE il constate + « Les jauissances ‘ont done des charms, elles penvent done en avoir plas Yontes autres; ob! il nen tit pas ainsi, contment int tant de vwillards, tant de gens on contrefaits ox ae defante? Ths sont bien ors qu'on ne les aime pas, eriains. quil off impossible gion partage ce gu'ils ants en ont-ile mins de solupte?» 516 29. L'évidence poétigue chose. L’insolite leur est families, la préméditation incoaaue, Ils savent que les rapports entre les chosey A peine établis, s'effacent pour en laisser intervenlt autres, aussi fogitifs. Ils savent que tien ne se décrlt sullisamment, que rien ne se reproduit littéealement, Ils poursuivent tous le méme effort pour libérer Wt vision, pour joindre Pimagination 4 la nature, pout Tonsideler tout ce qui ef possible comme és, pout fous montrer_quil ny a pas de dualisme’ entce Pimagination et fa réalité, que tout ce que esprit de homme peut concevoir et eréer provient de la mene veine, est de la méme matiére que sa chair, que son sang’ et que le monde qui Pentoure. Tis saveat qu'il nya ricn d’autre que communication entre ce qul voit et ce qui es vu, effort de compréhension, de relation — parfois de détermination, de exéation. Voir Cest comprendre, juger, déformer, oublier ous’oubliet, écre ou disparaitre’ [5]. Ceux qf viennene ici pour rire ow gui sindignen, ceux qui, devant la poésie surréaliste, écrite ou peiate, pur eacher leu incompréhension, leur peur ov lt iaine, parlent de snobisme, sont les mémes que ceux qui torturaient Galilée,”brdlaicnt les livres le Rousseau, affamaient William Blake, condamnaicat Baudelaire, Swinburne et Flaubert, déclaraient que Goya ou Courbet ne savaient pas peindre, sifflaient Wagner et Strawinsky, emprisonnaient Sade, Ils 1 réclament de la sageste, du bon sens, de Pordre, pour mieux satisfaire leurs ignobles appétits, pout Inieux exploiter les hommes, pour les empécher de se libérer, pour micux les avilir et les détruite par Pignorance, par la misére et par la guerre’, ay [1] Dans la vicille maison du nord de la France qu’ha~ bitent ls adtuels comtes de Sade, Patbre généalogique qui est peint sur un des murs de la salle A manger fa qu'une feuille morte, celle de Donatien-Alphonse- Frangois de Sade, qui fut emprisonné par Louis XV, par Louis XVI, pat la Convention et par Napoléon, 518 (1 2g. Litvidence pottiqne Et Sade, justifiant les hommes qui portent Ja sin- gularité dans les choses de Yamour, s'éleve contre fous ceux qui ne le reconnaissent indispensable que pour perpétuer leur sale race + « Pédants, bowrreaas, Pticbeters, lgitlatenrs, racaille tonsurée, que ferex-v0us {4 Oo ‘quand nous en serons 1a? Que deviendront os lois, votre srarale, votre religion, vos potences, votre paradis, vos Diewx, oire enfor, quand il sera démoniré qué tel ou tel cours de iguenrs, telle sorte de fibres, tel degré a dreté dans, le ‘tang ou dans les esprits animaux: suffsent @ faire d'un homme l'objet de vox peines on de vos récompenses'?» ‘Ce& son parfait pessimisme qui lui donne la plus froide raison, La poésic suttéaliste, la poésie de tou- jours, n’a jamais obtenu rien d’autre. Ce sont des Yérites sombres qui apparzissent dans Teeuvre des ras pottes, mais ce sont des vérités ct presque tout Te reste est mensonge. Et qu’on n’essaye pas de nous accuser de contradidion quand nous disons cela, quion ne nous oppose pas notre matérialisme révo- Titionnaire, qu’on ne nous oppose pas que l'homme doit, dabord, manger. Les plus fous, les plus détachés Gu monde des poétes que nous aimons, ont peut tre temis la nourriture a sa place, mais cette place Gtait plus haute que toutes, parce que symbolique, parce que totale, Tout y était résorbé. On ne posséde aucun portrait du marquis de Sade’, Il eft significatif qu’on n’en posséde non plus aucun de Lautréamont. Le visage de ces deux écrivains fan~ fastiques et révolutiounaizes, les plus décespérément audacieux qui furent jamais, plonge dans la nuit des Ages. Sfis ont meng tous deux Ja lutte la. plus acharnée contre les artifices, qu’ils soient grossiers ou subtils, contre tous les pigges que nous tend cette fausse réa- lité besogneuse qui abaisse "homme. A la formule : « Vous ées ce que vous étes», pouvez étze autre chose ». Par leur violence, Sade et Lautréamont débarras- sent la solitude de tout ce dont elle se pare. Dans la Solitude, chaque objet, chaque étre, chaque connais- ils ont ajouté : « Vous 29, Liévidence pottique 519 1c, chaque image aussi, prémédite de retourner & réalité sans devenir, de ne plus avoir de secret ler, etre couvé tranquillement, inutilement par josphére qu'il crée Sade et Lautréamont, qui furent horriblement seuls, sont vengés en s’emparant du triste monde qui mnt ene enpans ede monde , de Veau, dans leurs mains Paride jouissance de Privation, mais aussi des armes, et dans leurs yeux colére. Vietimes meurtriéres, ils tépondent au calme va les couvrir ce cendres. iis brisent, ils imposent, tenient, ils saccaent. Les portes de amour et la haine sont ouvertes et livrent passage 2 la lence. Inhummaiae, elle tetra. Phomme, clebout, iment debout, et ne retiendra pas de ce dépot sur ‘terre la possibilité dune fin. L’homme sortira de ‘abris ef, face 4 la vaine disposition des charmes I des désenchantements, il s’enivsera de la force son délire. Il re sera’ plus alors un étranger, ai lui-méme, ni pour les autres. Le surréalisine, et un instrument de connaissance et par cela ¢ un instrument aussi bien de conquéte que de fense, travaille A mettre au jour la conscience fonde de Phomme. Le surréalisme travaille & jontrer que Ia pensée est commune a tous; il Walle 4 réduire les différences qui existent entre hommes et, pour cela, il refuse de servir un ordre urde, ba sur Vingglté, sur la daperc, sur la ‘Que Phomme se découvee, quill se connaisse, et a2 sentira aussitdt capable de s’emparer de tous les iors dont il est presque entiérement privé, de tous ‘teésors aussi bien matériels que spirituels qu'il se, depuis tovjours, au prix des plus affreuses snces, pour un petit nombre de privilégiés gles et sourds 4 tout ce qui constitue Ia grandeur iL solitude des pottes, aujourd’hui, s’efface. Voici Mls sont des hommes parmi les hommes, voici lls ont des fees. 520 a9. Liévidence pottigue ow) [:]. Wy aun mot qui mrexalte, un mot que je a’ jamais entenda sans ressenti un, grand feigon, un grand espoir, le plus grand, celui de vaincre les pui Sinces de reine de mort qui accablent les homes, ce mot est: fraternisation. [En février 1927, Je peintee surréaliste Max Ernst et moi, nous étions sur le front, & un kilométre 3 eine Fun de Vautec. L’artilleur allemand Max Exnst Pombacdsit les tranchécs of, fantasia frangas, je montais In garde. Trois ans apr’s, nous étions les ‘meilleurs amis du monde et nous luttons ensemble, depuis, avec acharnement, pout la méme cause, celle de emancipation totale dé Phomme’. 3] En 192s, au moment de la guerre du Maroc, Max Ut penit setemait avec mol le mot ordre de fater: nisation du Parti communiste frangais. J'alfirme qu'il se mélait alors de ce qui le regardait, dans la mesure meme gull avait &é oblige dans mon sefeur, en 1917, de se méler de ce qui ne le regardait pas. Que 12 fous avaital &€ poseble, pendant la guess, de hous ditiger I'ua vers autre, en nous tendant la main, spontanément, violemment, contre notre enne- mi commun : PInternationale da profit. - {a} «0 sous qui dtes mes fréves parce que j'ai des enmemis 1» a dit Benjamin Pérct [5] Contre ces ennemis, méme aux bords extrémes du découragement, du pessimisme, nous n’avons jamais See completement eotle. Tout, daas la société aftnelte se dresse, & chacun de nos pas, pour nous humilier, pour nous contraindse, pour nous enchainet, pout hous faire retourner en astiére. Mais nous ne petdoas as de Vue que c'est parce que nous sommes Ic mal, je mal au sens ot Pentendait Engels, parce qu’avec tous nos semblables, nous concourons 2 la ruine de Ja bourgeoisie, & la ruine de son bien et de son beau. [6] | Crest ce bien, ces ce beau asservis aux idées de propriété, de famille, de religion, de pattie, que nous Eombattons ensembic. Les pottes dignes de ce nom fefusent, comme les prolétaires, d’étte exploités. La 29. Lievidence poétique yar ie véritable eft incluse dans tout ce qui ne se pas A cette morale qui, pour maintenir son , s0n prestige, ne sait construire que des ban- , des casernes, des prisons, des églises, des bor- i. La poésie veritable est incluse dans tout ce qui ichit "homme de ce bien épouvantable qui a le age de la mor: Belle ef, ausi bien dans Poruvre le, de Marx ou de Picasso que dans celle de baud, de Lautrésmont ou de Freud. Elle e& dans vention de la radio, dans Vexploit du Tebélions- , dans Ia révolution des Agturies*, dans les gréves France et de Belgique. Elle peut’ étze aussi bien la froide nécessité, celle de connaitre ou de max manger, cue dans le goit du merveilleux. uis plus de cent ans, les pottes sont descendus ‘tommets sur lesquels ils se croyaient. Ils sont allés les rues, ils ont insulté leurs maitres, ils n'ont 8 de dieus, ils osent embrasscr la beauté et Pamour Ja bouche, ils ont appris les chants de révolte de foule malheureuse et, sans se rcbuter, essaient de ‘apprendre les leurs, Peu leur importent les sarcasmes et les rites, ils font habitués, mais ils ont maintenant assurance ppatler pour tous, Ils ont leur conscience pour eux. Depuis, dans Ia merveillese défense du peuple espagnol! en cones ee ientt, duos sa vitoire ddintives 96 42. Charles Baudelaire La main yengeresse achevera-t-elle décrire, sur lov Tae de Pimmense prison, la phrase maudite qui let Fann ceouler? Mais {a lumiére faiblit. La phrase étalt ieterminable, Baudelaire ne voit plus les mots précicuy intermina le. Memes Te blessents Une fois de plus, I couse a prope in Ou des jugs avant 6s poet Ia aac css, Bante oh mt De Paatre cbté des murs, la nuit recommence & gémit, «Jen congois tre (mon certean seraitil 10 mirnie ensoroelt?) 1m type de Beauté on il ty ait du Malbear.» Ce gout du Malhcur fait de Baudelaire un poéte émincin b made de jour en jour, jusqu’a devenir synonyiié Monscienve, ce gout fatal est a vertu surnaturclle Baudelaire. Ce mircir ensoreelé ne stembue pas. St profondear préfere les ténébres tissées de larmcs et Re peuss, de reves et d’étoiles aux lamentables coniéyet Gee mains du jour, des satisfats noyés dans leur sourlr@ gat, Tout ce quis'y refléte profite de Pétrange unite gue les ombres dune vie infiniment soucieuse

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