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QUÉBEC
7, 8 ET 9 OCTOBRE 2015
8 octobre 2015
11 h 15 – 12 h
1100, BOUL. RENÉ-LÉVESQUE OUEST, BUREAU 660, MONTRÉAL (QUÉBEC) H3B 4N4 – COURRIEL : apff@apff.org
TÉLÉPHONE : (514) 866-2733 ou 1 877 866-2733 – TÉLÉCOPIEUR : (514) 866-0113 ou 1 877 866-0113
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION............................................................................................................. 1
1. DIFFÉRENCES D’UN POINT DE VUE LÉGAL ET FISCAL
DES DIVERS TYPES DE REGROUPEMENT ................................................. 3
1.1. D’un point de vue légal, qu’est-ce qu’une société de personnes? .................. 3
1.1.1 Rappel des conditions d’existence d’une société de personnes ................ 4
1.1.2 Les types de sociétés de personnes ......................................................... 10
1.2 D’un point de vue légal, qu’est-ce qu’une « société nominale ou
de dépenses » ou « groupe de partage de dépenses » ? ............................... 13
1.2.1 Rappel des conditions d’existence d’un groupe de partage
de dépenses ............................................................................................. 13
1.2.2 Contrat de partage de dépenses ............................................................... 14
1.2.3 L’immatriculation au registre des entreprises
(ci-après désigné « REQ ») ..................................................................... 16
1.3 Du point de vue fiscal, qu’est-ce qu’une société de personnes? ................... 19
1.3.1 Imposition du revenu ............................................................................... 20
1.3.2 Obligation de produire une déclaration de renseignements .................... 20
1.3.3 TPS et TVQ ............................................................................................. 22
INTRODUCTION
Bien que les discussions concernant la constitution en société par actions des
professionnels remontent à des décennies 1, ce n’est qu’au tournant du présent siècle que
l’exercice d’une profession en société a été permis au Québec. En juin 2001, l’Assemblée
nationale du Québec a adopté le projet de loi 169 2 modifiant le Code des professions 3
afin de permettre aux ordres professionnels d’adopter des règlements et d’autoriser leurs
membres à exercer leurs activités professionnelles au sein d’une société en nom collectif
à responsabilité limitée (« SENCRL ») ou d’une société par actions. En 2003, les
comptables, suivis en 2004 par les avocats, se sont prévalus les premiers des nouvelles
dispositions du Code des professions et depuis, de nombreux autres professionnels leur
ont emboîté le pas, notamment les médecins lors de l’entrée en vigueur du Règlement sur
l’exercice de la profession médicale en société 4 en mars 2007.
Ces changements ont entraîné une véritable révolution dans l’organisation des
groupes de professionnels. Les structures plus sophistiquées utilisées pour exploiter
collégialement une entreprise professionnelle tout en permettant à chacun des associés
1
À ce sujet, voir le texte de Valérie MÉNARD, « L’exercice de la médecine en société par actions au
Québec – un tour d’horizon civil et fiscal » (2012), vol. 32, no 1 Revue de planification fiscale et
successorale 63-128.
2
Projet de loi 169, loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives concernant
l’exercice des activités professionnelles au sein d’une société, 2e session, 36e législature, 2001.
3
Code des professions, L.R.Q., c. C-26
4
R.R.Q., c. M-9, r. 21 (« Règlement sur l’exercice de la profession médicale »).
1
souhaitant incorporer ses activités professionnelles de bénéficier de la déduction pour
petite entreprise sans devoir partager son plafond des affaires avec ses associés ont été
analysées au fil des années et ne feront pas l’objet du présent texte 5. Toutefois, les
impacts sur l’incorporation des professionnels de l’augmentation du taux d’imposition du
Québec de 8 % à 11,8 %, pour les années d’imposition débutant après le 31 décembre
2016, des PME des secteurs des services et de la construction n’ayant pas plus de trois
employés ne pourront être passés sous silence. Nous en profiterons d’ailleurs pour
commenter l’impact du Budget provincial du 26 mars 2015 et du Budget fédéral du 21
avril 2015 sur le concept de l’intégration.
Nous analyserons d’abord les différences d’un point de vue juridique et fiscal des
divers types de regroupement généralement utilisés par les professionnels lorsqu’ils
choisissent d’exercer ensemble leur profession en vue de partager principalement leurs
dépenses.
Les considérations pratiques seront également abordées, par exemple les impacts
relatifs aux taxes à la consommation ou lors de l’embauche d’employés. Lorsque toutes
les parties impliquées n’effectuent pas des fournitures taxables 6 et ne sont, par
conséquent, pas en mesure de réclamer des CTI/RTI, la nécessité de facturer de la TPS et
de la TVQ lors du partage de frais devient un élément supplémentaire qui doit être pris en
compte dans l’équation. On rencontre cette situation notamment au sein des groupes de
médecins ou de dentistes souhaitant partager les frais liés à l’exploitation d’une clinique.
Le 1er janvier 2001, l’énoncé de politique sur la TPS/TVH P-238 « Application de la
TPS/TVH aux paiements effectués entre les parties au sein d’un organisme d’exercice de
la médecine » entrait en vigueur 7. Cette politique avait pour objectif de clarifier
5
À ce sujet, voir le texte de Valérie MÉNARD et Pierre-Philippe TACHÉ, « Structures des sociétés
utilisées par les professionnels et permettant la multiplication du plafond des affaires » dans Congrès
2012, Montréal, Association de planification fiscale et financière, 2013
6
Il pourrait s’agir, par exemple des services de consultation, de diagnostic ou de traitement ou d’autres
services de santé à l’exclusion des services chirurgicaux ou dentaires exécutés à des fins esthétiques
plutôt que médicales ou restauratrices, rendus par un médecin à un particulier. Ces fournitures sont
exonérées selon l’article 5 de la partie II de l’annexe V de la LTA.
7
AGENCE DU REVENU DU CANADA, Énoncé de politique sur la TPS/TVH P-238 « Application de
la TPS/TVH aux paiements effectués entre les parties au sein d’un organisme d’exercice de la
médecine », 1er janvier 2001
2
l’application de la TPS/TVH aux paiements effectués au sein d’un organisme d’exercice
de la médecine en ce qui concerne les frais d’exploitation de cet organisme et demeure
une référence en la matière 8.
1. Différences d’un point de vue légal et fiscal des divers types de regroupement
Ce contrat peut être écrit ou verbal, mais il est essentiel à la formation d’une société.
Les parties au contrat peuvent être des personnes physiques, des sociétés de personnes,
des sociétés par actions ou des patrimoines d’affectation. Dépendamment des objectifs
des différents associés d’une société de personnes et des objectifs de cette société, il est
possible que certains associés soient des personnes physiques pendant que d’autres
associés sont d’autres types de personnes telles des sociétés par actions. Nous verrons
d’ailleurs différentes structures présentant différentes possibilités dans la section portant
sur les considérations pratiques des différents regroupements.
8
Revenu Québec a également publié une nouvelle fiscale visant à rappeler le traitement des taxes
applicable aux paiements effectués entre des médecins ou des praticiens qui rendent des services de
santé exonérés au sein d’un organisme d’exercice de la médecine. Voir REVENU QUÉBEC, Nouvelle
fiscale « Services facturés entre médecins ou praticiens », 16 août 2011.
9
L.Q. 1991 c. 64 Code civil du Québec, ci-après désigné « Code civil » ou « C.c.Q. », article 2186.
3
L’objectif du présent texte étant de permettre d’évaluer quel type de regroupement
peut s’appliquer dans différentes situations, nous présenterons les exigences légales
propres à chacune des structures en nous concentrant sur celles d’entre elles qui nous
semblent représenter les pierres d’achoppement que nous rencontrons en pratique dans
les cas de regroupement de professionnels. Nous nous permettrons, en toute humilité,
certaines recommandations aux praticiens désirant exercer en ce domaine, lesquelles sont
issues de cas pratiques que nous avons rencontrés. Pour les personnes désirant consulter
des ouvrages plus exhaustifs sur les aspects légaux et exigences légales applicables aux
différents types de sociétés, il existe des textes intéressants publiés par d’excellents
auteurs 10.
o un esprit de collaboration;
o un apport (une contribution par la mise en commun de biens, de
connaissances ou d’activités);
o Le partage des bénéfices pécuniaires.
Ces trois critères ont été analysés par la jurisprudence à plusieurs occasions,
notamment dans la décision Cimon c. Arès 11 rendue par la Cour d’appel en 2005. Cette
cause est d’autant plus intéressante qu’elle vise un regroupement de professionnels.
Ainsi, les parties sont ici trois dentistes qui exercent leur profession dans la même
clinique dentaire. Nous y référerons à plusieurs reprises dans notre analyse qui suit.
10
Michelle THÉRIAULT, L’exercice de la profession d’avocats avec d’autres, 8e édition 2012, Barreau
du Québec, 191 pages; Bernard LAROCHELLE, Mis à jour par Charlaine BOUCHARD, Contrat de
société et d’association, 3e éd., coll. Répertoire de droit / Nouvelle série, Montréal, Chambre des
notaires du Québec / Wilson Lafleur, 2012, 136 pages; Nabil N. ANTAKI et Charlaine BOUCHARD,
Droit et pratique de l’entreprise 3e édition, t.1 Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, 775 pages.
11
Cimon c. Arès, Cour d’appel, 2005 QCCA 9, J.E. 2005-201 (C.A.).
4
subjectif, et si aucun contrat écrit n’existe entre les parties, il faut rechercher cette
intention en analysant les faits. Dans l’arrêt Beaudoin-Daigneault 12, il est précisé de
quelle façon cet élément doit être apprécié. Ainsi, « Il faut rechercher, pour s’assurer
qu’il y ait affectio societatis, s’il résulte des faits qu’il y a un ensemble de présomptions
interdisant toute contestation sérieuse encore bien que chacun d’entre eux pris isolément
puisse laisser place au doute ».
Cet élément semble le plus important selon la jurisprudence, pour déterminer s’il
y a ou non une société qui a été formée. Ainsi, dans l’affaire Cimon c. Arès, il est
mentionné que « [...] les parties ont certes voulu exercer leur profession dans le même
centre dentaire et elles ont discuté de la possibilité de signer un contrat [...] ». Les juges
en concluent cependant que le fait d’avoir discuté et d’avoir négocié en vue de former
une société ne suffit pas pour démontrer l’existence d’un esprit de collaboration, non plus
que le fait que les parties se soient présentées publiquement comme des associés et aient
immatriculé leur centre dentaire au Registre des entreprises (ci-après désigné
« REQ ») 1314.
Un élément dans cette affaire vient appuyer la thèse à l’effet qu’aucune société
n’avait été formée, soit la preuve par témoignage non contredite que les dentistes qui
avaient procédé à l’ouverture de la clinique avaient toujours maintenu que pour former
une société, ils exigeraient de Dr Arès une somme de 10 000 $ pour compenser leurs frais
et efforts investis au moment de l’ouverture de la clinique.
12
Beaudoin-Daigneault c. Richard, [1984] 1 R.C.S. 2, p.16.
13
Cimon c. Arès, précité, note 11, par. 54.
14
Ces derniers éléments risquent cependant d’engager la responsabilité des parties face aux tiers. Nous
abordons cette question lorsque nous traitons de l’immatriculation au REQ des sociétés nominales ou
des groupes de partage de dépenses.
15
Charlaine BOUCHARD, Alerte à la société tacite !, éd. 15 mai 2009, Journal L’Entracte, Volume 18,
no 4.
5
6
1.1.1.2 L’apport
L’apport peut se faire en argent, en biens, en connaissances ou en activités 16. Les
connaissances et compétences de chacun des associés et le temps que chacun consacrera
à son travail constituent généralement l’apport de chacun des associés pour une société
formée de professionnels 17. Cela rend la notion d’apport relativement flexible dans son
application pratique. Par contre, il y a un lien entre l’apport sur lequel les associés se sont
entendus et le partage pécuniaire à intervenir.
16
Articles 2198 al. 2, 2199 et 2200 C.c.Q..
17
Michelle THÉRIAULT, Précité, note 10, p.21.
18
Nabil N. ANTAKI et Charlaine BOUCHARD, précité, note 10, p.420-421.
19
Cimon c. Arès, Cour d’appel, 2005 QCCA 9, J.E. 2005-201 (C.A.).
7
1.1.1.3.1 Économie, par opposition à bénéfice pécuniaire
Nous savons, depuis l’arrivée de l’article 2186 C.c.Q., qu’une simple économie
n’est pas un bénéfice pécuniaire 20. Les autorités fiscales ont également considéré que des
revenus de sous-location touchés par des médecins qui avaient signé une convention de
partage de dépenses communes n’avaient pas pour effet de créer une société de personnes
entre eux. Dans le cas analysé, les revenus de sous-location étaient inférieurs au montant
des dépenses d’exploitation du centre médical 21.
20
Ibid; Commentaires du ministre de la Justice, art. 2186, Publications du Québec, 1993 pp 1376-1377.
21
REVENU QUÉBEC, lettre d’interprétation 98-0105035, 21 juillet 1998. Cette lettre d’interprétation fait
l’objet d’une analyse plus poussée à la Partie II A du présent texte.
8
nets (après paiement des frais de laboratoire, de fournitures de matériaux, etc.) que la
clinique perçoit pour des traitements qu’il exécute. Nous sommes d’avis que cette
situation représente un partage pécuniaire de bénéfices et que ce regroupement forme une
société de personnes.
Nous retrouvons une situation un peu différente dans l’affaire Cimon c. Arès 22 où
un dentiste qui n’était pas membre du groupe détenant les biens et le bail de la clinique, à
la suite d’une entente avec ces derniers, utilisait tout de même les locaux, de
l’équipement, du personnel et de certaines fournitures de la clinique au cours de plages
horaires pendant lesquelles aucun des trois autres dentistes n’en avait besoin. Ce dentiste
facturait personnellement ses patients et en contrepartie des services qu’il recevait du
groupe, ce dentiste versait le tiers de ses revenus mensuels provenant des patients qu’il
traitait à cette clinique à titre de « loyer ». Les juges concluent ainsi leur analyse de la
situation : « La preuve démontre que ces contributions mensuelles de Sweeney aux
dépenses sont déposées dans le compte conjoint. Il n’a jamais été convenu que ces
sommes seraient redistribuées aux parties; elles devaient constituer un fonds de réserve
pour les dépenses éventuelles [...] ». Si nous comparons les deux situations, nous pouvons
conclure qu’une entente où un tiers paie un loyer ou contribue aux dépenses du groupe en
contrepartie d’une utilisation des biens du groupe, dans la mesure où aucune distribution
de revenus n’est faite aux membres, constitue une économie et non pas un partage de
bénéfices pécuniaires. Par conséquent, et c’est ce que les juges ont conclu dans cette
dernière situation, ce regroupement n’était pas une société de personnes.
Dans les GMF, chacun des médecins membres du groupe conserve normalement
les honoraires professionnels générés par ses activités médicales. Par contre, le groupe
reçoit des subventions du gouvernement l’aidant à payer certaines dépenses, tel le salaire
22
Cimon c. Arès, Cour d’appel, 2005 QCCA 9, J.E. 2005-201 (C.A.).
9
d’employés, d’infirmières, d’équipement informatique, etc. 23. Les subventions versées
peuvent atteindre des sommes assez importantes. Dans certains cas, cela représente
plusieurs centaines de milliers de dollars. Les dépenses payées par ces subventions, par
exemple l’embauche d’une infirmière, ont pour effet de générer certains revenus pour la
clinique. En plus de ces revenus de subventions, des frais peuvent également être facturés
par la clinique pour certains services, de même que des revenus de sous-location qui
seront payés par des médecins non membres du groupe. Tous ces revenus se trouvent à
partager entre les membres du groupe qui s’attendent à ce que ces revenus augmentent au
fil des ans.
Bien que ces revenus puissent faire l’objet d’une réduction des frais mensuels
assumés par les médecins du groupe plutôt qu’une remise en argent, du moins pour les
quelques années suivant le démarrage d’un GMF, il ne s’agit pas de simples revenus de
location. Les médecins de ces groupes allient leurs efforts afin d’en faire des
organisations efficaces et rentables. Souvent, ils doivent emprunter au moment du
démarrage et font des apports en argent en plus de consacrer des efforts importants à
l’organisation du GMF et au recrutement d’autres professionnels qui offriront leurs
services au sein du GMF sans en être « associés ».
Nous croyons qu’il s’agit d’un partage des bénéfices pécuniaires et que ce
regroupement forme une société de personnes. D’ailleurs, les médecins associés auraient
tout intérêt à faire les démarches requises afin que leur société bénéficie d’une
responsabilité, puisqu’il y a des risques que leur société soit poursuivie pour des actes
posés par des employés ou autres professionnels qui offriront leurs services au sein du
GMF. Nous verrons dans la prochaine section ce que cela implique.
23
Dans certains cas, des subventions peuvent également être versées par certaines municipalités ou des
organisations locales soucieuses de voir s’implanter de nouvelles cliniques dans le quartier.
10
Nous serons concises dans notre présentation des types de sociétés puisque notre
objectif n’est pas de faire une comparaison entre les différentes sociétés.
L’intérêt de la SENCRL réside dans le fait que l’associé d’une SENCRL « n’est
pas personnellement responsable des obligations de la société ou d’un autre
professionnel, découlant des fautes commises par ce dernier, son préposé ou son
mandataire dans l’exercice de leurs activités professionnelles au sein de la société »26.
24
Article 2188 C.c.Q.
25
L.R.Q., c. C-26, ci-après désigné « Code des professions »
26
Code des professions, art. 187.14.
11
Dans le contexte des GMF que nous vous avons présenté précédemment, cela revêt un
avantage certain.
Nous croyons que la mise en place d’une SENCRL devrait être envisagée chaque
fois que des professionnels forment une société en nom collectif.
27
Loi sur les valeurs mobilières, (1983) 16 G.O. II, 1511 [c. V-1.1, r.1]; (1985) 12 G.O. II, 1639.
28
Article 2189 C.c.Q.
29
La situation est alors normalement constatée par un tribunal dans le cadre d’un recours qui est exercé
contre eux ou entre eux.
12
société en participation peut aussi dans certains cas être formée volontairement lorsque
deux bureaux de professionnels, par exemple des architectes, s’associent afin de
soumissionner pour un mandat pour lequel il est utile d’allier l’expertise de l’un pour
l’élaboration des plans et le positionnement géographique de l’autre pour la supervision
du chantier.
1.2 D’un point de vue légal, qu’est-ce qu’une « société nominale ou de dépenses »
ou « groupe de partage de dépenses » ?
Il en a été un peu question lorsque nous avons traité des sociétés de personnes,
mais nous regarderons de plus près maintenant la situation qui prévaut lorsque les
professionnels faisant partie d’un groupe ne respectent pas les trois éléments requis afin
de former une société. Ainsi, il arrive fréquemment que des professionnels se réunissent
pour regrouper leurs dépenses et utilisent collectivement le même emplacement, certains
équipements, services et employés tout en exploitant leur propre entreprise et en
conservant leurs revenus et clientèle. Ce regroupement est parfois qualifié de
coentreprise, de société de dépenses ou de société nominale. Notons qu’afin d’éviter que
ces regroupements ne soient considérés comme de vraies sociétés, ce qu’elles ne sont pas,
et de ce fait entraînent un risque de responsabilité pour les professionnels qui en sont
membres, l’utilisation des termes associés ou société est à proscrire.
1.2.1.1 L’apport
30
Michelle THÉRIAULT, précité, note 10, p.4.
13
Il arrive que les professionnels s’entendent pour fournir chacun un apport au
moment du démarrage du regroupement. Par contre, cela n’est pas nécessaire. Même la
question de l’apport en connaissance ou en travail n’est pas vraiment pertinente puisque
chacun des professionnels du groupe exerce ses activités professionnelles pour son propre
compte. Lorsqu’un apport est fourni, il sert normalement à l’acquisition de certains biens
que les parties détiendront en indivision ainsi qu’à constituer un fonds de roulement.
Il va sans dire qu’il est nettement préférable de mettre ce contrat par écrit,
d’autant plus que ce type de contrat ne fait l’objet d’aucune disposition dans le Code civil
puisqu’il s’agit d’un contrat innommé. Par conséquent, sans contrat écrit, les tribunaux
31
Sirois c. Tanguay, 2008 QCCS 3593.
14
pourraient être tentés de conclure qu’il s’agit d’une société de personnes alors que
l’intention des parties était tout autre.
32
Pour ceux qui désirent consulter un modèle plus complet à ce sujet, voir : Michelle THÉRIAULT,
précité, note 10, p.127 et suivantes.
33
Par opposition au mandat général. Voir article 2135 C.c.Q.
34
Article 2136 C.c.Q.
15
Les conditions de retrait d’une des parties du groupe devraient être énoncées.
Ainsi, pour un départ volontaire, on voudra prévoir pendant combien de temps la partie
qui quitte demeurera responsable de sa part des dépenses et de quelle façon une partie la
remplaçant pourra être intégrée au groupe. On prévoira également de quelle façon la part
des meubles détenus en indivision par les parties pourra être rachetée par les autres ou
encore vendue à une nouvelle partie au contrat.
35
Article 2189, al.2 C.c.Q.
16
s’immatriculer, ces sociétés seront réputées être une société en participation 36, ce qui a
des conséquences, notamment le fait que la faillite ou le décès entraînera la dissolution de
la société 37. Les conséquences seront plus importantes encore dans le contexte d’une
société en commandite, car le défaut d’immatriculation aura pour effet de faire perdre aux
commanditaires leur responsabilité limitée à leur apport.
36
Id.
37
Article 2258 al.2 C.c.Q.
38
Loi sur la publicité légale des entreprises, chapitre P-44.1, art. 22.
39
Michelle THÉRIAULT, précité, note 10, p.45. Autre mise en garde : Les membres du groupe devraient
également éviter de facturer et d’envoyer des états de compte sous une raison sociale commune ou, dans
le cas d’avocats, de rédiger leurs procédures judiciaires sous cette raison sociale. Dans des situations
semblables, la responsabilité de professionnels a été engagée comme s’ils étaient associés même s’ils
n’étaient qu’en partage de dépenses. Voir à cet effet : Bélisle-Heurtel c. Tardif, REJB 2000-20086
(C.S.).
17
Rien n’empêche d’avoir un nom en lien avec les activités professionnelles qui
sont exercées par les membres du groupement, par exemple: « Clinique médicale
Terrebonne », « Centre dentaire Mirabel », etc.
Par contre, afin d’éviter qu’il y ait confusion pour ceux qui consultent le REQ, il
faut éviter d’utiliser les expressions « société », « associé ». Nous vous suggérons les
inscriptions suivantes en regard des différentes sections suivantes qui doivent être
complétées au REQ:
Si un groupement est immatriculé d’une façon telle qu’il laisse entendre aux tiers
qu’il s’agit d’une société, les membres du groupe de partage de dépenses se verront
appliquer les responsabilités applicables à un associé. Par contre, si une société est
immatriculée comme un groupement de partage de dépenses, les tiers pourront contredire
les inscriptions et faire valoir leurs droits contre les associés.
18
1.3 Du point de vue fiscal, qu’est-ce qu’une société de personnes?
Aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu 40 sont comprises parmi les personnes
tant les sociétés que les entités exonérées de l’impôt prévu à la partie I sur tout ou partie
de leur revenu imposable par l’effet du paragraphe 149(1) ainsi que les héritiers,
liquidateurs de succession, exécuteurs testamentaires, administrateurs ou autres
représentants légaux d’une personne 41. Le paragraphe 248(1) L.I.R. précise également
qu’une société, sauf dans l’expression « société de personnes », s’entend d’une personne
morale, y compris une compagnie.
Le 5 mai 2015, le chapitre S4-F16-C1 42 des Folios de l’impôt sur le revenu est
entré en vigueur et a remplacé et annulé le bulletin d’interprétation IT-90 – Qu’est-ce
qu’une société 43? L’Agence du revenu du Canada (ci-après « l’ARC ») y rappelle que la
loi ne définit pas ce qu’est une société de personnes, mais reconnaît qu’il en existe, passe
en revue les principaux facteurs qui en établissent l’existence et expose les conséquences
fiscales qui découlent d’opérations mettant en cause une société de personnes et ses
associés. La Cour suprême du Canada a confirmé à plusieurs reprises qu’aux fins de
l’application de la L.I.R., l’existence d’une société de personnes doit être établie en
fonction de la législation qui s’applique dans la province ou le territoire 44. Au Québec, le
Code civil 45 définit ce qu’est un contrat de société.
Certaines entités sont présentées au Registraire des entreprises comme une société
de personnes. À ce sujet, l’ARC mentionne clairement que le fait qu’une société de
40
Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch.1 (5e suppl.) et mod. (« L.I.R. ») ou (« Loi »). Le présent
texte ne fera référence qu’aux dispositions de la Loi sur l’impôt sur le revenu lorsque des règles
similaires s’appliquent en vertu de la Loi sur les impôts, L.R.Q., c. I-3 et mod. (L.I.).
41
Selon la définition de « personne » au paragraphe 248(1) L.I.R.
42
AGENCE DU REVENU DU CANADA, Folio de l’impôt sur le revenu S4-F16-C1 « Qu’est-ce qu’une
société de personnes? », 5 mai 2015
43
AGENCE DU REVENU DU CANADA, Bulletin d’interprétation IT-90 (archivé) « Qu’est-ce qu’une
société? », 9 février 1976
44
Continental Bank Leasing Corp. c. Canada , [1998] 2 RCS 298, 98 DTC 6505, et plus récemment dans
les arrêts Backman c. Canada , [2001] 1 RCS 367, 2001 DTC 5149, et Spire Freezers Ltd. c. Canada ,
[2001] 1 RCS 391, 2001 DTC 5158.
45
Précité note 9.
19
personnes soit officiellement enregistrée ne signifie pas nécessairement qu’elle existe
puisque l’enregistrement ne prévaut pas sur les faits véritables 46.
46
Précité, note 42, par. 1.6.
47
Soit le montant de sa perte autre qu’une perte en capital, de sa perte en capital nette, de sa perte agricole
restreinte et de sa perte agricole.
48
Par. 96(1) L.I.R. et art. 600 L.I.
49
Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., 1978, c. 945 et mod. («R.I.R.»)
50
Au Québec, la société doit produire la déclaration de renseignement des sociétés de personnes TP-600
ainsi que les relevés 15 – Montants attribués aux membres d’une société de personnes.
51
La valeur absolue d’un nombre correspond à sa valeur numérique, sans égard au signe positif ou négatif
qui le précède. Pour déterminer si une société de personnes dépasse le seuil des 2 M$, on doit ajouter le
total des dépenses au total des revenus plutôt que de soustraire les dépenses des revenus comme on le
ferait pour déterminer le revenu net.
20
de 5 M$ en actifs 52 ou si à un moment quelconque de l’exercice la société de personnes
est multiple (c’est-à-dire qu’elle compte parmi ses associés une autre société de
personnes ou est elle-même une associée d’une autre société de personnes), si elle compte
parmi ses associés une société ou une fiducie, si elle a acquis les actions accréditives
d’une société exploitant une entreprise principale qui a engagé des frais de ressources
canadiennes et a renoncé à ces frais en faveur de la société de personnes ou si le ministre
du Revenu national en fait la demande par écrit 53. Il est préférable de produire la
déclaration de renseignements même si la société de personnes n’est pas tenue de le faire
puisque cela aura pour effet de déclencher le délai prévu au paragraphe 152(1.4) L.I.R.
pour l’émission d’une nouvelle cotisation. Lorsqu’aucune déclaration n’est produite,
l’ARC considère que la société de personnes peut faire indéfiniment l’objet d’une
nouvelle cotisation.
52
Le coût de tous les biens corporels et incorporels, sans tenir compte du coût amorti, devrait servir à
déterminer si une société de personnes compte plus de 5 M$ en actifs.
53
Voir AGENCE DU REVENU DU CANADA, Guide T4068, « Guide pour la déclarations de
renseignements des sociétés de personnes (T5013) », 2013, p. 9.
54
Lorsque tous les associés sont des particuliers (les fiducies sont considérées comme un particulier), y
compris les associés ultimes d’une société de personnes multiple, la date d’échéance est le 31 mars qui
suit l’année civile au cours de laquelle s’est terminé l’exercice de la société de personnes. Lorsque tous
les associés sont des sociétés, y compris les associés ultimes d’une société de personnes multiple, la
date d’échéance est cinq mois après la fin de l’exercice de la société de personnes. Si à un moment
quelconque au cours de l’exercice de la société de personnes on compte parmi ses associés des
particuliers et des sociétés, la date d’échéance sera la première des dates suivantes soit le 31 mars qui
suit l’année civile au cours de laquelle s’est terminé l’exercice de la société de personnes ou exactement
cinq mois après la fin de l’exercice de la société de personnes.
21
personnes 55 peut être très coûteux. Au fédéral, la société de personnes sera passible d’une
pénalité égale au plus élevé de 100 $ et du produit obtenu par la multiplication de 25 $
par le nombre de jours (maximum 100) où le défaut persiste 56.
Une société de personnes est une personne aux fins de la LTA et de la LTVQ. Si
la société de personnes effectue des fournitures taxables, elle sera tenue de s’inscrire aux
fichiers de la TPS et de la TVQ. En vertu de l’article 272.1 LTA tout acte accompli par
l’associé est réputé accompli par la société de personnes. C’est donc la société de
personnes qui sera tenue de percevoir les taxes et de réclamer les CTI et les RTI selon le
cas. Notons que les associés de la société demeurent solidairement responsables avec la
société de toutes les obligations découlant de l’administration des taxes.
55
Selon l’article 2188 C.c.Q., il existe au Québec trois types de sociétés de personnes, la société en nom
collectif, la société en commandite et la société en participation. Toutes trois sont visées par les mêmes
exigences en ce qui a trait à la production du formulaire T5013.
56
Au Québec la pénalité est également de 25 $ par jour de retard jusqu’à concurrence de 2 500 $.
57
Précité, note 42.
58
Précité, note 42, par. 1.19
22
un élément permettant de conclure à l’existence d’une coentreprise et à l’absence d’une
société de personnes 59. Comme nous l’avons mentionné, un groupe de partage de
dépenses n’est pas une société au sens du Code civil. De plus, un tel regroupement n’est
pas considéré comme une personne selon la définition prévue au paragraphe 248(1)
L.I.R.
59
AGENCE DU REVENU DU CANADA, interprétation technique 2010-0388771E5, 10 mars 2011
60
Id.
61
REVENU QUÉBEC, lettre d’interprétation 93-0100367, 14 décembre 1994 et REVENU QUÉBEC
bulletin d’interprétation TVQ. 1-4/R2 « La société nominale », 29 décembre 2011
62
Une personne qui effectue une fourniture taxable dans le cadre d’une activité commerciale doit
généralement s’inscrire aux fichiers de la TPS et de la TVQ à moins de pouvoir bénéficier de
l’exemption permise pour les petits fournisseurs. Cette personne se qualifie généralement de petit
fournisseur si, au cours de l’année précédente ou de l’année courante, le total de ses fournitures taxables
et de celles de ses associés est inférieur à 30 000 $
23
Bien que chacun des membres du groupe de partage de dépenses exploite sa
propre entreprise et conserve ses revenus et sa clientèle, lorsqu’ils se réunissent pour
regrouper leurs dépenses et utiliser collectivement un local et certains actifs, les uns
deviennent souvent mandataires des autres 63. L’ARC considère que pour qu’il y ait
contrat de mandat, il est nécessaire que deux personnes distinctes soient au contrat, le
mandant et le mandataire, et que celles-ci conviennent de l’accomplissement d’un acte
juridique avec une troisième personne, et ce, par représentation du mandant par le
mandataire. Le mandataire est l’extension de la personnalité juridique du mandant, et par
conséquent, lorsque le mandataire agit avec un tiers dans le cadre de son mandat, il faut
considérer que c’est plutôt le mandant qui agit 64.
Lorsqu’une entente de partage de coûts valide est établie au sein d’un groupe de
professionnels et qu’un d’eux engage des dépenses en sa qualité de mandataire pour les
autres professionnels à l’entente, aucune fourniture taxable n’est réalisée par le
mandataire au profit des autres mandants. Ainsi, la TPS et la TVQ ne s’appliquent pas
aux remboursements des montants payés par les mandants au mandataire. Le montant du
remboursement des dépenses engagées par l’administrateur à titre de mandataire des
autres professionnels ne constitue pas la contrepartie d’une fourniture taxable effectuée
par le mandataire. Il en va ainsi même si les sommes sont déposées dans un compte de
banque conjoint avant l’acquisition de biens et de services 65.
63
A ce sujet nous référons le lecteur à ASSOCIATION DE PLANIFICATION FISCALE ET
FINANCIÈRE, Série 5 – TPS et TVQ – Mandataires et non-résidents, 1er juillet 2014
64
AGENCE DU REVENU DU CANADA, Énoncé de politique P-182R « Du mandat », 23 juin 1995,
révisé en juillet 2003 et REVENU QUÉBEC, lettre d’interprétation 94-010781, 7 octobre 1994
65
Précité, note 61.
24
Dans le cas contraire, si l’ARQ arrive à la conclusion que le membre qui négocie
avec le fournisseur a engagé la dépense relative à l’acquisition du bien ou du service dont
jouissent également les autres membres qui lui en remboursent une partie, le
remboursement de la dépense par les membres peut constituer la contrepartie d’une
fourniture taxable effectuée par le membre négociateur aux autres membres. Le fait que
la contrepartie ne soit constituée que des coûts encourus sans majoration ne modifie pas
la conclusion de l’ARQ à cet égard 66.
66
REVENU QUÉBEC, précité, note 64.
67
Voir à ce sujet BUISSIÈRE, Martin « Les structures de sociétés les plus populaires pour exploiter une
entreprise professionnelle », dans Congrès 2011, Montréal, Association de planification fiscale et
financière, 2012.
25
professionnels pour partager leurs revenus et permettant parfois la multiplication du
plafond des affaires 68 puisque d’autres textes ont abordé ces questions. La planification
fiscale personnelle de chacun des professionnels ne sera pas abordée en détail, mais
lorsque les structures potentielles présenteront des opportunités particulières, celle-ci
seront identifiées.
Professionnel B Inc.
M. Professionnel A
(Revenus et dépenses
(Revenus et dépenses professionnels)
professionnels)
Cabinet
(Frais liés au cabinet)
Par ailleurs, chacun d’entre eux s’est assuré de consulter son fiscaliste et
d’évaluer la pertinence d’exercer sa profession au sein d’une société par actions. Cette
possibilité s’est avérée intéressante pour l’un d’eux, Professionnel B, qui a procédé à
l’incorporation de sa pratique et a obtenu de son ordre professionnel l’autorisation
68
Voir à ce sujet Valérie MÉNARD et Pierre-Philippe TACHÉ, précité, note 5.
26
d’exercer au sein de la société Professionnel B Inc. alors que Professionnel A a choisi
d’exercer personnellement sa profession 69.
Les deux amis envisagent de conclure un bail à l’égard d’un bureau dans un
immeuble à vocation professionnelle et de l’aménager selon leurs besoins. Ils partageront
les dépenses liées à cet emplacement comme que le loyer, les services publics, l’entretien,
les frais liés aux immobilisations, les assurances, etc. Ils prévoient investir un montant de
10 000 $ chacun pour les améliorations locatives et le mobilier de la salle d’attente. Les
dépenses spécifiques à leur pratique telles que les cotisations professionnelles,
l’assurance responsabilité, la formation, etc., ne seront pas partagées.
Cabinet A et B
(Frais liés au cabinet)
Bien qu’une convention écrite ne soit pas obligatoire et que chacun des
professionnels sera, même en son absence, responsable des dépenses que les parties
avaient convenu qu’elles assumeraient respectivement, tel que l’a reconnu le tribunal
dans l’affaire Sirois c. Tanguay, où il a mentionné « […] l’absence de contrat formel,
écrit ou verbal, ne fait pas obstacle à l’existence d’une telle société [de dépenses] »70,
nous recommandons que ces deux professionnels signent une convention afin que la
69
À ce sujet, voir le texte de Valérie MÉNARD, précité, note 1.
70
Sirois c. Tanguay, précité, note 31.
27
façon de partager les dépenses soit claire pour les deux parties. Ce type de convention
n’est généralement pas très coûteux à faire rédiger par des juristes compétents puisqu’il
ne s’agit pas d’un regroupement aussi organisé qu’une société de personnes.
De plus, s’il est prévu qu’un des deux professionnels agira comme mandataire
pour l’autre à certains actes reliés aux affaires du regroupement, nous recommandons
qu’un mandat à cet effet soit rédigé. Nous vous référons ici à la section « La gestion des
affaires du groupe » dans la première partie du texte.
Cette structure ne crée aucune entité légale distincte. Chacun des deux
professionnels facturera sous son propre nom. Comme une raison sociale commune sera
utilisée, nous recommandons qu’une inscription au REQ soit faite de façon à rendre
publique l’information démontrant qu’il ne s’agit pas d’une société de personnes 72 et
ainsi limiter la responsabilité de chacun des professionnels.
71
Pour ceux qui désirent des commentaires plus exhaustifs et un modèle de convention, voir : Michelle
THÉRIAULT, précité, note 10, p.127 et suivantes.
72
Voir la section « L’immatriculation au REQ d’un regroupement de partage de dépenses. »
28
sommes permettant de régler les factures, selon la répartition des dépenses dont ils auront
convenu.
73
Précité, note 61.
29
2.1.2 La société de personnes
Professionnel B Inc.
M. Professionnel A (Revenus et dépenses
(Revenus et dépenses professionnels)
professionnels)
Cabinet, senc(rl)
(Frais liés au cabinet)
Bien qu’ils aient tous deux effectué un apport de 10 000 $ afin de payer pour des
améliorations locatives et acheter du mobilier pour la salle d’attente, ils ont une intention
de collaboration minimale, c’est-à-dire limitée à ce qui est nécessaire afin de s’entendre
sur les biens et services qui seront utilisés de façon commune et sur les dépenses qui y
sont reliées. Ce degré de collaboration n’est pas suffisant pour répondre aux exigences
d’une société de personnes 74. De plus, aucun partage de bénéfices pécuniaires n’est
prévu, ce qui est un élément essentiel à la formation d’une société de personnes. Nous
vous rappelons que l’économie de frais qu’ils visent en se regroupant n’est pas
considérée comme un bénéfice pécuniaire.
74
Supra 1.1.1.1 Esprit de collaboration.
30
2.1.3 La société par actions – la facturation de frais de bureau
?
?
Cabinet Inc.
(Frais de bureau facturés – coûts liés au cabinet)
La société par actions étant une personne distincte aux fins légales et fiscales, elle
devra facturer des frais de bureau (loyer et autres services rendus par Cabinet Inc. aux
professionnels afin que ces derniers puissent les déduire de leurs revenus professionnels.
75
Le bail principal signé entre le locateur et Cabinet Inc. devrait comprendre une clause reconnaissant que
Cabinet Inc. pourra sous-louer les bureaux à Professionnel A et Professionnel B Inc. ou encore une
clause plus générale (si les lieux loués contiennent des bureaux vides) permettant à Cabinet Inc. de
sous-louer des bureaux à des professionnels. Certaines exigences pourraient être insérées ici à la
demande du locateur afin de s’assurer de la vocation des lieux.
31
Professionnel A et Professionnel B Inc. seront normalement actionnaires et
détiendront possiblement chacun cinquante pour cent (50 %) des actions 76 de Cabinet
Inc. Il sera de mise qu’une convention entre actionnaires soit signée.
Cette convention entre actionnaires devra prévoir que chacun des actionnaires ou
son représentant, si l’actionnaire est une corporation, sera administrateur. Elle devra
également prévoir de quelle façon les décisions se prendront et ce qui se passera en cas de
décès, d’invalidité, de départ volontaire ou involontaire. Dans ces cas, on prévoira
normalement que les actions de cet actionnaire seront rachetées afin d’éviter que le
professionnel demeurant sur les lieux puisse avoir le contrôle et ne pas avoir à partager
l’actionnariat ou à négocier avec la succession ou le curateur aux biens du professionnel
qui a quitté. Par contre, le bail en sous-location qui aura été signé par chacun des
professionnels, de même que les clauses de protection qui auront été inscrites dans la
convention de partage de dépenses obligera le professionnel qui quitte (ou sa succession)
à continuer de payer les dépenses qu’il s’était engagé à payer, notamment celles reliées
au bail. Il pourra être pertinent que les professionnels souscrivent à de l’assurance vie et à
de l’assurance frais de bureau afin de couvrir ces risques.
Le fait de mettre en place une entité légale de plus, soit la société par actions, de
même que la rédaction d’une convention entre actionnaires et d’un bail en sous-location
augmentera sensiblement les honoraires reliés à la mise en place de cette structure par
rapport aux honoraires qui seraient requis pour la structure présentée à la section A qui ne
nécessite qu’une simple convention de partage de dépenses, cette dernière étant toujours
requise pour la structure présentée à cette section C.
76
La répartition des actions pourrait ne pas être égale dépendamment des situations.
32
raisonnables 77, la société Cabinet Inc. pourrait générer annuellement un profit. Cela lui
permettrait de déclarer des dividendes à ses actionnaires qui pourraient être les
professionnels eux-mêmes, mais également d’autres membres de la famille ou une autre
entité (société de gestion, fiducie familiale discrétionnaire) déterminée par le
professionnel. De cette façon, une partie des profits qui auraient autrement été réalisés
par Professionnel A ou Professionnel B Inc. pourraient être reportés et/ou être fractionnés
avec certains des membres de la famille du professionnel. Le tout devra évidemment faire
l’objet d’une planification fiscale intégrée.
Nos deux professionnels ont choisi de conserver tous les honoraires liés
directement ou indirectement à leur pratique professionnelle, ce qui diffère donc de la
mission de ces sociétés. Toutefois, la logique utilisée afin de fixer le montant des
honoraires de gestion exigés des professionnels demeure intéressante lorsqu’il s’agit de
déterminer si les honoraires facturés par Cabinet Inc. aux professionnels sont
77
En vertu de l’article 67 L.I.R., dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement
à une dépense à l’égard de laquelle une somme est déductible, par ailleurs en vertu de la présente loi,
sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.
78
David Grotell c. M.R.N., 72 DTC 6409, Cour fédérale, 13 septembre 1972 et Ministère du revenu
national c. James A. Cameron, 72 DTC 6325, Cour suprême du Canada, 29 juin 1972.
33
raisonnables puisqu’on peut penser qu’un honoraire de gestion est raisonnable s’il
représente la juste valeur marchande des services rendus 79. Il est généralement admis
qu’un taux de 15 % est un taux raisonnable. Ce taux n’est pas fixé par la législation, mais
a été adopté en pratique à la suite de la cause Jack K. Holmes c. La. Reine dans laquelle
un juge de la Cour fédérale a statué qu’un taux de 15 % de profit sur les frais encourus
par une société qui opère un contrat de gestion avec une société de professionnels
représente un taux raisonnable 80. L’ARC avait confirmé sa ligne directrice dans de telles
situations dans le cadre de la Table ronde de 1985 de l’Association canadienne d’études
fiscales 81 et plus récemment à celle du Congrès de 2010 de l’Association de planification
financière et fiscale 82. Dans le cadre de la Table ronde de 2010, les praticiens souhaitent
attirer l’attention de l’ARC sur le fait que dans le contexte économique actuel, les tiers
non liés prêts à offrir de tels services de gestion aux professionnels exigent des frais
mensuels fixes qui excèdent 15 % des dépenses encourues. On demandait donc à l’ARC
de faire le point sur sa position concernant la majoration des frais entre entités liées
compte tenu de ces données sur la juste valeur des services sur le marché. Sans surprise,
la réponse de l’ARC voulant que la question de savoir si une dépense est raisonnable
dans une situation particulière donnée est une question qui ne peut être résolue qu’après
un examen complet de tous les faits et circonstances. L’ARC réitère toutefois être
généralement d’avis qu’une dépense pour des services de gestion serait raisonnable
lorsque le montant n’excède pas la juste valeur marchande des services qui ont été
rendus. Il se pourrait donc que cette juste valeur marchande soit supérieure à 115 % des
frais engagés par la société de gestion liée pour rendre ces services 83. De telles situations
ont d’ailleurs déjà été portées devant les tribunaux qui ont jugé dans certains cas qu’une
majoration supérieure à 15% était raisonnable 84.
79
AGENCE DU REVENU DU CANADA, interprétation technique 2009-0343971E5, 13 mai 2010
80
Jack K. Holmes, Douglas L. Crowe, Peter C. G. Power and John M. Johnston c. La Reine, 74 DTC
6143, Cour fédérale, 24 janvier 1974
81
« Revenue Canada Round Table » dans 1985 Conference Report, Toronto, Association canadienne
d’études fiscales, 1986, p. 49 :1-32, question 18 à la page 49 :10,
82
AGENCE DU REVENU DU CANADA, interprétation technique 2010-0373441C6, 8 octobre 2010
83
Id.
84
Voir notamment : Smith c. La Reine, 87 DTC 132 et Bertomeu c. La Reine, 2006 DTC 3441
34
2.1.3.3 TPS TVQ
Cabinet Inc. est considérée comme une personne selon la définition de cette
expression prévue par le paragraphe 123(1) LTA 85. Cabinet Inc. sera responsable du bail
du cabinet et sera l’acquéreur de toutes les fournitures nécessaires à sa prestation de
services. Cabinet Inc. aura deux clients, Professionnel A et Professionnel B Inc. à qui elle
facturera des frais de bureau qui couvriront tous ces frais et permettra de dégager une
marge de profit raisonnable. Par conséquent, Cabinet Inc. devra vraisemblablement
s’inscrire aux fichiers de la TPS et de la TVQ, car elle effectue des fournitures taxables
dans le cadre d’une activité commerciale et ne pourra pas, vu les montants en cause,
bénéficier de l’exemption permise pour les petits fournisseurs 86. Une personne se qualifie
généralement de petit fournisseur si, au cours de l’année précédente ou de l’année
courante, le total de ses fournitures taxables et de celles de ses associés est inférieur à
30 000 $ 87. Cabinet Inc. pourra d’ailleurs réclamer des CTI et RTI puisque le service
qu’elle rend constitue une activité commerciale.
85
Précité, note 61.
86
Article 240 LTA et 407 LTVQ
87
Article 148 LTA et 294 LTVQ
35
2.1.4 La société par actions gestionnaire et mandataire des professionnels
? ?
Cabinet Inc.
(Frais de bureau facturés – coûts liés au
cabinet)
L’objectif visé ici est d’éviter que des professionnels se retrouvent dans une
situation où ils paient de la TPS et de la TVQ et ne peuvent la récupérer. Nous retrouvons
cette situation dans les cas de professionnels du domaine de la santé qui offrent des
services exonérés.
Dans cette structure, comme Cabinet Inc. agit à titre de mandataire, le bail sera
réputé avoir été signé par les mandants. Par conséquent, la responsabilité en rapport avec
le bail leur sera imputée. Comme ils seront légalement les signataires du bail, aucun bail
36
en sous-location ne devra être signé entre Professionnel A et Professionnel B Inc. et
Cabinet Inc.
Compte tenu des honoraires que cette structure implique au niveau de sa mise en
place et de son maintien, et du fait qu’elle ne permet pas de limiter la responsabilité des
professionnels impliqués, nous ne croyons pas que cette structure soit intéressante.
88
REVENU QUÉBEC, lettre d’interprétation 00-0104414 – Clinique privée et mandat de gestion, 5 juillet
2000.
37
récupérable pourrait être réduit et ne s’appliquer que sur le montant de la contrepartie
exigée pour les services de gestion rendus par la société par actions et non sur la totalité
des sommes versées par les professionnels.
Dans les cas présentés ci-dessus, il ne semble pas y avoir de lien direct entre le
montant versé par la ville ou la Caisse populaire et une quelconque prestation de services.
Les versements semblent davantage orientés vers un but public que d’un but d’achat de
services. Ils ne constitueraient donc pas des contreparties de fournitures et, par le fait
même, aucune TPS ou TVQ ne serait à remettre. Notons que, dans la mesure où des
subventions taxables seraient reçues par les professionnels, celles-ci pourraient avoir un
impact sur les seuils de petits fournisseurs discutés précédemment.
89
AGENCE DU REVENU DU CANADA, Bulletin d’information technique B-067 – Traitement des
subventions et des contributions sous le régime de la taxe sur les produits et services, 24 août 1992
38
2.2.2 Le groupe de partage de dépenses
Cabinet A et B
(Frais liés au cabinet–
contribution aux dépenses)
Nos recommandations afin que la structure soit correctement mise en place sont
donc ici identiques à celles présentées à la section 2.1. A à laquelle nous vous référons.
39
accessoires ne semble toutefois pas suffisante selon l’ARC pour créer une société de
personnes.
Une situation prévoyant que des revenus étaient encaissés par un groupe de
partage de dépenses a été soumise à l’ARC en 1994 dans le cadre d’une lettre
d’interprétation visant clarifier l’application de la LTA à l’égard de transactions
effectuées entre des médecins exploitant une clinique médicale. 90 Les faits décrits
faisaient état d’un contrat de partage de dépenses conclu entre des médecins généralistes
et de la présence occasionnelle de médecins spécialistes qui, pour compenser la clinique
pour les services du personnel et l’occupation du local déboursaient mensuellement une
certaine somme qui permettait simplement de réduire le total des mises de fonds que
devaient faire les médecins généralistes qui eux devaient régler le total des dépenses en
fin de mois. Les commentaires de l’ARC furent à l’effet que selon leur compréhension
des faits, les frais de location exigés des médecins spécialistes ne peuvent à eux seuls
modifier la nature du contrat conclu par les médecins généralistes.
Cabinet, senc(rl)
(Revenus – frais liés au
cabinet)
90
Précité, note 61.
40
2.2.3.1.Structure légale
La situation qui prévaut entre Professionnel A et Professionnel B Inc. ne répond
pas aux trois critères exigés afin qu’ils constituent une société de personnes. Ainsi, ils ont
une intention de collaboration minimale, c’est-à-dire limitée à ce qui est nécessaire afin
de s’entendre sur les biens et services qui seront utilisés de façon commune et sur les
dépenses qui y sont reliées. Ce degré de collaboration n’est pas suffisant pour répondre
aux exigences d’une société de personnes 91. De plus, aucun partage de bénéfices
pécuniaires n’est prévu, ce qui est un élément essentiel à la formation d’une société de
personnes. L’économie de frais qu’ils visent en se regroupant, non plus que les revenus
de subventions qu’ils reçoivent ne soient considérés comme un partage de bénéfice
pécuniaire.
M. Professionnel A
Professionnel B Inc.
(Revenus nets professionnels –
frais de bureau) (Revenus nets professionnels –
frais de bureau)
? ?
Cabinet Inc.
(Frais de bureau facturés + subventions –
coûts liés au cabinet)
91
Supra 1.1.1.1 Esprit de collaboration.
41
2.3 L’arrivée de nouveaux professionnels au cabinet
Quelques mois après l’ouverture du cabinet, le local adjacent se libère. Les deux
confrères décident de se prévaloir de la clause de premier refus qu’ils avaient négociée
lors de la signature de leur bail. Le cabinet occupe donc désormais tout l’étage et les deux
confrères réussissent à attirer des professionnels ayant une pratique complémentaire à la
leur qui, sans leur faire de compétition, favorise l’achalandage et l’obtention de cas de
plus en plus stimulants.
Professionnel B Inc.
M. Professionnel A (Revenus et dépenses
(Revenus et dépenses professionnels)
professionnels)
Autres
Cabinet A et B professionnels
Frais de bureau
(Revenus - frais liés au cabinet) (Revenus et dépenses
professionnels)
42
2.3.1.1 Structure légale
Nous devons encore une fois vérifier si les conditions d’existence d’une société de
personnes sont présentes dans cette situation.
Nous demeurons donc dans une situation de regroupement à des fins de partage
de dépenses.
92
Charlaine BOUCHARD, précité, note 15.
93
Voir à ce sujet 2.2 L’encaissement de revenus visant à réduire les dépenses
43
2.3.1.3 TPS TVQ
Dans une lettre d’interprétation datée du 21 juillet 1998 et traitant de
l’assujettissement aux taxes à la consommation des contributions aux dépenses, l’ARQ
commentait une situation semblable 94.
« Sept médecins se réunissent ensemble afin de partager les dépenses (local, équipements,
personnel) reliées à l’exploitation commune d’un centre de consultation sans rendez-vous
(« le Centre »). À cette fin, une convention de partage des dépenses communes liées au
fonctionnement du Centre est signée par ces médecins. Selon cette convention, les parties
conviennent de désigner périodiquement l’une d’entre elles à titre de mandataire agissant en
leur nom en ce qui concerne l’administration courante des dépenses communes. Les parties
à l’entente sont conjointement responsables vis-à-vis les tiers des dépenses communes
encourues par l’administrateur et elles s’engagent à indemniser ce dernier de toutes les
réclamations inhérentes à ses fonctions. Ainsi, chaque partie doit payer mensuellement, à
titre de contribution aux dépenses communes, un montant déterminé par l’administrateur.
Toutefois, chaque médecin signataire de l’entente conserve à titre individuel sa clientèle et
les revenus de son propre cabinet de consultation et en assume tous les frais. Par ailleurs,
les locaux, les équipements et le service de secrétariat du Centre sont généralement utilisés
moyennant des frais de location par des professionnels de la santé qui ne sont pas
signataires de l’entente. Ces revenus sont répartis en parts égales entre les médecins
signataires de l’entente. Le montant total des revenus est inférieur au montant des dépenses
d’opération du Centre ».
À la lumière des faits soumis, l’ARQ s’est dite d’avis que les médecins signataires
de la convention de partage des dépenses formaient une société de dépenses qui ne
constituait pas une société au sens du Code civil et n’était par conséquent, pas une
personne selon la définition prévue au paragraphe 123(1) L.I.R. Il est intéressant de noter
que la lettre datée du 21 juillet 1998 est une deuxième lettre d’interprétation apportant des
modifications à une première lettre datée du 15 juin 1998 qui a été annulée. Selon les
faits décrits dans la première lettre, un service de prélèvements sanguins à des fins
d’analyse en laboratoire était offert aux clients du Centre moyennant des frais de service.
Ces revenus aidaient également à réduire la contribution des médecins aux dépenses et le
total des revenus de toutes sources demeurait inférieur au montant des dépenses
d’exploitation du Centre. Les faits liés au service de prélèvements sanguins n’avaient pas
fait l’objet de commentaires particuliers dans la première lettre et n’ont pas été repris
dans la seconde. Les modifications apportées aux conclusions de l’ARQ qui ont mené à
la publication de la seconde lettre concernaient l’application de la LTA à l’égard des
94
REVENU QUÉBEC, précité, note 21.
44
dépenses attribuées aux professionnels non membres qui paient un loyer à la société
nominale.
La première lettre stipulait que le versement du loyer par les professionnels non
membres de la société nominale à l’administrateur devait être considéré comme un
remboursement d’une partie des dépenses de la société et donc que le montant de ce loyer
ne constituait pas la contrepartie d’une fourniture taxable. Sans surprise, la seconde
version de la lettre mentionne plutôt que l’ARQ est d’avis que l’administrateur n’est pas
le mandataire des professionnels qui ne sont pas membres de la société de dépenses et
donc que les montants versés ne sont pas des remboursements, mais la contrepartie de la
fourniture de services administratifs effectuée dans le cadre d’une activité commerciale,
laquelle est une fourniture taxable.
Autres
Cabinet, senc(rl) professionnels
(Revenus - frais liés au Frais de bureau (Revenus et dépenses
cabinet) professionnels)
45
Présumons toujours que nos deux fondateurs souhaitent demeurer maîtres à bord
et qu’il est entendu que ces nouveaux venus défraieront des frais de bureau sans avoir
voix au chapitre. Toutefois, nos deux professionnels ont l’intention de développer et de
rentabiliser leur nouveau concept, et la grandeur du local ajouté leur permet de penser
que des profits pourraient être générés par la contribution des autres professionnels. Ils
pensent que d’ici quelques années, ces revenus leur permettront d’engranger des profits
qu’ils pourront se partager.
Voici de quelle façon le but de leur société pourrait être énoncé dans leur contrat
de société :
Pour plus de précision, il est entendu que les activités professionnelles (médicales
ou médicales dentaires ou autres) de chacun des associés seront exercées de façon
46
individuelle et indépendante par chacun d’eux, par l’entremise, ou non, d’une
société par actions, et que ces activités (médicales ou médicales dentaires ou
autres) ne seront pas considérées comme des activités exercées par la présente
société. »
L’intérêt de la SENCRL réside dans le fait que l’associé d’une SENCRL « n’est
pas personnellement responsable des obligations de la société ou d’un autre
professionnel, découlant des fautes commises par ce dernier, son préposé ou son
mandataire dans l’exercice de leurs activités professionnelles au sein de la société ». 95
Compte tenu du fait qu’il y a un risque que leur société ainsi que Professionnel A et
Professionnel B Inc., à titre d’associés, soient poursuivis si jamais un des professionnels
qui exerceront dans leurs locaux se fait poursuivre et que le public est sous l’impression
que tous les professionnels exerçant dans ces locaux font partie de la société, nous
croyons que la mise en place d’une SENCRL devrait être envisagée par Professionnel A
et Professionnel B Inc. Cela nécessitera donc qu’ils entreprennent les démarches requises
auprès de leur ordre professionnel 96.
95
Code des professions, art. 187.14.
96
Supra 1.1.2.2 Société en nom collectif à responsabilité limitée
97
Al. 249.1(1)a) L.I.R.
98
S.-al. 249.1(1)b)(ii) L.I.R.
47
Quant à l’exercice financier de la société Professionnel B Inc., en règle générale,
la société par actions constituée pour l’exercice de la profession médicale peut choisir
comme fin d’exercice une date autre que le 31 décembre. Une exception existe toutefois
si la société professionnelle est associée d’une SENC puisque l’exercice d’une société
professionnelle qui est associée d’une société de personnes dans laquelle un particulier ou
une autre société professionnelle est associé doit être le 31 décembre 99. Lorsque
Professionnel B Inc. devient un associé de la SENC, le sous-alinéa 249.1(1)b)(iii) L.I.R.
s’applique et la société aura dorénavant le 31 décembre comme fin d’exercice.
Rappelons d’abord qu’aux fins fiscales, Cabinet SENCRL doit calculer son
revenu ou sa perte de l’année comme s’il s’agissait d’une personne aux fins de la L.I.R.
Toutefois, n’en étant pas une, chacun de Professionnel A et de Professionnel B Inc.
s’imposera personnellement sur sa part du revenu ou de la perte de la SENCRL100.
99
S.-al. 249.1(1)b)(ii) et 249.1(1)b)(iii) L.I.R.
100
Par. 96(1) L.I.R. et art. 600 L.I.
101
REVENU QUÉBEC, précité, note 61.
48
utilisé par les Professionnel A et Professionnel B Inc. en comparaison avec l’espace
utilisé par les autres professionnels au cabinet. Dans la plupart des cas, la méthode du
revenu n’est pas utilisée, car elle est rarement appropriée.
M. Professionnel A
Professionnel B Inc.
(Revenus et dépenses
professionnels) (Revenus et dépenses
professionnels)
Autres
Cabinet, senc(rl) ?
professionnels
(Frais liés au cabinet) (Revenus et dépenses
professionnels)
49
Des parts plus importantes pourraient être détenues par les fondateurs c’est-à-dire
des parts qui confèrent à leur titulaire le droit à plus de votes. De cette façon, nos deux
fondateurs pourraient conserver le contrôle.
102
Représentant 3/5 de l’espace pour lequel une fourniture taxable de location est effectuée.
103
Soit des dépenses de 43 487,71 $ plus taxes. Cabinet SENC pourra réclamer 3/5 des CTI et RTI soit
3 907,37 $ et les 2/5 restants s’ajouteront aux dépenses soit 2 604,92 $ pour des dépenses totales de
46 092,63 $
50
Tableau 1
Avec l’adhésion des nouveaux associés, toute chose étant égale par ailleurs, le
montant à débourser par ces derniers sera de 12 000 $ seulement puisque le montant n’est
pas assujetti à la TPS et à la TVQ. Cette économie de 15 % n’est pas négligeable et
pourrait être un avantage concurrentiel très appréciable au moment de recruter de
nouveaux collaborateurs si ces derniers ne sont pas en mesure de récupérer leur CTI et
leurs RTI. Cabinet SENCRL n’a alors droit à aucun CTI et RTI puisqu’aucune fourniture
taxable n’est effectuée.
51
Tableau 2
Aux fins fiscales, l’ARC s’est déjà prononcée à savoir si une part privilégiée
devait être traitée différemment d’une part « ordinaire » aux fins de la L.I.R 104. En fait, la
caractérisation des parts d’un contribuable en parts privilégiées et en parts ordinaires
n’entraîne pas la création de biens distincts, mais ne représente qu’un moyen de partage
des bénéfices et des pertes de la société de personnes. Le total des parts détenues par un
associé constitue un seul bien qui est une participation dans une société de personnes. Par
conséquent, il n’existe pas de restrictions particulières quant à la distribution des revenus
attribuables à une part privilégiée aux fins du calcul du revenu imposable. L’ARC est
d’avis que rien n’empêche la création de parts assorties de droits différents en ce qui
concerne le partage des revenus, des pertes ou des autres attributs de la société de
personnes. Elle souligne toutefois qu’une convention qui a pour objet principal de réduire
les impôts ou de différer le paiement des impôts qui auraient pu être ou devenir payables
autrement en vertu de la loi serait visée par l’article 103 L.I.R. 105. De même, dans le cas
où plusieurs associés ont entre eux un lien de dépendance, le montant du revenu ou de la
104
AGENCE DU REVENU DU CANADA, interprétation technique 2007-0227191E5, 10 janvier 2008.
105
AGENCE DU REVENU DU CANADA, nouvelle technique no 30, 21 mai 2004, question 6
52
perte attribué à chacun d’eux devra être raisonnable dans les circonstances compte tenu
du capital investi et du travail effectué 106.
106
Par. 103(1.1) L.I.R.
107
AGENCE DU REVENU DU CANADA, Bulletin d’interprétation IT-138 (annulé) « Calcul et
transmission du revenu d’une société », 29 janvier 1979.
108
AGENCE DU REVENU DU CANADA, interprétation technique 2002-0176917, 12 février 2003;
AGENCE DU REVENU DU CANADA, interprétation technique 2011-0431171E5, 12 mars 2012.
53
l’entreprise sont en fait les professionnels fondateurs du cabinet et que la clientèle est la
leur. Les autres professionnels pourraient être rémunérés soit au moyen d’un salaire ou
d’une indemnité journalière pour leurs services 109, mais on envisage plutôt une formule
dite « à pourcentage » afin de leur remettre une partie des honoraires qu’ils génèrent
lorsqu’ils rendent leurs services aux clients.
Autres
Cabinet, senc(rl) professionnels
(Revenus - % remis aux autres (Revenus (%) et autres
professionnels - frais liés au cabinet dépenses professionnels)
109
La prudence serait de mise quant à la détermination du statut du travailleur. Afin de déterminer s’il
s’agit d’un salarié ou d’un travailleur autonome. Voir à ce sujet AGENCE DU REVENU DU
CANADA, RC4110 Employé ou travailleur indépendant?, 21 août 2014
54
Il sera également requis qu’une convention de partage d’honoraires soit signée
entre la SENCRL et le professionnel dont les services auront été retenus. Cette
convention devra contenir, entres autres, des dispositions établissant :
55
Cabinet SENCRL aura l’obligation d’émettre un feuillet T4A aux professionnels à
pourcentage puisque le paragraphe 200(1) R.I.R. prévoit que toute personne qui effectue
un paiement visé à 153(1) L.I.R. notamment des honoraires, commissions ou autres
sommes pour des services à un bénéficiaire, soit un particulier, une société ou autre doit
remplir une déclaration de renseignements selon le formulaire prescrit. Par position
administrative, l’ARC limite actuellement cette exigence aux versements qui excèdent
500 $ pour un même bénéficiaire pendant l’année 110.
110
AGENCE DU REVENU DU CANADA, interprétation technique 2013-0507171I7, 7 mars 2014
111
Il pourrait s’agir, par exemple des services de consultation, de diagnostic ou de traitement ou d’autres
services de santé à l’exclusion des services chirurgicaux ou dentaires exécutés à des fins esthétiques
plutôt que médicales ou restauratrices, rendus par un médecin à un particulier. Ces fournitures sont
exonérées selon l’article 5 de la partie II de l’annexe V de la LTA.
112
Mémorandum sur la TPS, art. 30 à 33
56
2.3.5 La société par actions
?
?
Autres
Cabinet Inc. professionnels
(Loyers - frais liés au cabinet - salaires) Frais de bureau (Revenus et dépenses
professionnels)
La convention de partage d’honoraires qui devra être signée entre les parties sera
la même.
57
2.4 L’embauche d’employés
La nouvelle de l’ouverture du cabinet s’étant propagée comme une trainée de
poudre, la clientèle des deux professionnels croît rapidement. Bien vite, ils sont débordés
et réalisent que les services d’une adjointe les rendraient plus efficaces. Chacun d’entre
eux n’a toutefois pas encore suffisamment de travail à lui confier pour combler une tâche
à temps complet. Professionnel B Inc. arriverait à l’occuper à 75 % et Professionnel A
pourrait lui fournir du travail pour combler les 25 % restants. Bien heureux d’avoir choisi
de se regrouper pour partager leurs dépenses, ils décident tout naturellement de se
partager également les services de cette perle qu’ils ont vite fait de dénicher. Et, afin de
pouvoir déléguer certains travaux plus techniques, chacun des deux professionnels
s’adjoint également les services d’un candidat à l’exercice de la profession qu’il pourra
former à sa manière.
M. Professionnel A
Professionnel B Inc.
(Revenus et dépenses
professionnels) (Revenus et dépenses
professionnels)
Cabinet A et B
(Frais liés au cabinet et
salaires)
58
2.4.1.1 Structure légale
Dans le cadre d’un regroupement de partage de dépenses, il est possible d’engager
des employés qui seront partagés. Lorsqu’un mandat a été signé autorisant un des
membres du groupe à s’occuper de l’administration des salaires à verser aux employés du
groupe, les professionnels mandants demeurent les véritables employeurs et sont, par
conséquent, responsables des salaires qui sont payés par le mandataire en leur nom.
Professionnel A et Professionnel B Inc. seront entre eux responsables d’assumer les
salaires partagés selon la répartition sur laquelle ils se seront entendus.
Pour les employés qui ne seront pas partagés, chacun des professionnels du
regroupement devrait en être l’employeur direct.
o le titre du poste;
o la description du poste et des tâches qu’il comporte;
o la rémunération;
o les modalités de versement de la rémunération;
o le nombre d’heures de travail, l’horaire de travail, les pauses, etc.;
o les vacances et les congés;
o la durée du contrat;
o les clauses particulières, s’il y a lieu (formation, assurance maladie, etc.).
59
premier versement qui tombe le 15 du mois suivant le mois au cours duquel la personne
est devenue employeur 113.
113
AGENCE DU REVENU DU CANADA, Livret RC2(F) Rev. 14 « Le numéro d’entreprise et vos
comptes de programme de l’Agence du revenu du Canada », 2014, page 20-21
114
AGENCE DU REVENU DU CANADA, précité, note 113, page 6.
115
AGENCE DU REVENU DU CANADA, interprétation technique 2002-0163135, 5 décembre 2002.
60
chacune des parties verse les salaires aux employés sans que l’un d’eux n’agisse à titre de
mandataire pour les autres chacun d’eux a l’obligation de déduire ou retenir à même sa
quote-part des salaires versés la somme fixée selon les modalités réglementaires 116.
Chacun a donc également l’obligation de produire les déclarations de renseignements
selon les formulaires prescrits (T4, relevés 1) à l’égard du paiement de sa quote-part des
salaires 117. Selon l’ARC, la situation serait différente dans le cas où l’une des parties
verserait la totalité des salaires aux employés en partie en son nom et en partie à titre de
mandataire de ses collègues. Dans un tel cas, l’ARC est d’avis que le payeur aurait
l’obligation de déduire ou retenir à même la totalité des salaires qu’il verserait la somme
fixée par les modalités réglementaires, de remettre cette somme aux autorités
compétentes et de produire les déclarations de renseignements selon les formulaires
prescrits 118. Les autres parties quant à elles seront responsables à titre de mandant pour
les actes que le payeur aura accompli… ou omis d’accomplir… à titre de mandataire.
Cette responsabilité sera limitée à la partie des salaires versés pour eux à titre de
mandant. Dans ces circonstances, une seule déclaration de renseignements à l’égard de la
totalité des salaires sera nécessaire.
En pratique, le calcul des charges sociales est souvent effectué à tort comme si un
seul employeur existait ce qui peut avoir un impact significatif sur le total des charges
sociales payées considérant les exemptions annuelles de base, mais surtout les maximums
annuels assurables. De ces inexactitudes pourraient découler de nouvelles cotisations
quant aux charges sociales ainsi que des pénalités et intérêts qui auraient pu être évités.
116
En vertu du paragraphe 153(1) L.I.R. et des articles 100 et suivants du R.I.R.
117
En vertu du paragraphe 200(1) R.I.R.
118
Selon l’ARC cette obligation découle des termes mêmes du paragraphe 153(1) L.I.R., des articles 100 et
suivants du R.I.R. et de la jurisprudence à cet égard.
119
Voir à ce sujet AGENCE DU REVENU DU CANADA, T4001 – Guide de l’employeur – les retenues
sur la paies et les versements, 31 décembre 2014 et REVENU QUÉBEC, TP-1015.G – Guide de
l’employeur et cotisations, version 2015-01
61
Inc. Elle pourrait donc être employée par Professionnel B Inc., mais effectuer également
certaines tâches pour Professionnel A. Pour compenser le fait que Professionnel B Inc.
verserait la totalité du salaire et des charges sociales, une facture pourrait être émise à
Professionnel A pour les services rendus. Toutefois, puisque ces services seront assujettis
à la TPS et à la TVQ, si Professionnel A n’est pas en mesure de réclamer la totalité des
CTI et RTI y afférent, un ajustement au sujet de la répartition des autres dépenses
attribuées à chacun pour l’exploitation du cabinet permettrait d’arriver au même résultat
sans créer de coût de taxe non récupérable pour l’un d’eux.
Cabinet, senc(rl)
(Frais liés au cabinet et salaires)
Si Cabinet est une SENC, la SENC sera l’employeur de tous les employés. Les
associés seront solidairement responsables des salaires des employés. Cette situation
serait la même si la société de personnes est une SENCRL, car dans ce dernier cas, la
responsabilité n’est limitée qu’à l’égard « […] des obligations de la société ou d’un autre
professionnel, découlant des fautes ou négligences commises par ce dernier, son
62
mandataire dans l’exercice de leurs activités professionnelles au sein de la société ». 120
Les associés seront solidairement responsables de ces dépenses.
? ?
Cabinet Inc.
(Frais de bureau facturés – coûts liés au cabinet -
salaires)
120
Code des professions, L.R.Q., c. C-26, art. 187.14.
121
Voir à ce sujet AGENCE DU REVENU DU CANADA, précité, note 119 et REVENU QUÉBEC,
précité, note 119.
122
Loi sur les sociétés par actions, chapitre S-31.1, article 154
63
associés d’une société de personnes qui n’est pas limitée. Il est à noter que la Loi sur la
faillite et l’insolvabilité 123, en ses articles 136 (1) d), 81.3 (1) et 81.4 (1), octroie une
priorité pour les gages, salaires, commissions ou autre rémunération pour services rendus
au cours des six mois précédant la faillite (ou la mise sous séquestre), jusqu’à
concurrence de deux mille dollars.
123
Loi sur la faillite et l’insolvabilité (L.R.C. (1985), ch. B-3)
124
Voir à ce sujet AGENCE DU REVENU DU CANADA, précité, note 119 et REVENU QUÉBEC,
précité, note 119.
64
devrait être donné à Professionnel A. Professionnel B propose donc d’assumer seul les
premiers 5 000 $ de coûts liés au cabinet, puis que tous les coûts supplémentaires soient
partagés en parts égales entre eux.
Cabinet A et B
(Revenus - frais liés au
cabinet)
Professionnel B Inc.
M. Professionnel A (Revenus et dépenses
(Revenus et dépenses professionnels)
professionnels)
Cabinet, senc(rl)
(Revenus - frais liés au cabinet)
65
2.5.2.1 Structure légale
Supposons par ailleurs que l’entente entre Professionnel A et Professionnel B Inc.
a évolué de sorte que le contrat conclu entre eux crée une société de personnes selon le
Code civil.
Les diverses lois provinciales sur les sociétés de personnes n’interdisent pas le
versement d’une rémunération à un associé. Par contre, le statut de salarié est
incompatible avec le statut d’associé. 125 Il faudrait donc que les associés procèdent par la
voie d’une répartition différente des profits.
125
Drolet c. Charron, [2005] R.J.D.T. 667, 2005 QCCA 430
126
AGENCE DU REVENU DU CANADA, Nouvelles techniques no 30 – Calcul et attribution des
revenus et des pertes d’une société de personnes, 21 mai 2004
127
Id.
66
une entreprise distincte de celle exploitée par la société de personnes 128. Dans ce cas bien
précis, le salaire de l’associé sera déductible, car la rémunération ne lui est pas versée en
sa qualité d’associé.
« Chacun des associés d’une société de personnes exploite une entreprise tant à titre de
mandant que de mandataire des autres associés constituant la société de personnes. En
conséquence, un contrat de travail conclu entre tous les associés de la société de personnes
et l’un de ses associés en particulier rendrait pour cet associé à signer un contrat en vue de
129
travailler pour soi-même. Une telle entente serait nulle en droit ».
La position de l’ARC repose sur une décision de la Cour canadienne de l’impôt
soit l’affaire Crestglen Investments Limited c. M.R.N. 130 qui avait établi que le traitement
fiscal du revenu tiré par un associé d’une société en nom collectif est le même qu’il
s’agisse de sommes distribuées par la société ou d’argent affecté aux services de gestion
de la société. Quant à la décision de la Cour canadienne de l’impôt selon la procédure
informelle dans l’affaire Archbold c. La Reine 131, il ne s’agit pas d’un précédent selon
l’ARC. Dans cette affaire, la cour avait permis la déduction dans le calcul du revenu
d’une société de personnes. Toutefois, le fait que la loi n’interdise pas le versement d’une
rémunération n’est pas suffisant pour rendre la somme déductible dans le calcul du
revenu de la société de personnes 132.
128
Id.
129
Id.
130
Crestglen Investments Limited c. M.R.N. 93 DTC 462
131
Archbold c. La Reine, 1995 1 C.T.C. 2872
132
Voir également les affaires Paajanen c. La Reine 2011 TCC 310, Jean François Blais, Christine Auray-
Blais et Innovations et Intégrations Brassicoles Inc. c. La Reine 2015 CCI 417 et James Mazurkewich c.
La Reine 2007 TCC 517
67
à elle serait formée de Professionnel A Inc. et Professionnel B Inc. qui exploitent
ensemble un cabinet professionnel. Des services distincts pourraient d’ailleurs être rendus
par Professionnel A autrement qu’en sa qualité d’associé et sans que celui-ci ne procède
au transfert de sa part. Toutefois, l’ARC recommande de conclure un tel contrat par
l’intermédiaire d’une entité distincte pour éviter l’application du principe qui empêche de
conclure un contrat avec soi-même et éviter l’incertitude au sujet de la déductibilité des
paiements 133. Ces services seraient par ailleurs assujettis à la TPS et à la TVQ ce qui
créerait potentiellement un coût de taxe non récupérable pour la société de personnes.
?
?
Cabinet Inc.
(Loyers - frais liés au cabinet - salaires)
133
AGENCE DU REVENU DU CANADA, Nouvelles techniques no 30, 21 mai 2004, Question 4.
68
2.6 Se partager des dépenses admissibles aux programmes de RS&DE
Parmi les avantages liés au fait de se réunir pour partager des dépenses, il y a la
possibilité de créer un milieu propre à l’échange d’idées et à l’innovation. Certaines des
dépenses partagées par les deux professionnels pourraient être admissibles aux crédits
d’impôt à l’investissement (« C.I.I. ») prévus aux programmes de recherche scientifique
et de développement expérimental (« RS&DE »). Aux considérations relatives à la
structure juridique déjà discutées dans le scénario de base s’ajoutent les différences au
niveau des taux de crédit d’impôt 134.
Cabinet A et B
(Frais liés au cabinet et
dépenses de RS&DE)
Une coentreprise n’étant pas une personne ni une société de personnes, le cabinet
ne pourrait se prévaloir lui-même des mesures fiscales proposées 135. Chacun des
membres du groupe de partage de dépenses pourra réclamer sa portion du C.I.I à un taux
qui différera pour chacun d’eux en fonction du véhicule juridique retenu pour exercer
leur profession. Professionnel A, à titre de particulier pourra réclamer un C.I.I sur la
portion des dépenses qui lui sont attribuées au taux de 15 % et ne sera éligible à aucun
crédit d’impôt au niveau des salaires de recherche et développement au Québec. Quant à
Professionnel B Inc., il pourra réclamer un C.I.I. sur sa portion des dépenses à un taux
134
Voir à ce sujet HUGUES LACHANCE, Réorganisation corporative : pour mieux anticiper les
incidences fiscales sur la RS&DE, APFF Colloque 228 – Symposium RS&DE, 27 février 2014
135
AGENCE DU REVENU DU CANADA, interprétation technique 2008-0269721I7, 15 octobre 2008
69
variant entre 15 % et 35 % au fédéral 136 et sa portion du crédit d’impôt au titre des
salaires de recherche et de développement à un taux variant entre 17,5 % et 37,5 % au
Québec.
Professionnel B Inc.
M. Professionnel A
(Revenus et dépenses
(Revenus et dépenses professionnels)
professionnels)
Cabinet senc(rl)
(Revenus - frais liés au cabinet et
dépenses de RS&DE
136
La société étant une société privée sous contrôle canadien, elle sera admissible à un crédit d’impôt à
l’investissement majoré de 20 % pour un total de 35 % en vertu du paragraphe 127(10.1) L.I.R.
Toutefois, l’admissibilité au CII est diminuée de façon graduelle lorsque le capital imposable de l’année
précédente utilisé au Canada (ainsi que celui de ses sociétés associées) se situe entre 10 M$ et 50 M$.
L’accès au taux majoré est complètement éliminé lorsque le capital imposable de l’année précédente
excède 50 M$ ou que le revenu imposable de la société pour l’année d’imposition précédente (et de ses
sociétés associées) excède 800 000 $ (par. 127(10.2) L.I.R.).
137
Puisque le crédit est calculé au niveau de la société de personnes, aucun taux majoré n’est disponible.
70
2.6.3 La société par actions
? ?
Cabinet Inc.
(Loyers - frais liés au cabinet - salaires –
dépenses de RS&DE)
71
3 Impact des derniers budgets sur les structures des professionnels
138
À ce sujet, voir le texte de Valérie MÉNARD, précité, note 1.
72
Cette limite est établie à 500 000 $ depuis 2009. Cette mesure représente donc une
réduction potentielle de l’impôt de la société de 39 500 $, un montant somme toute
substantiel 139.
1. Soit employer pendant toute l’année plus de trois personnes à temps plein;
2. Soit exploiter des activités du secteur primaire, manufacturier ou de la fabrication
et de la transformation, ce qui exclut notamment une entreprise de services.
Tableau 1
Taux
d’imposition
général (%) Actuel 2017 2018 2019 2020
139
Voir à ce sujet Valérie MÉNARD et Pierre-Philippe TACHÉ, précité, note 5.
73
Tableau 2
Taux
d’imposition –
après DPE Actuel 2016 2017 2018 2019
Pour un grand nombre de professionnels qui exercent seuls au sein d’une société
par actions, l’effet combiné de ces deux annonces se résume comme suit puisqu’ils ne
seront plus admissibles à la DPE au provincial pour les années d’imposition qui
commenceront après le 31 décembre 2016.
Tableau 3
140
AGENCE DU REVENU DU CANADA, interprétation technique 2011-0395121E5, 9 mars 2011
74
les taux d’imposition des particuliers prévus pour 2015. Lorsqu’il est assujetti au taux
d’imposition marginal maximum, le revenu de profession gagné personnellement par le
médecin serait imposé à un taux combiné fédéral et provincial de 49,97 %. Gagner cent
dollars de revenus de profession, libres de dépenses, laisse donc au professionnel 50,03 $
dans ses poches après impôts. Dans la seconde colonne, on illustre le principe de
l’intégration selon la situation actuelle, c’est-à-dire dans le cas où le revenu d’entreprise
exploité activement est d’abord imposé dans la société professionnelle et que ces revenus
sont admissibles à la DPE puis entièrement versés à l’actionnaire par la voie d’un
dividende (qualifié de « dividende non déterminé ») dont le taux d’imposition marginal
maximum est actuellement de 39,78 %. À la troisième colonne, on pose l’hypothèse que
le revenu n’est pas admissible à la DPE, ni au fédéral ni au provincial au cours de
l’année 2015. Il s’agirait notamment du traitement réservé aux revenus de la société
excédant le plafond des affaires, notamment. Le dividende reçu par l’actionnaire (qualifié
de « dividende déterminé ») est imposé à un taux moindre soit 35,2 % puisque la société
est frappée d’un taux d’imposition supérieur. L’intégration n’est pas parfaite, mais
l’équilibre est relativement maintenu.
Tableau 4
2015 – Revenu 2015 – Entreprise de 2015 – Entreprise de
personnel de services admissible à la services non admissible à
profession DPE la DPE
Fédéral et provincial Fédéral et provincial
(QC) (QC)
REEA 100,00 100,00
Impôt des sociétés (19,00) (26,90)
$ à distribuer 81,00 73,10
Revenu professionnel
100,00
Dividendes 81,00 73,10
Impôt personnel 49,97 (32,22) (25,73)
$ disponibles 50,03 48,78 47,37
Écart défavorable -1,25 -2,66
75
Logiquement, afin de maintenir l’équilibre lorsque le taux d’imposition de la
société est augmenté, le taux d’imposition du dividende doit être réduit et vice versa. Cela
explique les changements corollaires annoncés dans le Budget fédéral de 2015 en matière
de l’imposition des dividendes non déterminés et permettant de maintenir le principe de
l’intégration.
Tableau 5
Dividendes non
déterminés
Actuel 2016 2017 2018 2019
Majoration du 18 % 17 % 17 % 16 % 15 %
dividende
Les changements annoncés au Québec ne font toutefois pas état d’un ajustement
du taux d’imposition du dividende des entreprises non admissibles à la DPE. Puisque le
concept permettant de qualifier un dividende à titre de dividende déterminé ou non
déterminé est un concept fiscal fédéral, la réduction du taux d’imposition du dividende
qui aurait été souhaitable et logique à la suite de l’augmentation du taux d’imposition des
sociétés pourrait bien ne pas être obtenue. En 2017, si les liquidités devaient être
imposées au taux du dividende non déterminé, il en résulterait un taux combiné personnel
et des sociétés de 53,6 %, soit 3,6 % de plus que lorsque le revenu est gagné
personnellement par le professionnel. Lorsque l’intégration fonctionne, ne pas avoir accès
à la DPE signifie simplement une diminution de l’avantage conféré par le report d’impôt.
Toutefois, il pourrait maintenant s’agir d’une dépense d’impôt supplémentaire et
irrécupérable. Les tableaux qui suivent présentent l’impact au niveau de l’intégration
selon ces hypothèses.
76
2017 2017
2015 2016
Avec DPE-Qc Sans DPE-Qc
Revenu de la société 100,0 100,0 100,0 100,0
Impôt corporatif 19,0% (19,0) 18,5% (18,5) 18,0% (18,0) 21,8% (21,8)
$ disponibles = dividendes 81,0 81,5 82,0 78,2
Impôt personnel 39,8% (32,2) 40,1% (32,7) 40,6% (33,3) 40,6% (31,8)
$ reçus par l'actionnaire 48,8 48,8 48,7 46,4
2020 2020
Avec DPE-Qc Sans DPE-Qc
Revenu de la société 100,0 100,0
Impôt corporatif 17,0% (17,0) 20,5% (20,5)
$ disponibles = dividendes 83,0 79,5
Impôt personnel 41,3% (34,3) 41,3% (32,8)
$ reçus par l'actionnaire 48,7 46,7
77
À partir de 2017, les professionnels qui exercent leur profession au sein d’une
société par actions qui emploie pendant toute l’année moins de trois personnes à temps
plein seront plus lourdement imposés sur les premiers 500 000 $ de profit. Puisque cela
peut représenter jusqu’à 18 000 $ d’impôt de société de plus par année, les professionnels
devront revoir certaines de leurs décisions d’affaires afin d’être à nouveau admissible à la
déduction pour les petites entreprises sur la totalité ou une partie de leurs revenus ou du
moins réduire l’impact des nouvelles mesures.
Ces nouvelles mesures pourraient également avoir un impact sur les structures
utilisées par les professionnels lorsqu’ils se regroupent pour partager des dépenses. Si une
société par actions telle que Professionnel B Inc. devait devenir associée d’une SENC,
l’un des éléments qui serait à considérer lors du calcul de la DPE est le « revenu de
société de personnes déterminé », selon la définition prévue au paragraphe 125(7)
L.I.R 141. Il en résulte le partage, entre les associés, corporatifs ou non, d’un seul plafond
des affaires relativement au revenu admissible à la DPE provenant d’une société de
personnes. Est-ce que le fait que la SENC emploie plus de trois personnes à temps plein
permettra aux associés de réclamer la DPE à la fois au fédéral et au Québec sur sa quote-
part du plafond des affaires? Les notes explicatives accompagnant le budget du Québec
141
Voir à ce sujet : AGENCE DU REVENU DU CANADA, Bulletin d’interprétation IT-73R6,
« Déduction accordée aux petites entreprises », 25 mars 2002, par. 20.
78
étaient muettes à ce sujet. Chose certaine, les professionnels qui ne partageaient que des
dépenses pourraient dorénavant souhaiter partager également une portion de leurs
honoraires si ceux-ci peuvent être assujettis à un taux d’imposition plus faible. Chaque
situation devra faire l’objet d’une analyse particulière en gardant à l’esprit que le jeu doit
en valoir la chandelle et que le fait d’associer les sociétés de divers professionnels et de
devoir se partager un seul plafond des affaires pourrait être désavantageux considérant
que ces nouvelles mesures ne s’appliquent qu’au niveau de l’impôt du Québec.
Bien que l’écart soit aggravé par les nouvelles mesures provinciales, rappelons
également que dans tous les cas, l’intégration n’est pas parfaite et que le professionnel
qui choisit de gagner son revenu par l’entremise d’une société et de retirer
immédiatement toutes les liquidités de la société sans effectuer de fractionnement de ses
revenus est défavorisé. De quoi engendrer une vague de « désincorporations »? Cela ne
devrait pas être le cas puisque cette inégalité, bien que moindre en 2015, était tout de
même présente et bien connue des praticiens. Considérant les honoraires professionnels à
encourir lors de la mise en place de la structure et les frais annuels à débourser pour son
maintien, la voie de l’incorporation devait déjà mathématiquement être évitée en 2015. Il
est donc probable que les professionnels ayant choisi d’incorporer leur pratique l’aient
fait pour obtenir d’autres avantages, notamment profiter de possibilités de report d’impôt
ou de fractionnement de leurs revenus.
Le report d’impôt survient lorsque les profits de la société ne sont pas tous
redistribués, car alors le taux d’imposition plus faible de la société fait en sorte que des
liquidités plus importantes peuvent être conservées au sein de la structure de la société.
Ces liquidités pourront permettre de rembourser des dettes plus rapidement, d’effectuer
davantage de placements ou de payer des dépenses non déductibles pour la société telles
que des primes d’assurance vie ou d’assurances maladies graves. Évidemment,
l’augmentation du taux d’imposition des sociétés réduit autant l’avantage lié au report de
l’impôt, mais l’écart entre le taux marginal maximum des particuliers de 49,97 % et le
taux qui serait applicable en 2017 aux revenus professionnels non admissibles à la DPE
au Québec de 21,8 % demeure 28,17 % inférieur et est donc toujours attrayant.
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En outre, bien que visé par les recommandations du rapport Godbout de la
Commission d’examen de la fiscalité québécoise, le fractionnement de revenus, c’est-à-
dire la possibilité de partager le revenu entre les membres d’une même famille afin de
réduire le montant d’impôt à payer, demeure un avantage incontestable. Puisque les
systèmes d’imposition canadien et québécois sont basés sur le revenu personnel, lorsque
le conjoint et les enfants majeurs ne sont pas imposés au taux marginal maximal, il est
toujours intéressant d’utiliser les avantages que procurent les taux d’imposition
progressifs des particuliers afin de réduire l’impôt total payable par la famille. Pour ce
faire, le professionnel pourrait souscrire aux actions avec droit de vote de la société afin
de conserver le contrôle de la société, mais fera en sorte que les membres de sa famille
détiendront des actions donnant droit à des dividendes – directement en utilisant des
actions à dividendes discrétionnaires, ou indirectement grâce à la présence d’une fiducie
familiale discrétionnaire au sein de la structure. Il devra toutefois s’assurer de respecter
les conditions exigées quant à l’exercice de ses activités professionnelles au sein de la
société.
CONCLUSION
Il n’est jamais trop tard pour corriger une structure déficiente, mais il est moins
coûteux de mettre en place dès le départ une structure adéquate. Pour ce faire, l’analyse
des besoins actuels et anticipés des professionnels est une étape primordiale. Le
fonctionnement et la situation d’un regroupement évoluent dans le temps, il est donc
essentiel d’en suivre l’évolution et d’adapter ou modifier la structure du groupe afin
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qu’elle demeure adéquate et n’augmente pas indûment les risques et la responsabilité des
membres du groupe tant au niveau civil que fiscal.
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