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Isabelle Stengers
Histoire
de la chimie
ÉDITIONS LA DÉCOUVERTE
9 bis, rue Abel-Hovelacque
PARIS XIIIe
1993
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Si vous désirez être tenu r�gulièrement informé de nos parutions. il vous suffit d ·envoyer
vos nom et adresse aux Editions La Découverte, 9 bis, rue Abel-Hovelacque, 75013
Paris. Vous recevrez gratuitement notre bulletin trimestriel A La Découverte.
La question de l'identité
Choix d 'objets
Des origines
1
L'héritage d'Alexandrie
Doctrines
1. Que parmi les grands dieux grecs. on trouve un dieu forgeron, Héphaïs
tos, est d'autant plus remarquable que les Grecs classiques tenaient les pra
tiques artisanales en piètre estime. Rappelons aussi que le cuivre et l'étain
(qui entrent dans le bronze) furent l'objet au cours du 11· et du l" millénaire
avant J.-C. d'un système d'échange commercial organisé impliquant la
majeure partie de l'Europe, notamment la Grèce, les régions transylvanien
nes, l'Espagne. l'Angleterre, le Danemark, etc.
20 Histoire de la chimie
Le corpus alexandrin
- alchimie, alcool, alambic, alcali, camphre, talc, marra, etc. D'après CROS
LAND [ 1978, 57), les mots arabes ont été maintenus par les traducteurs qui
hésitaient sur leur signification exacte.
2
Le monde chrétien
La question d'évaluation
Modes de transmission
Révolutions
Inventions alchimiques
Atomes et mixtes
L'alphabet chimique
Un roman cartésien
« Matter of fact •
Reprendre une notion aussi chargée de sens que celle des ori
gines est toujours un risque. Dans le cas de la chimie, ce ris
que s'imposait parce que la question des « origines
alchimiques » de la chimie hante de toute façon la mémoire des
chimistes et, plus largement, notre culture, comme les hante
la « révolution chimique » de Lavoisier. Chacun s'accorde à
reconnaître que l 'alchimie n'était pas une « vraie science », et
que la chimie de Lavoisier en est une. Le couperet de la « nais
sance de la chimie », ou de la conquête par la chimie du titre
de science, devrait donc passer quelque part entre les deux,
selon des critères qui font l'objet de bien des controverses [voir
notamment Holmes, 1989].
Le choix auquel répond notre narration n'est évidemment pas
le « bon », le « vrai ». Il répond à certaines préoccupations que
nous voudrions expliciter avant de fixer, de manière toute
symbolique, une date qui marque la « fin des origines » de la
chimie.
Bilan
chose la plus naturelle qu'il soit. Comme nous aurons l' occa
\ion de le montrer par la suite, le territoire de la chimie, l'auto
nomie de ses pratiques, son identité par rapport à d'autres
sciences n'ont pourtant jamais cessé d'être un enjeu pris dans
une histoire. « A 1 'origine » de ce problème se trouve déjà une
histoire, longue, sinueuse, hétérogène, l'histoire des pratiques
alchimiques. Le caractère polymorphe de cette histoire con
damne la vision simpliste d'une alchimie terrassée par la ratio
nalité lors de la naissance de la science moderne.
Il fallait donc, deuxièmement, bien marquer les continuités
et les ruptures. La conception atomique, aussi moderne qu'elle
puisse nous paraître, n'a pas interrompu la continuité des pra
ligues chimiques. Le mécanisme n'a pas évincé, éclipsé d'un
coup de baguette magique, les traditions alchimiques. Elles ne
sont pas mortes, elles ont été déplacées ou récupérées. Cepen
dant, deux « nouveautés » marquent le xvn· siècle. D'une part,
avec Van Helmont, Mayow, Boyle puis Hales, se développe un
intérêt pour les « gaz ». En un temps où font rage les querel
les sur le vide, ce sont d'abord les propriétés auxquelles donne
accès la pompe à vide, notamment l'« élasticité » où s'articu
lent pression et volume, qui concentrent l'attention. Il n'empê
che qu'avec le gaz, de nouveaux instruments sont entrés dans
le laboratoire du chimiste, pompes à vide et cloches permet
tant de recueillir les gaz produits par une réaction chimique,
ouvrant un terrain nouveau pour de nouvelles querelles. Par ail
leurs, avec la conception atomique se dessine un nouveau rap
port pratique à l'expérience qui instaure une divergence entre
les intérêts artisanaux et les objectifs de recherche : les trans
formations chimiques peuvent, par leur succession, « démon
trer » quelque chose à leur propre sujet. On privilégie alors la
possibilité de retrouver le produit initial, pratique qui est le res
sort de la démonstration mais n'offre aucun intérêt pour les
artisans.
Il s'agissait enfin de faire la différence entre deux problèmes
distincts : celui de la rationalité au sens moderne et celui du
statut de science. Pour les historiens qui unissent ces deux thè
mes sous le signe de la rupture, de la « révolution scientifique »
qui fait d ' un seul coup la différence avec le passé et la ressem
blance avec notre présent, la chimie est source d'embarras.
Comme nous le verrons au chapitre suivant, le personnage de
Lavoisier s'offre comme analogue à celui de Galilée ou de New
ton , mais il vient bien tard, à la fin du XVIII' siècle seulement.
56 Histoire de la chimie
Options
Révolution !
Un nouveau Paracelse ?
Deux lectures
Le secret de Newton
l'avaient toujours su, mais n'en avaient fait état qu'avec la plus
grande discré t i o n . Le temps de la discrétion prit fin en 1946,
lors des célébrations du tricentenaire de Newton. Lord Keynes,
qui avait acheté, en 1936, une grande partie des manuscrits
alchimiques de Newton sur le point d'être dispersés en vente
publique, déclara alors : « Newton n'était pas le premier au siè
cle de la Raison, il était le dernier du siècle des Magiciens, le
dernier des Babyloniens et des Sumériens, le dernier grand
esprit qui perçait le monde du visible et de l'esprit avec les
mêmes yeux que ceux qui commencèrent à édifier notre patri
moine culturel il y a un peu moins de dix mille ans. » [cité dans
Dobbs, 1975, p . 38.]
Depuis, les études historiques se sont multipliées. En 1958,
Boas et Hall pouvaient encore prétendre que Newton n'était
pas alchimiste : il s'intéressait simplement à la chimie des
métaux. Et certes les expériences de Newton sont d'une préci
sion quantitative minutieuse, et nulle part on ne trouve de
déclarations triomphales, de descriptions de transformations pro
digieuses, de manifestations de crédulité enthousiaste. C'est un
chercheur austère, non un illuminé prenant ses désirs pour des
réalités, qui cherche à percer l'énigme de l'activité de la matière.
Cependant, il est tout aussi vrai que Newton s'est acharné à
déchiffrer, annoter, comprendre les manuscrits les plus ésoté
riques, les plus énigmatiques, non ceux auxquels nous pour
rions reconnaître une allure « moderne ». Il était donc convaincu
que les alchimistes possédaient un secret, et, qui plus est, lui
même travaillait dans le secret le plus impénétrable.
C'est Richard Westfall qui, le premier, osa poser la question
qui restera sans doute toujours sans réponse définitive, mais
n'en a pas moins alimenté depuis les études newtoniennes : et
si les Princpia
i n'avaient pas été pour Newton lui-même l'apo
théose, mais une péripétie de sa véritable recherche ? Et s'il
s'était agi pour lui d'étudier, sur un cas simple de mouvements
célestes, ces forces dont il traquait le secret dans son laboratoire
de Cambridge ? Nous ne pouvons entrer ici dans l'analyse de
l'œuvre alchimique de Newton. Betty J. Dobbs a montré
qu'elle se centre sur le « lion vert », le régule étoilé d'anti
moine, déjà célébré dans Le Char tn"omphal de l'antimoine de
l'alchimiste du xv· siècle Basile Valentin. Newton aurait vu
dans l'étoile le signe d'une puissance d'attraction, et espéré que
le régule étoilé pourrait, par l'action de l'Esprit universel pla
nant dans l'air, extraire des autres métaux le « mercure philo-
La conquête d'un tem'toire 71
1 . C'est Robert Boyle qui a mis au point les indicateurs chimiques per
mettant d'identifier acides et bases. Le sel alcalin (basique) le plus commun
est le sel de tartre.
2. Pour tout cela, voir HOLMES (1989, p 33·59), « Moyen » parce que le
c sel • alcalin est fixe, et le « sel ,. acide, volatil.
gues des « faits • (nouveaux), débute ainsi en France sans faire d'histoires,
par un règlement. Sur Boyle, voir S. SHAPIN, c Une pompe de circonstance.
La technologie littéraire de Boyle •. in CALLON et LATOUR [ 1990 ].
4. Homberg définit aussi la classe des « sels ammoniacs • différant des sels
moyens en ce qu'ils résultent de la composition de deux corps volatils.
Histoire de la chimie
5 . L'alcali, dérivé du sel de rame, pem être aussi exrrair des planees.
La conquête d'un tem'toire 77
6. Cité par ANDERSON ( 1 984, p. 58), dont nous suivons ici l'analyse.
10
l l l lln�-t " ' ' q " < ' , lrF.n rt vub t i l . wmme elle le fait perdre au char
""' dr t n t<' L• '''"le d i lf{rcnrc est que, dans le cas du métal,
1 1 1 1 t t·t • H I I :l l 'l ' t a t J l l l l l t i t i f est possible, par réabsorption du phlo
p, t � I H J I Ir M:tt� ( (' rc10ur à l ' état primitif plaide en lui-même
l " " ' ' l ' assit n i lat ion emre la combustion et la corrosion. C'est
k i l t a rhon , sat uré de phlogistique, qui permet de rendre aux
1 !taux m é t a l l iques leur éclat : il leur restitue le phlogistique
le porte plutôt à repérer les points où les doctrines chimiques ont aveuglé
les auteurs qu'à concevoir le programme d'une c�imie newtonienne.
82 Histoire de la chimie
Le phlogistique
La valeur de la chimie
Chimie subversive
être tentés de croire que nous nous sommes élevés aux généra
lités les plus hautes ; mais nous savons bien au contraire que
nous nous en sommes tenus aux notions qui découlent le plus
immédiatement des faits et des connaissances particulières, et
qui peuvent en éclairer la pratique [ . . . ]. Ainsi le manœuvre dit :
un certain degré de feu fond l'or, dissipe l'eau, calcine le
plomb, fixe le nitre, analyse le tartre, le savon, un extrait, un
animal. Et la science dit : un certain degré de feu lâche l'agré
gation de l'or, détruit celle de l'eau, attaque la mixtion du
plomb et la composition du nitre, excite les réactifs dans le tar
tre, le savon, un extrait, un animal8. » Le chimiste « scientifi
que » s'allie avec l'artisan contre l'arrogance de ceux qui nient
la mixtion parce que leurs agents mécaniques ne permettent de
comprendre que la seule agrégation. Il reconnaît qu'un an chi
mique ne pourra jamais être « réformé » ou « perfectionné » que
par un chimiste qui « aura acquis cette faculté de juger par sen
timent qui s'appelle coup d'a:zJ chez l'ouvrier, et que celui-ci
doit à l'habitude de manier son sujet. »
Venel souligne donc la singularité de la chimie par la néces
sité d'une subversion de la division sociale et intellectuelle entre
le chimiste scientifique et l 'ouvrier, c'est-à-dire par l'idéal que
défendait Diderot dans De l'interprétation de la nature. La chi
mie française, science des Lumières, ne donne pourtant pas
l'exemple de cette science « baconienne », au sens de purement
empirique et utilitaire , qu'on a trop souvent accusé Diderot de
défendre. Elle est « philosophique », au sens où elle illustre la
nécessité de ce que Diderot appelait une « ligue philosophique »
entre ceux qui se remuent et ceux qui réfléchissent, entre ceux
qui « ont vu si souvent et de si près la nature dans ces opéra
tions » qu'ils en ont acquis « cet esprit de divination par lequel
on subodore, pour ainsi dire, des procédés inconnus, des expé
riences nouvelles, des résultats ignorés » et ceux qui mettent en
œuvre les faits, tentent de les lier, et qui « s' opiniâtrant à la
solution de problèmes peut-être impossibles, sont parvenus à
des découvertes plus importantes que cette solution 9 ».
Diderot annonce la fin de la mécanique rationnelle : « Leurs
ouvrages [des Bernoulli, d'Alembert, Euler, Maupertuis, etc.]
subsisteront dans les siècles à venir, comme ces pyramides
Le rêve newtonien
s?i� parce qu'il est volatil, soit parce que, peu soluble, il pré
cipite.
Or, de retour à Paris, Benhollet est devenu un de ces « grands
hommes de science » que Napoléon honore. Comme Laplace,
il sera sénateur et, avec Laplace, il fondera la Société d'Arcueil,
société privée avec ses laboratoires, son journal, et surtout ses
discussions et ses collaborations6. L'expérimentateur n'est plus
seul, et le milieu où il travaille a une doctrine : les processus
physiques et chimiques s'expliquent par les forces d'attraction
newtonienne. Dans La Statique chimique (1803), Berthollet
montre que la conception newtonienne impose que les réactions
chimiques soient généralement incomplètes, et s'oppose à ce
que les circonstances physiques (concentrations, température)
soient définies comme « permettant » ou « faisant obstacle à •
l'action proprement chimique des affinités. L'affinité n'est donc
plus qu'un facteur parmi d'autres dans la réaction, qui n'a plus
de direction naturelle, mais une direction dépendant d'un
ensemble de conditions. Le résultat normal d'une réaction est
un équilibre, où la concentration relative des réactifs et des pro
duits de réaction est fonction de cet ensemble de conditions
(d'où le titre La Statique chimique). La seule singularité de
l'affinité est celle de la force d'attraction : elle ne peut être
directement manipulée par le chimiste.
Berthollet a donc trouvé une troisième voie pour faire de la
chimie une science newtonienne : l'exemple à suivre n'est plus
l'astronomie, mais la mécanique, qui, elle aussi, a commencé
par la statique, l'étude de l'équilibre. Mais le « rêve newto
nien », enfin déployé dans toutes ses conséquences, devient
cauchemar pour le chimiste. Venel avait raison : la force
d'attraction ne peut expliquer une réaction complète ; pis elle
ne peut rendre compte que d'un mélange, non d'une vérita
ble combinaison, d'une véritable production d'un nouveau
corps homogène à partir de l'hétérogène. Tout corps est donc
un mélange, dont la composition dépend des conditions de
réaction.
Berthollet, ici, porte atteinte à 1 'identité pratique de la chi
mie. S'il a raison, tous les procédés qui constituent le trésor de
cette science ne renvoient pas seulement à des cas particuliers,
ils n'accomplissent tout simplement pas ce qu'ils prétendaient
faire. Le chimiste, qui avait appris à identifier un corps par sa
7. Voir HOLMES [ 1 962]. er S.J. KAPOOR [ 1965). Notons que les chimistes
connaissent désormais des composés qu'ils appellent « berthollides », parce
que leurs proportions sont indéfinies. Une histoire-fiction est imaginable ici :
que serait devenue la chimie si, dans la nature, les « berthollides » avaient
été dominants ?
8 . ÜSlWAlD ( 1906, p. 2 1 1 ) . HOlMES [ 1962) et DAUMAS [ 1946) se réfèrent
à Ostwald pour poser le problème de l'oubli dans lequel sombra l'œuvre de
La conquête d'un tem'toire 101
t iun par les propriétés n'est plus une procédure sûre : l' effer
vescence ne garantit plus qu'il y ait une seule terre calcaire.
Peut-être chaque terre calcaire calcinée donne-t-elle une chaux
vive différente ? Duhamel n'a-t-il pas montré que la « base »
du sel marin et celle que l'on peut dériver à partir du sel de
tartre sont différentes ? Et comment comprendre la Magnesia
alba (MgC03) , qui a les propriétés d'effervescence d'une terre
calcaire mais qui, calcinée, donne un produit qui n'est ni solu
ble dans l'eau ni caustique ? Telle est la question que Cullen
propose, en 1752, à son élève Joseph Black comme sujet de doc
torat en médecine. Black n'aime pas la médecine, mais son père
veut qu'il soit médecin. Il aime la chimie, et le choix de la
Magnesia alba, cet utile purgatif, est une bienheureuse solu
tion, d' autant plus que ses différences et ses analogies avec les
terres calcaires justifient 1 'étude de celle-ci.
Pendant trois ans, Joseph Black entreprend sur la Magnesia
alba et sur les terres calcaires une série d'expériences que l'on
peut dire strictement « positives », au sens où il pourra, ensuite,
utiliser certaines d'entre elles pour poser le problème, d'autres
pour démontrer sa thèse, d'autres comme confirmations de con
séquences prédites à partir de sa thèse.
Compétition européenne
gés par les réactions sur une cuve à mercure. Il a ainsi déjà isolé
et identifié à l'état gazeux ce que nous nommons l'acide
chlorhydrique, le gaz ammoniac, le gaz sulfureux, il a égale
ment découvert l'hydrogène sulfuré, l'hydrogène phosphoré,
l'éthylène, notre azote qu'il appelle « air phlogistiqué ». Cham
pion incontesté de la chasse aux airs par son palmarès, Priest
ley est aussi un pionnier de l'étude chimique du vivant. Chaque
air qu'il isole est caractérisé par un certain nombre de réactions.
Parmi ces tests d'identification, Priestley utilise fréquemment
une plante ou un animal qu'il place sous la cloche remplie du
nouvel air à caractériser. Ainsi progresse, en annexe de la chi
mie des gaz, l'étude chimique de la respiration 6.
Même si la respiration n'est qu'un moyen parmi d'autres au
service d'une fin, caractériser de nouveaux airs, cela n' empê
che pas Priestley de faire des hypothèses sur la nature des méca
nismes en jeu. C'est ainsi qu'il a, dès 1771, assimilé la
respiration animale à une sorte de putréfaction : une phlogis
tication qui corrompt l'air. Il suggère que le rôle des poumons
est d'évacuer les émanations putrides vers l'extérieur et mon
tre que les plantes sont capables de « restaurer » 1' air et de le
rendre à nouveau respirable. L'idée de corruption focalise l' inté
rêt de Priestley et de certains de ses collègues d'Angleterre ou
d'Italie qui posent les bases d'une étude scientifique de la salu
brité de l'air dans notre environnement. Pourtant, lorsqu'il isole
l'oxygène, lors d'une expérience de réduction d'un oxyde ou
« chaux » de mercure, alors nommé precpite i per se, il ne le
caractérise pas immédiatement avec le test de la respiration :
il déclare qu'il est soluble dans l'eau ; qu'il rend plus brillante
la flamme d'une bougie placée dans le récipient et le prend
d'abord pour du gaz nitreux, irrespirable.
C'est sur la nature de ce nouvel air qu'intervient Lavoisier
et, grâce à l'oxygène, il va se faire reconnaître comme le grand
réformateur de la chimie. Lors d'un voyage à Paris, en octobre
1774, Priestley parle à Lavoisier de son expérience sur la réduc
tion de la chaux de mercure. Lavoisier, qui connaît aussi les tra
vaux de Scheele, refait l'expérience de Priestley en la considérant
comme un moyen de répondre au problème suivant : « Existe
t-il différentes espèces d'air ? Suffit-il qu'un corps soit dans un
état d'expansibilité pour constituer une espèce d'air ? Les dif
férents airs que la nature nous offre ou que nous parvenons à
Expériences cruciales ?
Réforme de la nomenclature
Le triomphe de Lavoisier
6. Plusieurs chimistes ont fait remarquer que peut-être tous les acides ne
contenaient pas de l'oxygène et que tous les gaz, sauf l'oxygène, étaient « a
zoon •· c'est-à-dire impropres à la vie des animaux.
La conquête d'un territoire
Professionnalisation
Organisations et programmes
8. En 1838, l'École des mines se dote d'un labora�oire pour former les élè
ves à la chimie analytique ou Docimasie ; en 1855, l'Ecole supérieure de phar
macie développe 1 'enseignement pratique de la chimie et de la toxicologie ;
Frémy inaugure dans les années 1860 un nouveau laboratoire au Muséum,
qui délivre gratuitement une formation en quatre ans, avec un système de
tutorat et, à partir de 1881, une vingtaine de bourses pour aider les étudiants.
Enfin, en 1868, le ministre Victor Duruy crée l'École pratique des hautes étu
des, pour pallier les insuffisances de la formation universitaire [Fox, Weisz,
1980).
Une science de professeurs 133
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Contrôles fins
La pile de Volta
Le dualisme électrochimique
L'hypothèse de Dalton
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Une science de professeurs 1 53
EXPLANATION OF PLATES.
3. Berzelius désigne parfois les atomes d 'oxygène par des points au-dessus
des symboles de l'élément qui lui est associé ; à panic de 1827, il représente
deux atomes d'un même élément par un symbole barré à la hauteur
d'un tiers. Par exemple, l'eau : 2H + 0 s'écrit fi et le dioxide de car
bone ë.
158 Histoire de la chimie
Doutes et replis
Spéculations
Les chimistes ont certes fait vœu de chasteté à l'égard des spé
culations atomiques, mais cela ne les empêche pas de flirter avec
une hypothèse bien plus spéculative encore que les atomes, for
mulée au début du siècle par un physicien anglais, William
Prout ( 1785- 1850) : la diversité des corps simples, chaque jour
plus nombreux, dériverait d'un seul élément originaire, l'hydro
gène. Cette thèse a reçu un secours inespéré lorsque Dalton a
choisi l'hydrogène pour unité de son système de poids atomi
que. On peut alors espérer sdumettre l'hypothèse à l'expérience
en montrant que les poids atomiques des autres éléments sont
des multiples entiers de celui de l'hydrogène. Tel est le pro
gramme qu'entreprend Thomas Thomson, champion de Dal
ton et de Prout, dans son laboratoire de Glasgow. Mais lorsqu'il
publie ses poids atomiques en 1825, ils sont critiqués par Ber
zelius qui reproche à Thomson d'éliminer les décimales impor
tunes. D'où une volonté très ferme de pousser toujours plus loin
la précision des poids atomiques afin de démentir l'hypothèse.
Une science de professeurs l (d
Combat de géants
: J o c2:s J 0
C2Hs
C2Hs
JO
La formule des acides est dérivée de 1 'eau par substitution
de radicaux à l'hydrogène. Pour les acides dits « polybasiques �.
qui peuvent former plusieurs sels avec un seul corps, William
son imagine que le type « eau » est plusieurs fois condensé. Et
il caractérise chaque radical par sa « basicité », c 'est-à-dire le
nombre d'atomes auquel il peut se substituer, une sorte d'équi
valent de substitution.
Au lieu de rapporter tous les composés à un seul type, diver
sement condensé, Charles Gerhardt préfère trois types. Il adopte
le type ammoniac défini en 1849 par Hoffmann, le type eau
de Williamson et il ajoute, en 1853, le type hydrogène ou acide
chlorhydrique.
H
H :J o H
H
H
J N
Une science de professeurs 175
Discordes
Acide Acide
sulfurique acétique
SOz l Oz
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Le tableau de Mendeleev
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2 . Le tartrate, qui forme un dépôt dans les cuves à vin, est utilisé comme
apprêt des tissus pour recevoir le colorant. En 1820, Philippe Kesrner, indus
triel à Mulhouse, ayant découvert dans ses cuves un tartrate un peu étrange,
avait demandé une analyse aux chimistes. Gay-Lussac, en 1826, pense qu'il
s'agit d'un sel formé à partir d'un acide différent de l'acide tartrique qu'il
appelle « acide racémique ,. (de raisin), tandis que Berzelius le baptise « acide
paratartrique ».
Une science de professeurs 191
Du type à l'atomicité
Benzène ou triacétylène ?
Pendant que Berthelot écrit des livres pour chanter les pou
voirs de la science, d'autres chimistes, pattant de l'hexagone du
benzène, s'efforcent avec patience, minutie, par essais et erreurs,
d'obtenir de nouveaux corps. Dans le monde de la synthèse
riante dont Berthelot est le héros, « il suffit » de combiner
202 Histoire de la chimie
Autour de la soudière
ment Desormes. Clément et Desormes démontrent par des calculs que, con
trairement aux idées admises, le rôle du salpêtre n'est pas de fournir l'oxy
gène nécessaire à la combustion du soufre, ni de fournir la chaleur nécessaire
pour une combustion complète produisant de l ' acide sulfurique et non sul
fureux. Ils suggèrent que la déflagration du salpêtre produit du dioxyde
d'azote qui agit comme un agent oxydant sur le dioxyde de soufre produit
par la combustion du soufre [Smith, 1979, p. 54-66].
4. Clément et Desormes précisent que l'oxyde d'azote n'est pas consommé
dans la réaction mais agit comme un instrument. En termes modernes, leur
interprétation peut s'exprimer ainsi : SOz + NOz + H20 = H2S04 + NO
et NO + 1 / 2 Oz = NOz.
2 14 Histoire de la chimie
Produits
Soude
de blanchiment
Année
Mt/liers Mzfliers Milliers Mrlliers
tonnes livres tonne.r livres
d e 1854 à 1858, dans une usine à Puteaux, mais ils ont égale
ment abandonné car la taxe sur le sel augmentait considérable
ment le coût du procédé.
Sur ce procédé qui engloutit le capital de tant de chimistes
sagaces, un fils de famille industrielle belge va bâtir une for
tune. Pour des raisons de santé, le jeune Ernest Solvay
( 1838-1922) n'a guère étudié à l'Université, ni fréquenté les
grands laboratoires européens d'Allemagne ou d 'ailleurs. Mais
il connaît les lois de Berthollet et le traitement des sels car son
père dirige une saunerie. De plus, il est sensible au gaspillage
des eaux ammonicales dans la compagnie du gaz de son oncle
où il travaille à partir de vingt et un ans. Il a la même idée
géniale qu'une quinzaine de chimistes avant lui, et il prend un
brevet en 1 86 1 . Plein de confiance puisqu'il i gnore les déboi
res de ses devanciers, il quitte la compagnie du gaz et monte
avec son frère Alfred une petite fabrique de soude à l'ammo
niaque près de Bruxelles. En 1863, encouragés par les premiers
essais, aidés financièrement par la famille, les deux frères cons
truisent une usine à Couillet, près de Charleroi. Lorsque l'usine
est mise en marche, en 1865, rien ne va plus. Les incidents
s' accumulent : la chaux se délite, la température doit être sans
cesse contrôlée, et pour finir le carbonateur explose. Liquida
tion de la société. En juillet 1866, Ernest Solvay redémarre et,
en avril 1867, il produit 1 kilo de soude par jour ! A chaque
étape du procédé, il rencontre une difficulté technique qu'il
faut résoudre avant de passer à l'étape suivante. Mais loin de
se décourager, il s'entête. La carbonation de la saumure ammo
niacale posait deux difficultés importantes, résolues en 1868.
Pour obtenir une bonne absorption du gaz ammoniac par le
chlorure de sodium en solution, il faut assurer un bon contact
liquide/ gaz et dissiper la chaleur dégagée par l'absorption.
Ernest Solvay invente une colonne de refroidissement à 100 pla
reaux avec tamis et chicanes pour augmenter le contact des réac
tants, et des faisceaux tubulaires à différentes hauteurs. Il
introduit aussi un four à coke pour récup érer les eaux ammo
niacales ainsi que les sous-produits de la distillation des
goudrons.
De problèmes en solutions, Solvay progresse et il a l 'ingé
niosité de prendre un brevet dans plusieurs pays sur chaque
phase du processus dès qu'elle est mise au point. En décem
bre 1872, il produit 1 2 tonnes par jour. Il construit une sou
dière à Dombasle près de Nancy, et Ludwig Mond, ancien
étudiant de Bunsen, achète les brevets Solvay et l'introduit en
220 Histoire de la chimie
PROCÉDÉ SOLVAY
USINES A GAZ SEL MARIN
t t CALCAIRE
P.aux ammomaquées saumure
1
l l 1
'
c������x
à j carbonation de la
saumure ammoniacale
C02
j�
NH4• Na•
Cl HC03·
récipitation
du bicarbonate terréfaction
NaHC03 ------i à 1500
NH4• Cl
1
'
1 CaCb 1
/. 'expansion industrielle 221
a 1 000 c : CaCz + Nz
a = CNz Ca + C. On peut ensuite
hydrolyser la cyanamide calcique avec des vapeurs surchauffées
pour obtenir de l'ammoniac. Une première usine, fondée en
1 <J 10 à Knapsack près de Cologne, exploite le procédé, puis une
autre à Trotsberg près de Munich. Le procédé a été acheté par
ks Anglais pour construire aussi une usine en Norvège ainsi que
par un Américain, Franck Washburn, qui fonde l ' American
Cyanamid Company pour l'exploiter dans une usine située près
des chutes du Niagara.
Une autre perspective hante l 'esprit des chimistes à la fin du
XIX' siècle : faire la synthèse directe de l'ammoniac à partir de
ses constituants. Après avoir formulé, en 1888, une loi de dépla
cement de l'équilibre chimique, Henry Le Chatelier (1850-1936)
définit théoriquement les conditions de température et de pres
sion qui seraient nécessaires pour effectuer cette synthèse en pré
sence d'un catalyseur : si on opère à 500 ou 600 c la a .
Le mauve de Perkin
Produits Opérations
Goudron de houille
� Rectification
Benzène (impur)
�
+ Nitration
Nitrobenzène
+
� Réduction
Aniline (impure)
+
+ Oxydation
Le jaune de Manchester
La garance évincée
SCHÉMA RÉSUMANT
LE PROCESSUS DE SYNTHÈSE DE L'ALIZARINE
Aluminium
Dire d'un matériau qu'il est « nouveau 1> ne signifie pas for
cément inconnu dans la nature ou dans le laboratoire du chi
miste. Le matériau nouveau peut être connu et identifié depuis
longtemps, sans pour autant marquer le paysage industriel 1 •
Tel est le cas de l'aluminium. Bien que cet élément soit très
répandu dans la nature, il n'entre dans l'industrie qu'au xx·
siècle. Parce que l 'aluminium se présente toujours étroitement
combiné à l'oxygène, il a fallu user de puissants moyens pour
le séparer. Ainsi le destin de l'aluminium est-il lié à l'électricité.
L'électrolyse utilisée après la découverte de la pile de Volta
n'a pas suffi pour l'isoler, malgré les efforts répétés de Humphry
Davy et de Christian Oersted. C'est Friedrich Wohler qui y par
vient en 1827, par l'action du potassium sur le chlorure d'alu
minium anhydre (AlCb). Mais passer de l 'expérience de
laboratoire à l'usine est une autre affaire, qui exigera plus d'un
demi-siècle d'essais et d'effortS. En 1854, le chimiste français
Henri Sainte-Claire Deville (1818-188.1) met au point, dans son
laboratoire de l ' École normale supérieure, un procédé de fabri
cation : le potassium est remplacé par du sodium, moins cher,
et l ' AlCh par un sel double plus aisément séparable (NaCl-
Chimie de guerre
Le caoutchouc
Les plastiques
7 . Une légende belliqueuse raconte que le mot « nylon » est le sigle d'une
formule << now you loose old Nippon •.
/. 'expansion industrielle 257
La belle époque
l''
\�
266 Histoire de la chimie
La question de l 'avenir
Dans les années 1850, alors que Berthelot médite son grand
œuvre, la synthèse progressive de tous les composés organiques
à partir des seuls composés de la chimie minérale, Louis Pas
teur a déjà posé les limites que, pense-t-il, la chimie de labo
ratoire ne franchira pas : la dissymétrie moléculaire qui
caractérise certains produits organiques naturels. La démonstra
tion de Pasteur est désormais un classique. Elle fait intervenir
des acteurs de type nouveau, le Peniczflium glaucum, moisis
sure amateur de tartrate. La moisissure fera ce que l'homme ne
peut faire.
Ferments et catalyses
Enzymes
1 . C' est ce que pensait Claude Bernard. Après sa mort en 1878, Marcel
lin Berthelot publiera un texte en ce sens, qui lui vaudra les foudres de Pas
teur. Le « ferment � alcoolique (dont Bernard supposait qu'il poürrait agir
indépendamment de l'activité virale des micro-organismes) n'est qu'une
hypothèse, écrit Pasteur, et « de telles hypothèses, pardonnez-moi la vulga
rité de l'expression, nous les brassons à la pelle dans nos laboratoires . . . . Entre
M. Berthelot et moi il y a cette différence, qu ' à cette nature d ' hypothèses
jamais je ne fais voir le jour, si ce n'est lorsque j ' ai reconnu qu ' elles sont vraies
et qu'elles permettent d'aller de l'avant. M . Berthelot, lui, les publie ». Pour
plaider la non-existence d'un ferment alcoolique soluble, c'est-à-dire sépa
rable des micro-organismes, Pasteur prend le temps pour allié : « Comment
M . Berthelot n'a-r-il pas senti que le temps est le seul juge en cette matière
et le juge souverain ? Comment n'a-t-il pas reconnu que du verdict du temps,
je n'ai pas à me plaindre ? Ne voit-il pas grandir chaque jour la fécondité
des inductions de mes études antérieures ? , UACQUES, 1987, p. 157-158. ]
.
Le démembrement d'un temtoire 273
Pourtant, dès 1898, Emil Fischer avait proposé ce qui est pour
nous 1 ' interprétation correcte de 1 'action enzymatique. Elle
1
s'inscrit simplement dans le cadre de la chimie des « cristalloï 1,
des » : il s'agit du fameux modèle « clé-serrure » où le substrat 1
et l'enzyme ont, comme la clé par rapport à la serrure, des for
mes complémentaires permettant à l'enzyme de fixer le subs
trat. Ce modèle fait fortune, avec Paul Ehrlich ( 1 854- 1915),
chez les immunologistes. Mais les partisans de la théorie des col
loïdes n'y voient qu'une hypothèse relevant d'une opération
stratégique dont le sens n'est que trop clair : soumettre les enzy
mes vivants aux principes de la stéréochimie.
Une molécule cristallisée peut-elle avoir une activité de type
biologique ? Si oui, les édifices identifiés par la biochimie
depuis Baeyer et Fischer sont les acteurs de la vie. Tel est le ter
rain que les biochimistes « antidynamistes » choisiront pour atta
quer de front ce qui, au xx· siècle, apparaît comme une forme
de vitalisme déguisé, alors qu'à la fin du xrx• siècle il s'agis
sait d'une théorie « matérialiste ». En 1930, le biochimiste amé
ricain John Howard Northrop réussit enfin à cristalliser la
pepsine dans des conditions telles que la plupart de ses adver
saires devront reconnaître qu'elle est pure et cependant capa
ble d'activité enzymatique. Mais un quart de siècle plus tard,
le combat n'est pas terminé. Le biologiste français Jacques
Monod (1910-1976) raconte : « Je me souviens, c'était au début
de 1954, et je faisais des exposés aux États-Unis [ . . . ] pour mon
trer que l'interprétation du soi-disant "état dynamique" des
protéines était fausse [ . . . ] . Vous devez vous rendre compte que
cela suscitait une fureur absolue ! Il y avait cette idée hégé
lienne, vous savez, que cet état dynamique était une sorte de
' '11
1
2 . C'est dire qu'il n'y a pas de « principe d ' inertie • en chimie, et que
les forces sont définies comme elles l 'étaient en mécanique avant Galilée. A
cette différence encre définirions de la force correspond une différence phé
noménologique : alors qu'un système mécanique oscille autour de l'état
d'équilibre (oscillations amorties en cas de frottement), un système chimi
que rejoint en général !' équilibre de manière monorone. Lorsque les forces,
équilibrées, s'annulent, toute transformation chimique s'arrête.
Le démembrement d'un tem'toire 281
L'hypothèse cinétique
L'équilibre thermodynamique
Le modèle de Bohr
sion actuelle avec les mêmes sentiments que nous avons lors
que nous contemplons cette époque. » [Cité in Palmer, 1965,
p. 14 1 . ]
D e fait, tout va très vite. L'étude mathématique des orbita
les de Bohr par le physicien allemand Arnold Sommerfeld
(1868-1951) a introduit, àès 1916, la possibilité d'orbites ellip
tiques et la nécessité corrélative de caractériser chaque orbite par
deux nombres quantiques. En 192 5 , l'étude de la structure fine
des spectres des métaux alcalins mène E. Stoner à introduire un
troisième nombre quantique : l'arithmétique des couches suc
cessives ne cesse de gagner en complexité. En 1925 toujours,
l'analyse du spectre d'atomes placés dans un champ magnéti
que fort (effet Paschen-Back) permet à Wolfgang Pauli
(1900-1958) de proposer un quatrième nombre quantique et
de présenter ce qui deviendra son « principe d'exclusion • :
deux électrons d'un atome ne peuvent être caractérisés par un
ensemble identique de nombres quantiques. Avec quatre nom
bre quantiques, n, 1 , rn, s, c'est la totalité des éléments du
tableau de Mendeleev qui peut être décrite en termes d'orbi
tales. La diversité des configurations électroniques constitue le
chantier où se forgeront des liens toujours plus précis entre réac
tivité et modèle atomique.
S'éclairent, en particulier, la notion de « force » d'un réac
tif, c'est-à-dire sa capacité à en « déplacer » un autre, qui était
l'objet des tables d 'affinité au XVIII', ainsi que la grande dis
tinction entre acide et base : c'est la configuration électronique
qui commande, et plus particulièrement l'attraction entre les
électrons et le noyau. La « force » d'un acide, qu'Ostwald et
Arrhenius avaient corrélée avec le degré de dissociation dans les
années 1880, peut maintenant être interprétée et la périodicité
de la réactivité des éléments dans le tableau de Mendeleev
devient compréhensible. Plus un élément se situe à droite, plus
électronégatif il est, c'est-à-dire plus il attire les électrons. Et
plus grande est la différence d' électronégativité entre deux élé
ments unis par un lien chimique, plus le composé est suscep
tible d'ionisation, c'est-à-dire de se dissocier en deux ions
chargés.
Pour caractériser la polarisation d'une liaison chimique, les
chimistes utilisent toujours l'échelle d' électronégativité cons
truite expérimentalement par 1 'Américain Linus Pauling et
publiée en 1932 dans The Nature of the Chemical Bond. Et
ils construisent bien d'autres tables, toujours expérimentales
.
Le démembrement d'un temtoire 303
Déduction ou coadaptation ?
2 . Cette situation, stable depuis plus de soixante ans, n'est pas forcément
définitive. C'est ainsi qu'IIya Prigogine plaide pour une généralisation de la
mécanique quantique aux systèmes de type « chaotique », tels que l'équa
tion de Schroedinger n'aurait qu'un statut de cas limite singulier, alors que
la structure mathématique générale serait celle des équations cinétiques : pro
babilistes et réalistes.
.
Le démembrement d'un temtoire 307
Questions nouvelles
Structures dissipatives
modèle plus compliqué, qui entrecroise deux types de polymères aux rôles
distincts, aboutit à la domination stable sur le milieu d'une forme de proto
code génétique : une association (hypercycle) spécifique de polymères, qui
est stable par rapport aux « mutants » que ne cessent de produire les copies
infidèles. Voir EIGEN et SCHUSTER ( 1 979).
318 Histoire de la chimie
Epilogue
3. C'est à cause de traces d'oxyde de rerre rare dans le tabac qu'un mor
ceau de sucre enrobé de cendres de cigarem brûle.
328 Histoire de la chimie
Equivalents approximatifs
des termes anciens utilisés
Outils de recherche
Ouvrages cités
KEPLER, Johannes, 93, 150, 264 LÉMERY, Nicolas, 47-49, 56, 57,
KESTNER, Philippe, 190, 233 80-82, 86
KEYNES, John Maynard, 70 LÉNINE (Vladimir Ilitch ÜULIANOV
KIRCHOFF, Gustav Robe rt, 164 dit), 285
KIRWAN, Richard, 93, 1 14, 1 1 9 LENNARD-JONES, John Edward, 308
KLAPROTH, Martin Heinrich, 222 LÉONARD DE VINCI, 33
KNIGHT, David, 5 1 LEPRIEUR, F., 172, 233
KOECHLIN, André, 2 3 1 LEROUX-CALAS, M . , 246
KOHLER, R.E. , 301 LESAGE, Georges-Louis, 81
KOLBE, Hermann, 186, 201 LEVI, Primo, 1 5 , 137. 148, 309
KOPP, Hermann, 6 LEVINSTEIN, Ivan, 235
KORNER, Wilhelm, 200 LEWIS, Gilbert Newton, 301
KOSSEL, Walther, 301 LIBAVIUS, Andreas, 56, 63
KUHN, Thomas, 32, 49, 90, 96, LIEBERMANN, Carl Theodor, 236,
120, 267 237
KOHNE, Wilhelm, 272 LIEBIG, Justus von, 128, 129, 133,
Kulhmann, 2 14 135. 142, 143, 162, 169. 172-174.
KUNCKEL ou KUNKEL VON LOWENS· 188, 189, 192. 193. 223-226, 238.
TERN, Johann, 78 270-273
KüTZING, 270 LIMBOURG, 8 1 , 156
LITTLE, Arthurd D . , 136
LA CONDAMINE, Charles Marie de, LOCKE, John, 47, 50
249 LONDON, Fritz, 306, 308
LADENBURG, Albert, 6 LOSCHMIDT, Joseph, 199, 297
LAGRANGE, Joseph Louis de, 97 LUCRÈCE, 20, 40
LAKATOS, Imre, 173, 267 lULLE, Raymond, 27, 28
LA MÉTHERIE, Jean-Claude, 1 19 LUTHER, Martin, 35
LANGINS, ). , 1 3 1 LYSSENKO, Trofime Denisovitch, 275
LAPLACE, Pierre Simon de, 97, 98,
1 16, 1 3 1 , 159 MACH, Ernst, 63
LATOUR, Bruno, 73, 173 MACINTOSH, 249
LAUE, Max von, 3 1 2 MACINTOSH, Charles, 2 1 3
LAURENT, Auguste, 169- 173, 176, MACQUER, Pierre Joseph, 5 6 , 64, 76,
1 8 1 , 191 77, 82-84, 87, 88, 1 13 , 1 14, 249
LAUTH, Charles , 136 MAGNE, Charles P., 243
LAVOISIER, Antoine-Laurent, 6 , 12, MAIER, Michel, 28, 34
54, 5 5 , 61-65, 72, 76, 79, 82, 84, MARIE LA jUIVE, 23, 2 5
90, 96, 1 0 1 , 106- 1 2 1 , 125, 128, MARK, Hermann, 2 5 5
1 3 1 , 134, 137, 138, 140, 141 , 144, MARTIUS, Carl , 235
146, 147, 150, 159, 164, 166, 197, MASSIEU, 284
208-2 1 1 , 224, 234 Matthes et Weber, 239
LAWES, John Benett, 223, 226 MATTHEWS, 250
LEA, Carey, 164 MAUPERTUIS, Pierre Louis MOREAU
LE BEL, Achille, 200, 201 de, 89
LEBLANC, Nicolas, 208-2 1 2 , 214, MAUSKOPF, S . M . , 160, 168
2 16 , 221, 243, 257 MAXIMOFF, 250
LEBON, Philippe, 217, 2 1 8 MAXWELL, james Clerk, 281
L E CHATELIER, Henry, 136, 229, MAYER, J ulius Robert, 277
283, 294 MAYOW, john, 55, 1 1 2
LEDOUX, J.-M. , 246, 258 MEHRA, ). , 2 2 1
LEHN, Jean-Marie, 3 2 1 MEINEL, C., 3 8 , 40, 8 6 , 87
Index des personnes
Prologue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Les historiens de la chimie . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. 5
La question de l'identité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
I 1 DES ORIGINES
1 1 L 'héritage d'Alexandrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Doctrines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Le corpus alexandrin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2 1 De l'alchimie arabe ii l'alchimie chrétienne . . . . 24
Chimistes et alchimistes arabes . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
Le monde chrétien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
La question d'évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
3 1 Une tradition en crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Modes de transmission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Révolutions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Inventions alchimiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
4 1 Science du mixte ou des corpuscules ? . . . . . . . . . 40
Atomes et mixtes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
L'alphabet chimique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
5 1 L 'atome sans qualités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
Un roman cartésien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
Une matière catholique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
« Matter of fact » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
6 1 Pour en finir avec les angines . . . . . . . . . . . . . . . 54
Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. 54
Options . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . )6
Table
7 1 Révolution ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . r, 1
Un nouveau Paracelse ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (o l
Une rupture efficace . . . . . . . . . .... . . . . . . . . . . . . . (, 1
8 1 La Question 31 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . M,
Deux lectures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
Le secret de Newton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
9 1 Les sels : rapports et déplacements . . . . . . . . . . . 72
Des chimistes académiciens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
La table des rapports . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
Les sels redéfinis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. 75
10 1 Pn'ncpes
i : éléments et instruments . . . . . . . . . . 78
Les principes de Stahl . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
Du « point de vue :. chimique . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
Le phlogistique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
11 1 Une passion de fou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
La valeur de la chimie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
Chimie subversive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
12 1 Le rêve newtonien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Comprendre les affinités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Les tables de Bergman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
Une chimie enfin newtonienne ? . . . . . . . . . . . . . . . 96
Controverse sur les proportions définies . . . . . . . . . . 99
13 1 La chasse aux airs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..... 102
Une chimie écossaise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..... 103
Air fixe, chaleur fixée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..... 104
Compétition européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . ..... 106
14 1 Une révolution en balance . . . . . ........ .. ... 111
Expériences cruciales ? . . . . . . . . . . . ........ .. ... 111
Réforme de la nomenclature . . . . . . ........ .. ... 116
Le triomphe d e Lavoisier . . . . . . . . . ........ .. ... 118
IV 1 L 'EXPANSION INDUSTRIEllE