L’ÉTAT D’URGENCE
AUX ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
Pascal MBONGO
L
a législation américaine destinée à la lutte contre le terrorisme a été
significativement commentée, à mesure même de la multiplicité de
ses objets : l’USA Patriot Act de 20011, en particulier, est à la fois une
loi sur le renseignement antiterroriste, une loi de droit pénal et de procédure
pénale en matière de terrorisme, une loi de contrôle des circulations des
personnes et des actifs bancaires, une loi relative aux droits de victimes du
terrorisme, etc. La désignation courante du Patriot Act comme ayant fondé
un « état d’urgence » aux États-Unis après le 11 septembre 2001 pose au
moins deux problèmes. En premier lieu, la permanence des dispositions 135
du texte, y compris celles assorties d’une clause de prorogation périodique,
n’est pas accordée au principe du caractère temporaire de l’état d’urgence2.
D’autre part, et surtout, il existe des textes juridiques aux États-Unis qui
désignent et régissent spécialement des « états d’urgence ». D’ailleurs un état
d’urgence nationale fut déclaré le 14 septembre 2001 en raison des attaques
terroristes du 11 septembre3. Bien que les définitions de l’« état d’urgence »
soient variables dans la littérature juridique et politique américaine, l’on peut
néanmoins convenir de ce que les situations dont il s’agit se caractérisent
par : des éléments de temporalité (des événements soudains, imprévus et
d’une durée inconnue) ; des éléments de gravité (ces événements consistent
en un danger public et une menace pour la vie des personnes) ; la néces-
sité d’une action des pouvoirs publics qui soit immédiate et qui ne soit pas
1 « Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct
Terrorism (USA PATRIOT ACT) Act of 2001 ».
2 Voir à ce propos les développements de l’avant-propos de ce volume.
3 La suspension par le président George W. Bush le 17 octobre 2006 du mandat d’Habeas Corpus pour
les étrangers détenus dans des dépendances militaires et justiciables de tribunaux militaires intervient
dans le cadre de cet état d’urgence mais a été décidée sur le fondement d’une habilitation expresse du
Congrès (le Military Commissions Act de 2006).
6 Dans certains États, par exemple en Pennsylvanie, les textes ne désignent pas seulement le gouver-
neur mais plus généralement les autorités qualifiées de chaque subdivision politique de l’État.
7 Ces exigences ressortent notamment de l’article Ier de la Constitution, cet article définissant la Décla-
ration des droits de la Pennsylvanie. S’agissant de la liberté des médias, la législation californienne
suggère que leur réquisition par le gouverneur est admissible mais pas leur « censure » : « […] Notwit-
hstanding the provisions of this section, the Governor is not authorized to commandeer any newspaper,
newspaper wire service, or radio or television station, but may, during a state of war emergency or state
of emergency, and if no other means of communication are available, utilize any news wire services, and
the state shall pay the reasonable value of such use. In so utilizing any such facilities, the Governor shall
interfere as little as possible with their use for the transmission of news » (Government Code, 8572).
8 Cette règle est reprise de la Constitution des États-Unis (art. Ier, section 9). On la trouve par exemple
aussi dans la Constitution de la Californie (art. Ier, section 11).
9 La section 12 de l’article Ier de la Constitution de la Pennsylvanie prévoit néanmoins qu’aucune
suspension d’une loi ne peut être décidée que par le parlement ou sur une habilitation expresse de
celui-ci. Or le principe du mandat d’Habeas Corpus ne ressort pas de la loi mais de la Constitution
de l’État.
10 Sur ce droit, voir notre ouvrage : E Pluribus Unum. Du creuset américain, Paris, Lextenso éditions,
2016.
11 HB 760.
12 Voir par exemple, en Californie, le Government Code, section 8571.5 : « Nothing in this article shall
authorize the seizure or confiscation of any firearm or ammunition from any individual who is lawfully
carrying or possessing the firearm or ammunition, or authorize any order to that effect, provided however,
that a peace officer who is acting in his or her official capacity may disarm an individual if the officer
reasonably believes it is immediately necessary for the protection of the officer or another individual. The
officer shall return the firearm to the individual before discharging the individual, unless the officer arrests
that individual or seizes the firearm as evidence pursuant to an investigation for the commission of a
crime. »
13 42 U.S. Code § 5207. Ce texte est souvent désigné à travers le titre de la proposition de loi qui l’a
inspirée, Disaster Recovery Personal Protection Act.
14 Cour fédérale pour le district Est de la Caroline du Nord (Senior U.S. District Judge Malcolm J.
Howard), Virgil Green, Michael Bateman, Forrest Minges & alii v. North Carolina State, 28 mars 2010.
15 Dans Luther v. Borden (48 U.S. 1 [1849]), la Cour suprême a admis qu’un état pouvait utiliser sa
force militaire en vue d’annihiler une insurrection armée « trop forte pour pouvoir être contrôlée par les
autorités civiles ».
16 Voir à ce propos notre entrée « Armée », in Pascal MBONGO, François HERVOUËT et Carlo
SANTULLI (dir.), Dictionnaire encyclopédique de l’État, Paris, Berger-Levrault, 2014, p. 61-70.
17 Voir notre étude : « Phénoménologie du droit américain dans le champ doctrinal français », in
Pascal MBONGO et Russell L. WEAVER (dir.), Le Droit américain dans la pensée juridique française
contemporaine, Paris, Institut Universitaire Varenne, 2013, p. 19-33.
18 La California National Guard (qui coexiste avec la California State Military Reserve, qui est exclusive-
ment au service de l’État) a un particularisme statutaire qui la fait être tout à la fois une institution de
l’État de Californie et une composante de la Garde nationale des États-Unis.
19 Voir par exemple la déclaration de loi martiale par le gouverneur de l’Alabama en 1961 dans le cadre
des « désordres » liés à la lutte pour les droits civiques.
émeutes, soit pour des grèves « dures »20, voire pour des incendies21 −, de la
même manière que des usages de forces militaires d’État en dehors de toute
proclamation de « loi martiale ».
Cette distinction semble néanmoins plus que relative. Si la littérature juri-
dique est riche de définitions de ce qu’est une « loi martiale », ces définitions
sont toutes indexées aux expériences historiques de « lois martiales » décidées
par des entités étatiques au sens du droit international − loin de celles qui
sont susceptibles d’être mises en œuvre par des entités infra-étatiques – et
ces définitions peuvent ne pas être accordées au contexte américain dans
la mesure où, comme l’a dit la Cour suprême, « L’expression ‘loi martiale’ ne
charrie aucun sens précis. La Constitution ne fait pas du tout référence à la ‘loi
martiale’ et aucune loi du Congrès n’a défini cette expression. Elle a été utilisée de
manières différentes par différentes personnes et à différentes époques »22. Aussi,
les définitions doctrinales de la « loi martiale » aux États-Unis s’étendent
sur un spectre d’interprétations allant de celles qui la circonstancient à la
« guerre »23 jusqu’à celles qui la conçoivent dans le cadre de désordres civils,
de celles qui la reconnaissent au transfert de certaines prérogatives des auto-
rités civiles aux autorités militaires à celles qui la voient derrière toute mobi-
lisation de forces militaires pour des troubles à l’ordre public, de celles qui
considèrent que la « loi martiale » se reconnaît nécessairement à la substitu-
142 tion de juridictions militaires à des juridictions civiles ou à la préemption par
des juridictions militaires de compétences de juridictions civiles.
20 Voir par exemple : la déclaration de loi martiale du gouverneur de l’Idaho dans le comté de Shoshone
en 1892, celle du gouverneur du Colorado en 1913, celle du gouverneur de la Virginie occidentale
en 1920, celle du gouverneur de la Californie en 1934.
21 Le maire de Chicago, Roswell B. Mason, décréta la loi martiale dans le cadre du grand incendie
de Chicago de 1871 (Michael BURGAN, « The Great Chicago Fire », National Geographic World,
septembre, 1998).
22 « [T]he term ‘martial law’ carries no precise meaning. The Constitution does not refer to ‘martial law’ at
all and no Act of Congress has defined the term. It has been employed in various ways by different people
and at different times » (Duncan v. Kahanamoku, 327 U.S. 304, 315 [1946]).
23 « Martial law is the will of the commanding officer of an armed force, or of a geographical military
department, expressed in time of war within the limits of his military jurisdiction, as necessity demands
and prudence dictates, restrained or enlarged by the orders of his military chief, or supreme executive
ruler » (définition de l’avocat du gouvernement fédéral dans Milligan 71 U.S. 2, p. 9 [1866] : sur
cette décision, voir infra, note 56). Dans la même affaire, l’avocat du requérant refusa d’assimiler « loi
martiale » et « législation militaire » : « I say what is called martial law, for strictly there is no such thing
as martial law; it is martial rule; that is to say, the will of the commanding officer, and nothing more,
nothing less… On this subject, as on many others, the incorrect use of a word has led to great confusion of
ideas and to great abuses. People imagine, when they hear the expression martial law, that there is a system
of law known by that name, which can upon occasion be substituted for the ordinary system; and there is a
prevalent notion that under certain circumstances a military commander may, by issuing a proclamation,
displace one system, the civil law, and substitute another, the martial » (cité par Peter A. BALDRIDGE
[California Department of Public Health], « Martial Law, Memorandum to Public Health Law
Workgroup », 30 mai 2008, p. 2).
autre, même si les deux types de pouvoirs peuvent être sollicités par le
président en période de guerre ou de crise internationale.
A. Prétentions présidentielles
et laissez-faire durable du Congrès
La prétention des présidents des États-Unis de disposer de pouvoirs de
crise non expressément prévus par la Constitution est relativement ancienne
– et bien avant la doctrine et la pratique suivie par Abraham Lincoln
pendant la guerre de Sécession28 − et cette prétention est durable puisqu’elle
a traversé le e siècle. Ainsi, bien avant l’engagement des militaires améri-
cains dans la Première Guerre mondiale entre avril 1917 et novembre 1918,
le président Woodrow Wilson invoqua à différentes reprises l’état d’urgence.
En dehors de guerres déclarées par le Congrès (Première et Deuxième
Guerres mondiales), il y eut : − la proclamation présidentielle (suivie d’une
ratification du Congrès) de l’état d’urgence le 4 mars 1933 par le président
Roosevelt, du fait de la crise économique et financière ; − la proclamation
d’un état d’urgence nationale par Harry Truman le 16 décembre 1950, du
fait de la guerre de Corée ; − la proclamation d’un état d’urgence nationale
144 par Richard Nixon le 23 mars 1970, du fait d’une grève des employés des
services postaux ; − la proclamation d’un état d’urgence nationale le 15 août
1971 par Richard Nixon, du fait d’une crise monétaire internationale.
La discussion juridique et politique nourrie par ces proclamations prési-
dentielles d’état d’urgence avait un caractère relativement classique jusqu’en
1973 puisqu’il s’agissait toujours de savoir : d’une part, si le président des
États-Unis disposait d’un pouvoir non expressément prévu par la Constitu-
tion, mais impliqué par ses prérogatives constitutionnelles, de déclarer l’état
d’urgence29 ; d’autre part, si le président des États-Unis était la seule autorité
qualifiée pour mettre fin à un état d’urgence qu’il a lui-même décidé. La
première question n’a pas seulement été discutée dans le champ académique.
Au début du e siècle, deux acteurs politiques s’opposèrent sur la question
dans un moment mémoriel. En 1913, soit après qu’il a quitté la Maison-
Blanche, Theodore Roosevelt soutint ainsi que le pouvoir exécutif n’est
d’application de la loi sur les pouvoirs de guerre de 1973. Et la Cour suprême a conforté ces pouvoirs
en considérant qu’ils ne sont pas purement formels mais des pouvoirs en vue de gagner la guerre
(Hirabayashi v. United States, 320 U.S. 81 [1943] ; Home Building & Loan Assn. v. Blaisdell, 290 U.S.
398 [1934]).
28 Voir infra.
29 Sur cette discussion, voir notamment : Albert L. STURM, « Emergencies and the Presidency »,
Journal of Politics, vol. 11, February 1949, p. 125-126 ; Rankin M. GIBSON, « The President’s
Inherent Emergency Powers », Federal Bar Journal, vol. XII, 1951-52, p. 107 et suiv.
limité que par des restrictions ou des interdictions expressément posées par
la Constitution ou par le Congrès agissant dans les limites de sa compétence.
Dans cette mesure, ajoutait-il, chaque haut dirigeant du pouvoir exécutif
est un « steward du peuple » (stewardship doctrine)30. William H. Taft pour
sa part, après avoir lui aussi quitté la Maison-Blanche et en pleine Première
Guerre mondiale, soutint que le président ne pouvait exercer aucun pouvoir
qui ne lui ait été « authentiquement et raisonnablement » attribué (par la
Constitution ou par le Congrès) ou qui ne puisse être considéré comme étant
nécessaire à l’exercice de pouvoirs expressément consentis au président31.
Cette discussion n’est pas moins judiciaire, avec par exemple l’arrêt de
la Cour suprême Youngstown Sheet & Tube Co. v. Sawyer32. Cet arrêt a été
rendu dans le contexte d’une menace de grève nationale des aciéries en avril
1952 dont le président Harry S. Truman craignait qu’elle ne mette en péril
la défense nationale. Aussi le président habilita-t-il par un décret le secrétaire
du Commerce de saisir et d’exploiter directement la plupart des aciéries. Or
le président Truman n’avait pas agi sur le fondement d’une loi particulière
mais en invoquant de manière générale les pouvoirs conférés au président par
la Constitution et les lois et en tant que président des États-Unis et comman-
dant en chef des forces armées. La Cour en jugea autrement en faisant valoir
que le décret présidentiel n’avait ni une base constitutionnelle expresse, ni
ne pouvait être fondé sur une agrégation des pouvoirs constitutionnels du 145
président, ni ne pouvait découler de sa qualité de commandant en chef des
forces armes. Au demeurant, le décret n’avait pas non plus de base dans des
lois fédérales, d’autant moins qu’à la faveur d’une loi (la loi Taft-Hartley de
1947), le Congrès avait refusé que des confiscations administratives de biens
puissent être décidées par le pouvoir exécutif comme méthode de prévention
des grèves et des conflits collectifs du travail. Cette conclusion de la Cour fut
rendue au terme d’un important débat constitutionnel puisque l’opinion de
la Cour rédigée par le juge Hugo Black fut assortie de cinq opinions concur-
rentes et de trois opinions dissidentes dont celle du président de la Cour.
En 1973, le Sénat ajoute à cette discussion une autre dimension. Le Sénat
s’était inquiété du régime juridique de ces différentes proclamations d’état
d’urgence, aussi bien parce qu’il avait pu constater que les décisions prési-
dentielles afférentes pouvaient avoir duré longtemps après les circonstances
qui les avaient justifiées, et parce qu’il s’était avisé du défaut de clarté et d’in-
telligibilité des règles juridiques spécialement attachées à ces proclamations
d’état d’urgence. Et c’est peu de dire que le rapport publié le 19 novembre
1973 par le comité spécial créé par le Sénat fut décapant dans ses constata-
tions. Le comité compila rien moins que 470 dispositions adoptées par le
Congrès et portant délégation de pouvoirs exceptionnels au président dans
des matières dans lesquelles le Congrès était supposé être l’autorité consti-
tutionnelle primaire33. Autant de dispositions susceptibles d’affecter la vie
des Américains de très nombreuses manières, avait fait remarquer le comité
spécial, pour cause, ces dispositions allaient du pouvoir présidentiel d’or-
donner des confiscations de biens et de marchandises jusqu’à son pouvoir de
décréter et de mettre en œuvre la loi martiale, en passant par le pouvoir de
décider de mesures d’organisation de la production, d’ordonner des réquisi-
tions de biens ou de personnes, de décider de mesures de police en matière
de transports et de communications, d’édicter des mesures exceptionnel-
lement applicables aux activités des entreprises34. Pris dans leur ensemble,
écrivaient encore les rapporteurs, ces pouvoirs « donnent au président une très
grande capacité à diriger le pays sans considération des procédures constitution-
nelles normales »35.
Le comité spécial du Sénat de 1973 fit trois autres constatations impor-
tantes. En premier lieu, il fit observer que la plupart des textes qu’il avait
identifiés furent adoptés à l’occasion de « crises extrêmes » et que le pouvoir
exécutif en fut souvent lui-même le rédacteur avant transmission au Congrès
146 qui les adopta généralement sans aucune discussion approfondie et sans
toujours tenir compte de leur impact sur les libertés ou « la délicate structure »
de la séparation des pouvoirs aux États-Unis36. Une autre constatation faite
par le comité spécial concernait les activités de « surveillance domestique »
alors pratiquées par le Federal Bureau of Investigation (FBI) : il est apparu
au comité spécial que, puisque la base légale de ces activités semblait être
à beaucoup un décret pris par le président Roosevelt durant un état d’ur-
gence, il était préférable que le Congrès définisse lui-même les prérogatives
et les sujétions du Bureau. Enfin, le comité spécial constata que les textes
portant dévolution de prérogatives d’urgence au président qu’elle a iden-
tifiés ne prévoyait pas de contrôle de leur application par le Congrès ni ne
prévoyaient que le Congrès avait la faculté de mettre fin à leur application, ce
qui avait pour conséquence de donner une permanence à des mesures prises
en principe pour une durée limitée.
37 50 U.S.C. 1601, 1621, 1622. Sur ce texte, voir : Patrick A. THRONSON, « Toward Comprehensive
Reform of America’s Emergency Law Regime », 46 U. Mich. J. L. Reform 737 (2013), p. 743-753.
38 50 U.S.C. 1701.
39 La version initiale de la loi visait des résolutions concurrentes des deux chambres. Or la résolution
commune ne peut avoir valeur de loi que pour autant qu’elle a été promulguée par le président qui
peut lui opposer son veto, le Congrès ne pouvant surmonter ce veto qu’à une majorité qualifiée des
deux tiers dans chaque chambre. Aussi, au moment de la promulgation de la loi, le président Ford
fit savoir que le principe d’une extinction parlementaire de l’état d’urgence par la voie de résolu-
tions concurrentes des deux chambres était une double violation de la Constitution puisque la règle
décidée par le Congrès méconnaissait la séparation des pouvoirs et les dispositions de l’article I,
section 7 de la Constitution sur l’obligation pour le Congrès de notifier au président pour promul-
gation ou veto de celles de ses résolutions ayant force de loi. Ce grief d’inconstitutionnalité, que
différentes juridictions fédérales avaient noté sans le sanctionner, fut pris en compte par la suite, la
loi étant modifiée de telle manière que le Congrès ne devait plus procéder par des résolutions concur-
rentes et identiques des deux chambres mais par une résolution commune.
40 Gregory KORTE, « America’s perpetual state of emergency », USA Today, 23 octobre 2014.
41 Patrick A. THRONSON, « Toward Comprehensive Reform of America’s Emergency Law Regime »,
46 U. Mich. J. L. Reform 737 (2013).
42 Pour une liste exhaustive de ces états d’urgence nationale, voir Harold C. RELYEA, « Emergency
Powers », CRS Report for Congress, 2007, p. 13-16. 149
43 Le Stafford Act (« Robert T. Stafford Disaster Relief and Emergency Assistance Act », 42 U.S.C.
5121, et suiv. : le texte fut modifié par le Katrina Emergency Management Reform Act [KEMRA])
est l’un des principaux textes qui régissent cette matière en habilitant le président à répondre aux
demandes d’aides adressées par les gouverneurs à l’Exécutif fédéral en cas de déclaration par eux
d’une situation de « désastre majeur » ou d’une situation d’« urgence ». Au sens de la loi, le « désastre
majeur » recouvre toute catastrophe naturelle (y compris les ouragans, les tornades, les tempêtes, les
marées hautes, les raz-de-marée, les tsunamis, les tremblements de terre, les éruptions volcaniques,
les glissements de terrain, les coulées de boue, les tempêtes de neige, les sécheresses), tous feux, inon-
dations ou explosions ayant causé des dommages d’une gravité et d’une importance jugées telles par
le président que celui-ci estime légitime pour l’État fédéral de compléter les efforts et les ressources
disponibles des États, des administrations locales et des organisations de secours en vue d’alléger
les dégâts ou les pertes. Au sens de la même loi, l’« état d’urgence » déclaré par les gouverneurs se
rapporte aux situations de crise dans lesquelles l’aide fédérale est demandée en vue de renforcer les
efforts des autorités de l’État ou des autorités locales en vue de sauver des vies humaines, de protéger
les biens, de préserver la sécurité publique ou la santé publique, de comprendre ou prévenir un risque
de catastrophe.
44 Données reprises de l’article de Patrick A. THRONSON (art. cit. [n. 41], p. 754-756) et recoupées
pour la période postérieure à l’article.
45 Les presidential proclamation(s) (proclamations présidentielles) et les executive order(s) (décret prési-
dentils( sont deux types d’actes pris par le président des États-Unis sans que leur nature spécifique
ne soit vraiment définie. Il est souvent dit que les executive orders « sont généralement dirigés vers
et régissent les actions des fonctionnaires et des organismes gouvernementaux. Ils affectent généra-
lement les particuliers seulement de manière incidente. Les proclamations, dans la plupart des cas,
affectent principalement les activités des particuliers » (House Committee on Government Opera-
tions, Executive orders and proclamations: a study of a use of Presidential powers, 1957). La pratique
institutionnelle ne confirme cependant pas plus ce mode de différenciation que celui consistant à ne
reconnaître de force normative qu’aux seuls executive orders.
46 Patrick A. THRONSON, art. cit. (n. 41), p. 742. Cet auteur a calculé qu’en moyenne pour chaque
état d’urgence nationale décidé par le président, ce ne sont pas moins de 160 dispositions légales
dont il peut faire application.
47 Beacon Prods. Corp. v. Reagan, 814 F.2d 1 (1er Cir. 1987).
L’histoire des interventions militaires fédérales dans les États est d’autant
plus vertigineuse48 que ces interventions au titre de la sauvegarde de l’ordre
public peuvent être formellement justifiées par la nécessité de faire prévaloir
le droit de l’État (auquel cas présupposent-elles une demande du Gouver-
neur) ou le droit fédéral49. Mis à part les deux « grands tournants » qu’ont
été la guerre de Sécession et la Deuxième Guerre mondiale, l’historien David
Adams distingue trois périodes dans cette histoire50. La première période,
qui date d’avant et d’après la révolution américaine, est caractérisée par des
interventions des troupes fédérales destinées à annihiler les révoltes indiennes
et les révoltes d’esclaves (Virginie, Mississippi, Nouvelle-Orléans…). La
deuxième période concerne les grandes grèves (Labor disputes) de 1877 qui,
commencées en Virginie occidentale, s’étendront à d’autres États industriels.
La troisième période enfin, commence après la Deuxième Guerre mondiale,
avec des grèves « dures », des émeutes et des violences urbaines, la protection
des manifestations et des activités des militants des droits civiques, la protec-
tion des manifestants contre la guerre du Vietnam, l’application effective
dans le Sud de la législation fédérale sur les droits civiques.
152 Par hypothèse, les usages par le président des États-Unis ou d’officiers
agissant en son nom, de forces militaires en vue de la sauvegarde de l’ordre
public correspondent, ou bien à l’application de la « loi martiale », ou bien à
des usages « non martiaux » de ces forces, par exemple lorsque les forces mili-
taires fédérales, à la demande d’un gouverneur, apportent leur concours aux
forces de police ou aux forces militaires d’un État en vue de faire respecter le
droit dudit État51.
La première invocation de la « loi martiale » par des autorités fédérales
est imputée au général Andrew Jackson en décembre 1814, dans le contexte
48 Entre autres choses lues sur le sujet, il y a : Clayton D. LAURIE et Ronald H. COLE, The role
of federal military forces in domestic disorders. 1877-1945, Washington D.C., Center of Military
History, United States Army, 1997 ; Bennett M. RICH, The Presidents and Civil Disorder, Westport,
Greenwood Press, 1980 ; Paul J. SCHEIPS, The Role of Federal Military Forces in Domestic Disorders,
1945-1992, Washington D.C., Center of Military History, United States Army, 2005.
49 Autrement dit, des situations de crise qui impliquent la législation fédérale. Ce peut être le cas du
droit pénal fédéral lorsque, par exemple, des révoltes interviennent dans des prisons fédérales ou que
des violences sont dirigées contre des dépendances fédérales, civiles ou militaires.
50 David ADAMS, « Internal Military Intervention in, The United States », Journal of Peace Research,
vol. 32, no 2, mai 1995, p. 197-211.
51 Cette hypothèse désigne une exception au principe posé à la fin de la « Reconstruction », et à mesure
du départ des forces fédérales des États du Sud, par le Posse Comitatus Act du 18 juin 1878 (18 U.S.C.
§ 1385). Cette loi pose le principe d’interdiction aux forces militaires fédérales et à la Garde natio-
nale de prendre part à l’exercice de pouvoirs civils de police en dehors des dépendances appartenant
à l’État fédéral.
52 Matthew Warshauer, Andrew Jackson and the Politics of Martial Law : Nationalism, Civil Liberties,
and Partisanship, Knoxville, University of Tennessee Press, 2007 (2e édition). Plus généralement, les
restrictions aux libertés pendant la guerre anglo-américaine furent importantes et de temps à autre
refusées par les tribunaux, comme lorsque la Cour suprême a invalidé différents arrestations de civils
commises par des militaires ainsi que le principe même de jugements de civils par des tribunaux
militaires (Smith v. Shaw, 12 J. R. 257 [1815] ; McConnell v. Hampden, 12 J. R. 234 [1815]).
53 « Proclamation 104 - Suspending the Writ of Habeas Corpus Throughout the United States ». Cette
décision a été prise sur le fondement d’une loi du 3 mars 1860 « relative à l’Habeas Corpus et régle-
mentant les procédures judiciaires dans certains cas ».
54 Le 1er octobre 1919, la ville d’Omaha dans le Nebraska est placée sous « loi martiale » par le Général
Leonard Wood en raison d’émeutes. Le 6 octobre 1919, le même officier prend la même décision
pour la ville de Gary dans l’Indiana en raison d’une grève des aciéries (Harold C. Relyea, « Martial
Law and National Emergency », CRS Report for Congress, 2005, p. 3).
55 Voir supra, le I. A.
56 71 US 2 (1866).
57 « If, in foreign invasion or civil war, the courts are actually closed, and it is impossible to administer
criminal justice according to law, then, on the theatre of active military operations, where war really
prevails, there is a necessity to furnish a substitute for the civil authority, thus overthrown, to preserve the
safety of the army and society; and as no power is left but the military, it is allowed to govern by martial
rule until the laws can have their free course. As necessity creates the rule, so it limits its duration; for, if
this government is continued after the courts are reinstated, it is a gross usurpation of power. Martial rule
can never exist where the courts are open, and in the proper and unobstructed exercise of their jurisdiction.
It is also confined to the locality of actual war. »
58 D’ailleurs la question posée à la Cour dans le cas d’espèce était celle de savoir si la condamnation à
mort de Lambden Milligan, un militant de la Confédération, par une commission militaire, avait
violé la Constitution, sachant que Milligan était résident de l’Indiana (un État non séditieux et
dans lequel les juridictions fédérales étaient ouvertes), n’était pas prisonnier de guerre ni militaire (il
s’agissait d’un civil poursuivi pour complot contre les États-Unis, aide et soutien contre des rebelles
à l’autorité des États-Unis, incitation à l’insurrection, « pratiques déloyales » et violation des lois
de la guerre). La Cour répondit par l’affirmative en considérant que l’imposition par Lincoln de la
loi martiale à travers sa proclamation de suspension du mandat d’Habeas Corpus autant que cette
suspension du mandat d’Habeas Corpus violaient la Constitution des États-Unis.
59 Charles FAIRMAN, The Law of Martial Rule, Chicago, Callaghan and Company, 1930.
60 Duncan v. Kahanamoku, 327 U.S. 304 (1946).
61 Avant de devenir un État fédéré en 1959, Hawaï était un territoire administré par un gouverneur
désigné par le président des États-Unis.
A. Dispositifs locaux
62 Le Georgia Emergency Management Act (1981), par exemple, prévoit qu’en cas de « désastre » ou
d’« urgence » résultant de causes humaines ou naturelles, d’une « attaque ennemie », s’il devient
« imprudent », « incommode » ou « impossible » de mener les affaires publiques de l’État depuis le siège
normal des institutions à Atlanta, le gouverneur a le loisir de décréter l’installation provisoire des
institutions de l’État dans un ou plusieurs lieux, au sein ou en dehors de l’État. Aux termes du même
texte, ces déplacements temporaires resteront en vigueur tant que la fin de l’état de l’urgence n’aura
pas été décrétée ou que le parlement de l’État n’aura pas adopté une loi définissant une ou plusieurs
nouvelles localisations des institutions déplacées.
63 La règle communément retenue est celle d’un intérim exercé par le Speaker de la chambre basse.
B. Dispositifs fédéraux
67 Telecommunications Management (Executive Order 10995) − Electric power, petroleum and gas,
solid fuels, and minerals (Executive Order 10997) − Food resources, farms, fertilizer, and facili-
ties (Executive Order 10998) − Transportation, the production and distribution of all materials
(Executive Order 10999) − Manpower management (Executive Order 11000) − Health and welfare
services, and educational programs (Executive Order 11001) − National emergency registration
system (Executive Order 11002) − Air travel, airports, operating facilities (Executive Order 11003)
− Housing and community facilities (Executive Order 11004) − Interstate Commerce (Executive
Order 11005) − Emergency Planning (Executive Order 11051) – Federal departments and agencies
(Executive Order 11490) − Telecommunications functions (Executive Order 12472) − Continuity of
Government (Executive Order 12656) − National Defense Industrial Preparedness (Executive Order
12919) − Weapons Of Mass Destruction (Executive Order 12938) − Noncombatant Evacuation
Operations (Executive Order 13074).
68 Voir notamment : Executive Order 12656 (« Assignment of Emergency Preparedness Responsabi-
lities », 18 novembre 1998 : président Ronald Reagan) – Executive Order 13286 (« Amendment of
Executive Orders, and Others Actions, in Connection With the Transfer of Certain Functions to the
Secretary of Homeland Security », 28 février 2003 : président George W. Bush).
69 National Security Presidential Directive (NSPD) 51. Ce texte est également appelé Homeland Security
Presidential Directive (HSPD) 20 (NSPD 51/HSPD 20). La directive présidentielle de 2007 a abrogé
la Presidential Decision Directive (PDD) 67 (« Enduring Constitutional Government and Conti-
nuity of Government Operations ») édictée le 21 octobre 1998 et qui avait elle-même déjà abrogé
différents textes édictés par les présidents des États-Unis depuis Dwight D. Eisenhower en 1955, en
passant par John Kennedy en 1962.
70 Garantir le fonctionnement continu des pouvoirs publics constitutionnels – Donner à la Nation
et au monde le sentiment que l’Amérique dispose d’un leadership – Défendre la Constitution des
États-Unis contre ses ennemis intérieurs et étrangers et empêcher des attaques contre les États-Unis
ou contre les biens et les intérêts des citoyens – Maintenir et consolider des relations effectives avec
des nations étrangères – protéger le territoire américain et faire juger ceux qui commettraient des
attaques contre les États-Unis ou contre les biens et les intérêts des citoyens américains – Apporter
une réponse rapide et efficace aux conséquences d’une attaque ou de tout « autre incident » commis€
sur le territoire américain – Protéger et stabiliser l’économie nationale et garantir la confiance de
l’opinion publique en ses systèmes financiers – Faire fonctionner les services fédéraux vitaux pour la
santé publique, la sécurité publique et les besoins en bien-être.
71 L’auteur montre en particulier que les Pères fondateurs de la République américaine étaient avisés des
développements du chapitre XIV du Second Traité du Gouvernement civil de John Locke relatifs à à
l’« état d’exception » mais qu’il est difficile de tirer des conclusions définitives des opinions respectives
des uns et des autres. Et au début du e siècle encore, cette question des intentions des Pères fonda-
teurs restait débattue dans l’historiographie de la Constitution des États-Unis. Voir notamment :
Bruce ACKERMAN, « The Emergency Constitution », 113 Yale Law Journal 1029 (2004) ; Jules
LOBEL, « Emergency Power and the Decline of Liberalism », 98 Yale Law Journal 1385 (1989).