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Cours 3

Les systèmes ouverts

Too oft is transient pleasure the source of long woes.


Christoph Martin Wieland

v1.8.1
Thermodynamique de l’ingénieur
thermo.ariadacapo.net
CC by-sa Olivier Cleynen
Introduction

Dans le précédent cours nous avons quantifié les échanges d’énergie au sein des systèmes
fermés. Ce cours 3 : Les systèmes ouverts a pour but de répondre à une question similaire :
comment quantifier les transferts d’énergie au sein d’un système lorsqu’il est traversé par un
flux de masse ?

3.1 Définition d’un système ouvert

L’étude des systèmes fermés, abordée dans le cours 2, est utile lorsque nous étudions une
quantité de masse fixe. Les choses sont légèrement différentes lorsque nous étudions une
machine (ou partie de machine, un compresseur, par exemple), qui est traversée par un fluide.
Dans ce cas, non seulement le fluide peut recevoir et perdre de l’énergie pendant sa traversée,
mais il peut en plus devoir en fournir pour rentrer et sortir du système.

Nous définissons un système ouvert comme un sujet d’étude arbitraire dont les frontières
sont perméables à la masse. Il peut posséder plusieurs entrées et sorties, chacune avec un
débit et une pression différents.

Dans ce cours, nous nous limiterons à l’étude de systèmes ne possédant qu’une entrée et
qu’une sortie, chacune traversée par le même débit de masse. Parce que le débit de masse ne
varie pas dans le temps, ces systèmes sont dits en régime permanent.

Figure 3.1 – Système ouvert. Le système peut recevoir ou émettre du travail ; en plus, il peut
recevoir de la masse. Les points indiquent un débit (grandeur par seconde) et les quantités
peuvent être négatives.

1
3.2 Le premier principe en système ouvert

Dans un système ouvert, le principe de conservation de l’énergie ne se traduit pas par


l’équation 2/2 que nous avons développée au second cours.

3.2.1 Rentrer et sortir du système : le travail d’écoulement

Imaginons un système ouvert traversé par un fluide avec débit de masse constant. Lorsque le
fluide pénètre dans le système, ce dernier reçoit de l’énergie sous forme de travail, que que
nous souhaitons quantifier.

Considérons le cas d’un « élément de fluide », c’est à dire une petite quantité de fluide en
transit, dont le volume est V , et qui pénètre à l’intérieur du système que nous étudions à la
pression p1 .

Le travail reçu pour pousser l’élément à travers l’entrée du système est :

Wentrée = p1 Vélément (3/1)

où w entrée est le travail spécifique d’insertion (J kg−1 ),


et Vélément est le volume de l’élément de fluide (m3 ).

Si un tel volume de fluide pénètre chaque seconde dans le système, alors ce dernier reçoit
une puissance Ẇentrée sous forme de travail, que nous nommons puissance d’insertion (ou
parfois puissance de frontière) :

Figure 3.2 – Un élément de fluide de volume V pénétrant à la pression p dans le système


ouvert.

2
Ẇentrée = p1 V̇f luide (3/2)

où V̇f luide est le débit volumique de fluide (m3 s−1 ),


et Ẇentrée est la puissance d’insertion, mesurée du point de vue du système (W).

On exprime plus souvent cette grandeur sous forme de puissance spécifique 1 :

w entrée = p1 v f luide (3/3)

où w entrée est la puissance spécifique d’insertion (J kg−1 ).

De façon similaire, pour extraire le fluide à la sortie du système, il faut que le système fournisse
chaque seconde une quantité d’énergie nommée travail d’extraction :

Ẇsortie = −p2 V̇2 = −ṁ p2 v2 (3/4)


wsortie = −p2 v2 (3/5)

La somme nette de ces deux puissances aux frontières, (Ẇentrée + Ẇsortie ), est nommée
puissance d’écoulement. Elle peut être négative ou positive, selon les conditions d’opération 2 .

3.2.2 Bilan énergétique

Considérons un système ouvert arbitraire, traversé par un débit de masse ṁ constant (fi-
gure 3.3). Nous allons relier entre eux tous les transferts d’énergie qui y siègent.

Lorsqu’il pénètre dans le système, le fluide possède de l’énergie interne u1 ; le système voit
donc son énergie interne augmenter avec la puissance U̇1 :

U̇1 = ṁ u1 (3/6)

De même, le fluide possède une quantité d’énergie mécanique spécifique (1/9), et le système
reçoit donc également une puissance Ė méca1 :

1. Le concept de puissance spécifique est défini au en §1.1.3


2. Cela dépend de la variation de la pression par rapport à la variation du volume. L’étudiant/e est encou-
ragé/e à formuler les conditions dans lesquelles la puissance d’écoulement est négative, nulle, ou positive.

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Figure 3.3 – Système ouvert arbitraire. Le système (dont les frontières sont en pointillés,
en rouge) est traversé de gauche à droite par le fluide qui circule avec un débit de masse
ṁ constant. Il reçoit une puissance Ẇ1→2 sous forme de travail et une puissance Q̇1→2 sous
forme de chaleur.

1
Ė méca1 = ṁ( C12 + g z1 ) (3/7)
2

Ces expressions 3/6 et 3/7 sont identiques à la sortie, où nous utilisons l’indice 2.

Nous affirmons par principe (§1.5) que la somme de toutes les énergies pénétrant dans, et
sortant du système, doit être de zéro (pour autant qu’il n’accumule pas d’énergie dans le
temps). Cela se traduit mathématiquement par l’équation :

Ẇentrée + U̇1 + Ė méca1 + (Q̇1→2 + Ẇ1→2 ) + Ẇsortie + U̇2 + Ė méca2 = 0 (3/8)

où tous les termes sont exprimés en Watts.

En ré-exprimant cette équation 3/8 en fonction de grandeurs directement mesurables, nous


obtenons :

4
1 1
ṁ(p1 v1 + u1 + C12 + g z1 ) + Q̇1→2 + Ẇ1→2 = ṁ(p2 v2 + u2 + C22 + g z2 ) (3/9)
2 2

On peut interpréter cette équation 3/9 ainsi :

1
Q̇1→2 + Ẇ1→2 = ṁ (∆u + ∆(pv) + ∆(C 2 ) + g ∆z) (3/10)
2
q1→2 + w1→2 = ∆u + ∆(pv) + ∆e m (3/11)

où les symboles ∆ indiquent la variation des propriétés entre les points 1 et 2 du système.

Les équations 3/9 et 3/11 sont extrêmement utiles en thermodynamique, puisqu’elles per-
mettent de lier toutes les différentes puissances mises en jeu lors de l’écoulement continu
d’un fluide. On peut ainsi prédire les propriétés du fluide à la sortie d’un dispositif dont on
connaît la puissance mécanique et les émissions de chaleur. Par exemple, on eut connaître
l’énergie restante dans l’air à la sortie d’une turbine dont on connaît la puissance.

Cette équation est parfois nommée bilan énergétique en régime permanent. Pour éviter
l’utilisation d’un acronyme malheureux, nous nous accrocherons à la littérature anglophone :
Steady Flow Energy Equation, ou SFEE.

3.2.3 L’enthalpie

Dans de très nombreux cas, les termes u et pv varient de la même façon avec l’état du fluide 3 .
Pour simplifier leur utilisation dans les calculs, ils sont souvent regroupés en un seul terme.

Nous nommons la somme des termes u et pv l’enthalpie spécifique, et lui attribuons le


symbole h.

h ≡ u+pv (3/12)

où les termes sont exprimés en J kg−1 .

Bien sûr, l’enthalpie H se définit simplement comme

H ≡ mh (3/13)

où H a pour unité le Joule (J).

3. Nous verrons dans le prochain cours que dans le cas d’un gaz parfait, ils sont tous deux proportionnels à
la température.

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En pratique, le terme enthalpie est souvent utilisé même s’il s’agit d’enthalpie massique ; le
symbole et le contexte permettent de préciser de quelle variable il s’agit.

En faisant usage du concept d’enthalpie, les équations équations 3/9 et 3/11 deviennent :

1
Q̇1→2 + Ẇ1→2 = ṁ (∆h + ∆(C 2 ) + g ∆z) (3/14)
2
q1→2 + w1→2 = ∆h + ∆e m (3/15)

Ajoutons que dans de nombreuses applications, la variation d’énergie cinétique et potentielle


entre l’entrée et la sortie du système est négligeable 4 .

Dans ces cas où l’on peut négliger la variation d’énergie mécanique, on a simplement :

q1→2 + w1→2 = ∆h (3/16)

Cette équation traduit quantitativement le premier principe (§1.5) dans un système ouvert.
Elle mérite l’attention (et peut-être même une place dans la mémoire) de l’étudiant/e.

4. En tout cas devant les autres termes de l’équation 3/15. Les deux contre-exemples les plus notables sont
les entrées d’air et les tuyères, comme nous le verrons au cours 10.

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3.3 Travail réversible en régime permanent

Lorsque nous avons étudié les systèmes fermés au cours 2, l’équation 2/10 s’est révélée très
utile pour quantifier et visualiser le travail d’un système fermé. Nous cherchons aujourd’hui
une expression du travail réversible qui fonctionne pour un système ouvert.

Nous nous proposons d’étudier la compression en continu d’un fluide traversant un com-
presseur réversible.

Pour cela, observons tout d’abord la transformation d’une quantité de masse fixe m A circulant
dans le compresseur (figure 3.4). En passant entre les pales en mouvement, sa pression varie
de dp et son volume de dv. Il s’agit simplement d’un système fermé qui se déplace.

Nous avons montré au cours 2 (2/10) que le travail reçu par cette masse s’exprime selon :

dw m A = −p dv (3/17)

Maintenant, observons le déroulement de ce même phénomène du point de vue d’un système


ouvert (figure 3.5). Quelle puissance spécifique dw SO faut-il donner au compresseur pour
que chaque particule de fluide reçoive un travail dw m A ?

Figure 3.4 – Système fermé circulant dans un tube, de gauche à droite. La masse fixe m A
reçoit une quantité de travail dw m A et de chaleur dq infinitésimales. Le mécanisme (pales de
compresseur, réchauffage par les parois) est sans importance.

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Figure 3.5 – Écoulement en régime permanent. L’écoulement se fait de gauche à droite.
Chaque seconde, une quantité de masse m A transite à travers le système et y reçoit un travail
dw m A .

Le système ouvert a, lui, trois transferts sous forme de travail :

La puissance spécifique d’insertion w entrée (3/3) est due à l’arrivée permanente du fluide à
l’entrée du système. On a, du point de vue du système ouvert :

w entrée = −p v (3/18)

La puissance spécifique de compression dw m A est le travail spécifique à fournir à chaque


quantité de masse m A pour qu’elle soit effectivement comprimée (3/17).
La puissance spécifique d’extraction wsortie est due à la sortie continue du fluide du sys-
tème.
À la sortie, ses propriétés sont devenues p + dp pour la pression, et v + dv pour le
volume. On a ainsi :

wsortie = (p + dp)(v + dv) (3/19)

On peut donc quantifier la puissance spécifique dw SO qu’il faut donner au compresseur :

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dw SO = w entrée + dw mA + wsortie
dw SO = −p v + (−p dv) + (p + dp)(v + dv)
= −p v − p dv + p v + p dv + dp v + dp dv
= dp v + dp dv

Et comme le multiple dp dv tend vers zéro lorsque nous utilisons des quantités infinitésimales,
nous obtenons l’expression surprenante :

dw SO = v dp (3/20)

Les variations de pression et de volume que nous avons décrites peuvent être positives ou
négatives. On peut ainsi généraliser cette expression à n’importe quel système ouvert (turbine,
compresseur) tant qu’il est réversible.

En intégrant cette expression 3/20 pour l’appliquer au cas général en régime continu, nous
obtenons :

w SO = ∫ v dp (3/21)

= ṁ ∫ v dp
B
ẆA→B (3/22)
A

lors d’un écoulement en régime continu,


lorsque le travail est réversible,
quelque soit l’apport de chaleur,
et lorsque la variation d’énergie mécanique est nulle.

Ainsi, nous obtenons une nouvelle expression du travail réversible, lorsque nous sommes
en écoulement permanent. Sur un diagramme pression-volume, nous pouvons visualiser ce
travail en ajoutant le travail d’insertion et le travail d’extraction au travail de compression,
comme montré en figure 3.6.

Un travail réversible effectué en régime permanent se visualise donc par l’aire incluse à
gauche de la courbe, comme montré en figure 3.7.

Lorsque l’évolution n’est pas réversible (par exemple lorsque le mouvement du compresseur
n’est pas infiniment lent, ce qui est toujours le cas en pratique), nous nous retrouvons aux

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Figure 3.6 – Travail réversible consenti par le fluide au travers d’un système ouvert. Le fluide
fournit d’abord un travail d’insertion (p ini v ini , en orange) pour pénétrer dans le système, puis
reçoit un travail de compression (− ∫ p dv), et enfin reçoit un travail d’extraction (p f in v f in ,
en bleu) pour en sortir.

Figure 3.7 – Travail réversible effectué en régime permanent. Le travail est visualisé par
l’aire à gauche de la courbe. Lorsqu’un cycle complet est effectué, le cas est identique à celui
des systèmes fermés (aire incluse dans la courbe).

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mêmes problématiques que nous avons étudiées en §2.4.3. L’expression 3/21 n’est plus valable
car la pression sur la surface des pièces ne correspond pas à la pression moyenne à l’intérieur
du fluide.

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3.4 Vitesse d’écoulement et surface de coupe

Nous concluons ce cours avec une quantification fort utile de la vitesse d’écoulement du
fluide en fonction des propriétés de son conduit.

Considérons une section de conduit d’aire S, traversée par un fluide à la vitesse moyenne
C moy . Le débit volumique à travers la section est alors :

V̇ = C moy S (3/23)

où V̇ est le débit volumique (m3 s−1 ),


C moy est la vitesse moyenne d’écoulement (m s−1 ),
et S est l’aire de la section (m2 ).

Ce débit volumique est directement lié au débit de masse par les propriétés du fluide. En le
divisant par le volume spécifique (volume par kilo de fluide), nous obtenons :

V̇ C moy S
ṁ = =
v v
ṁ = ρ C moy S (3/24)

où ṁ est le débit massique (kg s−1 ),


et ρ la masse volumique du fluide (kg m−3 ).

Notons que lorsque le fluide est un liquide pur, sa masse volumique 5 ρ varie très peu même
lorsque sa pression varie.

À un instant donné, le débit de masse pénétrant dans le système peut être différent de celui
qui le quitte (c’est le cas par exemple pour une turbomachine lorsque son régime est en train
de varier). Pour de très nombreuses applications, en revanche, le régime reste fixe pendant
des durées de temps significatives. Nous nommons cette situation le régime permanent ; les
débits de masse entrant et sortant sont alors de même valeur :

∑ ṁ in = − ∑ ṁout (3/25)

Cette équation traduit le principe de conservation de la masse et est vraie quelque soient
les transformations subies par le fluide à l’intérieur du dispositif (y inclus par exemple les

5. Attention, en anglais la masse volumique est nommée density.

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réactions chimiques), à l’exception des réactions nucléaires 6 .

Si le dispositif n’a qu’une seule entrée et qu’une seule sortie, nous pouvons simplement
écrire :

ρ1 C1 S1 = ρ2 C2 S2 (3/26)

Il faut noter que seule la masse est conservée. La vitesse, la pression, la densité ou la température
peuvent toutes varier en traversant un dispositif en écoulement permanent. De même, la
forme géométrique du conduit n’a pas d’importance 7 .

Figure 3.8 – Section de conduit. Les surfaces des sections, dont la forme n’a pas d’importance,
imposent une vitesse moyenne d’écoulement, en fonction de la masse volumique du fluide.

6. Lors des réactions nucléaires, de la masse est transformée en énergie. Notons que dans les centrales dites
« nucléaires », les réactions nucléaires ne servent qu’à fournir de la chaleur et n’ont pas lieu au sein des circuits
thermodynamiques.
7. La forme des conduits a une influence sur le frottement, donc sur le débit de masse qui pourra les traverser
pour une puissance donnée. Mais l’équation 3/26 reste parfaitement valable : la masse est conservée.

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