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REMFO N°6 Octobre 2017 ISSN 2489-205X

Revue D’Etudes en Management et Finance D’Organisation (REMFO)


N°6 Octobre 2017

LA RÉFORME DE L'ADMINISTRATION AU MAROC : CAS DE LA


DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS

THE REFORM OF ADMINISTRATION IN MOROCCO: CASE OF THE


DIRECTORATE-GENERAL FOR TAXES

Aziz DOUARI
Enseignant chercheur
Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales
Université Hassan 1er de SETTAT
Email : aziz.douari@gmail.com
Mohammed MERZAQ
Enseignant chercheur
Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales
Université Hassan 1er de SETTAT
Email : merzaqdroit@yahoo.fr
Résumé
Tout au long du XXème siècle le système fiscal marocain a connu plusieurs réformes qui se sont
accélérées pendant les années 80 et 90. Aujourd’hui ce système fiscal peut, dans son architecture
générale, être considéré comme un système moderne, semblable à ce qui se pratique dans les pays à
économie ouverte. Il n’en demeure pas moins qu’il souffre de certaines carences importantes, aussi
bien dans sa pratique que dans la gestion de la relation entre l’Administration fiscale et les citoyens,
ainsi que dans l’incivisme fiscal qui fait que de grands pans de l’activité et de nombreux contribuables
continuent d’échapper à l’impôt. Dans cet article nous cherchons à examiner les conséquences des
réformes engagées par la direction générale des impôts tout en mettant en évidence l’impact de ces
réformes majeures sur la modernisation des administrations fiscales.
Mots clés : Direction des impôts, dépenses fiscales, réforme fiscale

Abstract
Throughout the twentieth century, the Moroccan tax system experienced several reforms that
accelerated in the 80s and 90s. Today, this tax system can, in its general architecture, be considered as
a modern system, similar to the practice in open economy countries. Nevertheless, it suffers from
certain important shortcomings, both in its practice and in the management of relations between the
tax administration and the citizens, as well as in the tax incentive that makes large areas of activity and
many taxpayers continue to evade taxes. In this article, we seek to examine the consequences of
reforms initiated by the Directorate General of Taxes while underlining the impact of these major
reforms on the modernization of tax administrations.
Keywords: Tax Branch, Tax Expenditures, Tax Reform

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Introduction

L’adoption de la loi cadre durant les années allant de 1980 à 1985 représente
incontestablement la réforme fiscale la plus importante qui soit intervenue au Maroc.
Toutefois malgré les performances des impôts et taxes introduits qui sont souvent en deçà de
leurs potentiels, l’IS, la TVA et l’IR ont permis une amélioration de la neutralité économique
du prélèvement fiscal et une progression des recettes de fiscalité indirecte interne au Maroc.
La modernisation du système fiscale a contribué de manière décisive à compenser les pertes
de recettes liées aux ventes de produits phosphatiers et à la réforme des impôts cédulaires,
tout en ayant un impact majeur sur l’organisation et le fonctionnement de l’administration
fiscale marocaine.

La récente réforme de la Direction générale des impôts est un événement particulièrement


important. On ne modifie pas de manière sensible une administration qui constitue le cœur
des fonctions régaliennes et qui est aussi ancienne que l'État lui-même, dont elle constitue une
des ossatures majeures, sans que cela prenne un sens historique sur la nature même de cet
État.

Aux prémices d'une réforme très récemment annoncée par le directeur général des impôts et
dont les contours ne commencent à se définir que de manière très globale, il serait prématuré
de se livrer à des conclusions et à une évaluation détaillée. Nous pouvons cependant dès
maintenant replacer la réforme dans le mouvement historique de modernisation des
administrations publiques, de façon à voir, d'une part s'il s'agit d'une continuité ou d'une
rupture et, d'autre part, de situer à priori les modalités annoncées de la réforme par rapport aux
objectifs et aux motivations qui l'ont déterminés.

La principale question qui se pose est celle de savoir si les récentes réformes engagées
contribuent-elles à une modernisation de l’administration fiscale marocaine ou constituent-
elles une continuité de la réforme fiscale engagée durant les années 80 ?.

Pour répondre à cette question, nous rappellerons ci-après les grandes caractéristiques de ces
évolutions, notre propos étant simplement de situer l'étape actuelle au regard d'une longue et
complexe transformation.

Deux éléments essentiels sont à souligner :


- Le contresens que constituerait l'appréciation de la réforme par rapport au principe
de la réduction des dépenses fiscales ;
- Le fait que la réforme marque une conception nouvelle par rapport au mouvement vers une

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administration fiscale unique observée à travers des erreurs et des occasions manquées
mais aussi des avancées positives.

Dans le cadre de cet article, nous ferons recours à deux méthodes. Il s'agit de la méthode
juridique et celle dite sociologique. La première nous permettra d’examiner les textes
juridiques se rapportant à la pratique de la fiscalité au Maroc. La seconde nous conduira à
faire une appréciation de la manière dont l’administration a engagé sa modernisation et elle
nous permettra de voir quels sont les instruments qui ont été mis en place pour améliorer la
performance de l’administration fiscale.

I. L'APPRÉCIATION DE LA RÉFORME ET LE PRINCIPE DE LA RÉDUCTION


DES DÉPENSES FISCALES
L’administration fiscale marocaine était, avant l’adoption du code général des impôts,
marquée par une importance des niches fiscales, avec d'un côté les exonérations et des
réductions fiscales, et de l'autre côté la prépondérance des taux réduits.

1. La notion de dépense fiscale


A des fins d’incitation économique ou d’équité sociale, les règles d'imposition ont toujours
connu des dérogations afin d'alléger la charge fiscale de certaines catégories de contribuables
ou d'opérations. Ces régimes fiscaux dérogatoires représentent des charges pour le budget de
l’État, au même titre que les dépenses budgétaires. Historiquement, dès 1967, l’Allemagne
publie un rapport sur les subventions budgétaires et les avantages fiscaux
er
(1 Subventionsbericht). L’année suivante, l’administration américaine présente un budget des
dépenses fiscales (taxexpenditures). En 1979, le Conseil des impôts publie le premier rapport
sur les dépenses fiscales.

La notion de « dépense fiscale » a été empruntée du législateur français, qui l’a introduite en
droit fiscal par l'article 32, alinéa-IV, de la loi de finances pour 1980, qui prescrit au
gouvernement d'en rendre compte1 « chaque année dans le fascicule Voies et Moyens annexé
au projet de loi de finances ». Si cet article leur donne un régime juridique de niveau
législatif, il y a lieu de remarquer que la notion même de dépense fiscale n'est pas définie par
aucun texte législatif ou réglementaire.

C'est en effet ledit tome II de l'évaluation des voies et moyens, texte de nature administrative,
qui définit le concept de dépense fiscale comme« les dispositions législatives ou
1
République Française, Annexe au projet de la loi de finances 1980 : Pour évaluation des voies et moyens,
Ministère des finances, p : 6-7-8.

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réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l'État une perte de recettes et donc, pour
les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de
l'application de la norme, c'est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français».

Dans le silence de la loi, la Cour des comptes française a donné sa définition2 :« Les dépenses
fiscales sont des pertes de recettes directes résultant des dérogations fiscales. Par extension,
l'expression désigne, plus largement, les dérogations fiscales à l'origine de ces pertes de
recettes. Il s'agit de dispositions législatives dérogatoires par rapport aux normes fiscales de
référence ». La notion de dépense fiscale doit être distinguée de celles de « remboursements
et dégrèvements » qui renvoient à un écart à la norme fiscale. Les dépenses fiscales sont
créées et supprimées par chaque projet de loi de finance qui dresse la liste des dépenses
fiscales, par catégorie d’impôts et de taxes.

Une mise à jour de la liste des dépenses fiscales est ainsi effectuée chaque année et permet
d’identifier certaines mesures qui, jusqu’alors recensées comme des dépenses fiscales,
peuvent être considérées comme des impositions normales suite à leur suppression.

2. Causes, nature et conséquences du développement de la notion de dépense fiscale

L'élément fondamental d'analyse des dépenses fiscales à ce stade est d’adopter une nouvelle
politique fiscale orientée vers une rationalisation du système fiscal marocain et, en même
temps, d’avoir une meilleure évaluation de l'impact économique et social des mesures
dérogatoires. Cela devra se faire parallèlement à un effort d'amélioration de la législation
fiscale à travers sa simplification, son harmonisation et la clarification des procédures.

La démarche de l’ancien directeur général des impôts Mr Noureddine Bensouda s'inscrivait


alors clairement dans une démarche normative3 et a d’ailleurs lancé une série de réformes des
dépenses fiscales car il estimait que les dépenses fiscales violaient les principes fondamentaux
de l'équité fiscale, de l'efficience économique et de la simplicité du système fiscal. C'est
pourquoi il souhaitait une requalification du législateur marocain de la réalité des incitations
fiscales en dépenses fiscales.

Il était en effet persuadé que la simple transparence et une évaluation rigoureuse du coût
budgétaire des dépenses fiscales susciteraient un mouvement de réforme et de restrictions
strictes des niches et qu'une analyse sérieuse des dépenses fiscales aboutirait à un meilleur
contrôle par le parlement et permettrait la mise en œuvre d'une véritable réforme des niches.
2
Cour des comptes, Rapport public annuel 2011: Tome 1; Observations des juridictions financières, février
2011, p: 39-85.
3
Bensouda, N., Analyse de la décision fiscale au Maroc, éditions le croisé des chemins, 2009, 477 p.

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Cette pure nécessité pratique liée à la publication du rapport annuel des dépenses fiscales, va
pourtant se maintenir jusqu'à nos jours malgré l'apparition d’une nouvelle approche fondée sur
le contrôle fiscal et la dématérialisation des déclarations fiscales.

Mais, en perdant sa justification historique, cette optique a entraîné progressivement plus


d'inconvénients que d'avantages, surtout avec l'apparition d’un certain nombre de
recommandations initiés par la commission fiscale du CGEM. Notons aussi que l’espoir de la
pertinence de cette décision fiscale fut largement déçu, d'une part pour des raisons liées à la
lourdeur du code général des impôts et d'autre part du fait de la difficulté de dupliquer
exactement les effets distributifs des dépenses fiscales par des dépenses budgétaires.

Enfin, les contraintes politiques qui pèsent sur le processus d’adoption de la loi de finance
expliquent très largement l'expansion de nouvelles niches fiscales comme substituts aux
dépenses budgétaires et non l'inverse. Maigre consolation, au cours des quarante années qui
ont suivi la création du terme, le législateur marocain a créé de puissants outils d'analyse des
niches pour évaluer les conséquences de la création de nouvelles dépenses et de l'ensemble du
système et depuis 2006, le ministère des finances oblige la direction générale des impôts à
publier tous les ans un rapport sur les dépenses fiscales.

La conséquence la plus directe et la plus visible de l'essor des niches fiscales dans la fiscalité
marocaine est son poids budgétaire, qui n'est plus du tout marginal : ainsi au Maroc,
l'ensemble des exemptions, déductions et autres réductions d'impôt représente le nombre de
407 dispositions dérogatoires qui a été dressé en 2016, contre 399 en 2015, 402 en 2014 et
412 en 2013. Un coût estimé de l'ordre de 32.423 MDHS en 2016 contre 31.749 MDHS en
2014, soit une hausse de 2,1%. En outre, ces dépenses fiscales accroissent les inégalités
sociales.

La bulle des niches fiscales et l'envolée de leur coût depuis une décennie en ont également fait
l'un des phénomènes centraux du système fiscal marocain et ont rendu la question des
dépenses fiscales incontournable. Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2017 4, le
document disponible le plus récent et le plus complet, le coût total des 407 dépenses fiscales
recensées (dont 306 ayant un impact budgétaire en 2016) est estimé à 32.423 MDHS.
Aujourd'hui, c'est la volonté réaffirmée de restaurer l'équilibre des comptes publics,
paradoxalement concomitante avec un développement accéléré des dépenses fiscales, qui vaut
à ces dernières un regain d'intérêt.

4
Mi ist re de l’ o o ie et des fi a es, Projet de la loi de fi a es : rapport sur les dépenses fiscales,
p :2

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A titre d’exemple de réformes non engagés, la TVA devrait être neutre et sans incidence sur le
choix des contribuables5. Toutefois, la multiplicité des taux et des exonérations ne prend pas
en considération les spécificités sectorielles du Maroc d’une part et d’autre part sont
considérés comme source de distorsions. En effet, paradoxalement la TVA est source de
dépenses fiscales par de nombreuses exonérations et exclusions (secteur agricole, opérations
civiles, produits de première nécessité, biens d'investissement…). Dans ce sens, nous
suggérons de conserver à terme deux taux : un taux normal de 20% et un taux réduit de 10%.

Il y a lieu de rappeler que ces exonérations sont souvent créées dans l'émotion du moment, les
niches fiscales sont également responsables de nombreux autres effets pervers, comme le
montre de manière caricaturale la récente note de service relative aux indemnités et primes
exonérées de l’impôt sur le revenu, en contradiction avec l’abattement forfaitaire des frais
professionnels accordés aux salariés.

On notera en outre que ces niches accroissent significativement la complexité du système


fiscal marocain et les risques de contentieux car, en droit fiscal, les exceptions sont
d'interprétation stricte et l'Administration fiscale peu empathique à l'égard des contribuables
qui usent de ces techniques pour réduire leur imposition. Elles participent largement à
l'illisibilité de l'impôt et à l'inégalité devant celui-ci en permettant aux redevables bien-
conseillés de réduire leur imposition. Elles ajoutent enfin à l'instabilité, le législateur
modifiant régulièrement certaines dispositions soit pour les rendre plus attractives lorsqu'elles
ne donnent pas les résultats économiques escomptés6 soit à l'inverse pour en réduire le coût
quand elles rencontrent un trop grand succès. Il faut noter que malgré l’existence de ces effets
pervers, le législateur marocain n’a jamais réagi en soulignant le coût budgétaire, la faible
efficacité de certains dispositifs et la complexité croissante de la fiscalité marocaine.

II. LA MODERNISATION DE L’ADMINISTRATION FISCALE VERS LE


NUMÉRIQUE

La réforme risque de marquer une rupture par rapport au mouvement vers une administration
fiscale numérique observée à travers des occasions manquées mais aussi des avancées
positives. On fait le ressort des évolutions ultérieures et qui ont conduit à la réforme actuelle
se situe dans la nécessité progressivement devenue plus impérieuse, au regard de l'efficacité,
de l'efficience et de la qualité de service, de réaliser l'unification des administrations fiscales,

5
L'Organisation de coopération et de développement économiques, Principes directeurs Internationaux pour la
TVA/TPS, OECD library, 2017, p : 26
6
Akes i N., L’i pôt, l’Etat et l’ajuste e t, Ra at, a tes ditio s, 99 , 9 p.

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pour l'ensemble des impôts et pour l’ensemble des fonctions fiscales (assiette, contrôle être
couvrement).

1. La nature des dysfonctionnements de l’administration fiscale


Durant ces dernières décennies l’administration fiscale au Maroc a connu un mouvement
important de réformes pour éviter tous dysfonctionnements futur. Un premier temps fort se
produit durant les années 80 par la création d'une administration centrale unique pour les
contributions directes, indirectes et l'enregistrement7. Il faut noter dans cette période une
occasion ratée de rationalisation. En effet lors de la création de l'impôt sur les sociétés, de la
taxe sur la valeur ajoutée et de l’impôt général sur le revenu, leur recouvrement était attribué
aux services du trésor public. Mais comme cet impôt n’est pas perçu par voie de rôle mais par
des paiements spontanés, on improvise des liaisons complexes, incomplètes et non sécurisées
entre la direction des impôts et le trésor public qui sont un exemple d'inefficacité
administrative.

La séparation du recouvrement et de l'assiette qui, bon gré mal gré, fonctionnait jusque-là
grâce à un outil informatique vétuste, qui se trouve désormais véritablement en porte à faux et
génère des dysfonctionnements administratifs très pénalisants, ainsi que l'ont démontré
plusieurs rapports de l'inspection générale des finances et de la cour des comptes. Cette
décision peu cohérente s'explique certainement par le fait que ces nouveaux impôts ne
possédaient pas de réseau de recouvrement et que le directeur général des impôts à l’époque
avait pour priorité la mise en place des instruments fiscaux de la politique d’ajustement
structurel.

Un deuxième temps fort commence en 2006 et se poursuit actuellement, par la création des
recettes de l’administration fiscale. Par une réforme de moindre ampleur, la direction des
impôts prend en charge la TVA. Une autre occasion de rationalisation est manquée lors de la
création d’une recette de l’administration fiscale destinée aux grandes entreprises. Son
recouvrement est attribué à la direction des grandes entreprises de Rabat et de Casablanca car
celles-ci pratiquent une segmentation de la population fiscale en fonction du chiffre d’affaires
déclarée (supérieure à 50 millions de dirhams). Or le fait que le recouvrement de l'impôt sur
le revenu et l’impôt sur les sociétés incombe aux services du trésor n'a pas permis au Maroc
de mettre en œuvre ce système, contrairement à tous les autres grands pays. En fait à l'époque,
seule la direction des grandes entreprises aurait pu s'engager dans une telle réforme car elle

7
El ktiri M. et Akes i N., La r for e de l’ad i istratio fis ale à l’heure de l’ajuste e t stru turel, les ditio s
Toubkal, 1987, 242p.

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gérait déjà une population fiscale fiable et à jour et des paiements réguliers des entreprises
structurés.

À cette période d'attentisme et d'occasions manquées va pourtant succéder une phase au cours
de laquelle la question de la réforme de l’administration fiscale va être enfin posée clairement.

 Ainsi, durant les assises Nationales sur la Fiscalité en 2013 ont lieu en effet des réflexions
qui poussent à une plus grande amélioration du système fiscale marocain :
 Pour un rééquilibrage dans la structure des recettes fiscales entre les impôts directs et
indirects en vue d’assurer la justice fiscale souhaitée, et instaurer également un équilibre
entre l’imposition du capital et celle du travail
 Pour une rationalisation du système des incitations fiscales
 Pour une fiscalisation du secteur agricole
 Pour une réforme de l’impôt sur le revenu, de la taxe sur la valeur ajoutée et pour une mise
en place d’un impôt sur la fortune
 Mise en place d’une politique globale et concertée pour appréhender le secteur informel
 Mise en place d’un dispositif fiscal incitatif et approprié aux petites et moyennes
entreprises
 Lutter contre la fraude et le renforcement des moyens d’action de l’administration fiscal
 Pour une amélioration des travaux des commissions fiscales
 Pour un recouvrement efficace des créances fiscales
 La mise en place d’un cadre fiscal stable et baisse de la pression fiscale
 Mise en place d’une fiscalité en adéquation avec les capacités contributives des entreprises
 Minimisation de l’impact fiscal sur les opérations de restructuration du tissu économique
 Pour un meilleur service au contribuable ;
 Encadrement du pouvoir d’appréciation de l’administration et une clarification des textes
 Pourvoir la régionalisation avancée

Les lois de finances qui ont par la suite été adoptée se sont fondées sur l'idée d’instaurer une
fiscalisation à taux réduits progressive pour les personnes morales, au secteur agricole et de
transférer certaines attributions de la trésorerie générale du royaume à la direction des
impôts. Certaines propositions ont été rejeté et n’ont jamais vu le jour tel que l’impôt sur la
fortune qui n’a jamais été adopté suite à une coalition des élus locaux. Il laisse en effet
entrevoir la mise en place de nombreux avantages fiscaux aux entreprises et des taux réduits
favorisant la constitution de niches fiscales.

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La stratégie du nouveau directeur des impôts sera de conserver l'objectif de certains aspects
des assises fiscales et de le mettre en œuvre par une politique des petits pas :
 Création d'un service régional qui assure le recouvrement ;
 Lancement d'un grand projet de l’informatique fiscale, propre à la direction des impôts et
pris en charge de certains impôts de la fiscalité des collectivités locales (Taxe
professionnelle, Taxe sur les services communaux, Taxe d’habitation);
 Transferts progressif de compétences de l’assiette au contrôle fiscal. Au sens de
l’augmentation du nombre de vérificateurs fiscaux au seuil de 1000 vérificateurs au
titre de l’exercice 2018 ;
 La mise en place d’un système informatisé d’appréciation du risque fiscale et de
programmation du contrôle fiscal ;
 Le recouvrement et la télé-déclaration des impôts et taxes : cela permet, dans un sens,
de créer l'interlocuteur unique des entreprises par le biais du portail Simple, et dans
l'autre, assurer le transfert des gestionnaires d’assiette à la Direction du contrôle fiscale
des compétences.

Mais malgré quelques avancées (instauration de bureaux d’accueil, adresse Internet et


numéros de renseignement à distance uniques ...), la dualité subsiste pour les particuliers qui
n'ont pas d'interlocuteur fiscal unique.

2. Propositions de réformes fiscales

Le nouveau gouvernement devra avoir comme objectif prioritaire affiché la mise en place
d'un service fiscal unifié des particuliers, soit d’une manière informatisée soit dans
l’augmentation du nombre du personnel qui traitera de l’assiette et du recouvrement.
Rappelons que cette proposition de réforme aura pour deux objectifs :

 Réaliser l'interlocuteur fiscal unique pour les particuliers (objectif de qualité de service);
 Révéler des économies d'emploi réduisant le coût des administrations fiscales (objectif
d’efficience).

Il est clair que le premier objectif ne sera en grande partie réalisé que par l’augmentation du
nombre de gestionnaires d’assiette à cette population n’ayant aucune connaissance des notions
fiscales. Il est proposé qu’il soit créé une nouvelle organisation ou seront réunis tous les
éléments de mise en place de l'interlocuteur fiscal unique sur le terrain. Toutefois, il est
proposé que cette mise en place soit immédiate tout en tenant en comptes des spécificités des

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zones rurales (existence d’une subdivision polyvalente) qui limite l’exercice de la fonction «
d’accueil fiscal », c'est-à-dire de réception des déclarations, de renseignement général et de
prise en charge pour transmission au service compétent des réclamations ou demandes de
renseignement plus complexes. Le gestionnaire d’assiette pourra profiter de la spécialité pour
adopter de nouvelles compétences de contrôle sur pièce.

Il s'agira certes d'un progrès sensible mais cela n'est pas l'interlocuteur fiscal unique qui est
l'objectif rationnel. Les subdivisions rurales spécialisées par métiers exerceront des missions
fiscales partielles et ceci, en conservant ses attributions d’assiette fiscale et de contrôle des
déclarations fiscales.

Ces objectifs ne seront atteints que si l’administration fiscale alloue des ressources (humaines,
informatiques, budgétaires, immobilières, direction ...) qui s'opéreront sur une plus grande
échelle sur le territoire national. Il ne permettra de sortir la subdivision fiscale rurale de son
ancrage polyvalent qui pénalise son efficience et empêche de développer sa
professionnalisation par une spécialisation accrue sur la mission d’assiette et de
recouvrement.

L'avantagedecettenouvellepotentialitéestqu'ellenesusciterapasl'opposition des inspecteurs


des impôts désireux de conserver leur évolution de carrière administrative que le nouveau
projet consolide. Cet élément et les perspectives de carrière dans un ensemble plus vaste,
offrant plus d'opportunités d'accéder à des fonctions « de contrôle fiscale » mieux
rémunérées, devraient aussi améliorer les motivations des agents. Ainsi, en regroupant
dans une même administration la mission fiscale et la gestion financière de l'État et des
collectivités locales sous l'aspect de la tenue de contrôle et de recouvrement des créances, le
Maroc innovera.

Un autre segment non moins important est la modernisation de la gestion de l'assiette. Ceci
passerait par la mise en œuvre des actions suivantes :

 La concentration des efforts sur les contribuables potentiels, la recherche active des
défaillants importants et la recherche de nouveaux contribuables sans aggraver le coût net
de gestion.
 L’introduction de la possibilité de recours contentieux de manière informatisée :
Actuellement, l’engagement de l’affaire en contentieux est essentiellement établi par écrit.
 La poursuite de l’immatriculation fiscale : cette immatriculation établie sur la base du
numéro d’identification fiscal commun qui est un instrument incontournable de la gestion

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moderne de l’impôt en ce qu’elle permet, notamment, de suivre la traçabilité des


contribuables ;
 La valorisation des ressources humaines : l’Administration fiscale devra élaborer un
programme ambitieux de formation, de recyclage et de perfectionnement de ses personnels
pour répondre aux nouvelles exigences des nouvelles normes comptables internationales et
des pratiques des groupes internationaux.
 Le renforcement de la communication et l’intensification des rencontres avec les
associations professionnelles : les actions de communication de l’Administration fiscale
doivent, désormais, tendre à recentrer toutes ses missions autour du contribuable en
mettant à sa disposition une information fiable de nature à réduire les incompréhensions.

En définitive, ces réformes remplaceront une singularité historique (la fonction de l'assiette et
du recouvrement des impôts directs) par une autre singularité tout aussi originale.

Conclusion

Pour conclure, l’efficacité de l’administration fiscale nécessite une bonne gestion d'impôts, du
fait qu’elle dispose d'agents spécialistes sur une même réalité et cette multiplicité accroît sa
perception de la réalité et donc permet un meilleur rendement de chaque impôt (c'est le
principe du dossier fiscal unique de chaque contribuable avec toutes ses occurrences
fiscales, qui permet des recoupements, latéraux entre impôts, et longitudinaux entre
années).

Par contre en agrégeant d'autres tâches que fiscales aux inspecteurs des impôts on affaiblit
leurs efficacités. Notamment si les impératifs de ces tâches si légitimes soient-ils, conduisent
à une approche qui n'est pas celle qu'impliquent les priorités et les valeurs de l'administration
fiscale. C'est pourquoi notamment, il était rationnel de transférer les tâches d’assiette au
contrôle fiscal.

Or, Cette nouvelle optique de la direction des impôts fait, à cet égard, courir un risque de
dispersion ou de contradiction de priorités et de valeurs du fait de leur cohabitation avec la
mission fiscale. Notamment, le danger d'un affaiblissement historique de l’assiette fiscale et
du contentieux n’est pas purement théorique.

Ce genre de situation peut se traduire, à terme, par l'externalisation de certaines missions aux
experts comptables pour l'intégrer dans un ensemble d’audit de catégorisation fondée
regroupent des aspects douanes et de la CNSS. Cette évolution place généralement ce type de

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service sous le contrôle du commissaire aux comptes et à un suivi plus quotidien de


l'application des règles fiscales, et un relâchement de la synergie avec l’assiette.

Cette première appréciation a priori de la réforme montre bien tous ses avantages et ses
chances d'atteindre ses objectifs. Elle montre aussi les risques potentiels si les missions
de contrôle fiscal ne sont pas mises en œuvre de manière claire et affirmée.

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages

 Akesbi N., L’impôt, l’Etat et l’ajustement, Rabat, actes éditions, 1993, 496p.
 El ktiri M. et Akesbi N., La réforme de l’administration fiscale à l’heure de
l’ajustement structurel, les éditions Toubkal, 1987, 242p.
 Bensouda, N., Analyse de la décision fiscale au Maroc, éditions le croisé des chemins,
2009, 477 p
Rapports et instructions administratives

 Cour des comptes, Rapport public annuel 2011 : Tome 1 ;Observations des juridictions
financières, février 2011, p : 39-85.
 Ministère de l’économie et des finances, Projet de la loi de finances 2017 : rapport sur
les dépenses fiscales, p : 2.
 République Française, Annexe au projet de la loi de finances 1980 : Pour évaluation
des voies et moyens, Ministère des finances, p : 6-7-8.
 L'Organisation de coopération et de développement économiques, Principes directeurs
Internationaux pour la TVA/TPS, OECD library, 2017, p : 26.

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