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© Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques M 4 225 − 1
CORROSION SÈCHE DES MÉTAUX _________________________________________________________________________________________________________
Cette étude sur la corrosion sèche des métaux est présentée en plusieurs fascicules :
— [M 4 224] - Corrosion sèche des métaux. Cas industriels : oxydation, carburation ;
— [M 4 225] - Corrosion sèche des métaux. Cas industriels : sulfuration, nitruration ;
— [M 4 226] - Corrosion sèche des métaux. Cas industriels : halogènes ;
— [M 4 227] - Corrosion sèche des métaux. Cas industriels : dépôts ; milieux fondus ;
— [M 4 228] - Corrosion sèche des métaux. Choix des alliages ;
— [Doc. M 4 229] - Corrosion sèche des métaux. Cas industriels. Pour en savoir plus.
Pour une étude théorique du phénomène, le lecteur se reportera aux articles [M 4 220] et
[M 4 221] de ce traité.
1. Sulfuration
Cr
0
La sulfuration peut être divisée en deux principales catégories :
la corrosion en milieu oxydant dans un environnement contenant 10
SO2 et la corrosion en milieu réducteur. Comme la résistance des
principaux alliages est souvent liée à la protection par la chromine, 20
la corrosion en milieu réducteur peut elle-même être scindée en
d e u x c a t é g o r i e s s u i v a n t q u e l a ch r o m i n e e s t t h e r m o - 30
dynamiquement instable (H 2 / H2S, vapeur de soufre) ou stable
[environnements à gaz mixte (H2 , CO, CO2 , H2O, H2S, COS)]. 40
Bien que les mécanismes de sulfuration et d’oxydation soient
50
fondamentalement similaires (cf. article [M 4 224]), ils diffèrent de
par leur complexité et leur cinétique. La sulfuration est plus
60 1 200
complexe du fait de l’existence de nombreux sulfures stables et de 1 094 1 016 980
compositions eutectiques à bas points de fusion (tableau 1, 1 200+ °C
figure 1). Les cinétiques de sulfuration des principaux éléments 70 00
1 106 1 092
10 °C
900
constituant les alliages pour haute température sont, suivant les 1 112 1 016 952
températures, 104 à 106 fois plus élevées que les cinétiques d’oxy- 80 1 095 666
1 128 1 180 669
dation (figure 2). Cela se retrouve également sur les alliages 808
° C
00 °
C
(figure 3). Ces cinétiques plus élevées sont dues aux écarts plus 90
1 1 669 850
1 121
importants à la stœchiométrie des sulfures par rapport aux oxydes 975 663 836 822 795
et donc à une concentration plus grande en défauts ponctuels dans 100 Ni
les sulfures. Le manganèse fait exception, mais la plus grande Fe 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
mobilité dans le sulfure contrebalance la plus faible concentration Masse (%)
en défauts ponctuels et conduit à des constantes de vitesses para-
boliques similaires [3]. Cela a pour conséquence que la tempéra-
ture maximale d’utilisation des matériaux métalliques Figure 1 – Températures de fusion de sulfures formés
généralement considérée pour assurer une bonne tenue sur le long sur les alliages dans le système Fe-Ni-Cr [2]
terme est, en présence de conditions sulfurantes, de 600 à 650 oC
seulement [1].
Les éléments les plus résistants à la sulfuration sont les métaux
réfractaires comme Mo, Nb qui ont des constantes paraboliques
comparables à celle de l’oxydation du chrome, mais ne constituent
Tableau 1 – Températures de fusion de divers sulfures, malheureusement pas des matériaux de choix pour des applica-
oxydes et mélanges eutectiques tions industrielles courantes.
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2
Fe thermodynamiques
–5 10–5 FeS Cr Fe – 25Cr
+
–6 Cr3S4
Fe
Co
Ni FeS
–7 +
Mn
Co CrS
–8
Nb Cr Fe
3 4
–9 +
Cr Mn CrS
10–10
– 10
2 Fe FeO
– 11 + +
Fe FeCr2O4 FeCr2O4
Ni Mo +
– 12 Cr2O3 1
Fe
6 8 10 12 14
+
104/T (K–1) Cr
sulfuration oxydation
10–15
10–25 10–20 10–15
pO (atm)
Figure 2 – Constantes paraboliques de sulfuration 2
et d’oxydation de divers éléments [3]
–5
Nota : la thermodynamique prévoit des diagrammes de stabilité à l’équilibre thermody-
namique. Or cela n’est, en fait, que rarement vérifié dans la pratique lorsque les cinétiques
–7 Sulfuration ne sont pas suffisamment rapides, ce qui engendre un décalage entre les observations
effectives et les prévisions thermodynamiques. D’où la notion de « limite cinétique ».
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–4
lg (constantes paraboliques) (g2/cm4/s)
FeS
–8
0 20 40 60 80 100 0 20 40 60 80 100
Teneur en Cr (%) Teneur en Cr (%)
a effet de la teneur en chrome sur la résistance à la sulfuration b évolution comparative de la composition des couches
des systèmes Fe-Cr, Ni-Cr, Co-Cr d'oxyde et de sulfure dans le système Fe-Cr
Figure 5 – Sulfuration des systèmes Fe-Cr, Ni-Cr et Co-Cr [3] et influence de la composition des couches formées [9]
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MeS
Sulfure MeS
Me2+
S2– Cr2O3 Me2+ Cr3+ Spinelle
Cet effet favorable du cobalt a été confirmé par Lai [14] sur
Tableau 3 – Vitesses de corrosion (sous 68 atm) divers alliages commerciaux (tableau 4). Un ajout de Ti est éga-
dans des atmosphères de gazéification du charbon lement favorable comme le montre le bon comportement des
contenant 0,5 et 1,5 % H2S (composition du gaz d’entrée nuances R-41 et Waspaloy, alliages pourtant à base Ni. De manière
24 % H2-18 % CO-12 % CO2-5 % CH4-1 % NH3-reste H2O) comparable à ce qui se passe lors du phénomène d’oxydation,
[13] (1) l’ajout de silicium réduit les vitesses de sulfuration comme l’illustre
la bonne tenue de la nuance HR-160 (2,75 % Si, 28 % Cr).
Température (oC) (0)
Nuance
(cf. Doc. M 4 229)
482 650 816 900 982
Tableau 4 – Corrosion (mm/face)
446 E E TB TB M de différents alliages (1) [14]
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a nitruration intragranulaire
12 000
Constante parabolique (µm2/h)
153MA
10 000
50 µm 253MA
8 000
800
309S
a après 20 h à 1 100 °C dans l'ammoniac
6 000 310S
4 000
353MA
2 000 330
AC66
601
0
0 20 40 60 80 100
Teneur en Ni (%)
b nitruration intergranulaire
1 100 °C 1 000 °C
50 µm
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10 14
Reprise en N2 (mg/cm2)
Constante parabolique (mg2/cm4/h)
253MA
153MA 12
8
309S 10
6 8
310S
6
4
2
353MA 2
601
0 0
0 20 40 60 80 100 0 20 40 60 80
Teneur en Ni (%) Teneur en Ni + Co (%)
14
Reprise en N2 (mg/cm2)
Figure 11 – Effet de la teneur en nickel sur la résistance
à la nitruration dans l’ammoniac d’aciers et alliages réfractaires [15]
12
10
Comme pour la carburation, la formation d’un oxyde superficiel
limitera fortement la nitruration. L’effet favorable du nickel est 8
conservé. Smith et Bucklin [18] ont montré qu’en ajoutant 1 % H2
(pour obtenir un point de rosée de 6 oC), les alliages 314, 330, 800,
600, 601 ne présentaient aucune attaque après 1 032 h à 932 oC. 6
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Température (oC)
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