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concernant le décès de
Diana Pinet
2017-06390
Me Julie-Kim Godin
Édifice Le Delta 2
2875, boulevard Laurier, bureau 390
Québec (Québec) G1V 5B1
Téléphone : 1 888 CORONER (1 888 267-6637)
Télécopieur : 418 643-6174
www.coroner.gouv.qc.ca
BUREAU DU CORONER
2017-11-30 2017-06390
Date de l'avis No de dossier
IDENTITÉ
Diana Pinet
Prénom à la naissance Nom à la naissance
1923-05-04 Féminin
Date de naissance Sexe
Montréal Québec Canada
Municipalité de résidence Province Pays
Thériault Helen
Nom de la mère Prénom de la mère
Pinet William
Nom du père Prénom du père
DÉCÈS
2017-11-30
Date du décès
Déterminé CHSLD Herron Dorval
Lieu du décès Nom du lieu Municipalité du décès
Mme Diana Pinet a été identifiée visuellement par le personnel du Centre d’hébergement et
de soins de longue durée (CHSLD) Herron sur les lieux de son décès.
CIRCONSTANCES DU DÉCÈS
Le 30 novembre 2017, vers 13 h, Mme Pinet prenait son repas à la cafétéria du CHSLD.
Compte tenu de sa condition de santé, elle était nourrie par une préposée aux bénéficiaires
et devait être assise dans une chaise gériatrique. Elle avait un menu composé
essentiellement de purée.
Au cours du repas, Mme Pinet s’est étouffée avec de la nourriture et est tombée en détresse
respiratoire. Son visage est devenu rapidement blanc et ses lèvres bleues.
De l’aide a été demandée. Plusieurs employées, dont une infirmière auxiliaire et deux
infirmières, se sont déplacées auprès de M me Pinet. Elles ont constaté qu’elle était
inconsciente, qu’elle ne respirait pas et que ses lèvres étaient mauve foncé. Une employée a
retiré de la nourriture de sa bouche. Ensuite, M me Pinet a été transportée à sa chambre et a
été couchée sur son lit, sur son côté gauche. Elle était inconsciente, ne respirait pas, son
visage était légèrement mauve et ses mains étaient mauve bleuté.
La centrale 9-1-1 a été appelée et des manœuvres ont été débutées par le personnel du
CHSLD.
Après avoir révisé le dossier médical et constaté qu’un niveau de soins 3 était souhaité, les
employées du CHSLD ont annulé le transport ambulancier qui avait été demandé. Une
employée a retiré la nourriture qui était demeurée dans la bouche de M me Pinet, soit environ
6 à 8 onces ou l’équivalent d’un petit verre.
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EXAMEN EXTERNE, AUTOPSIE ET ANALYSES TOXICOLOGIQUES
Comme les lésions qui ont entraîné le décès de Mme Pinet sont connues et ont été
documentées dans son dossier médical du CHSLD Herron et dans celui de l’Hôpital général
du Lakeshore, aucune expertise additionnelle n’a été ordonnée.
ANALYSE
Mme Pinet était âgée de 94 ans. Elle résidait au CHSLD Herron, soit un centre
d’hébergement privé non conventionné qui détenait un permis du ministère de la Santé et
des Services sociaux. Cet établissement est entièrement privé et opère de manière
autonome et indépendamment du réseau public de santé.
Par conséquent, des directives claires avaient été émises afin de l’alimenter en toute
sécurité et minimiser les risques d’étouffement. Notamment, M me Pinet devait être bien
éveillée au moment du repas et sa respiration devait être claire. Elle devait faire l’objet d’une
surveillance active : la préposée qui l’alimentait devait s’assurer qu’elle avait bien avalé la
nourriture avant de continuer à la nourrir. Elle devait manger des aliments en purée (qui
avaient été préalablement épaissis, aucun liquide régulier ne devait lui être donné). Ces
instructions étaient affichées dans sa chambre et était bien connues du personnel du
CHSLD.
En septembre 2017, Mme Pinet a été évaluée par une physiothérapeute au moment du repas.
Cette dernière avait noté que le positionnement n’était pas adéquat et devait être corrigé.
Je dois d’abord souligner que le contenu du dossier auprès du CHSLD est peu détaillé et ne
permet pas d’établir avec précision la chronologie des évènements du 20 novembre 2017 :
les soins apportés, le personnel impliqué et les décisions qui ont été prises. De plus, aucun
rapport de déclaration d’incident ou d’accident n’a été complété. Une employée impliquée
dans les évènements a déclaré qu’elle ne savait pas qu’un tel rapport devait être complété
dans un cas de décès.
Dans ce contexte, une enquête policière a été effectuée par le Service de police de la Ville
de Montréal et le personnel impliqué a été rencontré. Mentionnons d’emblée que les
versions des différents témoins diffèrent quelque peu quant à la chronologie des
évènements.
La préposée qui nourrissait Mme Pinet au moment des évènements a déclaré qu’elle la
connaissait bien et qu’elle était habituée de la nourrir. Elle devait donc connaître les
directives en lien avec l’alimentation et savoir qu’elle devait surveiller M me Pinet de manière
attentive.
Or, au moment des évènements, il est survenu un problème, car M me Pinet s’est retrouvée
avec une quantité importante de nourriture dans sa bouche, alors qu’on devait s’assurer
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qu’elle ait bien avalé sa nourriture avant de continuer de la nourrir.
Une fois que Mme Pinet s’est étouffée et s’est retrouvée en détresse respiratoire, il y avait
certainement lieu d’effectuer une manœuvre urgente de désobstruction des voies
respiratoires (par poussées abdominales ou manœuvre d’Heimlich). Or, une telle manœuvre
ne semble pas avoir été faite.
La majorité des témoins ont rapporté que des tapes dans le dos ont été données à
Mme Pinet, mais il n’y a pas de consensus à savoir qu’une manœuvre de désobstruction a été
faite. De plus, il n’y a aucune note à cet effet dans le dossier médical.
Les bandes vidéo des caméras présentes dans la salle à manger ne permettent pas d’établir
qu’une manœuvre de désobstruction des voies respiratoires a été effectuée par le
personnel.
Ceci étant dit, on pourrait s’attendre que les infirmières pratiquant au sein d’un tel
établissement aient les connaissances requises et soient en mesure d’appliquer la
manœuvre de désobstruction.
Est-ce que le personnel s’est abstint de pratiquer une manœuvre de désobstruction compte
tenu du niveau de soins inscrit au dossier médical de M me Pinet ? En d’autres termes, est-il
possible que le niveau de soins souhaités ait créé une certaine confusion auprès du
personnel quant aux soins et aux manœuvres à effectuer ? C’est possible.
Une préposée impliquée dans les évènements a mentionné qu’elle n’avait pas appelé la
centrale 9-1-1 au moment des évènements, car elle n’avait pas le pouvoir ni l’autorité de le
faire (et que cette tâche revenait donc aux infirmières). Qu’est-ce qui est enseigné au
personnel de cet établissement ? Pourquoi ne pourrait-on pas demander l’aide requise en
situation d’urgence ?
Afin de discuter des problématiques identifiées dans ce dossier, j’ai contacté le service de
gestion des risques et le directeur de cet établissement, mais sans succès. Ces derniers
n’ont pas donné suite à mes demandes d’information.
J’ai également échangé avec le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux
de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal et le ministère de la Santé et des Services sociaux qui m’ont
confirmé que des recommandations ont été transmises au CHSLD, mais qu’elles ne
semblent pas avoir été mises en application. Ils m’ont également confirmé que le CHSLD est
en situation de non-agrément. De plus, il est en défaut de saisi de déclarations d’incident ou
d’accident et n’ont probablement pas de comité de gestion des risques.
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CONCLUSION
Mme Diana Pinet est décédée d’une asphyxie par obstruction des voies respiratoires
supérieures.
RECOMMANDATIONS
À l’Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec et l’Ordre des infirmières et des
infirmiers auxiliaires du Québec d’examiner la conduite professionnelle de leurs membres
impliqués dans les soins à Mme Pinet le ou vers le 30 novembre 2017.
Au CHSLD Herron :
o d’évaluer avec un formateur en réanimation cardiorespiratoire qualifié les besoins de
certification (et de recertification) en réanimation cardiorespiratoire et en secourisme
général du personnel infirmier et des préposés aux bénéficiaires de son établissement;
Je soussignée, coroner, reconnais que la date indiquée, et les lieux, les causes, les
circonstances décrits ci-dessus ont été établis au meilleur de ma connaissance, et ce, à la
suite de mon investigation, en foi de quoi j’ai signé, à Montréal, ce 26 mars 2019.
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