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Introduction
L’acquisition de contrôle
Les règles fiscales dont il sera fait état plus après, s’enclenchent lorsqu’il y a
« acquisition » et non uniquement « changement » au contrôle d’une société. Il faut
donc, avant de pouvoir conclure à ce sujet, connaître quel sens les tribunaux canadiens
accordent à la notion de « contrôle ».
Le contrôle de jure (contrôle de droit)
Tel qu’il a été mentionné précédemment, les tribunaux ont depuis longtemps
convenu que le contrôle d’une société est celui qui découle de la détention d’un nombre
suffisant d’actions votantes3, lequel permet d’élire la majorité des administrateurs au
conseil d’administration. Le contrôle appartient donc à ceux qui ont un pouvoir sur les
« affaires » de la société. Par exemple, un actionnaire détenant 60% des actions
votantes d’une société en a le contrôle, puisqu’il est en mesure d’orienter sa destinée.
Cependant, pour établir où se situe le contrôle effectif et réel sur une société, la
Cour suprême du Canada a précisé en 1998, qu’il était important de s’assurer que de
tels pouvoirs ne soient pas déplacés par une disposition des statuts constitutifs qui
gouvernent les affaires de la société. Conséquemment, les documents d’incorporation,
le registre des actionnaires ainsi que la convention unanime d’actionnaires devront
également être examinés afin de déterminer quelle personne ou groupe de personnes
détient le contrôle sur les affaires de la société visée. Reprenons l’exemple de
1
Les actions votantes.
2
Une telle convention retire des pouvoirs aux administrateurs afin de les octroyer aux actionnaires. Certaines
provinces conviennent qu’une telle convention a le statut de « document constitutif » et c’est pourquoi il faut la
considérer dans l’établissement du contrôle.
3
Plus de 50%.
l’actionnaire qui, tout en détenant 60% des actions, est partie à une convention
unanime d’actionnaires, laquelle prévoit que son co-actionnaire (celui qui détient 40%
des actions votantes de la société) peut en tout temps et à sa guise, procéder à
l’élection de la majorité des administrateurs siégeant au conseil d’administration de la
société. Dans un tel cas, l’actionnaire minoritaire détiendrait à lui seul le contrôle de la
société, puisqu’un document constitutif lui accorderait un pouvoir équivalent à celui de
détenir la majorité des actions votantes de la société.
La notion de contrôle de jure ayant été élaborée, il s’agit maintenant d’établir les
circonstances au cours desquelles une personne ou un groupe de personnes acquiert
le contrôle de jure d’une société. Pour ce faire, il faut donc simplement comparer les
situations « AVANT » et « APRÈS » l’événement, lequel est fréquemment une
transaction qui porte sur les actions de la société. Vous remarquerez qu’il n’est pas
pertinent d’identifier que le contrôle de jure de la société en question a été « perdu »,
puisque les règles fiscales ne s’appliqueront qu’au moment de l’acquisition de contrôle
et non de la perte de celui-ci.
Prenons tout d’abord l’exemple suivant : X dispose de la totalité des actions qu’il
possède dans la société A, en faveur de Y :
Avant Après
X Y
100% 100%
A A
Qu’en serait-il si X disposait plutôt de la totalité des actions qu’il détient dans la
société A en faveur de trois différentes personnes : U, V et W?
Avant Après
X U V W
100% 1/3 chacun
A A
Par ailleurs, les tribunaux ont convenu qu’il était très possible qu’une société soit
contrôlée de jure par un « groupe » d’actionnaires. En revanche, ils ont précisé que
pour former un tel groupe de contrôle de jure, il faut obligatoirement que les détenteurs
d’actions votantes de la même société aient entre eux des liens, qu’ils agissent de
concert et que leurs agissements prouvent qu’ils forment réellement un groupe de
contrôle sur les affaires et la destinée de la société. Par exemple, vingt actionnaires
détenant chacun 5% des actions votantes d’une société ne forment pas
automatiquement un groupe de contrôle de jure. Cependant, si onze de ces vingt
personnes ont entre elles des liens familiaux ou financiers très étroits ou qu’ils agissent
de manière concertée afin d’exercer leur droit de vote, ce groupe d’onze actionnaires
pourrait exercer un contrôle de jure sur la société. Dans l’exemple ci haut, s’il pouvait
être établi que les actionnaires U et V1 ont de tels liens, ils formeraient un groupe qui
aurait acquis le contrôle de jure de la société A puisqu’ils en détiendraient ensemble 66
2/3 %. Auparavant, ce groupe ne contrôlait pas la société A.
1
Ou toute autre combinaison dont le résultat excéderait 50% des votes.
M.A M.A
100% 100%
A A
X 40% 60%
Monsieur A détient directement 100% de la société A Monsieur A contrôle indirectement 60% de la société B
Monsieur A en possède le contrôle de droit Monsieur A possède le contrôle de jure des deux sociétés
Dans le second cas, si M. A disposait de la totalité des actions qu’il détient dans
la société A, tant la société A que la société B seraient assujetties aux règles fiscales
portant sur l’acquisition de contrôle puisque le nouvel actionnaire aurait « acquis » à la
fois, le contrôle de jure des deux sociétés visées.
1
Par exemple, les pertes ou crédits d’impôts non utilisés, les pertes latentes sur les biens de la société, etc.
2
Plusieurs autres avenues, telles la fusion, la liquidation, le transfert de revenus etc. s’offrent à un contribuable qui
désire bénéficier des pertes réalisées par un autre contribuable. À des fins de simplification, nous utiliserons ici le
transfert d’actifs par roulement fiscal.
Vous savez très bien qu’un travail fiscal de fonds devra être opéré par un spécialiste.
Néanmoins, vous avez à élaborer la stratégie d’acquisition, laquelle comprend une
planification fiscale adéquate. Vous avez été informé à l’effet que la raison pour
laquelle la société canadienne désire se porter acquéreur des actions de cette société
consiste en la possibilité d’utiliser les « pertes en capital nettes » ainsi que les « pertes
autres qu’en capital » de la société Akiz qui restent là, dormantes. L’objectif sera-t-il
atteint par cette acquisition?
Étape numéro 1 :
Étape numéro 2 :
Étape numéro 3 :
l’année civile 2005. Par ailleurs, lorsque des évènements fiscaux particuliers se
produisent (par exemple, lors d’une acquisition de contrôle de droit), il est possible
qu’une société ait plus d’une année d’imposition qui se termine dans la même année
civile.
Pertes en capital nettes : La notion de gain et de perte en capital est en général, assez
connue : sommairement, il s’agit de la différence entre le prix de vente d’un bien de
capital1 et son coût fiscal. Lorsque le prix de vente est supérieur au coût fiscal, il en
découle un gain en capital et vice-versa. Dans les cas où un contribuable a, au cours
d’une année d’imposition, réalisé plus de perte en capital que de gain en capital à la
disposition de tels biens, il en découlera une perte nette dont 50% (la « perte en capital
nette »), pourra être reportée à l’encontre du revenu d’autres années d’imposition2, à la
condition que cette société ait réalisé un gain en capital imposable suffisant au cours de
cette année de report. Lorsqu’une société fait état d’un solde de « pertes en capital
nettes » non utilisé, il peut être présumé qu’elle n’a pas antérieurement réalisé
suffisamment de gain en capital imposable pour les éponger. Pour les utiliser, il faudrait
donc qu’elle réalise un tel gain dans le futur. Par exemple, la société Akiz devra, pour
pouvoir utiliser ses pertes en capital nettes, disposer de biens de capital qui lui feront
réaliser un gain en capital imposable de 175 000 $.
Pertes autres qu’en capital : Comme son nom l’indique, ce sont les pertes…autres que
celles réalisées sur des biens de capital. Ainsi, les pertes subies en conséquence de
l’exploitation de l’entreprise et les pertes de biens3 en sont les composantes principales.
Gains latents ou pertes latentes : Représentent les pertes ou les gains, selon le cas,
existants mais non encore réalisés, sur les biens de la société à acquérir. Par
exemple, les véhicules détenus par la société Akiz ont une valeur fiscale de 30 000 $
(FNACC) mais une valeur marchande de 25 000 $ (JVM). La perte n’est pas encore
réalisée parce que les biens eux-mêmes n’ont pas encore été disposés. Mais si la
société disposait effectivement de ces biens à la JVM, une perte surviendrait et
s’ajouterait aux autres pertes qui elles, sont réalisées. La même situation est
applicable aux actifs incorporels de la société Akiz..
Disposition : Vente réelle ou transaction présumée portant sur un bien. Dans le cas qui
nous concerne, elle permettrait à la société Akiz de réaliser aux fins fiscales à l’égard
de ses biens, un gain ou une perte qui, jusqu’à ce jour, était latent.
Hypothèse fiscale liée aux règles d’acquisition du contrôle d’une société : Les lois
fiscales reconnaissent et encouragent même la prise en charge d’une entreprise
déficitaire, lorsque le but de l’acquéreur est de continuer cette entreprise avec une
1
Un bien de capital exclut les stocks, lesquels produisent plutôt du revenu d’entreprise au moment de leur vente.
Un bien de capital est celui que l’on possède au titre d’investissement, mais duquel peut découler un revenu : un
immeuble locatif, une action de société etc.
2
À l’encontre de gain de même nature seulement, trois ans rétrospectivement et à l’infini prospectivement.
3
Ce résultat est atteint lorsque, par exemple, les revenus de location générés par un immeuble pour l’année sont
inférieurs au frais engagés et aux déductions autorisées à son égard pour cette même période.
Ce texte ne fera état que des règles d’acquisition de contrôle qui sont les plus
susceptibles d’être nécessaires au bon travail stratégique d’un gestionnaire, soit : la fin
d’exercice financier présumée de la société acquise, l’utilisation des pertes en capital
nettes après le moment de l’acquisition de contrôle et finalement, l’utilisation des pertes
autres qu’en capital à la suite de ce même moment. Il s’agit donc de connaître ces
mesures fiscales, leurs effets et les éléments de planification qui sont offerts dans les
circonstances. Nous allons les appliquer à la situation de la société Akiz.
Effets :
1
Il existe un choix qui permettrait de réaliser l’acquisition de contrôle à un autre moment de cette journée.
2
Une exception est toutefois prévue pour le cas où l’acquisition de contrôle a lieu dans les sept jours suivant la fin
d’exercice habituelle.
3
Une perte autre qu’en capital peut normalement être reportée sur sept années d’imposition futures (la période est de
dix années d’imposition pour les pertes autres qu’en capital subies après le 22 mars 2004)
Planification :
♦ Choisir le moment idéal pour procéder à l’acquisition des actions de manière à éviter
qu’une telle année d’imposition écourtée ne se produise. Afin de réduire les contraintes
administratives de la société Akiz, la société canadienne aurait donc intérêt à acquérir
les actions le 1er septembre ou dans la période de sept jours qui suit cette date. Ainsi,
une seule série d’états financiers et de déclaration de revenus ne seraient à produire
pour l’année d’imposition 2005. De plus, le nombre d’années d’imposition pour reporter
les pertes accumulées ne sera pas réduit, ce qui est avantageux pour l’acquéreur, le
cas échéant.
♦ Choisir que la société Akiz ait une fin d’année d’imposition future qui coïnciderait avec
celle de l’acquéreur ou d’autres membres du groupe corporatif dont l’acquéreur fait
partie, afin de réduire les coûts administratifs généraux et permettre une meilleure
planification fiscale des membres du groupe.
Mesure : Afin d’empêcher que des sociétés soient acquises en vue de faire bénéficier
l’acquéreur des PCN non utilisées ainsi que des pertes latentes sur ses biens en
capital, la règle fiscale indique simplement que ces pertes seront entièrement perdues
par suite de l’acquisition de contrôle.
Effet: Les PCN et les pertes latentes potentielles sur les biens de la société Akiz sont
entièrement perdues et ne pourront pas être utilisées par l’acquéreur après l’acquisition
de contrôle.
1
En y transférant par roulement fiscal par exemple, un bien sur lequel il y existe un gain latent, puis de
procéder ultérieurement à sa disposition afin de le réaliser.
Mesure : Afin d’empêcher que le contrôle d’une société soit acquis dans le but de faire
bénéficier le nouvel acquéreur des PAC non utilisées ou des pertes latentes sur ses
biens amortissables et ses biens d’entreprise, la règle fiscale indique qu’elles seront
entièrement perdues par suite de l’acquisition de son contrôle, sauf dans les
circonstances suivantes :
2. Tout au long de l’année où l’on voudra utiliser les PAC admissibles (celles
résultant de l’exploitation d’une entreprise), cette entreprise devra continuer à
être exploitée en vue d’en tirer un profit ou avec une attente raisonnable de
profit. Pour rencontrer cette condition et pour pouvoir déduire les PAC dans
une année d’imposition ultérieure à l’acquisition du contrôle, il ne sera pas
permis d’abandonner ou de rendre négligeable l’exploitation de l’entreprise
qui est à l’origine de ces PAC.
3. Les PAC admissibles ne pourront être déduites dans le futur, que jusqu’à
concurrence des revenus générés par cette même entreprise; sinon, il sera
permis d’utiliser les PAC à l’encontre du revenu généré par une autre
entreprise, en autant que, à l’égard de cette autre entreprise, 90% et plus1
des revenus soient dérivés de la vente, de la location ou de la mise en valeur
de biens semblables ou de la prestation de services semblables.
Effets : Selon les données fournies, les PAC de la société Akiz proviennent uniquement
de pertes d’entreprise; elles devraient donc, relativement à la première condition
énoncée ci-haut, pouvoir être utilisées par la société Akiz même lorsqu’elle sera sous le
contrôle de jure de la société canadienne. L’objectif de l’acquéreur serait atteint à ce
niveau.
1
La loi utilise le terme « la totalité ou presque ». Cette expression signifie généralement 90% et plus.
2
AGENCE DU REVENU DU CANADA, Bulletin d’interprétation IT302R3 « Pertes d'une corporation — Effet
des prises de contrôle, des fusions et des liquidations sur leur déductibilité — Après le 15 janvier 1987 », le 28
février 1994, par. 14. Les bulletins d’interprétation de l’ARC sont disponibles gratuitement à l’adresse suivante :
http://www.cra-arc.gc.ca/F/pub/tp/it302r3/LISEZ-MOI.html
Situation 1 Situation 2
Revenus nets découlant 100 000 $ 45 000 $
de l’entreprise de
fabrication de lavabos
Revenus nets (pertes (30 000 $) 25 000 $
nettes) découlant de
l’entreprise de services
de plomberie
Total du revenu 70 000 $ 70 000 $
d’entreprise réalisé par la
la société Akiz
Planification :
Pour que la société Akiz puisse utiliser les PAC et les pertes latentes générées
par l’entreprise de service de plomberie au-delà du moment de l’acquisition du contrôle,
il faudrait pouvoir affirmer que l’ensemble des activités « services de plomberie et
fabrication de lavabos » constitue une seule et même entreprise. Cela pourrait être
argumenté dans les cas où, par exemple, la fabrication de lavabos est entièrement
destinée à l’accomplissement des services de plomberie. Les lavabos perdraient ainsi
leur identité au moment où ils seraient incorporés dans l’entreprise de service de
plomberie. Seule l’entreprise de service de plomberie continuerait d’exister.
Évidemment, cela demeurera toujours une question de faits.
Bien que le tableau suivant ne soit pas exhaustif, il présente sous forme
synoptique, les situations de restrictions fiscales les plus courantes ayant lieu lors de
l’acquisition du contrôle d’une société. Le gestionnaire pourra donc s’y référer
avantageusement s’il désire connaître d’autres incidences fiscales liées à l’acquisition
du contrôle de jure d’une société. Le côté gauche du tableau représente les
évènements qui sont réputés se produire avant le moment de l’acquisition du contrôle,
tandis que le côté droit arbore les événements qui lui succèdent dans le temps.
1
Une perte de bien est réalisée lorsque le dans une année d’imposition, les dépenses encourues pour détenir le bien
sont supérieures au revenu provenant du bien. Il pourrait s’agir d’une perte locative par exemple.
À la lumière de ce tableau, il est assez clair que les règles fiscales cherchent
ouvertement à décourager l’acquisition du contrôle d’une société, à moins que la
continuité de l’entreprise ne soit envisagée.
Conclusion
Lorsque le contrôle de jure d’une société change de mains, il est normal que la
loi fiscale veille à ce que les attributs fiscaux ne soient pas indûment commercialisés ou
transférés au bénéfice de personnes qui n’y ont nullement contribué. Afin de prévoir
efficacement l’acquisition d’une société à pertes, il est primordial pour le gestionnaire
d’en connaître les incidences fiscales. Elles ont été décrites dans ce texte de manière à
ce que soient acquises les actions de cette société parfaite, celle qui permettra
d’atteindre les objectifs visés.
1
Pourrait comprendre les comptes débiteurs, les stocks, les immobilisations amortissables et ¾ de la perte sur des
biens intangibles.
2
Généralement lorsque la juste valeur marchande du bien est inférieure à son coût et que le bien n’a pas encore été
disposé.
3
Il est cependant possible de produire un choix permettant la disposition présumée et donc, la réalisation d’un gain
en capital si la société détient un tel bien immédiatement l’acquisition du contrôle. Il pourrait en découler de la
récupération d’amortissement.