You are on page 1of 24

Sommaire 2.2. Les travaux communautaires : ...............................................................................

17
I. Une association, un contexte : ........................................................................................... 2 2.2 .1. Elaboration d’un code de l’urbanisme : ......................................................... 17
1.1. Présentation de l’association : .................................................................................. 2 2.2.2. Ecole San Roque : ........................................................................................... 19
1.1.1.Objectifs :............................................................................................................. 2 2.2.3. Relevé altimétrique des ruines de Quilmes : ................................................ 20
1.1.2.Equipe : ............................................................................................................... 2 2.2.4. Colalao : ......................................................................................................... 20
1.1.3. Fonctionnement : ............................................................................................... 3 III. Réflexions critiques et évaluation du stage : ................................................................ 22
• Fonctionnement général de l’association : .............................................. 3 Annexes :............................................................................................................................. 24
• Organisation lors des différentes missions : .......................................... 3
1.1.4. Financement : .................................................................................................... 3
1.1.5. Moyens : ............................................................................................................. 4
1.1.6. Histoire de l’association :.................................................................................. 4
1.2. Un contexte : ............................................................................................................. 5
1.2.1. Contexte géographique : ................................................................................... 5
1.2.2. Contexte culturel : ............................................................................................ 6
1.3. Intérêts de la construction en terre crue :.............................................................. 7
1.4. Démarche effectuée pour trouver le stage : ........................................................... 7
II. Les diverses missions réalisées : .................................................................................... 8
2.1. Construction d’une structure d’accueil de l’association : ............................................. 9
2.1.1 Présentation de la structure d’accueil d’Amaicha del Valle : ................................. 9
2.1.2. Travaux réalisés : ............................................................................................ 10
• Préparation de la terre : ........................................................................ 10
• Mur en pisé :............................................................................................. 11
• Toiture : ................................................................................................... 13
a. Toiture en « leña » :.................................................................................. 13
b. Toiture en terre : ...................................................................................... 14
• Enduits de terre : .................................................................................... 15
• Mezzanine de l’atelier : ........................................................................... 16
• Terrassements et traitements de sol : .................................................. 16
• Travaux divers : ...................................................................................... 17

1
I. Une association, un contexte : De par ce travail avec les descendants du peuple Diaguita, l’association encourage également ses
acteurs étrangers à prendre conscience du contexte dans lequel ils interviennent, à prendre le
1.1. Présentation de l’association : temps de partager, d’ouvrir son esprit à une culture, un mode de fonctionnement parfois
L’association Terre Construite / Tierra Construida est une Association de Solidarité complexe. L’ignorer mènerait à des réponses, des actions inadaptées.
Internationale, régie par la loi du 1er juillet 1901 et le décret du 16 août 1901. Son siège est basé au
Les projets de l’association s’inscrivent donc à différentes échelles et leur concrétisation
4 rue Martel, à Paris.
s’effectuera selon plusieurs phases, plusieurs durées de développement.
1.1.1.Objectifs : Afin de répondre à ces différents objectifs, la première phase de travail entrepris par
L’association Terre Construite propose le développement de projets architecturaux, l‘association réside en la mise en place d’une structure d’accueil sur le territoire d’Amaicha del
principalement dans le Nord-Ouest argentin. Son objectif premier est d’établir une plateforme de Valle, qui permettrait aussi bien le développement d’ actions au sein de la Communauté, que la
coopération autour de l’usage de la terre comme matériau de construction, de valoriser les pratique de la construction et la mise à disposition d’un site permettant l’expérimentation,
techniques constructives locales, transmettre un savoir-faire ancestral, et assurer la pérénité d’ l’échange de techniques constructives relatives à la terre entre les étudiants en architecture et
un patrimoine constructif qui tendent à disparaître ; il s’agit de découvrir ou redécouvrir ce la population locale.
matériau afin d’en mesurer les qualités, et ce à travers la rencontre du peuple français, du
peuple argentin (et plus spécfiquement les étudiants en architecture) et du peuple Diaguita. 1.1.2.Equipe :
Afin d’appréhender ce matériau, l’association propose plusieurs plans d’approche : aussi bien L’association est dirigée par 5 membres :
une approche théorique (connaissances techniques, scientifiques), qu’une approche Un président : François Loze (Photographe-éditeur)
expérimentale, pratique, en passant par la connaissance du contexte dans lequel s’inscrit Une secrétaire : Cyrille Arvois (Architecte urbaniste)
l’utilisation du matériau, à savoir la culture, les usages, l’identité et les mémoires constructives Une trésorière : Clémence Durupt (Architecte)
des communautés indigènes du nord argentin. Deux vice-présidentes : Aurélie Lambert et Raphael Soto (Architectes)

Outre la diffusion du matériau terre, l’association exprime la volonté d‘offrir au étudiants en


Elle se compose aussi de membres d’honneur (personnes ayant rendu des services à
architecture une réelle expérience du chantier en leur proposant un champ d’expérimentation
l’association), de membres bienfaiteurs ( personnes apportant une aide financière par le biais
leur permettant de mettre en corrélation leur savoir théorique et la concrétisation matérielle
d’une cotisation de 100 euros chaque année) et de membres adhérents (personnes ayant
d’un projet, sa mise en œuvre, et ce par le biais d’un travail de construction en collaboration avec
participé à l’évolution des divers projets, et versant une cotisation de 1 euro chaque année).
des ouvriers locaux.

D’autre part, le travail de Terre Construite s’est aussi engagé avec la Communauté Indigène Les projets de l’association sont réalisés par différents volontaires qui se croisent, se succèdent,
d’Amaicha del Valle. Ainsi, D’autres objectifs consisteraient donc à effectuer le relevé des terres chacun intervenant sur des périodes plus ou moins longues selon ses intérêts et ses
communautaires, l’étude et la proposition d’un règlement urbain et l’assistance technique pour la disponibilités.
réalisation de divers projets communautaires. Aussi, lors de ma participation, l’effectif des intervenants sur le chantier a été variable (entre 2
et 8 personnes). J’ai eu l’occasion de travailler avec François Loze et Cyrille Arvois, les deux
membres fondateurs de Terre Construite, Olivia Lefèvre, jeune architecte venue dans le cadre

2
d’une mission confiée par Architectes sans Frontières. Angélique-Fatine Chavanel et Quentin • Organisation lors des différentes missions :
Devoyer, tous deux jeunes diplômés venus réalisés leur stage de « Formation Pratique», ainsi Outre le fonctionnement « administratif », il est important d’évoquer l’organisation des
que Juan Arjona et Sebastian Andres, deux ouvriers locaux dont la présence a été indispensable différents acteurs intervenant sur les projets : l’association propose une succession de projets
quant a la transmission des techniques constructives locales que nous étions venus découvrir. s’articulant selon différentes phases. Pour l’heure, les différents travaux proposés appartiennent
aussi bien au domaine de la construction, que de la projection urbaine, la mise en place
1.1.3. Fonctionnement : d’évènements liés à la Construction en Terre, ou en encore la planification de divers projets liés
à la Communauté Indigène d’Amaicha del Valle. Les personnes ayant pour ambition de concrétiser
• Fonctionnement général de l’association :
un projet personnel relatif à la construction en terre ou à la Communauté peuvent également en
L’association est dirigée par le bureau et par un conseil d’administration élu parmi les membres,
faire part aux membres qui en examinent la faisabilité et fournissent les matériaux nécessaires à
lors de l’assemblée générale. Ils sont rééligibles deux fois, et votent, à main levée, un bureau
sa réalisation, si le projet est validé. Ainsi, les volontaires intéressés viennent, selon leurs
composé d’un Président, deux vices-présidents, une secrétaire et un trésorier.
intérêts et leurs disponibilités, participer à une ou plusieurs phases d’un projet. Lors de leur
Le président représente l’association dans tous les actes de la vie civile. Il a notamment qualité
venue, ils sont accueillis au sein d’une structure d’accueil mise gratuitement à leur disposition.
pour représenter en justice l’association.
Durant leur séjour, les intervenants doivent s’adapter à un mode de vie en communauté, avec
Le secrétaire est chargé de tout ce qui concerne la correspondance et les archives. Il rédige
tous les avantages, mais aussi les contraintes qu’il représente.
toutes les écritures concernant le fonctionnement de l’association, exceptées celles qui
Lors de la phase 3 de la construction d’une des structures d’accueil de l’association (à laquelle
concernent la comptabilité.
j’ai participé), notre lieu de vie était également notre lieu de travail puisque nous terminions de
Le trésorier est chargé de tenir ou de faire tenir sous son contrôle la comptabilité de
construire la maison en même temps que nous y habitions. Notre confort au sein de la maison
l’association. Il effectue tous paiements et reçoit, sous la surveillance du président, toutes
dépendait de l’avancement du chantier, accroissant ainsi notre motivation. Le travail s’étalait sur
sommes dues à l’association.
toute la semaine à l’exception des dimanches, sur des horaires compris entre 9h et 13h, 14h et
Le conseil d’administration se réunit au moins une fois par an. Les décisions sont prises à la
18h. Nous retrouvions tous les matins Juan Arjona et Sebastian Andres, les deux ouvriers
majorité des voix, toutefois, le président dispose d’une voix prépondérante.
amaicheños qui nous assistaient dans l’évolution du chantier.
D’autre part, les membres du conseil d’administration sont bénévoles ; ils peuvent seulement se
Le samedi était consacré aux travaux communautaires.
faire rembourser leurs frais en présentant un justificatif.
L’association met l’accent sur l’investissement et l’autonomie de chacun : après une courte
L’assemblée générale comprend tous les membres à jour de leur cotisation, et se réunit chaque
période d’adaptation qui consiste à avoir une vision globale du chantier et de son contexte, il est
année dans le courant du mois de mai. Les décisions sont prises à la majorité des membres
attendu de chaque personne qu’elle s’approprie le projet, prenne des décisions, fasse des
présents ou représentés. Le président, assisté des membres du conseil, préside l’assemblée et
remarques critiques, propose des solutions, au même titre que tous les autres membres. Il ne
expose la situation morale de l’association. Le trésorier rend compte de sa gestion et soumet le
s’agit donc pas là d’un rapport d’élève à professeur, mais un rapport d’égal à égal où chacun doit
bilan à l’approbation de l’assemblée. C’est lors de cette réunion que les dirigeants de
savoir trouver la place qui lui convient.
l’association sont élus. Un procès verbal est ensuite établi et signé par le président et le
secrétaire.
1.1.4. Financement :
L’association dispose de moyens d’action et d’investigation tout à fait indépendants, et n’a pour
lors d’autres sources de financement que la cotisation de ses membres.

3
Pour l’instant, l’essentiel des dépenses a été financé par les membres fondateurs de peuvent se compléter, et leur partenariat peut représenter une jonction entre savoirs-faires et
l’association. Le montant de leur investissement pour les années 2008 et 2009 s’élève à 20 000 savoirs théoriques autour de l’utilisation du matériau.
euros (10 000 euros annuels), dont 200 euros issus des cotisations des membres pour l’année Enfin, un accord de coopération a été signé avec la Communauté Indigène d’Amaicha del Valle ;
2009. celui –ci offrant un terrain d’expérimentation ainsi que l’accès aux matériaux naturels
Ces sommes ont permis de financer la construction d’une des structures d’accueil de disponibles sur le territoire, et nécessaires à l’édification de certains projets.
l’association, à Amaicha del Valle, une partie de l’étude architecturale et urbaine du village en vue
de l’élaboration d’un code urbain, ainsi que la participation au Séminaire Ibero-Américain de 1.1.6. Histoire de l’association :
Construction de Terre (SIACOT).
L’association est née de la rencontre de François Loze, photographe, et de Cyrille Arvois,
A l’heure actuelle, le manque de subventions extérieures constitue un frein à l’essor des activités
architecte-urbanisme, qui se sont engagés dans différents projets de construction en terre dans
de l’association. Il est difficile aux seuls membres, et principalement à François Loze et Cyrille
le Nord-ouest argentin, notamment à Santa Catalina, Santa Ana, Yavi…Tous deux ont ensuite
Arvois de couvrir l’ensemble des dépenses nécessaires pour mener à bien les projets envisagés.
manifesté la volonté de partager leur expérience, de sensibiliser les personnes intéressées, et
Les demandes de fonds de soutient à d’autres partenaires (notamment le Conseil Régional d’Ile-
plus particulièrement les étudiants en architecture, à ce matériau, à l’apprentissage des savoirs-
de- France) restent vaines à ce jour.
faires locaux et ancestraux de cette partie du globe. Ce projet s’est concrétisé par la création
de l’association Terre Construite/Tierra Construida. Elle bénéficie, de ce fait, des édifices qu’ils
1.1.5. Moyens :
avaient précédemment construits et qui feront office d’autant de structures d’accueil permettant
Les moyens dont dispose l’association sont divers: elle a, à ce jour, quatre structures d’accueil de développer les projets à venir.
dans le Nord-ouest argentin, lesquelles permettent d’offrir un hébergement aux volontaires, et A celles-ci, s’ajoute celle d’Amaicha del Valle, dans la province de Tucuman, qui constitue la
un point d’ancrage pour développer les différentes actions entreprises. D’autre part, la première mission dans laquelle s’est engagée l’association.
construction même de ces maisons a représenté un travail d’expérimentation autour des Si les membres fondateurs de l’association travaillaient dans le domaine de la construction sur le
techniques constructives locales puisqu’elles ont été construites par les membres de territoire argentin depuis 2002, c’est en 2006 qu’ils décident, par le biais de l’association,
l’association, au gré de leur venue. Ces maisons disposent également de tout l’outillage et les d’engager un travail avec la communauté indigène d’Amaicha del Valle. Ainsi, au mois de
matériaux accumulés au cours des différents chantiers, ainsi que deux véhicules de chantier décembre de cette année, Mario Quinteros, le cacique, donne un premier accord de principe à la
autorisés à porter une tonne. L’association a aussi mis en place une base de données poursuite du développement du projet. En janvier 2007, une nouvelle rencontre a lieu avec les
photographiques répertoriant la diversité du patrimoine construit en terre du Nord argentin, membres du Conseil des Anciens, et le représentant en matière juridique de la Communauté,
ainsi que deux sites internet : http://terreconstruite.unblog.fr et Eduardo Nieva. C’est alors que sont arrêtées les dispositions légales pour l’officialisation du
http://terreconstruite.blogspot.com/ . projet. Ce dernier respecte les conditions formulées par la Constitution Politique élaborée par
Par ailleurs, elle bénéficie du soutient de deux instituts de recherches, le CRIATIC (Centre les descendants du peuple Diaguita. Parmi elles, celles prévues par l’article 17, 27 et le point 6 de
Régional d’Investigation sur l’Architecture de terre Crue) basé à l’école d’architecture de San l’article 57 :
Miguel de Tucuman, et CRATerre (Centre Régional d’architecture en Terre) de l’Ecole Nationale Article 17 : « Créer les moyens nécessaires pour le développement des connaissances de notre
d’Architecture de Grenoble). Tous deux se consacrent à l’étude de la terre, de ses techniques culture inculquée par les anciens, auprès des générations plus jeunes du village. »
constructives, et de son patrimoine. Ainsi, l’association et ces deux instituts de recherches

4
Article 27 : « Le non-communard qui aura acquis un terrain par vente ou donation devra Implanté dans la pré-cordillère des Andes, dans une région montagneuse, à 1997 mètres
s’abstenir de le vendre ou de le transférer à un non-communard sans accord prévu par la d’altitude, le village bénéficie d’un climat tempéré. La pluviométrie et le taux d’humidité y sont
commission chargée des terres. » très faible, et seul l’été (de décembre à mars) peut être pluvieux tandis que les reste de l’année
Article 57, point 6 : « Le cacique est autorité exécutive et représentant légal de la communauté. est plutôt sec. Par ailleurs, on estime à 360 le nombre de jours de soleil par an. Les conditions y
Ses Fonctions : il pourra concrétiser des traités ou conventions avec d’autres organismes sont donc favorables pour perpétuer des techniques de construction utilisant la terre crue.
gouvernementaux ou non, tant nationaux qu’internationaux, lesquels seront ratifiés par Toutefois, les risques sismiques y sont très importants. En effet, Amaicha del Valle se trouve à
l’assemblée générale ordinaire ou extraordinaire, et/ou par le conseil des anciens, selon le proximité du Chili, et donc proche d’une zone de subduction qui a d’ailleurs provoqué la formation
règlement antérieur. Ces traités ou conventions entreront en vigueur et auront force légale des Andes. Comme nous le savons, les zones de subduction sont les régions du globe les plus
seulement à partir de la ratification mentionnée ci-dessus. » exposées aux risques sismiques. Ainsi, en matière de construction, nous devons rester vigilants
Ainsi, l’accord signé entre les représentants de la Communauté et l’association Terre Construite et veiller à respecter certaines conditions permettant d’éviter les ravages résultants de ce type
, stipule que cette dernière aura à sa disposition un terrain qui permettra , dans un premier de catastrophes naturelles.
temps, l’édification d’une structure d’accueil , et un accès illimité aux matériaux naturels qui se Lors de la conception de projets architecturaux dans cette région, nous avons tenté de répondre
trouvent sur le territoire communautaire, en échange du respect de certaines conditions : le à diverses contraintes dont celle de se protéger de ces risques sismiques, d’un vent violent
chantier doit engager des amaicheños (habitants d’Amaicha del Valle) dans sa réalisation. Un venant du nord, ainsi que des précipitations arrivant par le sud. D’autre part, intervenant dans
échange des savoirs est aussi mis à l’honneur : si les ouvriers locaux transmettent leur savoir- l’hémisphère sud, nous devions modifier nos habitudes quant aux orientations d’ensoleillement :
faire, il leur sera également bénéfique de partager nos connaissances, ce qui pourrait contrairement à la France, c’était alors la façade nord qui était la plus ensoleillée.
représenter un atout supplémentaire dans l’exercice de leur profession. Aussi, il est demandé En ce qui concerne les matériaux, dans un pays qui tend à s’occidentaliser, on observe une
par la Communauté que leur soit délivré, au terme du chantier, un certificat validant l’acquisition prolifération de l’usage de matériaux industriels tels que les blocs de béton, les briques de terre
d’une certaine compétence. En outre, l’association devra mettre ses acquis au service de la cuite… Toutefois, les constructions en terre crue (adobe, pisé…) restent très présentes,
Communauté quant à l’élaboration d’un règlement urbain de la ville d’Amaicha del Valle, et à notamment dans les villages. Si la terre crue fait parti de la tradition constructive passée, elle
l’assistance technique dans la réalisation de divers projets entrepris sur le territoire. présente néanmoins de nombreux avantages répondant aux enjeux du futur, notamment en
termes de préoccupations environnementales.
1.2. Un contexte : La construction en Argentine détient aussi un héritage qui s’appuie sur la construction en
pierres, pierres sèches ou maçonnées, que nous avons pu observer dans plusieurs villages aux
1.2.1. Contexte géographique :
alentours d’Amaicha, et dont la mise en œuvre tend également à se perdre.
Amaicha del Valle est un village du Nord-ouest argentin situé dans la province de Tucuman, et De par la sécheresse du climat, on trouve également beaucoup de cactus. Le bois de cactus était
plus précisément dans les vallées Calchaquies. La commune regroupe plusieurs localités dont El autrefois fréquemment utilisé dans la construction pour la conception de menuiseries, de
Tio, Ampimpa, la Banda,la Fronterita, los Zazos et autres, totalisant ainsi prés de 5000 habitants. charpente, de mobilier… Toutefois, suite à des collectes excessives entrainant la disparition de
Los Zazos, où se situe la structure d’accueil de l’association, est un ensemble bâti s’organisant de nombreuses espèces, ils sont aujourd’hui protégés et n’apparaissent donc plus dans les
façon éparse le long d’une rivière, selon un principe de « village-rue ». L’ensemble du territoire nouvelles constructions.
est quadrillé de nombreux cours d’eau, canaux d’irrigations, barrages, construits autrefois par D’autre part, de par la sècheresse du climat, il ya très peu d’arbres et donc de bois. Son
les Diaguitas afin de créer des zones marécageuses nécessaires à leurs cultures, et encore exploitation reste donc limitée. Le peuplier et l’algarobo sont les plus utilisés, principalement
utilisées de nos jours. pour des éléments de structure et de menuiserie.

5
1.2.2. Contexte culturel : Un texte de 1716, la Cédula Réal , établi sous l’ordonnance du roi d’Espagne, reconnait l’existence
de la Communauté Indigène d’Amaicha del Valle, ainsi que les territoires qui lui appartiennent. Le
Amaicha del Valle constitue la plus importante Communauté Indigène d’Argentine. Sa population
changement constitutionnel de 1994 encourage les amaichas à revendiquer leur regroupement
est composée majoritairement des descendants Diaguitas. L’appellation « Diaguita » est
en communauté indigène, et la possession des terres qui y sont associées. En effet, la nouvelle
contemporaine des toutes premières expéditions espagnoles, dés le XVI ème siècle. Ce nom
Constitution argentine prône la diversité culturelle au sein de son Etat. Elle reconnait alors la
désignait des peuples indépendants occupant les montagnes andines et les hautes vallées du
préexistence de communautés indigènes possédant une culture et une histoire qui leur est
Nord-Ouest argentin. Eux-mêmes se dénommaient Piazocas. Ils avaient des traits culturels
propre, et remettent en question le fait qu’elles soient privées de vivre selon leur héritage
communs aux peuples des Andes centrales, et parlaient le kakan, aujourd’hui disparu.
culturel depuis 400 ans. Ainsi, une série de droits visant à faciliter leur intégration leur est
Parmi une diversité de peuples et de cultures immenses, les Diaguitas formaient le groupe
octroyée, dont le droit à la propriété communautaire des terres. Ainsi, en 1994,le Gouvernement
dominant de la région. Ils vivaient principalement de leur agriculture et de leur bétail qui leurs
Provincial de Tucuman reconnait à la Communauté Indigène d’Amaicha del Valle, le droit de
fournissaient de la viande et de la laine pour les habits. A partir de 850, ils développèrent une
régner en indivision sur 52 812 hectares. Ces terres lui sont restituées à travers un croquis
culture d’une grande richesse, particulièrement dans les vallées Calchaquies où ils excellaient
cadastral effectué en 2001. Or, la Communauté en revendique 132 000, au côté de la
dans le domaine de la céramique.
Communauté Indigène de Quilmes, au titre de la Cédula Réal. Les comuneros (membres de la
Ils adoraient le Soleil et la Pachamama, ou terre-mère, convaincus que cette dernière leur avait
communauté) sont donc en lutte permanente pour la reconnaissance de leurs terres, contre les
enseigné la culture et l’élevage ,et organisaient ainsi de nombreux rites saisonniers en son
grands propriétaires terriens, et cherchent à délimiter et représenter graphiquement le
honneur. Cette croyance et ces traditions se perpétuent encore de nos jours et influencent
périmètre précis de leur territoire, une mission qui a été confiée à l’association Terre
encore fortement les modes de vie et de pensée des nouvelles générations.
Construite.
Au XVI eme siècle, les Diaguitas étaient divisés en partialités dirigées par un chef politique et
Pour ce qui est des conditions d’appartenance à la Communauté, on est comunero par lien du
militaire, parmi lesquelles celles des kilmes, des amaichas, des olongastas, des calchaquis…
sang, mais également par alliance ou par adoption. Ceci a tendance à créer des tensions
autant de noms qui se retrouvent dans la toponymie des villes, des vallées ou autres lieux du
latentes : certains habitants vivant à Amaicha depuis leur plus jeune âge ne sont pas considérés
territoire argentin.
comme comuneros malgré leur intégration au sein du village, leur implication dans les divers
Dés le commencement de la conquête espagnole, les Diaguitas se regroupèrent en une grande
travaux communautaires, ce qui est ressenti comme un sentiment d’exclusion, d’injustice. La
armée qui résista pendant plus de 100 ans à l’avancée espagnole. C’est en 1665 que les
Communauté peut en effet apparaître très fermée, et son discours et ses conditions
conquistadors parvinrent à les vaincre et, afin d’éviter les rébellions, décidèrent de les déporter.
d’appartenance peuvent avoir des connotations xénophobes. Leurs propos, parfois exacerbés,
Certaines partialités n’ayant pas participé au conflit, dont les amaichas, furent toutefois traités
tendent à souligner une dichotomie entre les comuneros et les non comuneros, et de façon plus
avec plus d’indulgence et autorisés à rester sur leurs territoires ancestraux.
générale entre les Indigènes et les Blancs.
Aujourd’hui, ces derniers sont très arides, si ce n’est désertiques tandis qu’ils étaient jadis
D’autre part, la Communauté Indigène d’Amaicha del Valle est représentée par le Conseil des
fertiles et couverts de bois et de forêts. Cette désertification est la conséquence immédiate de
Anciens, élus par les comuneros, et le Cacique, élu par le Conseil. Ces derniers exercent sur le
l’invasion espagnole. En effet, les conquistadors abattirent et incendièrent les forêts afin
territoire et ses habitants, une autorité qu’ils partagent aves le représentant de la Commune
d’affamer les Diaguitas et ainsi mieux les vaincre. Une fois la guerre gagnée, ils introduisirent
Rurale. Commune et Communauté sont ainsi clairement distinguées et, même si les deux sont
des caprins et des ovins, et la pratique de la surpâture fit le reste. Ces paysages à la végétation
amenées à travailler ensemble sur certains projets, des rivalités persistent de par la divergence
luxuriante furent alors transformés en désert.
de leurs intérêts. De plus, toutes deux sont guidées par des règlementations différentes : la

6
Communauté suit la constitution politique dont elle s’est dotée en 2004, tandis que la Commune Malgré ces multiples avantages, beaucoup des personnes que nous avons rencontré en argentine
persiste à nier les droits accordés aux indigènes. la déprécient et considèrent la terre crue comme un matériau pauvre avec lequel ils ont honte
L’exemple le plus frappant auquel nous avons été confronté lors de certaines de nos actions, et de construire, préférant les matériaux dits « modernes ». Or, l’utilisation de ce matériau semble
être cohérente face aux enjeux actuels liés à la préservation de l’environnement naturel, à la
représentatif du conflit entre Commune et Communauté, est le problème lié à la propriété. En
diversité culturelle, à la lutte contre la pauvreté. Même si son utilisation subsiste encore dans
effet, selon la Constitution de la Communauté, qui s’appuie sur le texte de la Cédula Réal, le quelques régions argentines où l’on rencontre beaucoup de petites unités d’habitation en terre
territoire appartient à tous les comuneros, ils ont donc le droit d’occuper une partie du crue, principalement dans le Nord-ouest, ce patrimoine culturel se raréfie, dans un monde qui
territoire, mais non de se l’approprier. Or, la commune reconnait le droit à la propriété privée. tend à se mondialiser. Il devient donc indispensable de reconnaître la valeur culturelle de ce bâti
Ce type de divergences sont notamment à l’origine du problème de la définition des limites du vernaculaire, et même d’associer ce matériau séculaire à une architecture innovante.
territoire que nous avons évoqué précédemment. Ainsi, les grands propriétaires terriens, dont
font parti les générations descendant des colons, freinent la mise en application de la Cédula Le traité de la construction en terre recense différents principes dont l’adobe, le pisé, la bauge,
Réal en revendiquant la possession de terrains qui appartiennent en réalité à la Communauté le torchis, la terre-paille ou encore les blocs comprimés, autant de techniques permettant de
renouveler notre imagination et de développer l’innovation afin de produire de nouvelles
Indigène.
architectures.
1.3. Intérêts de la construction en terre crue :
1.4. Démarche effectuée pour trouver le stage :
Qu’elles soient modestes ou monumentales, les architectures en terre crue, présentes dans 190 Lors de ma participation à deux chantiers de jeunesse effectués au Maroc par le biais de
pays, constituent prés du tiers du bâti mondial. Souvent négligé, dévalorisé ou ignoré, ce l’association Jeunesse et Reconstruction (dont un dans le cadre du stage «chantier» proposé en
matériau présente pourtant de nombreux atouts susceptibles de répondre à nos attentes S4), j’ai eu l’occasion de découvrir le patrimoine architectural marocain et, dans un même temps,
actuelles et futures. Il s’agit en effet d’une ressource naturelle abondante, renouvelable à l’infini
l’usage important de la terre dans le domaine de la construction. Ces premières expériences
et peut coûteuse, la rendant ainsi accessible au plus grand nombre. Présente partout, on la
trouve à proximité ou sur le lieu même d’un chantier, réduisant ainsi l’émission de gaz à effet de consistaient à rénover des bâtiments patrimoniaux abritant pour l’un un orphelinat, et pour
serre liée à son transport. Elle ne nécessite pas non plus d’énergie grise lors de sa l’autre un centre de loisirs pour enfants, et cela en utilisant des techniques traditionnelles telles
transformation ou de sa mise en œuvre. Elle présente en outre une facilité de mise en œuvre, que des enduits de terre, des revêtements de façade à la chaux, des revêtements intérieurs à
plus ou moins rapide selon les techniques utilisées, qui permet son utilisation dans le cadre d’une base de pigments locaux… Aussi, si je n’ai pas réellement eu l’occasion de construire avec la
auto- construction comme il en est majoritairement le cas. La terre crue se révèle aussi être terre, j’ai pu néanmoins me familiariser avec ce matériau en le manipulant parfois, mais
intéressante de par les qualités thermiques qu’elle présente. De par sa forte inertie, elle régule principalement en observant l’architecture qui s’offrait à mes yeux, attisant ma curiosité et
la température , favorisant ainsi un certain confort. En effet, les parois accumulent de l’énergie
soulevant de nombreuses questions. En effet, la construction en terre, totalement occultée dans
calorifique la journée pour la restituer la nuit. Inversement en été où elles stockent la fraîcheur
de la nuit pour la diffuser le jour. Ceci s’avère être non négligeable dans les régions du nord- le cadre de nos études, constituait soudain l’essentiel du patrimoine bâti d’un pays, et
ouest argentin où les températures peuvent varier de 30 degrés entre le jour et la nuit. Un autre représente, en outre, 30% de l’habitat mondial. Il a donc représenté un intérêt important à mes
de ses atouts est la régulation hygrométrique qu’elle offre : les murs en terre captent ou yeux de par les nombreuses qualités qu’il semblait présenter, à savoir sa forte utilisation à
restituent l’humidité de l’air en fonction de l’humidité ambiante, empêchant ainsi des problèmes travers le monde, sa facilité de mise en œuvre, ses avantages économiques et écologiques , ses
de ventilation et de moisissure et limitant les besoins de ventilation. qualités thermiques, et structurelles.

7
D‘autre part, la confrontation à une autre culture, la culture orientale s’est révélée être tout création d’un bâtiment sous d’autres facettes, à travers différents corps de métiers, nous
autant enrichissante que le travail en lui-même. Découvrir de nouvelles façons de vivre, de amenant ainsi à mieux évaluer les contraintes de mise en œuvre des projets que nous pourrions
penser, d’utiliser l’espace, tenter de les déchiffrer, les comprendre, m’ont paru indispensables dessiner. D’autre part, les projets étant menés en Argentine, et principalement au sein de
dans l’appréhension de mon futur métier d’architecte. Communautés Indigènes, nous sommes amenés à nous immerger dans un contexte nouveau,
présentant des exigences, des usages jusqu’alors inconnus auxquels nous devons savoir nous
Ainsi, poursuivant dans ce même sens, j’ai souhaité répondre à certaines des interrogations adapter.
survenues lors de ces expériences au Maroc, en abordant la problématique du devenir des
médinas marocaines, à l’occasion du mémoire effectué en troisième année. Je m’étais alors Enfin, ce stage peut constituer pour moi une nouvelle étape dans le parcours professionnel que
interrogée sur la notion du patrimoine bâti, ses fondements et le devenir potentiel de cet j’envisage d’avoir puisque je souhaiterais compléter mes études par un Diplôme de Spécialisation
héritage culturel qui tend à disparaître et se «folkloriser». et d’Approfondissement (DSA) en architecture de terre, au sein de l’institut CRATerre basé à
l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble.
Par ailleurs, mon intérêt pour les matériaux de construction dits « alternatifs » m’a également
poussé à faire une étude sur la construction en paille au cours de ma cinquième année d’étude. II. Les diverses missions réalisées :
La paille comme la terre imposent une démarche éco-responsable , une conscience
environnementale que chaque architecte doit être en mesure d’avoir. Lors de ma venue au sein de l’association, il était principalement question d’effectuer le travail
préalable à l’élaboration d’un code urbain, celui-ci faisant parti d’une commande formulée par les
Aussi, le stage de « Formation pratique» proposé dans le cycle master était pour moi une représentants respectifs de la Communauté Indigène et la Commune d’Amaicha del Valle. Celui-ci
nouvelle opportunité d’assouvir un peu plus ma curiosité pour des cultures différentes de la consistait à effectuer un relevé territorial et une étude urbaine qui permettraient ensuite de
culture française, et de la culture occidentale en général, ainsi que les pour les savoirs-faire qui proposer 20 principes d’urbanisme. Il s’agissait, dans un premier temps, d’arpenter le territoire
leurs sont propres, principalement en matière d‘architecture. Par ailleurs, attirée par une et de le retranscrire sous forme de relevé photographique, ainsi que de délimiter une partie de
carrière au sein d’organismes humanitaires, et sachant que les constructions en terre sont très son périmètre à l’aide d’un GPS et avec l’appui des anciens, celui-ci n’étant pas clairement défini
répandues à travers le monde, je souhaitais connaître d’avantage le matériau terre si les offres à ce jour pour les raisons évoquées précédemment.
me le permettaient. Or, contrairement à ce qui avait été planifié, le chantier de la structure d’accueil n’étant pas
terminé, et le manque d’organisation de la Commune et de la Communauté ne nous permettant
C’est par le fruit du hasard, suite à de nombreuses recherches sur internet, que j’ai découvert pas d’effectuer correctement la mission qui nous était confiée, nous avons été conduit à ré-
l’existence de l’association Terre Construite. Les actions qu’elle proposait correspondaient à mes adapter nos prévisions. Ainsi, l’essentiel du travail produit lors de ma participation, résidait
attentes, mes centres d’intérêts, ma volonté d’aborder l’architecture d’une façon différente de majoritairement en la finalisation de la construction de la maison de l’association.
celle qui nous est transmise lors de nos études. En effet, outre le fait de mettre à l’honneur un
matériau avec lequel nous ne sommes pas habitués à concevoir, elle propose de confronter les
connaissances théoriques des étudiants à la réalité de la pratique du chantier, en privilégiant un
travail de collaboration avec des ouvriers locaux. De ce fait, elle nous permet, en temps
qu’étudiants en architecture, d’être en contact direct avec le matériau, afin de mieux jauger ses
qualités, ses différents aspects, le comprendre et l’ « apprivoiser», ainsi que d’aborder la

8
2.1. Construction d’une structure d’accueil de l’association :
2.1.1 Présentation de la structure d’accueil d’Amaicha del Valle :
Comme dit pécédemment, l’association a décidé de mettre en place une structure d’accueil (fig.1
et 2) destinée à accueillir les différents volontaires désireux de se familiariser ou de
perfectionner leurs connaissances autour de la construction en terre, tout en constituant un
terrain d’expérimentation, notamment de par sa mise en œuvre par les volontaires eux-mêmes.

La maison se situe dans le quartier de los Zazos, à 9 km du centre d’Amaicha del Valle, et en
surplmb de la rivière Zurita. Celle-ci a une capacité d’accueil d’une douzaine de personne environ
et abrite un espace de vie commune composé d’un salon /salle-à manger /cuisine , trois
chambres, une salle de bain, un atelier situé à l’extérieur de l’espace clos, ainsi que des toilettes
sèches situées également à l’extérieur de la maison, le tout réparti sur une surface de 100 m²
environ. La superfie est accrue par la présence de nombreuses mezzanines pouvant accueillir
des couchages ou faire office de lieux de stockage. Le plan s’organise selon une imbrication de 3
carrés suivants une diagonale.
La conception de cette maison a été l’occasion d’expérimenter, voire de repousser les limites du
matériaux, et de le présenter sous une écriture architecturale plus contemporaine et plus
audacieuse que celle que l’on a l’habitude de rencontrer dans l’ensemble de la région. Outre le
fait de représenter un lieu d’expérimentation dédié aux étudiants en architecture, l’objectif était
aussi de montrer aux populations locales l’alliance possible entre tradition et contemporanéité
,et entre, fonctionnalité et confort, esthétisme.
Ceci s’illustre notamment par la décision de doter la maison de grands percements munis de
panneaux coulissants permettant ainsi une ouverture sur le paysage, une continuité entre
intérieur et extérieur, ce qui , pour des questions thermiques et structurelles, reste peu
fréquent dans la construction en terre. Un mur en pisé de 4 mètres sur 40 centimètres de
largeur a aussi été construit , tandis que cette technique constructive est peu utilisée dans la
région. Un autre des défis a été de disposer la charpente selon la diagonale du plan, sollicitant
ainsi beaucoup les angles des murs qui représentent des points faibles structurels. D’autre part,
différentes techniques locales ont été expérimentés pour la conception de la toiture afin d’avoir
un aperçu de différentes mises en œuvres, de leurs avantages et leurs inconvénients.
Figures 1 et 2 : Vues de la structure d’accueil à Amaicha del Valle

9
Le chantier de la maison a débuté il y a deux ans, et son déroulement avait été organisé selon 3
phases. Lors de mon stage, j’ai eu l’occasion de participer à la dernière phase qui consistait en
la construction de l’atelier ainsi que la mise en place d’une partie de la charpente et de la
couverture, auxquels se sont ajoutés des travaux en tout genre. Les différentes tâches que j’ai
été amenée à effectuer m’ont permis d’aborder des utilisations variées de la terre, ainsi que les
différents aspects d’un chantier , du gros œuvre au petit bricolage, en passant par la
planification et l’organisation d’un travail en équipe.

2.1.2. Travaux réalisés :


• Préparation de la terre :
Afin de réaliser les différents travaux nécessitant l’usage de la terre, il était indispensable, au
préalable, de préparer ce matériau.
La terre que nous utilisions provenait de la represa, un barrage situé à 100 mètres de
l’association. Celle-ci a été récupérée lors des différents nettoyages du barrage. Elle est très
riche en argile, cette dernière ayant été charriée par l’eau ruisselant des montagnes. L’argile a
la propriété d’absorder l’humidité, toutefois, une forte teneur en argille confère à la terre une
plasticité incompatile avec son rôle structurel. De plus, sa retractation est plus importante
lorsque l’environnement. est sec. A l’inverse, une terre trop sablonneuse est plus fragile à
l’érosion et ne favorise pas la cohésion de tous les composants, toutefois, elle n’emmagasine pas
l’humidité , elle permet de limiter les phénomènes de rétractation et peut bien résister aux
forces compressives.. Aussi, selon les techniques à utiliser, les œuvres à réaliser, il s’agit de
trouver les bonnes proportions de chaque composant intégré dans le mélange afin d’obtenir les
propriétés recherchées. La chaux, souvent incorporée dans les mélanges, permet également de
conserver la terre plus sèche et plus stable. Par ailleurs, certaines fibres telles que la paille, la
sciure de bois, apportent souplesse et résistance.
C’est directement sur le chantier que sont réalisés les boues. On forme des puits de terre à
l’intérieur desquels on met les différents composants que l’on mélange ensuite, tout en y
ajoutant de l’eau (fig.3, 4, 5 ) .Le tout est travaillé avec des pelles et pioches, ainsi qu’en le
piétinant. Il est préférable d’effectuer cette opération quelques jours à l’avance afin de travailler
plusieurs fois la terre, l’homogénéiser.

Figures 3-4-5 .Préparation de la boue

10
• Mur en pisé :
L’ensemble de la maison a été construite en adobes, briques de terre crue , de 37 x 17x 10
centimètres. Elles sont élaborées à l’aide d’un moule en bois dont l’intérieur est cerclé de fer, et
dans lequel on incorpore un mélange de terre, d’eau et de paille (fig.6). Le moule est ensuite
retiré et les briques sont mises à sécher au soleil durant plusieurs heures ou plusieurs jours,
puis tournées sur leur tranche pour terminer le séchage. Lors de ce dernier, la teneur en eau
diminue et laisse ainsi place à des micro-bulles d’air conférant ainsi au matériau de meilleures
propriétés thermiques. Le séchage terminé, les briques sont prêtes à être maçonnées. Une boue
constituée de terre, de chaux et d’eau fait office de liant. Avant l’application du liant, chaque face
d’adobe servant de support à l’adobe suivante devra être humidifiée de manière à assurer une
meilleure adhérence. L’adobe est un matériau ancestral, un des premiers matériaux de
construction ; il est souvent utilisé dans la construction des maisons du nord-ouest argentin.

Le mur renfermant la partie «atelier» de la maison a été réalisé en pisé (fig .7). Cette technique
Figure 6. Préparation des adobes a été choisie afin de pouvoir poursuivre le chantier en hiver. En effet, sous un climat froid, les
adobes risqueraient de geler et se fissurer lors du séchage, tandis que le pisé présente
l’avantage de travailler avec un mélange sec. Il s’agit d’une technique de construction très
ancienne qui consiste à utiliser un mélange constitué de terre, de sable, de chaux que l’on
n’humidifie que très légèrement avant de le mettre en œuvre dans des banches, ou coffrages.

Le mur de l’atelier a une longueur de 6 mètres, pour une hauteur de 4 mètres et une largeur de
40 centimètres. Le coffrage utilisé sur le chantier avait la longueur et la largeur du mur, auquel
s’ajoutait l’épaisseur du bois le constituant, de 3 centimètres environ, pour une hauteur de 50
centimètres.
Avant mon arrivée, un mur de soubassement en ciment ferraillé recouvert de pierres locales
avait été mis en place afin de protéger le pisé de l’humidité des sols. Celui-ci servait également
de chaînage bas. Une partie du mur, à hauteur de 2, 50 mètres avait également été dressée. J’ai
donc pu participer au reste de l’édification.

Figure 7. Vue du mur en pisé (mur d’adobes en arrière plan)

11
Ainsi, nous remplissions le coffrage du mélange préparé au préalable, avant de tasser ce dernier
à l’aide de pilons (fig .9°). Il était versé et tassé par couches de 15 centimètres environ. De par
son humidification préalable, il conserve une meilleure cohésion lors de son compactage. Les
pilons, en bois, avaient des tailles différentes : plus fins s’ils étaient destinés à tasser les bords
du coffrage, et plus gros pour le reste. Les angles et bordures du mur réclamaient en effet une
attention particulière du fait qu’ils sont plus sujets à l’érosion et au contact en général. Une fois
l’ensemble du coffrage rempli et tassé (fig .10), nous pouvions le retirer et le remonter sur la
couche de pisé alors formée, pour en faire une nouvelle (fig .12). Tous les deux coffrages, nous
Figure 9. Tassement du mélange à l’aide de pilons coulions une couche de ciment d’environ 5 centimètres d’épaisseur pour prévenir d’éventuels
risques sismiques. En effet, ces risques sont très présents dans la région et, contrairement à un
mur en adobes, le pisé y résiste mal de par sa nature compacte et sèche. Les fissures pourraient
en effet se diffuser sur toute la hauteur du mur, entrainant ainsi son délabrement. Ces strates de
ciment ont donc été disposées, à titre expérimental, dans le but d’éviter à d’éventuelles fissures
de se propager, dans le cas de séismes répétés. D’autre part, ce mur étant désolidarisé du reste
de la maison, il serait le seul endommagé dans le cas de dégâts potentiels. Si cette décision va à
l’encontre d’une volonté de ne construire qu’avec des matériaux naturels, elle est restée la seule
Figure 8. Vue du mur de pisé depuis l’intérieur de l’atelier Figure 10. Coffrage rempli du mélange tassé alternative envisageable en vue des moyens dont nous disposions.
Le mur est aussi percé d’une fenêtre dont le contour est en ciment. La réalisation de cette
fenêtre a fait l’objet de débats houleux. Les avis étaient partagés entre la volonté de mettre un
linteau en bois ou de couler un cadre en béton. Pour soulager les efforts appliqués sur le mur et
mieux répartir les charges, c’est l’idée du cadre en béton qui a été retenue.
La mise en place de ce mur s’est étalée sur deux mois, sollicitant le travail de 5 personnes
environ. Une fois achevé, nous l’avons recouvert de 4 couches d’agua de penca afin de
l’imperméabiliser. Cette dernière est faite à base de penca, un cactus que l’on découpe en
Figure 12. Soulèvement du coffrage pour procéder au morceaux puis que l’on laisse macérer plusieurs jours dans de l’eau avant d’en récupérer le jus.
remplissage de la couche supèrieure
Celui-ci aurait des propriétés imperméabilisantes dont nous nous sommes servies pour protéger
le mur en pisé. De plus, afin d’ajouter une protection supplémentaire contre la pluie et les
infiltrations, nous avons disposé et maçonné des pierres de laja, pierres locales plates, sur le
haut du mur, tout en les laissant déborder de part et d’autre (Fig.13). Enfin, pour les mêmes
raisons, ajoutées à des motivations d’ordre esthétiques, nous avons placé des têtes de banche
en bois sur les arrêtes du mur, et maintenues par des tiges filetées dans les mêmes trous que
ceux laissés par le coffrage, Ces mêmes tiges filetées débordant du mur, servent de support à
des étagères. Sur le même principe, nous avons fixé d’autres étagères sur le reste du mur, en
Figure 11. Vue du mur de pisé depuis l’extérieur de Figure 13. Pierres de laja couvrant le mur
l’atelier
12
veillant à disposer, de l’autre côté du mur, un tasseau de bois entre le mur lui-même et l’écrou
bloquant la tige filetée, ce afin d’éviter une altération du mur liée au poids des étagères et de leur
contenu.

• Toiture :
La maison présente une toiture composée de trois techniques distinctes, un choix fait afin
d’expérimenter diverses variétés de mise en œuvre que l’on peut rencontrer dans la région.
Figure 14. Vue de la charpente (encastrement dans Ainsi, une partie de la toiture, couvrant les chambres et une partie du séjour, est constituée
le mur d’adobes) d’une charpente en bois recouverte d’un platelage en bois servant de revêtement intérieur, et
sur lequel vient reposer une chape thermique formée de Tétrapacks comprimés et thermo-
coulés. Une seconde partie, couvrant le séjour, la cuisine et la salle de bain, est constituée d’une
toiture traditionnelle en terre, tandis qu’une troisième partie, celle couvrant l’atelier, est faite de
leña (bois à brulé), une autre technique traditionnelle. Lors de mon expérience sur le chantier,
j’ai eu l’occasion de participer à la mise en œuvre des deux dernières techniques.

a. Toiture en « leña » :
Figure 15. Vue de la charpente (encastrement dans Figure 16. Détails de fixation des poutres Il a été décidé que l’atelier serait un lieu largement ouvert, utilisé principalement durant les
le mur en pisé)
saisons chaudes. Ainsi, dans un premier temps, la toiture ne sera pas imperméable, elle servira
principalement à apporter de l’ombre à l’ensemble. Toutefois, la perspective de la couvrir
totalement à l’avenir reste envisagée.

La charpente en bois repose tantôt sur les murs en adobes et en pisé (fig.14,15) délimitant
l’atelier, tantôt sur des poutres refermant les espaces ouverts de celui-ci. Un des aspects les
plus intéressants de cette opération a été l’encastrement des poutres dans le mur en pisé. Qu’il
s’agisse de la construction en adobes ou en pisé, il est facile de retravailler ce matériau après sa
mise en œuvre (ajouts ou retrait de matière…). Ainsi, c’est avec une certaine aisance que nous
avons creusé, principalement à l’aide de marteaux, burins, tiges en acier et truelles, des
réservations dans lesquelles venaient se glisser les poutres. Nous avons procédé de la même
manière pour la mise en place de la poutre faitière, toutefois celle-ci reposait sur une planche en
bois que nous avions également encastrée, ce afin de reprendre les efforts s’exerçant sur le mur
et répartir les charges. Pour assurer une finition soignée, nous remettions de la matière autour
des poutres, et ce avec le même mélange que celui composant le mur. Il était utile d’humidifier le
support afin de conserver une bonne adhérence.
Figure 17. Vue de la couverture en leña depuis Figure 18. Pose de la leña
l’intérieur de l’atelier

13
En ce qui concerne la couverture, notre choix s’était porté sur la leña, bois à brûler, sec, que
nous sommes allés récolter dans des campagnes environnantes. Afin de la fixer, nous avions , au
préalable, disposé du fil de fer le long des poutres. Ainsi, nous disposions les bois de poutres à
poutres, couvrant ainsi 60 centimètres (les bois plus longs couvraient deux poutres), puis nous
les tressions entre eux, en même temps que sur le fil de fer (fig.18). Les branches de bois,
irrégulières, donnaient un aspect très organique à la toiture, tout en diffusant d’agréables jeux
de lumières (fig.17).

b. Toiture en terre :
Une toiture en terre traditionnelle couvrait les pièces à vivre communes. Lors de mon arrivée, la
charpente, ainsi qu’un chaînage en bois avaient déjà été posés (fig.19, 20), nous devions donc
Figure 19. Vue de la charpente Figure 20 Vue du chaînage en bois poursuivre en ajoutant la couverture. Ce travail a représenté l’essentiel du travail effectué lors
de ma mission. Nous avons donc fixé de la caña (tiges de bambous) sur les poutres (fig.21, 22).
Les tiges étaient tressées au sol, assemblées à l’aide de fil de fer, jusqu’à l’obtention de grandes
nappes de caña prêtes à être posées. Nous les fixions donc à la charpente avec des clous et du
fil de fer. Pour les petites surfaces restantes, les tiges étaient directement tressées sur le toit. A
la fin de l’opération, elles ont été redécoupées de façon à épouser parfaitement la forme du toit,
Celles-ci, en plus de jouer un rôle structurel, étaient aussi très esthétiques vues de l’intérieur.
Ensuite le principe consistait à superposer des couches de roseaux (cortadera), et des couches
de boue, l’ensemble ayant pour fonction d’étancher le toit tout en présentant des qualités
thermiques.
Les roseaux sont récoltés prés de la rivière, en contrebas de la maison (fig.23). Ils permettent
Figure 21. Pose de la caña Figure 22. Caña vue de Figure 23. Récolte de la cortadera une bonne adhérence de la boue, renforce l’ensemble et le structure. La boue, préparée de la
l’intérieur de la maison
même façon que celles décrites précédemment, est un mélange de terre, d’eau et de paille. Les
roseaux, après avoir été coupés, fagotés et transportés jusqu’au chantier et jusqu’au toit, étaient
posés, en une couche épaisse sur la caña, en suivant le sens de l’écoulement des eaux (fig.24). On
recouvrait ensuite le tout d’une couche de boue que l’on appliquait à l’aide de truelles ou de
taloches (fig.25, 26). Après séchage, l’opération a été renouvelée une deuxième fois. La toiture
alors achevée, nous avons coupé les roseaux débordant.
Cette opération était effectuée par groupe de quatre personnes. Une personne remplissait une
brouette de cette boue, la transportait jusqu’au pied de la toiture et en remplissait des sceaux.
Un second, sur une échelle, montait la boue jusqu’au toit, tandis que les deux derniers
l’appliquaient.
Figure 24. Pose de la cortadera Figure 25. Application de la boue
sur la cortadera
14
Toute une chaîne était mise en place, imposant ainsi un rythme, une certaine organisation et
coordination.
Toutefois, quelques jours après avoir terminé la toiture, celle-ci a laissé apparaître de
nombreuses craquelures. En effet, la terre, trop argileuse, manquait de sable. Nous avons alors
essayé diverses techniques, dont l’ajout d’une troisième couche de boue à laquelle du sable avait
été ajoutée, avant de tenter de combler les fissures en y saupoudrant du sable et en le faisant
pénétrer à l’aide d’un balai, puis en humidifiant le tout. Ceci semble avoir fonctionné, seules les
violentes pluies attendues pour l’été nous le confirmerons.
Cependant,, les toitures en terre sont relativement fragiles, et rapidement altérées par l’érosion,
aussi, elles réclament un entretien régulier, et nécessitent d’être renouvelée environ tous les six
Figure 26.Superposition des couches de boue et de Figure 27.Toiture vue de l’intérieur ans.
cortadera Pour des raisons esthétiques, mais aussi pour obtenir une meilleure isolation thermique, nous
avons également recouvert de boue une partie de la chape en Tétrapacks. Toutefois, manquant de
paille et n’ayant à nouveau pas mis assez de sable, nous avons constaté les mêmes dégâts que
précédemment, que nous avons tenté de réparer de la même façon.

Il existe, en outre, une partie de la couverture recouvrant la terrasse, et uniquement faite de


caña que nous avons tressé directement sur place et que nous avons enduit d’une protection
anti-UV. Celle-ci fait office d’ombrière.

• Enduits de terre :
Afin de privilégier une meilleure longévité aux murs d’adobes, nous les avons enduits
(fig.28,29,30). Outre l’aspect esthétique, ils protègent les murs de l’érosion, augmentent leur
perméabilité, diminuent la pénétration d’insectes ainsi que la poussière issue des adobes.

L’enduit est appliqué à l’aide de truelles et de taloches. Il est préparé à partir de terre, de sable
et d’eau, auxquels on peut ajouter, selon nos goûts, des pigments colorés. La difficulté réside une
nouvelle fois dans le fait de bien doser chaque composant. En effet, un mélange plus riche en
sable est plus laborieux à appliquer mais réduit l’apparition de fissures, tandis qu’un mélange
plus argileux est plus facile à étaler mais les risques de rétractation de la matière sont accrus,
Figure 28-29-30. Pose de l’enduit
et donc les risques de fissures. Il est jeté sur les murs humidifiés au préalable, puis lissé. Il est

15
préférable d’enduire un même mur en une seule fois, et en utilisant le même mélange afin
d’éviter d’inesthétiques raccords.
Nous avons enduit plusieurs murs de la maison, à l’intérieur comme à l’extérieur, tout en tenant à
laisser leur aspect brut à d’autres afin de mettre en évidence la technique constructive. Il a été
intéressant d’expérimenter les différents mélanges et d’en observer les résultats avant de
trouver le plus approprié, tout comme il était agréable de voir nos gestes se préciser au fil des
applications.

• Mezzanine de l’atelier :
L’atelier abrite une mezzanine ayant pour fonctions de permettre le stockage de matériel, ou
d’accueillir des couchages supplémentaires pour les beaux jours.
Les poutres de cette mezzanine ont été encastrées dans le pisé et dans les adobes, de la même
façon que celles de la charpente. Cependant, dans le soucis de répartir uniformément les
charges, elles reposent sur les lits de ciment composant le mur.
Une fois la structure posée, nous nous sommes attelés à son recouvrement par un platelage en
Figure 31-32-33. Pose de la mezzanine bois que nous avons ensuite traité contre les parasites. Une trémie a été libérée de façon a ne
pas entraver la croissance d’un arbre traversant le plancher, et permettre, par la même
occasion, le passage d’une échelle permettant l’accès jusqu’au niveau.
Cette opération n’a présenté aucune difficulté particulière. Cependant, reste le problème de
l’évacuation des eaux qui n’a pas été traité, ce qui risque de gonfler le bois en eaux et de le faire
moisir.

• Terrassements et traitements de sol :


L’ensemble des sols de la maison est matérialisé par une dalle de béton brut, à l’intérieur duquel
ont été coulées quelques lignes discrètes de galets.

Pour ce qui est du sol de l’atelier, nous avons décidé de le couvrir entièrement de galets trouvés
aux alentours de la maison (fig.34-35). Ainsi, nous avons préparé le sol naturel en l’aplanissant,
tout en formant une légère pente permettant l’écoulement des eaux. D’autre part, il était prévu
que les panneaux de l’espace à vivre coulissent jusque dans l’atelier. Aussi, nous avons conçu une
rigole faisant à la fois office de rail et de canal d’évacuation des eaux de par sa pente. Celle-ci a
été faite à partir de grosses pierres que nous avons maçonnées. Ce fut l’occasion pour nous
Figure 34-35.Vue des sols de l’atelier
d’avoir une approche de la mise en œuvre des pierres, (apprendre à reconnaitre leur face,

16
savoir les disposer…), Une fois le sol préparé, nous avons réparti des galets de façon homogène 2.2. Les travaux communautaires :
sur l’ensemble de la surface. A l’aide d’un pilon, nous aplanissions le tout, tout en encastrant
Comme expliqué dans la première partie, l’Association, en échange du droit d’occuper un terrain,
légèrement les galets dans la terre. Ensuite, nous saupoudrions le tout de terre, en veillant à
doit répondre à deux demandes formulées par les représentants de la Communauté Indigène
faire la pénétrer, à laide d’un balai, dans les joints. Puis nous humidifions l’ensemble afin de le
d’Amaicha del Valle : l’assistance technique pour la réalisation de divers projets
tasser et de favoriser une bonne cohésion entre la terre et les galets. Après séchage, nous
communautaires, ainsi que l’esquisse d’un règlement urbain pour la ville. Atteindre une partie de
avons passé un nouveau coup de balai pour retirer le surplus de terre et mieux laisser
ces objectifs a aussi représenté une part importante du travail accompli lors de mon séjour.
apparaitre les galets. La terre qui continuera à s’y déposer ainsi que les nombreux pas qui
Parallèlement, suite à de nouvelles propositions, nous nous sommes également engagés dans
fouleront le sol, achèveront l’œuvre.
d’autres travaux communautaires, auxquels nous n’avions pas prévu de participer au départ, tel
Evoquant la technique de parement des voies romaines, le sol a un aspect poétique et esthétique que le relevé altimétrique du site des ruines de Quilmes, la conception de plans pour des familles
incontestable. Cependant, il reste très difficile d’entretient, d’autant plus dans un lieu comme un vivant à Colalao et appartenant à la Communauté de Quilmes, ainsi qu’une aide ponctuelle sur le
atelier ou des détritus ou autres dépôts jonchent constamment le sol. chantier de l’école San Roque à Amaicha.

Par ailleurs, nous avons aussi terrassé le sol d’une terrasse, créant ainsi une pente 2.2 .1. Elaboration d’un code de l’urbanisme :
indispensable à l’écoulement des eaux. La Communauté a demandé à l’Association d’esquisser un code urbain selon 20 principes. Le
travail visait, en premier lieu, la constitution de fonds de plans à différentes échelles, qui
• Travaux divers :
permettraient dans un second temps la planification d’un code urbain adapté.
Outre les grosses opérations présentées précédemment, j’ai été amenée à réaliser divers
Les procédés envisagés étaient les suivants : il s’agissait, dans un premier temps de circonscrire
petits travaux. En effet, la maison en chantier étant en même temps notre lieu de vie, nous
le territoire (délimiter son périmètre en le arpentant ou le parcourant à cheval, consulter les
tentions constamment d’améliorer notre confort au quotidien en ajoutant des éléments qui, selon
registres cadastraux de Rentas à Tucuman, examiner le texte de la Cédula Real conservé à la
nous, manquaient. Ainsi, nous faisions beaucoup de travaux de rangement et d’aménagement
Bibliothèque Populaire d’Amaicha del Valle, mettre en regard les 52 000 hectares accordés et
intérieur, tel que la conception de mobilier (étagères, banquettes, lit, plan de travail de la cuisine
les 132 000 revendiqués, étudier le processus historique des Amaichas sur leurs terres,
et de l’atelier, construction d’un poulailler), de la décoration (positionnement du mobilier,
comparer la frontière historique Calchaqui et la limite symbolique, se faire raconter le territoire
accrochage de luminaires…),et diverses taches liées à l’entretien d’une maison (plomberie,
par les comuneros). Dans un second temps, nous devions parcourir les radiales depuis les places
rénovation de certains meubles, trous des toilettes sèches, traitement des linteaux, peinture,
centrales En effet, plusieurs noyaux urbains se sont formés le long des principaux axes de
vernissage…).
communication et plus anciennement au fil de l’eau. Il serait donc pertinent de voir précisément
Tout au long du séjour, nous avons essayé de personnaliser la maison, la rendre chaleureuse, leur implantation, les unes par rapport aux autres, et d’essayer de lier ces différentes
accueillante, l’adapter à nos envies et nos besoins, nous permettant ainsi d’avoir un aperçu du conurbations entre elles, donner une cohésion, une unité à l’ensemble. Enfin, dans un troisième
travail qu’implique la réalisation d’une maison, à différentes échelles. temps, il s’agissait d’avoir accès aux cartes recensant le territoire afin de les utiliser, et
d’effectuer en même temps un relevé photographique qui serait reporté sur le repérage
cartographique (3 plans existants numérisés sont détenus par la Communauté : un plan
sommaire du centre sur 5 cuadras, un relevé au GPS de la coopérative d’eau des Zazos, et un
plan d’électricité sur Ampimpa). Un reportage plus sensible devait aussi être fait. Réunissant

17
films, photos, dessins, récits, il pourrait être présenté lors d’une exposition à Amaicha del Valle, départ, seule une poignée de participants étaient présents, le nombre de chevaux était
afin d’organiser une nouvelle consultation des comuneros concernant leur territoire. insuffisant, et le tracteur prévu pour transporter des vivres et des personnes âgées jusqu’à la
moitié du chemin a eu un soucis technique en nous rejoignant au point de rendez-vous. Cette
Toutefois, divers éléments ont entravé la démarche que nous avions préconisée. Les chevaux qui expédition a donc avorté avant même de commencer, et nous n’avons pas eu le temps d’en
devaient nous servir à parcourir le territoire n’ont pas pu être mis à notre disposition, ce qui a planifier une nouvelle.
rendu impossible le relevé photographique sur l’ensemble du territoire ainsi que la délimitation Lors de cette expérience, j’ai été surprise et déçue par le manque d’implication et de sérieux des
du périmètre réel revendiqué par la Communauté. A ceci s’est ajoutée la difficulté d’obtenir les comuneros. Les membres de l’Association et moi-même étions très motivés à l’idée de participer
différentes cartes existantes, ainsi que celle de récolter des témoignages des anciens qui à cette expédition, de les soutenir dans la quête de leur territoire. Aussi, notre désillusion a été
auraient facilité notre compréhension du territoire. Par ailleurs, nous étions trop peu nombreux grande en constatant le désengagement du plus grand nombre, tandis que la volonté de défendre
à l’association pour réaliser l’intégralité des objectifs que nous nous étions fixé dans le court leurs convictions, leur culture, leurs droits semblait, auparavant, être inconditionnelle.
laps de temps qui nous était imparti, et l’urgence du diagnostic voulait que dés cette année nous Cyrille Arvois a poursuivi le travail d’urbanisme en dessinant des fonds de carte indispensable à
soyons en mesure de présenter une première série de préconisations, du moins à l’échelle la compréhension du territoire et à la planification d’un développement urbain. Face aux
urbaine. Aussi, face à l’ensemble de ces conditions défavorables, nous avons été conduits à difficultés rencontrées pour rassembler les différentes cartes existantes, il a choisi d’engager
modifier notre manière de procéder, brûlant ainsi certaines étapes qui paraissaient pourtant un travail préalable qui, bien que manquant de précision, permettait néanmoins de cerner les
indispensables. principaux enjeux du territoire. D’après un assemblage de photos satellites issues de Google
Earth, il a retracé, avec le logiciel Autocad, le parcellaire, les différentes voies de communication
Pour rappel, moins de la moitié des terres revendiquées par la Communauté Indigène d’Amaicha
et les cours d’eau. Ce travail lui a permis de créer différentes cartes distinguant chacun de ces
del Valle leur furent restituées à travers un croquis cadastral, en 2001. Ainsi, les comuneros
éléments, de délimiter et nommer les différentes conurbations urbaines, et ainsi d’apprécier,
poursuivent leur lutte contre les grands propriétaires terriens afin de récupérer l’intégralité du
analyser le territoire dans sa globalité.
territoire qui lui appartient. Terre Construite s’est engagée à participer au processus en
Cette étude a mis en évidence un caractère notable de village-rue malgré la marque coloniale
établissant une carte précise de ce territoire, avec l’aide des Anciens, et en s’appuyant sur le
orthogonale du tissu dans le centre d’Amaicha. Le bâti s’est développé le long des deux
texte de la Cédula Real.
principales voies de communication et des cours d’eau. Les noyaux urbains sont implantés de
Le territoire revendiqué est délimité par une vingtaine de lieux décrits dans ce texte de 1716.
manière très éparse et manquent de centralité, d’espaces publics . El tio et Ampimpa par
Certains de ces lieux se trouvant sur des crêtes ou sommets de montagnes sont difficilement
exemple, totalement désolidarisés du reste, se situent à 8 kilomètres environ d’Amaicha et de
accessibles. Plusieurs jours sont nécessaires pour les atteindre à cheval.
Los Zazos. Les regroupements urbains sont discontinus, manquent de cohésion d’unité. Ils
Lors de ma présence à Amaicha, le Cacique et le Conseil des Anciens ont tenté d’organiser une
apparaissent éclatés, divisant ainsi le territoire, et altérant le sentiment d’une appartenance
expédition, dans le but de commencer à relever certains de ces points. Equipés d’un tracteur,
commune. La discontinuité de ce dernier est inadaptée à l’échelle piétonne. D’autre part, la
,de chevaux, d’un GPS, et accompagnés du Cacique, des anciens du village et de tous ceux
présence de la rivière constitue aussi un obstacle au caractère homogène du territoire. En effet,
désireux de connaître leur territoire, nous devions partir durant trois jours à la recherche de
celle-ci n’est pour lors franchissable qu’en un unique point. Le projet d’un nouveau pont est
deux ou trois de ces points. Quelques réunions avaient eu lieu en vue d’organiser cette
cependant en train de se concrétiser. Toutefois, les voies de communications entre les Zazos et
expédition : recenser les chevaux disponibles, se faire prêter un tracteur, répertorier les
les localités qui lui font face restent trop peu nombreuses. Une trame de réseaux secondaires
participants, trouver des abris où dormir, et autres questions matérielles telles que le transport
manque à la connexion des deux principales voies. Le déplacement entre les deux reste en effet
des vivres, des couchages… Malgré tout, l’organisation est restée trop sommaire, et le jours du

18
peu aisé. En outre, le sentiment d’isolement est accrue à los Zazos puisque la piste le long de La plupart des idées apparaissant dans ce règlement urbain me semblent pertinentes et
laquelle s’est implanté le bâti, et longue de 9 kilomètres, se termine en impasse. indispensables à l’amélioration du confort des habitants. Toutefois, d’autres me paraissent
inappropriés au contexte, ou secondaires. Je pense notamment aux principes d’alignement par
Le plan de développement urbain que nous avons proposé consistait donc réunir les différentes rapport à la rue en zone rurale. Il est proposé qu’un mur soit construit devant chaque maison,
entités bâties en encourageant les futurs habitant à s’implanter dans les interstices actuels, soulignant ainsi un alignement par rapport à la rue, un cadrage une perspective propre à la
entre les deux routes principales. Ceci se matérialise principalement par la création d’un réseau caractérisation des villes. Or, los Zazos, par exemple, reste une zone rurale, parsemées de
viaire secondaire qui facilitera et fluidifiera les déplacements à travers le territoire. De plus, maisons individuelles possédant de grands terrains souvent cultivés. Aussi, l’alignement aurait
l’implantation bâtie sera favorisée, le long de ces nouveaux axes dans un premier temps, puis se pu être marqué par un aménagement paysager, comme des haies végétales, des alignements
diffusera au fil du temps, entrainant une autre ramification des réseaux. Notre projet inclut aussi d’arbres, un mobilier urbain rythmé. De plus, il me semblerait aussi pertinent, d’envisager en
la multiplication des franchissements de la rivière. priorité la densification de ces espaces.
Les objectifs proposés sont très ambitieux. Ils seront trés, longs à atteindre, et pourraient Une analyse plus précise du territoire manquait à notre démarche. Les propositions soumises
s’échelonner sur une trentaine d’années, voir plus. Toutefois, ceux-ci impliquent une forte manquaient de rigueur, et parfois, d’une certaine adéquation avec le contexte.
croissance de la population. Or, cette croissance n’est possible que si le représentant de la
Commune et de la Communauté trouvent un accord quant à l’accession aux terres par des non- 2.2.2. Ecole San Roque :
comuneros.
Si notre parti pris a été de réunifier les différentes conurbations par du bâti, d’autres types
d’interventions, plus discrètes, sensibles et plus rapides à réaliser étaient aussi possibles. En
effet, nous aurions pu développer l’identité propre de chaque centralité, et tenter de trouver une
unité en rendant leurs spécificités et leurs activités complémentaires, ainsi que par un
traitement urbain identique (mobilier, végétation…), et la création de nouvelles voies réservées
aux modes de circulation doux.
En même temps que l’élaboration du projet de développement urbain, Cyrille Arvois travaillait
sur les 20 principes du code urbain qui nous avaient été demandés. Ceux-ci faisaient l’objet d’une
réflexion commune où nous confrontions nos idées, donnant lieu à de nombreux débats houleux. Figure 36 . Creusement des fondations de l’atelier
Ainsi, ce code urbain, qui sera densifié par la suite, suggère de respecter quelques principes
basiques concernant le territoire. Suite à une réunion communautaire, le président de l’association de l’école située dans le
Il vise à préserver l’environnement (utilisation de matériaux naturels pour la construction, quartier San Roque, à Amaicha, a sollicité l’aide de Terre Construite quant à la projection de
protection de la faune et la flore, recyclage des eaux…), aménager et sécuriser les lieux publics l’extension de l’école. Celle-ci accueille 14 enfants handicapés désireux d’apprendre les métiers
(création de places, d’espaces végétalisés, éclairages, hiérarchisation des modes de du tissage. Cette activité nécessite beaucoup d’espace : un cadre de tissage occupe 2 m². Or, le
circulation…), préserver le patrimoine bâti (classification, sécurité, entretient…), règlementer la local actuel (un chalet en bois) offre une surface de 45m² pour abriter une classe, un bureau,
construction (densité, hauteurs, implantation…) et conserver les activités traditionnelles comme une pièce de stockage et une cuisine. En tenant compte de ces paramètres, l’Association a
vecteur de développement économique. proposé l’ajout de deux locaux supplémentaires disposés en L, l’un abritant l’atelier et l’autre un

19
réfectoire équipé d’une véritable cuisine, tout en veillant, de par leur disposition sur le terrain, à modélisation 3D . Celle-ci servira de support de travail aux archéologues étudiant le site, et sera
générer une petite cour ombragée et abritée des vents dominants. représentée sur une plaquette touristique proposant plusieurs itinéraires de visite.
Le projet avait déjà été esquissé et approuvé à mon arrivée, toutefois, j’ai eu la chance de voir Les murs de ce site, découverts suite à des fouilles archéologiques, ont subi une restauration il y
naître le chantier et de participer, quelquefois, au creusement des fondations (fig.36). Ce travail a une vingtaine d’années. Or le système hydraulique de la ville, pourtant très ingénieux, n’a pas
faisant parti des travaux communautaires, il est ouvert, tous les samedis, aux habitants été reconstitué. L’eau ruisselle donc le long des montagnes et sur les ruines à chaque pluie
volontaires souhaitant apporter leur aide. Ainsi, il nous est arrivé, certaines semaines, de leur successive, entrainant ainsi le délabrement de la cité. La modélisation pourrait, entre autre, être
apporter la nôtre et de constater, à notre grande déception, que peu d’habitants s’investissaient utilisée par les archéologues pour proposer un plan de gestion solutionnant ce problème.
dans l’avancement de ce chantier. Même si les fins de semaines restent des moments privilégiés Le relevé touchait à son terme lors de mon arrivée au sein de l’Association, je n’y ai donc
pour se reposer, se retrouver en famille, je reconnais mon incompréhension face au manque participé qu’une seule après-midi. Les membres de Terre Construite présents à cette période se
d’implication des parents concernés qui ne manifestent pas plus d’entrain à offrir à leurs enfants sont rendus sur le site durant cinq jeudis consécutifs. Guidés par Mathias Condori, gérant des
un cadre scolaire décent. Toutefois, projets communautaires se multipliant et se cumulant, ruines, et équipés d’un GPS , nous pouvions arpenter le site en relevant la position de différents
l’engouement de chacun a tendance à s’estomper au fil du temps, tant il est difficile de les mener points, selon une trame quadrillée définie au préalable. Tous ces points ont ensuite été
tous de front, retranscrits en plan sur Autocad, et leurs données altimétriques nous ont ensuite permis de
modéliser la forme à l’aide de l’outils 3D.
Ce travail s’est révélé être intéressant de par son aspect méthodologique. Il nous a permis
2.2.3. Relevé altimétrique des ruines de Quilmes : d’aborder la démarche à adopter pour effectuer le relevé d’un site aussi vaste, et aussi
accidenté. Il nous a également initié à l’utilisation d’autocad 3D, outils que je n’ai pas l’habitude
d’exploiter. Par ailleurs, il a été très agréable de découvrir ce magnifique endroit et d’en
apprendre toujours plus sur la culture, l’histoire locale que Mathias Condori prenait plaisir à
nous faire partager.
Toutefois, le résultat, bien que relativement satisfaisant, manquait de précision car le GPS
relevait les points avec une approximation de cinq mètres.

Figure 37. Vue de la Cité Sacrée de Quilmes


2.2.4. Colalao :
Quilmes, situé à une vingtaine de kilomètres d’Amaicha, abrite les ruines d’un bastion fortifié de
l’époque inca, dans lequel ont vécu prés de 3000 personnes (fig.37). La ville, de structure
labyrinthique, fut édifiée en étages sur les flancs d’une montagne. Symbole de la résistance
indigène durant la conquête espagnole, elle est trés chère aux habitants de la région.
C’est après une réunion communautaire concernant la mesure du territoire, que la Communauté
de Quilmes a demandé à Terre Construite d’assurer le relevé altimètrique des ruines de la Cité
Sacrée qu’elle gère. Il s’agissait de relever l’altimétrie du terrain, puis d’en produire une

Figure 38. Premières constructions sur le terrain de Colalao.


20
Lors de mon séjour, nous avons été contactés par Eduardo Nieva, Cacique d’Amaicha, qui nous (protection contre le vent du nord et les précipitations du sud), et le respect des traditions et
pressait de participer à une « inter-communautaire » ayant lieu à Colalao, petite ville voisine. des usages locaux (architectures d’adobes, toitures de terre, circulations extérieures, galeries,
Cette réunion, regroupant les habitants et caciques des communautés environnantes, avait pour patios…). Conscients du budget restreint des familles, du manque de temps, et de main d’œuvre
objet de solutionner la situation inconfortable dans aquelle se trouvaient 40 familles appartenant qualifiée, nous avons également pris soin d’imaginer des architectures simples à construire.
à la Communauté de Quilmes. Celles-ci, dépourvues de logement, s’étaient implantées sur un Nous prenions rendez-vous avec les futurs habitants tous les samedis matin. Malheureusement,
terrain, à l’entrée de la ville de Colalao. Or, ce terrain appartient à un grand propriétaire terrien. beaucoup ayant des obligations personnelles, peu de personnes étaient généralement présentes.
Cela pose à nouveau le problème de l’application du droit à la propriété communautaire des Chaque famille choisissait la typologie qui lui correspondait, selon son mode de vie, le nombre
terres, face aux grands propriétaires refusant de céder les leurs. Pourtant, ces terrains, d’enfants, l’orientation du terrain. Il s’agissait ensuite, de personnaliser les différents logements,
souvent laissés vacants, seraient utiles aux comuneros pour vivre, développer leur agriculture, les adapter parfaitement à leurs besoins, leurs goûts, l’implantation sur le terrain…Toutefois, il
leur artisanat, dans le respect des traditions et des croyances liées à la Pachamama (terre était très difficile de capter l’attention des gens, engager un véritable dialogue nous permettant
mère). de cerner précisément leurs attentes. Il me semble que pour la plupart d’entre eux, la maison est
La volonté de ces familles de s’installer sur ce terrain, était motivée par le besoin urgent de se avant tout un abri, reflétant si possible la tradition constructive locale, et sur les façades duquel
loger, mais visait également à relancer ce débat. Cependant, quelques jours à peine après le ils se plaisent, dans certains cas, à ajouter quelques signes ostentatoires. Ils semblent ne pas
début du chantier, les familles se sont faites délogées par la police, et les premiers murs être conscients qu’il est possible de concevoir un espace de vie « sur mesure », totalement
construits ont été détruits. conforme à leurs usages et à leurs exigences formelles, et ce avec peu de moyens.
Aussi, lors de la réunion, tous s’interrogeaient sur la manière de faire respecter leurs droits. Il a Les personnes les plus motivées, et certainement celles avec qui l’échange a été le plus
été décidé, dans un premier temps, d’occuper le terrain de manière pacifiste et de reprendre les intéressant, sont celles qui avaient déjà construit une unité d’habitation dont ils n’étaient pas
travaux. satisfaits et pour laquelle il était difficile d’envisager une éventuelle extension. C’est avec plaisir
Face au désarroi de ces familles, à leur manque de moyens et à l’urgence de leur situation, Terre que nous réfléchissions à une solution et que nous leurs proposions nos conseils. D’autres, au
Construite a souhaité leur apporter son soutient. Dans un premier temps, nous pensions les contraire, n’avaient pas commencé les travaux, mais avaient une idée précise de ce qu’ils
aider dans la construction même de leur maison. Mais notre première venue sur le chantier nous souhaitaient, auxquels cas nous pouvions dessiner un projet correspondant à leurs désirs.
a permis de constater que chacun construisait selon ses intuitions immédiates, sans suivre de Ce travail constitue la mission la plus engagée à laquelle nous avons été amenés à participer,
plan, ni même en ayant une idée préalable de la forme finale de la maison. Ainsi, les fondations, mais aussi la plus délicate. Les habitants, introvertis, étaient difficiles à aborder. D’autre part,
généralement de forme rectangulaires, étaient creusées selon des dimensions approximatives, leur enthousiasme était amoindri par l’inquiétude de se faire déloger une nouvelle fois et de voir
et ce n’est qu’après, au fil de la construction, que chacun décidait du positionnement des leur maison détruite. Notre intention, bien que généreuse, paraissait parfois inadaptée au
percements, de la fonction des pièces… Nous avons donc pensé qu’il leur serait plus bénéfique contexte : nous leur faisions miroiter d’agréables maisons tandis qu’eux étaient encore
que nous les aidions dans la conception des plans et façades de leur logement. Notre démarche a préoccupés par ces problèmes d’expropriation, d’autres problèmes d’approvisionnement en
été de concevoir une série de typologies évolutives. En effet, l’objectif de ces familles est de eau…Notre offre était peut-être prématurée et aurait suscité plus d’intérêts une fois ces soucis
s’héberger le plus rapidement possible, aussi toutes construisent de très petites unités disparus. Ceci cumulé au fait que nous disposions de trop peu de temps pour suivre l’évolution de
d’habitations, constituées d’un volume simple (carré ou rectangle) abritant une ou deux pièces la situation, rencontrer toutes les personnes, et assurer un suivi convenable.
(fig.38). L’enjeu était donc de leur proposer un premier volume, de taille modeste, qu’ils D’autre part, je reste peu convaincue par cette méthode qui a consisté à ne faire qu’un petit
pourraient ensuite développer de façon cohérente, selon leurs besoins et leurs moyens. Outre panel limité de typologies, et ce sans avoir consulté les gens au préalable, sans connaître leurs
cet aspect évolutif, nous avons aussi veillé à prendre à compte les contraintes climatiques attentes. Ceci évoquait plus la démarche d’un promoteur que celle d’un urbaniste, et engendrait

21
le risque de se retrouver avec plusieurs maisons quasi identiques, voire identiques dans certains Cette expérience a aussi été l’occasion de mettre en pratique l’enseignement que nous avons
cas, puisque nous avons du interrompre la mission avant même d’avoir eu le temps de consulter reçu au cours de nos études, tout en nous permettant de le considérer avec plus de recul, nous
toutes les personnes, et donc de personnaliser tous les plans. Toutefois, le manque de temps conduisant à en mesurer les bénéfices, mais aussi les lacunes. Parmi ces dernières, l’expérience
imposait que nous fassions des choix efficaces, aussi discutables soient-ils. de chantier que nous avons tenté de combler en effectuant ce stage. Il a été en effet très
L’aspect inachevé, et peut-être maladroit de cette expérience reste décevant et frustrant. formateur d’accéder à cet autre aspect de l’architecture qu’est celui de la construction. Cela
Toutefois, ce fut une expérience très enrichissante, tant sur le plan technique que sur le plan nous a aidé à mieux évaluer les différentes difficultés que l’on peut rencontrer lors de la mise en
humain. Nous avons rencontré de charmantes personnes qui, par leur motivation sans bornes, œuvre, mieux prendre conscience du temps et des efforts que nécessite la concrétisation de nos
nous ont donné de belles leçons de vie. Le fait d’avoir un interlocuteur, de savoir à qui se destine projections, l’organisation que cela requière. La diversité des travaux à réaliser, de la petite
l’architecture que l’on dessine est aussi une des facettes de mon futur métier d’architecte que réparation, au gros œuvre, en passant par la conception de mobilier, n’a fait qu’accroître notre
j’apprécie beaucoup. Il était agréable d’entrevoir le côté plus humain, plus social de cette polyvalence. Il était très intéressant d’apprendre à manipuler divers outils, à choisir les
pratique, se conforter dans l’idée que l’architecture ne se limite pas à des projets de grande matériaux, acquérir une multitude de réflexes, de gestes qui ne cessent de s’affiner au fil du
envergure, mais qu’elle trouve son véritable sens lorsqu’elle se met au service de personnes temps. Cet exercice nous permettra, en tant qu’architecte, d’effectuer des suivis de chantier de
modestes désireuse de vivre dignement, dans un cadre de vie acceptable. façon plus efficace, plus cohérente, en ayant une vision bilatérale des choses.
Par ailleurs, la contrainte de ne construire qu’avec peu de moyens nous encourageait à recycler
III. Réflexions critiques et évaluation du stage : les matériaux, à renouveler notre ingéniosité et notre inventivité. L’association nous a proposé
un mode de vie simple, modeste, qui nous a permis de prendre de la distance face à la richesse,
Ces trois mois et demi passés en Argentine, dont la majeure partie au sein de l’association, l’abondance de notre monde occidental, et de prendre ainsi conscience de nos réels besoins,
furent une expérience exceptionnellement enrichissante, tant sur le plan professionnel que nous amenant à redécouvrir des choses simples, à apprécier le goût de l’effort, du mérite.
personnel. La perte de mes repères spatiaux et culturels ont attisé une insatiable soif de En ce qui concerne l’usage de la terre, cette expérience m’a conforté dans l’idée positive que j’en
découverte, une curiosité permanente. A la découverte de la culture argentine, et, plus avais. La terre est un matériau très agréable, et facilement accessible. Très intuitif et malléable,
spécifiquement, du fonctionnement de la Communauté Indigène d’Amaicha, une multitude de on peut aisément rectifier nos erreurs, rajouter de la matière, en enlever ; rien n’est
questions se bousculaient dans ma tête. Chaque rencontre, chaque discussion comblait un irréversible. Ainsi on peut sans crainte travailler de manière empirique, multiplier les
manque pour en ouvrir un nouveau. Chaque réponse engendrait une multitude d’autres questions. expériences et tirer des leçons de nos observations. Au fil des mois, j’ai su prendre des
Aussi, même si le fait de rester ancrée plusieurs mois dans un même lieu a favorisé mon responsabilités, dissipant petit à petit mes appréhensions et mes doutes grâce au travail
immersion dans cette nouvelle culture, la durée du séjour n’en reste pas moins trop courte. Ce d’équipe, à l’entraide, l’échange de savoirs. Nous avons pu approfondir notre découverte du
labs de temps permet à peine d’avoir une vision globale du contexte, mais pas de se l’approprier matériau et de ses applications par la visite du CRIATIC (Centre régional d’Investigation sur
véritablement. Le sentiment de frustration en résultant sera donc un prétexte à renouveler l’Architecture de Terre Crue). En effet, Sandrine, étudiante à Craterre et ayant effectué une
l’aventure. partie de son stage au sein de l’association, nous a fait pénétrer dans les laboratoires du centre
Tant au sein de la population argentine, que parmi les membres de l’association, j’ai eu l’occasion de Tucuman afin de nous expliquer ses recherches. Ainsi, nous avons vu différents échantillons,
de partager des moments de vie, plus ou moins longs, avec des personnes très diverses, donnant contenant des mélanges différents, des terres de provenances différentes. Ces tests, révélant
lieu a des échanges aussi constructifs qu’agréables. J’ai été particulièrement sensible à la diverses propriétés du matériau, visent à découvrir le mélange le plus adéquat pour constituer
patience et à la générosité de François Loze et Cyrille Arvois qui nous ont transmis avec passion des adobes dans la région.
leur savoir, leur savoir-faire, leurs conseils.

22
A l’issu de ce stage, je reste convaincue de l’intérêt de ce matériau, et de sa capacité à répondre bénéfices de chacun.
à toutes les attentes contemporaines en matière de construction. Toutefois, le perte du savoir- J’ai aussi pris conscience de la difficulté d’agir dans un contexte qui ne nous est pas familier.
faire que requiert sa mise en œuvre constitue un obstacle à son essor. Malgré nos convictions, nos bonnes intentions, nous prenons toujours le risque d’intervenir de
La découverte du fonctionnement d’une structure associative s’est aussi révélée être très façon inadéquate. Ce fut le cas à Colalao où l’engagement, bien plus que professionnel, était
pertinente. Travailler au sein d’une association implique un engagement, un investissement surtout humain. Au-delà de nos services d’architectes, nous souhaitions apporter à ces familles
personnel important et inclus chaque membre dans la prise de décision. Les choix doivent se un véritable soutien moral, participer activement à l’amélioration de leur condition. Or, il a été
faire tantôt communément, tantôt de façon autonome quand il le faut. Chaque membre est acteur difficile de savoir l’attitude à adopter. La démarche que nous avons choisi n’était, à notre regret,
et non spectateur. Toutefois, Cyrille Arvois et François Loze étant les principaux financeurs de la certainement pas la bonne. Il est décevant de s’apercevoir que malgré toute notre volonté, notre
construction de la maison, il était souvent délicat de prendre des engagements importants sans aide s’est révélée être dérisoire car nous n’avons pas su cerner la globalité de leur situation,
les consulter. leur état d’esprit, leurs inquiétudes.
Au cours de ce séjour, j’ai pu mesurer le rôle important que joue l’association pour la population Toutefois, d’un point de vue uniquement architectural, il était plus aisé et très amusant
d’Amaicha. En effet, la Commune et la Communauté lui confie des projets de grande envergure et d’apprendre à s’adapter à un nouveau contexte culturel. En effet, le mode de vie engendrent un
compte véritablement sur son soutient pour se développer. La demande d’un code urbain ainsi usage de l’espace différent de celui que nous connaissons. Les argentins vivent beaucoup à
que d’un projet de développement urbain, en passant par la planification d’équipements publics l’extérieur, et aiment préserver leur intimité par exemple. Ce qui se traduit, sur les plans, par
divers, témoignent de la confiance qu’elles lui accordent. Par ailleurs, de nombreux particuliers d’importants espaces extérieurs, dont des circulations extérieures, des patios…le four est aussi
viennent régulièrement voir l’avancement du chantier de la maison, et demander conseil pour la généralement à l’extérieur. Notre conception doit également prendre en compte un nouveau
construction de la leur. L’association est devenue un réel outils, tant pour les étudiants en contexte climatique, dans l’hémisphère sud de surcroît.
architectures de tout horizon, que pour les amaicheños. Toutefois, ce stage m’a fait prendre
conscience qu’une organisation a besoin de temps pour se définir et devenir cohérente dans
toutes ses actions. En effet, Terre Construite avait planifié ses premiers champs d’intervention
mais reste confuse pour ce qui est de ses futurs projets. Pour lors, l’absence de subventions, et
donc de financements, limitent aussi ses actions. Par ailleurs, l’Association va au-delà de sa Cette expérience en Argentine, tant au sein de l’association que lors de déplacements personnels
volonté initiale qui était de partager des connaissances autour du matériau terre, en s’engageant dans le reste de l’Argentine, ont été très riches en enseignements. Perdre mes repères, prendre
dans des projets communautaires. Cela revêt à l’association une dimension politique qui vient des distances par rapport à mon environnement et m’ouvrir à un autre ont forgé mon caractère,
s’ajouter à l’engagement architectural, et qui n’est peut être pas encore bien maîtrisé. Il est précisé mes envies, mes intérêts. Parmi d’autres expériences, celle-ci relativement dense, ma
difficile de fixer les limites du soutient que l’on doit apporter à la Communauté. Mêmes si leurs aidé à préciser mes pensées, à construire ma vie de façon plus cohérente, tant d’un point de vue
revendications sont compréhensibles et louables, les soutenir de façon presque inconditionnelle, personnel qu’en ce qui concerne la perception de mon futur métier d’architecte. Sur le plan
ne serait-il pas en quelque sorte, les accompagner vers un isolement, un repli sur eux-mêmes . professionnel, elle m’a permis d’entrevoir de nouvelles facettes, de nouvelles manières
Toutefois, j’ai pu observé, au cours de mon séjour, que certaines actions de Terre Construite d’aborder cette discipline, privilégiant l’aspect relationnel, humain voire « social ».Une
avaient aussi permis de rétablir un dialogue entre Commune et Communauté. C’est le cas, par architecture sans prétention, au service des Hommes, mêmes les plus modestes, et où l’on
exemple, du projet de développement urbain. Si Amaicha veut connaître un essor, il faut que des n’intervient pas seulement en tant qu’architecte, mais en tant que personne, engagée, désireuse
terres puissent être mises à disposition des nouveaux habitants, c'est-à-dire ouvrir le territoire de contribuer à l’amélioration de situations qui lui tiennent à cœur.
aux non-comuneros. Le cacique et le maire doivent ainsi trouver un accord conciliant les

23
Annexes :

24

You might also like