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Marcel Proust
CONTRIBUTEURS : Bertrand Marchal TEXTES INÉDITS DE
MARCEL PROUST :
Proust
Nathalie Mauriac Dyer
Céleste Albaret Laure Murat
Julie André Mireille Naturel Cahier 2 : À la recherche du jardin
Pierre Assouline Eugène Nicole perdu
Carole Auroy Harold Nicolson Cahier 34 : [L’église de Balbec]
Henri Bardac Jean-Pierre Ollivier Cahier 46 : Quand je la soupçonne
Sophie Basch Jean-Marc Quaranta sur des riens [Albertine à Balbec]
Jérôme Bastianelli Nicolas Ragonneau Cahier 64 : Les rues
Sébastien Baudoin Jacques Réda Cahier 74 : [Soirées chez la
Fred Bérence Pierre-Louis Rey princesse de Guermantes]
Pierre Bergounioux Marie Riefstahl-Nordlinger
Julien Bogousslavsky Pierre-Edmond Robert
Illan de Casa Fuerte LETTRES INÉDITES À :
Tadeu Rocha
Jacqueline Cerquiglini-Toulet Édouard Roditi
Antoine Compagnon Louis d’Albufera
Maurice Rostand
Céline Cottin Émile Berr
Professeur Gustave Roussy
Michel Crépu Reynaldo Hahn
Violet Schiff
Simone Delesalle-Rowlson Michel Schneider
Michel Erman Isabelle Serça
Luc Fraisse Perrine Simon-Nahum
Nathalie Freidel Laurent Tatu
Rubén Gallo Valentine Thomson
Francine Goujon Yves Uro
Léon Guillot de Saix Akyo Wada
Denis Grozdanovitch Olivier Wickers
Reynaldo Hahn Pyra Wise
Stephen Hudson Kazuyoshi Yoshikawa
Yasué Kato
Dr Robert Le Masle
Cécile Leblanc
Marcel L’Herbier
Gérard Macé
Couverture : © ArtDigitalStudio / Sotheby’s
L’Herne
33 € – www.lherne.com
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L’Herne
Cahiers :
13 Cahier 2 : À la recherche du jardin perdu – Présentation par Bertrand Marchal
18 Yasué Kato
Elstir et les cathédrales – introduction au Cahier 34
21 Cahier 34 : [L’église de Balbec]
24 Cahier 46 : Quand je la soupçonne sur des riens [Albertine à Balbec] – Présentation et annota-
tions par Julie André
29 Cahier 64 : Les rues – Présentation et transcription par Akyo Wada
32 Cahier 74 : [Soirées chez la princesse de Guermantes] – Présentation par
Simone Delesalle-Rowlson et Francine Goujon
Lettres à :
36 Louis d’Albufera – Présentation par Jérôme Bastianelli
42 Émile Berr
43 Reynaldo Hahn
II – Documents
V – Postérités
Les fleurs qu’on dépose sur une tombe, parce Bernard de Fallois et la publication de nouvelles
que « les morts, les pauvres morts, ont de grandes non recueillies dans Les Plaisirs et les Jours, la quête
douleurs », l’ambroisie versée aux dieux comme de l’inédit peut être une fuite devant le vrai travail,
boisson d’immortalité, les pommes d’or que Freia, qu’est l’étude de l’œuvre avouée, publiée, révisée.
déesse de la jeunesse, apporte aux dieux de L’Or du Mais nous sommes curieux des traces laissées par
Rhin, ces symboles évoquent la nécessité d’un culte l’œuvre en gestation, des pages rejetées, des lettres
des morts et d’un culte des dieux. Voilà peut-être où nous entendons la voix même de l’auteur, sans
la raison profonde de la succession des colloques, l’enveloppe de la littérature, de ce qui n’a pas encore
des volumes d’hommage, de cahiers comme celui- été commenté et que nous sommes les premiers à
ci. Il s’agit moins d’accroître nos connaissances que lire. Lorsque Proust explique à Reynaldo Hahn sa
de maintenir une œuvre en vie et de lui garantir la conception de la mélodie, lorsqu’il révèle à Louis
jeunesse et une forme d’immortalité. C’est bien celle d’Albufera (modèle de Robert de Saint-Loup) que ses
qu’évoque Proust à propos de la mort de Bergotte. parents sont présents en lui à chaque minute de son
Il s’agit aussi d’une descente aux enfers, ce thème existence, c’est une révélation. Mais aussi la genèse
venu de l’Odyssée et de l’Énéide qui se trouve au cœur de d’une page, ou la disparition d’un nom : lorsque peu
l’œuvre de Proust. Lorsque nous allons à la rencontre à peu s’efface l’audition d’une mélodie de Reynaldo
des écrivains que nous aimons, à condition de descendre Hahn prévue dans des épreuves d’imprimerie, on
à une certaine profondeur, leurs œuvres et parfois leur est touché que Proust ait pensé à rendre hommage
personne s’accrochent à nous comme des fantômes et à son grand ami, et surpris qu’il y ait renoncé. Il y
nous demandent de leur redonner la vie. a trois grands absents de la Recherche (qui n’en ont
Après tout, si l’on en croit le récit de la mort pas parlé eux-mêmes, comme s’ils avaient trouvé cela
de Bergotte dans La Prisonnière, le respect des obli- normal) : Robert Proust (prévu dans Contre Sainte-
gations morales qui chez l’artiste consiste à « recom- Beuve), Reynaldo Hahn et Lucien Daudet.
mencer vingt fois un morceau », à peindre « un
pan de mur jaune avec tant de science et de raffi- C’est pourquoi nous avons voulu, dans une
nement », semble appartenir à un autre monde, un section de documents, rééditer des témoignages peu
monde entièrement différent de celui-ci. « De sorte connus, peu accessibles ou même oubliés : Céline
que l’idée que Bergotte n’était pas mort à jamais est Cottin, qui avait précédé Céleste Albaret, Céleste
sans invraisemblance. » avant Céleste, une cousine, Valérie Thomson, un
Depuis la Renaissance (si on ne remonte pas couple d’amis chers : les Schiff (qui font l’objet à leur
jusqu’aux « épigraphes antiques » chères à Debussy) tour d’une biographie anglaise, Violet and Sydney, a
on consacre des « tombeaux » aux poètes défunts, Modernist Couple), le premier texte écrit sur Céleste
Ronsard ou du Bellay. Au xviie siècle, on tresse Albaret, une nouvelle inconnue de Stephen Hudson
plutôt des guirlandes à Julie. Et de nouveau, à la fin qui date de 1924, une pièce de Malaparte. Ou encore
du xixe siècle, apparaît chez Lemerre un tombeau des révélations du poète Édouard Roditi sur Albert Le
de Théophile Gautier et, grâce au seul Mallarmé, Cuziat, d’un écrivain brésilien sur le destin d’Henri
de Baudelaire, Verlaine ou Poe. Des volumes ou Rochat, le dernier secrétaire de Proust, après qu’il
numéros spéciaux de revues en l’honneur d’écrivains eut quitté son maître : d’étranges révélations après
décédés, y en a-t-il eu beaucoup avant l’Hommage à enquêtes, sur un personnage pathétique, qui a légué
Proust de La NRF en janvier 1923 ? plusieurs traits à Albertine, comme le goût des arts,
Malgré des surprises toujours possibles, comme ou un article inconnu de Reynaldo Hahn, qui a si
le montrent le surgissement tardif d’archives de peu écrit qu’on s’en étonne, sur Marcel, lui qui aurait
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eu tant à dire ! Revanche sur le silence de Proust à son de la littérature et son histoire de l’art. Proust avait
égard ? On en retiendra surtout ce qu’il nous dit sur son Moyen Âge, son Racine, son Molière, son
les dons de voyance, de divination, pour traduire une Stendhal, son Gobineau, son Michelet, son Flaubert,
phrase anglaise ou pour deviner un caractère à la vue son Ruskin. Mais aussi son Carpaccio, son Tissot…
d’un visage : comme le dit Balzac, « le génie en toute C’est à partir d’auteurs moins connus que nous avons
chose est une intuition ». Autant de voix qui nous voulu montrer ces rapports, de Taine à Fromentin,
viennent du passé et dont l’oubli même conditionne des philologues de 1900 à Michelet, en nous effor-
la fraîcheur. çant de ne pas redire ce qui avait été déjà dit. Pour
tout traiter, il aurait fallu le double de ce volume.
Nous écrivons sur lui parce qu’il a écrit sur C’est le même réseau nerveux, le même système
nous. C’est pourquoi plusieurs des participants à ce vibratile qui rend Proust extraordinairement réceptif
numéro de L’Herne ont montré ce que Proust était et même vulnérable à toutes les sensations et qui le
pour eux, ce qu’il leur apportait. À chaque fois, relie aux écrivains et aux artistes, à leurs œuvres, à
Proust est différent. Cinquante masques pour un seul leurs phrases, à leur vision du monde. L’adjectif doux
visage. « Proust et… », tel pourrait être le titre de ce chez Anatole France, le jaune de Vermeer, l’adjectif
volume, ET, « ce petit mot plein de douceur und » à surprise de Saint-Simon, les effets grammaticaux
qu’exalte Isolde au deuxième acte du drame musical de Racine le touchent et le font vibrer autant qu’une
de Wagner. sensation de froid ou d’humidité. La littérature lui
Nous nous sommes aussi attachés à décrire sert aussi à conjurer le mal et à l’interpréter : face à
certains aspects négligés de l’œuvre, comme les figu- un cruel fait divers, le parricide d’Henri van Blaren-
rants analysés par Michel Schneider, le marquis de berghe, il convoque Ajax, Œdipe-Roi, Guerre et Paix
Palancy présenté par Michel Crépu, les opinions et Le Roi Lear. Beaucoup peuvent éprouver des sensa-
politiques de Proust au fil des années, lui qui a eu tions exacerbées. Reste à les transformer en mots et
dans sa famille trois ministres, dont l’un a eu des en images, en poésie ou en plaisanterie. Le grand
funérailles nationales, et dont les parents étaient liés mystère de la littérature véritable, c’est, comme disait
au président de la République. Saint-John Perse dans un recueil que Proust avait lu,
Éloges, « l’obscure naissance du langage ».
D’autres ont analysé ce phénomène : tout
grand écrivain du passé construit sa propre histoire
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