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Pour rappel, le HCC peut être saisi par les présidents de l’Assemblée et du Sénat ou par le gouvernement. Alors qu’il avait été
saisi plusieurs fois ces dernières années, il ne l’a pas été pour le projet de loi climat. Il s’est donc auto-saisi.
Le HCC est une instance consultative. L’introduction du rapport précise ainsi qu’il ne vise pas « produire une contre-expertise de
l’étude d’impact ni à juger de la portée ni du niveau de reprise des propositions de la convention citoyenne pour le climat ».
Cela ne l’empêche pas de formuler des critiques sévères à l’encontre du projet de loi climat, tant dans son ambition, sa portée,
que sur le périmètre des mesures proposées.
➢ Des engagements importants : → neutralité carbone en 2050 sur tout le territoire prévu dans la loi Energie et climat de 2019
→ objectif : division par 6 des GES par rapport à 1990.
➢ Loi de transition énergétique pour une croissance verte de 2015 → engage la France à réduire ses émissions de 40% en 2030
par rapport à 1990. Pour mettre en place ces objectifs, une boussole : la stratégie nationale bas carbone, qui doit guider les
budgets et les orientations de politique publique dans le sens de la transition.
Le budget carbone, issu de la SNBC (2015- 2018) a été dépassé. Les trajectoires actuelles de baisse des émissions de GES ne
sont pas encore suffisantes→ baisse de 1,2% en 5 ans, pour un objectif de baisse de 1,5% prévue entre 2019-2023. Si la baisse
des émissions en 2019 correspond aux attentes (moins 1,7%), le plafond fixé a été relevé par le gouvernement contre l’avis
du HCC. Cet artifice masque mal le retard conséquent de la France sur ses objectifs.
Un plan de relance sans rupture : 28 milliards fléchés pour l’atténuation des émissions de GES selon le HCC dans son rapport
« France relance » de 2020. L’effort est conséquent, mais sa portée limitée → 2/3 des mesures du plan s’inscrivent dans la
continuité des activités économiques carbonés. En l’absence de transformations structurelles, la transition bas carbone de
la France reste incertaine.
Le HCC note que les ambitions du texte apparaissent bien amoindries au regard de ce contexte
- Les dispositions visant à garantir une transition juste socialement sont très peu présentes dans le texte. L’accompagnement
des nouvelles vulnérabilités et des fractures sociales et économiques liés à la transition sont elle aussi très marginales
- Plus étonnant encore, c’est l’esprit du texte lui-même que le HCC interroge au regard de son titre. En effet, le HCC relève que
le mot résilience est associé à des actions spécifiques d’adaptation au changement climatique. Le HCC appelle à privilégier ce
terme pour ce type d’actions, et note que ce volet est très peu présent dans le texte. Pour une meilleure conformité de la loi
avec ses objectifs, elle recommande aussi l’utilisation des termes « réchauffement ou changement climatique » au profit de
« dérèglement » qui suppose que le climat aurait été réglé un jour.
Force est de constater à la lecture de l’avis, que le projet de loi répond difficilement à ces exigences.
→ Des délais de mise en œuvre trop importants : Constat du HCC → les délais allongés de mise en œuvre affichés pour de
nombreuses mesures sont incompatibles de fait avec les objectifs de la SNBC. Sur 69 articles, 4 articles constituent des
expérimentations déjà existantes non généralisés avant 2023.
EX : Alors que l’alimentation et l’agriculture représentent des leviers essentiels pour agir sur les émissions de GES, le HCC note des
délais trop importants sur l’article 60, qui prévoit une extension aux écoles privés des mesures relatives à la qualité des repas
scolaires uniquement en 2025. L’article 62 prévoit une taxation hypothétique sur les engrais azotés, qui interviendrait en cas de
non-réduction de l’utilisation de tels engrais sur deux années consécutives.
Constat = les expérimentations trop nombreuses et les mises en place échelonnées ne contribuent ni à la clarté de la SNBC ni à
l’adaptation des nombreux acteurs concernés.
- Des périmètres d’applications trop restreints : le HCC note que de nombreuses mesures cible de manière insuffisante les
pratiques les plus émettrices. Sur les transports et les mobilités lourdes par exemple, le compte n’y est pas.
EX : Article 4 du PJL porte sur l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles, mais pas sur l’ensemble des biens
et services les plus polluants (mode de transports ou aliments).
Pour le HCC l’ampleur des contributions du PJL dans le secteur des bâtiments apparait faible compte tenu des orientations de la
SNBC. Le PJL ne contient aucune mesure pour décarboner le mix énergétique du chauffage des bâtiments, opter pour des
modalités de chauffage différentes, ni pour renforcer de manière satisfaisante les dispositifs de rénovation thermique.
Afin de « rehausser le niveau d’ambition » de ses propositions le HCC formule plusieurs recommandations pour le secteur des
bâtiments et l’affichage environnemental :
Le HCC demande de définir des trajectoires de rénovation qui suivent les objectifs et les délais prévus par la SNBC pour une plus
grande cohérence. Il demande que trajectoires de rénovation soit étendues aux bâtiments tertiaires (bureaux, commerces.) sur
des niveaux de performance énergétique à atteindre en cohérence avec les objectifs de réduction des émissions définis par la
SNBC.
S’agissant de l’affichage environnemental : l’article 1 ouvre la possibilité d’un affichage environnemental sur certains biens et
services décidé par décret à la suite d’une expérimentation concluante.
Le HCC note que «. L’apport par rapport à l’existant est à ce stade minime puisque l’article n’ore aucune garantie qu’un seul bien
ou service fasse un jour l’objet de cette obligation ». L’article prévoit la encore des expérimentations, mais aucun dispositif pour
juger de leur réussite. Le Haut conseil recommande de sophistiquer cet article, en précisant le périmètre, (le nombre de secteurs
concernés) et les critères de cette expérimentation.
Les problèmes relevés sur ce secteur sont emblématiques du manque d’ambition du PJL pour le Haut Conseil et les solutions
qu’il propose en esquissent d’autres pour le reste du texte.
L’étude d’impact se limite à une évaluation partielle des articles du PJL car certains articles posent des difficultés du fait de « leur
impact significatif mais indirect ». Leur évaluation est donc rendue difficile et seulement 21 articles font l’objet d’une analyse et
d’une étude d’impact sur la réduction des GES.
→ 9 articles évalués portent sur les transports (pour 15 dans le PJL), 2 portent sur l’agriculture (pour 8 dans le PJL), et 2 sur les
émissions des bâtiments (pour 6 dans le PJL). Pour les bâtiments et l’agriculture c’est trop peu au regard du poids de ces secteurs
dans les émissions. (18,3% des émissions de GES en 2019 en France pour le bâtiment, troisième secteur le plus émetteur).
Les critiques sont sévères : manque de transparence sur les méthodes et hypothèses retenues, manque de clarté dans les résultats
quantifiée par rapport aux objectifs de réduction de la SNBC. De fait, la visibilité de l’impact du PJL s’en trouve affectée→
impossibilité de juger du respect des futurs budgets carbone, ni des objectifs de réductions des émissions dans les années à venir.
• L’étude d’impact ne démontre pas la compatibilité des mesures du PJL avec les orientations SNBC, elle se contente de
les mentionner. EX : l’intégration de citoyens tirés au sort dans les Autorités organisatrices de la mobilité (AOM) satisfait
selon l’étude d’impact les orientations SNBC de soutien aux mobilités actives et transports collectifs, et de maitrise de la
demande. Cette hypothèse n’est pas vérifiée.
• Un rapprochement entre certaines mesures et des orientations de la SNBC qui surprend. EX : l’interdiction des avions
publicitaires satisfait selon l’étude d’impact l’orientation Industrie 3 « Donner un cadre incitant à la maîtrise de la
demande en énergie et en matières, en privilégiant les énergies décarbonées et l’économie circulaire », alors que cette
mesure ne concerne aucun des secteurs mentionnés dans l’orientation.
• Le HCC pointe un manque de cohérence globale. Aucune analyse d’ensemble de ces contributions article par article n’est
réalisée dans l’étude d’impact. La complémentarité des mesures entre elles et par rapport à l’existant n’est pas discutée.
Pour accompagner et suivre les politiques publiques et ajuster les mesures lorsque c’est nécessaire, le HCC formule plusieurs
recommandations pour l’évaluation ex ante du PJL :
- Évaluer l’impact du projet de loi selon deux scénarios, « l’un tendanciel avec les mesures déjà en place, l’autre avec les
mesures supplémentaires prévues dans le projet de loi », dans la transparence sur les méthodes et les hypothèses retenues.
- Evaluer l’impact du PJL en utilisant les indicateurs de la SNBC - les émissions de GES nationales, mais aussi les émissions par
secteur, en se basant sur les trajectoires des futurs budgets carbone.
- Renforcer l’évaluation des impacts économiques et sociaux des mesures de transition proposées.
Outre les problèmes e méthodes déjà mentionnés, le HCC met l’accent sur la lisibilité de l’étude d’impact, dont l’analyse des
articles est « disséminée dans un document de 500 pages » peu accessible pour le législateur.
Le Haut Conseil rappelle ainsi plusieurs recommandations pour améliorer l’évaluation du PJL dans la suite de son parcours :
Au cours de la phase parlementaire, signaler l’impact supposé des amendements quant à l’objectif national de neutralité
carbone.
Une fois la loi promulguée, mettre à jour l’étude d’impact en vue de guider la préparation des décrets d’application.
Prévoir dans le texte de loi un dispositif de suivi et d'évaluation ex post transparent, indépendant et associant les parties
prenantes, et préciser les indicateurs de suivi et les dates d’évaluation. → poursuivre l’évaluation du PJL tout au long de sa vie
Renforcer le pilotage de la SNBC vers la neutralité carbone : le HCC préconise notamment un suivi des politiques issues de la loi
sur une base d’indicateurs de moyens et de résultats, et la publication d’un rapport des lois évaluées au regard de la SNBC et de
ses objectifs.