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L’ABC, facteur d’efficience des services internes : application aux
systèmes d’information au sein de Digital Equipment Corporation
Andréas Dworaczek*, Brigitte Oger**
* Digital Equipment France1 ; ** Maître de conférences à l’ IAE de Paris2
Résumé : L’ABC (Activity Based Costing) et l’ABM (Activity Based Management) s’appli-
quent aux fonctions de production, mais aussi aux fonctions de support. Ainsi, cet article traite
principalement de la mise en œuvre de l’ABC dans la fonction informatique chez Digital Equi-
pment. L’ABC vise la maîtrise des coûts. Dans le domaine de la fonction informatique d’une
entreprise, la classification des coûts se complexifie avec l’introduction des architectures client-
serveurs et des ouvertures vers l’Internet. Des arbitrages d’affectation de coûts seront toujours
nécessaires. Notamment, il faut distinguer clairement la mesure des coûts des services rendus
par l’informatique (au moyen de l’ABC) de leur valorisation et facturation au sein de l’entre-
prise, avec des outils pour développer des comportements voulus par le management (notam-
ment grâce à l’ABM). L’ABM vise en priorité la maîtrise de la valeur apportée aux clients —
ici les clients internes de la fonction informatique. Dans le cas présenté, cette démarche résulte
d’une approche commune entre la direction générale, la direction informatique et les autres
directions de l’entreprise. Nous verrons que la valeur perçue dépend beaucoup de la nature des
prestations informatiques délivrées et de leur degré d’utilisation, ce qui présuppose l’identifi-
cation de ces services fournis et l’acceptation de leur coût par les utilisateurs. Nous montrons
dans cet article comment l’ABC et l’ABM permettent ainsi d’optimiser l’utilisation de l’infor-
matique dans l’entreprise. Les expériences dans ce domaine chez Digital Equipment Corpora-
tion montrent en particulier que : 1) le processus complet de la mise en œuvre de l’ABC
nécessite de la persévérance; 2) l’ABC n’est pas un outil miracle pour résoudre tous les
problèmes des coûts indirects, mais il contribue à rendre les arbitrages plus objectifs; 3) l’ABC
est un outil particulièrement adapté et adaptable à des environnements très évolutifs et à des
processus transversaux; 4) l’ABC peut fournir des données pour des restructurations impor-
tantes et accompagner un changement de culture; 5) l’ABC peut induire des réductions de coûts
sensibles tout en améliorant la qualité des services fournis
Mots-clés : Méthode ABC, Management par les activités, Système d’information, Qualité
des services informatiques.
Abstract : ABC (Activity Based Costing) and ABM (Activity Based Management) are appli-
cable to production functions and also to support functions. This article treats principally the
introduction of ABC in the computer services area at Digital Equipment. ABC aims to establish
control over costs. In the area of enterprise computer services, cost classification becomes more
complex with the introduction of client-servers architectures and openings towards Internet. It
will always be necessary to arbitrate with respect to cost allocations. In particular, clear
distinction must be made between the measurement of cost services rendered by computer
services (by means of ABC) and their valuation and invoicing within the enterprise, with the
tools to develop the behavior sought by management (notably through ABM). As a matter of
priority, ABM aims to obtain mastery over the value afforded to clients, in this instance, internal
users of computer services. In the case presented, this results from a combined approach
between top management, computer services management and other enterprise managers. It
will be seen that the perceived value depends largely on the nature of the computer services
provided and the extent of their utilisation. This presupposes the identification of services
1. Digital Equipment France, 5 rue de la Renaissance, 92187 Antony Cedex ; e.mail : Andreas.Dworaczek@digi-
tal.com
2. Bénéficiaire du financement d’un séjour de recherche aux Etats Unis par la Fondation Nationale pour l’Ensei-
gnement de la Gestion des Entreprises.
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supplied and the acceptance of their cost by users. We will show in this article how, in this way,
ABC and ABM allow the optimisation of enterprise computers. Experience in this area within
Digital Equipment Corporation shows, in particular, that : 1) the complete process of installing
ABC calls for perseverance ; 2) ABC is not a miracle solution for all indirect cost problems, but
allows more objective arbitrations; 3) ABC is a tool that is particularly adapted and adaptable
to environments that are changing rapidly and to transversal processes ; 4) ABC is able to
furnish information for large restructurisations and to accompagny cultural change ; 5) ABC
can induce significant cost savings and at the same time improve the quality of services
supplied.
1. En ce qui concerne la tendance à la standardisation des services, voir, par exemple, I. Lacombe [7].
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Unités
Fonctions et de mesure Activités des Coûts des unités Coûts des
Sous-Fonctions opérationnelles Fonctions et d’oeuvre composants des
(sections analyt.) non-financières Sous-Fonctions (1 par activités) produits/services
(temps,quantités,
pourcentages,
degrés, ....)
Coûts de revient
- exploitation;
- maintenance/réparation;
- support/conseil.
En ce qui concerne les ressources, il y a bien évidemment les ressources humaines et les
actifs utilisés. Pour les ressources humaines, on pourra reprendre la classification et la mesure
des coûts établis par la direction des ressources humaines. Dans les actifs, on distinguera ceux
utilisés par le personnel informatique de ceux directement mis à la disposition des utilisateurs.
Clarifions les notions utilisées à la figure 1 avec un exemple significatif. Une prestation
fournie par l’informatique est par exemple la « mise à disposition d’un pc en réseau ». Une des
activités exécutées pour délivrer ce service est « l’installation d’un pc ». Le pc lui-même est une
ressource pour cette activité. Mais les entreprises savent bien, que le coût du pc n’est qu’une
partie relativement limitée du coût de la « mise à disposition d’un pc en réseau » ! Il faudra donc
rechercher les coûts des autres ressources mobilisées pour ce type de service rendu.
La détermination des VR (Vecteurs de consommation de Ressources) et des VA (Vecteurs de
coûts des Activités) proviendra de la connaissance des métiers informatiques et de leur exercice
dans l’entreprise. Les compétences professionnelles sont entièrement à décrire, car le manage-
ment attendra d’une direction informatique des explications et des justifications convaincantes
pour les coûts générés par les prestations informatiques.
1. Il est important d’ éviter le risque de déconnexion entre la mesure (le coût) et la stratégie (la valeur).
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- rendre la prestation la plus tangible possible, avec des définitions précises des résultats à
attendre et des modalités d’exécution, pour construire des relations clients-fournisseurs
contractuelles valables avec un maximum de transparence opérationnelle pour les deux
parties (minimisation du risque du non-dit, de l’interprétable, suppression des sources de
non qualité).
Dans l’ère de l’outsourcing il faut déjà commencer par la justification de l’existence même
d’un service informatique interne. Cela passe par la mise en place d’une démarche de marketing
et de vente interne afin de convaincre les responsables des centres de coûts de l’intérêt et du
rapport qualité/prix des services que fournit l’informatique interne. Il s’agit alors d’identifier les
besoins et les attentes, de concevoir les prestations à offrir, les faire connaître et convaincre les
utilisateurs de l’intérêt de les acheter.
La vente interne de prestations normalisées devrait se faire à travers un catalogue de
services. Ce catalogue contiendra, pour chaque service fourni, des éléments comme sa descrip-
tion sommaire et détaillée, sa mesure quantitative (volumes, horaires, taux de disponibilité etc.),
ses prérequis, le support utilisé, le prix, les modalités de commande et d’annulation.
La vente interne de services spécifiques devrait se faire à travers des contrats de prestations,
qui définissent, pour chacun, ses objectifs, son périmètre et son champ d’application, le fournis-
seur responsable et les ressources mobilisées (incluant les sous-traitants), les responsabilités des
utilisateurs-clients , les résultats mesurables à atteindre, la désignation d’un comité d’arbitrage
et de révision, les prix de cession ou/et les transferts de coûts à opérer en interne (la facturation
interne).
Nous avions indiqué que l’ABC sert à connaître, dans la mesure du possible, les coûts des
services informatiques. Dans les systèmes de management et de gestion il faut clairement distin-
guer cette détermination des coûts et la facturation interne des services consommés. Cette
facturation, qui peut prendre des formes différentes, est clairement un outil politique qui vise à
influencer les comportements des managers et des employés vers une utilisation de l’informa-
tique dans le sens des objectifs de l’entreprise. Elle doit être cohérente avec l’efficacité attendue
des différentes fonctions d’entreprise et les pratiques de management en vigueur.
Illustrons ce propos par un exemple : si on incite la fonction marketing à ne plus produire et
distribuer des brochures et des documentations sur papier, mais à mettre plutôt ses informations
sur le réseau à la disposition de tous ceux qui y ont accès, on ne doit pas rendre trop coûteuse
la facturation interne de l’utilisation des réseaux et des serveurs.
- l’ABC est tout à fait adapté à la mesure des objets de coûts — dans notre cas des services
rendus aux utilisateurs internes de l’informatique -, provenant des processus transversaux
qui impliquent plusieurs contributions de départements différents du CCS qui sont aussi
des centres de coût;
- l’ABC prend explicitement en compte — à travers des vecteurs (inducteurs) de consom-
mation et de coût — les causes des coûts et amène ainsi logiquement à des propositions
d’amélioration des performances.
Les contraintes essentielles de l’application d’ABC étaient de réduire les coûts, sans casser
les équilibres structurels des systèmes d’information, sans supprimer ni réduire les prestations
significatives pour l’entreprise (les prestations qui apportent de la valeur).
L’optimisation des coûts des prestations incluait la prise en compte de comparaisons (bench-
marking). Le benchmarking fut principalement appliqué en interne, entre zones géographiques
(notamment Etats-Unis et Europe) et entre pays, à l’intérieur d’une même zone. On était alors
relativement sûr de parler des mêmes choses avec les mêmes notions. De temps à autre, des
comparaisons ont été faites avec d’autres entreprises de la même branche. Mais il était néces-
saire de faire attention aux interprétations des résultats. En la matière, les cabinets de conseil et
les associations de benchmarking ont un rôle important à jouer pour élargir la base des compa-
raisons (benchmarks) et normaliser les modes de mesure.
En parallèle à la maîtrise des coûts, Digital visait pour les systèmes d’information l’amélio-
ration de la qualité et la certification ISO 9000.
Toutes ces évolutions impliquaient également un changement de culture : mettre au point des
relations client-fournisseur entre le CCS et le reste du personnel ; définir des tarifs et obtenir,
dans ce domaine, le consensus des utilisateurs ; intégrer les feedbacks des utilisateurs (degré de
satisfaction, taux d’utilisation, demandes de services) dans le processus annuel de budgétisa-
tion.
À partir de cette phase, le système ABC a fonctionné dans son principe. Mais il a fallu encore
une deuxième année, jusqu’à ce que les tarifications et facturations internes soient acceptées et
mises en pratique, pour que les comparaisons internes (benchmarks) réussissent à homogénéiser
suffisamment la fonction CCS à travers le monde et pour que des mesures fiables1 et une budgé-
tisation réaliste et stimulante, dans tous les pays, puissent véritablement exister.
L’exploitation du système ABC a généré des tâches importantes comme, notamment, la mise
à jour des données, la production des rapports, la facturation interne, l’ajustement et, le cas
échéant, la renégociation des tarifs avec les managers des fonctions et des divisions.
Comptabilité générale
Ressources/Centres de gestion
Comptes par nature
Vecteurs/Inducteurs de
Natures de dépenses: consommation de ressources
salaires, dépréciations, télécom, etc.
Activités
Inducteurs de consommation de
Assurer un Exploiter Exploiter Assurer un Manager
ressources:
les les plan de l’entité
temps hommes, consommation réseaux, Help Desk systèmes applicatifs recours
consommation espace de stockage, etc.
Vecteurs/Inducteurs de coûts
Inducteurs de coûts/Unités d’œuvre:
des activités (unités d’œuvre)
1. Cet aspect d’homogénéisation avec un langage commun à tous les niveaux de l’organisation est souvent cité
parmi les apports importants dans les implantations réussies d’ABC/ABM.
2. Voir, par exemple, J.A. Brimson, [2].
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lancer pour la troisième grande fonction de support, l’immobilier, la mise en chantier d’une
nouvelle démarche ABC.
3 Eléments de bibliographie
[1] Brewer Peter C., «Developping a data center chargeback system using ABC», Journal of
Cost Management, may/june 1998, pp. 41-47.
[2] Brimson J.A., «Feature costing: beyond ABC», Journal of Cost Management,
january/february 1998, pp. 6-12.
[3] Carter T.L., Sedaghat A.M. and Williams T.D., «How ABC changed the Post Office»,
Management Accounting, february 1998, pp. 28-36.
[4] Chauvey J.N., «L’analyse d’activités, un outil d’information stratégique pour les
services», Revue Française de Comptabilité, juin 1996.
[5] Drucker P.F., «The information Executives truly need», Harvard business review,
january/february 1995, pp. 54-62.
[6] Greeson C.B. and Kocakulah M.C., «Implementing an ABC pilot at Whirlpool», Journal
of Cost Management, march/april 1997, pp. 16-21.
[7] Lacombe I., «L’application de l’ABC-ABM au domaine des services», Revue Française
de Comptabilité, n°297, février 1998, pp. 45-51.
[8] Laverty J., «Introduire la gestion par les activités dans l’entreprise : une décision straté-
gique», Revue Française de Comptabilité, n° 289, mai 1997, pp. 31-36.
[9] McGowan A.S., «Perceived Benefits of ABCM Implementation», Accounting Horizons,
march 1998, pp. 31-50.
[10] Ness J.A. and Cucuzza T.G., «Tapping the full potential of ABC», Harvard Business
Review, july/august 1995, pp. 130-138.
[11] Pesqueux Y., «Modèles de l’entreprise et méthodes de calcul des coûts, approche critique
de la comptabilité d’activité», Revue Française de Comptabilité, n° 292, septembre 1997,
pp. 61-67.
[12] Selto F.H. and Jasinski D.W., «ABC and high technology : a story with a moral», Mana-
gement accounting, march 1996, pp. 37-40.
[13] Tardy X., «Le choix entre ABC et ABM, une question d’applications», Revue Française
de Comptabilité, n° 295, décembre 1997, pp. 53-58.
1998.06
L’ABC, facteur d’efficience des services internes :
application aux systèmes d’information au sein de
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