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Sociologie des médias. Impact de l’écran sur les sociétés.

Web 2.0!: émergence de médias d’expression alternatifs en Egypte!?

Du développement des chaînes de télévision du satellite au milieu des années

1980 à l’évolution des technologies d’Internet et au Web 2.0 ces dernières années, le

paysage médiatique et les modes de communication se sont transformés dans le monde.

L’Egypte ne fait pas exception. Un des usages de ce nouvel espace d’expression

égyptien semble prendre un peu plus d’ampleur ces trois ou quatre dernières années!: le

cyberactivisme, ou l’usage du Web 2.0 pour contester pacifiquement. Si ce n’est pas le

seul usage qui se développe sur la toile égyptienne, c’est celui auquel nous nous

intéresserons plus particulièrement ici.

Qu’est-ce que le Web 2.0!? Quel est l’impact de ce nouvel espace de communication

dans la société égyptienne!? Nous proposons ici d’étudier quels sont les outils et les

modes de communication qui semblent les plus utilisés actuellement en Egypte. Nous

montrerons comment le Web 2.0 peut ou ne peut pas être la tribune des Egyptiens et

comment les autorités se positionnent par rapport à ces nouveaux espaces de

communication.

Mots-clés!: Web 2.0, blogosphère, réseaux sociaux, cyberactivisme, liberté

d’expression, censure, Egypte

Anne-Charlotte Chaput 1
Sociologie des médias. Impact de l’écran sur les sociétés.

Le Web 2.0, un nouvel espace de communication

Le «!Web 2.0!», qu’est-ce que c’est!?

Le Web 2.0 est un concept assez large auquel on peut donner plusieurs définitions. Il fut

donné en 2004 par Dale Dougherty, vice-président de la société O’Reilly Media, à

l’occasion de la première conférence Web 2.01. L’adjonction d’un numéro «!1.0!», puis

«!2.0!» comme on le fait pour les versions de logiciels notamment, indique qu’Internet a

subi un certain nombre d’évolutions caractéristiques au fil des années. Nous pouvons

lister cinq caractéristiques principales!du Web 2.0 :

• Implication volontariste des utilisateurs qui produisent du contenu (contenu

personnalisé et interfaces enrichies par les utilisateurs eux-mêmes)

• Évolution technologique des interfaces

• Évolution des modes de consultation des sites Web (grâce aux protocoles de

syndication comme le flux RSS)

• Capacité à créer de nouveaux services

• Changement de modèle économique autour de développement de niches.

Mais ce sont surtout les principes directeurs du Web 2.0 qui sont tout à fait nouveaux et

particulièrement intéressants du point de vue des pratiques sociales. Avec le Web 2.0,

Internet prend d’une part une dimension sociale ouvrant la voie à une communication

interactive et participative, et devient d’autre part une plateforme de services gratuits

(on parle de système ouvert).

Le Web 2.0 en Egypte!: quel public!?

En 2008, l’Egypte compte entre 75 et 80 millions d’habitants (selon les sources), dont

au moins 16 millions au Caire (un chiffre approchant certainement les 20 millions), la

Anne-Charlotte Chaput 2
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capitale égyptienne et première métropole d’Afrique. Le taux de littérisme de la

population totale âgée de plus de 15 ans serait de 71,4%, selon les données publiées par

la CIA2 en juin 2008. On peut définir le littérisme par la capacité à lire un texte simple

en le comprenant, à utiliser et à communiquer une information écrite dans la vie

courante.

L’Egypte compterait 6 millions d’internautes (donnée de 2006) selon l’Organisation

Non Gouvernementale Reporters Sans Frontières3 et la CIA, ce qui représente moins

de 8% de la population. Par comparaison, le nombre d’internautes s’élève à 30,838

millions en France métropolitaine (source!: CIA, donnée de 2007), soit 58,3 % de la

population.

Comment les Egyptiens accèdent-ils au réseau Internet!? Parmi ces internautes, seuls

205 700 utilisateurs possèderaient un accès au réseau Internet par une ligne de type

ADSL, selon l’Union internationale des télécommunications. De plus, le rapport publié

en mai 2007 par l’OpenNet Initiative4 (organisme créé par les universités Harvard,

University of Toronto, Oxford et Cambridge pour sensibiliser les citoyens et les

gouvernements à la censure) indique que les trois principales sources d’accès au réseau

Internet en Egypte sont!:

• les cybercafés (environ 400),

• le programme Mobile Internet Unit5,

• les clubs TIC (environ 1300), situés dans des établissements publics et

notamment dans des régions assez isolées.

Tous trois donnent accès à Internet à des coûts relativement bas, les plus abordables

pour une population dont le salaire moyen est de 40 " (source!: RSF) et le Produit

Intérieur Brut par habitant d’environ 5 500 $ (source!: CIA, 2007), soit six fois moins

Anne-Charlotte Chaput 3
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que le PIB par habitant de la France. Malgré les programmes gouvernementaux mis en

place pour permettre notamment l’acquisition d’un ordinateur personnel, environ 4% de

la population égyptienne en possède un.

Ces chiffres montrent qu’à l’heure actuelle, la possession d’un ordinateur personnel est

encore assez rare en Egypte. À côté de ces chiffres, il faut noter en revanche la forte

pénétration en Egypte du téléphone portable, premier outil de communication à

distance!: plus de 18 millions de lignes actives de mobiles. En termes d’infrastructures

de réseaux et de télécommunications, l’Egypte est relativement bien équipée, avec des

liaisons par satellites et par câbles sous-marins. Ce qui permet de supposer qu’en

poursuivant les efforts de développement de programmes TIC favorisant l’accès aux

technologies (par la formation, les aides financières, etc.) et surtout une meilleure

répartition des richesses économiques dans le pays, l’Egypte devrait voir le nombre

d’internautes augmenter dans les prochaines années.

Bien que cela ne concerne que les classes les plus aisées de la population, l’extension de

la couverture géographique des accès à haut débit sur le mobile et l’arrivée sur le

marché égyptien de mobiles haut de gamme, permettent désormais d’accéder à Internet

avec son mobile et d’utiliser la vidéo sur mobile avec des applications Web 2.0 comme

YouTube. D’autres fonctionnalités encore plus développées et donc très onéreuses

existent, mais elle sont essentiellement utilisées par quelques entreprises.

L’interopérabilité des outils et des plateformes (mobiles et Internet) facilite également la

diffusion et le partage d’informations. Les grandes campagnes de publicités concernant

la téléphonie mobile, que l’on a pu voir en Egypte à la télévision et dans les grands

centres urbains (en particulier au Caire) montrent l’importance de ce marché. Avec

l’introduction en 2007 en Egypte du réseau de 3e génération («!3G!») par l’opérateur

Anne-Charlotte Chaput 4
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émirati de téléphonie mobile Etisalat, ce fut encore davantage visible. Etisalat est donc

aujourd’hui l’un des trois opérateurs en Egypte, avec Mobinil et Vodafone.

Nouveaux espaces, nouveaux usages!?

A quelles formes d’échanges assiste-t-on en Egypte sur Internet et les mobiles

aujourd’hui!?

Parmi les services ou sites Web 2.0, ceux qui sont les plus populaires en Egypte sont de

trois types!:

• les services de syndication, le site de partage de vidéo YouTube en tête

• les réseaux sociaux personnels, dont Facebook est de loin le plus populaire

• les services de blogs (comme Blogspot hébergé par Google)

Le site de partage de vidéo YouTube permet de consulter des vidéos directement sur le

site YouTube, de mettre en ligne et partager ses propres vidéos, filmées notamment

avec un téléphone portable, mais aussi d’ajouter des vidéos hébergées sur YouTube sur

d’autres plateformes Web 2.0, comme les blogs et les réseaux Facebook, Myspace, etc.

En effet, chaque vidéo possède un «!permalien!» (lien permanent ou référence unique)

qui permet d’afficher l’objet sur différentes plateformes. Ce système facilite

énormément la diffusion de contenu. Une vidéo peut ainsi être vue par des milliers voire

des millions de personnes en l’espace de quelques instants.

Le site communautaire Facebook est un réseau social très populaire en Egypte depuis

qu’il a été rendu accessible au public le 22 août 2006. Pour se faire une idée de la

popularité de ce réseau en Egypte, il est possible de consulter la page du réseau Egypte

de Facebook6. Cette page indique notamment le nombre de membres!: 467 687 au 25

juin 2008. Ce chiffre n’indique pas s’il s’agit d’Egyptiens résidant en Egypte, hors

Anne-Charlotte Chaput 5
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d’Egypte, ou de personnes d’autres nationalités appartenant à ce réseau pour diverses

raisons. Par ailleurs, dans un article d’une revue électronique, daté du 4 juin 20087, un

journaliste donne le nombre de personnes ayant un compte sur le réseau Facebook en

Egypte à plus de 100 000 membres. Ce site communautaire permet d’être lié à des

communautés de personnes partageant les mêmes passions, les mêmes idées, ayant fait

des études ou travaillé dans un même établissement ou entreprise. Il permet également

de partager des vidéos, des photos, d’avoir accès à son «!univers!» numérique en

situation de nomadisme (selon le modèle du Web 2.0). Ce type de plateforme d’échange

interactif a sans doute ouvert la voie à une nouvelle pratique sociale, dans un pays où la

liberté d’expression est limitée, bien souvent bafouée, dès lors que l’on formule une

opinion divergente sur l’un des trois thèmes majeurs jugés tabous!: le sexe (et

l’homosexualité), la religion et la politique. Dans ce contexte, Internet offre un nouvel

espace de liberté et d’expression dans les interactions sociales.

Ainsi, l’arrivée des blogs1, service (souvent) gratuit du Web 2.0, a offert un nouvel

espace d’écriture personnelle et souvent journalistique en Egypte. Pour connaître la

blogosphère égyptienne et tenter d’en dessiner quelque peu les contours, une recherche

sur Internet a été fort utile. Elle a permis d’une part de lister les blogs égyptiens les plus

populaires (ceux dont on a parlé dans la presse, et ceux qui arrivent en premier dans les

recherches notamment sur Google), d’autre part de repérer quelques sites ou blogs qui

visent à recenser les blogs égyptiens. Le blog égyptien «!modawwanat!»8 recense les

1
Blog!ou web log!: site Web constitué par la réunion de billets écrits dans l’ordre chronologique

et classés par ordre antéchronologique. Les blogs se distinguent d'autres systèmes de publication

sur le Web par des auteurs primaires. Chaque billet (appelé aussi note ou article) est, à l'image

d'un journal de bord.

Anne-Charlotte Chaput 6
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blogs égyptiens, par catégorie (sport, politique, religion, etc.). Le site «!omraneya!»

(«!Egyptian Blogs Aggregator!»)9 est un aggrégateur de contenus qui reprend des

articles de la blogosphère égyptienne en les classant par ordre antéchronologique et par

langue. Les membres sont invités à participer en évaluant les billets et en les

commentant. Enfin, le site «!arabblogcount!» recense les blogs en langue arabe, de

façon la plus exhaustive possible, et donne l’URL de chaque blog, le nom du blog en

arabe et/ou en anglais et le pays d’origine. D’après un comptage effectué sur le site en

juin 2008, le nombre de blogs égyptiens recensés est de 137. Mais cette liste n’est sans

doute pas complète, si l’on tient compte que certains blogs ferment du jour au

lendemain ou renaissent sous un autre nom, tandis que de nouveaux sont créés. La

blogosphère égyptienne semble relativement active dans la blogosphère du Moyen-

Orient et elle se fait tout particulièrement remarquée ces trois ou quatre dernières

années, car elle représente une nouvelle voix pour le peuple égyptien qui utilise Internet

notamment pour relayer des informations que la presse traditionnelle ne couvre pas.

Mais cette tribune libre est très sévèrement contrôlée par le gouvernement et les

autorités.

Pourtant, dans un rapport sur la censure Internet au Moyen-Orient et en Afrique du

Nord10, qu’il a adressé lors du sommet mondial de la société de l’information en

décembre 2003, le président égyptien dit!:

«!Les effets de la révolution des TIC [Technologies de l’information et de la

communication] ne devraient pas se limiter à des résultats et gains en termes

d’économmie et de développement. Ils devraient permettre de renforcer les liens

politiques, sociaux et culturels entre les nations pour que la paix dans le monde soit le

Anne-Charlotte Chaput 7
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fruit de plus de justice, d’égalité, et… encourager les efforts nationaux en faveur de la

liberté, la démocratie et le respect des droits de l’homme.!»2

Un nouvel espace de répression!pour des usages contestataires d’Internet

L‘émergence d’une blogosphère contestataire égyptienne

La blogoshpère égyptienne est née dans un contexte de militantisme à l’approche de

l’élection présidentielle de 2005, alors que la presse traditionnelle ne couvrait pas les

événements de manifestations et d’appels au changement politique, prônés et suivis par

les militants de plusieurs partis d’opposition. Plusieurs bloggers ont pris des photos et

des vidéos et les ont diffusées et ont relaté les événements sur leurs blogs. Depuis, les

événements marquants de la vie politique et sociale ont été régulièrement traités grâce à

ce nouveau média de communication, qui semble avoir quelque peu repoussé les limites

de la liberté d’expression. Ainsi, il y quelques années, il n’était pas possible pour la

société civile d’informer de façon indépendante comme aujourd’hui et de faire naître

une prise de conscience auprès du public. Ainsi, s’exprimer sur les tortures et mauvais

traitement policiers était encore inpensable. Pourtant, les photos et vidéos que le célèbre

blogueur Wael Abbas, un cyberactiviste engagé contre la torture, avait publié sur son

blog, ont permis d’alerter l’opinion publique puis d’aboutir à la condamnation des deux

policiers coupables d’avoir agressé et violé sexuellement un chauffeur de microbus en

2006. En même temps, l’Egypte a été classée en 2007 146e sur 169 pays par l’indice de

la liberté d’expression dans le monde, publié par Reporters Sans Frontières. Les

cyberactivistes sont traqués pour «!diffusion de fausses informations!», «!diffamation!»,

«!incitation à la haine!», «!insulte au Président!». D’ailleurs, le 25 mai 2008, le

2
Traduction de l’auteur.

Anne-Charlotte Chaput 8
Sociologie des médias. Impact de l’écran sur les sociétés.

Parlement égyptien a de nouveau prolongé la loi instaurant l’état d’urgence pour deux

ans. Avant sa réélection en 2005, le président Moubarak avait promis de la remplacer

par une loi antiterroriste. Cette loi donne une latitude très grande aux autorités, qui

peuvent exercer une action sur tout ce qui peut porter atteinte à la «!sécurité nationale!».

En juin 2006, «!une cour administrative du Conseil d’Etat a validé la décision du

ministère de l’Information et de la Communication permettant aux autorités de bloquer,

suspendre ou fermer tout site Internet susceptible de représenter une menace pour la

“sécurité nationale“!»11. Ainsi les blogueurs sont vus comme des dissidents au régime et

ceux qui sont attrapés sont jugés très sévèrement. C’est le cas de Kareem Amer, un

blogueur incarcéré pour une durée de quatre ans pour avoir dénoncé sur son blog les

dérives autoritaites du gouvernement et le fonctionnement de l’université sunnite Al-

Azhar (une des plus hautes institutions religieuses du pays). Il a été condamné au titre

«!d’incitation à la haine!de l’islam » et «!insulte!» au président égyptien. Celui-ci avait-il

fait plus qu’user de son droit à la liberté d’expression!? Il est devenu le symbole de la

répression des blogueurs en Egypte.

Méthodes de censure de l’Internet et de l’activisme égyptien

Pour contrôler le cyberespace, une nouvelle loi sur la régulation d’Internet a été adoptée

durant l’été 2006. Elle donne la possibilité aux autorités de «!bloquer, suspendre ou

fermer tout site Internet susceptible de représenter une menace pour la “sécurité

nationale“ ». Depuis début 2007, le gouvernement a renforcé la surveillance de la Toile

pour lutter contre le terrorisme et des officiers sont chargés de veiller au trafic des

informations sur le Web. Comme le rapporte l’IFEX (Echange international de la liberté

d’expression) dans sa fiche «!alerte!» du 30 novembre 2007 concernant l’Egypte, la

«!police de l’Internet!» n’hésite pas à fermer les comptes de certains blogueurs!: «!Le

compte YouTube de Wael Abbas, journaliste et blogueur égyptien qui diffusait des

Anne-Charlotte Chaput 9
Sociologie des médias. Impact de l’écran sur les sociétés.

vidéos montrant la brutalité de la police envers ses suspects, a été suspendu le 21

novembre. Le 29 novembre, son compte e-mail Yahoo! également.!»12 En plus de ces

contrôles opérés sur Internet par cette «!police d’Internet!» dont le nom officiel est le

«!Department of Combat Crimes of Computers and Internet!» (fondée en 2003), des

traques ont lieu dans les cybercafés. La police tente d’imposer l’achat d’une licence aux

propriétaires de cybercafés, ou bien les oblige à demander la carte d’identité des clients.

Voici des mesures peu applicables à la réalité et au fonctionnement du Web, et donc peu

efficaces pour servir leur objectif. Le contrôle des fournisseurs d’accès et des opérateurs

mobiles est une autre méthode, et le fitrage sur Internet en est une autre, dont on n’a pas

vraiment de preuve qu’elle soit suivie4 de façon systématique.

Le cyberactivisme égyptien est reconnu et soutenu par la presse internationale et

certaines ONG

Les meilleurs blogs journalistiques égyptiens sont donc devenus une source alternative

d’information pour les internautes égyptiens qui les suivent de près, mais aussi à

l’international. Parmi les blogs les plus suivis, on trouve celui d’Alaa et Manal, un

couple d’Egyptiens :

«!Nous nous sommes servis de notre blog pour promouvoir l’essor d’un journalisme

citoyen en Egypte. Nous sommes parvenus non seulement à l’encourager, mais aussi à

tisser des liens avec les médias traditionnels, les journaux indépendants et de

l’opposition, qui utilisent désormais des photos et du matériel publiés sur les blogs.

Même la chaîne satellitaire Al Jazeera s’appuie sur les blogueurs, en utilisant les

reportages photos que nous publions sur le Web!»1. Il semble que ce blog ait réussi à

1
Traduction de l’auteur

Anne-Charlotte Chaput 10
Sociologie des médias. Impact de l’écran sur les sociétés.

passer outre la censure du gouvernement. Sans doute ont-ils mis en pratique les

principes d’un guide du blogger et du cyberdissident, le «!Guide pour contourner la

censure de l’Internet, destiné aux citoyens du monde entier!»13.

L’IFEX, un réseau mondial de 71 organisations non gouvernementales qui promeut et

défend la liberté d’expression, a récompensé trois blogs égyptiens depuis 2005!:

• le blog « Manal and Alaa's Bit Bucket »14 , récompensé en novembre 2005

au concours international du meilleur blog administré par la Deutsche Welle15

• le blog de Wael Abbas16, récompensé en septembre 2007 par le prix Knight

du journalisme international

• le blog de Kareem Amer, l’un des cinq champions de la liberté d’expression

récompensés pour la défense de la libre expression organisée par Index on

Censorship en mars 2007.

L’une des campagnes menée par l’Organisation Non Gouvernementale Reporters Sans

Frontières est celle de lutte contre «!les ennemis d’Internet!». Depuis 2006, l’Egypte a

rejoint la liste des pays «!ennemis d’Internet!» en raison des mesures prises à l’encontre

de blogueurs et contraire à la liberté d’expression17.

Autre média alternatif!: Facebook

Cette année, on parle dans la presse d’une génération Facebook en Egypte. Mais surtout,

ce qui fait couler beaucoup d’encre ou occupe le cyberespace ces derniers mois, c’est

l’impact que peut avoir cet outil de communication dans un pays où la liberté

d’expression est régulièrement bafouée et la situation sociale et économique très

difficile. Si les autorités utilisent là encore les moyens traditionnels pour dissuader les

internautes activistes, ils ne pourront pas tous les contenir ni traquer tout le contenu

diffusé sur Internet. Les réseaux sociaux sont en effet plus anonymes, contrairement aux

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Sociologie des médias. Impact de l’écran sur les sociétés.

blogs, dont il était jusqu’à présent plus facile d’identifier les auteurs. On peut créer un

compte sous un autre nom par exemple. Pourtant, une internaute membre du réseau

Facebook, Esraa Abdel-Fattah, a bien été incarcérée le 7 avril 2008 pendant 16 jours

pour avoir fait partie d’un groupe créé sur Facebook intitulé «!6 April: A Nationwide

Strike!», en appel à une manifestation de protestation pacifique contre la hausse des prix

alimentaires. Et Ahmed Maher, un ingénieur de 27 ans, a été battu par la police qui

voulait obtenir les identifiants du compte ayant servi à créer le groupe sur Facebook.

Mais ce qui est important ici, c’est l’ampleur du phénomène!: à la veille de la

manifestation, le groupe appelant à manifester comptait 60 000 membres. Si les

autorités parviennent encore à intercepter des activistes lors de manifestations, ou en

traquant Internet, comment parviendront-ils à tous les arrêter s’ils deviennent plus

nombreux!? De plus, les outils comme Facebook et YouTube permettent de toute façon

de relayer l’information rapidement et facilement. Un reportage publié sur RFI titrait le

5 juin 2008!: «!Seul Facebook peut déclencher une révolution ici!»18. Si l’on peut douter

que Facebook puisse provoquer l’effet d’une révolution, du moins ces «!mouvements

Facebook!» peuvent-ils amener à une plus grande prise de conscience dans la société

civile égyptienne, dans des proportions qui dépassent les seuls cyberactivistes ou même

l’ensemble des internautes, assez peu nombreux sur l’ensemble de la population.

De l’adhésion à un groupe militant sur Facebook, à l’écriture d’un blog et

l’organisation d’actions militantes via Internet, plusieurs degrés de participation

traduisent une volonté de liberté d’expression et une volonté de changement. Il faudra

certainement encore attendre quelques années avant que la censure sur Internet diminue

de manière significative en Egypte, mais ce nouvel espace médiatique et cette volonté

de communication participative conduiront nécessairement à des évolutions ou de

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Sociologie des médias. Impact de l’écran sur les sociétés.

nouveaux compromis de la part du gouvernement, qui ne pourra pas aller à l’encontre

d’un mouvement social planétaire qui dépasse les limites de l’Egypte!et qui se joue sur

le réseau mondial.

1
Web2.0 Summit [site Web]. Consulté le 25 juin 2008.

http://en.oreilly.com/web2008/public/content/home

2
Fiche Egypte sur le site CIA - The World Factbook. Consulté le 25 juin 2008.

https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/eg.html

3
Campagne « Ennemis d’Internet », fiche Egypte sur le site Reporters Sans

Frontières. Consulté le 25 juin 2008.

http://www.rsf.org/article.php3?id_article=26108&Valider=OK

4
Rapport publié par l’OpenNet Initiative, profil pays Egypte sur le site OpenNet

Initiative. Consulté le 25 juin 2008.

http://opennet.net/research/profiles/egypt

5
Egypte, Ministère de la Communication et de la Technologie (2008, 8 juin). « Access

for all » sur le site Ministry of Communications and Technology. Consulté le 25 juin

2008.

http://www.mcit.gov.eg/ict_access.aspx#Mobile

6
Page du réseau Egypte sur Facebook sur le site Facebook. Consulté le 25 juin 2008.

http://www.facebook.com/networks/67109239/Egypt/

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Sociologie des médias. Impact de l’écran sur les sociétés.

7
Sherif Mansour (2008, 4 juin). « What Facebook means for Egypt », sur le site

courant.com. Consulté le 25 juin 2008.

http://www.courant.com/news/opinion/editorials/hc-

mansour0604.artjun04,0,4807456.story

8
Modawwanat [site Web]. Consulté le 25 juin 2008.

http://www.modawwanat.com/

9
Omraneya, « Egyptian Blogs Aggregator » [site Web]. Consulté le 25 juin 2008.

http://www.omraneya.net

10
Address of H.E. Mr. Muhammad Husni Mubarak, president of the Arab Republic of

Egypt, at The World Summit on the Information Society (WSIS), Geneva, December

10, 2003. Consulté le 25 juin 2008.

http://www.itu.int/wsis/geneva/coverage/statements/egypt/eg.html

11
Egypte – Rapport annuel 2007 RSF sur le site Reporters Sans Frontières. Consulté

le 25 juin 2008.

http://www.rsf.org/une_pays-34.php3?id_mot=52

12
Alert du 30 novembre 2007, profil pays : Egypte sur le site IFEX. Consulté le 25 juin

2008.

http://www.campaigns.ifex.org/820fr/content/view/full/88114/

13
A Civisec Project, The Citizen Lab, University of Toronto (septembre 2007).

« Everyone’s guide toby-passing Internet censorship for citizens worldwide ».

http://deibert.citizenlab.org/Circ_guide.pdf

14
« Manal and Alaa's Bit Bucket » [site Web]. Consulté le 25 juin 2008.

Anne-Charlotte Chaput 14
Sociologie des médias. Impact de l’écran sur les sociétés.

http://www.manalaa.net/

15
http://www.thebobs.de/thebobs05/bob.php?language=fr

16
« La conscience égyptienne ». [site Web]. Consulté le 25 juin 2008.

http://misrdigital.blogspirit.com/

17
« Wael Abbas, cyberactiviste ». [site Web]. Consulté le 25 juin 2008.

http://magalif.info/articles/2006/11/19/wael-abbas-cyberacti/

18
Égypte : « Seul Facebook peut déclencher une révolution ici » (5 juin 2008) sur le

site RFI - Web-émission participative pour la communauté des nouveaux médias.

Consulté le 25 juin 2008.

http://atelier.ning.com/profiles/blog/show?id=1189413:BlogPost:26429

Anne-Charlotte Chaput 15

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