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Antoine et le Nouveau Monde, tome 2: La croisade des gnomes
Antoine et le Nouveau Monde, tome 2: La croisade des gnomes
Antoine et le Nouveau Monde, tome 2: La croisade des gnomes
Ebook260 pages3 hours

Antoine et le Nouveau Monde, tome 2: La croisade des gnomes

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About this ebook

Suivez Antoine et les gnomes dans une nouvelle et palpitante aventure!

Mai 1535. Antoine et son fidèle ami Marco, un gnome de 75 ans, se joignent au nouveau voyage de Jacques Cartier à bord de La Grande Hermine pour une autre extraordinaire traversée de l’Atlantique. Antoine se lance tête baissée dans cette formidable épopée pour aider ses précieux compagnons; ils sont 300 gnomes à monter clandestinement sur le bateau!

Cette aventure conduira le jeune garçon et ses amis devant de nombreux dangers : brigands, gnorks et intempéries en mer souderont à jamais l’amitié entre eux. Réussiront-ils à surmonter tous les obstacles sur leur route? Jacques Cartier reconnaîtra-t-il enfin la présence des forces invisibles?
LanguageFrançais
Release dateFeb 22, 2017
ISBN9782897582623
Antoine et le Nouveau Monde, tome 2: La croisade des gnomes
Author

François Lachance

François Lachance est passionné d’histoire et de mythologie. Il réside à Gatineau et il est, dans ses «temps libres», fonctionnaire au gouvernement fédéral. Antoine et le Nouveau Monde est sa première série jeunesse.

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    Antoine et le Nouveau Monde, tome 2 - François Lachance

    associé.

    CHAPITRE I

    Les retrouvailles

    Le 5 mai 1535 était un petit matin comme un autre, ou du moins Antoine Duguay l’avait-il pensé jusqu’alors. Le jeune homme crut d’abord rêver en l’apercevant, comme cela lui était si souvent arrivé depuis son retour de voyage. Il avait la ferme conviction qu’il n’était pas réel, si bien qu’une minute entière s’écoula avant qu’il ne réalise qu’il était bien éveillé. L’adolescent avait pourtant côtoyé ce minuscule être de quinze centimètres de haut et trois autres de ses semblables pendant une demi-année. Le gnome était bel et bien dans sa chambre, en chair et en os, et fixait Antoine sans relâche. Ses petites billes étaient embuées par l’émotion de le revoir.

    «Je commençais à croire qu’ils n’étaient que le fruit de mon imagination», pensa le jeune matelot tout en réalisant que huit mois s’étaient écoulés sans qu’il en voie un seul.

    — Antoine? prononça d’une voix claire l’être minuscule dans l’espoir que le garçon réagisse.

    — Marco? répondit Antoine en reprenant ses esprits pour être bien certain qu’il ne rêvait pas.

    Le visage du gnome rayonna d’un large sourire, soulagé que son ami ne l’ait pas effacé de sa mémoire.

    — Pourquoi es-tu parti sans même me dire au revoir?

    Cette question se voulait accusatrice, car Antoine, maintenant âgé de treize ans, en avait voulu au gnome de soixante-quinze ans d’être parti subitement pour aussi longtemps.

    — Je t’expliquerai plus tard, mais il y a plus urgent pour le moment, se contenta de répondre Marco. Taignoagny et Domagaya ont refusé de se soumettre à l’autorité absolue de celui des vôtres que l’on nomme François Ier et que l’on désigne également comme le roi de France, je crois. Les hommes peuvent être si cruels envers leurs semblables…

    À ces mots, les yeux du jeune gnome s’emplirent de larmes.

    Le sentiment d’abandon qu’avait ressenti jusque-là Antoine fit aussitôt place à de la compassion. Il fallait plonger son regard dans celui d’un être gnomique pour comprendre. C’était une expérience unique. Leurs yeux constituaient le reflet de leur âme, pure et noble. Il n’y avait ni mensonge ni hypocrisie, tout n’était que vérité et authenticité. Ces créatures lilliputiennes avaient face à la vie la candeur d’un enfant tout en possédant trois fois l’expérience d’un homme adulte. Si les animaux leur vouaient d’ailleurs un respect sans borne, c’était non seulement parce que les gnomes avaient appris à communiquer avec eux depuis les temps immémoriaux, mais aussi parce qu’ils se dévouaient totalement à l’équilibre de la vie. Ces êtres considéraient en effet comme leur devoir de rendre hommage, tout au long de leur existence, aux forces vitales de la terre sous toutes leurs formes. C’est ce qui les rendait si étrangers à l’envie et à la mesquinerie, et si différents des hommes.

    — À qui parles-tu, Antoine? entendirent-ils soudainement en provenance de la cuisine.

    C’était Marie-Louise, la mère du jeune Malouin.

    Antoine fit signe à Marco de demeurer silencieux, puis se redressa dans son lit. C’est alors que l’adolescent aperçut un autre gnome à l’extrémité de sa chambre, immobile et silencieux. La créature inconnue, qui s’avança aux côtés de Marco après que celui-ci eut insisté en lui faisant un signe de la main, fut saisie de stupeur en comprenant qu’elle était visible aux yeux d’Antoine. Marco fut tout aussi surpris.

    «Il doit être âgé de seulement cinquante ou soixante ans», songea Antoine en se fiant aux quelques poils qu’il avait au menton.

    Il était, de fait, plus petit de deux ou trois centimètres que Marco. Il était également un peu plus dodu que celui-ci et moins physique aussi, comme le laissait suggérer sa démarche pataude. Chacun de ses gestes semblait maladroit, comme si les membres de son corps étaient mal coordonnés. Fébrile, il regardait Antoine bouche bée comme s’il s’agissait d’une légende vivante. Dès que les yeux d’Antoine croisèrent ceux de l’inconnu, celui-ci détourna le regard.

    — Comment s’appelle ton compagnon? demanda Antoine à Marco à voix basse tout en affichant un air bienveillant à l’endroit du nouveau venu.

    — Bjonk… Seulement Bjonk de Saint-Malo, car il n’est pas encore passé devant le Grand Conseil pour obtenir son second nom. Il n’a que soixante ans.

    — Je suis enchanté de faire ta connaissance, Bjonk, dit Antoine en regardant cette fois directement le jeune gnome.

    Celui-ci hocha à peine la tête et resta muet tant il était intimidé qu’Antoine lui adresse la parole.

    — Je suis désolé, mais le temps presse, intervint Marco sur un ton alarmiste.

    — Suivez-moi! laissa tomber Antoine qui préférait ne pas rester trop longtemps en présence des deux gnomes à proximité de sa mère. Il sortit de sa chambre l’instant d’après, les deux gnomes à ses trousses, puis traversa la salle commune en direction de la porte menant à l’extérieur. Une grande table en chêne y avait été placée de façon permanente, juste à côté d’un large âtre en pierres taillées. Même s’il passa très discrètement devant la cuisine, sa mère l’entendit et réagit aussitôt:

    — Où vas-tu encore? demanda-t-elle, habituée à ses sorties à l’improviste à toute heure de la journée.

    Antoine aimait se rendre soit au port, particulièrement au Gosier malouin afin d’écouter les mille et un récits des marins et explorateurs de passage.

    — Je m’en vais rendre visite au commandant Cartier, répondit Antoine le plus simplement du monde.

    Pourquoi aurait-il menti à sa mère? Elle ne connaissait pas, après tout, la raison de sa visite et il aurait bien le temps d’inventer quelque chose d’ici son retour.

    — As-tu vu le temps qu’il fait dehors? protesta Marie-Louise pour tenter de le retenir. Et puis, ça peut sûrement attendre… Il n’est que huit heures et tu n’as rien mangé!

    Antoine était déjà parti. Elle n’eut même pas le temps de l’avertir que Jacques Cartier avait quitté Saint-Malo à peine deux jours auparavant en direction de la ville de Paris pour aller rencontrer le roi de France. Marie-Louise l’avait elle-même appris la veille en se rendant au marché tandis que la nouvelle était sur toutes les lèvres: un navigateur malouin, d’origine modeste par surcroît, rencontrant le roi en personne… Quelle fierté pour la ville!

    Une fois à l’extérieur, le jeune Duguay s’empressa d’enfiler son pardessus de laine qu’il avait saisi au passage. Sa mère avait bien raison, le temps était exécrable. Tout paraissait gris. Il faisait froid et humide. Une bruine glaciale tombait en continu, mouillant tout ce qui se trouvait dehors.

    — Allons voir le commandant Cartier, réitéra Antoine pour confirmer à Marco qu’il avait bien l’intention de l’aider.

    L’adolescent considéra le silence de son ami comme une forme d’approbation et s’élança aussitôt, entraînant à sa suite les deux petits êtres tout droit sortis d’un conte. Ces derniers eurent peine à le suivre, car Antoine marchait à toute vitesse pour éviter de s’exposer à la pluie.

    Marco était vivement ému, non seulement de revoir son ami, mais d’obtenir son appui aussi rapidement. Cela confirmait qu’il pouvait toujours compter sur Antoine, tout comme il avait la conviction, depuis leur toute première rencontre, que les hommes n’étaient pas tous assoiffés de pouvoir et de richesse. Ce n’était d’ailleurs pas par hasard qu’il avait appris la menace qui pesait sur les deux fils du chef iroquoien Donnacona, car depuis son retour d’Amérique, il n’avait cessé de s’intéresser aux affaires des hommes. Tout particulièrement ceux qu’il avait côtoyés lors de son voyage en mer. C’était devenu presque une obsession. Au cours des huit mois qui s’étaient écoulés depuis son retour, Marco le Téméraire de Saint-Malo avait suivi le destin de chacun des soixante membres d’équipage qu’il avait côtoyés à leur insu. Ces hommes étaient-ils fondamentalement bons ou mauvais? Antoine était-il l’exception? Marco devait le savoir! La tâche fut ardue et l’amena à se déplacer constamment et même à participer à plus d’une excursion de pêche en mer, fort heureusement beaucoup plus courtes que le long voyage qui l’avait mené au Nouveau Monde. Évidemment, ce ne fut qu’une question de temps avant que ses activités mystérieuses ne viennent aux oreilles des autres gnomes de Saint-Malo, ce qui créa une véritable onde de choc dans toute l’Europe et même au-delà. C’est ce qui amena Marco à comparaître une seconde fois en l’espace d’une année devant le Grand Conseil des gnomes, une première pour un gnome qui n’était titulaire d’aucune fonction officielle. Les sages membres du Conseil, fidèles aux traditions gnomiques, l’écoutèrent sans le juger en faisant preuve d’ouverture pour tenter de le comprendre. Ils furent attentifs à son récit. Si les sages ne purent s’empêcher de s’émouvoir devant la profonde amitié entre Marco et Antoine, ils entretinrent néanmoins du scepticisme face à son espoir de trouver du bon dans les hommes d’ici ou d’ailleurs. C’est ainsi que la présidente, Okoum, rendit la décision du Conseil après de brèves délibérations. Marco était mandaté pour solliciter l’aide d’Antoine afin d’empêcher la mise à mort de Taignoagny et Domagaya et leur permettre de retourner vivre parmi les leurs sur leur terre natale.

    Aux côtés de Marco, Bjonk parvenait tant bien que mal à suivre le rythme effréné de leur progression le long des étroites ruelles de la ville. Il n’avait d’yeux que pour Antoine, celui-ci étant devenu célèbre parmi les gnomes. Tous, au sein de la vaste communauté gnomique de l’Europe jusqu’en Orient, connaissaient maintenant le périple du jeune Malouin, son intervention, au péril de sa propre vie, pour tirer Valk des griffes d’un carcajou, et son courage devant les gnorks.

    «Il a l’âme d’un gnome», disaient certains.

    «C’est lui, l’élu», avançaient d’autres.

    Les plus âgés prétendaient même que le rôle joué par Antoine jusqu’alors correspondait à un présage énigmatique des récits des Anciens:

    «Un homme aux yeux perçants viendra. Pourvu de peu d’expérience en apparence, mais d’une profonde sagesse, il jouera un rôle décisif qui scellera l’issue de la confrontation ultime entre le Bien et le Mal.»

    Antoine s’arrêta subitement, fit volte-face et s’accroupit en affichant un large sourire à l’intention des deux personnages fantastiques.

    — Nous y voilà, c’est juste ici, déclara-t-il en tournant la tête en direction d’une porte.

    Si la maison témoignait de l’aisance certaine de son occupant, elle ne démontrait aucun signe de richesse exceptionnelle. Sa façade était certes en pierres de taille comme les nombreuses résidences qui l’entouraient; ses dimensions et ornements étaient toutefois plutôt simples. L’habitation ressemblait à toutes les autres du quartier où se côtoyaient, pour la plupart, des artisans et des commerçants. Personne n’aurait pu dire que celui qui y vivait deviendrait l’un des plus célèbres navigateurs de son époque.

    — Restez près de moi, avertit le jeune Duguay en s’approchant de la massive porte en bois.

    Il frappa timidement, à la fois gêné de se présenter à nouveau devant cet important personnage qu’il n’avait pas revu une seule fois depuis son retour et embêté quant à ce qu’il s’apprêtait à lui dire. Devant l’absence de réponse, il signala de nouveau sa présence, mais avec plus de conviction cette fois. Toujours rien. Antoine se déplaça pour regarder au travers de la fenêtre sans voir âme qui vive. Il revint devant la porte, hésita et regarda autour de lui: il était seul. Ses deux compagnons avaient disparu.

    Quelques minutes s’écoulèrent pendant lesquelles Antoine, perplexe, se demanda quoi faire. Un cliquetis se fit soudainement entendre et la porte s’ouvrit.

    — Que faites-vous là? Vous n’avez pas le droit! Si on m’aperçoit, je risque d’être accusé de vol! protesta Antoine en reconnaissant ses deux compères. Et comment avez-vous fait?

    Antoine en eut une vague idée en apercevant une corde suspendue depuis le loquet de la porte.

    Les deux êtres gnomiques furent estomaqués de la réaction de cet humain. Marco, qui avait si souvent observé les êtres humains et leurs étranges comportements, improvisa une explication pour Antoine:

    — Pour nous les gnomes, ce que vous les humains appelez le vol n’existe pas. L’idée même qu’un individu puisse posséder quelque chose sans le partager avec ses semblables est absurde. Ces étranges objets que sont les serrures, les cadenas et les clés sont pour nous inutiles.

    Le jeune homme s’infiltra finalement dans la maison, non sans hésitation, en jetant un dernier coup d’œil derrière lui pour s’assurer que personne ne le voyait.

    — Commandant? appela Antoine aussitôt après être entré.

    Il ne désirait certainement pas être surpris à s’introduire dans la demeure du navigateur de renom, mais il devait le retrouver dès que possible et tous les moyens étaient bons pour y parvenir.

    La place était déserte. Rien ne mijotait sur le feu. Aucun bruit ne se faisait entendre, pas même le moindre craquement de plancher.

    — Mais où allez-vous? questionna Antoine du seuil de la porte où il se tenait, son inquiétude grandissant de voir ses amis se faufiler à l’intérieur.

    — Nous avons obtenu le peu de ce que nous savons d’une chouette qui était de passage dans la ville de Paris il y a quelques jours, répondit Marco tout en fouillant à gauche et à droite. Les conséquences seront tragiques si nous tardons à agir… J’espérais que tu puisses convaincre le commandant Cartier d’intervenir en faveur de Taignoagny et Domagaya. C’est lui qui les a ramenés du Nouveau Monde. Peut-être en sait-il davantage sur la menace qui pèse sur eux… Essayons de trouver quelques indices!

    Autant Bjonk qu’Antoine furent sidérés de constater à quel point Marco semblait envahi par l’urgence d’agir. Ce dernier parlait à toute vitesse et effectuait une série de gestes nerveux.

    — Je vais aller visiter les combles, déclara Antoine. Que l’un d’entre vous regarde par la fenêtre et nous avise dès que le commandant apparaîtra au bout de la ruelle.

    Cette seule déclaration d’Antoine, sur un ton de résignation, fit pourtant rayonner son ami haut comme trois pommes. Celui-ci s’exécuta immédiatement dans la perspective de repartir le plus rapidement possible et monta deux par deux les marches de l’escalier étroit situé dans l’un des coins de l’habitation. Parvenu en haut, ses yeux durent s’habituer à la semi-obscurité de l’étage seulement éclairé par deux petites lucarnes. Il s’y trouvait de petites chambres séparées par des cloisons. Le regard de Marco fut immédiatement attiré par la plus proche d’entre elles, où un bureau avait été aménagé. Les murs tapissés de multiples cartes et le plancher couvert de plusieurs instruments de navigation rappelaient étrangement l’intérieur de la cabine de Cartier à bord du Triton. Antoine, qui lui avait emboîté le pas, s’y engouffra avec empressement et se dirigea tout droit vers le pupitre sur lequel reposait une liasse de documents. Il commença à les feuilleter, mais n’y trouva que des documents pêle-mêle sans intérêt, principalement de la correspondance de nobles et de gens haut placés félicitant Cartier pour son périple de l’année précédente ou concernant l’achat de marchandises. Puis il tomba sur une lettre, différente celle-là, placée complètement en dessous de la pile, comme pour la dissimuler.

    Curieux, le jeune homme remarqua dès le premier coup d’œil que la missive portait le sceau royal, étampé tout en bas, ainsi que la signature de l’amiral de France Philippe Chabot, premier conseiller du roi dans les affaires maritimes et militaires. La lettre était datée du 31 octobre 1534. Elle commençait par d’interminables formules de politesse à peine compréhensibles. Puis il repéra enfin ce qui constituait l’essentiel du message:

    «… j’ai l’honneur de vous annoncer que votre requête d’aller explorer les terres situées au-delà de l’Atlantique a été approuvée par le roi François Ier. Par décret royal, trois vaisseaux vous seront confiés ainsi qu’un équipage de 110 hommes et des vivres pour 18 mois afin de poursuivre la recherche d’une voie navigable jusqu’aux Indes en vue de découvrir tout l’or et toutes les richesses possibles en pénétrant cette fois à l’intérieur du Nouveau Continent. Pour célébrer votre entreprise et vous accorder sa bonne grâce, le roi souhaite vous rencontrer peu avant votre départ, lequel est souhaité pendant la seconde portion du mois de mai 1535.»

    Antoine ressentit une vague d’indignation en repensant à ce que lui avait révélé Marco. Cartier était vraisemblablement déjà parti pour Paris afin d’y rencontrer le souverain. Aveuglés par l’obsession d’accumuler toujours plus de richesses, les dirigeants politiques et militaires avaient sans doute appris ce qu’ils voulaient des deux fils de Donnacona, si bien que ceux-ci ne reverraient probablement jamais leur terre natale.

    Antoine fut paralysé d’effroi en se demandant ce que les gnomes attendaient de lui, cette fois. Que pouvait-il bien faire, lui, contre le roi de France et les nobles dignitaires membres de sa cour?

    «Marco ne peut comprendre. Non, les gnomes ne le peuvent pas. Il s’agit du roi de France, l’homme le plus puissant sur terre. Comment est-ce que moi, un simple fils de pêcheur, je pourrais faire quoi que ce soit contre les décisions du roi?… Et quand bien même je le voudrais, je ne pourrai jamais même lui adresser la parole», s’inquiéta Antoine.

    Pétrifié, Antoine souhaitait ne jamais devoir sortir de la petite pièce tant il était honteux de devoir dire aux gnomes qu’il ne pourrait rien faire pour les aider cette fois.

    CHAPITRE II

    Le doute

    Bjonk et Marco coururent à en perdre haleine pour ne pas être semés par Antoine lorsqu’il se rua hors de la résidence du navigateur et s’élança à vive allure sans même regarder derrière lui.

    «Il a dû apercevoir le commandant Cartier par l’une des deux lucarnes hexagonales du haut», songea son minuscule compagnon.

    Si la pluie diminua graduellement jusqu’à cesser complètement, il n’en fut rien de l’élan du jeune humain, dont le rythme ne commença à fléchir que longtemps après qu’il eut perdu de vue la maison du commandant. Non seulement Marco perdait constamment du terrain, mais Bjonk était déjà loin derrière. Ce n’est qu’une fois parvenu dans une sombre ruelle qu’Antoine s’arrêta et se retourna vers Marco. C’était la ruelle où ils s’étaient rencontrés pour la toute première fois, l’année précédente.

    Marco fut saisi de stupeur en notant à quel point la peur envahissait le visage de son compagnon. Il comprit aussitôt que quelque chose n’allait pas.

    «C’est la peur des hommes, pensa Marco, celle-là même qui leur fait oublier la naïveté de leur enfance. Cette même peur qui ne cesse de grandir sous des apparences d’orgueil, d’envie et de méchanceté et amène les hommes à craindre et mépriser tout ce qui les entoure, même leurs propres semblables.»

    Bjonk, qui avait finalement réussi à les rejoindre, s’immobilisa à son tour.

    Antoine eut du mal à retrouver son souffle tant il semblait inquiet. Au bout d’un moment, il déclara:

    — Je… je ne peux rien faire pour vous aider. J’ai trouvé une lettre portant le sceau royal… C’est le roi de France qui a décidé que Jacques Cartier effectuerait un nouveau voyage à la mi-mai. C’est le souverain de tout le pays, il a droit de vie et de mort sur tous les citoyens. Vous comprenez? C’est encore lui qui décidera du sort réservé à Taignoagny et Domagaya. Il est considéré comme le représentant de Dieu sur terre, vous comprenez? insista à nouveau Antoine. Je ne

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