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L’Abhidharmasamuccaya d’Asana
L’Abhidharmasamuccaya d’Asana
L’Abhidharmasamuccaya d’Asana
Ebook272 pages9 hours

L’Abhidharmasamuccaya d’Asana

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L'Abhidharmasamuccaya appartient à la tradition plus récente du bouddhisme. Le bouddhisme ancien est connu sous le nom de Theravada ou Hinayana, et le bouddhisme plus récent, sous celui de Mahayana. Le Mahayana est divisé en deux écoles : le Madhyamaka (école de la voie du milieu) et le Yogacara (les pratiquants de yoga). Dans ce contexte-ci, le terme yoga n'a pas grand-chose à voir avec la dextérité physique votre capacité à contorsionner vos bras ou à remuer les orteils par exemple mais fait référence à l'apprentissage correct de la méditation, comment se relier à son esprit, et comment comprendre les états mentaux dont on fait l'expérience au cours de la méditation. L'Abhidharmasamuccaya présente une structure globale de tout cela.L'espritL'Evolution de la ConscienceLes Trois Principes Constitutifs de la RéalitéLes Preuves Fournies par le Yogacara Concernant l'Evolution de la ConscienceLes Cinq SkandhasLes Vérités Relative et AbsolueLes Quatre Facteurs de l'Existence FondamentaleLES EVENEMENTS MENTAUXCinq Evènements Mentaux OmniprésentsCinq Evènements Mentaux Déterminateurs de l'ObjetOnze Facteurs Mentaux SainsSix Facteurs Mentaux MalsainsLA VOIE ET LA REALISATIONLes Cinq Chemins
LanguageEnglish
Release dateMar 25, 2020
ISBN9780648686323
L’Abhidharmasamuccaya d’Asana

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    L’Abhidharmasamuccaya d’Asana - Traleg Kyabgon

    L’ESPRIT

    L’Evolution de la Conscience

    L’Abhidharmasamuccaya appartient à la tradition plus récente du bouddhisme. Le bouddhisme ancien est connu sous le nom de Theravada ou Hinayana, et le bouddhisme plus récent, sous celui de Mahayana. Le Mahayana est divisé en deux écoles : le Madhyamaka (école de la voie du milieu) et le Yogacara (les pratiquants de yoga). Dans ce contexte-ci, le terme yoga n’a pas grand-chose à voir avec la dextérité physique – votre capacité à contorsionner vos bras ou à remuer les orteils par exemple– mais fait référence à l’apprentissage correct de la méditation, comment se relier à son esprit, et comment comprendre les états mentaux dont on fait l’expérience au cours de la méditation. L’Abhidharmasamuccaya présente une structure globale de tout cela.

    Le fondateur du Yogacara est Asanga. Comme c’est souvent le cas, il est très difficile de saisir ou de comprendre vraiment ce qu’était Asanga lui-même, et quels évènements se sont produits durant son existence, car il a vécu aux alentours du 5ème siècle de notre ère, un contexte où les faits historiques semblent être secondaires. Beaucoup de mythes et de légendes entourent ceux qui ont vécu à une période aussi reculée. Ayant fait abstraction de tout cela cependant, voyons en quoi consiste l’Abhidharmasamuccaya lui-même. Asanga a composé un grand nombre de textes, et parmi eux, l’Abhidharmasamuccaya occupe une place prépondérante. C’est l’un de ses travaux les plus importants, qui possède une orientation tout-à-fait psychologique. C’est un ouvrage qui fournit au pratiquant la structure et le modèle global lui permettant de s’engager sur la voie, d’effectuer son évolution, et finalement d’atteindre l’Eveil.

    Plutôt que d’entrer dans les détails au sujet de l’Abhidharmasamuccaya – ce qui ne ferait que vous embrouiller au lieu de vous éclairer – nous nous concentrerons sur les concepts de base qui sont indispensables pour comprendre les principaux points de la psychologie et de la philosophie du Yogacara. La philosophie du Yogacara accorde plus d’attention à la pratique qu’aux activités intellectuelles. En même temps, elle fournit des explications d’ordre psychologique sur notre manière de fonctionner, d’exister et de nous relier au monde, et ainsi de suite.

    Les deux notions les plus importantes que l’on associe à la pratique du Yogacara, sont l’atman et le dharma. L’atman, dans le cas présent, n’est pas la notion hindoue d’âme, et dharma ne fait pas référence aux textes bouddhiques ou au bouddhisme. Dans un contexte bouddhique, dharma signifie loi. Dans un contexte hindou, dharma signifie le mode de vie juste, ou la conduite juste, ou quelque chose de ce genre. La manière correcte de traiter sa femme ou son mari, est dharma. Mais ici, ce que l’on appelle dharma, c’est ce dont nous faisons l’expérience. Il peut s’agir d’un objet externe ou bien de notre propre état mental. Nous faisons l’expérience de la douleur, d’un mal de dents, d’une crampe à l’estomac. Tous sont des exemples de dharmas. D’un autre côté, tout ce qui se rapporte à l’aspect subjectif de notre existence ou à notre expérience, est atman. On pourrait dire que dharma est objectivité et atman subjectivité. Ce sont les deux aspects d’une même situation.

    La philosophie du Yogacara ose affirmer que la subjectivité et l’objectivité sont toutes deux, des transformations de la conscience. Ce dont on fait l’expérience, ainsi que l’expérience elle-même, ne sont que des transformations de notre propre conscience, et il n’y a rien qui aille au-delà. Il n’y a rien au-delà de l’expérience, auquel on puisse avoir accès. Nous verrons pourquoi plus loin. Comment le Yogacara essaie-t-il d’expliquer cela ? Quel genre de justification est-ce que les les philosophes yogacarins proposent ?

    Le Substrat de Conscience

    Selon le Yogacara, la conscience possède trois niveaux. Le premier niveau s’appelle le substrat de conscience (sanskrit : alayavijnana). Alaya signifie la base, le socle, ou le substrat ; vijnana signifie la conscience. On traduit parfois ce terme par « conscience-entrepôt ». Le professeur Jeffrey Hopkins le traduit par « la base de tout. » Je ne cherche pas à être pédant ici. Si vous avez une préférence pour l’expression « substrat de conscience, » ou « base de tout, » ou encore « conscience entrepôt, » c’est parfait ; il n’y a aucun problème là-dessus.

    Tous nos processus mentaux dépendent du substrat de conscience. Tout en provient et tout s’y dissout. On pourrait presque en parler comme une sorte d’inconscient qui serait opposé et complémentaire à l’état conscient de l’esprit, mais l’appeler l’inconscient est problématique. Sigmund Freud disait qu’il existait un état inconscient. D’autres ont affirmé que tous nos processus inconscients proviennent, en fait de nos propres décisions, du fait que nous n’aimons pas certaines choses et donc que nous faisons le choix de ne pas en être conscient, ce qui est en soi un acte conscient. Je pense que l’on pourrait dire la même chose ici.

    Il y a une raison pour laquelle les philosophes yogacarins ont introduit la notion de substrat de conscience. Les enseignements bouddhiques sont normalement qualifiés d’anatmavadin,¹ c’est-à-dire : appartenant à l’école ou à la tradition du non-soi. La plupart des écoles bouddhiques ont totalement abandonné la notion d’une âme ou d’un soi, mais les yogacarins pensaient que cela n’était pas conforme à l’expérience que nous avons de nous-mêmes. On peut affirmer n’être fait de rien d’autre que de constituants physiques, de processus de pensée, et de perceptions, le tout mélangé ensemble sans aucun soi ou aucune âme pour unifier cet amalgame, mais les philosophes yogacarins trouvaient que cette approche ne pouvait pas fournir une explication acceptable au problème posé par l’identité personnelle.

    Nous pensons que la personne qui a mangé ses céréales le matin est la même qui va se coucher le soir venu. Nous ne pensons pas que la personne qui a mangé des céréales le matin, soit quelqu’un de différent de la personne qui va se coucher le soir. Nos processus de pensée suivent un schéma temporel. Les pensées s’élèvent puis disparaissent, les perceptions se produisent et cessent, mais il y a une sorte de processus unificateur qui fait que nous demeurons conscients d’être toujours la même personne. Pour cette raison, disent les yogacarins, on peut dire qu’il y a un état de conscience fondamental qui perdure au–delà de toute activité mentale.

    Il y a également le problème – si on veut le voir comme tel – de savoir ce qui se passe lorsque nous mourons. Si nous croyons en la réincarnation, il doit y avoir quelque chose comme un principe de base qui survit et renait. Les yogacarins disent que nous ne pouvons pas nous réincarner en l’absence d’un principe de base tel que l’alayavijnana ou substrat de conscience, qui nous permette de renaître. Nous sommes obligés d’accepter l’existence d’un substrat de conscience pour pouvoir expliquer le processus de réincarnation, l’existence de la mémoire, l’identité personnelle, et ainsi de suite, de manière satisfaisante. Postuler l’existence d’un tel substrat n’est donc pas quelque chose auquel on est arrivé arbitrairement.

    La Mentation Egocentrique

    Les Yogacarins ont également tenté de fournir une description de l’évolution de la conscience. Ils pensaient que, dans l’ensemble, notre processus conscient était évolutif dans le sens où tout débute à un niveau primitif et frustre, à partir duquel se développent des états d’esprit de plus en plus complexes. Il y a le substrat fondamental de conscience, et sur cette base se produit une transformation. On l’appelle manovijnana en sanskrit, ce que l’on pourrait traduire par mentation égocentrique. Nous savons tous ce qu’égocentrique veut dire, tandis que mentation vient du latin et signifie : acte de l’esprit. Donc mentation égocentrique signifie : les actes égocentriques de l’esprit.

    Une autre évolution se produit au stade de ce deuxième niveau de conscience. L’alayavijnana commence à se diviser en deux parties : l’aspect réflexif de la conscience (manovijnana) et ce sur quoi la conscience réfléchit.² C’est à ce niveau-ci que les deux aspects de la conscience se développent. La plupart de nos activités égocentriques se situent à ce deuxième niveau, et les yogacarins parlent de trois notions spécifiques qui sont associées à cet état mental.

    En premier lieu, c’est au deuxième niveau de conscience que l’on génère la croyance en l’existence d’une âme ou d’un soi, car c’est ce niveau-là qui prend par erreur le substrat de conscience pour son âme ou son soi. En second lieu, l’arrogance est associée à ce deuxième niveau de conscience, parce que c’est là que l’orgueil, sous la forme de pensées où nous nous félicitons d’être formidables ou formidables, se produisent. Y sont incluses également les pensées concernant à quel point nous sommes horribles ou mauvais, car il s’agit là aussi d’une forme d’arrogance. En troisième lieu, notre préoccupation excessive avec nous-mêmes en fait aussi partie, parce que nous ne pouvons pas nous tourner vers quoi que ce soit sans avoir à nous utiliser nous-mêmes comme point de référence. Tout cela se produit au cours de la majeure partie de nos activités, car quoi que nous fassions, nous le faisons toujours par référence à nous-mêmes.

    La Conscience Empirique

    Un troisième et dernier niveau de conscience se développe lorsque nous activons les six organes des sens. Nous possédons les cinq organes sensoriels des yeux, du nez, des oreilles, de la langue, et du toucher, avec lesquels nous sommes familiers dans les traditions occidentales, mais dans le contexte bouddhique on admet un sixième organe : l’esprit empirique ou intellectuel. Les six domaines sensoriels se développent à ce troisième niveau de conscience. C’est le dernier stade du déploiement complet de la conscience, et on le nomme en sanskrit, pravrttivijnana, que l’on peut traduire par conscience empirique.

    Avec la complétion de ce processus, la conscience est pleinement déployée et toutes sortes de névroses et d’instabilités émotionnelles s’y développent à cause de fixations dualistes. Nous croyons qu’il y a un objet là-bas à l’extérieur, et un sujet ici à l’intérieur, et nous commençons à réagir de telle façon que nous créons toutes sortes de tendances névrotiques, ce que les yogacarins appellent les vasanas ou traces et dispositions.

    La plupart de nos interactions avec le monde dépendent, en dernier ressort, des interactions entre le troisième niveau de conscience (pravrttivijnana) qui consiste en les six organes et les six domaines sensoriels, et le substrat de conscience (alayavijnana) qui être notre niveau relativement inconscient. Toute information reçue par le troisième stade de conscience est ensuite filtrée au niveau de notre mentation égocentrique (manovijnana), avant d’être enregistrée dans le substrat de conscience. La mentation égocentrique est le lieu où tout est édité et placé dans une perspective appropriée, avant d’être entré dans la mémoire inconsciente du substrat de conscience.

    Lorsque nos sens sont stimulés par un objet sensoriel (alambana) quelconque, cette information est transportée au deuxième niveau de conscience, où elle est éditée avant d’être entrée dans le substrat de conscience. Cette procédure dépose des traces et dispositions sur le substrat de conscience, et celles-ci à leur tour nous obligent à agir de telle ou telle manière. La procédure toute entière devient un schéma habituel. Nous agissons de telle ou telle façon, et ceci dépose des traces et dispositions dans notre substrat, ce qui en contrepartie renforce notre compulsion à agir de telle ou telle autre façon. Nous continuons ainsi indéfiniment, et c’est ce que l’on appelle le samsara, ou répétitions cycliques. C’est un état de servitude dans le sens où nous sommes dans une confusion totale. Dans la terminologie chrétienne, on pourrait appeler cela : l’état de damnation.

    Même si l’on conçoit le substrat de conscience en tant que principe qui perdure, il n’est pas éternel. Il n’est pas comme l’âme qui existe éternellement, car le substrat de conscience évolue ; il est lui aussi soumis à la temporalité. On dit que lorsqu’on atteint l’Eveil, le substrat de conscience prend fin. Une fois que le contenu du substrat de conscience est épuisé, nous développons une nouvelle forme de substrat de conscience. C’est sous cette forme que le substrat de conscience perdure, au lieu de demeurer indéfiniment le bon vieux substrat de conscience tel qu’on l’a toujours connu. Le deuxième niveau de conscience n’opère pas lorsque nous sommes inconscients ou endormis ; nous devons effectuer un acte délibéré pour pouvoir activer la mentation égocentrique, et lorsque nous atteignons l’Eveil, ce niveau de conscience disparait également. Tant qu’il y a interaction entre les trois niveaux de conscience, et qu’elle s’accompagne d’une fixation sur l’objet ou sur le sujet, il y aura un processus qui continue à s’effectuer. On fait une chose, ce qui nous conduit à en faire une autre, et cela nous conduit à en faire une autre encore. C’est un processus sans fin, et c’est ce que l’on nomme le samsara. On peut y mettre fin en employant une méthode spécifique. Nous parlerons de cette méthode un peu plus loin, dans un chapitre ultérieur.

    Questions et Réponses

    QUESTION : Est-ce que l’atman était l’une des deux notions spécifiques aux yogacarins ?

    RINPOCHE : Dans le contexte hindou, atman signifie habituellement le soi ou l’âme, ou quelque chose de ce genre. Ici, atman fait référence à n’importe quelle sorte d’expérience subjective. Nous n’avons pas besoin d’inférer quoi que ce soit à propos de nos expériences subjectives, car nous en faisons l’expérience directement. Ce pour quoi nous devons utiliser nos capacités d’inférence, est l’aspect objectif – qui est le dharma.³ L’aspect objectif est ce dont nous faisons réellement l’expérience. On peut avoir besoin d’utiliser l’inférence ou non, cela dépend de ce qui se passe à l’intérieur de notre esprit. Si nous faisons l’expérience d’une table, l’objet se situe à l’extérieur de notre expérience subjective en quelque sorte. Nous faisons directement⁴ l’expérience d’un mal de dents ou d’un mal de tête, mais puisque nous en faisons l’expérience, là aussi on peut parler d’un aspect objectif. L’objet peut être de nature physique ou de nature mentale, en fonction de la situation.

    QUESTION : Je n’ai pas bien saisi pourquoi vous avez mentionné l’atman et le dharma.

    RINPOCHE : Le processus tout entier des trois niveaux de conscience est associé à l’atman et au dharma, au sujet et à l’objet. L’interaction entre les trois niveaux de conscience est associée au sujet et à l’objet, à la personne et au monde qui l’entoure. En même temps, les processus de pensée de la personne font également partie du niveau objectif. Par processus de pensée, je veux dire la pensée et l’objet de la pensée. Prenons, par exemple, l’agressivité et ce qui provoque l’agressivité chez une personne. L’agressivité est le côté subjectif, et ce qui provoque l’agressivité est le côté objectif, donc il s’agit réellement ici de la personne et de sa conception du monde qui l’entoure. Le monde appartient au domaine objectif et la personne au domaine subjectif. C’est cela l’atman et le dharma. On explique l’ensemble de l’expérience en fonction d’une transformation du processus de conscience.

    QUESTION : L’atman et le dharma proviennent de l’alayavijnana, et donc ils sont tous les deux des formes de conscience qui sont fondamentalement identiques ?

    RINPOCHE : Tout-à-fait. Il faut garder à l’esprit que nous ne parlons de chaises et de tables telles qu’elles sont, objectivement parlant. Nous parlons de l’expérience que nous faisons de ces chaises et de ces tables. On a parfois interprété ce que disent les yogacarins comme voulant dire que la chaise se trouve dans votre esprit, que la table est dans votre esprit, que tout est dans votre esprit. Le Yogacara parle en fait de la façon dont nous faisons l’expérience de ces choses. Il ne parle pas de la façon dont elles existent réellement.

    QUESTION : Il y a la déclaration des yogacarins, que tout est cittamatra, ou « esprit seulement »

    RINPOCHE : Les yogacarins accordent autant d’attention à l’esprit parce qu’ils se focalisent uniquement sur la pratique. Certains pensent qu’ils affirmaient que tout était dans votre esprit. Certains parmi eux étaient influencés par des idées philosophiques occidentales. Lorsque Berkeley disait, « Tout ce que vous voyez ou entendez, se trouve dans votre esprit, tout est une idée, » ils pensaient, « Cela a vraiment du sens. » Je pense qu’il y a un problème ici.

    QUESTION : Lorsque vous dites que tout provient de l’esprit, est-ce que vous parlez de notre perception des choses et de nos réactions vis-à-vis d’elles ?

    RINPOCHE : Tout-à-fait. Peu importe ici si une chaise existe réellement ou non. C’est secondaire. Pourquoi passer tant de temps à argumenter pour savoir si une chaise existe ou non, au lieu d’étudier la façon dont nous faisons l’expérience de cette chaise, et comment nous nous relions à elle, et de quel genre d’expérience il s’agit ?

    QUESTION : La mentation égocentrique provient d’une division dans le substrat de conscience. Est-ce que vous vouliez parler du fait de réfléchir à quelque chose ?

    RINPOCHE : Ce qui est reflété est le substrat de conscience. Il se divise en deux sections. L’une des sections est reflétée par l’autre. Il y a un côté qui est reflété et un côté qui fait l’action de refléter. La conscience se développe dans les deux sections. Disons que nous éprouvons une douleur. La douleur, qui est le côté objectif, est éprouvée par le côté subjectif. Par conséquent elle se développe dans les deux sections, ce qui à un niveau fondamental représente une division d’une sorte ou d’une autre.

    QUESTION : Est-ce qu’il y a un nouveau substrat qui commence après cela ? On dit que le samsara est illimité. Est-ce que c’est cela que l’on veut dire ?

    RINPOCHE : Ce n’est pas tant qu’il soit illimité, mais plutôt qu’il est indéfini. Illimité veut dire qu’il continuera pour toujours. Indéfini veut dire qu’il peut prendre fin à n’importe quel moment.

    QUESTION : Si les bouddhas épuisent leur inconscient, quelle est la fonction de la mémoire ?

    RINPOCHE : Lorsqu’il y a un substrat de conscience, un état inconscient dans l’esprit, il y a un coin obscur à propos duquel nous ne savons rien. On ne peut jamais être conscient de cet aspect. Par bien des côtés, il est totalement ambigu. Une personne éveillée peut en devenir consciente, de sorte que l’aspect inconscient commence à se vider de son contenu. Lorsque vous en êtes conscient, pleinement conscient, il n’y a aucun problème du tout. Dans un sens, c’est un processus évolutif. On débute avec un état d’esprit indéfini, qui est le substrat de conscience. Il s’y effectue une division, et vous entrez dans l’existence samsarique. Puis vous passez par toutes les étapes du processus, et plus vous devenez conscient de vous-même, plus vous parvenez à vous rapprocher de votre but, ou ce que vous préférez l’appeler. Tout processus évolutif possède un but.⁵ Un organisme simple évolue en un organisme plus complexe. Un physicien qui étudie les atomes s’aperçoit que c’est plus complexe que cela. A quelque niveau que ce soit, on trouve toujours un processus évolutif.

    QUESTION : Est-ce que le terme substrat de conscience ne s’applique qu’aux personnes qui sont dans la confusion ou qui ne sont pas éveillées ?

    RINPOCHE : Dans un sens oui, car c’est ainsi que l’on fonctionne. C’est ce que j’avais à l’esprit lorsque je disais que le fait de ne pas être conscient de soi est, en un sens, une décision consciente. Nous ignorons certains aspects de notre propre conscience, et à certain niveau c’est une décision consciente de notre part. Ce n’est pas inconscient au sens absolu. Résoudre cela signifie que nous devenons conscients. C’est ce que la méditation est supposée faire : nous apprendre à explorer les coins obscurs de notre conscience. Nous ne devons pas les fuir ou essayer de les ignorer, mais plutôt explorer notre conscience autant que possible.

    QUESTION : Vous avez mentionné quelque chose à propos de l’instabilité qui se développe à cause de la fixation dualiste.

    RINPOCHE : La fixation dualiste se situe au deuxième niveau de conscience, car c’est là où toutes les activités égocentriques se passent. Il y a une distinction très claire entre vous et autrui.

    QUESTION : Est-ce qu’on naît avec le substrat ?

    RINPOCHE : C’est à cause du substrat que nous prenons naissance. C’est fondamentalement ce qui nous oblige à renaitre. Et il persiste après la mort.

    QUESTION : Qu’est-ce qui existe avant l’arrivée du substrat ?

    RINPOCHE : Les bouddhistes diraient que cette question est un exercice qui est voué à l’échec. On pourrait argumenter pour savoir si c’est la poule ou l’œuf qui vient en premier. On peut bâtir des théories pour savoir si c’est le « je » qui vient en premier, ou le substrat de conscience, mais tout cela ne nous est d’aucune utilité. C’est la raison pour laquelle les bouddhistes disent que c’est sans commencement. Cela ne veut

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