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Maladies infectieuses

B 224

Encéphalite herpétique
Diagnostic et traitement
PR Jean-Paul STAHL
Service de maladies infectieuses, CHU 38043 Grenoble Cedex 09.

Points Forts à comprendre Diagnostic

• Deux entités très différentes doivent être Présentation clinique


distinguées : Elle est fonction des lésions aiguës ; temporales ; rapide-
– l’encéphalite herpétique néonatale ment nécrotiques ; accompagnées d’une réaction inflam-
(10 à 20 jours après l’accouchement) ; matoire (œdème cérébral).
– l’encéphalite herpétique de l’enfant et de l’adulte. • Il s’agit d’une infection virale avec une fièvre dans
• Un tiers des patients présentant une encéphalite 92 % des cas, sans que son importance soit spécifique.
herpétique le font dans le cadre d’une primo- • Il s’agit d’une encéphalite :
infection, et la plupart ont moins de 18 ans. – altération de conscience (97 %), jusqu’au coma ;
Les deux tiers restants ont des anticorps – changement de personnalité (85 %) ;
préexistants à l’infection, mais seulement – céphalées (81 %) ;
10 % d’entre eux ont des antécédents cliniques – vomissements (46 %) ;
de récurrence herpétique. – anomalies de la mémoire (24 %).
• La question de la récurrence in situ • Les lésions focalisées s’accompagnent d’une réac-
dans le tissu cérébral, ou de la récurrence labiale tion inflammatoire locorégionale :
avec une transmission secondaire par voie – dysphasie (76 %) ;
neurologique est encore débattue. – épilepsie (67 %) ;
Le fait est qu’un épisode de récurrence – déficit moteur périphérique (38 %) ;
labiale s’accompagne très exceptionnellement – ataxie (40 %) ;
d’encéphalite herpétique. Dans ces conditions, – atteinte d’un ou plusieurs nerfs crâniens (32 %) ;
une prévention médicamenteuse apparaît – anomalie du champ visuel (14 %) ;
impossible. – œdème papillaire (14 %).
Ces manifestations cliniques sont rarement complètes
toutes ensembles. Par contre, l’association de plusieurs
d’entre elles est fréquente, quelle qu’elle soit. L’inten-
sité de ces manifestations n’est pas un élément supplé-
L’épidémiologie rend compte d’une relative rareté de mentaire en faveur du diagnostic, mais est un élément du
cette maladie. pronostic, dans le sens où cela peut refléter l’importance
La prévalence des anticorps anti-herpétiques dans la des lésions.
population varie selon les pays, le statut socio-écono-
mique de la population et l’âge des personnes considérées.
Les données pour une population adulte de la classe Conséquences sur la composition
moyenne des pays industrialisés font état de 40 à 60 % du liquide céphalo-rachidien
de séropositivité pour les 2e et 3e décennies de vie.
D’un autre point de vue, dans la population étudiante Elles sont modérées, car l’atteinte est essentiellement,
réceptrice, la fréquence des séroconversions est de 10 à sinon exclusivement, cérébrale.
15 % par an. • L’augmentation modérée de la cellulorachie, avec
Le contact avec l’herpesvirus simplex est donc banal et des lymphocytes aboutit à une moyenne de cette cellulo-
fréquent. Par rapport à cette fréquence, l’encéphalite rachie de 100 cellules/mm3.
survient dans la population à une fréquence de 1/250 000 à • La présence de globules rouges, en dehors de toute
1/500 000 par an. ponction traumatique, est un bon indicateur du phéno-
On estime que l’encéphalite herpétique représente de 10 mène nécrotique, sans être pathognomonique de l’étio-
à 20 % des encéphalites virales. logie herpétique.
Cette relative rareté par rapport à la fréquence de l’in- • L’hyperprotéinorachie rend compte du phénomène
fection herpétique en général peut être avancée comme inflammatoire. La protéinorachie se situe en moyenne
l’un des arguments en faveur de souches spécifiques autour de 1g/L.
neurotropes, responsables des encéphalites. • La chlorurachie et la glycorachie sont de peu d’intérêt.

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ENCÉPHALITE HERPÉTIQUE

Imagerie caractéristique Diagnostics différentiels


• Le scanner cérébral doit être réalisé en urgence, Pouvant être traités
mais il ne doit pas retarder la ponction lombaire.
Au début des symptômes, avant la nécrose, les images 1. Méningo-encéphalite à Listeria monocytogenes
sont le plus souvent normales. L’intérêt de cet examen En principe, une méningite, plus ou moins fruste sur
est d’éliminer d’autres diagnostics : hémorragie, abcès, le plan clinique, est présente. L’encéphalite est plus
thrombophlébite. souvent localisée au niveau du tronc cérébral qu’au
Après quelques jours, les images sont plus typiques, niveau temporal.
correspondant aux lésions : hypodensité focale, le plus La ponction lombaire permet de retrouver un liquide
souvent temporale. Les images sont le plus souvent céphalo-rachidien avec cellulorachie panachée, mais la
multiples, mais une lésion unique est possible. possibilité de lymphocytes seuls existe. Les hémo-
• L’imagerie par résonance magnétique (IRM) apporte cultures et (ou) la culture du liquide céphalo-rachidien
les mêmes renseignements, mais elle révèle les lésions permettent de redresser le diagnostic.
plus précocement.
2. Tuberculose neuroméningée
• L’électroencéphalogramme est une imagerie indirecte
qui était, avant le scanner, le seul moyen d’objectiver Il s’agit la plupart du temps d’une infection à évolution
des lésions. Les anomalies sont légèrement plus tardives prolongée et progressive. Une hypoglycorachie impor-
et sont le plus souvent non spécifiques : ralentissement tante est évocatrice.
de l’activité électrique cérébrale, remplacement de L’examen direct du liquide céphalorachidien à la
l’activité de fond par des ondes lambda ou delta, recherche de bacilles de Koch (BK) est peu productif.
symétriques ou non. Seules les décharges périodiques Les cultures ne donnent leur résultat que tardivement.
d’ondes lentes sont particulièrement en faveur de La recherche de bacilles de Koch par PCR n’est encore
l’étiologie herpétique. pas parfaitement validée.
Il ne faut en aucun cas attendre les résultats de l’électro- Le diagnostic repose donc sur des arguments épidémio-
logiques et cliniques (évolution progressive).
encéphalogramme pour décider de la réalisation
d’un scanner et de la mise en route d’un traitement 3. Neuropaludisme
antiviral. Le neuropaludisme ne peut être évoqué que dans les
suites d’un voyage en pays d’endémie.
Le diagnostic est affirmé par la mise en évidence du
Affirmer le diagnostic d’encéphalite Plasmodium à l’examen de la goutte épaisse ou du frottis.
herpétique
4. Maladie de Lyme
La mise en évidence du virus ou de la réaction L’encéphalite est d’apparition progressive et d’évolution
du patient face au virus est le moyen d’affirmer le chronique. Elle est décalée par rapport aux manifestations
diagnostic. cutanées.
• Le taux d’interféron dans le liquide céphalo-rachidien
(LCR) est élevé, mais cette réaction n’est pas spécifique : 5. Neurosyphilis et neurobrucellose
30 % des encéphalites virales, toutes causes confondues, La neurosyphilis et la neurobrucellose sont devenues
présentent cette anomalie. plus anecdotiques.
• Le dosage des anticorps n’a d’intérêt que dans
2 circonstances :
– démonstration de la sécrétion intrathécale d’anti- Ne donnant pas lieu à traitement
corps ; • Les autres encéphalites virales sont habituellement
– mise en évidence d’une ascension significative des bénignes : rougeole, virus d’Epstein-Barr, rubéoles,
anticorps sériques, à 10 jours d’intervalle. C’est varicelle, virus ECHO (enteric cytopathogenic human
évidemment de peu d’intérêt pour le diagnostic rapide. orphan) et coxsackie sont les plus fréquentes.
• Pour isoler le virus dans le liquide céphalo- • D’autres viroses, graves, sont possibles mais rares sinon
rachidien, différentes techniques peuvent être utilisées. exceptionnelles dans les pays industrialisés : rage, arbovirus.
Les 2 techniques les plus utilisées sont la culture
du liquide céphalo-rachidien, mais le résultat en est
tardif, et la mise en évidence de l’ADN viral par PCR Manifestations neurologiques
(polymerase chain reaction), mais cette technique liées au VIH
extrêmement (trop ?) sensible donne lieu à des faux
positifs. Les manifestations neurologiques, dans le contexte de l’in-
C’est cependant le critère péremptoire actuellement fection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH),
admis pour affirmer le diagnostic d’encéphalite herpé- doivent être évoquées en fonction du contexte épidémio-
tique. logique : encéphalite à VIH, toxoplasmose, cryptococcose.

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Maladies infectieuses

Traitement antiviral Prévention


Le traitement antiviral est une urgence. Il ne doit pas Il n’existe aucun vaccin efficace.
être retardé par les investigations diagnostiques quitte à La prévention médicamenteuse n’a pas lieu d’être, en
arrêter le traitement si le diagnostic apparaît manifeste- dehors de la contamination au cours de l’accouchement.
ment erroné. Cette prévention repose sur l’identification d’un herpès
Le seul traitement actuellement validé est celui par aciclovir génital chez la mère en fin de grossesse. Un tel diagnostic
intraveineux, 15 mg/kg 3 fois/j, pendant 3 semaines. établi chez la mère conduit à une césarienne et à l’inter-
Les traitements anticonvulsivants doivent être discutés diction du monitorage fœtal par électrodes. Si l’enfant
au cas par cas. est né par voie basse, son traitement par aciclovir est
En cas de doute, il est possible d’adjoindre une antibio- systématique.
thérapie visant Listeria monocytogenes, étiologie la plus Si seuls les antécédents d’herpès génital chez la mère
fréquemment évoquée dans ces circonstances, jusqu’au sont retrouvés, il est possible d’autoriser l’accouche-
diagnostic précis (amoxicilline + aminoside, ou cotri- ment par voie basse, accompagné du protocole suivant :
moxazole). recherche de virus au niveau de l’endocol lors du
travail ; désinfection des voies génitales et du nouveau-
né par polyvidone iodée ; aciclovir intraveineux chez le
Évolution nouveau-né si le prélèvement s’avère positif. ■

Il est nécessaire de traiter l’encéphalite herpétique mais


malgré un traitement correct, le décès est possible (50 % Points Forts à retenir
en cas d’infection néonatale) et, de toutes façons, des
séquelles sont à redouter : déficits moteurs, mais surtout • Des troubles neurologiques centraux fébriles
troubles psychiatriques. Il s’agit la plupart du temps de entraînent une hospitalisation en urgence.
troubles plus ou moins profonds de l’humeur (syndrome • Une ponction lombaire est réalisée en urgence.
dépressif) associés à des troubles de la mémoire, à une • Un traitement antiviral est initié
psychasthénie chez l’adulte et à un retard psychomoteur si une encéphalite herpétique est soupçonnée.
chez l’enfant. Il est plus ou moins associé à une antibio-
L’importance de ces séquelles est assez imprévisible thérapie (anti-Listeria le plus souvent).
mais est tout de même corrélée à l’importance de l’ex- • Scanner cérébral et diagnostic biologique
pression clinique initiale. d’herpès sont concomitants mais ne doivent
L’évolution de ces troubles est longue, plusieurs mois, et pas retarder le traitement.
il est impossible de parler de séquelles fixées avant au • Les séquelles, fréquentes, peuvent être gravissimes.
moins un an.

POUR APPROFONDIR

1 / Physiopathologie 2 / Virologie
Caractéristiques générales des Herpesviridæ
L’encéphalite herpétique néonatale fait partie d’une infection herpétique
diffuse, concernant souvent plusieurs organes, qui fait suite à une Ces virus sont constitués d’un ADN double brin situé dans le core. Il
contamination per partum (1 à 5 cas sur 10 000 grossesses). La mère est entouré d’une capside avec 262 capsomères. Les Herpesviridæ
présente des antécédents connus d’herpès génital dans 30 % des cas sont des virus à enveloppe. Cette dernière est constituée de 2
seulement. Cette connaissance est importante car elle entraîne une couches contenant polyamines, lipides et glycoprotéines. Ces glyco-
attitude de prévention chez la mère, au moment de l’accouchement, protéines confèrent des propriétés distinctes selon les virus. En parti-
et chez le nouveau-né (v. Prévention). Les autres cas sont la consé- culier, elles ont une structure antigénique spécifique, à laquelle un
quence d’une contamination imprévisible. hôte est capable de répondre par des anticorps.
L’encéphalite herpétique de l’enfant et de l’adulte fait suite à une
primo-infection aussi bien qu’à une récurrence. Le cheminement du
Herpesvirus simplex
virus vers le système nerveux central n’est pas clairement élucidé.
Il est possible que certaines souches virales soient douées d’un Dans la famille des Herpesviridæ, ce sont eux qui sont responsables
tropisme neurologique particulier. des encéphalites dites herpétiques : herpesvirus simplex de types 1 et
2 (HSV-1, HSV-2).
Une voie centripète, empruntant les nerfs olfactifs et trijumeaux,
paraît plausible compte tenu de leur relation avec le lobe temporal, Mais, il ne faut pas oublier que les autres Herpesviridæ, qui ne font pas
siège essentiel des dégâts cérébraux dus au virus. Cependant, aucune partie de notre propos, sont également susceptibles de provoquer
preuve définitive n’a été apportée en faveur de cette hypothèse. des atteintes neurologiques, éventuellement centrales : virus

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ENCÉPHALITE HERPÉTIQUE

POUR APPROFONDIR (suite)

d’Epstein-Barr, cytomégalovirus, virus varicelle-zona, et peut-être 3 / Lésions anatomopathologiques


herpesvirus hominis 6 (HHV-6).
Elles expliquent les signes cliniques. Il s’agit d’une combinaison de
La réplication des herpesvirus simplex est caractérisée par l’expres- lésions dues au virus lui-même et de lésions inflammatoires réaction-
sion de 3 classes de gènes : immédiat, précoce et tardif. Les sub- nelles.
stances produites par les gènes précoces incluent les enzymes néces-
saires à la réplication virale (thymidine kinase, par exemple) ainsi que Les lésions virales : cellules ballonnisées, apparition de la chromatine
dans le noyau cellulaire puis dégénérescence nucléaire. La membrane
les protéines de régulation. cellulaire disparaît et permet la formation de structures pseudocellu-
laires géantes multinucléées.
Les antiviraux actuels ont un mode d’action sélectif au niveau de cette
expression précoce : ils ne font que bloquer un cycle de réplication et La réaction inflammatoire apporte des cellules inflammatoires,
ne sont donc que virustatiques et non virucides. provoque un œdème et des suffusions hémorragiques. Les enveloppes
méningées sont également le siège de cette inflammation.
Par ailleurs, l’expression de ces gènes précoces coïncide avec un arrêt Le résultat final est une nécrose de la zone concernée suivie d’une
irréversible de la synthèse protéique des cellules hôtes, entraînant la liquéfaction.
mort cellulaire.
En résumé, la nécrose cellulaire et les lésions parenchymateuses
En cas d’absence de renouvellement cellulaire, on comprend les irréversibles qui en découlent sont les faits essentiels.
dégâts et les séquelles définitives qui peuvent survenir. La substance Elles expliquent les signes cliniques, l’imagerie et surtout justifient
cérébrale en est le meilleur exemple. l’extrême urgence thérapeutique.

TABLEAU I
Score de Dakar
Erratum Facteurs 1 point 0 point
pronostiques
Dans l’article Tétanos : physiopathologie, Incubation (jours) <7 > 7 ou inconnue
diagnostic, prévention (1999 ; 49 : 2145-8), Invasion (jours) <2 > 2 ou inconnue
le tableau I définissant les facteurs de mauvais Porte d’entrée ombilicale, utérine, Autre(s)
brûlure, fracture ou inconnue
pronostic du tétanos comportait des inversions ouverte, interven-
et nous le publions donc avec les corrections tion chirurgicale,
injection intra-
nécessaires ci-contre. musculaire
Paroxysmes Présents Absents
Le pronostic est d’autant plus mauvais que le Température (°C) > 38,4 < 38,4
score de Dakar est élevé. Fréquence
cardiaque(batt/min)
❑ adulte > 120 < 120
❑ nouveau-né > 150 < 150

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