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1 TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA


2
3 AFFAIRE N° ICTR-97-31-T LE PROCUREUR
4 CHAMBRE I C.
5 THARCISSE RENZAHO
6
7
8 PROCÈS
9 Mardi 30 janvier 2007
10 8 h 55
11
12 Devant les Juges :
13 Erik Møse, Président
14 Sergei A. Egorov
15 Rita Arrey
16
17 Pour le Greffe :
18 Marianne Ben Salimo
19 Edward F. Matemanga
20
21 Pour le Bureau du Procureur :
22 Jonathan Moses
23 Katya Melluish
24 Ignacio Tredici
25
26 Pour la Défense de Tharcisse Renzaho :
27 Me François Cantier
28 Me Barnabé Nekuie
29
30 Sténotypistes officielles :
31 Joëlle Dahan
32 Hélène Dolin
33
34
35
36
2 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 TABLE DES MATIÈRES


2 PRÉSENTATION DES MOYENS DE PREUVE À CHARGE
3

4 AUDIENCE PUBLIQUE (1 à 29)


5 TÉMOIN CORINNE DUFKA
6 Interrogatoire principal du Bureau du Procureur, par Mme Melluish..................1
7 Contre-interrogatoire de la Défense de Tharcisse Renzaho, par Me Nekuie.. .17
8 Interrogatoire supplémentaire du Bureau du Procureur, par Mme Melluish.....24
9

10 TÉMOIN ACS
11 Interrogatoire principal du Bureau du Procureur, par M. Moses.....................27
12

13 AUDIENCE À HUIS CLOS (30 à 34)


14 Suite de l’interrogatoire principal du Bureau du Procureur, par M. Moses.... 30
15

16 AUDIENCE PUBLIQUE (35 à 46)


17 Suite de l’interrogatoire principal du Bureau du Procureur, par M. Moses.... 35
18

19 AUDIENCE À HUIS CLOS (47 à 58)


20 Contre-interrogatoire de la Défense de Tharcisse Renzaho, par Me Nekuie. . 47
21

22 AUDIENCE PUBLIQUE (59 à 91)


23 Suite du contre-interrogatoire de la Défense de Tharcisse Renzaho, par Me
24 Nekuie............................................................................................................59
25

26 PIÈCES À CONVICTION
27 Pour le Bureau du Procureur :
28 P. 77...............................................................................................................17
29 P. 78 — sous scellés.......................................................................................26
30 P. 79 — sous scellés.......................................................................................90
31

32 Pour la Défense de Tharcisse


33 D. 17 A et B — sous scellés............................................................................56
34 D. 18 A et B....................................................................................................56
35 D. 19 A et B....................................................................................................56
36 D. 20 A, B et C — sous scellés.......................................................................87

3 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page i


4 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 D. 21 A, B et C — sous scellés.......................................................................88
2 D. 22 A et B — sous scellés............................................................................88
3 EXTRAITS
4 Extrait............................................................................................................59
5

5 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page ii


6 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 (Début de l’audience : 8 h 55)


2

3 M. LE PRÉSIDENT :
4 Bonjour. L’audience est ouverte.
5

6 Madame le Témoin, bonjour.


7 Mme DUFKA :
8 Bonjour, Monsieur le Président.
9 M. LE PRÉSIDENT :
10 Avant de commencer votre audition, nous allons mettre en preuve la
11 pièce proposée par la Défense hier.
12

13 Vous avez évoqué une déclaration aux enquêteurs datée du


14 25 décembre 2000 ; il s’agit de la première déclaration du témoin DBN.
15 Est-ce que vous l’avez utilisée, Maître ?
16 Me NEKUIE :
17 Monsieur le Président, mon confrère n’étant pas là, j’avoue que je ne
18 peux pas répondre. Je ne sais pas si Madame le Procureur peut m’y
19 aider ?
20 M. LE PRÉSIDENT :
21 Ceux d’entre nous qui avons lu le compte rendu d’audience connaissons
22 la réponse à... à cette question. Mais peut-être que nous pouvons
23 renvoyer la question jusqu’à ce que Maître Cantier, qui est associé à cet
24 exercice, soit là.
25

26 Nous allons donc commencer l’audition du témoin.


27

28 Madame le Témoin, rappelez-vous la pause. Il est important d’observer


29 une pause entre la question et la réponse, et vice versa, parce qu’il y a
30 une interprétation simultanée qui est assurée ainsi que la transcription
31 des débats.
32

33 Madame le Procureur.
34

35 LE TÉMOIN, MmeDUFKA,
36 ayant été dûment assermenté,

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8 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 témoigne comme suit :


2

3 INTERROGATOIRE PRINCIPAL
4 PAR Mme MELLUISH :
5 Q. Madame Dufka, quelle était votre profession en 1994 ?
6 Mme DUFKA :
7 R. J’étais reporter photo de Reuters.
8 M. LE PRÉSIDENT :
9 Attention à la vitesse — et cela s’applique à toutes les deux. Ralentissez,
10 s’il vous plaît. Tout ce que vous dites est interprété et transcrit. Donc,
11 ralentissez, s’il vous plaît. Merci.
12 Mme MELLUISH :
13 Q. Au mois d’avril 1994, depuis combien de temps faisiez-vous ce travail ?
14 R. Depuis six ans.
15 Q. En tant que photographe, est-ce que vous aviez une spécialité ?
16 R. Oui. J’ai commencé ce travail « à » Salvador et j’ai couvert l’Amérique
17 centrale ; et à partir de ce moment-là, j’étais spécialisée dans la
18 couverture des conflits.
19 Q. Au mois d’avril 94, combien de conflits « armiez »... armés aviez-vous
20 couverts comme reporter photo ?
21 R. Je crois... six ou sept, à cette date.
22 Q. Vous souvenez-vous à quel endroit vous vous trouviez au début du mois
23 de mai 1994 ?
24 R. Oui. Au début de ce mois, j’assurais la couverture des élections en
25 Afrique du Sud. Je couvrais les élections en Afrique du Sud depuis le... la
26 troisième semaine du mois d’avril. Et vers le 1er mai ou le 2 mai...
27 M. LE PRÉSIDENT :
28 C’est trop rapide. Il y a des omissions dans la version française.
29 R. Est-ce que je dois recommencer ?
30 M. LE PRÉSIDENT :
31 Oui, allez-y.
32 R. À partir de la mi-avril, je couvrais les élections en Afrique du Sud. Et vers
33 le 1er ou le 2 mai, je suis partie d’Afrique du Sud pour Nairobi où j’ai
34 commencé à assurer la couverture du conflit au Rwanda.
35 Mme MELLUISH :
36 Q. Dans quelle région du Rwanda avez-vous assuré cette couverture du

9 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 2


10 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 conflit ?
2 R. À partir du 1er mai jusqu’au 8 mai, je suis venue en Tanzanie assurer la
3 couverture de l’exode d’environ 250 000 réfugiés rwandais qui étaient
4 venus ici au... en Tanzanie. Et je suis allée au Rwanda brièvement, à
5 l’époque.
6

7 À partir du 10 mai, je me suis rendue au Rwanda à travers le Burundi


8 jusqu’à Kigali ; j’ai fait ce voyage plus tard. Et par la suite, je suis allée de
9 Nairobi à Kigali à partir du 22 mai, et je suis restée à Kigali à partir du
10 22 mai jusque vers le 3 juillet.
11 Q. Donc, entre le mois de mai et la fin du mois de juillet, vous avez visité
12 Kigali à trois reprises. La première fois, par quel moyen de locomotion
13 vous êtes-vous rendue à Kigali ?
14 R. Lors du premier voyage, j’ai voyagé par la route du Burundi et... jusqu’à
15 Kigali.
16 Q. Étiez-vous seule ou en compagnie d’autres personnes ?
17 R. J’étais avec un collègue de l’agence Reuters appelé Peter Smerdon, un
18 autre journaliste de... de nationalité britannique, et puis un chauffeur
19 burundais que nous avions « commis » pour nous amener au Rwanda à
20 partir de Bujumbura.
21 Q. Par quel moyen...
22 M. LE PRÉSIDENT :
23 « Reuters », c’est : R-E-U-T-E-R-S.
24 Q. Et le journaliste dont le prénom était Peter, quel était son patronyme ?
25 R. S-M-E-R-D — comme « David » — O-N. « Smerdon ».
26 Mme MELLUISH :
27 Q. Dans quel type de véhicule avez-vous fait ce voyage sur Kigali ?
28 R. Nous étions à bord de deux véhicules. Le premier était un véhicule de
29 type berline que nous avions loué à Bujumbura. Nous avons traversé
30 Butare ; en fait, nous y avons passé la première nuit. Ensuite, Gitarama,
31 nous y avons passé la deuxième nuit. Et à partir de ce point, il était très
32 dangereux de voyager avec un chauffeur privé ; nous avons donc pris
33 des dispositions. En fait, nous avions eu la permission d’aller à Kigali, de
34 Kigali à Gitarama, et nous avons voyagé à bord d’un véhicule
35 de gendarmerie — je crois que c’était un lieutenant.
36 Q. Dans quelle mesure était-il difficile de voyager de Butare à Kigali ?

11 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 3


12 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 R. La situation était extrêmement tendue en raison de nombreux barrages


2 routiers qui avaient été installés par des individus en tenue civile et
3 armés de différents types d’armes. C’étaient des personnes
4 généralement en état d’ébriété, menaçantes. Donc, la situation était très
5 tendue. Et au fur et à mesure que nous nous rapprochions de Kigali, il y
6 avait davantage de barrages routiers.
7 Q. D’une manière générale, que se passait-il aux barrages routiers lorsque
8 vous y arriviez ?
9 R. D’une manière générale, ceux qui tenaient ces barrages brandissaient
10 les armes qu’ils avaient. Il y avait notamment les armes à feu, les AK47,
11 les mitraillettes Uzi, des gourdins cloutés, des couteaux, des machettes,
12 des barres de fer, des pistolets. Ils nous demandaient qui nous étions, et
13 parfois, ils nous pointaient leurs fusils. Et ils nous demandaient souvent...
14 — je crois que la première question qu’ils posaient… si nous étions
15 belges.
16

17 Donc, ils fouillaient nos affaires, ils vérifiaient nos passeports. Donc,
18 c’était très dangereux pour nous. Je pense que c’étaient les personnes
19 qui nous intimidaient et qui manquaient de professionnalisme dans la
20 manière dont « ils » géraient ces barrages routiers.
21 M. LE PRÉSIDENT :
22 Q. Et il s’agit bien de votre premier voyage, Madame ?
23 R. Ma deuxième... Mon deuxième déplacement était très semblable.
24 Q. Mais à cette occasion, nous étions autour du 10 mai ?
25 R. Tout à fait.
26 Q. Et au cours de cette première occasion, vous avez voyagé entre le
27 10 mai jusque... jusqu’au 15 ou.... jusqu’au 14 ou au 15 mai ?
28

29 À cette occasion, quand vous vous rendiez à Kigali, est-ce que vous avez
30 senti que vous étiez personnellement menacée lorsque vous franchissiez
31 des barrages routiers ?
32 R. Tous les occupants du véhicule se sentaient menacés, y compris les
33 gendarmes ou le gendarme ; visiblement, il était secoué lorsque nous
34 traversions ces barrages.
35 Q. Combien de barrages routiers environ avez-vous franchis en vous
36 rendant à Kigali ?

13 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 4


14 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 R. À partir de la frontière avec le Burundi, je dirais une cinquantaine.


2 Q. Et à l’intérieur de la ville de Kigali ?
3 R. Plus on s’approchait de Kigali en provenance de Gitarama, plus il y avait
4 de barrages routiers. Mais je ne saurais vous donner un chiffre en ce qui
5 concerne le nombre de barrages routiers dans Kigali. Il est difficile de
6 vous donner une estimation parce que ces barrages étaient concentrés
7 soit à l’entrée de la ville, soit dans la zone précédant Kigali.
8 Q. Lorsque vous vous rendiez à Kigali, est-ce qu’il y a eu des incidents au
9 niveau des barrages routiers qui... « que » vous vous rappelez ?
10 R. C’était lors du deuxième voyage. Je suis allée seule. J’étais « le » seul
11 étranger, « le » seul journaliste caucasien à bord du véhicule. Je
12 voyageais avec des journalistes rwandais locaux.
13

14 Je me rappelle très bien, lorsque j’ai traversé le premier barrage routier


15 important à Kigali, à mon arrivée, un individu a sorti un gros pistolet et
16 l’a pointé sur ma tête et m’a demandé si j’étais belge. C’est la première
17 question qu’il m’a posée.
18

19 À ce moment-là, d’autres personnes ont entouré la... le véhicule, y


20 compris — je me souviens très bien — des miliciens vêtus de blouses
21 blanches de médecin qui étaient maculées de sang de manière très
22 évidente. Il y en avait d’autres qui tenaient des gourdins cloutés, et je
23 crois qu’il y avait des morceaux de chair sur ces gourdins.
24

25 Voilà l’image très dangereuse que j’ai observée.


26 M. LE PRÉSIDENT :
27 Q. Et c’était au début du deuxième voyage qui a duré de quand à quand ?
28 R. Du 18 mai au 20 ou au 21 mai.
29 Mme MELLUISH :
30 Je vous remercie.
31 Q. Revenons à votre premier voyage. Où avez-vous habité à Kigali ?
32 R. Nous avons été amenés par les gendarmes directement au quartier
33 général de la MINUAR où nous avons passé une ou deux nuits — je ne
34 suis pas très sûre de combien de nuitées. Donc, à partir de cela, j’ai donc
35 pu voyager pour transmettre les images que j’avais prises à partir de
36 Nairobi.

15 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 5


16 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Q. Brièvement, qu’avez-vous vous filmé « à l’occasion » ?


2 R. Oui, j’avais pris des vues à Kabgayi, près de Gitarama ; des vues ou des
3 images d’un endroit où il y avait plusieurs milliers de personnes,
4 notamment des Tutsis, et qui avaient trouvé refuge à cet endroit. Et plus
5 tard, à Kigali, j’ai pris quelques images au niveau du quartier général
6 de la MINUAR et dans les environs immédiats de ce quartier général de
7 la MINUAR.
8

9 Je ne pouvais pas sortir toute seule, ou même avec un chauffeur, pour


10 prendre des images dans la ville de Kigali, d’une manière générale.
11 Q. Qu’en est-il du deuxième voyage sur Kigali entre le 10 et le 14 ? À cette
12 occasion, êtes-vous partie du Burundi à bord d’un véhicule ou avez-vous
13 emprunté un autre itinéraire ?
14 R. C’était du 18 jusque vers le 21. Et à cette occasion, je suis partie de
15 Bujumbura à bord d’un véhicule jusqu’à Kigali. J’ai passé la première nuit
16 à Kabgayi. Ensuite, je me suis rendue à Gitarama où j’ai rencontré des...
17 quelques journalistes locaux avec qui je me suis rendue à Kigali.
18

19 C’était une décision difficile de savoir s’il fallait voyager ou pas, étant
20 donné la première expérience que j’avais eue. Mais j’ai pris le risque, en
21 partie parce que je me souviens que le 19 mai, il y a eu
22 le bombardement de l’hôpital de Kigali, prétendument par le FPR, qui a
23 entraîné de nombreuses victimes et de nombreux blessés à l’hôpital. J’ai
24 donc pensé qu’en franchissant les barrages routiers tenus par les
25 miliciens, je leur dirais que j’avais envie d’assurer la couverture du
26 bombardement de l’hôpital — ce que j’ai effectivement fait, parce que
27 c’était une violation et je m’attendais à ce que cela nous permette de
28 trouver un terrain d’entente me permettant d’entrer dans le pays ou
29 dans la ville.
30 Q. À cette deuxième occasion, à quel endroit de Kigali avez-vous résidé ?
31 R. Toujours au quartier général de la MINUAR.
32 Q. Combien de nuit avez-vous passées ?
33 R. Une ou deux nuits.
34 Q. Vous êtes-vous rendue dans la ville de Kigali à l’hôpital, comme vous le
35 vouliez ?
36 R. Oui. Tout d’abord, je me suis rendue à l’hôpital. J’ai pris des photos des

17 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 6


18 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 personnes blessées et des dommages causés par le bombardement à


2 l’hôpital.
3

4 J’avais également entendu parler de réfugiés tutsis qui se trouvaient


5 dans l’église de la Sainte-Famille. Ainsi, j’ai donc demandé au chauffeur
6 de me conduire à l’église de la Sainte-Famille pour prendre des photos
7 des réfugiés qui s’y trouvaient.
8 Q. Avant de parler des photographies à proprement « dit »... à proprement
9 parler, combien... En dehors du chauffeur, y avait-il d’autres personnes
10 dans le véhicule ?
11 R. De Gitarama à Kigali, j’avais avec moi un journaliste local. Je ne sais pas
12 s’il s’est rendu avec moi à l’église de la Sainte-Famille.
13 Q. Lorsque vous étiez à l’église, avez-vous pris des photos ?
14 R. Oui, je l’ai fait.
15 Mme MELLUISH :
16 Je demande au Greffe de remettre l’album photo au témoin, s’il vous
17 plaît.
18

19 (Le greffier d’audience s’exécute)


20

21 Je vous remercie.
22 Q. Reconnaissez-vous ces photographies ?
23 R. Oui, il s’agit de photos que j’ai prises au Rwanda.
24 Q. Vous souvenez-vous qu’il y a, parmi ces photos, différentes scènes qui
25 sont représentées ?
26 Est-ce que vous vous rappelez à quel moment vous avez pris ces
27 photos ?
28 R. Oui, les photos de l’église de la Sainte-Famille représentent trois voyages
29 différents... ou trois déplacements ou visites que j’ai effectués à cet
30 endroit. Et je peux reconnaître quelle photo j’ai prise à... à quelle
31 occasion.
32 M. LE PRÉSIDENT :
33 Q. Et toutes ces visites ont eu lieu au cours du deuxième voyage ?
34 R. Non, lors de trois voyages différents. Le premier déplacement à la
35 Sainte-Famille a eu lieu vers le 18 ou le 19… ou même le 20 mai.
36 Q. Je crois qu’il y a un quiproquo. Vous avez dit que vous vous êtes rendue

19 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 7


20 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 au Rwanda à trois occasions, au cours de trois périodes. Ma question est


2 de savoir : lorsque vous avez dit que avez visité l’église de la Sainte-
3 Famille à trois reprises, il serait utile de savoir si ces trois occasions se
4 situent dans le cadre du premier ou du deuxième voyage. Est-ce que les
5 trois photos ont été prises lors des trois voyages ?
6 R. Oui, les trois voyages.
7 Q. Lesquels ?
8 R. Le premier voyage du 18 au 20 mai, et le deuxième voyage... Excusez-
9 moi. Le deuxième voyage du 18 au 20 mai, et le troisième voyage du
10 22 mai vers... jusqu’à vers le 3 juillet.
11 Mme MELLUISH :
12 Q. Lorsque vous regardez ces photos, êtes-vous en mesure de nous dire
13 lesquelles ont été prises au cours de votre deuxième voyage entre le 18
14 et le 20 mai ?
15 R. Oui.
16 Q. Dites-le à la Chambre, s’il vous plaît.
17 R. Volontiers. Puis-je montrer... disons, citer les numéros qui se trouvent au
18 bas ?
19 Q. Oui, ce serait utile.
20 Il s’agit de ce numéro et non du numéro de deux chiffres.
21 M. LE PRÉSIDENT :
22 Servez-vous du numéro en blanc et non du numéro en « K ».
23 R. Les deux sont en blanc, Monsieur le Président.
24 Mme MELLUISH :
25 En bas à droite.
26 R. « 17 », « 18 », « 19 », « 20 »... C’est tout.
27 Mme MELLUISH :
28 Q. Lorsque l’on regarde ces photos, vous vous rappelez la visite que vous
29 avez effectuée à l’église de la Sainte-Famille ?
30

31 (Maître Nekuie est debout)


32

33 Je m’excuse.
34 Me NEKUIE :
35 (Début de l’intervention inaudible : microphone fermé)... Madame le
36 Procureur.

21 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 8


22 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

2 Monsieur le Président, je n’ai pas l’impression que la Défense puisse


3 suivre parce que, dans notre album, les numéros ne semblent pas
4 correspondre, on n’arrive pas à se retrouver. Je ne sais pas si je peux
5 avoir une orientation du Banc du Procureur.
6

7 Nous n’avons que les clés... les numéros en « K ».


8 M. LE PRÉSIDENT :
9 Nous sommes tous d’accord que nous avons cet album avec nous.
10

11 Est-ce que c’est bien de ce document que vous parlez, Maître ?


12

13 Et c’est la même chose que le petit. Lorsqu’on regarde le petit, vous


14 commencez par « K0376703 ». Vous n’avez pas le numéro 17 à droite ?
15 C’est ce que nous essayons d’expliquer. Il y a un numéro 17
16 correspondant au numéro en « K » que je viens de donner.
17 Me NEKUIE :
18 Mais, Monsieur le Président, le nôtre commence par « K0376701 » ; nous
19 n’avons pas « 703 ». Je ne sais pas si... Mon album est peut-être
20 incomplet.
21 M. LE PRÉSIDENT :
22 « 701 », c’est la première photo. Vous avez raison, Maître. Mais
23 apparemment, le témoin se réfère à la photo n° 17. Il faudrait donc
24 regarder le numéro 17. Et le numéro en « K » se termine par « 703 ».
25 Mme MELLUISH :
26 Vous avez raison, Monsieur le Président.
27 M. LE PRÉSIDENT :
28 Les trois derniers chiffres, c’est « 703 ». Et c’est une excellente photo
29 d’un enfant, si vous regardez attentivement — très jolie photo, d’ailleurs.
30 Me NEKUIE :
31 Je ne sais pas si c’est celle-ci… Non ?
32 Mme MELLUISH :
33 Honorables Juges...
34 Me NEKUIE :
35 O.K. Monsieur le Président, je pense que nous nous sommes retrouvés.
36 Merci.

23 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 9


24 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 M. LE PRÉSIDENT :
2 Très bien. Vous avez retrouvé la photo avec un enfant vêtu d’une
3 chemise blanche. Est-ce que nous sommes d’accord que la photo
4 suivante est celle d’un enfant qui est sur les genoux de sa mère ? Est-ce
5 que c’est la photo suivante ?
6

7 (Signe affirmatif de la part de Maître Nekuie)


8

9 La photo suivante, c’est celle d’un homme qui est couché sur un banc,
10 suivie d’une personne qui lit un livre.
11

12 Donc, nous avons identifié « 17 », « 18 », « 19 » et « 20 », et il s’agit des


13 quatre photos auxquelles le témoin nous a renvoyés. D’accord ?
14 Me NEKUIE :
15 Tout à fait, Monsieur le Président. Elles se suivent, comme vous l’avez
16 indiqué.
17 M. LE PRÉSIDENT :
18 Et le dernier numéro en « K » se termine par les chiffres 705 ; l’avez-vous
19 vu, Maître ?
20 Me NEKUIE :
21 Tout à fait, Monsieur le Président.
22 M. LE PRÉSIDENT :
23 Je vous remercie.
24

25 Très bien. Poursuivons.


26 Mme MELLUISH :
27 Q. Madame Dufka, lorsque vous regardez ces photos, vous souvenez-vous
28 du jour où vous vous êtes rendue à l’église de Sainte-Famille ?
29 R. Oui, très bien.
30 Q. Dites à la Chambre : lorsque vous êtes arrivée à la concession de l’église
31 de la Sainte-Famille, était-il facile de s’y rendre, d’y entrer ?
32 R. Non. Pour entrer dans la concession paroissiale — qui est assez
33 importante —, il fallait passer par un poste de contrôle ou un barrage
34 tenu par environ huit ou dix personnes en tenue de ville qui ont posé
35 essentiellement les mêmes questions, nous ont demandé qui nous étions
36 et ce que nous faisions.

25 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 10


26 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

2 Et je me souviens très bien de ce barrage routier ou de ce poste de


3 contrôle parce que j’ai été frappée par le fait qu’il était curieux de
4 constater qu’on avait mis sur la route un barrage en béton.
5

6 Donc, après avoir parlé à ceux qui tenaient le barrage, je suis entrée
7 dans la concession de l’église de Sainte-Famille.
8 Mme MELLUISH :
9 Je ne sais pas si la pièce P. 6 est ici au prétoire en ce moment. Je ne sais
10 pas si le Greffe est en mesure de la retrouver.
11

12 Le deuxième jeu, livre (inaudible), Sainte-Famille.


13

14 (Le greffier d’audience s’exécute)


15

16 R. Je vous remercie.
17 Mme MELLUISH :
18 Q. Madame Dufka, je vous prie de regarder la photo n° 07 — je pense que
19 c’est dans l’ordre numéral ; est-ce que vous reconnaissez cet endroit ?
20 R. Oui.
21 Q. Est-il possible de nous indiquer à quel endroit se trouvait le poste de
22 contrôle ou le barrage routier ?
23 R. Je suis en mesure de reconnaître à peu près à quel endroit se trouvait le
24 barrage.
25 Q. Est-ce que vous pouvez tenir la photo en main pour que tout le monde la
26 voit — je sais qu’elle est petite —, et indiquer l’endroit ?
27 M. LE PRÉSIDENT :
28 Est-ce que le système vidéo de la Chambre peut faire un gros plan du
29 témoin pour que nous puissions voir distinctement la photo ?
30 R. C’était à peu près ici.
31 M. LE PRÉSIDENT :
32 Un peu plus avec le gros plan, s’il vous plaît. Très bien.
33 R. À l’entrée de l’église.
34

35 M. LE PRÉSIDENT :
36 Donc le témoin pointe un endroit à droite de l’église, comme nous le

27 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 11


28 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 voyons sur la photo.


2 Mme MELLUISH :
3 Q. Sur cette photo, nous voyons une zone poussiéreuse, je crois que c’est
4 une cour devant la... l’église — pardon. Que se passait-il à cet endroit
5 lorsque vous êtes arrivée à l’église de la Sainte-Famille ?
6 R. Je crois qu’il y avait très peu d’activité dans la cour, il y avait très peu de
7 personnes à cet endroit.
8 Q. Quelle atmosphère, quel climat régnait à cet endroit ?
9 R. À l’entrée de l’église, les gens étaient tendus... plutôt, lorsque je suis
10 entrée dans l’église, j’ai constaté que les gens étaient très tendus,
11 déprimés, désespérés ; je dirais que les gens étaient plutôt concentrés
12 dans la cour à l’arrière du bâtiment de l’église. Et c’est à cet endroit que
13 j’ai trouvé le plus grand nombre... la majorité des réfugiés.
14 Q. Était-il facile d’entrer dans l’église ?
15 R. Je ne me souviens pas avoir eu à attendre très longtemps à l’extérieur de
16 l’église. J’avais entendu parler du père Wenceslas, que j’ai demandé à
17 rencontrer à mon arrivée.
18 Q. L’avez-vous trouvé ou était-il absent ?
19 R. Il était là. Et nous... Je lui ai demandé la permission de prendre des
20 photos à l’intérieur de l’église et il me l’a accordée.
21 Q. En dehors de l’église, vous avez parlé de la cour à l’arrière où se
22 trouvaient des réfugiés : est-ce que vous avez visité cette partie de
23 l’église à cette occasion ?
24 R. Je ne m’en souviens pas très bien.
25

26 Puis-je ajouter quelque chose ? Je ne me souviens pas avoir pris des


27 photos dans la cour à l’arrière de l’église, même si c’est à cet endroit que
28 j’avais trouvé la majorité des réfugiés, parce que je me souviens que les
29 photos prises à l’intérieur de l’église étaient plus frappantes.
30 Q. Étiez-vous en mesure d’estimer le nombre des réfugiés que vous avez
31 vus à l’église de la Sainte-Famille ?
32 R. Je dirais entre 800 et 900.
33 Q. Vous êtes-vous entretenue avec ces réfugiés ?
34 R. Très brièvement. Les gens étaient désespérés ou ils avaient peur... ou
35 intimidés ; ils avaient peur de parler. Je ne voulais pas les mettre mal à
36 l’aise, je n’ai donc pas entretenu de conversation avec eux après les

29 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 12


30 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 civilités, l’échange des salutations.


2 Q. Lorsque vous faisiez le tour des lieux, est-ce que vous étiez
3 accompagnée du père Wenceslas ?
4 R. J’étais libre de circuler.
5 Q. Après avoir visité l’église et pris ces photos, qu’avez-vous fait ?
6 R. Après avoir pris les photographies, je crois que j’ai causé avec le père
7 Wenceslas. Je me rappelle lui avoir demandé si je pouvais prendre une
8 photo du poste de contrôle à l’extérieur de l’église, parce qu’en tant que
9 reporters photographes, nous représentons différents aspects d’un
10 événement : l’aspect humain, c’est-à-dire les réfugiés qui avaient trouvé
11 refuge dans l’église, d’un ; de deux, l’autre aspect, c’était la composante
12 militaire. Le père Wenceslas était très ouvert, et il m’a dit : « Si vous
13 voulez une photo du poste de contrôle, venez avec moi, je vais vous
14 accompagner à un barrage routier à Kigali où vous pourrez prendre une
15 photo de ceux qui tiennent le barrage. »
16 Q. Est-ce que vous avez dit ce que vous vouliez voir au barrage routier.... ou
17 a-t-il dit ce qu’il... ce que l’on rencontrerait à ce barrage ?
18 R. Il a dit qu’il fallait trouver un chef de milice qui allait décrire l’objectif et
19 le travail que faisaient les miliciens. Je ne me souviens pas s’il les a
20 désignés par le terme « miliciens » ou l’expression « défense civile ».
21 Q. Il vous a fait cette offre ; qu’avez-vous fait par la suite ?
22 R. J’ai évalué dans mon esprit si ce serait dangereux ou pas. Je savais que
23 le père Wenceslas jouissait d’un certain prestige dans sa communauté,
24 et je me disais qu’il ne pouvait pas faire une telle offre si moi, je courais
25 des risques. Donc, je suis allée.
26 Q. Par quel moyen êtes-vous allée visiter le barrage routier ? À pied ou à
27 bord d’un véhicule ?
28 R. À bord d’un véhicule, en sa compagnie ; il portait une chemise blanche...
29 un gilet pare-balles
30 — pardon ; je crois qu’il y avait également quelqu’un qui tenait un
31 pistolet, et puis le chauffeur. Nous sommes allés à bord d’un pick-up.
32 Q. Était-ce le même véhicule ou un véhicule différent ?
33 R. Un véhicule différent.
34 M. LE PRÉSIDENT :
35 Observez la pause, s’il vous plaît, Madame le Procureur.
36 Mme MELLUISH :

31 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 13


32 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Je m’excuse.
2 Q. Vous souvenez-vous à quel endroit vous vous êtes rendue en compagnie
3 du père Munyeshyaka ?
4 R. Je me souviens du quartier de Kigali où nous nous sommes rendus.
5 C’était à 10 ou 15 minutes de cette... de l’église de Sainte-Famille
6 lorsqu’on se déplaçait à véhicule.
7 M. LE PRÉSIDENT :
8 Q. Est-ce que le pistolet était au niveau de la ceinture ou du gilet du père
9 Wenceslas ?
10 R. C’est exact (sic), Monsieur le Président.
11 Mme MELLUISH :
12 Je vous prie de quitter la barre des témoins et de regarder la carte.
13

14 (Le témoin, Mme Dufka, se déplace vers la carte)


15

16 M. LE PRÉSIDENT :
17 Mais prenez votre casque avec vous.
18

19 Mme MELLUISH :
20 Je vais tout simplement vous signaler que la caméra va faire un gros plan
21 sur la carte, donc, veuillez vous mettre légèrement à l’écart.
22 Q. Donc, regardez cette carte pour déterminer les endroits que vous avez
23 visités.
24 R. Je me souviens que c’était à... sur une élévation, c’est-à-dire sur une
25 petite élévation dans la ville de Kigali. Et je crois que c’était en... vers
26 cette zone. Je me souviens que c’était du côté de la ville ou près de la
27 route menant à Butare.
28 Mme MELLUISH :
29 Merci. Vous pouvez vous rasseoir, Madame le Témoin.
30

31 (Le témoin, Mme Dufka, regagne le box des témoins)


32

33 Q. Et lorsque vous vous rendiez à cet endroit, est-ce que vous avez
34 rencontré d’autres barrages routiers ?
35 R. Oui. Nous avons traversé quelques barrages routiers, mais je ne me
36 souviens pas du nombre exact.

33 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 14


34 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Q. A-t-il été difficile pour vous de traverser ces barrages routiers ?


2 R. C’était bien plus facile en raison de la présence du père Wenceslas, qui a
3 facilité notre mouvement d’un point de contrôle à un autre.
4 Q. Et comment a-t-il pu faire cela, à votre avis ?
5 R. Il s’exprimait en kinyarwanda lorsqu’il s’adressait à ceux qui contrôlaient
6 ces barrages. Je ne sais pas exactement ce qu’il leur a dit.
7 Q. Et lorsque vous êtes arrivés à destination, qu’avez-vous trouvé sur
8 place ?
9 R. Il m’a conduit à un grand barrage routier qui était tenu par environ 30
10 personnes, dont la plupart étaient vêtues de divers éléments de
11 camouflage ; d’autres portaient des vêtements civils. Et ils étaient armés
12 de différents types d’armes, y compris des armes légères, des couteaux,
13 des grenades à main, des barres de métal... des barres de fer, et
14 quelques autres armes.
15 Q. Avez-vous pu prendre des photographies à cet endroit ?
16 R. Oui. J’ai pris des photos correspondant à un rouleau de négatifs, c’est-à-
17 dire environ 60 photos... 12 photos.
18 Q. Est-ce que vous retrouvez ces photos dans le jeu de photographies ou
19 l’album que vous avez sous les yeux ?
20 R. Oui. Les photos allant jusqu’au numéro 14.
21 M. LE PRÉSIDENT :
22 Q. Et ces photos ont été prises le même jour, c’est-à-dire le jour où vous
23 avez visité Sainte-Famille ou plus tard ?
24 R. Oui, c’était le 20 mai.
25

26 Mme MELLUISH :
27 Q. Avez-vous demandé à des... Avez-vous demandé à ceux qui étaient sur
28 les barrages de se tenir à un endroit précis pour que vous les filmiez, ou
29 de poser pour les photos ?
30 R. Lorsque nous sommes arrivés au poste de contrôle ou au barrage, le
31 père Wenceslas s’est adressé à ceux qui contrôlaient ou dirigeaient ces
32 barrages. Et à un certain moment, il a appelé quelqu’un qui, d’après les
33 dires du père Wenceslas, était le meneur des miliciens — quelqu’un du
34 nom de Robert Kajuga, a-t-il dit. Je ne me souviens pas si j’ai commencé
35 à prendre des photos avant un bref entretien avec Monsieur Kajuga ou
36 après.

35 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 15


36 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

2 Les personnes que j’ai vues... ou plutôt, je n’ai pas demandé aux
3 membres de la milice de poser pour la photo, ils se sont mis à poser eux-
4 mêmes devant moi. Et comme vous le voyez sur les photos, certains
5 d’entre eux ou certaines des photos sont des photos de groupe, lorsque
6 ces Interahamwe se sont regroupés pour la photo, et d’autres
7 continuaient à travailler, c’est-à-dire à stopper ou à arrêter les véhicules.
8 Q. Et comment vous ont-ils paru, quelle impression vous ont-ils laissée, ces
9 miliciens ?
10 R. Je me souviens avoir senti l’odeur de l’alcool dans leur haleine ; ils
11 sautillaient ça et là et criaient, et ils ne m’ont pas paru menaçants à moi
12 en particulier, mais je dois dire que j’étais anxieuse, parce que l’un
13 d’entre eux jouait un peu avec le détonateur d’une grenade à main.
14 Compte tenu du fait que certains d’entre eux étaient dans un état
15 d’ébriété et que leur comportement était désordonné, j’ai eu peur qu’il y
16 ait une explosion de grenade.
17 Q. Est-ce que « sur » l’une des photos quelconques que vous avez prises
18 montre cette personne qui jouait avec la grenade à main ?
19 R. Oui. Photo n° 8 ; la deuxième personne à gauche sur la photo.
20 M. LE PRÉSIDENT :
21 Et c’est la photo n° 8 lorsque nous comptons à partir du numéro 1, et le
22 numéro en « K » se termine par « 699 » — à l’attention de la Défense.
23 Me NEKUIE :
24 J’ai la photo, Monsieur le Président.
25 Mme MELLUISH :
26 Merci.
27 Q. Vous avez dit que vous vous êtes entretenue… ou vous avez parlé d’un
28 entretien avec quelqu’un dont on a dit que c’était Robert Kajuga. Est-ce
29 que vous pouvez donner une description de cette personne à l’attention
30 de la Chambre ?
31 R. Je me souviens que c’était quelqu’un d’environ 1,80 mètre, trapu, et
32 portant une tenue de camouflage. Je ne me souviens pas exactement de
33 ce qu’il portait.
34 Q. Est-ce qu’il semblait connaître le père Wenceslas ?
35 R. Oui.
36 Q. Et les autres membres de la milice connaissaient-ils le père Wenceslas ?

37 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 16


38 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 R. Je ne m’en souviens pas.


2 Q. Vous souvenez-vous de l’entretien que vous avez eu avec cette personne
3 qui était désignée comme étant Robert Kajuga ?
4 R. Oui. Je me souviens avoir demandé si je pouvais avoir un bref entretien
5 avec lui, et en tant que journaliste, surtout devant une situation
6 potentiellement dangereuse, vous devez formuler vos questions avec
7 beaucoup de précaution. Je lui ai posé des questions sur... — excusez-moi
8 — je lui ai posé des questions sur le rôle que ces personnes armées
9 jouaient dans le conflit armé à Kigali, et il a parlé du combat qui se
10 déroulait pour le contrôle de Kigali ; il a expliqué comment le FPR tentait
11 de pénétrer dans la ville en disant que ces personnes armées tentaient
12 de défendre Kigali contre l’avancée du FPR.
13 Mme MELLUISH :
14 Q. Vous souvenez-vous pendant combien de temps vous êtes restée à ce
15 barrage routier ?
16 R. Environ 30 à 40 minutes.
17 Q. Et par la suite, où vous êtes-vous rendue ?
18 M. LE PRÉSIDENT :
19 Q. Vous souvenez-vous du nom de ce barrage routier ?
20 R. Non, je ne m’en souviens pas.
21 M. LE PRÉSIDENT :
22 Est-ce que le Procureur a une suggestion ou une proposition quant à ce
23 barrage routier ?
24 Mme MELLUISH :
25 Monsieur le Témoin (sic), d’autres témoins ont dit que c’était le barrage
26 routier de Gitega, mais nous n’avons pas d’autres informations en dehors
27 de cela.
28 M. LE PRÉSIDENT :
29 Merci.
30 Q. Quelle institution représentiez-vous ? Étiez-vous journaliste
31 indépendant ?
32 R. Je travaillais pour l’agence Reuters, mais à ce moment-là, je n’étais pas
33 un membre du personnel permanent en tant que tel, mais j’avais des
34 relations sur une certaine durée avec eux.
35 Q. Est-ce que l’interview a été... ou l’entretien a été publié par la suite ?
36 R. Oui. J’ai lu cet entretien à un certain stade dans une publication.

39 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 17


40 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Mme MELLUISH :
2 Q. Après votre séjour à ce barrage routier, où vous êtes-vous rendue ?
3 R. Je suis retournée dans la camionnette blanche avec le père Wenceslas et
4 nous sommes retournés
5 à Sainte-Famille.
6 Q. Et après cela ?
7 R. De là, nous nous sommes rendus au quartier général de la MINUAR. Soit
8 ce jour-là, soit le jour suivant, je suis partie de Kigali pour Nairobi pour
9 pouvoir transmettre mes photographies.
10 Q. Si vous revoyez les photos de Sainte-Famille que l’on retrouve dans
11 l’album, est-ce que vous retrouvez les photos que vous avez prises lors
12 de la deuxième visite que vous y avez effectuée ?
13 R. Oui.
14 M. LE PRÉSIDENT :
15 Il faudrait que nous nous mettions d’accord sur la date de cette
16 deuxième visite.
17 Q. La deuxième visite à Sainte-Famille, à quelle date ?
18 R. C’était soit le 29, soit le 30 mai. Les photos 15 et 16.
19 Mme MELLUISH :
20 Q. Vous souvenez-vous de ce qui se passait, c’est-à-dire la scène que nous
21 voyons sur ces photos ?
22 R. Oui, lorsque le reporter Peter Smerdon et moi-même nous sommes
23 arrivés à Sainte-Famille, il y avait une réunion de tous les réfugiés à
24 Sainte-Famille, une réunion dont la préparation était en cours. Donc, ce
25 que vous voyez sur ces photos, c’est le déroulement de cette réunion.
26 Q. Et la photo 21 ?
27 R. Oui. Excusez-moi. Toutes les photos qui montrent des gens en groupe
28 assis sur des bancs, ces photos ont été prises soit le 29, soit le 30 mai. Et
29 je voudrais apporter cette correction : les photos prises le 29 mai ou le
30 30 mai, ce sont les photos 15, 16, 21, 22, 23... jusqu’au numéro 23.
31 Q. Et... Pour être précis, et la photo n° 24, est-ce que vous vous souvenez
32 de la date à laquelle elle a été prise ?
33 R. Non, je ne me souviens pas de la date.
34 Q. Et la photo 25 ?
35 R. Je ne m’en souviens pas. Je ne me souviens pas de la date.
36 M. LE PRÉSIDENT :

41 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 18


42 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Ainsi, nous avons examiné toutes les photos jusqu’au « K720 ». Et les
2 deux dernières questions concernaient les photos 7 à 25. « 741 » ?
3 R. Il y a l’une de ces photos « qu’il » n’y a pas de numéro en « K ».
4 Mme MELLUISH :
5 Je crois que cela doit être « 741 »... « 711 », parce que la dernière photo,
6 c’est le « 741 ».
7 M. LE PRÉSIDENT :
8 La dernière photo dont nous avons parlé, c’est celle sur laquelle nous
9 voyons une personne en train de manger, c’est-à-dire un adulte et un
10 enfant.
11 Mme MELLUISH :
12 Q. En plus de ces photos prises lors des réunions, vous souvenez-vous
13 d’autres faits concernant votre visite du 28 ou... au 28... des 28 et
14 29 mai à Sainte-Famille ?
15 R. Là encore, le sentiment ou l’impression générale au sein de l’église était
16 une impression de tension, d’anxiété chez les réfugiés. Et ce jour-là, j’ai
17 également vu quelques gendarmes qui marchaient dans le complexe de
18 l’église, et... que vous pouvez voir dans les photographies... sur les
19 photographies.
20 Q. Est-ce que c’étaient là des personnes que vous n’aviez pas vues lors de
21 votre première visite à Sainte-Famille ?
22 R. Je pense que c’étaient les mêmes personnes, tout simplement, on les
23 avait rassemblées au même endroit.
24 Q. Non, je parle des gendarmes. Est-ce que vous aviez vu ces gendarmes
25 auparavant ?
26 R. Non, c’est la première fois que j’ai vu les gendarmes — autant que je
27 m’en souvienne.
28 Q. Vous souvenez-vous du nombre de gendarmes que vous avez vus à
29 Sainte-Famille cette fois-là ?
30 R. Environ trois ou quatre. Ils n’étaient pas nombreux.
31 Q. Veuillez examiner la photo n° 26. Il s’agit de la photo avec le numéro en
32 « K » se terminant en « 741 ».
33

34 Vous souvenez-vous de la date à laquelle vous avez pris cette photo ?


35 R. Cette photo n° 26 ainsi que d’autres qui ont suivi ont été prises au mois
36 de juin, mais je ne puis pas vous dire la date précise.

43 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 19


44 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Q. Vous voulez dire toutes les autres photos qui suivent jusqu’à « 32 » ou
2 bien est-ce qu’il y a... est-ce que vous parlez de certaines photos prises
3 en juin ?
4 R. Oui, les photos 26 à 33 ont été prises en juin, et ce sont des photos qui
5 ont été prises à un endroit précis dans une alcôve de l’église qui semblait
6 être utilisée à... pour... comme dispensaire ou comme centre de soins.
7 Q. Vous souvenez-vous ou avez-vous su comment ces personnes sont
8 devenues malades ou blessées ?
9 R. Non, je ne l’ai pas su.
10 Mme MELLUISH :
11 Merci. Je n’ai plus de questions pour le témoin.
12 M. LE PRÉSIDENT :
13 Nous devons examiner les photos 15 et 16.
14 R. Oui, nous y sommes.
15 M. LE PRÉSIDENT :
16 Les derniers chiffres, c’est : « 721 » et « 722 ».
17 Q. Il y a des personnes portant des uniformes sur ces deux photos. Savez-
18 vous qui étaient ces personnes ?
19 R. Je pense que c’étaient des gendarmes.
20 Q. Et est-ce que votre affirmation est fondée sur un élément d’information
21 quelconque ou bien vous
22 l’a-t-on dit simplement ?
23 R. Je me souviens que les gendarmes portaient des bérets rouges et des
24 parements rouges aux épaules.
25 M. LE PRÉSIDENT :
26 Défense ?
27 Me NEKUIE :
28 Merci, Monsieur le Président.
29

30 CONTRE-INTERROGATOIRE
31 PAR Me NEKUIE :
32 Madame le Témoin, bonjour.
33 Mme DUFKA :
34 Good morning.
35 Me NEKUIE :
36 Q. Madame le Témoin, je voudrais commencer par vous poser la question

45 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 20


46 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 suivante : avez-vous eu à faire publier ce reportage que vous avez fait


2 durant vos voyages au Rwanda en 94, dans votre agence ?
3 Mme DUFKA :
4 R. Oui, « elles » ont été publiées par le biais... ou ces articles ont été
5 publiés par le biais de l’agence Reuters et des journaux, de par le
6 monde, les ont repris. J’ai reçu quelques coupures de journaux venant de
7 différents titres, de différentes publications ailleurs. J’ai vu certaines de
8 ces photos qui ont été republiées, mais pas l’ensemble.
9 M. LE PRÉSIDENT :
10 Avant que nous ne poursuivions, est-ce que vous vouliez verser des
11 pièces en preuve ?
12 Mme MELLUISH :
13 L’ensemble de l’album, Monsieur le Président.
14 M. LE PRÉSIDENT :
15 Y a-t-il des objections, la Défense ?
16 Me NEKUIE :
17 Aucune objection, Monsieur le Président.
18 M. LE PRÉSIDENT :
19 Monsieur Matemanga ?
20 M. MATEMANGA :
21 « P. 77 ».
22

23 (Admission de la pièce à conviction P. 77)


24

25 M. LE PRÉSIDENT :
26 Poursuivez.
27 Me NEKUIE :
28 Q. Oui. Madame le Témoin, avez-vous conservé les références de ces
29 publications et avez-vous, avec vous, quelques exemplaires ?
30 R. Non, je n’ai pas de copie sur moi.
31 Q. Vous souvenez-vous, tout de même, des dates et des références desdites
32 publications et pouvez-vous nous les indiquer, s’il vous plaît ?
33 R. Je ne me souviens pas des dates. Je pourrais peut-être expliquer... Si
34 vous me l’autorisez, je peux expliquer comment la transmission et la
35 publication se déroulent dans un service de transmission par câble.
36

47 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 21


48 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Le photographe transmet des images, ces images sont ensuite diffusées


2 dans le monde entier aux abonnés qui choisissent maintenant de les
3 exploiter ou non. Ce ne sont pas toutes les photos que j’ai envoyées qui
4 ont été retenues, mais bon nombre de ces photos l’ont été, surtout parce
5 qu’il y avait très peu de photographes au Rwanda, à l’époque ; je veux
6 dire concernant les dates où j’y étais, c’est-à-dire au mois de mai.
7

8 Je me souviens... Je me souviens que des photos ont été publiées dans


9 les journaux au Royaume-Uni, et mes correspondants en Grande-
10 Bretagne m’ont indiqué que les photos ont été utilisées.
11 Mais généralement, le photographe qui se trouve sur le terrain n’obtient
12 pas des exemplaires des journaux dans lesquels les photos ont été
13 publiées.
14 Q. Merci pour ces explications, Madame le Témoin. Je voudrais tout de
15 même que vous éclairiez la Défense parce que, pour nous, il est
16 important d’avoir ces éléments d’information. Déjà, travaillez-vous
17 toujours pour l’agence Reuters ?
18 R. Non.
19 Q. Et cette agence conservait-elle, à l’époque, les archives des
20 transmissions que vous lui faisiez ? Et est-il possible que l’on accède à
21 ces archives, d’après ce que vous en savez ?
22 R. Je crois qu’ils conservent les archives des images ou des photos que j’ai
23 transmises, mais je n’ai pas transmis toutes les photographies lors d’une
24 mission précise.
25

26 Par exemple, le barrage routier tenu par les miliciens, j’ai pris deux
27 pellicules de photo — une pellicule comportant 36 poses. Donc, j’aurais
28 pu transmettre quatre ou cinq. Donc, ce qu’ils auraient dans leurs
29 archives, c’est ce que j’ai pu transmettre.
30 Q. Merci, Madame le Témoin. Dites-moi, Madame le Témoin, lors de vos
31 entretiens avec les membres du Bureau du Procureur, avez-vous pu leur
32 apporter une preuve quelconque de ce que vous étiez, à cette époque,
33 un correspondant de l’agence Reuters ?
34 R. Vous me demandez si j’ai pu apporter la preuve que j’étais
35 correspondante de l’agence Reuters ?
36 M. LE PRÉSIDENT :

49 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 22


50 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Est-ce que vous contestez ce fait, Maître, que ce témoin était journaliste
2 en 94, pour le compte de l’agence Reuters ?
3

4 Me NEKUIE :
5 Monsieur le Président, je voudrais simplement m’en assurer. Rien ne
6 m’indique, pour l’instant, qu’il s’agisse bien de ce correspondant. La
7 Défense a intérêt à vérifier tout cela.
8

9 Donc, je souhaite que la... que Madame le Témoin me dise si elle a pu


10 établir cela d’une manière ou d’une autre. Je ne suis pas dans une
11 logique de contestation systématique, mais je voudrais quelques
12 éclairages.
13 R. Eh bien, je suppose que le Bureau du Procureur a une copie de mon
14 passeport, et j’étais un reporter photographe bien connu à l’époque,
15 pendant une période d’environ 12 ans. Je crois qu’il est établi que je suis
16 ce que je suis. Je pense que cela est une preuve suffisamment éloquente
17 pour le Bureau du Procureur.
18

19 Par ailleurs, j’étais en possession des négatifs. Cela ajoute du poids au


20 fait que ces négatifs étaient les miens et que c’est moi qui ai pris ces
21 photographies.
22 Me NEKUIE :
23 Q. Merci, Madame le Témoin. Ne prenez pas mal les questions que je vous
24 pose, je vous prie. Il s’agit simplement d’assurer la défense de mon
25 client et je me trouve dans la nécessité, quelquefois, de procéder à des
26 vérifications qui pourraient être gênantes.
27

28 Je ne vais peut-être pas poursuivre là-dessus, pour éviter de vous


29 heurter, Madame.
30

31 Vous avez dit à la Chambre que vous avez eu à effectuer, au total, trois
32 voyages sur Kigali ; est-ce bien cela ?
33 R. Oui, à l’époque, c’est exact.
34 Q. Et si je vous ai bien suivi, Madame le Témoin, il y a eu deux voyages au
35 mois de mai et un au mois de juin ; est-ce bien cela ?
36 R. C’est exact.

51 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 23


52 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Q. Lors...
2 R. Non, je m’excuse. J’ai effectué trois voyages. Tous ont commencé au
3 mois de mai. Le dernier voyage à l’occasion duquel j’ai passé six
4 semaines au Rwanda a commencé vers le 23 mai. Je m’excuse du lapsus
5 de tout à l’heure.
6 Q. Merci pour cette précision, Madame le Témoin. Et lors de votre première
7 visite à la paroisse Sainte-Famille, « avez »-vous l’occasion d’observer
8 tout autour de vous et de voir quel était — comment dire ? — l’aspect
9 des bâtiments ?
10 R. Oui, j’ai circulé dans la... l’enceinte ou dans la concession. Je ne suis pas
11 en mesure de dire s’il s’agissait de tous les bâtiments, parce que je ne
12 savais pas jusqu’où allait la concession.
13 Q. Et lorsque vous vous êtes trouvée à l’intérieur de l’église elle-même,
14 puisque vous y avez pris des photos, avez-vous observé que la toiture
15 paraissait normale ?
16 R. Je ne me souviens pas de l’aspect du toit. Dans le bâtiment principal, il
17 faisait frais, mais je pense que la toiture était une toiture normale.
18 Q. Il ne vous a pas semblé que cette toiture avait été plus ou moins
19 emportée par des bombardements, des obus ; non ?
20 R. Non, je n’ai pas souvenance de cela.
21 Q. Très bien, Madame le Témoin. Et pendant que vous étiez avec le père
22 Wenceslas, vous vous entreteniez normalement avec lui ?
23 R. Oui, nous discutions, nous nous entretenions ; il était assez aimable.
24 Q. A-t-il eu l’occasion de vous dire un peu dans quelles conditions se
25 trouvaient les réfugiés ? Avez-vous échangé là-dessus ?
26 R. Brièvement, surtout en ce qui concerne la visite que j’ai effectuée le 29
27 ou le 30 mai. J’étais « conscient » que le journaliste avec qui je faisais le
28 reportage s’était entretenu avec lui à ce
29 moment-là.
30 Q. Au fait, Madame le Témoin, vous souvenez-vous encore du nom de ce
31 journaliste avec lequel vous vous trouviez ? Et savez-vous ce qui lui est...
32 ce qu’il est advenu de cette personne ?
33 R. Oui, c’était Peter Smerdon. À ce moment-là, il était correspondant de
34 Reuters, basé à Nairobi.
35 Q. Oui, je voudrais également parler de cet autre journaliste local en
36 compagnie duquel vous vous trouviez. Vous souvenez-vous de son nom ?

53 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 24


54 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 R. Non, je ne m’en souviens plus. J’avais rencontré ce journaliste à


2 Gitarama. Il était venu à Gitarama pour une conférence de presse
3 organisée par le gouvernement ou une partie du gouvernement qui,
4 à l’époque, travaillait à Gitarama.
5 Q. Et à l’occasion des trois déplacements que vous avez faits vers la
6 paroisse Sainte-Famille — je parle des deux déplacements de mai et de
7 celui de juin —, vous n’avez pas constaté des traces de bombardement
8 quelconques dans l’enceinte de cette église Sainte-Famille ; du tout,
9 pas ?
10 R. Je ne me souviens pas avoir vu des signes de bombardement, mais je me
11 souviens de l’incident, je crois que cela s’est produit au mois de juin et
12 qu’il y a eu un certain nombre de personnes blessées et deux personnes
13 tuées. Mais je ne me souviens pas avoir vu des traces du pilonnage ou
14 du bombardement dans l’église.
15 M. LE PRÉSIDENT :
16 Est-ce que cette question du bombardement est déterminante dans
17 cette... dans la présente cause ?
18 Me NEKUIE :
19 Monsieur le Président, c’est une question qui rentre dans la thèse de la
20 Défense, mais sur laquelle je ne vais pas m’attarder de toutes les façons.
21 Je voulais juste savoir du témoin, puisqu’il s’est rendu sur les lieux, avoir
22 quelques informations de lui, mais, bon, s’il ne peut pas me les donner,
23 je passe à autre chose.
24 Q. Monsieur le Témoin... Excusez-moi. Madame le Témoin, vous avez indiqué
25 à la Chambre que, lors de votre première visite à la paroisse Sainte-
26 Famille, le poste de garde que vous avez trouvé était le barrage tenu par
27 un certain nombre de personnes. Est-ce l’unique système de garde et
28 de contrôle qui existait au niveau de la paroisse Sainte-Famille ?
29 R. C’est le seul dont je me souviens.
30 Q. Merci bien, Madame le Témoin. Et lorsque vous êtes retournée à cet
31 endroit pour y filmer des personnes en réunion à l’intérieur de l’église,
32 vous avez trouvé des gendarmes que je vois dans ces photos ;
33 paraissaient-ils menaçants à l’égard des réfugiés qui s’y trouvaient ?
34 R. Non. Je me rappelle qu’ils circulaient à l’entrée et dans l’église, mais ils
35 ne semblaient pas menacer les réfugiés.
36 Q. Y avait-il, à leurs côtés, des miliciens, en l’occurrence le type de

55 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 25


56 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 miliciens... de personnes que vous avez eu à trouver sur les lieux lors de
2 votre première visite ?
3 R. Vous me demandez s’il y avait des membres de la milice à l’intérieur de
4 l’église ? Non, je ne me souviens pas avoir vu des membres de la milice
5 à l’intérieur de l’église. Ils étaient à l’extérieur de l’église elle6même.
6 Q. Merci pour cette précision... cette précision, Madame le Témoin. Madame
7 le Témoin, je voudrais que nous parlions du barrage où vous avez filmé
8 des personnes en état d’ébriété et d’ivresse, comme vous l’avez indiqué.
9 Est-ce le seul barrage que vous avez eu à filmer durant votre séjour à
10 Kigali ?
11 M. LE PRÉSIDENT :
12 Reprenez la question, s’il vous plaît, Maître.
13 Me NEKUIE :
14 Ma question est de savoir si c’est l’unique barrage qu’elle a eu à filmer,
15 parce que c’est un barrage dont les poses partent de la photo n° 1 à la
16 photo n° 14, à moins que je ne me trompe.
17 Q. Est-ce l’unique barrage que vous avez eu à filmer dans la ville de Kigali
18 pendant votre séjour ?
19 R. Oui, c’est le seul barrage routier dont j’ai pris des photos au Rwanda. La
20 situation était très tendue. J’étais effrayée lorsque je me trouvais aux
21 barrages routiers. C’est grâce à... au père Wenceslas qui m’a présentée
22 aux meneurs des milices ou des miliciens que j’ai pu prendre ces photos.
23 Q. Merci bien, Madame le Témoin. Et vous avez indiqué que c’est un barrage
24 qui se situait à proximité du chemin qui mène à Butare ; est-ce exact ?
25 R. Je n’ai pas dit « à proximité », c’était dans la partie de la ville de Kigali,
26 non loin de la route qui mène vers Butare. Je ne me souviens pas très
27 bien du quartier, mais comme je l’ai dit, c’était une élévation, donc, du
28 côté de l’endroit qui fait face à la route qui mène vers Butare.
29 Q. Très bien, Madame le Témoin. Avez-vous remarqué, pendant que vous
30 vous y trouviez, qu’il y avait un grand carrefour avec des feux rouges
31 dans cette zone ?
32 R. Je ne m’en souviens pas.
33 Q. Et autant que vous vous en souvenez, Madame le Témoin, ce barrage
34 était-il un très grand barrage ou un barrage moyen, d’après les
35 observations que vous aviez faites des autres barrages ?
36 R. C’est un barrage assez important. Et mon estimation est basée sur les

57 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 26


58 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 divers barrages que j’ai pu observer après avoir traversé le Rwanda, en


2 provenance dU Burundi. La plupart de ces barrages routiers comptaient
3 cinq ou six personnes qui les tenaient, mais ce barrage routier comptait
4 le plus grand nombre de personnes parmi les barrages que j’avais
5 observés.
6 Q. Madame le Témoin, bien que vous et moi ne connaissions pas
7 parfaitement le Rwanda, je pourrais vous suggérer que cet endroit que
8 vous indiquez se situe dans la zone de Nyabugogo, parce que c’est la
9 zone la plus proche du chemin... de la route qui mène à Butare. Si je
10 vous faisais cette suggestion, l’admettriez6vous ?
11 R. Non, parce que je ne me souviens pas de l’emplacement exact du
12 barrage routier ni du nom du quartier. Je ne savais pas que les barrages
13 routiers portaient des noms. Je suppose que cela correspond au quartier
14 dans lequel ils avaient été installés, mais je ne connaissais pas la ville
15 de Kigali au point d’être en mesure de dire que ce barrage se trouvait
16 dans le quartier que vous venez d’évoquer.
17 M. LE PRÉSIDENT :
18 Ce que nous venons d’entendre, c’est que le Conseil de la défense a son
19 opinion sur l’emplacement de ce barrage et certains témoins du
20 Procureur — deux ou trois — ont dit que ce barrage se trouvait à Gitega.
21 Est-ce que la Défense conteste ou ne conteste pas l’emplacement de ce
22 barrage routier ?
23 Me NEKUIE :
24 Monsieur le Président... Président, c’est précisément le point que je
25 voudrais « éclairer » à l’attention de la Chambre. Si c’est un barrage qui
26 se situe non loin de la route qui mène à Butare, ça ne peut pas être un
27 barrage... ça ne peut pas être un barrage établi à Gitega, parce que c’est
28 deux zones complètement éloignées l’une de l’autre.
29

30 Donc, c’est cette clarification que je tenais à apporter à l’occasion de la


31 comparution de ce témoin.
32 R. Can I ?
33 M. LE PRÉSIDENT :
34 Mais le témoin....
35

36 Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose ?

59 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 27


60 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 R. Oui, une précision. Si on regarde la carte dont nous nous sommes servis
2 il y a quelques instants, je me rappelle que le barrage routier se trouvait
3 à l’ouest, mais je ne voudrais pas dire que ce barrage routier se trouvait
4 à proximité de la route menant vers Butare. J’ai tout simplement pu
5 identifier le site, l’emplacement général de ce barrage routier.
6 M. LE PRÉSIDENT :
7 Mais si on laisse de côté la déposition du témoin qui est présentement à
8 la barre, étant donné que vous suggérez un quartier où se serait trouvé
9 ce barrage routier, j’ai eu l’impression que la Défense sait à quel barrage
10 routier se réfèrent les photos 1 à 14 ; est-ce que je me trompe ? Quelle
11 est la position de la Défense ?
12 Me NEKUIE :
13 D’après la description que nous a faite le témoin ce matin en se servant
14 de la carte, nous avons pu localiser ce barrage dans la zone de
15 Nyabugogo. Et je pense, Monsieur le Président, Honorables Juges, que la
16 Défense pourrait également se servir de cette carte pour prier le témoin
17 de localiser la zone de Gitega, afin que la Chambre puisse constater, au
18 regard de la carte, que c’est deux zones complètement différentes.
19 M. LE PRÉSIDENT :
20 D’accord. Donc, vous contestez le fait qu’il s’agirait du barrage de
21 Gitega.
22 Me NEKUIE :
23 Tout à fait, Monsieur le Président. Et avec la permission de la Chambre, je
24 ne sais pas si le témoin peut retourner vers la carte pour indiquer à la
25 Chambre la zone de Gitega, puisque c’est localisé... c’est matérialisé sur
26 la carte.
27 R. D’accord. Est-ce que vous pourriez rappeler le nom de... du quartier qui
28 commence par « N » pour que je puisse également l’indiquer sur la
29 carte ?
30 Me NEKUIE :
31 C’est Nyabugogo — « Nyabugogo ».
32 R. Je vous remercie, Maître.
33

34 (Le témoin, MmeDufka, se déplace vers la carte)


35

36 Où se trouve Nyabugogo ? Je n’arrive pas à retrouver ce quartier sur la

61 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 28


62 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 carte.
2 Me NEKUIE :
3 Voulez-vous que je vienne vous assister, Madame le Témoin ?
4 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
5 « Pardon ? » — semble dire le témoin.
6 R. Très bien.
7 Me NEKUIE :
8 Madame le Témoin, vous pouvez vous servir de la légende, ça vous
9 indique les noms des zones et exactement la situation sur la carte.
10 M. LE PRÉSIDENT :
11 Pourquoi nous servir d’un témoin de nationalité américaine pour lire une
12 carte du Rwanda ? Ce témoin ne connaît pas la ville. Généralement, les
13 cartes parlent d’elles-mêmes. Quel est le but de cet exercice ?
14 R. De toute façon, j’ai retrouvé ce quartier.
15 M. LE PRÉSIDENT :
16 Félicitations.
17 R. Comme je le disais, étant donné que je ne connaissais pas la ville de
18 Kigali, je ne saurais dire avec précision à quel endroit se trouvait ce
19 barrage routier. Je me souviens que c’était sur un endroit surélevé dans
20 cette zone à peu près, mais je ne peux pas être plus précise,
21 malheureusement.
22 Me NEKUIE :
23 Monsieur le Président, je suis désolé de soumettre la Chambre à cet
24 exercice. Mais ce témoin, de nationalité américaine, s’est rendu au
25 Rwanda et y a pris des photos. Alors, je pense que la Défense a intérêt à
26 situer exactement les lieux où il a eu à prendre ces photos.
27 Q. Alors, Madame le Témoin, je vous pose une question toujours afférente à
28 ce point : la zone que vous venez de localiser correspond-elle à la région
29 de Nyabugogo que vous avez également identifiée sur la carte ? Avez-
30 vous pu voir où se trouve Nyabugogo ? Et voyez-vous si cette zone-là se
31 situe à l’intérieur de Nyabugogo ?
32 R. Je ne saurais le dire.
33 Q. Très bien, Madame le Témoin. C’est sur ce point que je vais mettre un
34 terme à cet exercice avec vous. Et je remercie la Chambre pour sa
35 patience. La Défense a terminé avec son
36 contre-interrogatoire.

63 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 29


64 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 R. Je vous remercie.
2 M. LE PRÉSIDENT :
3 Réinterrogatoire ?
4

5 INTERROGATOIRE SUPPLÉMENTAIRE
6 PAR Mme MELLUISH :
7 Oui, une question, avec la permission de la Chambre.
8 Q. Madame Dufka, pouvez-vous nous dire si le barrage routier que vous
9 avez filmé se trouvait à Kigali-Ville ?
10 Mme DUFKA :
11 R. Oui, tout à fait.
12 Mme MELLUISH :
13 Je vous remercie.
14 M. LE PRÉSIDENT :
15 Q. Le poste de contrôle, à l’extérieur de l’église de Sainte-Famille, était tenu
16 par quel genre de personnes ?
17 R. Des jeunes gens, des hommes en tenue civile. Je les qualifierais de
18 membres de la milice.
19 Q. En tenue de ville ou en tenue civile ?
20 R. Oui (sic). Puis-je préciser mon propos ? Parfois, à certains barrages
21 routiers, des éléments de l’armée portant des tenues camouflées ou
22 civiles étaient présents, donc parfois, ils portaient une chemise civile et
23 un pantalon en camouflage, mais essentiellement, ceux qui étaient aux
24 barrages étaient en tenue civile.
25 Q. Je voulais tout simplement savoir si vous avez vu des militaires ou pas.
26 Et je constate que vous n’en avez pas vus. Je vous remercie.
27 M. LE JUGE EGOROV :
28 Madame le Témoin, une petite question. Revenons à ce barrage routier
29 où vous avez pris des photos.
30 Q. Combien de temps vous a-t-il fallu pour vous rendre de l’église Sainte-
31 Famille à cet endroit ?
32 R. Dix à quinze minutes. Mais il fallait franchir quelques barrages routiers,
33 négocier avec ceux qui tenaient ces barrages routiers, avant de
34 poursuivre. Donc, cela a pris du temps.
35 Q. En temps normal, cela prendrait moins d’une dizaine de minutes ?
36 R. Tout à fait, Monsieur le Juge.

65 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 30


66 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 M. LE JUGE EGOROV :
2 Je vous remercie, Madame le Témoin.
3 M. LE PRÉSIDENT :
4 Nous sommes arrivés au terme de votre audition. Nous vous remercions
5 d’être venue apporter votre témoignage à ce Tribunal. Nous vous
6 souhaitons un bon voyage retour.
7 Mme DUFKA :
8 Je vous remercie, Monsieur le Président.
9 M. LE PRÉSIDENT :
10 Quel est le témoin suivant ?
11 M. MOSES :
12 « ACS ». Je vais demander au Greffe de remettre aux Juges et à tous
13 ceux qui sont dans le prétoire la fiche d’identification de ce témoin ainsi
14 qu’une liste concise de noms supplémentaires qui pourraient être
15 évoqués au cours de l’audition de ce témoin.
16

17 (Le témoin, Mme Dufka, est reconduit hors du prétoire)


18

19 M. LE PRÉSIDENT :
20 Est-ce que la déposition de ce témoin prendra beaucoup de temps ?
21 M. MOSES :
22 Plus d’une heure et demie d’interrogatoire principal.
23 M. LE PRÉSIDENT :
24 Donc, il faudrait, en fonction de la durée du contre-interrogatoire, avoir
25 un témoin en attente.
26 M. MOSES :
27 Oui, il y en a un déjà.
28 M. LE PRÉSIDENT :
29 « ACS », c’est dans quel classeur ?
30 M. MOSES :
31 Je ne saurais vous le dire, Monsieur le Président.
32 (La cabine d’interprétation français-anglais s’adresse au Président)
33

34 M. LE PRÉSIDENT :
35 Très bien. Merci Monsieur l’Interprète.
36

67 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 31


68 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 (Le témoin ACS est introduit dans le prétoire)


2

3 Bonjour, Monsieur le Témoin.


4 LE TÉMOIN ACS :
5 Bonjour, Monsieur le Président.
6 M. LE PRÉSIDENT :
7 Vous serez désigné par le pseudonyme ACS dans le cadre de la
8 procédure. Vous êtes tenu de dire la vérité et le Greffe va vous faire
9 prêter serment.
10

11 (Assermentation du témoin ACS)


12

13 Voyez-vous un document sur votre table avec votre signature, Monsieur


14 le Témoin ?
15 LE TÉMOIN ACS :
16 Oui, Monsieur le Président.
17 M. LE PRÉSIDENT :
18 Cela signifie-t-il que l’information figurant dans ce document est exacte ?
19 LE TÉMOIN ACS :
20 Oui, l’information est exacte.
21 M. LE PRÉSIDENT :
22 Monsieur Matemanga ?
23 M. MATEMANGA :
24 « P. 78 ».
25 M. LE PRÉSIDENT :
26 À conserver sous scellés.
27

28 (Admission de la pièce à conviction P. 78 — sous scellés)


29

30 Voulez-vous commencer par le huis clos ou l’audience publique ?


31 M. MOSES :
32 Je vais commencer par l’audience publique, Monsieur le Président, et
33 nous aurons le huis clos pendant une brève période. Et la majeure partie
34 de ce témoignage se déroulera en audience publique.
35 M. LE PRÉSIDENT :
36 Poursuivez.

69 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 32


70 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

2 LE TÉMOIN ACS,
3 ayant été dûment assermenté,
4 témoigne comme suit :

6 INTERROGATOIRE PRINCIPAL
7 PAR M. MOSES :
8 Bonjour, Monsieur le Témoin.
9 LE TÉMOIN ACS :
10 Bonjour, Monsieur le Procureur.
11 M. MOSES :
12 Monsieur le Témoin, je voudrais vous rappeler que ce que vous dites est
13 traduit et enregistré par des sténotypistes, donc veuillez parler
14 lentement, et ne faites pas de phrases trop longues. Cela sera utile à
15 tout le monde.
16 LE TÉMOIN ACS :
17 D’accord.
18 M. MOSES :
19 Q. Monsieur le Témoin, au début de 1994, est-ce que vous savez qui était
20 préfet de Kigali, à cette époque ?
21 LE TÉMOIN ACS :
22 R. Oui, je le connaissais.
23 Q. Qui était cette personne ?
24 R. C’était Monsieur Tharcisse Renzaho. Et je pense qu’il occupait ce poste à
25 partir de 1990, et il est resté préfet jusqu’en 1994.
26 Q. Vous souvenez-vous de la date approximative ou de la date précise à
27 laquelle il est devenu préfet ?
28 R. Je ne me rappelle pas la date exacte, mais il a été nommé au mois
29 d’octobre, en 1990.
30 Q. Est-ce qu’il y a une raison précise pour laquelle vous vous souvenez de
31 sa nomination ?
32 R. Je pense que les Inkotanyi ont envahi le Rwanda le 1er octobre 1990, et à
33 partir de cette date, on a procédé à une réorganisation de
34 l’administration dans la ville de Kigali, et on a nommé un préfet militaire
35 à la tête de cette préfecture, sans doute pour pouvoir mobiliser les
36 habitants de la ville de Kigali aux combats qui risquaient de se dérouler

71 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 33


72 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 dans la capitale. C’est là, je pense, la raison de sa nomination.


2 Q. Et vous est-il arrivé quoi que ce soit après sa nomination ?
3 R. Oui, quelque chose m’est arrivé. Mais avant cela, le préfet a dirigé une
4 réunion dans mon secteur, et c’était une réunion de tous les membres de
5 la population à laquelle assistaient les membres du comité de cellule.
6 Q. Monsieur le Témoin, je vous arrête momentanément. Veuillez suivre
7 attentivement ma question : vous est-il arrivé quoi que ce soit — si vous
8 vous en souvenez — après la nomination de Renzaho aux fonctions de
9 préfet ?
10 R. Oui. J’ai été arrêté parmi les personnes qui étaient considérées comme
11 complices des Inyenzi.
12 Q. Et pendant combien de temps avez-vous été en détention ?
13 R. Entre 5 et 10 jours. Je ne me rappelle pas la période exacte, mais lorsque
14 nous avons été arrêtés, nous avons été gardés au stade régional de
15 Nyamirambo, ensuite nous avons été transférés à la prison de Kigali ; et
16 c’est là que j’ai été libéré.
17 Q. Et avez-vous été mis en accusation pour des infractions quelconques ?
18 R. Non, il n’y avait aucune charge contre moi. Il y avait, au fait, une liste de
19 personnalités importantes, mais mon nom ne figurait pas sur cette liste ;
20 et on a donc décidé que les personnes dont les noms ne figuraient pas
21 sur la liste devaient être libérées. Mais il y avait aucune charge contre
22 ces personnes qui ont été immédiatement libérées.
23 Q. Merci, Monsieur le Témoin. Je vais maintenant vous demander de vous
24 concentrer brièvement sur la période de 1990 à avril... disons à partir de
25 la date de nomination de Renzaho, en 90, jusqu’au mois d’avril...
26 jusqu’au mois... jusqu’au début du mois d’avril 94. Avez-vous éprouvé
27 des difficultés quelconques pour vous déplacer dans la ville de Kigali ou
28 pour sortir de la ville de Kigali ?
29 R. Je n’ai pas bien compris votre question. Est-ce que vous vous référez à la
30 période qui a précédé 1994 ou en 1994 ?
31 M. LE PRÉSIDENT :
32 Q. Monsieur le Témoin, à partir d’octobre 90 à avril 94, est-ce que vous vous
33 déplaciez librement ?
34 Est-ce que les gens pouvaient circuler librement dans la ville de Kigali ou
35 hors de Kigali ?
36 R. Cette fois-ci, j’ai compris la question. Cela n’était pas possible, parce

73 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 34


74 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 qu’à partir de mon arrestation et ma libération qui a suivi, je ne pouvais


2 plus quitter la ville de Kigali pour me rendre, par exemple, à Kacyiru,
3 sans me munir d’un laissez-passer. Je pense que ces documents avaient
4 été institués pour empêcher « aux » Tutsis qui étaient dans la ville de
5 Kigali de fuir. Et je ne pouvais donc pas personnellement circuler dans la
6 ville de Kigali sans ce laissez-passer.
7 M. MOSES :
8 Q. Et très brièvement, Monsieur le Témoin, pour obtenir ce laissez-passer, à
9 quelle autorité devriez-vous... deviez-vous vous adresser ?
10 R. À cette époque, pour obtenir un laissez-passer, on devait se rendre au
11 bureau communal... je devais donc me rendre au bureau communal de
12 Nyarugenge. Mais au fait, le laissez-passer était un document qui était
13 requis dans toute la préfecture de la ville de Kigali, et qui était dirigée
14 par Renzaho Tharcisse. Et cette instruction instituant le laissez-passer
15 émanait donc de la préfecture de la ville de Kigali.
16 Q. Merci. Je voudrais maintenant que vous vous concentriez sur la période
17 d’avril 94. Sans citer des endroits précis, à quel endroit vous trouviez-
18 vous lorsque vous avez appris la nouvelle du décès du Président
19 Habyarimana ?
20 R. Je me trouvais chez moi.
21 M. MOSES :
22 Monsieur le Président, à ce stade, je pense qu’il serait prudent de passer
23 au huis clos, ne serait-ce que pour cinq minutes. Il y a des éléments que
24 je voudrais obtenir du témoin en ce qui concerne le lieu où il se trouvait.
25 Et je poserai également des questions sur certaines personnes qui
26 pourraient conduire à l’identification du témoin.
27 M. LE PRÉSIDENT :
28 Nous allons donc décréter le huis clos pour cinq minutes.
29

30 (Suspension de l’audience publique : 10 h 50)


31

32 (À ce moment-ci des débats, la séance sera entendue à huis clos et la


33 transcription,
34 pages 30 à 34, sera présentée dans le cahier des audiences à huis clos)
35

36 (Pages 1 à 29 prises et transcrites par Joëlle Dahan, s.o)

75 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 35


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10

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1 (Reprise de l’audience publique : 11 h 45)


2

3 M. LE PRÉSIDENT :
4 Nous siégeons sur fondement de l’Article 15 bis parce que le Juge Egorov
5 sera absent jusqu’à la pause déjeuner. Veuillez poursuivre, Monsieur le
6 Procureur.
7

8 INTERROGATOIRE PRINCIPAL (suite)


9 PAR M. MOSES :
10 Q. Monsieur le Témoin, juste avant la pause, vous avez dit à la Chambre que
11 vous aviez quitté votre domicile et que vous aviez trouvé refuge à un
12 endroit du nom de CELA ; vous en souvenez-vous ?
13 LE TÉMOIN ACS :
14 R. Je m’en souviens.
15 Q. Combien de temps à peu près, après la mort du Président Habyarimana,
16 avez-vous trouvé refuge au centre CELA ?
17 R. Une semaine après le décès du Président Habyarimana.
18 Q. Combien de temps a duré votre séjour au CELA ?
19 R. Je pense que j’ai quitté le centre CELA à une date que je ne peux pas
20 oublier, c’est une date qui est très importante. Nous avons quitté le
21 centre CELA le 22 avril, au moment où il y a eu un massacre à cet
22 endroit, qui était dirigé par le préfet Tharcisse Renzaho.
23 Q. Nous y reviendrons. Ainsi, vous affirmez avoir quitté cet endroit le 22
24 avril. Y avait-il plusieurs personnes, comme vous, qui « aviez » trouvé
25 refuge au CELA pendant le temps que vous vous y trouviez ?
26 R. Il y avait de nombreuses personnes à cet endroit. Certains étaient arrivés
27 avant moi et d’autres sont arrivés après mon arrivée. C’étaient de
28 nombreuses personnes à tel point que nous dépassions le chiffre de 80
29 personnes. Nous étions très nombreux.
30 Q. À présent, veuillez vous concentrer sur la date du 22 avril. Que s’est-il
31 produit le 22 avril ? Quelque chose qui vous a frappé, quelque chose
32 d’inhabituel ?
33 R. L’incident particulier dont je me rappelle à cette date du 22 avril, c’est
34 un grand nombre de membres de la population de mon secteur qui sont
35 venus couper les buissons dans les environs de l’endroit où nous avions
36 trouvé refuge au centre CELA. Ils sont venus officiellement pas... couper

79 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 35


80 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 ces buissons pour rechercher les Inyenzi. Et c’est... C’est à cette date-là
2 que les gens du centre CELA ont été tués. Mais avant le massacre, il y a
3 eu ce qui a été appelé « travaux communautaires ».
4 Q. Très bien. Après que les gens de votre quartier sont venus faire les
5 travaux communautaires,
6 avez-vous vu quelqu’un arriver sur les lieux au CELA ?
7 R. Je ne me rappelle plus exactement qui serait venu au centre CELA, mais
8 je me rappelle l’attaque qui a visé ce centre. Je ne sais pas si je peux
9 m’étendre un peu sur cette attaque.
10

11 (Signe affirmatif de la part du Procureur)


12

13 Le 22, pendant que les membres de la population, assez nombreux,


14 coupaient les buissons, les broussailles autour du centre CELA, j’ai
15 aperçu un véhicule blindé. Ce sont... C’est un type de véhicule que les
16 balles ne peuvent pas traverser. Renzaho n’était pas à bord de ce blindé,
17 mais je crois qu’il était à bord de son véhicule en compagnie d’Angeline
18 Mukandutiye, qui était inspectrice d’école primaire dans la région de
19 Nyarugenge. Il était avec Odette Nyirabagenzi, conseiller de mon
20 secteur. Il était en compagnie de Jean Bizimana, bourgmestre de la
21 commune de Nyarugenge, des gendarmes et des militaires que je n’ai
22 pas pu identifier. Ceux-là qui n’étaient pas militaires, j’ai pu les identifier,
23 parce que je les voyais presque chaque fois.
24 Q. Je vais vous arrêter pour l’instant. Vous avez affirmé avoir reconnu des
25 personnes qui n’étaient pas des militaires. Qui avez-vous reconnu
26 comme tel ?
27 R. Il y avait Angeline Mukandutiye, inspectrice d’école dans la commune de
28 Nyarugenge, Odette Nyirabagenzi, qui était conseiller...
29 M. LE PRÉSIDENT :
30 Tous ces noms ont été épelés et figurent dans le dossier, il n’est pas
31 nécessaire de les épeler à nouveau.
32 M. MOSES :
33 Je vais reformuler ma question.
34 Q. En dehors des officiels que vous venez d’évoquer, y avait-il d’autres
35 personnes, en compagnie de Renzaho, que vous auriez reconnues ?
36 R. (Intervention inaudible : microphone fermé)

81 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 36


82 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
2 Micro du témoin.
3 R. Il y avait de nombreux Interahamwe. Je me rappelle les noms de certains
4 de ces Interahamwe. Je ne sais pas si vous voulez que je vous donne
5 leurs noms.
6 M. MOSES :
7 Q. Allez-y, si vous pouvez nous donner deux ou trois noms d’Interahamwe
8 qui, selon vos souvenirs, étaient en compagnie des officiels ce jour-là.
9 R. Il y avait de nombreux Interahamwe, mais je me rappelle un certain
10 Nkeshimana, fils de Gikongoro. Il y avait un certain Fidèle Habimana,
11 alias Castar. Un certain Faustin Rwagatara, alias Las Vegas. Ils étaient
12 très nombreux, mais j’ai retenu les noms de ces personnes.
13 M. MOSES :
14 Monsieur le Président, Honorables Juges, « Nkeshimana », c’est « 183 ».
15 « Fidèle », c’est le numéro 49 ; « Castar », « 39 », et le dernier nom
16 figure sur la liste supplémentaire au numéro 4.
17 M. LE PRÉSIDENT :
18 Et le nom du père Gikongoro.
19 Q. Quel était le nom du père, Monsieur le Témoin ?
20 R. Je vous remercie, Monsieur le Président. C’est Nkeshimana qui avait
21 comme père Gikongoro.
22 Q. Nous voulons tout simplement nous assurer que le nom du père est
23 épelé de la même manière qu’une localité du même nom.
24 R. Il s’agit de la même orthographe, Monsieur le Président.
25 M. LE PRÉSIDENT :
26 Je vous remercie.
27 M. MOSES :
28 Q. Monsieur le Témoin, à votre arrivé au CELA, à peu près une semaine
29 après la mort du Président, y avait-il un prêtre ou des prêtres sur les
30 lieux ?
31 R. Lorsque je suis arrivé au centre CELA, tous les prêtres qui résidaient dans
32 ce centre étaient partis. J’ai rencontré les gens, qui avaient les mêmes
33 problèmes que moi, qui y avaient cherché refuge. Sinon, les prêtres
34 étaient partis bien avant.
35 Q. Qu’en est-il du 22 avril ? Y avait-il des prêtres sur les lieux ?
36 R. Le 22 avril, je parlerai de... du prêtre Wenceslas Munyeshyaka qui est

83 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 37


84 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 arrivé avec Renzaho Tharcisse, Odette Nyirabagenzi, Angeline


2 Mukandutiye, les Interahamwe, les militaires et les gendarmes. Ce prêtre
3 les accompagnait et était donc avec les assaillants ce jour-là.
4 Q. Vous avez dit que le préfet est arrivé. Êtes-vous en mesure de dire à la
5 Chambre à quelle heure vous avez vu ces individus arriver ?
6 R. D’après mes souvenirs, les gens sont d’abord arrivés avant 10 heures,
7 mais l’attaque a continué jusque dans l’après-midi. Tout au début, il y a
8 eu ces fameux travaux communautaires, et par la suite, Renzaho est
9 arrivé avec cette attaque d’Interahamwe, de gendarmes, de militaires et
10 d’autres personnes. Il s’agit d’une attaque qui a duré longtemps.
11 Q. Lorsque vous dites que Renzaho est arrivé, sans nous dire dans quelles
12 circonstances, aviez-vous vu Renzaho avant cette date ?
13 R. Je l’ai d’abord vu en 1990, lorsqu’il a convoqué une réunion dans mon
14 secteur ; il s’agit d’une réunion publique à laquelle tous les membres de
15 la population et les responsables des cellules étaient convoqués. Ce fut
16 ma première fois de le voir.
17 Q. D’accord. En dehors de cette réunion de 1990, l’aviez-vous vu de vos
18 propres yeux entre cette date et le 22 avril 1994 ?
19 R. Je l’ai vu à de nombreuses occasions, entre 90 et 94. Comme préfet de la
20 préfecture de la ville de Kigali, je l’ai vu à l’occasion de nombreuses
21 réunions qu’il convoquait. Mais le 22 avril 1994, je l’ai revu de visu. Mais
22 même avant cette date, je le voyais à l’occasion de différentes réunions.
23 Q. D’accord. Nous reviendrons aux événements du 22 avril au matin.
24

25 Après l’arrivée de Renzaho et d’autres, que s’est-il produit ?


26 R. Avant leur arrivée d’abord, je me rappelle qu’il y a eu les travaux
27 communautaires qui ont été opérés par les membres de la population.
28 Q. Ma question concernait la période postérieure à son arrivée.
29 R. Ah ! Maintenant, je vous comprends. Après l’arrivée du préfet au centre
30 CELA, il a demandé que tout le monde qui se trouvait dans les salles du
31 centre CELA sorte. Mais lorsque nous l’avons vu, nous nous étions dit
32 que c’était une façon d’être sauvés. Nous nous sommes dit : le préfet est
33 là, maintenant nous sommes sauvés.
34

35 Il nous a demandé de sortir et nous nous sommes rassemblés dans la


36 cour. On nous a alignés.

85 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 38


86 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

2 Je me demande si je peux... Je ne sais pas si je peux continuer à vous


3 expliquer ce qui s’est passé.
4 Q. Attendez un instant. Nous allons procéder par étape. Je crois que cela
5 sera facile pour tout le monde de procéder de cette manière.
6

7 Lorsque vous dites que vous avez été tous alignés, était-ce hommes,
8 femmes et enfants mis ensemble ?
9 R. Oui, on a demandé à tout le monde de se mettre sur une queue, mais les
10 femmes ont été alignées à part, les enfants à part et les hommes à part.
11 Q. Pour que les choses soient claires, faisiez-vous partie des hommes qui se
12 sont mis en rang ?
13 R. Oui. Je fais partie des hommes qui ont été alignés sur une queue.
14 M. LE PRÉSIDENT :
15 Q. Monsieur le Témoin, le débroussaillage a-t-il été fait à partir du 10 heures
16 ? L’organisation des massacres a-t-elle commencé vers 10 heures ?
17 R. Je vous remercie, Monsieur le Président, Honorables Juges. Même s’il y a
18 eu ces travaux communautaires, je voudrais dire que c’était un prétexte
19 qui était utilisé pour commettre ce massacre. À ma souvenance, il y a eu
20 de nombreuses personnes qui sont venues couper les buissons...
21 Q. D’accord. D’accord. Mais écoutez attentivement la question, Monsieur le
22 Témoin. Vous avez dit que de nombreuses personnes sont arrivées vers
23 10 heures ; était-ce pour faire ce que vous appelez « travaux
24 communautaires » ou pour commencer à aligner les gens ? Je voudrais
25 tout simplement une indication horaire. Est-ce que vous pouvez nous
26 aider ?
27 R. À vrai dire, il ne s’agissait pas de travaux communautaires. C’est nous
28 que les gens recherchaient. Voilà ce que je peux vous dire. Parce que
29 nous savons ce que représentaient les travaux communautaires
30 normalement. Tout simplement, c’était quelque chose qui visait à
31 préparer notre massacre.
32 Q. Oui, et nous vous comprenons. À quel moment Monsieur Renzaho est-il
33 arrivé ? À quelle heure ? C’est ce qui nous intéresse pour le moment.
34 R. Je ne me rappelle plus l’heure exacte. Dans tous les cas, il est arrivé
35 dans l’avant-midi, avant que les travaux communautaires n’aient pris fin.
36 C’était toujours dans l’avant-midi, mais je ne me rappelle plus l’heure

87 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 39


88 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 exacte.
2 Q. À quelle heure les travaux communautaires ou... ce débroussaillage a-t-il
3 commencé ? À quelle heure ?
4 R. Si je devais faire une estimation, je dirais que les travaux
5 communautaires ont commencé un peu plus tôt vers 10 heures ou un
6 peu avant 10 heures. Je ne me rappelle plus l’heure exacte. Dans tous
7 les cas, c’était dans l’avant-midi.
8 Q. Et Monsieur Renzaho n’est pas arrivé à bord du blindé, mais dans sa
9 propre voiture. Est-ce ce que nous devons retenir de votre déposition sur
10 ce point ?
11 R. Il est venu à bord d’un autre véhicule. Dans les véhicules blindés, il n’y
12 avait que des militaires.
13 Q. Et il n’y avait qu’un seul véhicule blindé, Monsieur le Témoin ; vous
14 confirmez ?
15 R. Je ne me rappelle plus très bien, mais il y avait plus d’un véhicule blindé.
16 Je les ai vus. Vous savez si quelqu’un a peur, il est difficile d’observer
17 correctement, mais il y avait, dans tous les cas, plus d’un véhicule
18 blindé.
19 M. LE PRÉSIDENT :
20 Merci.
21 R. Je vous remercie, Monsieur le Président.
22 M. MOSES :
23 Q. Monsieur le Témoin, une fois que vous avez été alignés, vous a-t-on
24 donné des ordres ou des instructions ? Que s’est-il passé ?
25 R. Après nous avoir alignés, le préfet Renzaho en personne — et je pense
26 qu’il se le rappelle très bien —, il a donné des instructions, car c’est lui
27 qui dirigeait cette attaque. Il avait une feuille de papier en main et il a
28 passé cette feuille de papier à Angeline Mukandutiye, qui était
29 inspectrice des écoles à Nyarugenge. La liste a été lue et Renzaho a dit :
30 « Prenez qui vous voulez. »
31

32 Je ne sais pas si je peux continuer pour vous dire ce qui s’est passé par la
33 suite, après avoir fait cette déclaration.
34 Q. Je vous poserai d’autres questions pour que nous puissions prendre
35 connaissance des faits par étape, au lieu de livrer toute l’information en
36 une fois.

89 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 40


90 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

2 Après que Renzaho a dit à Angeline qu’elle pouvait prendre qui elle
3 voulait, des noms ont-ils été lus ?
4 R. Oui. Cela a été fait. Des noms ont été lus.
5 Q. Vous rappelez-vous le premier nom qui a été lu ?
6 R. C’était le nom d’un certain Charles Rwanga.
7 M. MOSES :
8 D’accord. Charles Rwanga, c’est le numéro 241 sur la liste, Honorables
9 Juges.
10 Q. Faisait-il partie des hommes qui avaient été alignés à l’extérieur ?
11 R. Rwanga Charles n’était pas sur notre queue. Il était resté caché quelque
12 part, parce qu’il savait qu’il était très recherché depuis 1990. Et comme il
13 n’était pas sur la queue, Angeline Mukandutiye a dit, en s’adressant à
14 Wilson Rwanga et à Deglote Rwanga — les enfants de Charles
15 Rwanga —, elle leur a dit : « Cherchez votre père, si vous voulez avoir la
16 vie sauve. » Les enfants ont pleuré en s’adressant à leur mère en lui
17 disant : « Maman, demande à papa de sortir pour qu’on ne nous tue
18 pas. »
19

20 C’est ainsi que les Interahamwe sont allés chercher à gauche et à droite
21 pour retrouver Charles Rwanga. Ils l’ont trouvé et l’ont mis « sur » la
22 queue devant tous les hommes.
23 M. MOSES :
24 Très bien. Monsieur le Président, c’est le « 244 » et « 245 ». Ce sont les
25 noms des fils de Rwanga.
26

27 Monsieur le Témoin, il faudrait, si vous le pouvez, me regarder


28 régulièrement ; comme ça, je lèverai la main si je constate que vous êtes
29 très rapide ou que vous donnez beaucoup de détails.
30 M. LE PRÉSIDENT :
31 Vous êtes en train de vous référer à la nouvelle liste actualisée ou bien
32 l’ancienne ? Parce qu’il faudrait que nous nous mettions d’accord que
33 c’est la liste du 2 janvier 2007 que nous utilisons,
34 c’est-à-dire la plus récente. Et là...
35 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
36 Les interprètes n’ont pas suivi le numéro, parce que le Procureur

91 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 41


92 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 toussait.
2 M. MOSES :
3 Oui, Monsieur le Président, vous avez tout à fait raison.
4 M. LE PRÉSIDENT :
5 Q. Qui a lu ces noms, Monsieur le Témoin ?
6 R. Lorsque le préfet Renzaho a passé la liste à Mukandutiye Angeline, c’est
7 elle qui a lu les noms, parce que la majorité des gens qui se trouvaient
8 dans ce centre résidaient dans son secteur. Elle était notre voisine, elle
9 connaissait tous ces gens. Le préfet ne les connaissait pas, il a juste
10 donné la liste à Angeline en lui disant : « Prenez qui vous voulez. » Alors
11 Angeline s’est mise à lire les noms pendant que nous nous étions alignés
12 « sur » une queue.
13 M. MOSES :
14 Q. Monsieur le Témoin, est-ce qu’il s’agit là de quelque chose que vous avez
15 entendu de vos propres oreilles, quelque chose qu’on vous a dit — ces
16 instructions que vous avez suivies du préfet et d’Angeline ?
17 R. Tout à fait, j’étais « sur » la queue et j’attendais ma mort. J’ai entendu
18 cela de mes propres oreilles ; cela a été fait devant moi pendant que je
19 me tenais « sur » une queue. Nous étions dans une cour, tous ensemble.
20 Q. Très bien. En dépit ou en dehors des enfants de Rwanga et leur père,
21 vous souvenez vous d’autres personnes qui figuraient sur cette liste ?
22 R. Je me rappelle de nombreux noms. Par exemple, Emmanuel Gihana qui
23 était avec moi. Si vous voulez, je peux donner tous les noms, d’après
24 mes souvenirs.
25 M. MOSES :
26 Emmanuel Gihana, c’est le numéro 65 sur la liste.
27 Q. Si vous pouvez vous souvenir de deux ou trois autres noms, vous pourrez
28 les citer.
29 R. Il y avait un certain Albert qui travaillait à la Radio Rwanda. Safari
30 Christophe, je pense qu’il était étudiant dans la faculté de gestion à
31 l’université. Il y avait aussi Charles Gahima et un certain Rwigamba. Je
32 me rappelle très bien les noms de ces personnes.
33 M. MOSES :
34 « Christophe Safari » se trouve sur la liste supplémentaire. Et dernier
35 nom, « Gahima », c’est un nom assez connu. Je vais peut-être demander
36 au témoin de donner l’orthographe de « Rwigamba ».

93 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 42


94 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Q. Monsieur le Témoin, veuillez épeler ce nom, s’il vous plaît.


2 R. « Rwigamba » s’épelle : R-W-I-G-A-M-B-A.
3 Q. Merci, Monsieur le Témoin. Il y a quelques instants, vous avez dit que
4 vous aviez vu une personne, Vincent Mugiraneza, lorsque vous êtes allé
5 au centre CELA. Est-ce que vous l’avez vue ce jour-là
6 — c’est le 22 ?
7 R. Je ne l’ai pas seulement vu le 22, je l’ai vu depuis que j’étais arrivé au
8 centre CELA, nous sommes restés ensemble au centre CELA. Je ne sais
9 pas si vous voulez que je vous explique ce qui s’est passé, parce qu’il a
10 eu une histoire particulière. Puis-je le dire ?
11

12 (Signe affirmatif de la part du Procureur)


13

14 Pendant qu’on nous a demandé de nous mettre « sur » la queue,


15 Mugiraneza, qui fut ambassadeur du Rwanda en Chine, a dit : « J’ai de la
16 chance, je viens de voir Renzaho. C’est quelqu’un qui est originaire de la
17 même préfecture que moi. » Il s’est dirigé vers Renzaho pour lui dire
18 bonjour.
19

20 Renzaho s’est exclamé... — je me rappelle très bien, c’est un incident


21 que je ne peux pas oublier —
22 il a dit : « Tiens, Mugiraneza, toi aussi tu es ici ? »
23

24 Il lui a dit : « Prends place à bord de ma voiture, je m’occuperai de toi


25 après. »
26

27 Puis-je continuer ?
28 Q. Oui, je vais vous arrêter momentanément, Monsieur le Témoin.
29

30 Est-ce que vous connaissez l’appartenance ethnique de Vincent ?


31 R. Pour moi, il était tutsi, parce que sa famille avait été exterminée — et je
32 parle ici de sa femme et de ses enfants —, comme je vous l’ai dit au
33 début de ma déposition. Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il s’était
34 réfugié au centre CELA. Nous étions tous du même groupe ethnique,
35 au centre CELA.
36 Q. Très bien. Lorsqu’il a dit qu’il venait de la même préfecture que le préfet,

95 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 43


96 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 est-ce que vous savez de quelle préfecture il parlait ?


2 R. Il s’agit de la préfecture de Kibungo. Mugiraneza était originaire de
3 Kibungo. Et d’après ce que je savais, je pense qu’il était originaire de la
4 commune de Kigarama. C’était mon voisin, j’étais censé savoir d’où il
5 était originaire à Kibungo.
6 Q. Vincent a-t-il quitté CELA ce soir-là ?
7 R. Voulez-vous parler là du 22 avril, lorsqu’on venait de nous aligner ?
8

9 Lorsque Renzaho lui a dit « Prends place à bord de la voiture, je vais


10 m’occuper de toi plus tard », lorsque... On a d’abord enlevé les gens qui
11 étaient recherchés, comme Rwanga — c’était à peu près un groupe de
12 40 personnes —, et on n’a pas inquiété les femmes à cette date-là — je
13 crois que je ne l’avais pas dit.
14

15 Les femmes et les hommes qui restaient là, comme moi, on nous a dit de
16 partir, de rentrer chez nous. Et c’est Renzaho qui nous a dit : « Allez,
17 rentrez chez vous, on va vous protéger dans vos résidences
18 respectives. »
19

20 C’est Renzaho qui a emmené Mugiraneza ; et jusqu’aujourd’hui, on ne l’a


21 jamais vu. Il faudrait peut-être demander à Renzaho de nous dire ce qu’il
22 est advenu de Mugiraneza.
23 M. LE PRÉSIDENT :
24 Monsieur le Témoin, nous comprenons votre courtoisie lorsque vous
25 regardez les Juges sans cesse.
26

27 Est-ce que vous pouvez, de temps en temps, jeter un coup d’œil au


28 Procureur — parce que cela facilitera la communication entre vous, de
29 sorte qu’il puisse vous arrêter lorsque vous parlez ?
30

31 Je sais que vous êtes très enthousiaste, vous voulez tout dire, mais
32 allons-y pas à pas.
33 M. MOSES :
34 Dans votre dernière réponse, Monsieur le Témoin, vous avez évoqué
35 différents aspects qui nous permettront de gagner du temps. Je vais
36 peut-être obtenir simplement des précisions sur certains faits.

97 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 44


98 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Q. Vincent Mugiraneza est parti du CELA le 22 avril, « oui » ou « non » ?


2 R. Il a quitté CELA à cette date.
3 Q. Et vous avez dit à la Chambre que vous ne l’avez pas revu depuis ce
4 mois d’avril ?
5 R. Oui.
6 Q. Dans une précédente réponse, vous avez dit qu’environ 40 personnes
7 ont été emmenées du centre CELA ; c’est bien ce que vous avez dit ?
8 R. J’ai donné une approximation en disant que c’était plus de 40 personnes.
9 Je ne me rappelle plus exactement combien ont été enlevées, mais je
10 prends comme point de départ 40 personnes.
11 Q. Très bien. Et sur les 40 personnes qu’on a emmenées, savez-vous s’il y
12 en a qui sont encore en vie aujourd’hui ?
13 R. Parmi ce groupe de plus de 40 personnes, il y a une personne qui
14 s’appelle Bitega qui aurait sauté du véhicule dans lequel on conduisait
15 les gens qui devaient aller être tués. Cette personne a pu survivre, je l’ai
16 revue après les événements. C’est quelqu’un qui a pu survivre parmi le
17 groupe qui avait été enlevé pour aller être tué.
18 M. MOSES :
19 C’est le numéro 20 sur la liste.
20 Q. Pour ce qui est du reste, savez-vous ce qu’il leur est arrivé ?
21 R. Votre question se rapporte-t-elle à ceux qui sont restés lorsque nous
22 avons quitté le centre CELA, Maître ?
23 Q. Oui, je crois que vous avez raison, ma question n’était pas très claire et
24 je m’en excuse.
25

26 Je dis : sur les quelque 40 personnes qui ont été emmenées, vous avez
27 parlé d’une personne qui a survécu. Et je dis : les autres, savez-vous ce
28 qu’il leur est arrivé ?
29 R. Tous ont été massacrés. Ils... Nous ne les avons plus revus. On les a tués
30 le long de la route qui descendait dans notre secteur. Et certains corps
31 ont été jetés dans les fosses qui se trouvaient à un endroit appelé CND.
32 C’était chez un certain Monsieur Iyaremye qui avait creusé des fosses
33 très profondes pour recueillir l’eau de pluie, et c’est dans ces fosses
34 qu’on a jeté certains corps, tandis que les autres personnes avaient été
35 tuées le long de la route.
36 Q. Et très brièvement, comment savez-vous que ces personnes ont été

99 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 45


100 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 jetées chez Iyaremye


2 — c’est le numéro 85 ?
3 R. Après le génocide, nous avons essayé de retrouver les corps des
4 membres de nos familles qui avaient été tués et nous avons procédé à
5 une exhumation des corps qui avaient été enterrés dans ces fosses pour
6 aller les ensevelir ailleurs. Et c’est dans ces fosses que nous avons
7 retrouvé le corps d’Albert qui travaillait à Radio Rwanda. Et nous
8 pouvions, à cette époque-là, les reconnaître à cause des vêtements que
9 ces personnes portaient. Nous avons donc pu reconnaître Albert et nous
10 avons même pu reconnaître Emmanuel Gihana à cause des habits qu’ils
11 portaient.
12 Q. Encore une précision rapide, Monsieur le Témoin : avez-vous été présent
13 lors de l’exhumation de ces corps ?
14 R. Oui, j’étais présent. J’étais présent lors de l’exhumation et j’étais aussi
15 présent lorsque ces corps ont été enterrés avec les honneurs.
16 Q. J’ai maintenant quelque deux ou trois questions brèves sur l’incident
17 dont vous avez parlé et qui est survenu le 22 avril. À partir de vos
18 observations, qui semblait être chargé des opérations au centre CELA
19 — s’il y a eu un meneur ?
20 R. L’opération était dirigée par le préfet Tharcisse Renzaho. Un subalterne
21 n’aurait pas pu diriger cette opération en la présence de Renzaho. Et
22 ensuite, c’est lui qui a donné les ordres, et personne d’autre n’a parlé à
23 cette occasion. C’est donc Renzaho qui a dirigé cette opération en sa
24 qualité de préfet de la préfecture de la ville de Kigali. Mais aussi, il y
25 avait d’autres personnalités dont le conseiller, le bourgmestre de la
26 commune de Nyarugenge et Angeline Mukandutiye.
27

28 Je confirme que c’est Renzaho qui dirigeait l’opération, et c’est même lui
29 qui avait la liste des personnes recherchées ; je ne sais pas comment il
30 se l’était procurée, mais c’est lui qui l’avait entre les mains.
31 Q. Merci. Ce processus qui a consisté à extraire les réfugiés et à les séparer
32 en plusieurs groupes pour emmener certains, est-ce que vous avez une
33 idée de la durée de ce processus ?
34 R. Je crois avoir déjà répondu à votre question. Cela a pris beaucoup de
35 temps. L’opération a commencé dans la matinée et elle a continué
36 jusqu’en début d’après-midi. Je ne peux pas vous donner l’heure précise,

101 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 46


102 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 mais l’opération a duré plusieurs heures. Je ne peux pas être plus précis,
2 mais l’opération a duré beaucoup de temps. Je veux donc parler du
3 processus de nous faire sortir des salles, de nous aligner et de lire les
4 noms des personnes qui étaient recherchées ; cela a pris plusieurs
5 heures.
6 Q. Et par la suite, après cet incident dont vous avez parlé, le 22 avril,
7 qu’avez-vous fait ?
8 R. Lorsque Renzaho en personne nous a ordonné de quitter le centre pour
9 que notre sécurité soit assurée dans le quartier, j’ai compris que je
10 n’avais pas d’autre endroit où je pouvais aller chercher refuge. J’avais
11 quitté mon domicile pour venir au centre et je ne pouvais pas me rendre
12 au... à l’église Sainte-Famille parce que ce site était sous la direction de
13 Munyeshyaka qui, lui-même, participait à l’attaque du CELA. Et cela m’a
14 poussé, donc, à prendre la décision de rentrer chez moi.
15

16 Et je dois vous dire que les personnes qui ont survécu, même au centre
17 CELA, ont été tuées par la suite.
18 Q. Très bien. Vous avez indiqué à la Chambre que vous aviez vu Renzaho à
19 l’occasion de réunions à plusieurs reprises avant le mois d’avril 94, et
20 vous l’avez revu le 22 avril 1994. Si vous le revoyiez aujourd’hui, seriez-
21 vous en mesure de le reconnaître ?
22 R. Je le connais, j’avais l’habitude de le voir. Et si vous voulez que je
23 l’identifie pour vous, je suis prêt à le faire.
24 Q. Je vous prie de vous lever.
25

26 Veuillez vous lever, Monsieur le Témoin. Regardez dans le prétoire et


27 dites à la Chambre si vous voyez cette personne dans cette salle.
28 R. Vous voulez que je le pointe du doigt ? C’est la personne qui est assise
29 là, au fond, et qui porte des lunettes.
30 Q. Je crois que du côté « où » vous indiquez, il y a trois rangées de bancs. À
31 quel endroit se trouve cette personne : au fond, au milieu ou devant ?
32 R. C’est la personne qui est « assis » à l’extrémité — je pense que c’est la
33 première rangée —, teint clair, avec des lunettes. La personne assise à
34 côté de lui ne porte pas de lunettes. Et à l’autre extrémité, il y a un
35 Blanc.
36

103 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 47


104 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Je ne peux pas oublier Renzaho de toute ma vie. Et même avant les


2 événements, je le connaissais très bien parce que j’habitais la ville de
3 Kigali.
4

5 Je vous remercie.
6 M. LE PRÉSIDENT :
7 En dépit de la légère ambiguïté en ce qui concerne le port des lunettes,
8 nous considérons que le témoin a identifié l’Accusé.
9 M. MOSES :
10 Je vous remercie, Monsieur le Président. Je n’ai plus de questions.
11 M. LE PRÉSIDENT :
12 Est-ce que vous allez devoir contre-interroger le témoin en audience à
13 huis clos, Monsieur le Conseil de la défense ?
14 Me NEKUIE :
15 Oui, Monsieur le Président, je pense que je vais effectivement devoir
16 commencer par une audience à huis clos.
17 M. LE PRÉSIDENT :
18 Si tel est le cas, je crois qu’il faudrait statuer sur votre requête aux fins
19 d’obtenir que votre enquêteur soit présent aux audiences, y compris les
20 audiences à huis clos.
21

22 Vous avez déposé cette requête le 18 janvier. Le Procureur nous a


23 informés qu’il n’avait pas de commentaire ni d’objection.
24

25 Nous avons examiné la question, nous avons également examiné les


26 raisons qui sous-tendent cette requête qui concerne l’enquêteur Jean-
27 Marie Hakizamungu — H-A-K-I-Z-A-M-U-N-G-U — et nous accordons votre
28 requête.
29

30 Voulez-vous commencer par le huis clos tout de suite ou par une


31 audience publique ?
32 Me NEKUIE :
33 Monsieur le Président, je pense qu’il vaudrait mieux commencer par le
34 huis clos tout de suite, mais il ne sera pas long.
35 M. LE PRÉSIDENT :
36 Combien de temps durera à peu près le huis clos, pour que le public soit

105 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 48


106 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 informé ? Est-ce que vous allez contre-interroger le témoin à huis clos


2 jusqu’à la pause déjeuner, c’est-à-dire vers 13 heures, ou ce sera pour
3 moins de temps ?
4 Me NEKUIE :
5 Je pense en avoir pour une dizaine de minutes, Monsieur le Président,
6 pas plus que ça — à moins que le témoin s’étende longuement sur ses
7 réponses.
8 M. LE PRÉSIDENT :
9 D’accord. On verra.
10

11 Nous ordonnons le huis clos.


12

13 (Suspension de l’audience publique : 12 h 35)


14

15 (À ce moment-ci des débats, la séance sera entendue à huis clos et la


16 transcription,
17 pages 47 à 58, sera présentée dans le cahier des audiences à huis clos)
18

19 (Pages 35 à 46, prises et transcrites par Joëlle Dahan, s.o.)


20

21

22

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24

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36

107 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 49


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109 JOËLLE DAHAN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 50


110 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 (Reprise de l’audience publique : 15 h 55)


2

3 M. LE PRÉSIDENT :
4 Témoin ACS, nous mettons fin au huis clos. Nous repassons à l’audience
5 publique pour la suite de votre audition.
6

7 Maître, à vous.

9 CONTRE-INTERROGATOIRE (suite)
10 PAR Me NEKUIE :
11 Q. Monsieur le Témoin, je souhaite que nous revenions un tout petit peu sur
12 l’incident du domicile de Monsieur Vincent Mugiraneza dont vous avez
13 été le témoin. Avez-vous vu, ce jour-là, arriver Angeline Mukandutiye, et
14 pouvez-vous dire à la Chambre si elle n’était accompagnée que des
15 Interahamwe
16 ou des soldats, soit de l’armée, soit de la Gendarmerie ?
17 LE TÉMOIN ACS :
18 R. Il y a un détail qui me revient, mais je vais d’abord commencer par ce
19 que j’ai pu voir concernant la mort de Mugiraneza et les membres de sa
20 famille. [Sur ordre du Président, la partie de l’intervention suivante a été
21 extraite de la transcription]. Je vous ai dit que je me trouvais à l’intérieur
22 de ma maison...
23 M. LE PRÉSIDENT :
24 Monsieur le Témoin, nous siégeons en audience publique. Il n’est pas
25 nécessaire de dire où vous résidiez, de donner des informations sur votre
26 voisinage.
27

28 Donc, à « 14:55:58 », il y a une phrase qui commence par : « I told you


29 that », en anglais — « je vous ai dit que » —, et cette phrase devrait être
30 placée sous scellés — l’ensemble de la phrase.
31

32 Faites attention, Monsieur le Témoin, pour la suite.


33

34 Ne retransmettez pas cette information, cabine technique.


35

36 Maître, posez des questions précises pour que le témoin puisse répondre

111 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 59


112 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 de manière précise à votre question au lieu qu’il ait à répéter ce qu’il a


2 déjà dit, et puis, tout en évitant qu’il ne donne des informations
3 confidentielles.
4 Me NEKUIE :
5 Oui, Monsieur le Président. Je voulais que le témoin réponde simplement
6 à la question de savoir si, parmi les personnes qui accompagnaient
7 Angeline, ne se trouvaient que des Interahamwe ou alors
8 il y avait également des soldats ?
9 Q. Pouvez-vous répondre simplement à cette question, Monsieur le Témoin ?
10 R. J’allais justement répondre à cette question. Il y avait des Interahamwe
11 et des éléments de la Garde présidentielle.
12 Q. D’après vous, Monsieur le Témoin, Angeline Mukandutiye semblait-elle
13 avoir autorité sur ces éléments de la Garde présidentielle ?
14 R. Je ne peux pas dire qu’elle a donné des ordres aux éléments de la Garde
15 présidentielle, elle a seulement donné les ordres aux Interahamwe ; et
16 les éléments de la Garde présidentielle étaient présents. C’est comme
17 s’ils approuvaient les ordres qu’Angeline donnait.
18

19 Et ces éléments de la Garde présidentielle, ainsi que les autres


20 personnes que j’ai déjà citées,
21 ne sont pas entrés dans l’enceinte du domicile de Mugiraneza. Elle n’a
22 donc pas donné d’ordre aux éléments de la Garde présidentielle. C’est
23 plutôt aux Interahamwe — qui, par ailleurs, vivaient chez elle — qu’elle a
24 donné des ordres.
25

26 Et je précise, en passant, que c’est dans son domicile que se trouvait le


27 quartier général des Interahamwe de ce secteur dans lequel j’habitais.
28 Q. Monsieur le Témoin, avez-vous une idée du nombre d’éléments de la
29 Garde présidentielle que vous avez eus à apercevoir ce jour-là ?
30 R. J’ai vu des... deux éléments de la Garde présidentielle et je les ai
31 reconnus à leur uniforme. Je ne sais pas s’il y en avait d’autres qui
32 portaient une tenue civile, et je les ai entendus dire que la personne dont
33 je vous ai déjà donné le nom — et que je ne voudrais pas citer en
34 audience publique —, c’est donc cette personne qui, par la suite, m’a
35 confirmé que les deux éléments en uniforme que je venais d’apercevoir
36 étaient des éléments de la Garde présidentielle.

113 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 60


114 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Q. Et quel était cet uniforme, Monsieur le Témoin ?


2 R. Je ne sais pas si vous connaissez l’uniforme de l’armée de Habyarimana.
3 C’était une tenue de camouflage et c’est donc cette tenue que portaient
4 les deux éléments en question.
5 Q. Monsieur le Témoin...
6 M. LE PRÉSIDENT :
7 (Intervention non interprétée)
8 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
9 Les interprètes n’ont pas entendu le Président.
10 R. J’ai déjà dit qu’il y avait des éléments de la Garde présidentielle ainsi que
11 des Interahamwe qui accompagnaient Angeline, ainsi que les autres
12 personnes que j’ai déjà énumérées. J’ai donc déjà parlé de ces deux
13 éléments qui appartenaient à la Garde présidentielle. Et je ne sais pas si
14 vous avez besoin d’autres explications concernant ces deux éléments de
15 la Garde présidentielle.
16 M. LE PRÉSIDENT :
17 Q. La situation est la suivante : comment pouvez-vous distinguer la Garde
18 présidentielle de l’armée rwandaise normale ? Comment étiez-vous en
19 mesure de le faire ?
20 R. Les éléments de la Garde présidentielle ne portaient pas le même
21 uniforme que les autres militaires. Leur tenue et leur béret étaient
22 différents des autres... de ceux des autres unités de l’armée.
23

24 Au fait, chaque unité avait sa tenue spécifique. Et pour quelqu’un qui


25 habitait au Rwanda, et plus particulièrement à Kigali, je savais que les
26 gendarmes portaient des bérets rouges, et je connaissais aussi des
27 militaires qui portaient des bérets bleus. Et je connaissais aussi des
28 militaires qui portaient des bérets de camouflage. Et j’ai reconnu ces
29 deux éléments comme des éléments de la Garde présidentielle, parce
30 qu’ils portaient une tenue de la Garde présidentielle.
31 Me NEKUIE :
32 Q. Monsieur le Président... Excusez-moi. Plutôt, Monsieur le Témoin, vous
33 dites que les éléments de la Garde présidentielle portaient des bérets de
34 camouflage ? C’est ce que vous dites ? C’est ce que j’ai entendu ?
35 R. Je ne pense pas qu’on devrait grossir ce problème de couleur de béret.
36 Même si je les ai vus,

115 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 61


116 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 la personne qui était mon voisin m’a confirmé qu’il s’agissait d’éléments
2 de la Garde présidentielle.
3 Et j’avais moi-même constaté qu’il s’agissait d’éléments de la Garde
4 présidentielle.
5

6 Je pense donc que leur tenue ne devrait pas être un problème. Nous
7 devrions plutôt nous concentrer sur ce qui s’est passé chez mon voisin.
8 Ce n’est pas la tenue qui a été à l’origine du problème.
9 Q. Avez-vous vu, Monsieur le Témoin, les bérets que portaient ces deux
10 éléments de la Garde présidentielle, ce jour-là ; « oui » ou « non » ?
11 R. Je les ai vus, ils portaient des bérets de camouflage.
12 Q. Savez-vous qu’à cette époque, les éléments de la Garde présidentielle
13 portaient plutôt des bérets noirs ?
14 R. Laissez-moi vous dire ceci, Maître : je n’étais pas militaire, j’étais civil. Et
15 je vous ai dit que nous ne devrions pas nous lancer dans cette discussion
16 à propos des bérets.
17

18 Mais de ce que j’ai pu observer et de ce qu’on m’a dit, j’ai retenu ce que
19 je vous ai dit. Je pense que nous ne devrions pas nous appesantir sur les
20 bérets ou les tenues. Nous devrions plutôt nous attarder sur les
21 massacres qui ont été commis.
22 Q. Je vous suggère sur ce point, Monsieur le Témoin, que si vous n’êtes pas
23 en mesure de décrire
24 la tenue que portaient les éléments que vous dites avoir vus, cela
25 signifie que vous n’avez rien vu ce jour-là. Qu’est-ce que vous
26 répondez ?
27 R. Au début de ma déposition, je n’ai pas dit que j’étais en train de
28 témoigner contre les éléments de la Garde présidentielle. J’ai témoigné
29 contre Angeline Mukandutiye et ceux qui l’accompagnaient, ainsi que les
30 Interahamwe.
31

32 Et lorsque le procès des éléments de la Garde présidentielle va


33 commencer, je suis prêt à venir déposer. Mais je ne pense pas que cela
34 devrait être un problème aujourd’hui, parce que je ne vois pas où vous
35 voulez en venir.
36 Q. Je vous suggère également que vous n’avez pas vu Angeline

117 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 62


118 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Mukandutiye ce même jour ;


2 quelle est votre réaction ?
3 R. Vous voulez dire que je n’aurais pas vu Angeline où ? Où dites-vous que
4 je n’aurais pas vu Angeline Mukandutiye ?
5 Q. Chez Vincent Mugiraneza, Monsieur le Témoin.
6 R. J’ai comme une impression que vous continuez à revenir en arrière. J’ai
7 déjà parlé de la personne qui dirigeait cette attaque et j’ai spécifié qu’il
8 s’agissait d’Angeline Mukandutiye. Je ne sais pas ce que vous voulez
9 savoir d’autre alors que je vous ai déjà dit que c’est elle qui a dirigé cette
10 attaque.
11 Je ne sais pas ce que vous voulez que je vous donne comme réponse,
12 Maître.
13 Q. Monsieur le Témoin, quand exactement êtes-vous parti de chez vous
14 pour vous rendre au CELA ?
15 R. Mais j’ai déjà expliqué tout cela. J’ai dit que je suis parti de chez moi une
16 semaine après l’attentat contre l’avion de Habyarimana. J’ai expliqué que
17 je ne me rappelais plus la date exacte, mais j’ai estimé à environ une
18 semaine la période qui s’est écoulée entre la date où il y a eu l’attentat
19 contre l’avion et la date où j’ai quitté mon domicile pour aller au CELA.
20 Q. Si je vous suggérais que ça devrait se situer entre le 13 et le 15 avril 94,
21 seriez-vous d’accord avec moi ?
22 R. C’est là votre interprétation. Mais personnellement, je sais que dans ma
23 déclaration, j’hésitais sur la date. Mais je me rappelle que c’était une
24 semaine après l’attentat contre l’avion présidentiel. Mais si vous avez
25 ces deux dates exactes, je ne suis pas en mesure de les confirmer, vu la
26 période de temps qui s’est écoulée entre les faits et la date
27 d’aujourd’hui.
28

29 Et je demanderais, en passant, à la Chambre de ne pas « m’en » tenir


30 rigueur pour ce qui est des dates.
31 Q. Monsieur le Témoin, rassurez-vous, la Défense elle-même ne vous tient
32 pas rigueur de cette... de la précision sur les dates. Je voudrais
33 simplement que nous puissions reconstituer le fil des événements de
34 manière plus ou moins objective.
35

36 Alors, puis-je vous poser la question, Monsieur le Témoin, de savoir

119 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 63


120 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 combien de jours vous avez passés au CELA avant l’incident du


2 22 avril 94 ?
3 R. Je dirais environ une semaine ou un peu plus d’une semaine. Parce que si
4 nous comptons une semaine après le 6 avril... Je ne me rappelle pas la
5 date exacte... — parce que je ne voudrais pas que... qu’on m’en tienne
6 rigueur —, mais si je dois donner une estimation, je venais de passer
7 environ une semaine à ce centre.
8 Q. Merci, Monsieur le Témoin.
9 Savez-vous, Monsieur le Témoin, combien de salles les réfugiés
10 occupaient pendant votre séjour dans l’enceinte du CELA ?
11 R. Je vous ai dit que nous vivions dans des salles. Et je n’ai pas recensé les
12 salles dans lesquelles se trouvaient les réfugiés ; je ne suis pas en
13 mesure de vous donner le nombre. Je connais tout simplement les
14 conditions dans lesquelles nous avions fui nos domiciles et l’endroit où
15 nous sommes allés chercher refuge.
16

17 Ne me posez pas des questions sur le nombre de salles que nous


18 occupions. Je sais qu’il y avait de nombreuses salles et que nous étions
19 nombreux. Il y a longtemps de ça, et je n’ai pas cherché à recenser toute
20 les salles dans lesquelles se trouvaient les réfugiés. Tout ce que je savais,
21 c’est que nous avions tous fui nos domiciles pour aller chercher refuge
22 dans ce centre.
23 Q. Vous souvenez-vous du nombre de personnes que vous étiez dans la
24 salle que vous-même vous occupiez, Monsieur le Témoin ?
25 R. Nous étions nombreux, mais je ne peux pas me souvenir du nombre
26 exact. Mais nous étions assez nombreux dans cette salle. Ne me
27 demandez pas de vous donner un nombre exact. Quand je dis que nous
28 étions nombreux, cela veut dire que nous étions plus de 10 dans la salle
29 où je me trouvais. Et d’ailleurs, je viens de vous dire que je n’ai pas fait
30 de recensement, je n’ai pas compté ces gens ; je n’avais pas le temps de
31 le faire.
32 Q. Si vous étiez plus de 10, Monsieur le Témoin, vous devriez vous souvenir
33 du nombre de femmes et d’enfants qui se trouvaient dans votre propre
34 salle ; vous en souvenez-vous ?
35 R. Je ne peux pas m’en souvenir. Je ne peux pas connaître le nombre de
36 femmes, d’enfants ou d’hommes qui se trouvaient dans cette salle. Vous

121 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 64


122 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 ne pouvez pas être dans un état où vous avez peur et vous mettre à
2 compter les gens. Nous ne faisions pas de recensement. Peut-être les
3 gens qui ont fait ce recensement peuvent vous donner ces chiffres.
4

5 Nous avions les mêmes problèmes, nous nous cachions pour échapper
6 aux massacres, nous attendions... nous nous attendions à être... à être
7 tués d’un moment à un autre. Donc, je n’ai pas pu... eu le temps de faire
8 ce recensement.
9 Q. Avez-vous eu le temps, pendant votre séjour, d’aller à la rencontre de
10 Monsieur Mugiraneza ?
11 R. Nous étions tous ensemble dans les salles. Nous faisions face aux
12 mêmes problèmes et tout le monde se parlait. Nous avions confiance les
13 uns dans les autres. J’ai donc pu parler à Mugiraneza et à d’autres
14 personnes qui se trouvaient dans ce centre.
15 Q. Donc, si je comprends bien, Monsieur le Témoin, vous pouviez vous
16 déplacer d’une salle à une autre pendant votre séjour au CELA ; est-ce
17 exact ?
18 R. Oui, cela était possible. Les salles n’étaient... n’étaient pas fermées. Je
19 vous ai dit que les prêtres avaient fermé leurs bureaux, mais que les
20 salles étaient restées ouvertes. Et ils sont partis sans rien nous donner.
21 Ils ont pris leurs effets et ils sont partis. Et quand je suis arrivé, les
22 réfugiés n’avaient rien ; ceux qui étaient arrivés avant moi n’avaient
23 rien.
24

25 Donc, les gens pouvaient se rencontrer sans difficulté et pouvaient


26 discuter de leurs problèmes communs. C’était tout à fait normal.
27 Q. Et malgré ces déplacements que vous faisiez, vous ne pouvez pas vous
28 souvenir du nombre approximatif de salles qu’il vous arrivait de... dans
29 lesquelles il vous arrivait de rencontrer...
30 (suite de l’intervention inaudible : canal occupé)
31 R. Je vous ai dit que je... je n’ai pas fait de recensement.
32

33 Excusez-moi, Maître, ne me posez pas de questions sur le nombre de


34 salles, posez-moi plutôt des questions sur les circonstances
35 dans lesquelles les gens ont trouvé la mort. Je ne peux pas vous donner
36 le nombre de salles, le nombre de gens qui s’y trouvaient. Ce dont

123 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 65


124 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 je peux vous parler, c’est comment les gens ont été tués.
2

3 Mais actuellement, quand on rencontre des gens qui étaient avec vous et
4 qui ont survécu, c’est à ce moment-là qu’on peut évaluer combien de
5 gens ont été tuées. Mais il faut faire un recensement pour pouvoir
6 trouver tous ces chiffres.
7

8 Mais pour ce qui est des salles... pour ce qui est du nombre de salles, je
9 vous ai dit que je ne les ai pas comptées. Peut-être il y a quelqu’un qui a
10 fait un recensement, peut-être dans le but de tuer ces gens ; peut-être
11 cette personne peut vous donner le nombre de salles et le nombre de
12 personnes qui se trouvaient dans ces salles.
13 Q. Combien de salles, Monsieur le Témoin, séparaient le lieu où vous vous
14 trouviez personnellement de celui où se trouvait Monsieur Mugiraneza ?
15 R. Je me souviens que dans cette salle où je me trouvais, malgré que je n’ai
16 pas fait des... je n’ai pas procédé au comptage des salles, mais je peux
17 vous dire que je pense que je me trouvais dans la même salle que
18 Mugiraneza. Je pense que cela était le cas.
19

20 C’étaient des grandes salles qui, peut-être, étaient des salles de réunion
21 auparavant, et il y avait beaucoup de gens dans ces salles.
22

23 Je ne suis pas retourné sur les lieux pour compter ces salles ; je crois que
24 je ne suis plus allé depuis cette date du 22 avril 1994.
25 Q. Et celui dont je tais le nom, mais à propos duquel vous avez dit qu’il
26 avait pu échapper à l’incident du CELA — à la mort —, était-il dans la
27 même salle que vous ou dans une autre salle ?
28 R. Je ne peux pas vous répondre sans savoir de qui vous parlez, Maître.
29 Vous me dites que cette personne a survécu ; est-ce qu’elle se trouvait
30 au centre CELA ou à l’extérieur ? Parlez-moi des circonstances dans
31 lesquelles cette personne a pu survivre et je pourrai vous répondre.
32 M. LE PRÉSIDENT :
33 Vous avez mentionné 40 personnes et vous avez dit qu’une seule de ces
34 personnes a survécu ; c’est à cette personne qu’il fait allusion.
35 L’INTERPRÈTE KINYARWANDA-FRANÇAIS :
36 Le témoin vient de prononcer le nom de cette personne. L’interprète

125 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 66


126 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 demande s’il faut le mentionner en audience publique.


2 R. Maintenant, vous me posez une question qui me pousse à parler du nom
3 de cette personne et nous sommes en audience publique. Je ne sais pas
4 comment y répondre, Maître. Je ne vois pas l’objet de cette question
5 alors que nous sommes en audience publique.
6 M. LE PRÉSIDENT :
7 Est-ce qu’il y a un problème à mentionner ce nom ?
8 M. MOSES :
9 Non. Du moment que l’Avocat ne mentionne que le nom sans une autre
10 information, je ne vois pas de problème. Je crois qu’on peut évoquer cela
11 en audience publique.
12 M. LE PRÉSIDENT :
13 Très bien.
14 R. Maître, répétez votre question et je vais... je vais y répondre.
15 Me NEKUIE :
16 Q. Ma question était la suivante, Monsieur le Témoin : Monsieur Gitega se
17 trouvait-il dans la même salle que vous ou dans une salle différente ?
18 R. Il m’est difficile de me rappeler où les gens se trouvaient exactement. Je
19 le connaissais, mais je ne me souviens plus si nous étions dans la même
20 salle ou s’il était dans une autre salle.
21 Je n’ai cessé de vous dire que je n’ai pas fait attention à ce fait.
22 Posez-moi plutôt des questions relatives à ce qu’il lui est arrivé.
23

24 Je connaissais la plupart des gens qui s’y trouvaient. Et d’ailleurs, ça fait


25 longtemps, je ne me souviens pas de toutes les personnes qui s’y
26 trouvaient avec moi. Je ne pourrais pas répondre à cette question.
27 Posez-moi des questions sur les crimes qui ont été commis et posez-moi
28 des questions spécifiques sur ce qui est arrivé à chacune de ces
29 personnes.
30

31 Je connais très bien cette personne. Demandez-moi comment je l’ai


32 connu, mais ne me posez pas des questions relatives à la salle dans
33 laquelle il se trouvait. C’est quand j’essaie de me remémorer ce qui s’est
34 passé au CELA que j’arrive à me souvenir de... de certaines personnes
35 qui se trouvaient avec moi.
36 M. LE PRÉSIDENT :

127 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 67


128 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Monsieur le Témoin, la Chambre comprend ce que vous dites. Nous


2 n’avons pas besoin d’entendre les mêmes explications tout le temps.
3 Quand ces questions concises vous sont posées, essayez d’y répondre
4 par quelques phrases seulement. Et des fois, même un « oui » ou un
5 « non » sera suffisant. Ainsi, d’autres questions vont suivre. Aidez-nous
6 dans ce sens.
7 R. Merci, Monsieur le Président, Madame le Juge, Monsieur le Juge. Je vais
8 essayer d’être bref. Mais le Conseil de la défense me pose des questions
9 qui ressemblent à celles qu’il m’a déjà posées et à propos desquelles je
10 lui ai donné des explications, et je me sens obligé de lui donner ces
11 mêmes explications. Mais comme vous le dites, je vais essayer d’être
12 bref.
13 M. LE PRÉSIDENT :
14 Et c’est normal que vous... vous n’aimiez pas vous répéter. Continuez
15 dans ce sens.
16

17 Voici la question suivante.


18 Me NEKUIE :
19 Q. Monsieur le Témoin, dois-je considérer qu’il vaut mieux vous poser la
20 question de cette manière :
21 que vous ne vous souvenez pas également de la salle où se trouvaient
22 Charles Rwanga et les autres, notamment Charles, ses enfants, son
23 épouse et Albert — dont vous avez parlé pendant vos dépositions ?
24 R. Je vous ai dit que la plupart de ces personnes étaient avec moi, mais j’ai
25 aussi précisé qu’il ne fallait pas me demander où se trouvait exactement
26 chaque personne, dans quelle salle précise.
27 Mais ces personnes que vous venez de mentionner se trouvaient dans la
28 même salle que moi, à l’exception de Monsieur Rwanga qui s’était caché
29 seul, dans un endroit séparé des autres.
30 Mais la plupart des autres étaient avec moi. Donc, je ne voudrais pas me
31 répéter. J’ai déjà parlé de cela.
32 Q. Dois-je en conclure, Monsieur le Témoin, que la majorité des réfugiés se
33 trouvaient dans une seule salle et que seuls quelques rares réfugiés se
34 trouvaient dans une autre salle ?
35 R. Voici ma réponse : il y avait plusieurs salles dans lesquelles nous nous
36 trouvions, il n’y avait pas une seule salle. Donc, je pense que cela résout

129 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 68


130 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 le problème, parce que je ne pense pas que c’est là vraiment ce qui est
2 important dans ma déposition.
3 Q. Monsieur le Témoin, avez-vous une idée du nombre total de réfugiés que
4 vous étiez à cette époque-là ?
5 R. J’ai déjà répondu à cette question. Je vous ai dit que nous étions
6 nombreux, mais que je ne me souviens pas du nombre exact de réfugiés.
7 Je vous ai dit que je n’avais pas fait de recensement. Je vous ai dit que je
8 n’ai pas fait cet exercice de... essayer de me rappeler qui était mort, qui
9 a survécu, pour pouvoir vous donner des chiffres précis.
10

11 Et comme Monsieur le Président l’a dit, je ne devrais pas me répéter. J’ai


12 déjà répondu à cette question.
13 Q. Monsieur le Témoin, la Défense a besoin de précisions à cet égard.
14 Étiez-vous plus de 100, plus de 200 ou plus de 300 ? Je crois que vous
15 pouvez faire la différence entre ces trois ordres de chiffres.
16 R. Je vous ai dit qu’à cette occasion, plus de 40 personnes ont été tuées et
17 que beaucoup de personnes ont survécu ce jour-là. Je ne peux donc pas
18 vous donner de chiffre précis. Je vous dis simplement que nous étions
19 nombreux. Je vous donne le nombre de personnes qui ont été tuées et je
20 vous dis que nous sommes restés nombreux à cet endroit. Nous étions
21 plus de 100, en tout cas. Nous étions assez nombreux.
22 Q. Lorsque plus de 40 personnes ont pu être extraites, avez-vous une idée
23 du nombre d’hommes qui sont restés ?
24 R. Oui. Nous étions assez nombreux, mais je peux vous citer quelques noms
25 d’hommes et vous donner leur nombre.
26 Q. Donnez-moi le nombre sans citer les noms, s’il vous plaît, Monsieur le
27 Témoin. Juste le nombre approximatif.
28 M. LE PRÉSIDENT :
29 S’il vous plaît, ne mentionnez pas des noms, Monsieur le Témoin ;
30 uniquement les chiffres.
31 R. Je dirais qu’une vingtaine d’hommes sont restés au CELA et qu’ils ont
32 survécu. Si le Tribunal veut les noms de ces personnes, je peux vous les
33 donner par écrit, mais je ne peux pas le faire maintenant, en audience
34 publique.
35 Me NEKUIE :
36 Q. Donc, Monsieur le Témoin, il ne serait pas déraisonnable de conclure que

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132 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 vous pouviez être une soixantaine d’hommes à la date du 22 avril au


2 CELA ?
3 R. Il s’agit de personnes dont je me souviens très bien et dont je connais les
4 noms, mais il y a d’autres personnes que je ne connaissais pas et dont je
5 ne connaissais pas les noms. Moi, je parle des gens que je connaissais
6 très bien, des voisins qui habitaient le même secteur que moi.
7

8 Mais il y a d’autres personnes qui étaient venues d’ailleurs, de Rugunga,


9 par exemple, ou d’autres quartiers de Kiyovu ou même de Gikondo. Que
10 cela soit bien clair : je ne connaissais pas tous ces gens. Il y en a même
11 qui étaient venus de Kacyiru ; vous comprenez que je ne les... ne les
12 connaissais pas.
13 Q. Tous ces hommes qui étaient venus d’ailleurs, Monsieur le Témoin,
14 combien — à peu près — étaient-ils après que plus d’une quarantaine
15 d’hommes aient été extraits du CELA ?
16 R. Je vous ai dit que je n’ai pas fait de recensement ou d’évaluation. Je n’ai
17 pas cherché à savoir combien d’hommes ont survécu dans ce centre.
18 J’étais allé chercher refuge à cet endroit, je n’avais pas le cœur à
19 compter ces gens.
20

21 Peut-être que le préfet Renzaho, qui était chargé d’administrer les


22 habitants de la PVK, peut vous donner ces statistiques. C’est lui qui
23 devait savoir combien de personnes se trouvaient dans le secteur de
24 Rugenge, parce qu’il y avait des chiffres, il y avait des statistiques que
25 les conseillers et les responsables de cellules lui fournissaient. Donc, il
26 peut vous aider mieux que moi.
27 Q. Monsieur le Témoin, pouvez-vous donner à la Chambre une brève
28 description du CELA à cette époque, en y situant le lieu où vous avez
29 indiqué que les membres de la population faisaient des travaux
30 communautaires et celui où se trouvait la salle dans laquelle vous étiez
31 réfugié ? Pouvez-vous nous donner une petite description, si... si vous
32 pouvez le faire ?
33 R. (Intervention non interprétée)
34 M. LE PRÉSIDENT :
35 Écoutez, il est absolument impossible de répondre à une question aussi
36 longue et complexe de manière brève. Si vous sollicitez ces détails, il

133 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 70


134 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 faudrait scinder la question, Maître. Sinon,


2 ce sera une réponse-fleuve qui vous sera faite.
3 Me NEKUIE :
4 Je vais procéder de la sorte, Monsieur le Président.
5 Q. Monsieur le Témoin, à partir de l’entrée du CELA, pouvez-vous indiquer à
6 la Chambre où se trouvait exactement le lieu, la salle dans laquelle vous
7 étiez réfugié ?
8 R. Je ne sais pas si vous avez déjà visité le centre CELA pour que je puisse
9 vous indiquer la salle dans laquelle je me trouvais. Je ne sais pas si vous
10 avez un plan, un croquis du CELA. Je vais vous indiquer la salle dans
11 laquelle je me trouvais. Pour que vous puissiez comprendre l’endroit où
12 se... se trouvait cette salle, il faut que vous soyez « arrivé » sur les lieux
13 ou que vous disposiez d’un plan ; je ne vois pas comment m’y prendre
14 autrement.
15 Q. Monsieur le Témoin, à partir de l’entrée principale du CELA, il y a un
16 bâtiment qui longe le couloir ; est-ce exact ?
17 R. C’est exact. Mais il y a une certaine distance entre l’entrée principale et
18 ce bâtiment dont vous parlez, parce que juste après l’entrée principale, il
19 y a une cour. Et le premier bâtiment, c’est dans ce premier bâtiment où il
20 y a une salle, et c’est exactement là où je me trouvais.
21 Q. Vous voyez qu’il était plus facile, de cette manière, de répondre à ma
22 question, Monsieur le Témoin.
23

24 Monsieur le Témoin, la veille de l’incident du 22 avril 1994, y a-t-il eu, au


25 CELA, un quelconque incident ?
26 R. Cela fait longtemps ; je ne me souviens plus s’il y a eu un incident qui a
27 précédé l’événement dont je vous ai parlé. Est-ce que vous parlez de la
28 veille de cet incident ou bien de ce... de... d’un incident qui aurait
29 précédé l’événement majeur dont nous avons parlé ?
30 Q. D’une manière générale, Monsieur le Témoin, pendant votre séjour et
31 jusqu’au 22 avril, y a-t-il eu un autre incident que celui du 22 avril ?
32 R. Je vous ai dit que j’y étais arrivé vers la fin de la semaine ou… de la mort
33 du Président. Et je pense qu’il n’est rien arrivé de particulier au CELA
34 jusqu’à cette date du 22 avril. Je viens de me souvenir d’un détail parce
35 que, vous voyez, cela fait longtemps. Je ne me rappelle pas la date
36 exacte, mais quand je me trouvais au CELA, je me souviens que des

135 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 71


136 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Interahamwe sont venus chercher refuge à l’endroit où nous nous


2 trouvions. Je me souviens notamment d’un certain Aluwa Joseph qui est
3 venu et nous a dit qu’il... qu’il venait chercher refuge. Il a passé la
4 journée au CELA. Si je me rappelle bien, à ce moment-là, il y avait des
5 combats contre les Inkotanyi à Kacyiru, et des gens sont venus en
6 courant au CELA, dont cette personne dont je viens de vous parler. Et
7 quand Aluwa est arrivé au CELA, je pense que c’était dans l’avant-midi, il
8 y est resté jusqu’au soir, et il est rentré chez lui le soir. Et nous pensons
9 même que c’est ce même Aluwa qui avait dressé la liste des personnes
10 qui se trouvaient au CELA et dont on s’était servi par la suite. Mais
11 c’était... cela s’est passé avant le 22 avril. Je n’ai pas parlé de cet
12 incident dans ma déclaration écrite, mais je viens de m’en souvenir
13 grâce à la question que vient de me poser le Conseil de la défense.
14 M. LE PRÉSIDENT :
15 Orthographe du nom de famille de... du prénommé Joseph, s’il vous plaît.
16 R. « Aluwa » s’épelle : A-L-U-W-A.
17

18 Je ne sais pas si vous me permettez de continuer pour que je vous


19 explique la provenance de ce nom. Ce n’est pas un nom kinyarwanda, en
20 réalité.
21 M. LE PRÉSIDENT :
22 Ça suffit... Ça va.
23

24 Question suivante, Maître.


25 Me NEKUIE :
26 Q. Monsieur le Témoin, je voudrais à présent que nous parlions précisément
27 de cet incident
28 du 22 avril 1994. Lorsque les membres de la population arrivent, est-ce
29 que les gendarmes se trouvent aux portes du CELA ?
30 R. Non, il n’y avait pas de gendarmes, à l’exception de ceux qui sont arrivés
31 en compagnie de Renzaho. Il n’y a jamais eu de gendarmes au CELA, et
32 les gendarmes n’ont jamais assuré la sécurité de ce centre depuis mon
33 arrivée.
34 Q. Et lorsque ces personnes arrivent, pouvez-vous un tout petit peu revenir
35 sur la scène pour nous indiquer si c’est en même temps que Monsieur
36 Renzaho ou les autres Interahamwe, ou c’est juste après ; et combien de

137 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 72


138 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 temps s’est écoulé entre ce moment et celui de l’arrivée du second


2 groupe ?
3 R. Tout ce que je me rappelle, c’est que... « et » le préfet Renzaho, comme
4 je l’ai déjà dit, qui... il est arrivé en compagnie de deux véhicules blindés
5 à bord desquels se trouvaient des militaires et des gendarmes, et il était
6 également accompagné du bourgmestre Bizimana. Mais je constate que
7 le Conseil de la défense me demande de répéter encore une fois les
8 noms. Je ne sais pas si cela ne risque pas de prendre du temps. Mais le
9 préfet était donc accompagné du bourgmestre, du conseiller et de
10 l’inspectrice ; tous sont venus dans un même groupe.
11

12 C’est le Conseil de la défense qui me pousse à revenir sur ce que j’ai


13 déjà dit, même si cela n’était pas nécessaire, Monsieur le Président.
14 Q. Monsieur le Témoin, lorsque vous dites que tous sont venus dans un
15 même groupe, vous avez parlé des membres de la population qui ont
16 entrepris les travaux communautaires. Est-ce avec ces membres de la
17 population que Monsieur Renzaho est arrivé ?
18 R. Si vous m’avez bien suivi, je vous ai dit que les membres de la
19 population étaient en train de couper les broussailles aux alentours du
20 centre CELA. Et ils disaient qu’ils étaient en train de rechercher
21 les Inyenzi — d’après ce qu’on m’a raconté par la suite. Vous comprenez
22 que le préfet, les autres personnalités que j’ai nommées ne pouvaient
23 pas aller dans les broussailles. Ils ont envoyé les membres de la
24 population pour faire ce travail. Je pense que vous devriez poser la
25 question à votre client, parce que c’est lui qui s’occupait de
26 l’organisation des travaux communautaires Umuganda.
27 Q. Monsieur le Témoin, avez-vous vu arriver ces membres de la population
28 pour les travaux communautaires à partir de la position que vous
29 occupiez ce jour-là ?
30 R. Tout ce que j’ai vu, c’est qu’on était en train de couper les broussailles
31 derrière le centre ; nous pouvions tous le voir. Même lorsque nous avons
32 quitté le centre pour nous réfugier ailleurs, nous avons pu voir cela. Ce
33 n’était pas loin, c’étaient les broussailles qui se trouvaient à l’extérieur
34 de la clôture. Et tout le monde qui était à l’intérieur du centre pouvait le
35 voir. Et cela ne se faisait pas dans le calme. Il y avait du bruit, les
36 membres de la population étaient en train de crier en disant « où sont

139 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 73


140 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 les Inyenzi ? ».
2

3 Si vous vous étiez trouvé au Rwanda, je pourrais vous raconter comment


4 s’est déroulé le génocide : tout s’est fait en plein jour, ce n’était un
5 secret pour personne.
6 M. LE PRÉSIDENT :
7 Vous reprenez vos mauvaises habitudes. Votre réponse était très longue.
8 En fait, ce que vous demande le Conseil est très simple : il voudrait
9 savoir qui sont ceux qui ont commencé
10 à débroussailler.
11 Q. Est-ce que ces personnes sont arrivées avant Renzaho ou sont-elles
12 arrivées en compagnie de Renzaho, avant que Renzaho ne leur demande
13 d’aller débroussailler — réponse en une phrase,
14 s’il vous plaît ?
15 R. Je vous remercie, Monsieur le Président. Si le Conseil de la défense avait
16 formulé sa question de la même manière que vous, j’aurais bien pu
17 répondre. Les membres de la population sont arrivés
18 en premier, et ensuite, Renzaho et son groupe sont arrivés. Mais lorsque
19 Renzaho est arrivé,
20 les membres de la population étaient toujours occupés à couper les
21 broussailles. Ils n’avaient pas encore terminé ce travail.
22 Me NEKUIE :
23 Q. Monsieur le Témoin, quelle partie du CELA ces membres de la population
24 débroussaillaient-ils avant l’arrivée de Monsieur Renzaho ?
25 R. Tout à l’heure, je vous ai dit que ce serait plus facile si vous aviez un
26 plan. Mais c’était dans la partie en contrebas, parce qu’en contre-haut, il
27 y avait la route asphaltée. C’était dans la direction du centre Saint-Paul.
28 Si vous avez le croquis du centre, vous pouvez localiser cet endroit.
29 Q. Lorsque vous dites « dans la partie en contrebas », c’était après la salle
30 dans laquelle vous vous « trouvez » ou en hauteur de cette salle — par
31 rapport à votre position ?
32 R. En contrebas, comme si on voulait contourner le centre. Et nous
33 pouvions voir les problèmes (sic) qui étaient en train de débroussailler
34 cet endroit. Et il y avait beaucoup de bruit.
35 Q. Par rapport à l’entrée du CELA, Monsieur le Témoin — l’entrée du CELA,
36 nous la connaissons tous —, est-ce du côté gauche de l’entrée, quand on

141 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 74


142 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 entre, ou du côté droit de cette entrée que les travaux communautaires


2 s’effectuaient ?
3 R. C’est à la droite de la personne qui entre dans le centre.
4 Q. Monsieur le Témoin, je vous rappelle que lorsqu’on entre et que l’on a sa
5 droite avec soi, c’est le bâtiment que l’on trouve en premier. Pouvez-vous
6 indiquer à la Chambre, à partir de ce bâtiment, quelles sont les
7 broussailles qui étaient en train d’être entretenues par les membres de
8 la population ce jour-là ?
9 R. (Intervention non interprétée)
10 M. LE PRÉSIDENT :
11 La question n’était pas claire.
12

13 Monsieur le Procureur.
14 M. MOSES :
15 Cela ne donnera droit ou lieu qu’à une réponse équivoque. À mon avis,
16 cette ligne de questionnement, en l’absence de documents ou d’un
17 croquis, cela ne peut que semer la confusion dans l’esprit de tout le
18 monde.
19 M. LE PRÉSIDENT :
20 Que visez-vous, Maître ? Je suppose que vous contestez le fait que le
21 témoin était sur les lieux.
22 Je pense que tel est l’objet de ce questionnaire.
23 Me NEKUIE :
24 Et cet objet est en train d’être atteint, Monsieur le Président, parce que je
25 ne pense pas que le témoin ait besoin d’un croquis pour me dire
26 exactement ce qui se déroulait ce jour. Et je vais le faire valoir tout à
27 l’heure, après la réponse à la dernière question que je viens de lui poser.
28 M. LE PRÉSIDENT :
29 Mais il faudrait que vous soyez clair. De toute façon, la version anglaise
30 de la question n’était pas facile à comprendre. Et je ne pense pas que la
31 version française que j’ai sous les yeux était intelligible. Je ne pense donc
32 pas que la communication soit effective. Essayez de reformuler
33 de manière à ce que les questions soient claires.
34

35 Me NEKUIE :
36 Je vais le faire, Monsieur le Président.

143 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 75


144 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Q. Monsieur le Témoin, je vous ai indiqué que lorsqu’on part de l’entrée


2 principale de la CELA...
3 du CELA — excusez-moi —, tel que vous l’avez décrit, ce que l’on a sur
4 sa droite, c’est le bâtiment qui longe le couloir, et donc, il n’y a pas de
5 broussailles. Je voudrais que vous indiquiez à la Chambre, à partir de
6 cette description que moi, je vous fais, où se trouvait la broussaille dont
7 vous parlez et qui a été entretenue ce 22 avril par les membres de la
8 population ?
9 R. Je ne sais pas à quelle date vous avez visité le centre CELA. Mais si vous
10 visitiez ce centre aujourd’hui, vous ne verriez pas les broussailles parce
11 cette... il y a eu de nouveaux bâtiments. Je ne sais donc pas à quelle
12 date vous avez visité le CELA pour que je puisse vous l’expliquer. Il y
13 avait même des eucalyptus, et ces eucalyptus n’existent plus, parce qu’à
14 l’endroit où ils se trouvaient, il y a aujourd’hui des bâtiments. Dites-moi à
15 quelle époque vous avez visité ce centre et je pourrais vous expliquer ;
16 soit en 1994 ou en 1995, parce que, aujourd’hui, il y a des bâtiments. Et
17 vous ne pouvez pas imaginer qu’à l’endroit où se trouvent ces nouveaux
18 bâtiments, il y a eu des arbres et des broussailles. Explique-moi donc la
19 date à laquelle vous avez visité ce centre, pour que je puisse vous
20 donner une réponse qui tient compte des connaissances que vous avez
21 de ce centre.
22 Q. Monsieur le Témoin...
23 M. LE PRÉSIDENT :
24 Monsieur le Témoin, il est évident que le Conseil de la défense a visité le
25 CELA après 94. Ne faites pas de redite. Voyons si nous pouvons être plus
26 efficaces.
27

28 Nous avons « la » pièce P. 3 — carte de CELA —, P. 4,


29 P. 6 — photographies. Donc, Monsieur le Conseil de la défense, vous avez
30 trois pièces dont vous pouvez vous servir pour élucider ce point. Et si
31 vous voulez poursuivre dans cette ligne de questionnement, je ne sais
32 pas quelle méthodologie vous comptez adopter pour que nous puissions
33 atteindre le but.
34 Me NEKUIE :
35 Monsieur le Président, je vais clore sur cette ligne de questionnement en
36 faisant une suggestion au témoin, et pour cela, je n’ai pas besoin de...

145 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 76


146 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 des pièces, bien que je remercie la Chambre de m’avoir fait cette


2 suggestion. Et si vous le permettez, je vais clore en posant mon ultime
3 question au témoin sur ce point.
4

5 (Signe affirmatif de la part du Président)


6

7 Q. Monsieur le Témoin, je vous suggère qu’à partir de l’entrée du CELA,


8 l’unique broussaille qui existait se trouvait à la gauche de l’entrée du
9 CELA, donc en hauteur, c’est-à-dire face « le » bâtiment qui
10 se trouve sur la droite. Et ceci est contraire à la description que vous
11 avez faite, situant la broussaille en contrebas, parce qu’il n’y en a pas ; il
12 n’y en avait pas, en 94, il n’y en a pas davantage à présent. Quelle est
13 votre réaction ?
14 R. Je n’irais pas jusqu’à dire que vous mentez, mais je ne me suis pas
15 trompé dans ce que j’ai dit, et je ne crois pas être le seul témoin qui
16 vient... serait appelé pour déposer sur les incidents du CELA. Mais
17 s’agissant des broussailles, ces broussailles se trouvaient en contrebas.
18 Du côté... Il y a les installations de la JOC, et il y a l’entrée du CELA, et
19 aujourd’hui, il y a même de nouvelles constructions qui ont été érigées
20 par des frères.
21

22 À la gauche, en contre-haut, c’est la route asphaltée, et un peu plus loin,


23 il y a les bâtiments de Kinyamateka. Mais quelles broussailles
24 voulez-vous situer à cet endroit ? Ce n’était même pas
25 des broussailles qui auraient nécessité la présence des membres de la
26 population. J’ai comme une impression que vous voulez plutôt retarder la
27 procédure. Et je suis sûr et certain qu’il y aura d’autres témoins qui vont
28 vous expliquer cela. Il y avait des broussailles qui se prolongeaient
29 jusqu’au centre Saint-Paul. Et en passant par le contre-haut, comme vous
30 le suggérez, vous ne pourriez pas atteindre le centre Saint-Paul, parce
31 que vous devez d’abord traverser les bâtiments du journal Kinyamateka.
32 M. LE PRÉSIDENT :
33 (Intervention non interprétée)
34 Me NEKUIE :
35 J’ai pas suivi l’intervention, Monsieur le Président.
36 M. LE PRÉSIDENT :

147 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 77


148 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Vous n’avez pas entendu la dernière réponse du témoin ou, plutôt, la


2 remarque que j’ai faite ?
3 Me NEKUIE :
4 C’est votre remarque que je n’ai pas entendue, Monsieur le Président.
5 M. LE PRÉSIDENT :
6 Ma suggestion est qu’il vaut mieux passer à la série de questions
7 suivante. Je pense que telle était également votre intention, si je vous ai
8 bien suivi.
9 Me NEKUIE :
10 Tout à fait, Monsieur le Président.
11 Q. Monsieur le Témoin, combien de temps s’est écoulé entre le moment où
12 commencent ces travaux
13 et l’arrivée de Monsieur Renzaho ?
14 R. Il ne s’est pas écoulé beaucoup de temps. Je vous ai dit que les travaux
15 communautaires ont commencé dans la matinée, et Renzaho est aussi
16 arrivé dans la matinée. Et j’ai dit que l’opération
17 a continué jusqu’au début de l’après-midi. Je ne peux pas placer dans le
18 temps l’heure exacte
19 à laquelle Renzaho est arrivé, mais je confirme que les travaux
20 communautaires étaient toujours
21 en cours lorsque Renzaho est arrivé sur place.
22 Q. Dans quel véhicule, exactement — si vous vous en souvenez — se
23 trouvait Monsieur Renzaho ? Vous souvenez-vous de la marque du
24 véhicule ?
25 R. Je ne peux vraiment pas me rappeler le véhicule à bord duquel il est
26 arrivé. J’ai tout simplement dit qu’il est arrivé à bord de son véhicule. Il y
27 avait donc son véhicule, il y avait la camionnette à bord
28 de laquelle les gens ont été embarqués, et il y avait aussi les véhicules
29 blindés. Et je n’avais pas les moyens de vérifier pour aller connaître la
30 marque de ce véhicule.
31 Q. Tous ces véhicules se sont-ils introduits dans l’enceinte du CELA,
32 Monsieur le Témoin ?
33 R. Je me rappelle que le seul véhicule de Renzaho est entré dans l’enceinte,
34 et que les autres sont restés à l’extérieur, derrière le portail. Mais le
35 véhicule de Renzaho est entré à l’intérieur de l’enceinte.
36 Q. Et qui était à bord du véhicule, en compagnie de Monsieur Renzaho ?

149 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 78


150 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 R. Maître, vous me rendez la vie difficile en me demandant qui était avec


2 Renzaho à bord de ce véhicule. J’ai tout simplement vu la personne qui
3 est montée à bord du véhicule lorsque le véhicule est reparti. Je vous ai
4 déjà donné la liste des personnes qui l’accompagnaient, mais je ne me
5 suis pas intéressé aux autres personnes qui se trouvaient à bord de son
6 véhicule.
7 Q. Comment sont arrivées les personnes qui accompagnaient donc
8 Monsieur Renzaho, Monsieur le Témoin, vous en souvenez-vous ?
9 R. Je vous ai dit que nous les avons vues lorsque ces personnes étaient
10 entrées à l’intérieur de l’enceinte du CELA. Je n’ai donc pas pu connaître
11 par quel moyen ils sont arrivés sur place. Je les ai tout simplement vus
12 lorsqu’on nous a demandé de sortir. Et je ne sais pas donc pas par quel
13 moyen ils sont arrivés au centre. Je les ai tous simplement vus entrer
14 dans l’enceinte du CELA.
15 Q. Et l’escorte dont vous avez parlé, Monsieur le Témoin, était-elle autour de
16 Monsieur Renzaho lorsqu’il est arrivé ?
17 R. De quelle escorte est-ce que j’ai parlé, Maître ? J’ai parlé des personnes
18 qui l’accompagnaient ; quand vous parlez d’escorte, moi, je comprends
19 une... des gardes rapprochés. Je n’ai pas parlé de gens chargés de la
20 protection rapprochée de Monsieur Renzaho.
21

22 Par ailleurs, lui-même connaît très bien cet incident, à moins qu’il ne
23 conteste les incidents du CELA et s’il conteste sa présence.
24

25 Monsieur le Président, je demanderais que vous demandiez à l’Accusé s’il


26 conteste le fait qu’il a été présent au CELA à cette occasion, pour que
27 cela puisse couper court aux questions du Conseil de la défense qui
28 continue à revenir chaque fois sur les mêmes questions.
29 Q. Monsieur le Témoin...
30 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
31 Maître, apparemment, le Président a renoncé à prendre la parole.
32 M. LE PRÉSIDENT :
33 Ce n’est pas le moment de poser cette question, Monsieur le Témoin.
34 Nous sommes déjà très avancés dans votre contre-interrogatoire et je ne
35 crois pas qu’il en reste beaucoup à couvrir.
36 Me NEKUIE :

151 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 79


152 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Q. Monsieur le Témoin, je m’en vais vous donner lecture d’un tout petit
2 extrait de votre déclaration de 2004. C’est la dernière page de la
3 déclaration — page 4, plus précisément —, version française, début du
4 troisième paragraphe... du quatrième paragraphe — au temps pour moi.
5 M. LE PRÉSIDENT :
6 Veuillez commencer.
7 Me NEKUIE :
8 « Le 22 avril 1994, nous avons reçu la visite du préfet Renzaho Tharcisse,
9 escorté par un groupe de militaires et d’une vingtaine d’Interahamwe
10 dont je connaissais certains ».
11

12 C’est le seul extrait que je voudrais vous rappeler, Monsieur le Témoin,


13 pour vous indiquer que vous avez effectivement parlé d’escorte. Et je
14 suis en train de vous prier de décrire à la Chambre comment cette
15 escorte se trouvait en compagnie de Monsieur Renzaho quand vous les
16 avez vus arriver.
17 R. Je vous remercie pour cette question. Et je crois d’ailleurs avoir déjà
18 expliqué cela. Vous venez de dire que dans ma déclaration, il est fait état
19 de la visite de Renzaho. En réalité, nous pensions que le préfet nous
20 rendait visite, et c’est pour cela que nous sommes sortis tout de suite,
21 parce que nous pensions que c’était pour notre protection. Vous avez
22 donc lu vous-même que nous étions plutôt contents de cette visite.
23 Quant à l’escorte, les militaires qui l’accompagnaient avaient des armes
24 à feu. Je ne pense pas avoir dit qu’ils étaient chargés de sa protection. Et
25 j’ai même dit qu’il y avait aussi des gendarmes et d’autres personnalités.
26 Et c’est ce que j’ai dit dans ma déclaration. Je ne sais pas ce que vous
27 voulez que je vous explique dans ces déclarations.
28 Q. Lorsque Monsieur Renzaho a entrepris — selon ce que vous rapportez —,
29 d’ordonner la sélection des hommes, à quelle distance vous
30 trouviez-vous de lui — Monsieur Renzaho lui-même ?
31 R. Mais, Maître, j’ai comme une impression que vous voulez toujours que
32 nous revenions en arrière.
33 Ne me demandez pas à quelle distance je me trouvais. Il m’est
34 impossible de vous donner la distance. Mais même dans ce prétoire,
35 nous nous entendons tous, chaque personne ici peut entendre l’autre
36 personne qui parle. Nous étions sur une ligne, mais ne me demandez pas

153 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 80


154 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 à quelle distance exactement je me trouvais de Renzaho. Et je viens de


2 vous donner l’exemple de ce prétoire où chacun, de son coin, peut
3 entendre l’autre personne qui parle à l’intérieur de cette salle.
4 Q. Et dans le cadre de ce prétoire...
5 M. LE PRÉSIDENT :
6 Utilisons ce prétoire, Monsieur le Témoin.
7 Q. Vous êtes assis là où vous êtes. Est-ce que vous pourriez dire que la
8 distance, c’est entre vous et l’Avocat de la Défense, ou alors, entre vous
9 et moi, ou alors, entre vous et l’une des deux cabines aux deux
10 extrémités du prétoire ? Quelle est votre estimation ?
11 R. Nous étions en ligne, on nous avait demandé de nous aligner, mais les
12 femmes ne faisaient pas partie de notre groupe. Et les... Donc, nous
13 étions alignés pour qu’il puisse... pour que nous puissions l’entendre.
14 Nous pensions qu’il avait de bonnes nouvelles à nous annoncer.
15

16 Donc, les hommes se sont alignés d’un côté, et les femmes de l’autre
17 côté. Donc, de l’endroit où nous nous trouvions, nous pouvions entendre
18 ce qui se disait et nous pouvions voir ce qui se faisait. Après qu’on nous
19 ait demandé de nous mettre en ligne, c’est à ce moment-là qu’on a lu...
20 lu les noms qui se trouvaient sur la liste, les noms des personnes qui
21 étaient plus recherchées que les autres.
22

23 Donc, tout le monde pouvait entendre ce qui se disait à cet endroit.


24 Q. La question est pourtant très simple : quelle était la distance entre vous
25 et Monsieur Renzaho ?
26

27 Et nous avons constaté qu’il est très difficile, après 12 ans, de faire une
28 estimation en mètres.
29 Mais étant donné que vous-même vous avez fait allusion à ce prétoire,
30 est-ce que vous pouvez évaluer la distance par rapport à un point dans
31 ce prétoire ? Est-ce que c’est ce mur ou cet autre mur, ou plutôt la
32 distance entre vous et la Chambre ?
33 R. C’était la même distance qui me sépare maintenant du préfet Renzaho.
34 M. LE PRÉSIDENT :
35 Selon les mesures du prétoire, la distance entre le témoin et le milieu de
36 la première rangée, c’est, en fait, 7,40 mètres, donc, environ 8 mètres.

155 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 81


156 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Nous constatons que c’est tout simplement une estimation.


2

3 Question suivante.
4 Me NEKUIE :
5 Q. Monsieur le Témoin, vous avez indiqué, lors de votre interrogatoire
6 principal, que Monsieur Renzaho a remis une liste à Madame
7 Mukandutiye et lui a indiqué qu’« il » pouvait amener qui il voulait. Est-ce
8 ce qui a été fait en définitive, ou bien sont-ce essentiellement les
9 personnes figurant sur la liste qui ont été sélectionnées ?
10 R. J’ai déclaré qu’après que Renzaho ait remis la liste à Angeline
11 Mukandutiye en lui disant de prendre ceux qu’il voulait... ceux qu’elle
12 voulait, on a lu les noms qui se trouvaient sur la liste. Et ce sont ceux-là
13 qui sont partis, les noms... les personnes dont le nom figurait sur la liste.
14 Et après cela,
15 il a dit... il a dit aux autres de rentrer chez eux et que c’est là qu’on allait
16 assurer leur sécurité.
17 Q. Vous avez indiqué le nom... les noms de quelques personnes qui
18 figuraient sur cette liste, d’après vos déclarations, Monsieur le Témoin ;
19 bien évidemment, dois-je considérer que vous, vous n’en faisiez pas
20 partie ?
21 R. Mon nom ne figurait pas sur la liste parce que sinon, je serais parti avec
22 les autres. Et d’ailleurs,
23 il y a d’autres hommes qui sont restés et qui étaient mes voisins. C’est
24 pour cela que je vous dis que les personnes qui sont parties sont les
25 personnes dont le nom figurait sur la liste. Mais je dois vous préciser que,
26 par la suite, il y en a d’autres qui ont été tués qui étaient restés à cette
27 occasion-là.
28 Q. D’après vous, Monsieur le Témoin, les personnes sélectionnées
29 présentaient-elles un critère commun pour être sélectionnées ?
30 R. Quel critère commun, Maître ?
31 Q. D’après l’observation que vous avez faite ce jour, Monsieur le Témoin, y
32 avait-il un point commun qui justifiait le fait que ce soient ces personnes
33 qui aient été sélectionnées ce jour-là ?
34 R. Pouvez-vous me donner un exemple de... d’un critère, pour que je puisse
35 vous répondre ?
36 Je ne comprends pas très bien votre question.

157 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 82


158 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Q. Puisque vous vous connaissiez tous, étaient-ce des hauts responsables


2 tutsis que l’on recherchait ou des Inkotanyi — je veux dire soldats
3 infiltrés —, donc des jeunes gens, ou alors le critère vous échappe
4 complètement ?
5 R. Qui vous a dit que ces gens étaient des Inkotanyi ? Les Inkotanyi
6 n’étaient pas dans Kigali,
7 ils se trouvaient à Byumba. Ce n’étaient pas les Inkotanyi, c’étaient des
8 Tutsis qui s’étaient cachés comme nous. Et s’ils avaient été des
9 Inkotanyi, ils se seraient défendus. C’étaient des civils tutsis qui avaient
10 cherché refuge, tout comme moi.
11 Q. Monsieur le Témoin, vous avez indiqué que d’autres civils tutsis sont
12 restés ; ils n’ont pas été tous sélectionnés. Pourquoi donc ?
13 R. Je vous ai expliqué qu’on a lu les noms qui se trouvaient sur la liste et
14 que les personnes concernées sont parties sur l’ordre de Renzaho. Et
15 Renzaho, par la suite, nous a dit de quitter cet endroit et d’aller chez
16 nous, et que c’est là que nous allions être protégés. Mais cela n’était pas
17 vrai.
18

19 Je ne voudrais pas m’attarder là-dessus parce que j’ai déjà expliqué cela
20 en long et en large. J’ai dit que moi, j’ai réalisé que je ne pouvais pas
21 aller chercher refuge ailleurs ; que je ne pouvais pas, par exemple, me
22 rendre au site Sainte-Famille alors que Munyeshyaka, qui était en charge
23 de ce site, faisait partie lui-même de l’attaque. Et j’ai même expliqué que
24 la plupart des survivants du CELA qui sont allés au site de la
25 Sainte-Famille ont été tués par la suite.
26

27 Je me limite à cela, Monsieur le Président, pour ne pas prendre beaucoup


28 plus de temps. Mais je demande, en passant, au Conseil de la défense de
29 ne pas toujours revenir en arrière.
30 Q. Monsieur le Témoin, je vous prie de faire votre devoir : éclairer la
31 Chambre sur les questions qui vous sont posées et « de » vous garder de
32 faire ces observations récurrentes au Conseil de la défense qui ne fait
33 que son travail. Pouvons-nous être d’accord sur cette manière de faire ?
34 M. LE PRÉSIDENT :
35 Et cela ne nécessite pas un commentaire.
36

159 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 83


160 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Quelle est la question suivante ?


2

3 Je crois que ce témoin dit ceci : sa perception des critères pertinents de


4 sélection, c’est quand leurs noms étaient lus. C’est ce qu’il sait, et je
5 crois que c’est ça la situation.
6

7 Où allons-nous maintenant ? Dans quelle direction ?


8 Me NEKUIE :
9 Q. Monsieur le Témoin, lorsque ces personnes ont été sélectionnées, vous
10 avez indiqué qu’ils...
11 qu’elles ont été embarquées dans la camionnette ; est-ce exact ?
12 R. Oui, c’est exact.
13 Q. Cette camionnette s’est-elle introduite dans la cour pour qu’elles soient
14 embarquées ou bien les ont... les a-t-on fait... entraînées à l’extérieur du
15 CELA pour les embarquer à bord de la camionnette ?
16 R. Prenez l’exemple du portail ou prenez l’exemple de la porte qui est
17 derrière vous. La camionnette s’est placée à... par exemple à cette porte,
18 et c’est à ce niveau que les personnes ont été embarquées à bord du
19 véhicule.
20

21 Je ne sais pas comment je pourrais vous en donner la description. Les


22 Interahamwe étaient armés. Et quand on conduit une personne à la
23 mort, cela se fait très vite. C’est comme si on était en train d’entasser
24 des sacs de haricots à bord d’un véhicule. Je ne dirais pas que c’était à
25 l’extérieur ou à l’intérieur ; c’était au niveau même du portail.
26 Q. Et avez-vous pu savoir, au moment où on les... on les embarquait, la
27 destination que devait prendre ce camion... cette camionnette ?
28 R. Je ne l’ai pas su tout de suite, mais je l’ai appris par la suite. Je vous ai dit
29 que j’avais un bon voisin. Et lorsque j’ai quitté le centre CELA pour
30 rentrer à mon domicile, c’est ce voisin qui m’a raconté tout ce qui s’était
31 passé, et c’est lui qui m’a décrit comment ces personnes avaient été
32 amenées du centre CELA et la destination qu’elles avaient prise et les
33 conditions dans lesquelles elles avaient été exécutées. Et par la suite,
34 nous avons mené des enquêtes pour confirmer cela. Et même lorsque
35 vous êtes en cachette, vous faites tout ce qui est en votre pouvoir pour
36 connaître les conditions dans lesquelles les membres... ou vos parents

161 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 84


162 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 ont été tués.


2 Q. Cette personne vous a donc dit que la camionnette a pris quelle
3 destination, Monsieur le Témoin ?
4 R. J’ai déjà expliqué cela, Maître, mais je vais le répéter. La camionnette est
5 descendue vers l’endroit où se situait le bureau de notre secteur — je
6 préfère taire le nom du secteur parce que nous sommes en audience
7 publique. Et sur toute cette route, on tuait les personnes qui se
8 trouvaient à bord, et ce, jusqu’à l’endroit où se trouvait la... les fosses, à
9 l’endroit surnommé CND. Et c’est dans cette fosse qu’on a jeté les corps.
10 Et je vous ai dit que lors de l’exhumation, nous avons pu reconnaître
11 les différents corps parce que nous reconnaissions les habits que
12 portaient les victimes au moment où elles ont été exécutées, j’ai…j’étais
13 dans ces fosses.
14 Q. À propos de la camionnette, Monsieur le Témoin, pouvez-vous rappeler à
15 la Chambre quelle était sa grandeur ? Lorsque vous parlez de
16 camionnette, correspondait-elle à un véhicule pick-up Toyota ou à un
17 camion — une benne, par exemple ?
18 R. C’était une camionnette, et une camionnette est plus petite qu’un
19 camion-benne. Je n’ai pas fait attention pour savoir s’il s’agissait d’une
20 camionnette de marque Toyota ou de marque Daihatsu.
21 Tout ce que je sais, c’est que ce n’était pas un camion-benne, parce
22 qu’un camion-benne serait plus grand.
23 M. LE PRÉSIDENT :
24 C’est quoi, ce mot-là — « keep-shipper » en anglais ?
25 L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS:
26 « Tipper lorry ». En fait, c’est un camion-benne en français.
27 M. LE PRÉSIDENT :
28 Merci.
29 Me NEKUIE :
30 Q. Et toutes les 40 personnes sélectionnées ont été embarquées sur le
31 plateau de cette camionnette ; c’est cela ?
32 R. Oui, toutes ces personnes ont été embarquées à bord de cette
33 camionnette.
34

35 Vous savez, vous pouvez vous-même imaginer les conditions dans


36 lesquelles on fait monter des personnes qu’on amène à l’abattoir. Ce

163 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 85


164 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 n’est pas dans des conditions acceptables. On pouvait même charger


2 une centaine de personnes à bord d’une camionnette, du moment que
3 c’était pour aller les exécuter.
4 Q. Les a-t-on ligotées, Monsieur le Témoin, lorsqu’elles ont été embarquées
5 à bord de la camionnette ?
6 R. Non. Je n’ai pas vu qu’on les ligotait, mais je sais qu’on les a fait monter
7 méchamment en leur donnant des coups de pied ; on les entassait les
8 « uns » au-dessus des autres, et personne d’entre elles n’était debout.
9

10 Et quand vous me posez cette question, je pense que vous le faites


11 exprès. Comment pensez-vous qu’on transporte une personne qu’on va
12 exécuter, Maître ?
13 Q. Les Interahamwe sont-ils également montés à bord, de même que les
14 soldats qui accompagnaient Monsieur Renzaho ?
15 R. Je ne sais pas ce que vous voulez savoir. Vous voulez demander s’ils sont
16 partis à bord du même véhicule que Monsieur Renzaho ? Je n’ai pas bien
17 suivi votre question.
18

19 Tout ce que je sais, c’est que certains de ces Interahamwe se trouvaient


20 accrochés sur les ridelles et piétinaient les corps des personnes qui
21 allaient être exécutées. Et Renzaho ne les a pas accompagnés ; il a tout
22 simplement donné l’ordre qu’on les amène. Et il n’est pas parti avec cet
23 autre véhicule qui amenait donc les victimes.
24 Q. Avez-vous une idée du nombre de ces Interahamwe qui se trouvaient
25 accrochés sur les ridelles du... de la camionnette, Monsieur le Témoin ?
26 R. Je pense que j’ai déjà donné le chiffre dans ma déclaration. J’ai parlé du
27 nombre de personnes qui étaient venues avec Renzaho. Mais il y a aussi
28 d’autres personnes qui faisaient partie du groupe de membres de la
29 population qui étaient en train de débroussailler. J’ai parlé de
30 Nkeshimana,
31 j’ai parlé de Castar, j’ai parlé de Bwanakweri. Mais ils étaient aussi
32 nombreux et ils étaient armés.
33

34 Je vous ai déjà dit que je n’ai pas fait de recensement pour connaître le
35 nombre d’Interahamwe qui étaient présents, le nombre d’Interahamwe
36 qui sont partis avec les personnes qu’on a enlevées au centre CELA,

165 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 86


166 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 mais j’ai déjà donné des détails dans ma déclaration antérieure.


2 Q. Monsieur le Témoin, je voudrais juste une précision…
3 M. LE PRÉSIDENT :
4 Avant d’avancer, nous avons « Castar », c’est le « 39 », « Nkeshimana »,
5 c’est « 183 ». Qu’en est-il du troisième nom, est-ce que nous l’avons ?
6 R. Je pense qu’il s’agit de Bwanakweri qui n’est pas mentionné dans ma
7 déclaration, mais je peux aussi me rappeler d’autres noms
8 progressivement.
9 M. LE PRÉSIDENT :
10 Est-ce qu’on l’a ? Est-ce que vous pouvez l’épeler, Monsieur le Témoin ?
11 R. « Bwanakweri » s’épelle : B-W-A-N-A-K-W-E-R-I.
12 M. LE PRÉSIDENT :
13 Nous ne voulons pas que vous ajoutiez des noms. On a déjà les trois
14 noms que vous avez mentionnés. Vous n’avez pas mentionné un nom
15 supplémentaire, n’est-ce pas ?
16 R. J’ai mentionné quatre noms.
17 M. LE PRÉSIDENT :
18 Quel est le quatrième nom ?
19 R. J’ai parlé de Nkeshimana, de Bwanakweri, de Fidèle Castar et de Faustin
20 Rwagatara.
21 M. MOSES :
22 C’est sur la liste additive, c’est le numéro 4.
23 M. LE PRÉSIDENT :
24 Merci.
25

26 Question suivante.
27 Me NEKUIE :
28 Q. Monsieur le Témoin, à propos de cette camionnette sur laquelle se
29 trouvaient embarquées
30 les 40 personnes sélectionnées, je voudrais que vous me précisiez le
31 nombre approximatif d’Interahamwe qui sont également montés à bord
32 et se trouvaient accrochés sur les ridelles de la camionnette pour
33 convoyer les personnes à abattre. Pouvez-vous le faire ?
34 R. Je viens de répondre à cette question, Maître. Je ne comprends pas
35 pourquoi vous la posez
36 à nouveau. Je vous ai dit que je n’ai pas fait de recensement, j’ai donné

167 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 87


168 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 ces noms suite à cette question précise, Maître. Je vous ai dit qu’il y avait
2 de nombreux Interahamwe qui étaient partis avec ces victimes.
3 Q. Donc, ils étaient nombreux, mais vous ne pouvez pas vous faire une idée
4 du nombre ; c’est cela ?
5 R. Quand je dis qu’il y avait de nombreux Interahamwe, en fait, je veux dire
6 qu’il y avait plus de 10 personnes. Notez que je viens de dire qu’ils
7 étaient 10, mais ils étaient nombreux, ce qui, pour moi, veut dire qu’ils
8 étaient plus de 10.
9 Q. Monsieur le Témoin, trouvez-vous réaliste que plus de 10 personnes
10 embarquent à bord d’une camionnette dans laquelle se trouvent déjà
11 placées une quarantaine d’autres personnes ? Cela vous paraît-il
12 raisonnable ?
13 R. Moi, je vous ai dit que quand les gens sont transportés confortablement,
14 cela serait impossible, mais c’étaient des gens qu’on allait tuer, on les a
15 juste entassés dans la camionnette. On aurait pu même en mettre plus
16 de 100. Il y avait beaucoup de gens dans la camionnette et je pense que
17 même ils...
18 ils ont dû en tuer en chemin. Ils étaient tellement nombreux qu’ils ont
19 été obligés de les tuer... de tuer certains en chemin. Je crois déjà voir
20 expliqué cela.
21

22 Ne parlons pas de chiffre, parlons de ce qui s’est passé, parlons de la


23 manière dont ces gens ont été tués, mais pour ce qui veut dire que la
24 camionnette était remplie de gens, cela ne me semble pas poser de
25 problème.
26 M. LE PRÉSIDENT :
27 Il y a une différence entre les versions française et anglaise de ce qui a
28 été dit en kinyarwanda.
29 Je crois que la version française est exacte, je vais la lire : « Moi, je vous
30 ai dit que quand les gens sont transportés confortablement, cela serait
31 impossible, mais c’étaient des gens qu’on allait tuer. »
32

33 Donc, nous avons maintenant enlevé cette incohérence.


34

35 Question suivante, s’il vous plaît.


36 Me NEKUIE :

169 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 88


170 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Q. Monsieur le Témoin, parmi les gens sélectionnés, vous avez indiqué à la


2 Chambre que nombre d’entre « elles » étaient des personnes avec
3 lesquelles vous aviez des relations assez poussées ; est-ce exact ?
4 R. C’est exact.
5 Q. Donc, il s’agit de personnes dont la mort demeure pour vous un
6 événement inoubliable ;
7 est-ce exact ?
8 R. Oui, Maître.
9 Q. Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous vous être déplacé vous-même
10 pour aller faire une déposition en date du 27 avril 1998 sur ces
11 événements auprès des autorités judiciaires rwandaises ?
12 R. Oui, je m’en souviens.
13 Q. Vous souvenez-vous avoir également fait ce déplacement en date du 20
14 mars 2000 pour déposer plainte contre les personnes responsables de
15 ces incidents ?
16 R. Je me souviens que j’ai fait des déclarations, mais parlez-moi des crimes
17 dont j’ai parlé pour que je puisse y répondre. De quelle déclaration
18 précise parlez-vous, Maître ? Et quelles étaient les personnes contre
19 lesquelles je portais plainte lors de ces déclarations — pour que je puisse
20 mieux vous répondre ?
21 Q. Monsieur le Témoin, je vais...
22 M. LE PRÉSIDENT :
23 Vous venez de parler d’un document daté du 20 mars 2000, d’après ce
24 que nous avons sur le compte rendu en direct. Est-ce bien ce que vous
25 avez dit ou avez-vous dit « 20 mars 2003 » ? C’est 2000
26 ou 2003 ?
27 Me NEKUIE :
28 Monsieur le Président, il s’agit, d’après la communication que nous avons
29 reçue, d’une déclaration
30 du 20 mars 2000, mais il est marqué « 2003 » et une correction est
31 portée à la main sur la copie que nous avons.
32 M. LE PRÉSIDENT :
33 D’accord. Très bien. Merci.
34

35 La question, Maître.
36 Me NEKUIE :

171 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 89


172 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Q. Monsieur le Témoin, je prendrais votre déclaration du 27 avril 1998 dans


2 laquelle je ne vais vous rappeler que la référence au CELA, parce qu’il
3 serait fastidieux de lire les noms auxquels vous vous référez dans cette
4 déclaration.
5

6 C’est la pièce K0163091, et je suis à la page K0163092.


7

8 Monsieur le Témoin, je vais vous relire la toute première question qui


9 vous est posée à cette deuxième page.
10

11 Voici la question : « Toutes ces 18 personnes ont-elles été auteurs des


12 mêmes actes ? »
13

14 La réponse : « Oui, les mêmes actes. Ils étaient rassemblés au sein du


15 comité de crise dont l’objectif était de se défendre, de se débarrasser
16 des complices en les exterminant. » Je vais tout lire. « Les complices,
17 selon eux, c’étaient les Tutsis. Concernant les actes dont ils ont été
18 auteurs, je sais moi-même qu’ils ont tué des personnes à plusieurs
19 endroits, à savoir : CELA, Sainte-Famille, Saint-Paul. »
20

21 Je m’arrête là, et je vous indique que vous y avez fait référence au CELA.
22 Cela vous revient-il maintenant ?
23 R. Je m’en souviens, Maître.
24 Q. Très bien, Monsieur le Témoin.
25 R. M-hm
26 Q. Monsieur le Témoin, je voudrais donc que vous m’expliquiez pourquoi en
27 cette date du 27 avril 98, vous n’avez pas fait mention du nom du préfet
28 Renzaho comme figurant parmi les auteurs ou coauteurs de cet incident
29 du CELA ?
30 R. Je vous remercie, Maître. Il faudrait que la Chambre fasse une distinction
31 entre ces deux dossiers... ces deux documents. Dans... Cette déclaration
32 que j’ai faite en 1998 près du parquet de la République rwandaise est
33 différente de la déclaration que j’ai faite concernant l’attaque du CELA où
34 j’ai parlé du préfet Renzaho.
35

36 Monsieur le Président, je risque d’être long, mais il faut que je donne

173 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 90


174 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 toutes les explications nécessaires.


2

3 Quand j’ai fait cette déclaration auprès du parquet de la République


4 rwandaise, je ne parlais pas de crimes qui ont été commis au centre
5 Saint-Paul ou à l’église Sainte-Famille, parce que, pour moi, Renzaho
6 n’est pas concerné par ces événements ; et même pour ce qui s’est
7 passé dans notre quartier, je n’ai pas parlé de Renzaho. Mais Renzaho a
8 participé à ce qui s’est passé au centre CELA avec ces autres personnes.
9 Il y a des réunions dont je parle, et je n’ai pas parlé de Renzaho à propos
10 de cette réunion. J’ai seulement parlé de lui à l’occasion de la réunion qui
11 s’est tenue en 1990. Donc, il ne faudrait pas que vous fassiez
12 l’amalgame entre ces deux documents. La déclaration de 98 concerne
13 des gens qui habitaient dans mon secteur. Il est vrai que certaines de ces
14 personnes étaient avec Renzaho au CELA ; donc je n’ai pas besoin de
15 parler de Renzaho spécifiquement parce qu’il n’a pas participé à tous ces
16 crimes qui ont été commis par ces personnes qui habitaient dans mon
17 secteur. Il faudrait donc faire la différence entre ces deux déclarations.
18 Q. Monsieur le Témoin, dans votre déclaration... votre plainte... votre PV
19 d’audition du 20 mars 2000, vous venez vous faire entendre sur les
20 personnes de Odette Nyirabagenzi et Angeline Mukandutiye. Avant de
21 vous donner lecture de... d’un petit extrait de cette déclaration, je
22 voudrais que nous nous accordions sur un fait : ces deux personnes,
23 vous les avez mentionnées comme étant les coauteurs de... des
24 massacres du CELA opérés et perpétrés par Monsieur Renzaho le 22
25 avril 94 ; est-ce exact ?
26 R. C’est exact, Maître. Et j’en profite d’ailleurs pour vous dire que ces
27 personnes dont j’ai parlé dans le cadre du comité de crise, je voudrais
28 vous indiquer que j’ai porté plainte contre ces personnes et que j’aurai le
29 temps de m’expliquer sur leur cas. Je ne pouvais pas mentionner
30 Renzaho dans le cadre du comité de crise ou dans le cadre du centre
31 Saint-Paul. Quand je suis allé déposer auprès du parquet de la
32 République, je n’ai pas parlé de Renzaho, parce qu’il n’était pas concerné
33 par ces cas particuliers. J’ai commencé par ces gens qui étaient mes
34 voisins ; mais même maintenant, nous continuons à porter plainte contre
35 d’autres personnes, individuellement. Je voudrais que cela soit
36 bien clair.

175 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 91


176 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 Q. Monsieur le Témoin, je vais vous donner lecture d’un petit extrait de ce


2 procès-verbal d’audition.
3

4 Je suis à la page BG001516, Honorables Juges.


5

6 Et je voudrais poser... Je voudrais donner lecture de la deuxième


7 question posée au témoin, de sa réponse à la deuxième question, puis
8 de la troisième question qui lui est posée.
9

10 Voici ce que l’on vous demande, Monsieur le Témoin :


11

12 « Connaissez-vous les nommées Odette Nyirabagenzi et Angeline


13 Mukandutiye ? »
14

15 Et votre réponse : « Je les connais. »


16

17 Question : « Comment se sont-elles comportées pendant le génocide ? »


18 Et votre réponse est très longue pour une lecture.
19

20 Vous souvenez-vous de cet exercice que vous avez eu en 2000 ?


21 R. Je vous ai déjà expliqué cela. Je vous ai dit que je m’en souvenais. Je
22 vous ai dit que je me souvenais avoir fait une déclaration près du
23 parquet de la République rwandaise.
24 Q. Très… Très bien Monsieur le Témoin...
25 R. (Intervention non interprétée)
26 Q. Ma question suivra, s’il vous plaît, pour que nous puissions terminer.
27 R. O.K.
28 Q. Dans votre longue réponse concernant les agissements de ces deux
29 personnes pendant le génocide, vous n’avez nulle part fait mention des
30 actes qu’elles ont eu à perpétrer avec Monsieur Renzaho ; pourquoi ?
31 R. Je ne sais pas si vous me comprenez, Maître. Je vous ai dit que devant le
32 parquet de la République rwandaise, j’ai parlé d’Odette Nyirabagenzi et
33 d’Angeline Mukandutiye dans le cadre du comité de crise. J’ai parlé
34 d’elles dans le cadre de réunions qui se tenaient. J’ai parlé des crimes
35 qu’elles avaient commis au centre Saint-Paul et dans mon quartier. Je
36 vous ai expliqué que je ne pouvais pas parler de Renzaho et l’impliquer

177 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 92


178 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 dans ces actes concernant le comité de crise alors que je n’avais pas
2 remarqué sa présence. J’ai parlé de Renzaho en relation avec ce qui s’est
3 passé au CELA. Il faut que vous compreniez que ces gens n’ont pas
4 commis de crimes seulement au CELA. Je ne pouvais pas accuser
5 Renzaho de ce qui s’est passé au centre Saint-Paul ou de ce qui concerne
6 les réunions
7 du comité de crise, alors que je sais qu’il n’était pas... je ne savais pas
8 qu’il était impliqué dans ces faits-là. J’ai parlé de ces personnes en
9 relation avec ce qui s’est passé au CELA, mais j’ai également... j’ai parlé
10 également d’elles dans le cadre d’autres sites où Renzaho n’était pas
11 impliqué.
12 Q. Donc, Monsieur le Témoin, Monsieur Renzaho a fait massacrer des
13 personnes qui vous étaient chères, et par deux fois, vous vous rendez
14 auprès des autorités judiciaires rwandaises, vous parlez de ses complices
15 et coauteurs relativement à ces événements, sans faire allusion à
16 Monsieur Renzaho ; cela vous paraît-il normal ?
17 R. (Intervention non interprétée)
18 M. LE PRÉSIDENT :
19 Il n’est pas nécessaire que le témoin reprenne sa réponse maintenant. Il
20 a répondu ; les opinions peuvent être divergentes. La Chambre a saisi le
21 sens de la preuve. Est-ce qu’il y a d’autres éléments qui restent ?
22 Me NEKUIE :
23 Monsieur le Président, je m’incline face à la décision de la Chambre de
24 me faire passer à autre chose.
25 Q. Monsieur le Témoin, je vous suggère que vous n’avez jamais été au CELA
26 le 22 avril 1994 et n’avez jamais vu Monsieur Renzaho dans ces lieux ;
27 quelle est votre réponse ?
28 R. Vous dites que je n’ai pas vu Renzaho en date du 22 avril ? Mais, Maître,
29 il est assis là, à côté de vous, demandez-lui s’il n’a pas été au CELA à
30 cette date, ensuite nous pourrons continuons... nous pourrons continuer.
31 Mais est-ce que vous lui avez posé cette question et il vous a répondu
32 qu’il n’a pas été au centre CELA à cette date ? Demandez-lui s’il n’a pas
33 été au CELA.
34

35 Monsieur le Président, ce que le Conseil de la défense allègue n’est pas


36 du tout vrai.

179 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 93


180 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 M. LE PRÉSIDENT :
2 Le témoin maintient sa version des faits.
3 Me NEKUIE :
4 Monsieur le Président, je sais pas si je dois interrompre le témoin quand il
5 s’exprime mais, moi, j’attendais qu’il ait fini, et puis que je continue.
6 Parce que je reçois déjà de nombreuses remarques de la part de la
7 Chambre, si mon exercice paraît exaspérant, je suis prêt à m’arrêter là.
8 M. LE PRÉSIDENT :
9 Le problème, c’est que nous voulons éviter des répétitions. Vous avez
10 suggéré au témoin que ce qu’il a dit à propos de CELA n’était pas exact,
11 le témoin a fait une longue réponse pour vous répondre et, maintenant,
12 nous, pour résumer, nous disons que le témoin maintient sa version des
13 faits. C’est la raison pour laquelle il vous a retourné la question.
14

15 Quelle est la question suivante, Maître ?


16 Me NEKUIE :
17 Q. Monsieur le Témoin, quel type de vêtements portait... se trouvaient, en
18 quelque sorte, sur la dépouille de Charles Rwanga et autres que vous
19 avez découverts dans la fosse du domicile de Iyaremye ?
20 M. MOSES :
21 Honorables Juges, je ne pense pas que le témoin ait évoqué cet individu.
22 Je pense qu’il parlait d’Albert de l’ORINFOR et une autre personne ; mais
23 ce n’est pas le nom qui a été mentionné comme étant l’une des deux
24 personnes qu’il avait découvertes. C’est le souvenir que j’ai de ce point.
25 Je pourrais me tromper.
26 M. LE PRÉSIDENT :
27 Q. Répondez par « oui » ou par « non » à la question qui vous est posée,
28 Monsieur le Témoin :
29 avez-vous vu le cadavre de Charles Rwanga — « oui » ou« non » ?
30 R. Non. On n’a jamais retrouvé le corps de Charles Rwanga. Et je n’ai pas
31 du tout mentionné, dans
32 ma déposition, qu’on l’aurait retrouvé quelque part.
33 M. LE PRÉSIDENT :
34 Merci.
35 Me NEKUIE :
36 Q. Monsieur le Témoin, je m’en vais donc, sur ce point, vous rafraîchir la

181 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 94


182 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 mémoire sur votre déclaration en date du 24 novembre 2004, page 4 de


2 cette déclaration, version française, et je vais vous donner lecture du
3 début du quatrième paragraphe.
4

5 Voici ce que vous dites, Monsieur le Témoin : « Angeline avait une liste de
6 plusieurs personnes que les Interahamwe ont interpellées et mises de
7 côté. Parmi celles-ci, il y avait, entre autres, Rwanga Charles — je
8 suppose que c’est Rwanga —, un maçon et ses deux fils, Wilson et
9 Déglote, Emmanuel Gihana et Albert. Les Interahamwe les ont conduits
10 hors du centre CELA pour les tuer sur ordre de Renzaho qui a dit :
11 "Amenez ces gens." Nous avons retrouvé les dépouilles mortelles de ces
12 personnes dans les fosses communes après le génocide. Nous avons
13 identifié leurs corps par les motifs de leurs habits. »
14

15 Est-ce votre déclaration, Monsieur le Témoin, ou non ?


16 R. Oui, Maître.
17 Q. Très bien. Monsieur le Témoin, pouvez-vous à présent répondre à la
18 question que je vous ai posée précédemment, à savoir : quel type
19 d’habits ces personnes portaient lorsque vous les avez découvertes — du
20 moins leurs dépouilles ?
21 M. LE PRÉSIDENT :
22 La question est plus générale, maintenant. Vous voulez savoir quel genre
23 de vêtements portaient
24 les victimes au pluriel.
25 Q. Monsieur le Témoin, la question vous est posée sur la base de la
26 déclaration que vous avez faite antérieurement. Apparemment, Charles
27 Rwanga fait partie des cadavres qui ont été retrouvés ;
28 quel commentaire cela vous inspire-t-il ?
29 R. Cela n’est pas exact. J’ai spécifié les personnes que l’on a pu identifier à
30 leurs habits. J’ai parlé d’Albert et je parlais de Gihana. Même si vous
31 relisez ma déclaration, Charles Rwanga ne figure pas parmi les
32 personnes qui ont été identifiées grâce à leurs habits. J’ai donné les
33 noms des dépouilles qui ont été identifiées grâce aux habits.
34 M. LE PRÉSIDENT :
35 Voilà la réponse du témoin. Est-ce que vous voulez poursuivre sur ce
36 point en ce qui concerne

183 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 95


184 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 les vêtements des autres personnes ?


2 Me NEKUIE :
3 Je clos à ce niveau, Monsieur le Président, Honorables Juges, mon contre-
4 interrogatoire. Et la seule chose qui me reste à faire, c’est de prier la
5 Chambre de bien vouloir admettre les pièces que j’ai évoquées tout au
6 long de ce contre-interrogatoire en preuve.
7 M. LE PRÉSIDENT :
8 Oui. Nous allons le faire dans quelques instants.
9

10 Y a-t-il des questions en interrogatoire supplémentaire ? Non, pas de


11 questions.
12

13 Est-ce que le Conseil de la défense... Maître Nekuie, voulez-vous nous


14 dire quelles pièces vous voulez verser aux débats ? Vous commencez par
15 laquelle ou lesquelles ? La déclaration du 27 avril 98, peut-être ?
16 Me NEKUIE :
17 Oui, Monsieur le Président.
18 M. LE PRÉSIDENT :
19 Monsieur Matemanga ?
20 M. MATEMANGA :
21 « D. 20 ».
22 M. LE PRÉSIDENT:
23 « A » pour le manuscrit en kinyarwanda, « B » pour le français, et « C »
24 pour la version anglaise.
25

26 (Admission de la pièce à conviction D. 20 A, B et C — sous scellés)


27

28 Vous voulez passer au document daté du 20 mars 2000 ? Cela découle


29 de la version en kinyarwanda — datée de 2000 et non de 2003 comme
30 cela apparaît dans la version anglaise. Donc, il s’agit bien de l’année
31 2000.
32

33 Monsieur Matemanga ?
34 M. MATEMANGA :
35 « D. 21 ».
36 M. LE PRÉSIDENT:

185 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 96


186 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 « A » pour le manuscrit en kinyarwanda, « B » pour le Français, et « C »


2 pour l’anglais.
3

4 (Admission de la pièce à conviction D. 21 A, B et C — sous scellés)


5

6 Ensuite, vous avez également cité des extraits du document du 24


7 novembre 2004, et ce document est disponible en deux versions
8 dactylographiées ; la version signée, c’est la version française. Donc
9 « A » pour le français, « B » pour l’anglais, et la cote Monsieur
10 Matemanga ?
11 M. MATEMANGA :
12 « D. 22 ».
13 M. LE PRÉSIDENT :
14 Tous ces trois documents seront versés aux débats et placés sous
15 scellés.
16

17 (Admission de la pièce à conviction D. 22 A et B — sous scellés)


18

19 Je vous remercie.
20 Me NEKUIE :
21 Merci, Monsieur le Président.
22 Mme LE JUGE ARREY :
23 Q. Monsieur le Témoin, juste une question. Avez-vous affirmé qu’après le
24 mois d’octobre 1990, lorsque Monsieur Renzaho a été nommé au poste
25 de préfet de Kigali, il a instauré une procédure de délivrance des laissez-
26 passer pour permettre aux gens de circuler dans la ville de Kigali ; vous
27 confirmez ces propos ?
28 R. Je pense que je n’avais pas du tout élaboré sur cela, mais je voudrais le
29 faire maintenant. Pour essayer de limiter le mouvement...
30 Q. Est-ce que c’est ce que vous avez dit — pour me permettre de poser la
31 question suivante, Monsieur le Témoin ?
32 R. Je crois avoir déclaré cela, mais je ne sais pas si j’ai parlé de laissez-
33 passer. Mais ces laissez-passer ont été institués pour essayer de limiter
34 le mouvement des personnes afin de rendre les massacres plus faciles.
35 Au fait, lorsque le laissez-passer a été institué, c’était une initiative de la
36 préfecture de la ville de Kigali, et plus particulièrement en la personne du

187 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 97


188 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 préfet Tharcisse Renzaho, pour maintenir les gens dans la ville de Kigali
2 pour que « celles »-ci puissent être massacrés facilement. Mais avant
3 qu’il ne soit nommé à ce poste, le laissez-passer n’existait pas. Et même
4 si vous lui posez la question, je ne pense pas qu’il nierait cela. Je ne sais
5 pas si j’ai répondu à votre question.
6 Q. Oui, vous avez répondu à ma question.
7

8 Le deuxième volet de la question : est-ce que cela s’appliquait à tout les


9 résidents de la préfecture de la ville de Kigali ou étaient-ce certaines
10 personnes qui avaient besoin qu’on leur délivre ce laissez-passer ?
11 R. Je vous remercie. Le laissez-passer n’était pas exigé pour tous les
12 membres de la population habitant la ville de Kigali. Seuls les Tutsis
13 devaient se munir de ce laissez-passer. C’était, au fait, une stratégie
14 pour empêcher les Tutsis de quitter la ville de Kigali et rejoindre les
15 Inkotanyi ou pour se rendre dans d’autres pays. Mais les Tutsis ne
16 pouvaient jamais obtenir ce laissez-passer, et pour l’obtenir, il fallait
17 donner des raisons très convaincantes. Et à titre d’exemple, je n’ai
18 jamais pu, personnellement, avoir un laissez-passer, et je ne suis pas le
19 seul. Et si vous faites une enquête, vous pourrez peut-être apprendre la
20 situation qui prévalait dans la ville de Kigali à cette époque. Vous ne
21 pouviez pas quitter une commune de la préfecture de la ville de Kigali
22 pour entrer dans une autre, parce qu’on se méfiait des Tutsis et on disait
23 que c’étaient des Inyenzi qui étaient en train de s’infiltrer dans la ville de
24 Kigali. Les laissez-passer étaient donc délivrés uniquement pour la
25 préfecture de la ville de Kigali, soit dans les trois communes qui
26 composaient cette préfecture, à savoir : Nyarugenge, Kacyiru et
27 Gikondo.... ou Kicukiro — pardon.
28 Mme LE JUGE ARREY :
29 Merci, Monsieur le Témoin.
30 R. (Intervention non interprétée)
31 M. LE PRÉSIDENT :
32 Monsieur le Témoin, nous sommes arrivés au terme de votre audition.
33 Vous nous remercions d’avoir fait le voyage depuis Kigali jusqu’à Arusha
34 pour nous apporter votre témoignage dans la présente instance. Bon
35 retour chez vous. Nous vous prions de ne pas discuter de votre
36 déposition avec qui que ce soit. Encore une fois merci.

189 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 98


190 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 LE TÉMOIN ACS :
2 Je vous remercie, Monsieur le Président, Honorables Juges. Je vous
3 remercie pour avoir bien daigné écouter mes dépositions. Et je voudrais
4 vous demander de vous pencher sur cette déposition lors de vos
5 délibérations.
6 M. LE PRÉSIDENT :
7 Il y a un témoin dans la salle d’entente. Nous allons lui faire prêter
8 serment. Je crois que cette personne attend depuis quelque temps — je
9 ne sais pas si c’est un monsieur ou une dame —,
10 il faudrait tout simplement que son attente n’ait pas été en vain. Donc,
11 on va lui faire prêter serment.
12

13 (Le témoin ACS est reconduit hors du prétoire)


14

15 M. MOSES :
16 Monsieur le Président, Honorables Juges, nous avons l’original signé par
17 le témoin ; je ne pense pas que nous ayons 10 exemplaires à distribuer,
18 je m’en excuse par avance.
19

20 (Le témoin GLE est introduit dans le prétoire)


21

22 M. LE PRÉSIDENT :
23 Bon après-midi, Madame le Témoin.
24 LE TÉMOIN GLE :
25 Bon après-midi, Monsieur le Président.
26 M. LE PRÉSIDENT :
27 Vous serez désignée sous le pseudonyme GLE au cours de cette
28 instance... ou de la procédure. Vous devez dire la vérité et le Greffe va
29 vous faire prêter serment.
30

31 (Assermentation du témoin GLE)


32

33 Votre signature est-elle apposée au bas du document que vous avez


34 devant vous ?
35 LE TÉMOIN GLE :
36 Oui, Monsieur le Président ; c’est ma signature.

191 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 99


192 RENZAHO MARDI 30 JANVIER 2007

1 M. LE PRÉSIDENT :
2 Donc les renseignements qui figurent dans ce document sont exacts ;
3 vous confirmez ?
4 LE TÉMOIN GLE :
5 Oui, l’information est correcte.
6 M. LE PRÉSIDENT :
7 Monsieur Matemanga ?
8 M. MATEMANGA :
9 « P. 79 ».
10 M. LE PRÉSIDENT :
11 À conserver sous scellés.
12

13 (Admission de la pièce à conviction P. 79 — sous scellés)


14

15 Et ce document sera distribué demain matin à tout le monde dans le


16 prétoire.
17

18 Madame le Témoin, nous allons commencer votre audition demain matin,


19 dans ce prétoire, à 8 h 45.
20

21 Y a-t-il des questions d’intendance ?


22 M. MOSES :
23 Je voudrais tout simplement indiquer qu’étant donné les lieux auxquels
24 se rapporte la preuve de ce témoin, il faudrait tout au moins
25 commencer... ou évoquer les éléments de preuve qui concernent
26 son lieu de résidence en audience à huis clos.
27 M. LE PRÉSIDENT :
28 Très bien. Nous allons commencer par le huis clos demain.
29

30 L’audience est levée.


31

32 (Levée de l’audience : 17 h 10)


33

34 (Pages 59 à 91, prises et transcrites par Hélène Dolin, s.o.)


35

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193 HÉLÈNE DOLIN, S.O. - TPIR - CHAMBRE I - page 100


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2 SERMENT D’OFFICE

4 Nous, sténotypistes officielles, en service au Tribunal pénal international pour


5 le Rwanda, certifions, sous notre serment d’office, que les pages qui précèdent
6 ont été prises au moyen de la sténotypie et transcrites par ordinateur, et que
7 ces pages contiennent la transcription fidèle et exacte des notes recueillies au
8 mieux de notre compréhension.

10 ET NOUS AVONS SIGNÉ :


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14 ________________ _________________
15 Joëlle Dahan Hélène Dolin

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