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OS revue d'études antiques IDENTITES ETHNIQUES dans le monde Grec Antique | PRESSES UNIVERSITAIRES DU MIRAIL Revue publiée avec le concours des Universités de Toulouse-Le Mirail et de Provence (Aix-Marseille 1) Les actes de ce colloque sont endeuilés par la mort de Claude Rolley. ls sont dédiés Al'homme qu'il était, Ala saveur caustique de son style, A la solidité et I'étendue de sa science. lustration de couverture = Miroir trouvé & Hermioné (Argolide). Vers 40-530 avant J.-C. © Staatliche Antikensammiungen und Glyptothek, Manchen. inventaire n°3482, Couverture : Magali Blaye-Guilhaumond (PUM). Composition : RAFFUT, 18 rue des Cosmonautes 31400 Toulouse. ISBN : 978-2-85816-909-2 ISSN : 0031-0387 © Presses Universitaires du Mirail, 2007 Université de Toulouse-Le Mirail §, allées Antonio Machado 31058 Toulouse cedex 9 Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de ‘auteur ou de ses ayant cause, est ilicite et Constitue une contrefagon (art. 2 ef suivants du Code pénai). Les copies ou reproduc- tions destinges 4 une utlisation collective sont interdites. SOMMAIRE Les identités ethniques dans le monde grec. Actes du colloque international qui s'est tenu le 9-11 mars 2006 oe cea Organisé par le CRATA Coordinateur : Jean-Marc Luce Introduction PERRIER GUNS ies icaie inna a pialtes dik aaa ddisiea aes una u La géographie et les identités ethniques en Gréce. Francis Croissant, Style et identité dans Vart grec archaique .... +. ++. ++ e+0seeseeeeseeeeeeeees 27 Jean-Marc Luce, Géographie funéraire et identités ethniques a l’Age du fer en Gréce............. 39 Anne Coulié, Région et cités : la question des styles cycladiques en céramique aux vii et vit sigcles .. Claude Rolley, Techniques, travai Catherine Morgan, From Odysseus to Augustus. Ithaka from the Early Iron Age to Roman times ....... 0. 0c0ec cece ees eceseeseueeueseeeeeerees 71 la naissance des styles & l’époque géométrique Charalampos Orfanos, Epidamne et la manipulation de Vhistoire vue par Thucydide ........60000008 87 La question identitaire dans les zones de contact avec les Non-grecs. LOrient Francis Prost, Identité des peuples, identité des cités : Vexemple lycien ©0022... 000. 0eee seca ee 99 Sabine Fourrier, La constitution d’identités régionales 4 Chypre Al’époque archaique...........+ 15 ie Honigman, Permanence des stratégies culturelles grecques & 'ceuvre dans ies rencontres inter-ethniques de I'époque archaique a P’époque hellénistique......+.0..eeeeeeeeeseeeeeseeveeeeeeees 125, Insaisissables Scythes : discours, territoire et ethnicité dans le Pont Nord ........ 141 La question identitaire dans les zones de contact avec les Non-grecs. LOccident Maria Cecilia d’Ercole, Figures hybrides de l'identité : le cas de VAdriatique préromaine «2.2.2.0... 159 Trad Malkin, Ethnicité et colonisation : le réseau d’identité Grecque en Sicile ...........0005 181 Michel Bats, Entre Grecs et Celtes en Gaule méridionale : de la culture matérielle a Videntité ethnique Grecs et Romains : acculturation et réactions identitaires. Annette Peignard-Giros, Hellénisation et romanisation en Méditerranée orientale & Pépoque hellénistique : exemple de la céramique ........ ee cece eeeeeeeeeees 203 Claire Hasenohr, Les Italiens 4 Délos : entre romanité et hellénisme ...... +++ 6000 eee eee eee ees 221 Conclusion Michel Bats Résumés... Bibliographic . Cahier photos de 14 xvi entre la p. 232 et 233 Introduction PALLAS, 73, 2007, ve. 11-23 Introduction Jean-Marc Luce CRATA - Université Toulouse-Le Mirail Lidentité ethnique et le probleme de l'acculturation ne sont pas des sujets comme les autres, Mettant en question le rapport de soi & soi et le rapport de soi a Paucre dans les sociéeés du passé, il nous met nous-mémes directement en question, car il consiste reporter sur un monde révolu des questions que nous pourrions nous poser 4 nous-mémes. Ainsi, selon que ce que nous sommes s‘impose & nous comme une évidence:: je suis francais, allemand, chrétien, juif etc., ou non, la fagon d’appréhender lidentité des Grees se transforme, Or, cette perception de soi est entigrement déterminée historiquement et a connu au cours du xx* sitcle de grands changements. Lhistoriographie de la question de l’identité apparait alors comme profondément marquée par l’histoire contemporaine. Puisque nous nous apprétons ensemble & poser de nouveau la question, il nous faut replacer nos interrogations dans le cadre de cette histoire. Trois grandes périodes se dégagent: Jappellerai la premitre celle de la certitude de soi. Elle plonge ses racines dans le xix sitcle et sinterrompt a la fin de la seconde guerre mondiale. Durant cette période, Videnticé est considérée comme la nature profonde et quasi-immuable des peuples. La seconde période pourrait étre celle de sa déconstruction du Soi. Remettant en question lidentité hypostasiée de la période précédente, elle jette un regard ethnologique sur les peuples, interprétant ce qui passait pour un fait de nature en un fait purement culturel. La troisitme est Page de la sociologie constructiviste qui aborde I'identité non plus comme un fait de nature, ni méme comme un fait ethnologique, mais comme un pur produit de la subjectivité des communautés considérées. Lage de la certitude de soi: Lhistoire de la question se trouve partiellement dans le livre d’Edouard Will, Doriens ex Ioniens, Essai sur la valeur du critére ethnique appliqué a Uérude de Uhistoire et de la civilisation grecques (1956). Elle commence avec le livre de Karl Orfried Miiller, Die Darier. Geschichte hellenischer Stimme und Stadee (publié d’abord en 1824, puis réédité en 1844). La pensée historique a été assez largement dominée, avant-guerre, par la science allemande dont une partie a construit toute son herméncutique, de fagon assez générale, sur I'idée que 12 Jean-Marc Luce les peuples ou les races avaient une essence, Weren, dont les diverses réalisations n’éraient que les manifestations d'une réalité fixe, immobile. Cette conception plonge ses racines dans l’idéalisme philosophique allemand et, bien entendu, dans le nationalisme germanique de l’époque. Les théories raciales avaient pour elles lavantage de donner une traduction matérielle, biologique, une entité qui naurait autrement été qu'une abstraction. Mais le fond de cette conception n'est pas 'analyse philosophique ou intellectuelle des notions, mais la simple évidence de soi que les temps avaient alors construire, Nul n’a exprimé avec plus de clarté cette immeédiateté de la certitude de soi que Fritz Schachermeyt. Sa pensée, telle quill 'a exposée dans « Der Begriff des Arteigenen im friihzeitlichen Kunstgewerbe, » dans KlioXXXII (1939-1940), pp. 339 sqq, est résumée par E. Will, Il décrivaie cette composante irrationnelle qui sexprime dans le sentiment de la vie et dans l'instinct, et qui donne a l'homme la conscience de son appartenance & la race et de son aliénation par rapport aux autres races. Ce phénomene serait, selon Fr. Schachermeyr, un « mystére comme la vie méme et ne peut étre que vécu et non discuté. » La certitude sexprimant dans I'évidence ne peut étre qu'un sentiment primant l'analyse et la fondant. Il ne s'agit pas ici d’exposer tous les aspects de ces conceptions que certains appellent aujourd'hui « essentialistes. » On en a déja fait abondamment le procés ct elles n’one plus cours de nos jours. Je voudrais simplement rappeler un aspect qui n'a pas été traité par E, Will dans son livre. Il sagit du rapport au sol. On a souvent mis en lumiére le lien avec le racisme, avec le sang, mais la conception, notamment la conception allemande d'avant guerre comporte rout autant un rapport au sol. On peut le faire en mettant en paralléle trois citations: celle du géographe Friedrich Ratzel (1844-1904), auteur de Anthropogeographie (1899), celle d’un philosophe, M. Heidegger tel quion le redécouvre griice au livre récent d’Emmanuel Faye et celui d'un historien de Vart grec: Ernst Langlotz. Pour Fr. Ratzel, « Lhumanité, cest un morceau du globe » (die Menscheit it ein Stiick der Erde). Cette relation intime que Fr, Razel établit entre l'homme ct le sol trouve dans les lignes suivantes quelque explicitation: « La libre volonté de I’homme dans ces territoires peut faire beaucoup, pour en reculer les limites naturelles ou en rendre I’étroitesse plus supportable, mais il ne peut jamais les abolir. Er chaque peuple porte deja autour de lui les marques de son pays. Uanthropogéographie traite toujours des peuples a l'intéricur de leurs limites, elles ne les considére que sur leur sol. C’est donc sur ce sol que l’anthropogéographie voit se dessiner les lois de la vie des peuples. Er les seules lois auxquelles il se trouve confronté sont celles qui peuvent recevoir une formulation géographique’. » Plus tard, Fr. Ratzel concevra le concept de Lebensraum, d'espace vital, que les Nazies détourneront pour justifier leur impéri Cette relation de "homme au territoire est fondatrice de l'approche géographique de Phumanité, mais elle peut se décliner de diverses fagons, selon que l'on y cherche la 1 Anchropogeographie (1999), p. 99: « Der freie Wille der Menschen in diesen Lindern kann viel tun, um dicse natirlichen Schranken hinauszuriicken oder ihre Einengung ertriglicher zu machen, er kann sie jedoch niemals vernichten. Und jedes Volk erigt schon darum die Merkmale seines Lan- des, Die Anthropogeographic hat es nun immer mit den Vélkern innerhalb ihrer Schranken 2 tun, sie sicht sie immer nur auf ihrem Boden. Auf diesem Boden sicht daher die Anthropogcographie auch die Gesetze des Vilkerlebens sich abzcichnen, Und nur mit den Gesetzen hat sie 2u tun, die geographisch 21: formulieren sind. » INTRODUCTION 13, réalité ontologique de la condition humaine ou le simple enracinement de l'homme dans la contingence spatio-temporelle, C'est la premiére voie qu’a choisie Martin Heidegger. Dans un ouvrage décapant, récemment paru, E. Faye nous propose une lecture renouvelée du philosophe & la lumiére des séminaires inédits de 1933-1935 ott implication de sa pensée dans le nazisme apparait de fason explicite et incontestable. A propos de la relation au sol, on y trouve cette idée?: « Nous ne devons jamais oublier que, nécessairement, l'espace est toujours corollaire du peuple dans son étre concret, que, littéralement, il rexiste pas de peuple sans espace. » M. Heidegger se place li dans le cadre de sa théorie de la mondanié et de « létre-avec, » le « Mitsein, » qu'il a développée en 1923 dans Etre et Temps et qui defini Vhomme dans un réseau relationnel l'unissant & un monde d’objets utilitaires, 4 tout un paysage dont on devine qu'il peut étre aussi un territoire, et par dela, aux autres individus. Pour lui, Blut und Boden sind zwar michtig und notwendig, « Sang et sol sont puissants et nécessaires », méme si le savoir doit étre cultivé afin d’« orienter le flot du sang. » La relation du sang au sol n'est done pas, pour Heidegger, une simple contingence contraignante, elle est dans Vessence méme de l'homme. On retrouve chez I’Historien de la sculpture qu’était E. Langlotz cette intimité de la relation qu’entretient l'homme avec son territoire-paysage, die Landichafi, sans la fonder sur un horizon ontologique. Dans Pintroduction de son fameux Frihgriechische Bildhauerschulen (1927), p. 8, il écri « Aujourd’hui, seuls le coat des ceuvres et la perfection technique émervcillent nos contemporains, mais pas ce & quoi l'artiste donne corps. Lappréciation de Vartiste est fondée sur la relation qu’il entretient avec et la fagon dont il rassemble toutes les forces dans l’élément central de la vie grecque: I’Etat, Le général victorieux lui-méme n'avait d’autre valeur que celle qu'il détenait en tant quioutil de sa cité, le vainqueur 4 Olympic en tant son représentant et ce n'est quaprés une troisitme victoire quill étaic gravifié d'une statue reproduisant ses traits individuels. Cest de ce kosmos, de lunité ethnique de son peuple (Einheit von Stamm), de sa langue, des cultes et des lois, nourrie et transformée par les destins qui lui sont échus, que nait chaque ceuvre; elle porte Ja marque de Vartention du peuple d’oit l'artiste est originaire, Cela est d'abord visible pour les ccuvres les meilleures ct les plus belles auxquelles les siécles ultérieurs ont persisté a rendre des honneurs héroiques. Leur essence (Wesen) oeuvre sans relache dans tout ce que leur peuple continue & produire, Lartiste la porte du fait de sa naissance dans son sang, il la recoit comme la langue, les mocurs, Ia loi, comme aussi la fagon propre & sa communauté de voir son environnement et de le vivre, déterminé par I’émerveillement que lui procure le paysage dans lequel il demeure. » Cette fois, c'est l'analyse de oeuvres d'art qui permet de dégager la notion de paysage/ territoire stylistique comme reflet de Vattachement de homme a son territoire politique. Pas plus chez Langlotz que chez M. Heidegger, la relation que I’homme entretient avec le sol, ses caractéristiques naturelles, mais aussi ses limites qui le territori: nt, n’ étaient réduies A une simple contingence. Cette mystique du Sol, que d/autres auteurs, Carl Schmitt en téte, ont également développée, aboutit, comme le dit Werner Késter, 4 une « ontologisation politique 2 E. Faye, Heidegger, Uintroduction duu nazisme dans la philosophic. Autour des séminaires inédies de 1933-1935 (2005), p. 235. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. INTRODUCTION 15 rien tre, Pour-moi, je ne suis pas plus professcur ou garcon de café que beau ou laid, Juif ou Aryen, spirituel, vulgaire ou distingué, » La conception est subtile, car elle rourne le dos 3 celle qui définit identité, quelle soit collective ow individuelle, comme I’écre de l'homme, comme son Wesen inaliénable et inaltérable, sans tenir compte du caractére indéfini de Vexistence. Mais il n'est pas non plus une négation de l'identité ni de sa réalité sociale. Elle est simplement dissociée de ce qu'il appelle le « pour-soi », cest-a-dire du regard que le sujet porte sur lui-méme ou sur les autres. Or, si Vobjet de ce regard — Pen-soi — peut etre défini et déterming, le sujet qui le jette, le pour-soi, échappe & toute détermination. Lidentité, quiele soit ethnique ou personnelle, n'est donc qu'un projet émanent du sujet qu'il construit en faisant usage de sa liberté. Et cette liberté affecte également la relation que l'homme entretient avec le sol et le territoire. Elle se raméne pour J.-P. Sartre & une simple mise en situation, Elle n'est au fond que pure contingence’. Chez les historiens du monde grec, la remise en cause la plus précoce et la plus radicale de la conception raciale de I'identité est venue d’E. Will, dans son ouvrage déja cité, Doriens er Ioniens. Essai sur la valeur du critere ethnique appliqué a U'étude de 'bistoire et de la civilisation grecques (1956). Bien que la pensée de I’historien ne fat pas dialectique comme I’était celle de Sartre, on retrouve chez lui une argumentation assez proche de celle du philosophe. Il y dénonce en effet la conception d’un peuple dorien ou ionien défini comme une entiré de nature immuable et en dégageair le caractére irrationnel. Ainsi écrivait-il: « On voit la Verreur - volontiers tendancieuse — qui consiste & enregistrer les caractéres historiques des Ioniens d’Asie (caractéres historiques qu’on envisage du reste que de fagon assez unilatérale, cat, aprés cout, pour ne citer que cet exemple, Callinos d’Ephése a des accents proches de ceux de Tyrtée — qui semble avoir été Iui-méme un Tonien...), tels qu’ils ne peuvent étre constatés par nous qu'au terme d'un séjour asiatique déja assez long, et les ériger en caractéres originels, ethniques, biologiques. » Le discrédit dans lequel la pensée ethnique a sombré aprés la guerre saccompagna, particulitrement en Allemagne, d’un changement profond dans la perception de espace. Comme le montrent les analyses de W. Késter, l'espace disparut méme du langage public au sein de la RFAS, C’est également dans ce cadre affectant la perception de espace qu'il faut replacer deux ouvrages de premiére importance portant sur histoire de la sculpeure grecque: Kouroi (1942 pour la premitre édition, réédition en 1960 puis en 1970) de Gisela Richter et The Dark Age of Greece (1971) d’Anthony Snodgrass. Aux principes édictés par E. Langlovz, dont la vision érait tres géographique, G. Richter opposait une conception complétement opposée qui consistait & minorer les styles régionaux au point de refuser de les considérer. Parmi les arguments proposés, le plus significatif est celui qui met en évidence la circulation des artistes en s'appuyant sur maints textes et inscriptions. Ce qui était réhabilité dans sa vision, c’était l'individu échappant au déterminisme de son milieu d'origine, mais pas & celui de sa période, et &l’émergence d'une sorte de miliew artistique a l’échelon de la Gréce. Quant & A. Snodgrass, il proposait de reconsidérer les artéfacts archéologiques dans lesquels on avait vu des marqueurs ethniques. A ces yeux, niles tombes, ni les objets en bronze 5 Voir L’Etre et le néant, p. 535, 4° partic, I, 2A, oi il définit le lieu de naissance comme « contingence pure de ma place. » 6 Késter 2002, p. 28 et surtout 233-238. 16 Jean-Marc Luce ne sont des indicateurs fiables des déplacements de population. Voici ce qu'il écrivait sur les modes funéraires: « Ce que nous pouvons déduire du cas d’Athénes, ce nest pas, 4 mon avis, que les changements dans les rites funéraires sont dépourvus de signification, mais que leur signification en termes de différenciation raciale ou religieuse dans la Gréce ancienne — deux domaines dans lesquels ils ont été utilisés comme des preuves documentaires (evidence) ~ doit étre fortement revue a la baisse, » Seule la céramique serait de nature & indiquer un changement profond, lig & une migration importante. En absence d'une nouvelle céramique que Yon pourrait clairement interpréter comme dorienne, il en vint a remettre en cause l’historicité méme de la migration dorienne. Tandis que Will était contenté de contester le contenu biologique et moral des Doriens et Ioniens, Snodgrass faisait un pas de plus. Il faut mesurer {es implications de la démonstration: s'il n'y avait plus de migration dorienne, cest que la dissociation ethnique entre Doriens et Ioniens relevait plus du mythe que de I’Histoire. Si la réflexion sur le passé s'est ainsi désethnicisée, elle est en revanche devenue plus anthropologique. On a cherché par tous les moyens & saisir une spécificité grecque, une fagon de penser grecque etc, Tandis que de nombreux historiens de I’Entre-deux-guerres avaient tenté de dégager dans la Gréce les éléments fondateurs de notre civilisation, l'approche anthropologique favorise au contraire la recherche des différences. Uanthropologue de la Gréce est constamment a la traque de ces étrangetés révélatrices d'une culture. C'est dans cette veine qu'il faut placer une bonne partie des travaux de Louis Gernet et de Jean-Pierre Vernant. Les titres mémes de ses ouvrages et de ceux quil a édités l'indiquent: Le génie grec dans la religion, Mythes et pensées chez les Grees, Homme grec, etc. Lanthropologie prétend & une certaine objectivité. Dés lors que l'identicé ethnique était présentée comme un mirage, renvoyant aux catégories de pensée modernes, elle ne pouvait plus écreun thémed’étude. C'est ainsi qutellea disparu des écrits historiques et archéologiques portant sur la Gréce ancienne, se dissolvant dans I'identité culturelle, quand elle n’était pas purement et simplement disqualifige comme la survivance des attitudes racistes d’avant- guerre. Si la science anthropologique permet de repérer les traits de civilisation spécifiques d'un peuple donné, cette caractérisation se fait au sein de notre conscience, Or cest la que réside la difficuleé. Lidentité comme fait objectif est insaisissable; mais est-ce un fait objectif? Notre conscience en est-elle le sitge? La question de Videntité ne pouvait réapparaitre que dans ceux qui tentaient une anthropologie ou une histoire de la perception. C'est précisément Poptique choisie de deux ouvrages qui faisaient porter analyse moins sur ce qu'étaient les Grecs que sur le regard quills portaient. Dans Le miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de UAutre (1980), Frangois Hartog s'intéressait & la perception que les Grecs avaient des peuples étrangers, un regard qui, établissant la différence, fondait en méme temps une identité helléne. Quant & Nicole Loraux, dans L'invention dAthenes (1981), elle dégageait les éléments d'une identité athénienne dont linstrument privilégié était V'oraison funebre. Dans les deux cas, on rencontre le mythe. Pour Fr. Hartog, cest par une construction mentale que se construit VAutre, le Non-grec et, par-dela, le Grec. Pour N. Loraux, les mythes des origines sont élément fondateur. Ces approches préfigurent celles de la sociologie constructiviste. Mais entre le monde grec pris dans sa globalité par Fr. Hartog et I’échelon de la cité adopté par N. Loraux, notons labsence complete des grandes catégories intermédiaires comme Doriens, Ioniens ou Eoliens. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 18 Jean-Marc Luce communautés disene d’elles-mémes, et non ce que le savant peut dire d’elles. En France, la réflexion sur la question identitaire connut aussi un certain renouvellement, mais en marge d'un silence général sur un théme qui paraissait piégé. Dans Logiques métisses. Anthropologie de 'identité en Afrique et ailleurs (1990), Jean-Loup Amselle a mis ’épreuve de la critique le pouvoir qu’a Panthropologie d’objectiver l'objet de son étude, lui donnant alors Vessence qui lui manquait. C'est ainsi qu’en Afrique de l'Ouest l’anthropologue, secondant l'état colonial, a contribué de fagon déterminante & la construction méme des ethnies en cherchant a les classer et & les dissocier les unes des autres, [a oi il n'y avait qu’interrelations et entrelacs. Le grand enseignement de cette étude est que lorsqu’on cherche & spécifier une culture et a en dégager l’essence érigée en ethnie, au lieu de trouver du spécifique, on ne trouve que du métissage: il est possible au contraire de postuler « un syncrécisme originaire, un mélange dont il est impossible de dissocier les parties’. » Il faut done, autant que possible, éviter de parler a la place des populations étudiées, en usurpant le pouvoir de les définir. Néanmoins, on ne négligera pas non plus les processus auto-identification a l’ceuvre dans la plupart des communautés qui bien souvent ont dit qui elles étaient. On partira du principe qu'un trait culturel ou phénotypique ne peut devenir ethnique que s'il est sélectionné par la communauté et s'il est considéré comme un critére de distinction permettant de la définir. Les travaux de Barth et d’Amselle étaient restés confinés au cercle des études anthropologiques. Le transfert des idées présentées par Fr. Barth sur le territoire de Vhistorien ne s'est produit que longtemps apres la parution de Ezhnic groups and Boundaries. En 1986, Anthony D. Smith publia The Eehnic Origins of Nations dans lequel il replacait Yessor du nationalisme dans une histoire plus générale des processus identitaires remontant al’Antiquité. A la suite de Barth, il définissait Vethnie, — un terme qu'il emprunte a la langue frangaise - comme une donnée subjective, prenant le contre-pied de tous ceux qui avaient voulu saisir les identités dans l'authenticité d'une culture dont les traits pouvaient étre objectivés: « the generic features of ethnie are derived, less from ‘objective’ indicators like fertility, literacy or urbanization rates (important though these are in given circumstances), than from the meanings conferred by a number of men and women over some generations on certain cultural, spatial and temporal properties of their interaction and shared experiences, » Tandis que pour Fr. Barth, la notion de frontiére était présentée comme la principale clé de Vethnicité, Smith distinguait six éléments fondamentaux constructeurs de toute ethnie: le nom qu'une communauté de donne a elle-méme, un mythe de descendance commun, une histoire que les membres ont en partage, une culeure commune, Passociation avec un territoire spécifique, et un sens de la solidarité. Parmi ces six critéres, deux concernent la relation de l'ethnie 4 son passé, et, en historien qu’il est, Smith accorde en fait la premidre place a la dimension temporelle: « Ethnieare nothing if not historical communities built up on shared memories", » Il restait a exploiter pour la premitre fois les acquis de la sociologie constructiviste et les analyses de Smith de fagon systématique & propos des Grecs. Ce fut chose faite avec les 7 Amselle 1990, p. 248. 8 Smith 1986, p. 25. INTRODUCTION 19 travaux de Jonathan Hall et de Catherine Morgan. Dans Erhnic Identity in Greek Antiquity (1997), J. Hall souligne & son tour la dimension temporelle des constructions identitaires. I] écrit dans sa conclusion, p. 182: « Ce qui distingue lidentité ethnique des autres identités sociales est précisément sa dimension historique (ou quasi historique). » D’ou I'intérée pour les généalogies et les mythes, Son probléme nest pas d’en établir ’historicité, mais de déterminer leur action sur lhistoire, particuligrement dans la construction identitaire. Dans ce souci, il n’a pas hésité a porter sa réflexion sur les entités intermédiaires entre le Grec et le citoyen, notamment sur les loniens et les Doriens, Dans son second ouvrage, paru en 2002, Hellenicity. Between Ethnicity and Culture, la premitre place dans la construction de V’identié ethnique est toujours donnée a l'histoire, mais 'auteur sattache davantage a la question du nom, et notamment a celui d’Hellénes que se donnaient les Grecs, Mais cette fois, le critére culturel ese pris en considération, La thése générale consiste a montrer que la nature de I’identité grecque a changé au cours du temps. Fondée uniquement, au cours de Pépoque archaique, sur les mythes de parenté et leur dimension temporelle, elle ne dépassait pas le niveau « sub-hellénique » opposant les entités doriennes, ioniennes, éoliennes etc. Une identité plus générale, rassemblant la plupart des Grecs, au sens actuel du terme, sous un méme terme, se serait forgée & partir du vt s, dans les grands centres panhelléniques, & Olympie d’abord, oit Yon accordait ou refusait le droit de concourir aux Non-Hellénes, et dans lamphictionie pyléo-delphienne oi les Thessaliens jouaient leur leadership régional. Jusque-la, on en reste a l’identité ethnique, présentée comme une construction agrégative, en agengant des mythes divers au sein de généalogies globalisantes, Pour J. Hall, ce nest pas tant Paventure coloniale que la confrontation avec les Perses lors des guerres médiques qui provoqua la transformation de Pidentité grecque. Désormais plus oppositionnelle quagrégative, cette derniére sappuie de plus en plus sur des différences que l'on observait entre Grecs et Barbares. Le résultat fut que « broader cultural criteria came to replace ethnic ones,” » Cette requalification de I’identité grecque en termes culturels qui s‘impose de plus en plus a partir du Vs, et qui devient dominante a l’époque hellénistique a donc pour effet, en fin de compre, de la « déséchniciser. » En effet, dés Isocrate, on prit conscience que la paideia, Péducation grecque, pouvait s érendre au-dela des frontizres qu’tablissait le systéme de la parenté entre les Hellénes et les Non-Hellénes. Au it s. de notre ére, Aristides et Favorinus pensaient que « leur paideia supérieure faisait d’eux des Hellénes plus authentiques que de nombreux Grecs du “views pays”, " » Tandis que l'historiographie du monde grec a si fortement privilégié l'étude de la cité, Catherine Morgan a porté le projecteur sur les ethna, ces entités régionales qui se sont constituées en « peuples », grice & tun processus de construction identitaire qu'il est possible de suivre en croisant les sources archéologiques et historiques. Ces recherches, présentées dans maints articles, viennent d’aboutir a un ouvrage général: Early Greek States Beyond the Polis (2003) oi elle souligne le caractére hétérogéne et multiple des identités, reliant les individus a des cités, mais aussi des ethnos er des groupes qui sont des subdivisions de ces derniers, comme les tribus. On retrouve li les entrelacs dont parlait J.-L. Amselle. Tandis que J. Hall mettait accent sur les sources historiques, parce que Vethnicité lui apparaissait 9 Hall 2002, p. 189. 10 Hall 2002, p. 226. 20 Jean-Marc Luce comme relevant du discours que les artéfacts ne contiennent pas, C, Morgan slattache aut contraire a dégager les sources archéologiques qui permettent de rendre manifeste les entreprises collectives dont la signification pouvait étre ethnique. Mais toute entreprise de ce type revient a dégager des zones, des secteurs, des régions que l'on peut ou non interpréter comme des entités 2 signification ethnique, et l'on se retrouve dans une approche ot territoires et limites spatiales ont une importance bien plus considérable. Coest encore étude des mythes, cette fois plus profondément ancrée dans espace, qui caractérise les deux dernicrs ouvrages d'Irad Malkin, d’abord Myrh and Territory in the Spartan Mediterranean (1994), puis, plus récemment, et plus directement orienté vers la question de Videntité, The Returns of Odysseus: colonization and ethnicity (1998). Dans ce dernier ouvrage, on découvre comment les mythes grecs ont servi non seulement a la construction identitaire des Grecs, mais aussi 4 celle d'autres peuples, une analyse qui confirme d'une certaine fagon le divorce de la culture et de l’identité & Vceuvre chez Fr. Barth, et rejoint, d'une certaine fagon le « syncrétisme originaire » de J.-L. Amselle. Depuis une dizaine d’années, le theme de l’identité ethnique connait un succes certain, La bibliographie est devenue considérable. Dans Voptique qui est la nétre, oit histoire et archéologie Sassocient étroitement, il faut replacer notre colloque dans la lignée ouverte par trois rencontres et un ouvrage collectif. Confini e frontiera nella Grecita d'Occidente, Atti del trentasettesimo convegno di studi sulla Magna Grecia, Taranto 1997 (1999). Le colloque ne rencontrait qu’indirectement la question des identités, mais 'abordait pour l’Occident au travers du théme de la frontiére. Toutefois, plusicurs communications ont trait directement a la question de 'ethnicité, Mais le fait le plus notable pour notre théme a été le fait de confier a JL. Amselle l’introduction générale, afin de replacer la problématique des limites frontiéres, mais aussi celle de l’identié dans le cadre conceptuel que propose V'anthropologie, un cadre qui n'est pas présenté par Vauteur comme une grille d’analyse universelle, mais comme un parcours personnel, et oit la pensée de J.-P. Sartre apparait, & juste titre, comme un point d’ancrage. Irad Malkin (éd.), Ancient Perceptions of Greek Ethnicity (2001). V'éditeur est Vauteur d'une belle introduction sur la notion d’identité ethnique. Aprés avoir rappelé les quelques principes que Hall avait mis en évidence (le rdle des généalogies, etc.), I. Malkin avait souligné, la distinction reprise en détail dans les Returns of Odysseus entre héros et héros grecs, développant le réle indu que joue dans la dialectique du soi et de Pautre, 'opposition entre le centre et la périphérie, dans un monde qui ta pas de véritable centre. La question est d'une certaine fagon la suivante: lAutre estil vraiment Autre? En effet, les mythes grecs one parfois servi a fonder lidentité ethnique de populations étrangéres au monde grec. Nous retrouvons le métissage cher a J.-L. Amselle. I. Malkin a également dégagé 'opposition entre la vision « primordialiste » que les membres d’une communauté peuvent avoir de leur passé et celle de lobservateur qui peut étre tout autre, rejoignant en cela opposition entre le pour soi et len soi que Von fait traditionnellement en philosophic et que l'on a déja rencontré ci- dessus sous la plume de J.-P. Sartre. Le colloque s'est développé particuligrement autour des notions d’ethnos et de la colonisation, mais présente aussi loriginalité d’avoir rassemblé des communications sur la vision qu’avaient les autres peuples de l'ethnicité grecque. Le troisi¢me colloque que je souhaite mentionner est celui qu’a édité E. Greco, Gli Achei ¢ Videntiti etnica degli Achei d’Occidente. Atti del Convegno Internazionale di Studi. Paestum, a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 22 Jean-Mare Luce figure dominante est, en France, celle de Joé] Bonnemaison"', Dans son approche, il dégage le concept de géosymbole. Voici la définition qu'il en donnait dans son article « Voyage autour du patrimoine, » Espace géagraphique 4 (1981), p. 249-262: « un géosymbole peut se définir comme un lieu, un itinéraire, une érendue qui, pour des raisons religicuses, politiques ou culturelles prend aux yeux de certains peuples et groupes ethniques, une dimension symbolique qui les conforte dans leur identité. » Dans son remarquable ouvrage Liarchipel du Vanuatu, Essai de géographie culturelle (1996 pout le premier tome, 1997 pour le second), Bonnemaison place l'espace au cccur de l’identité, avant [histoire (livre Il, p. 73): « Autant les myches sont irréels, si on essaie de les situer dans le temps, autant ils se révélent exacts et minuticux des qu'il s'agie de localisation. Le mythe justifie en effet une société qui ne se meut pas tant dans une conscience historique que dans une “conscience géographique”. Dans ces lignes Bonnemaison n'édictait pas ces principes comme une grille universelle des sociérés, mais comme une interprétation de la société dans V'ile mélanésienne de Tanna. Toutefois, elle met en évidence les implications géographiques du mythe et la relation entre Vimaginaire collectif et la réalité de espace occupé par une communauté. Ce sont la des phénoménes qui risquent de ne pas étre spécifiques aux Mélanésiens. Dans la Géographie culturelle, le point de vue est plus universel: « Le territoire est d’abord un espace d’identité ou, sil’on préfere, d’identification. » La question que nous posons est donc la suivante: une approche géographique de Videntité dans le monde grec est-elle possible? Dans La naissance de la cité grecque (1995), Francois de Polignac avait atcribué trés précisément attribué ce réle de géosymboles aux sanctuaires extra-urbains, interprétés comme des marqueurs de appropriation du sol. Dans ce questionnement, l'existence d'une géographie stylistique est done d'une importance particulidre. Que ce soit dans la céramique ou la plastique, de bronze, comme de pierre ou de terre cuite, les styles définissent des aires géographiques. Ontils été des géosymboles? Ont-ils contribué a définir spatialement des identités collectives? La méme question se pose pour les modes funéraires et d’autres aspects de la civilisation grecque. Ces interrogations sont particuligrement pertinentes pour distinguer les différentes identités & l'intérieur du monde grec et ce sont elles qui nous occupent dans la premitre partie. Mais la question se pose différemment des lors qu’on se trouve aux confins du monde grec. La question tane de fois ouverte des rapports des Grecs entre eux, mais aussi de ceux qu'ils entretenaient avec les peuples quiils céroyaient en milieu colonial, doit étre de nouveau posée, La encore cest la géographie qui change la donne. Avec la conquéte romaine, la question identitaire prend un aspect nouveau. On observe abord Vinterpénétration des cultures d'Italie et de Gréce, comme en témoignent la céramique et le théatre. Au-dela de la question culturelle, il est possible parfois de saisir avec une étonnante précision des groupes ethniques. C'est le cas de la communauté italienne de Délos, Comme on le découvre avec Cl, Hasenohr, cest en Grice que les Italiens se font appeler Romains, et non en Italic. II sagit fa d'une relation entre une communauté et un territoire de référence qui n'est pas celui de la résidence, ni méme celui des origines, mais celui de la puissance dominante sous la protection de laquelle on se place. 11 On trouvera dans La géopuaphie culturelle (2004) une présentation générale de sa pensée au travers d'un cours recueilli et publié par deux de ses érudiantes aprés sa mort en 1997. INTRODUCTION 23 La relation entre lidentité et le territoire prend donc un triple aspect selon que le territoire en jeu se trouve au sein du monde grec, au contact d’identités étrangeres, ou que les identités Saffirment loin de leur territoire d'origine dans des communautés d’expatriés. Cest donc sur ces trois géo-situations que s’organisent les communications publiées dans ce volume. La géographie et les identités ethniques en Gréce PALLAS, 73, 2007, ». 27-37 Style et identité dans l’art grec archaique Francis Croissant Université Paris 1 Si le débar qui a divisé les historiens de ’Archaisme grec jusque dans le dernier quart du xx* sidcle au sujet de existence dans la plastique, et plus généralement dans les arts figurés, de styles locaux bien identifiables, ou au moins de notre capacité & en déterminer lorigine géographique, peut étre tenu aujourd’hui pour dépassé, il sen faut que le probleme de fond que pose la notion de style, celui de la signification méme de ces particularismes collectifs, ait trouvé une solution tout & fait satisfaisante. Au moins lopposition, devenue courante, entre les deux termes allemands de Landschafisstil et de Zeitstil permet-elle d’échapper & Pambiguité du mot frangais, et de savoir de quoi on ne parle pas. Mais cela ne va guére plus loin: selon que l'on donnera a Landschaft le sens de « paysage », voire de « terroir », plurdt que celui de « site » ou de « région », il est clair que on aura déja quitté le champ de la description pour celui de l’interprétation. Aucun de ces concepts, au demeurant, n'est vraiment innocent, et sous leur apparente neutralité, des expressions comme « style local » ou «style régional », qui semblent jouir depuis quelque temps d'un regain de faveur, ne font que déplacer le probléme. Car en admertant quielles aient d’abord une simple valeur de localisation, la question demeure de savoir pourquoi tel style s'est développé sur ou dans telle région, et l'on ne pourra guére échapper 4 Vhypothése d'un déten soit géographique, cest-a-dire environnemental, soit humain, cest-i-dire ethnique. La premitre possibilié est évidemment toute théorique: I’influence éventuelle du climat et de la géographie physique sur les choix culturels est a la fois trop évidente et trop générale = elle fonctionne en tout cas une trop grande échelle — pour nous intéresser ici, Quant a la seconde, Ed. Will en a montré, il y a tour juste un demi-sitcle', et d’une manitre que l'on pouvaie croire définitive, P'inanité compléte: méme si elles ont paru longtemps aller de soi, dans la mesure ott elles semblaient pouvoir s‘appuyer & la fois sur la tradition antique et sur une réalité linguistique objective — Vexistence des dialectes -, les théories modernes qui prétendaient expliquer I’histoire de la civilisation grecque par des oppositions de nature raciale ~ en Voccurrence par un antagonisme entre les « Doriens » et tous les autres peuples, au premier rang desquels les « Ioniens ~ ont aujourd'hui perdu toute crédibilité: ces notions elles-mémes n'apparaissent pas dans les textes avant le V'siécle, et quant au fatras 1 Ed. Will, Doriens et loniens. Eisai sur la valeur du critdre erbnique appliqué & Vétude de Uhistoire et de la civilisation grecques, 1956 (ci-aprés Will, 1956). 28 Francis Croissant pscudo-scientifique qui érait censé fonder la croyance 4 une spécificité, voire, plus ou moins explicitement, a une supériorité « doriennes », on peut aisément se dispenser d'y revenir. Il niempéche que ce fantasme historique a quand méme laissé, notamment dans les catégories usuelles de l'histoire de l'art grec, des traces profondes, Cela va de lopposition, banalisée par bon nombre de manuels, entre la « sévérité », voire la « mile sobriété » de Vordre dorique et Vélégance « gracieuse » et + ornée» de Vordre ionique’, a la survivance tenace d'un concept aussi artificiel que le « style dédalique », dont on a tendance a oublier que la seule raison d’étre était a Vorigine de fonder dans une géographie des styles calquée sur celle des dialectes une attribution au « génie dorien » de Pinvention de la grande statuaire, Car le singulier ensemble ~ Corinthe, Sparte, Rhodes et la Créte — qui formait la trame des Dedalica de Jenkins* n'avait d’autre réalité que linguistique, bien qu'il prétendit refléter lunité et la spécificité d’une « culture dorienne », aut sein de laquelle la plastique « dédalique » constituaie a priori le pendant exact de V'archirecture dorique’. Construction évidemment ruineuse, dont son auteur lui-méme avait du mal 3 masquer les incohérences, lorsqu’il soulignait par exemple, avec une apparente candeur, que les qualirés doriennes « ordre, d’équilibre, de force et de symétrie, qui fondent par excellence notre conception de I’Hellénisme » se combinaient, « du moins @ Corinthe, avec une grace exquise et un goat délicat », ou quand il se résolvait & admettre que le premier monument de la « sculpeure dorienne en pierre » avait dé étre créé dans les Cyclades®, Au demeurane ce postulat d'une unité globale de'« art dorien » n'aboutissait guére qu’a méler tous les styles du Vu" sidcle dans un classement chronologique fondé sur le principe d'une « évolution » linéaire de la forme du visage, auquel sa fausse objectivité a malheurcusement assuré, comme ce sera d’ailleurs le cas, un peu plus tard, mais & partir d'un autre genre de postulat, pour la chronologic « anatomique » des kouroi érablie par G. Richter’, une durable autorité, dont il n'est pas sir que Phistoire de Part archaique se soit encore cout & fait affranchie. Sans qu'il soit question de confondre avec ces constructions pseudo-historiques la réflexion féconde, inspirée des observations de l'anthropologie culturelle, qui stest développée dans les dix derniéres années, notamment en milicu anglo-saxon, parmi les historiens de VAntiquité autour de la notion d’ethnicity, il faut done bien reconnaitre que les premiers usages du « critére ethnique » (pour reprendre expression d’Ed, Will) dans la tradition historiographique européenne n'avaient pas éé jusque-la tres encourageants, Et quion le , 1956, p. 9-14, Par ex. R. Ginouvés, Liar grec (1964), pp. 57-58. J.-J. Mafire, Liart gree (1984), p. 18. R.J.H. Jenkins, Dedalica. A Study of Dorian Plastic Art in the Seventh Century B. C.(1936).. Dedalica, p. XII: « The fundamentally coherent, yet at the same time strongly individual, styles of the four great centres of Dorian artistic activity in the seventh century, of Corinth, Rhodes, Crete and Sparta, are now exposed for our delectation and study. The quality of order, balance, strength and symmetry, which more than any others contribute to our conception of Hellenism, are seen already expressed in the highest degree at this period, and combined at least at Corinth with exqui- site grace, delicacy and taste... Dorian seventh-century sculpture was, as we hope to show, a worthy and a close counterpart of Dorian architecture. » Dedalica, pp. 87-68. G.M.A. Richter, Kouroi. Archaic Greek Youths, 1942, rééd. 1970 (ci-apres: Kowroi) wae Na Sty.e eT IDENTITE DANS L’ART GREC ARCHAIQUE 29 veuille ou non usage du mot « cthnicité », qui n'est que la transcription du mor anglais, pour désigner simplement le comportement d'un groupe social en quéte d’identité conserve en frangais, ott son apparition n'est d’ailleurs pas antérieure & 1990, une part d’ambiguité, car il implique plus ou moins consciemment une relation de type déterministe entre lorigine du groupe et son expression culturelle, Or ce n'est évidemment pas a une telle conclusion que conduit Vobservation des documents, qui demeure malgré tout notre seul moyen d’appréhender de maniére concrete a question des styles, Ainsi la juxtaposition de trois statues & peu prés contemporaines, le kouros artique de New York, 'un des « jumeaux » argiens de Delphes et le colosse samien d'Ischés (ig. 1-3), nous met-elle concrétement en présence de trois systémes formels, également conventionnels, qui, méme si nous ne savions pas que ces sculptures proviennent de trois lieux distincts, suffiraient 3 les opposer, et & faire de chacune l’affirmation d’une identié particuliére. Une logique moderne ~ dont on a parfois quelque peine a se déprendre face aux ceuvres les plus achevées, mais qui est tour & fait écrangere a l'esprit méme de Vart archaique — pourrait nous faire spontanément chercher derritre ces trois identités des personnalités individuelles: cest la logique du « chef-d'ceuvre », du Meisterwerk, et Von sait l'importance qu’occupe dans l’historiographie de langue allemande la thématique des Meisterfragen, Naturellement jfentends bien qu'il y a des sculptures particulirement réussies, et que certaines méme sont d'une qualité d’exécution « exceptionnelle », mais ~a la différence de ce qui se passera a l’époque classique — est essentiellement par cette qualité, non par l’invention d'une forme inédite, quielles se distinguent des autres, au sein d'un milieu culturel donné, que l'archéologie, dans la plupart des cas, nous permet heureusement d’identifier. Ainsi le kouros de Delphes, signé par un sculpteur argien, s'insére-t-il sans difficulté dans un contexte documentaire constitué de créations locales (fig. 6-9), dont les ambitions artistiques sont inégales’, mais done il est évidemment plus proche, du point de vue structurel, que du colosse d’Ischés, lequel trouve en revanche parmi les offrandes similaires de !'Héraion (fig. 10-12)" sa véritable famille. Quant au kouros de New York, dont Vorigine actique a été récemment confirmée par la découverte d'une statue fort semblable dans la fouille du Céramique (fig. 4)", on voit bien, méme s'il est un peu plus ancien que les deux autres'?, que ce niest pas ce décalage chronologique qui peut suffire a créer avec eux de telles différences: nous avons a, bien 8 Kouroi, 1, fig. 25; 12 A, fig. 78. H. Kyrieleis, Samos X, 1995, pl. 17. 9) Il Sagit en effet aussi bien de petits bronzes, comme la statuette du Louvre identifiée par Cl. Rol- ley (RA 1975, pp. 3-12, fig. 1-3, 6-8.), que de figurines de terre cuite ou de plomb (par ex. Argos CC, 22403, C.22353, Pb 160, provenant de l'Aphrodision) : voir Croissant, 1992, p. 86. 10 Tant dans la sculpture monumentale (kouros Samos-Istanbul: voir en dernier lieu A. Duplouy, Le prestige des dies, 2006, pp. 239-240, pl. 6), que dans la petite plastique de bronze (statuette de Stockholm, Kouroi, 26, fig. 123; statuette de I'Héraion B 2252, AM99, 1984, pl. 17). 11 W-D. Nicmeies, Der Kuros vom Heiligen Tor, Mainz 2002, pp. 40-50. 12 Lekouros de New York est généralement situé, avec la téte du Dipylon, vers 600 (voir Cl. Rolley, La sculpture grecque, |, 1994, pp. 165-167), Cléobis et Biton doivent étre de peu postérieurs a la fin de la Guerre Sacrée (vers 590), et le colosse d’'Ischés est bien daté, par la stratigraphie de sa base, vers 580 (Samos X, pp. 48-49). 30 Francis Croissant évidemment, une autre structure formelle, dont le contexte local, moins diversifié que ceux d’Argos et de Samos, consiste essentiellement en sculptures de marbre (fig, 5)'?. Mais ces premiéres créations attiques dans le domaine de la statuaire, si elles ne sont pas identiques, se ressemblent plus entre elles qu‘elles ne ressemblent & aucune autre, ce qui est la définition méme de 'affirmation identitaire. Estil besoin d’ajouter que ces trois images suffisent aussi du méme coup a montrer les limites de Vopposition globale, pourtant traditionnelle chez les historiens de l'art, entre « ionisme » et « dorisme »? La place de l’Artique, dans ce systéme bipolaire, resterait en tout Eat de cause incomprehensible, et ce nest pas dans les Cyclades, elles aussi théoriquement ioniennes, que l'on en trouvera l'explication: a la méme époque, cest-a-dire en gros vers 570, la comparaison des quelques versions de la figure féminine deboue — respectivement attique (fig. 13)", samienne (fig. 14)", naxienne (fig. 21) et parienne (fig. 22)! - dont on peur décerminer l'origine avec certicude fait ressortir beaucoup moins daffinités que de differences. C'est que chacune est en réalité laboutissement d'une histoire particuligre, faite de cette succession d’emprunts et de refus, de résistances ou de réactions aux solicitations extérieures, qui constitue le processus normal d’élaboration d'un style”. Mais parler de sollicitations extérieures, est inscrire ce processus dans Vespace, cest-a-dire dans la géographic, et poser implicitement le probléme d’éventuelles frontitres culeurelles, dont existence apres tour ne va pas de soi, surtout si 'on veut disjoindre le culturel du politique, en revenant a la notion de « région », dont il reste a démontrer qu’a part quelques cas bien identifiés, comme la Thessalie, la Béotie ou l'Arcadie (autrement dit la Gréce des erhné que Coldstream'* opposait & celle des poleis), elle corresponde a une réalité antique quelconque. Considérer que les Cyclades, par exemple, constituent une « région » peut paraitre tout naturel, mais il serait vain de chercher & définir clairement une identité « cycladique », que ce soit & partir des céramiques du vir sidcle ou des sculptures du vit. De méme des qualificatifs, pourtant familiers aux historiens de l'art, comme « ionien de PEst » ou « péloponnésien du Nord-Est » niontils tour au plus qulune valeur indicative, et ne résistentils pas a I’épreuve des faits archéologiques: ceux-ci font en effet apparaitre, au sein de ces prévendues « régions culturelles », une diversité entre des styles dont les choix formels sont toujours bien affirmés et le liew de naissance généralement aisé a déterminer. Je me limicerai ici a quelques exemples. Le style corinthien est l'un des mieux connus, grice A une documentation trés diversifiée, qui couvre un champ chronologique considérable, 13 Aurour de la célébre « téce du Dipylon », les premiers numéros du « Sounion Group » de G. Richter (Kouroi, 1 & 9) constituaient un ensemble stylistique évidemment cohérent, auquel est venu s'ajou- ter le nouveau kouros du Céramique (ci-dessus, n. 11). 14 La« koré la grenade » Berlin Sk 1800 (Krai, 42) provient de Kératéa en Actique. 15. RA2005, pp. 302-304, fig. 27. 16 E Croissant, « Observations sur la koré A 4062 de Délos », in Apzaia eXAnvurt yaurtuRr, Aguépoua om pvvinn tov yin Eréktov Tpraven, Musée Bénaki, 2002, pp. 53- 62. Crois- sant, 2004, pl. 28. 17 Croissant, 2004, p. 165. 18 J..N. Coldstream, « The Meaning of the Regional Styles in the Eighth Century B. C. », in R. Hiigg (ed.), The Greek Renaissance of the Eighth Century B. C., 1983, pp. 17-25 a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 32 Francis Croissant serait sans doute 3 leur égard d'une sévérité excessive, elle procéde d'un schématisme naif, en tout cas peu préoccupé de stylisation”*, qui ne laisse guére prévoir l’évolution que va connaitre ce type de représentations dans la premiére moitié du vu sigcle. On le voit en effet évoluer assez rapidement, dans le second quart du siécle, vers une forme hautement stylisée, dont Pdlaboration est attestée parallélement dans la céramique argienne & partir du Géométrique Moyen 2, mais qui désormais va coexister ’ Olympic avec deux autres types bien caractérisés, tout aussi peu naturalistes que lui, mais correspondant 4 des choix structurels radicalement différents. Or Vorigine de ces deux nouveaux types n'est pas douteuse, puisque le premier est bien représenté en Laconie™, le second sur des sites appartenant & la sphere culturelle corinthienne, notamment & Pérachora, Ithaque et & Syracuse”. Leur seule coexistence parmi les ex-voto d'un grand sanctuaire panhellénique constituerait dga une belle illustration de la fonction identitaire des styles; car on ne peut guére expliquer que comme une réponse & la diversification de la clientele, des ateliers corinthiens et laconiens étant venus concurrencer, aupres de leurs compatriotes qui fréquentaient le sanctuaire, les ateliers argiens qui jusque- Ia avaient eu en quelque sorte Vexclusivité de la production. Mais la chronologie suggere que ces ateliers de sanctuaire ont joué dans le processus de différenciation stylistique lui- méme un rile décisif: les chevaux trouvés en Laconie paraissant en effet plus récents que les exemplaires trouvés a Olympie, on a pu se demander si en réalité le style laconien n’était pas né a Olympie avant de se développer dans la cité d'origine de ses eréateurs. Et naturellement le méme raisonnement vaudrait pour le style corinthien, voire pour le style argien, selon que Yon verra dans le nouveau schéma qui le caractérise désormais face aux deux autres une création plastique ou d’abord graphique, comme le suggére la présence ancienne de ce schéma dans la céramique argienne. Malheureusement la documentation mest ni aussi nombreuse ni aussi claire en ce qui concerne les représentations de la figure humaine, mais elle suffit au moins & montrer que Topposition entre Argos et Corinthe, que nous avons vue se manifester au début du vi" sigcle, remonte elle-méme & cette époque. Car ki aussi les ex-voto de bronze permettent des comparaisons décisives, pour le type du guerrier ou de l’écuyer"*, et méme, a la fin du vur sidcle, entre les diverses adaptations de modéles orientaux, notamment les appliques de chaudrons en forme de sirénes: la confrontation d’un exemplaire d’ Olympic, considéré par les fouilleurs comme argien®, et de la belle siréne trouvée sur l’Acropole d’Athénes, mais généralement tenue pour corinthienne™, et oit jai proposé, & la suite de H.-V. Herrmann, de voir l'une des premigres apparitions du visage « protocorinthien », nous met bien en tout cas en présence de deux styles. Quoi qu'il en soit, il est clair que la fréquentation panhellénique de sanctuaires ymermann, 1989, pl. 1 25 Voir Croissant, 1992, pp. 73-75, fig. 3.4 8. 26 Zimmermann, 1989, pl. 32, 106, 107 et 109. 27 Zimmermann, 1989, pp. 176-183. 28 Croissant, 1992, pp. 76-78, fig. 919. 29 H.-V. Herrmann, in Die Funde aus Olympia, 1980, p. 61, pl. 29. 30 Athénes, MN 6519: OlForsch 6, p. 102, n° 8, et 109, pl. 40. Croissant, 1988, pp. 97-98, fig. 11, 13. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 34 Francis Croissant opposaient nettement (fig. 21 et 22). Mais nous allons voir que cette opposition est fort ancienne, et que lon peut essayer de comprendre dans quelles conditions elle s'est peu peu développée™. Les deux structures de référence, illustrées, comme & Corinthe, pendant une longue période, par des créations appartenant & tous les genres, remontent en tout cas au vit sidele: les seuls documents que nous ait laissés pour cette époque la plastique en ronde bosse & Naxos et & Paros, deux tétes de figurines de terre cuite (fig. 25 et 29), préfigurent lune les visages allongés et séveres (fig. 23)", autre les faces rebondies et enjoudes (fig. 24)” qui caractériseront respectivement, au VI sitcle, les créations des deux ateliers. Et la comparaison des profils (fig. 26 a 28) confirme avec évidence l’incompatibilité des deux styles. Parler ici de « style cycladique » nvaurait donc en vérité guére de sens: on a au contraire le sentiment d’assister & la confrontation permanente de deux représentations, ailleurs aussi conventionnelles l'une que l'autre, de la figure humaine. Et !& encore, cest le cadre d'un sanctuaire collectif qui a favorisé cet affrontement, et nous permet de suivre, des le début du vir sidcle, les premigres étapes de la formation des deux styles. En principe nous disposons, en plein vu' siécle, d’un point de repére majeur: une grande koré (fig. 32)" consacrée & Délos dans le sanctuaire d’Artémis, et qui est peut-étre la premiére statue grecque en marbre. Si son identité est assurée, puisquélle est en marbre de Naxos, et porte la dédicace d'une Naxienne, nommeée Nikandré, sa date reste & déterminer, et ne peut reposer que sur des supputations modernes”, rout le probléme écant d'essayer de lui trouver une place non dans un schéma évolutionniste abstrait comme V'avaie fait Jenkins, mais dans une reconstitution vraisemblable de l'histoire du style naxien. Or nous ne sommes pas tout & fait désarmés & cet égard: a Siphnos ont été trouvées deux statuettes fragmentaires en terre cuite peinte™, dont l'une (fig. 31) est décorée de motifs typiques de la céramique géomécrique naxienne, qui la rapprochent étroitement de la figure d’Aphrodite en char (fig. 30) que nous a conservée un grand fragment d’amphore trouvé a Naxos", Mais le moins qu’on puisse dire est que la comparaison de ces deux documents avec lofftande de Nikandré, qui devrait en écre Jogiquement I’héritigre directe, n'est pourtant guere positive: on a au contraire l'impression que la statue inaugure, en méme temps qu'un mode d’expression spectaculairement nouveau, un modéle stylistique inédit. Par ailleurs la chance a voulu que la seconde statuette de Siphnos (ig. 35), trés proche techniquement de la premiere (le torse était également tourné), soit en revanche d’un style tout autre, et que sa décoration peinte la rattache directement aux vases du « Groupe Ad » de 34. Pour une premitre analyse de ce développement, voir Croissant, 2004, pp. 153-165, pl. 15-28. 35. Naxos, 1507: AnePlast 24, 1995, p. 80, K2, fig. 19-20. Paros: O. Rubensohn, Das Delion von Pa- vas, 1962, T 37, pp. 144-145, pl. 26. 36 Koré Act. 677: AntPlast 24, p. 109, K 70, pl. 42. 37. Kouros Louvre MA 3801: Kourvi, 116. 38 Achénes, MN I: Korai, fig. 25-26 39 Ce qui explique qu'elle oscille, selon les auceurs, entre 670 (W. Martini, Die archaische Plastik der Griechen, 1990, p. 98) et 630 (J. Boardman, Greek Sculpture: the Archaic Period, 1978, fig. 71), la date basse étant évidemment la plus raisonnable: Croissant, 2007 (sous presse en 2006). 40 BSA 44, 1949, pp. 19-21, pl. 6-8. 41 JDAI52, 1937, 175-177, fig. 10-12. J. Boardman, Early Greek Vase Painting, 1998, fig. 249. StyLe ET IDENTITE DANS L’ART GREC ARCHAIQUE 35 Délos (fig. 37), considérés depuis longtemps comme pariens. Et comme les recherches les plus récentes menées a Paros méme permetcent d’en compléter l'image, grace & la découverte a Despotiko, prés d’Antiparos, d'une grande statuette tournée dont le buste et la téte sont inracts (fig. 33)*, et 'identification comme pariens des profils féminins qui ornent le col des vases « méliens » de Rhénée (fig. 34)", nous sommes aujourd'hui en mesure de confronter précisément, 4 la méme époque ~ 680/670 -, les styles de Naxos et de Paros. Or, pour étre radicale, l'opposition que révele cette comparaison, et que l'on retrouve d’ailleurs dans la céramique (fig. 36 et 37)", n'en est pas moins circonscrite: il ne s'agit pour le moment que de donner de la méme réalité deux traductions différentes, dans un esprit cypiquement agonal, Et les deux styles auraient pu continuer avancer ainsi parallélement, du méme pas. Mais ce n'est pas ce qui s'est produit: alors que, nous le savons désormais, les ateliers pariens, poursuivant brillamment sur une voie que les vases de Rhénée, en particulier par ladmirable galerie de visages féminins qu’ils nous ont conservés, et dont je ne puis que donner ici quelques exemples (fig. 39 2 42)", nous permettent de suivre jusquau début du vr sidcle, produiront, avec les grandes amphores « méliennes » (fig. 43 et 44)", quelques- uns des chefs-d’ceuvre de la céramique figurée, celle-ci semble, au moins dans I’état actuel de notre documentation, disparaitre de Naxos des la seconde moitié du Vile sitcle, Est-ce & dire que les Naxiens, conscients de la supériorité de leurs rivaux dans le domaine graphique, aient renoncé a les suivre sur ce terrain pour mieux les dominer sur un autre, entigrement nouveau", celui de la sculprure monumentale? Le fait est qu’a linverse, contrairement au préjugé déterministe selon lequel tous les insulaires étaient également voués par la géologie & devenir marbriers, les Pariens semblent avoir été d’abord essentiellement des peintres-potiers (cn méme temps, comme I'a montré E. Walter-Karydi, que des graveurs)®, et en cout cas le développement de la sculpture & Paros est relativement tardif: les premitres korés pariennes de Délos, dédiges a ’Artémision, ne sont pas antérieures aux environs de 580®, Lex-voto de Nikandré les y avait done précédées d’un demi-sidcle & peu prés. Et tout se passe comme si, dans cette compétition entre les deux cités, il y avait eu @ un certain moment une sorte de 42. EAD 15, Ad 1, pl. 20, Boardman, o. ¢. fig. 236. Voir Coulié, 2005, p. 272. 43 Y. Kourayos, AAA 35-38, 2002-2005 2005, 58-61, fig. 30; Y. Kourayos et B. Burns, BCH 128-129, 2004-2005, pp. 153-156, fig. 28-29. 44 Notamment les hydries Zaphiropoulou, 2003, 3 (ici fig. 34) et 4, pl. 2-3 45 La simple confrontation proposée ici entre deux amphores de Délos, Adl (voir ci-dessus n. 42) et Bal (EAD 17, pl. 1; Boardman, o. ¢, 1998, fig. 246), suffic & faire apparaitre une opposition tadicale aussi bien dans les formes — pansues 4 Paros, allongées A Naxos ~ que dans le décor, ici « naturaliste » et animé, la graphique et abstrait. 46 Zaphiropoulou, 2003, 53, pl. 39; 59, pl. 46; 101, pl. 84; 105, pl. 87. 47 Amphore dite d’Apollon, Athénes, MN 311: Arias-Hismer, pl. 22, Amphore de Paros B 2652: Y. Kourayos, Paras-Antiparos (en grec), 2004, p. 82 48. Une curieuse staruette de terre cuite, trouvée & Théra, sil agit bien, comme je le crois, de Padapta- tion naxienne d'un modéle crétois du vur' sigcle (Croissant, 2004, pp. 160-161, pl. 23-24), consti- tue peut-étre l'une des premitres tentatives naxiennes pour créer un type plastique original. 49 Voir Croissant, 2004, p. 157, n. 57. 50 Voir Croissant, 2007, p. 309-314. 36 Francis Croissan « partage des réles », dont on ne s’étonnera pas que le sanctuaire ait été le cadre privilégi¢, Car ce n'est pas un hasard si cest justement la que la premitre statue naxienne a été consacrée, et avec une solennité toute particulitre. Malheureusement les circonstances exactes de cet événement nous échappent: la dédicante y apparait solidement encadrée par tous les hommes de sa famille, done il n'est pas douteux quelle ait joué a Naxos, au moins a ce moment-la, un role politique éminent, et dans ces conditions le fait que loffrande s'adresse & Artémis reste assez Enigmatique, puisque les Naxiens ne tarderont pas & délaisser complétement celle-ci au profit d’Apollon — Ia série des kouroi et le fameux colosse en témoignent!. Il peut y avoir 4 cela naturellement des raisons internes & la politique naxienne, qui nous échappent évidernment, mais on rappellera rout de méme que VArtémis délenne, dont le cute est sans doute antérieur & celui d’Apollon™, est justement une grande divinité parienne®: méme s'il nest pas sar que l'on puisse l'identifier avec la potnia thérén plusieurs fois représentée dans la céramique « mélienne » (fig. 38), elle occupait en tout cas la place d’honneur sur la plus célébre des grandes amphores-craréres (fig. 43), dite couramment « d’Apolion », bien que celui-ci n'y joue, quelle que soit la majesté de son cortége, que le second réle, celui de I’Etranger accueilli, en un lieu qui ne peut guére étre que Délos, par une « Maitresse des animaux » qui semble évidemment chez elle. Personne ne met en doute, méme si sa nature exacte fait probléme, l'existence & partir des environs de 630 d'une « domination » naxienne sur le sanctuaire, mais on ne sest guéze interrogé, faute de documents identifiables (du moins le croyait-on), sur la période qui précéde. Des lors que nous pouvons suivre, & partir de la fin du vit sigcle, le développement d’une identité culturelle parienne, je crois qu'il serait temps de se demander si le céle des Pariens n'a pas été A Délos, dans la premitre moitié du vir’ siécle, plus important qu’on ne le supposait: car enfin, méme si I’« amphore Apollon » provient réellement de Mélos, son programme iconographique n'est pas banal, et ne saurait guére sexpliquer hors du contexte délien. Comme elle est tres probablement, contrairement a ce que l'on a pu croire, antérieure a loffrande de Nikandré®, on peut done se demander si elle ne nous conserve pas le souvenir d'une époque oit les Pariens dominaient le sanctuaire, appuyés sur le culte d’Artémis. Dans cette hypothése, Jes Naxiens pouvaient- ils mieux affirmer leurs prétentions sur Délos que par l'invention d'une offrande d’un type nouveau et spectaculaire, une statue colossale en marbre, ostensiblement consacrée a la protectrice attitrée de leurs adversaires? Que nous soyons la en présence d'un face-a-face conscient entre deux identités collectives ne me parait pas faire de doute. Mais le cas est particuligrement intéressant, car il montre que la stratégie identitaire pouvait avoir recours a tous les instruments culturels disponibles, non seulement au style proprement dit (3 quoi se limitait encore, par exemple, le contraste entre 51 GDélos, p. 40-41. 52. Voir H. Gallet de Santerre, Délos primitive et archaique (1958), pp. 127-134, et 25: 53 Rubensohn, Delion, pp. 41-42. 54 Outre 'amphore de Délos Be 19 (EAD 17, pl. 12b: voir Zaphiropoulou, 1985, pp. 13-15) il faut citer le « fragment Gerhard » de Berlin (D. Papastamos, Melische Amphoren, 1970, pl. 14 a). 55. Sur les données les plus récentes concernant la chronologie du « mélien », voir Coulié, 2005, pp. 271-274, et E, Croissant, « Aux origines du style parien », Autovd Epya . Essays in honour of Vas- 27 silis Lambrinoudakis, 2007 (sous presse). ‘Sryte et Ibentiré Dans L’ART GREC ARCHAIQUE 37 les deux statuettes de Siphnos), mais aussi a la technique (par I'invention de la statuaire en marbre) et a l'iconographie religieuse (par la transformation de l'image d’Artémis). Quant au cadre historique concret de cette démarche, que nous pouvons suivre sur un siécle et demi & peu prs, je ne vois toujours pas oli nous pourrions le chercher plus efficacement que dans la polis, méme si les mécanismes ’appropriation individuelle de cette identité par le citoyen ~ artisan, artiste ou commanditaire -, nous échappent encore en grande partic. Si Yon entend seulement par « ethnicité », comme le souhairait Fr. Barth, «un concept d'organisation sociale » permettant « de décrite les frontiéres et les relations des groupes sociaux en termes de contrastes culturels hautement sélectifs... utilisés de fagon emblématique pour organiser les identités et les interactions »*, il est done probable que nous parlons de la méme chose. Et la perspective « constructiviste » que tracait J-L. Amselle en 1997 & Tarente, en soulignant qu'« il neexiste que des groupes construits, chaque groupe consistant en lagrégation d'une collection d’individus qui parviennent a se liguer pour faire reconnaitre leur existence »” me parait en réalité tres proche de ce que nous pouvons deviner du comportement des artisans grecs et de leur clientéle. Chaque fois en effet que nous pouvons analyser précisément les débuts d’un processus de différenciation stylistique, on constate qu'il sagit d’un « bricolage » délibéré et sclectif & partir d’éléments empruntés & Tenvironnementhistoriqueou géographique. Mais!'expression d'une identité a travers un style est toujours une construction, et en vertu de la logique agdnale que j’évoquais tour a Pheure, cette construction procéde nécessairement de la surenchéte, impliquant le plus souvent la constitution de systémes d’oppositions binaires, ol se refléte, généralement de maniére tres visible, une lutted’influence entre deux cités. C'est 2 mon avis en ce sens, comme une sorte de champ clos oi la proximité géographique exaspére les prétentions identitaires, et dans celui- 1a seulement, que le concept de « région » peut nous aider & comprendre les faits observés. Mais certainement pas dans la perspective d'un « régionalisme » ou d’un « globalisme » au sein desquels, si Von en ctoit les organisateurs d'un colloque annoncé pout Van prochain par une grande université canadienne, la culture semblerait « se répandre comme un virus ou une épidémie », métaphore dont on ne saurait contester la brilante actualité®, mais dont je doute quielle permette de comprendre quoi que ce soit aux phénoménes que j'ai tenté analyser ici. 56 Barth 1984, in Ph. Poutignat/). Streif-Fenart, Théoties de Vethnicieé, 1995, p. 200. 57 AttiTaranto 37 (1997), p. 28 58 Diffusée en février 2006, c'est-i-dire au moment méme olt, comme on sait, le monde se croyait mena- cé d'une grave épidémie de grippe aviair, la premite circulaire de ce colloque, prévu pour mars 2007 a Vancouver, sous le titre « Régionalisme ec globalisme dans !’Antiquité », par le Département d’éeudes anciennes et proches-orientales et de sciences des religions de 'Université de Colombie-Britannique, posait en effet le probleme en des termes sans doute malencontreux, mais dont on miaccordera que, méme dans un autre contexte, ils auraient et de quoi surprendre: « Certains travaux en sciences hu- :maines laissent entrevoir importance de facteurs psychologiques et épidémiologiques dans la création du régionalisme et du globalisme, facteurs qui gagneraient 4 étre pris en considération dans l'étude de 'Anciquité. Ici, le cerveau apparait comme un dénominateur commun dans le développement socio- culture, et la culture semble se répandre comme un vitus ou une épidémic ». PALLAS, 73, 2007, re. 39-51 Géographie funéraire et identités ethniques a P’Age du fer en Gréce Jean-Mare Luce Liidée selon laquelle les pratiques funéraires ont pu constituer un marqueur ethnique pour différentes communautés du monde grec remonte a l’Antiquité. Selon Elien (Histoire variée, 5, 14), Solon aurait utilisé argument funéraire pour justifier les prétentions d’Athénes sur Salamine aux dépens de Mégare qui revendiquait également l’ile. Thucydide (I, 8) identifie les morts exhumés lors de la seconde purification de Délos & des Cariens en raison des armes quion y a trouvées, mais aussi du « mode de sépulture, encore en usage chez les Cariens aujourd'hui. » Dans la littérature archéologique, les modes funéraires sont souvent utilisés pour caractériser des cultures. On parle ainsi de la « civilisation des champs d’urne, » on oppose les incingrateurs 4 ceux qui préférent Pinhumation, etc. Dans V’historiographie grecque, le dernier & avoir usé ct abusé de I’élément funéraire pour identifier des ethnies grecques fut Desborough’. Cette approche ethnique de la more a été remise en cause par A. Snodgrass dans sa magistrale étude de 1971: The Dark Age of Greece. Dans cet ouvrage, il montrait que les différents traits funéraires étaient pour les uns déa présents dans le monde mycénien, et que d’autres ne connaissaient aucune répartition géogeaphique susceptible de justifier une interprétation ethnique. Nous avons vu dans introduction & ce colloque comment la pensée de l'historien archéologue avait contribué A « désethniciser » la réflexion sur la Grice antique. Toutefois, aprés 35 ans de recherches, le dossier méritait d’étre rouvert. Je présente ici quelques-uns des résultats d’une recherche qui a abouti a un livre 4 paraitre bientdt 8 Nancy’, dans lequel je tente au contraire de montrer qu’a certaines époques, dans une grande partie de la Gréce, mais pas partout, les modes funéraires ont été, plus que des marqueurs ethniques, des géosymboles dans le sens dans lequel l'entendaie J. Bonnemaison’, On se reportera donc & cet ouvrage pour le détail de l'argumentation et pour les cartes dont je ne présente ici qu'une version simplifiée. 1 The Greek Dark Age (1971), p. 106-111. 2 J.-M. Luce, Modes funéraires et identités ethniques dans le monde grec (1100-700 au. J.-C.) Essai de cartographie funéraire (& paraitre). 3 Pour Bonnemaison, voir 'introduction de ce volume, p. 22. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. GEoGrAPHié FUNERAIRE ET IDENTITES ETHNIQUES A L’AGE DU FER EN GRECE 4l faucille, couteau), des objets en relation avec le cheval, notamment un mors, enfin de la vaisselle, pour boire notamment du vin: une cenochoé et des vases & boire. Ces objets ne sont pas destinés & servir dans I'Au-dela. Un mort aurait-il besoin de son épée pour en tuer un autre? Leur présence sert 4 spécifier le statut de l'individu et ses activités: la guerre, Vartisanat, le cheval, un animal a haute valeur aristocratique et la boisson dont on sait combien elle est valorisée dans le contexte du banquet. La tombe dite de la « Riche Dame de VAgora® » (fig. 2), un peu plus récente (vers 850), comportait également une urne cinéraire placée dans une fosse qui en épousait la forme. Tombe de la "riche dame de l"Agora". Vers 850 av. J.-C. Fig. 2 : Tombe de la « riche Dame de I’Agora, d’aprés Evelyne Lord Smithson, « The Tomb of a Rich Athenian Lady, ca 850 B.C. », Hesperia 37, 1968, p. 77-116. 6 Luce, Modes fiunéraires, n° 5.01.20.026 42 Jean-Marc Luce Ni la tombe, ni le rite ne différencient les deux individus. En revanche, l'amphore & anse sur la panse remplace l'amphore a col, et l'on sait que la premiére forme se retrouve de fagon récurrente dans les tombes féminines, la seconde dans les tombes masculines. Quant au mobilier accompagnant la dame de l’Agora, il comporte des parures (boucles d'oreille en of, épingles), des vases a parfum (lécythe), des boites pouvant contenir des bijoux ou des produits de maquillage (pyxide) et un modele de coffre dont le couvercle est décoré de cing éléments en forme de bulbe qui représentent des greniers. Ce qui se dit dans ce mobilies, c'est donc la féminité du sujet, une féminité socialisée, prenant place dans la hiérarchie sociale, comme l'atteste la richesse des parures en of. Le coffte exprime parfaitement ce lien entre féminité et hiérarchie sociale, puisque la gestion des réserves domestiques est normalement, encore I’époque classique ~ il suffit de lire 1’Economique de Xénophon pour s'en rendre compte ~ l'affaire des femmes. Ona parfois rapproché le nombre de bulbes, de fagon un peu risquée, de la classe des pentacosiomédimnes mise en place beaucoup plus tardivement par Solon. Sans donner au coffre une signification aussi précise, il ne fait guére de doute qu'il désigne symboliquement une position sociale liée a Yabondance des réserves. On voit donc par ces exemples que le mobilier ne renvoie pas 4 lidentité ethnique ni méme culturelle des personnes, mais & leur identité sexuelle et & leur position sociale au sein dela communauté. Les objets sont ici autant de prédicats définissant un sujet qui n'est autre que l’individu. Ce n'est qu’a titre exceptionne! que l'on peut établir un lien entre lidentité ethnique et le mobilier, notamment quand il dénonce une origine étrangere apparente dans Jes autres traits funéraires’. Dans nos deux exemples athéniens, les classes fonctionnelles du mobilier enfoui s‘opposent point par point d'une tombe a l'autre; en revanche, le type de tombe et le rite sont les mémes. Si ces dernicts ne sont pas uniformément adoptés par les résidents athéniens, ils constituent néanmoins la norme. Ils n’expriment pas la position individuelle des personnes, mais simplement leur appartenance & une communauté qui partage les mémes usages. Crest donc la et uniquement la que la question des identités collectives peut étre saisic. Si le contenu exprime l'identité sexuelle et le statut social des individus, la forme funéraire indique un choix qui se fait I’échelon de la communauté. Le second parti pris est purement méthodologique. Une approche analytique consiste & décomposer la pratique fungraire en différents traits que Yon étudie ensuite les uns aprés les autres, comme une machine que l'on démonte pour en étudier les pidces séparément. L’étude que A. Snodgrass avait proposée des pratiques funéraires de VAge du fer illustre assez bien cette méthode, La carte (fig. 3), qui reproduit la figure 66 de The Dark Age of Greece rassemble les sites oit Yon a découvert des tombes individuelles appartenant a la période 1125-900 av. J-C. Trois types de tombe ont éxé indiqués: les tombes & ciste avec leurs variantes, les tombes en fosse et les tombes en jarre. Le rituel est traité sur une autre carte. La position du corps nest pas abordée, Les tombes collectives ne figurent pas non plus sur la carte. On voit bien quel a écé Vobjectif: dresser une carte de répartition des tombes individuelles. Il était alors ais¢ de montrer quelles étaient répandues dans toute la Gréce. Aucune région funéraire ne se dégageait. C'est, comme on va le voir, faute d avoir abordé la question de fagon plus synthétique. 7 Pour la signification du mobilier funéraire, voir Luce 2003. G£ocrapHie FUNERAIRE ET IDENTITES ETHNIQUES A LAGE DU FeR EN GRECE 43 Certes, il est indispensable de repérer les différents traits funéraires. Il faut d’abord identifier le type de tombe. On distinguera ainsi les tombes en fosse, qui sont généralement, mais pas toujours, individuelles, des tombes a habitacle. Les premitres présentent une certaine diversité, selon qu’elles ont ou non un parement de pierre, selon leur forme, rectangulaire ou s'approchant davantage du carré ou de l'ovale, voire du cercle, selon quielles ont ou non en leur fond une fosse secondaire destinge, par excmplea contenir 'urne cinéraire, selon que leur forme sadapte au vase funéraire qui contient la dépouille mortuaire. Les tombes & habitacle regroupent lesdites tombes & chambre et tombes a tholos. Dans les deux cas, fa tombe comporte une chambre funéraire, que appelle habitacle, & laquelle on accede par une rampe ou dromos. Si les habitacles des tombes 4 chambre sont creusés dans le roc, ceux des tombes & tholos sont des constructions de pierre, avec une voie 4 encorbellement. Fig. 3 : Répartition des tombes a ciste, en jarre et 4 fosse en Grece entre 1125 et 900 av. J.-C., d'apres A. Snodgrass, The Dark Age of Greece,1971, fig. 66, p. 178. 44 Jean-Marc Luce Lanalysedu riteconduitégalementa faire un certain nombrede distinctions. Linhumation Soppose & la crémation ('incinération qui réduit enti¢rement le mort en cendres est plutét rare), mais l'une comme l'autre peuvent avoir eu lieu sur place, 4 V'intérieur méme de la tombe ou ailleurs, adoprant ainsi, selon le cas, la variante primaire ou secondaire. Quand s'agit d'une inhumation, le mort peut étre placé dans diverses positions. Dans la Gréce de VAge du Fer, on en distingue deux: la position allongée sur le dos, avec les jambes étendues sur le sol, et la position contractée, oit les jambes sont pliées. II existe deux variantes de la position contractée. La premitre, de loin la plus fréquente, consiste & placer le mort sur le dos. Les jambes ont done été repliées vers le haut. Avec la décomposition des chairs, elles finissent par tomber sur l'un des cdtés, dans une fosse qui n'était jamais remplie de terre, La seconde variante est la position contractée latérale. Le mort est placé sur le cété, et la tombe pouvait éventuellement étre remplie de terre, mais les preuves manquent pour !'établir. Les corps sont souvent déposés dans des conteneurs funéraires. On utilisait parfois des cercueils, mais on n'a pu que rarement le montrer. Les sarcophages, en revanche, sont assez peu nombreux, mais sont bien attestés. Le cas le plus fréquent est ce quion appelle dans les publications archéologiques des enchytrismes, soit des inhumations dans des jarres. La tombe rassemble donc en elle-méme route une série de traits que l’archéologue doit soigneusement observer. L’éventail des combinaisons possibles est trés large, il lest encore davantage si, au lieu de se placer au niveau de la tombe, on se place au niveau du cimetiére. Toutes les collectivités du monde grec ont connu, durant cétte période, une certaine variabilité dans leurs pratiques mortuaires. Les membres pouvaient choisir entre plusieurs formes funéraires. Par exemple, certains cimetidres admettaient les deux rites, inhumation et crémation, d’autres plusieurs types de tombes. Le choix qui soffraic aux individus doit done ére spécifié. II convient également de préciser les limites que les communautés imposaient a leurs membres. C'est ainsi que certaines refusaient tout usage de la crémation, tandis que d/autres le privilégiaient au contraire. On voit done que ce qui caractérise un cimetidre, ce nest pas la présence de tel ou tel trait funéraire, mais leur combinaison dans un ensemble. Cette combinaison est spécifique a la communauté qui la met en ceuvre et se met en place progressivement dans le temps, en suivant souvent des phases distinctes. Elle constitue ce que j'appelle La séquence finéraire. Deux ‘exemples illustreront notre propos. A Tirynthe en Argolide (fig. 4), deux types de tombe étaient en usage: ja tombe a ciste et lenchytrisme. Parmi les enchytrismes, on peut distinguer ceux des adultes de ceux des enfants par la taille des vases. La position contractée se trouve partout. La séquence de ce site associe donc l'inhumation exclusive, l'enchytrisme des adultes comme des enfants, la tombe & ciste et Ia position contractée. En revanche, & Néa Tonia prés de Volos en Thessalie (fig. 5), la tombe a ciste est encore plus répandue, mais au lieu d’étre associée 4 Venchytrisme, elle accompagne des tombes 3 tholos. La séquence comprend ici l’inhumation, la tombe & ciste, 1a combe & tholos et la position allongée sur le dos. La tombe & ciste apparait dans ces deux exemples, mais elle prend place dans deux séquences tour 3 fait différentes. Il est vrai quien Thessalie, la tombe & tholos est un marqueur régional. Pourtant, on la rencontre également dans d'autres régions, mais 4 chaque fois quelle apparait, elle prend place dans des séquences différentes. On la trouve en Messénie jusqu'au 1x¢ sitcle, mais elle n'y cOtoie jamais les tombes a ciste. On la retrouve aussi en Crete, mais elle y est associée 3 la crémation dans des urnes. I] n'y a donc, en definitive, a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 46 Jean-Marc Luce aucun trait spécifique dans ces cimetitres. En revanche, les traits funéraires se combinent pour former des séquences qui sont, quant & elles, parfaitement spécifiques. Il nous reste a définir cette spécificité. Nous avons vu que les formes funéraires relevaient d'un choix communautaire. Nous sommes donc en droit de nous interroger sur I'extension de ces sequences. Or le fait est qu’elle dépasse erés largement le niveau du cimetiére et méme de la communauté, Les séquences funéraires permettent en fait de définir de vastes régions qui sérendent chacune sur une grande partie du monde grec. Leur étude détaillée constitue le sujet de L’Esai de cartographie funéraire du monde grec. Fondé sut un dépouillement denviron 4889 tombes réparties dans 309 sites et contenant un nombre minimum de 6273* sépultures, il permet den dégager neuf, chacune ayant une aire d'expansion définie: La séquence 1 associe, comme dans I'exemple d’Aralante, l'enchytrisme des enfants et des adultes, la tombe & ciste et la position contractée. La crémation est entigrement inconnue. Cette séquence est répandue dans route la Gréce centrale & l'Ouest de la Béorie, a Vexception dela Phocide et dans tout le Péloponnése. On la retrouve également Mégare et probablement aussi a Egine. Fig. 5 : Fouille du cimetiére de Néa Ionia prés de Volos, résidence Oinopneuma, d'aprés Archaiolo- ikon Deltion 53 (1998) {2004] B'2, p. 419. La séquence 2, spécifique a la Phocide, associe la tombe & habitacle, l'inhumation et la crémation dans les tombes situées au Nord ; plus au sud, tombes & ciste, position contractée et crémation, mais parfois aussi inhumation se combinent, 8 Ces chiffres sont suscepribles de changer légerement d'ici la parution de cet ouvrage. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 48 Jean-Mare Luce centrale sont presque toutes de plan circulaire. On y trouve aussi des grottes funéraires qui ne sont connues quien Créte orientale. Si la crémation est attestée, elle est ici minoritaire. La position contractée parait avoir été Pusage. La séquence 9 est répandue dans cout le Dodécannése (Rhodes, Kos et Astypalaia). Elle associe la crémation primaire et la tombe a fosse. Les tombes a fosse, dotées dune petite fosse secondaire & chaque angle, ont une forme spécifique & cette région, Les mémes tombes peuvent are réutilisées un grand nombre de fois. Dans les cas oi la crémation était suffisamment incompléte pour quon puisse observer la position du corps, il était en position contractée. A ces neuf séquences, s'ajoute celle du Nord de la Gréce (Epire, Macédoine et Thrace), en dehors du champ de cette étude. Cette région n'est qu'une extension d'un domaine balkanique beaucoup plus large oit dominent les tumuli colle On se reportera a Z’Escai de cartographie funéraire pour le processus d’élaboration de ces séquences et les nombreux problémes que pose l'histoire régionale et générale de la Gréce. On ne contentera ici d’indiquer qulaprés une période préparation au cours du Submycénien (premigre moitié du xr s., peut-étre tout le x1 siécle), les séquences se mettent en place au début du Protogéomeétrique et demeurent & peu prés stables jusqu’’a la fin du vit siecle. Aprés cette date, la recherche reste & faire, mais certaines séquences se sont clairement maintenues jusqu’a la fin du vn" siecle (Crete, Dodécanésc), voire au-dela (une partie de la séquence 1), tandis que autres se sont fortement modifiées (Béotie). L’évolution générale va vers des pratiques qui sont de moins en moins différencides géographiquement, jusqu’a perdre toute spécificité régionale au cours de I’époque hellénistique. Grice a ce travail, il est possible de dessiner une carte funéraire du monde grec ott les neuf séquences représentent neuf tégions distinctes (fig. 45). On ne peut étre que frappé par la rareté des exceptions. Ainsi, 4 ma connaissance, dans les Cyclades, 'apparition 4 Ténos a Kardiani d’un cimetitre rassemblant les caractéristiques de la séquence 1 dans V'aire de la séquence 6, associant cistes, enchytrismes et inhumation exclusive la ot Yon pratique normalement la crémation primaire ou secondaire et oit 'enchycrisme est réservé aux enfants escil tout a fait exceptionnel, En Créte occidentale et centrale, on ne connait qu'une seule tombe a tholos de plan carté, si fréquente en Créte orientale. Dans la séquence 1, les cas de crémation sont d'une extréme rareté, moins d’une dizaine, alors que l'on connait pour cette région 1275 tombes contenant 1517 sépultures, En Grice centrale, les sholoi sont confinées & la seule Thessalie, sans déborder ni sur la Locride ni sur la Béotie. Les limites sont la plupart du temps nettes et sans bavure. Les séquences sone attestées grace & une documentation inégale, mais le nombre de tombes répertoriées est tout a fait significatif. Il en est de méme pour le nombre de sites funéraires qui sont répartis dans sur toute la Gréce. On peut done considérer que la géographie funéraire que l'on obtient repose sur une masse de données inégales, avec des faiblesses locales, mais suffisante dans l'ensemble. nous reste & dégager le sens de cette géographie. On remarquera d’emblée qu'elle se situe aun échelon erés largement supérieur a celui de la cité. Pour interpréter le résultat obtenu, il faut comparer avec dautres cartes de répartition. La premigre confrontation a faite est avec les styles de céramique. Au cours de l'Age du fer, la différenciation stylistique s'est souvent faire 4 un échelon inféricur. Des styles correspondant & l'extension des cités sont apparus assez précocement. On distingue ainsi le style corinthien du style attique, mais aussi du style (GéoGRAPHIE FUNERAIRE ET IDENTITES ETHNIQUES A LAGE DU Fer EN GRECE 49 argicn. Des aires d'extension stylistique plus larges existaient néanmoins. Ainsi, le skyphos a demi-cercles suspendus peut-il passer pour le marqueur d’un style thessalo-eubéen. En fait, sa production n'est pas limitée a la Thessalie et & l'Eubée, mais s'est répandue dans les Cyclades et en Gréce centrale jusqu’a Delphes, recouvrant partiellement plusieurs régions fungraires. On peut aussi songer a ce que Coulson appelait la « koiné de "Ouest, » It Sagit d'un style qui stest répandu dans la moitié ouest du Péloponnése, a Ithaque et dans la Gréce centrale de l'Ouest (Etolie et Acarnanie), mais l'aire d'extension de cette céramique ne recouvre que la moitié du territoire de la séquence 1. Dans aucun des deux cas, on obtient une carte de répartition correspondant & celle des séquences funéraires. En revanche, il est aisé de comparer avec la carte dialectale (fig. 46). En effet, les séquences 5 et 6, trés proches Pune de l'autre, comme on 'a vu, recouvrent exactement Paire d’expansion du dialecte ionien. La séquence 1 épouse de fagon tout aussi parfaite la partie dorienne du continent. On ne peut étre que frappé de voir que la frontitre entre les mondes dorien et ionien passe, pour les tombes comme pour les dialectes, exactement entre Mégare et Eleusis. I] est tout aussi frappant de voir que la séquence 1 se prolonge entre la Thessalie et la Béotie, reproduisant sur la carte funéraire la zone de transgression entre les deux dialectes éoliens. Enfin, on peut voir que la séquence 8 reproduit approximativement, en un peu plus large, aire dextension des inscriptions en étéocrétois. Une telle similitude ne peut étre due au hasard, Elle révéle un lien profond entre les deux phénoménes. Si les similitudes sone grandes, on note aussi deux grandes différences. Tout d’abord, il nlexiste pas de séquence funéraire arcadienne, alors qu'on parlait dans cette région un dialecte spécifique qui se retrouve & Chypre. Enfin, si géographie funéraire et géographie dialectale se recouvrent sur le continent, remarquons que dans le milieu insulaire, le domaine dorien est segmenté en trois séquences tout & fait différentes. Comment expliquer ces similicudes et ces différences entre les deux cartes? Je partirai du présupposé suivant. Les Grecs savaient, particuli¢rement lorsquiils se rouvaient aux frontitres, que les modes funéraires changeaient d'une région 4 une autre. Sans en étre la preuve, car il est tardif, le texte d’Elien sur Solon va dans ce sens, Les Argiens nvadmettaient dans leur séquence que linhumation. Peut-on imaginer qu’ils aient ignoré que les Toniens pratiquaient la crémation, quand Homere et les Homérides le chantaient partout? Une découverte récente faite & Argos (tombe 1 de la rue Kophiniotou, voir Essai de cartographie ‘funéraire, 0° 1.1,7.069) montre, & mon avis, la conscience que l'on avait de la différenciation géographique des pratiques funéraires. Une tombe & fosse circulaire datant du PG ancien contenait une amphore utilisée comme urne cinéraire. Il s’agit de lune des deux seules exceptions postéricures au Submycénien (au xit* dans la premiére moitié du Xt" s., 1a crémation nlest pas aussi rare en Argolide quielle le sera & partir du Protogéométrique) connues dans le NE du Péloponnése en Mégaride sur les 1044 sépultures répertoriées. Dira-t-on que cest un hasard si 'amphore contenant les cendres du mort était une ceuvte superbe fabriquée & Achénes? Exceptionnellement, le mobilier raconte la méme histoire que la forme funéraire: le rattachement de la tombe et du sujet & une autre région, ILy avait donc une conscience du fait funéraire; mais elle n'a pu émerger qu’a un stade partiellement élaboré de la constitution des séquences. L’hypothése que je propose est que cette prise de conscience n'a pas été le simple constat d'une situation, mais quelle a joué un réle actif, en fixant sur des frontitres linguistiques les frontiéres funéraires, & cause d'un 50 Jean-Mare Luce sentiment d’altérité qui s'était développé autour des différences dialectales. Une logique oppositionnellea pu également se mettre & 'ceuvre, accentuant les clivages entre les séquences. En un mot, les modes funéraites se sont ethnicisés, On ne peut que faire le rapprochement avec les caractéristiques des Doriens et Ioniens, dans une beaucoup moins grande mesure des Eoliens que l'on connait pour la période historique: des mythes fondateurs communs, des traits culturels (fetes, calendrier) et surtout une fagon particulidre d'inscrire les mythes des origines dans la structure sociale par le biais de Vorganisation tribale, chaque tribu dorienne tirant son nom de personages présents dans ces mythes fondateurs. J. Hall a bien montré que ces caractéristiques étaient strictement ethniques, du moins ceux qui expriment le lien avec le passé pratiques funéraires était cclui-la méme que contenait le systéme tribal. Cependant, l'enjew du mythe n'est pas le mythe, mais le territoire. Ce sont des territoires que dessinent les pratiques funéraires. En un mot, les tombes sont peu & peu devenues des géosymboles. Cette interprétation conduit a remonter trés haut dans le cemps, dés le x" siécle, I’émergence d'une conscience dorienne ct ionienne, bien au-dela de I'émergence de la cité-étar. Les datations récentes proposées pour ce phénomine s'expliquene surtout, & mon sens, par l'absence de sources. On admettra donc, si l'on me suit, qu'il y a eu une certaine ethnicisation de la mort dis le x° sigcle, mais ce phénoméne ne s'est pas produit partout. Ainsi, les Arcadiens qui étaient conscients d’eux-mémes puisqu’ils ont sans doute fondé en Crete, au débur de VAge du fer, la cité d’Arkadés"” & laquelle ils ont donné leur nom, n’ont pas développé de séquence funéraire spécifique. Pourquoi? Il faut bien comprendre que cest la question qui est étrange, car pourquoi Vauraienvils fait? Les Arcadiens nfont pas choisi de donner un contenu ethnique & leurs pratiques mortuaires, mais rien ne les obligeait & le faire. La ott elle observe, l'ethnicisation de la mort prend une valeur différente selon les endroits. Ainsi, les traits communs que partagene Béotiens et Thessaliens sontils assez rares, et est plurde al’échelon de la Thessalie, non a celui des Eoliens qu’il faut analyser la séquence 4. Le cas le plus difficile a expliquer est la diversité des séquences doriennes. Il n'y a pas eu de hoine funéraire dorienne étendue depuis la céte Ouest du Péloponnise jusquau Dodécanése; en revanche, aucune de ces trois séquences ne déborde sur le territoire ionien. Cette diversité a'intérieur de la sphere dorienne laisse penser que le contenu identitaire que recelaient les modes funéraires ne s'est pas manifesté de la méme fagon partout et nlavait pas partout le méme sens, Mais nous connaissons pour des périodes & peine plus récentes des expressions locales d'une ethnicité plus large. Ainsi le Panionion rassemble un groupe de 12 cités et en exclut toutes les autres, fussent-elles ioniennes. S'il y a eu un ancrage local de l’ionisme, il a pu en exister un pour les Doriens de Age du fer. En Créte, plus encore & Théra, i semble quion se soit soucié de se différencier des Ioniens de Cyclades, mais cout autant des Exéocrétois. Manifestement, cette valeur que l'on donnait a la more changeait d'un lieu & Pautre, avait une force plus ou moins grande selon la distance par rapport aux frontieres. Le sentiment identitaire a grande échelle comme le fut celui de Vappartenance au monde dorien se mélait inextricablement A des traditions locales qui en altéraient profondément la forme, Il y done une forte suspicion pour penser que le discours caché derriére les 9 Hall 1997 et 2002. 10 Doro Levi, 1927-1929, p. 17-21. Geocrariie FUNERAIRE ET IDENTITES ETHNIQUES A AGE DU FER EN GRECE 51 sinon le sens, selon le lieu, Malgré cette variabilité, les modes funéraires ont contribué & forger des territoires symboliques, rout & fait concrets qui sont le véritable enjeu des mythes de fondations historiques, méme s'ls n’ont pas de contenu politique connu. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 54 Anne Count politique favorise une autonomie stylistique, elle reste une hypothése de travail féconde: elle éclaire notamment le dossier particulitrement enchevétré de la céramique cycladique, un de ceux qui, selon les détracteurs de Coldstream, illustrerait justement la persistance de styles régionaux indifférenciés au vit siécle’. Limbroglio de la question cycladique, débattue depuis la seconde moitié du xx et tout au long du xx* sigcle, tient largement a la confusion entretenue par les revirements de la recherche, en ce qui concerne la localisation des ateliers. Au gré des fouilles, rout licu de découverte devenait un centre de production potentiel: ainsi la belle céramique orientalisante de Paros est-elle dénommée « mélienne », depuis la publication en 1862 de trois vases spectaculaires, dont la provenance passait pour étre Vile de Mélos®; en revanche, le « parien » défini par E. Buschor, le premier 4 proposer en 1929 une localisation systématique des séries cycladiques, redeviendrait, a l'issue d'études récentes, naxien’. Enfin, de curieuses analyses pétrographiques' proposaient dattribuer la céramique « mélienne » 4 des centres distincts: V'essentiel du « mélien » devenait naxien et Phétérogénéité des traditions pariennes et naxiennes accentuait le caractére incomprehensible du dossier cycladique! Mais la valse des dénominations ne doit pas cacher la cohérence des groupements stylistiques, éablis depuis longtemps. Aussi, la céramique « mélienne » présente-t-elle un répertoire homogene de formes et de décors, Loriginalité de cette production que lon suit du 2 quart du vit au 2 quart du vt sigcle se mesure & l’intérét porté i la figure humaine, notamment aux protomés féminines, et & lexubérance du décor végétal, composé de volutes. Si reconnaissable soit-il, ce style ne nait pas de rien: des analogies de technique, de forme et de décor l'associent au groupe Ad, situé par une majorité de chercheurs, aux origines du « mélien »°. Ce groupe, dont on a pourtant souligné la couleur atticisante, inaugure le style orientalisant parien: les compositions qui conservent au vit sigcle, et contrairement aux modéles attiques, la rigueur de Pesthétique géomécrique, le rendu décoratif de certains animaux (griffons ailés, lions), le choix et lagencement des zones secondaires et des motifs de remplissage donnent a cette production sa facture propre, qu’on ne saurait confondre avec une oeuvre attique. Le cas de Naxos est plus compliqué. La difficulté tiendrait & la coexistence de plusieurs ateliers sur une méme ile, un cas de figure que les chercheurs n’ont pas envisagé avant une date récente. Un premier atelier, considéré comme naxien depuis longtemps, se distingue par ses caractéristiques techniques: une argile rouge, bien cuite, contenant du mica, notamment du mica doré, et un engobe épais'®. Ce groupe B, constitué majoritairement d'amphores au décor héraldique"’, se prolonge jusqu’au milieu du vt" sitcle, avec 'amphore d’Aphrodite, 5 Snodgrass, 1999, p. 26-27. 6 Konze, 1862. 7 Buschor, 1929, pp. 142-163; Knauss, 1997. 8 Gautier, 1993, pp. 167-204; pour une relecture critique de ces analyses en laboratoire, Coulié, 2005, p. 270. 9 EAD XV, p. 44; Kontoléon, 1958, p. 134; Strom, 1962, p. 272-274. 10 Kourou, 1999, p. 86. 11 Le groupe B de FAD XVI, p. 13 et pl. LVI. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 58 Anne Couuié impacts relevés récemment sur les os confirme l'interprétation". Le démosion séma de Paros témoignerait, dans les dernitres décennies du vur' siécle, d’une pratique bien attestée dans 'Athénes classique, grace aux écrits de Thucydide et aux fouilles du Céramique". Le contexte de Paros est d'une importance capitale pour réfléchir a Vorigine et a la chronologie du mobilier céramique. II suggére, au moins a titre d’hypothése de travail, une origine locale"? et une chronologie relativement ramassée. En attendant la publication exhaustive du matériel, les vases déja publiés permettent de revenir sur la typologie de Ch. Dugas. Les formes les plus représentées sont Yamphore et le skyphos. Des amphores décorées de bandes, de lignes serpentines et parfois d’un losange pointé sur le col, Sapparentent au groupe Aa de Dugas (fig. 47), défini d’aprés son décor linéaire rudimentaire et considéré comme parien depuis longtemps. Diautres présentent un décor de roues, caractéristiques du groupe Ab (fig. 48). La combinaison de ces motifs sur un méme vase pose la question de V'articulation des séries entre elles: ainsi, le col d’une amphore, décoré d’une roue, flanquée de bandes serpentines verticales, ou encore une amphore du groupe Aa, surmontée, en guise de couvercle, d’un skyphos décoré a la mode du groupe Ab, confirment le lien entre les deux premiers groupes de la classification de Ch. Dugas. Les trouvailles de la nécropole enrichissent notre vision de la céramique parienne, dont la diversité se mesure au développement d'un style figuré, inconnu surles éries exportées a Délos. Des oiseaux affrontés sont associés a des éléments décoratifs bien attestés dans la tradition parienne™: les bandes serpentines flanquant le cadre vertical de la métope du col et le motif du losange pointé, déja rencontrés dans le groupe Aa. Un des apports majeurs de la fouille de la nécropole est d’avoir révélé existence d'un style & figures humaines, qui semble naitre 4 Paros & l'occasion d'un évtnement majeur, commémoré par des funérailles publiques. Sur les quelques cent soixante- dix vases exhumés, deux amphores, issues de la méme tombe collective, sont décorées de themes guerriers et funéraires"®, Lune d’elles, comme cela a été souligné dans la publication, présente une technique et une iconographic exceptionnelles: l'emploi de la figure blanche utilisée sur 'épaule est une premiére innovation remarquable; la seconde tient & Punité narrative du programme iconographique développé sur trois registres: le théme du combat sur la panse du vase, le transport du mort soulevé par deux hommes sur I’épaule et la scéne de prothésis (V’exposition du mort) sur le col”. La datation de cette pice fait difficulté. Les 40 A. Aggelaraki, Ph. Zaphiropoulou, « Parian Socio-Political and Military Organizational Capacities During the late 8th c. BC, and Inferences to the Colonization of Thasos Island », Thasos, Mésropole et colonies, Colloque International 3 la mémoire de M. Sgourou, 21-22 septembre 2006 (a paraitre). Das les premittes fouilles menées par la Sociécé archéologique au Céramique d’Athénes en 1863 et en 1870 furent trouvées trois inscriptions de tombeaux élevés aux frais de I'Etat; un monument de ce type, daté des années 430, a été découvert, dont on attend la publication. 42 Les vases importés de ce contexte sont rates: un bol 3 oiseau d'origine nord-ionienne, exposé au musée de Paros, a été utilisé comme couvercle sur une urne cinéraire, une fonction occupée d'ordi- naire par des slyphoi cycladiques. 43 Zaphiropoulou, 1999, p. 15, fig. 5, p. 22, n° 23. 44 Ibid, p. 22, n° 21. 45. Ibid, p. 22, n° 22. 46 Ibid, p. 20-24, fig. 16-25. Zaphiropoulou, 2000, p. 285-292. 47 Zaphiropoulou, 1999, p. 15 et 16. 4 a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 66 Claude Routey 1.3. Techniques Les différences entre les quatre groupes que nous avons définis sont également des différences techniques, de deux points de vue, cest-i-dire aux deux stades de la fabrication d'une statuette coulée a la cire perdue: le montage du modele de cire et la coulée elle-méme”. Certains animaux de bronze gardent les formes d'un modéle fagonné dans de la cire molle, ce qui leur donne V’allure de terres cuites. C’est le cas des statuettes les plus anciennes et des productions de quelques centres secondaires; JL. Zimmermann le note pour des animaux qu'il ateribue a 'Elide ~ cesta-dire & des ateliers locaux travallant pour la clientele Olympic. Mais cela explique Vaspect des animaux les plus anciens, que A. Furtwiingler avait raison d’appeler « de style terre cuite ». Cela sera abandonné dans les centres les plus ambitieux, oit on va exploiter de plus en plus les possibilités quffre le bronze coulé & la cire perdue. opposition la plus claire est entre les chevaux corinthiens et les chevaux argiens. Les modéles corinthiens sont montés & partir d’éléments en quelque sorte préfabriqués, morceaux de feuilles de cire découpés, pour le cou, les épaules et les cuisses; pour les épaules et les cuisses, ils sont légérement bombés. Le corps est un petit morceau de tige de cire. C'est, comme l’écrit J.-L. Zimmermann, une technique «additive», a la fois raffinée et révolutionnaire. Elle est imirée par des chevaux de Gréce du centre ou du nord-ouest qui imitent le type corinthien (Fig. 54, 1). Elle soppose a la technique argienne, qui consiste travailler un bloc de cite dure: un certain nombre de chevaux montrent des plans limités par des arétes nettes, traces de ce découpage au couteau.. Les chevaux laconiens et attiques mélent les deux procédés. Les longues jambes des chevaux laconiens sonten régle général des éléments modelés a part, puis fixés au corps; il en est de méme, semble-t-il, pour les chevaux attiques. Nombre 'échontitons Fig. 1 : Histogramme des teneurs en étain des principaux types de trépieds de la seconde moitié du vur siécle . Zimmermann présente ici aussi le tableau le plus systématiqu i mais beaucoup des observa- tions avaient déja été faites par W.D. Heilmeyer. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 70 Claude Routey TI. Conclusion? Tout cela pose deux sortes de problémes. Le premier est celui du réle des sanctuaires, surtout d’Olympie, Le style laconien y a été élaboré avant d’apparaitre en Laconic, Faut- il, nous avons die, attribuer a des bronziers argiens travaillant & Olympie les erépieds et les statuettes qui sont les prédécesseurs directs, sans rupture, des bronzes argiens de la 2 moitié du vin" sidcle? Il y a des trépicds « massifs » du 1x° siécle en dehors d’Olympie, notamment dans la grotte de Polis, a Ithaque, qui recoit ensuite des bronzes, trépieds et statuettes, typiquement corinthiens; olt ont été faits les trépieds argiens de la 1° moitié du vu sitcle de Delphes? En d’autres termes, les bronziers argiens oncils, apres 750, continué, y compris dans la composition de Valliage, les productions antérieures, qui n’étaient pas nécessairement argicnnes? Pour la naissance des types et des techniques corinthiens, il faudrait réfléchir de plus prés sur un groupe de statuettes et de trépieds qui semblent, un peu avant le milieu du vui' sigcle, marquer les déburs de la production corinthienne, avec un alliage qui reste Valliage craditionnel, avec tres peu d’étain. JL, Zimmermann parle dune « variante Ithaque-Delphes » de chevaux, a cause de sa répartition géographique. Il faut probablement y joindre les pieds décorés en haut d'une sorte de roue incluse dans un carré, du milieu du sidcle, attestés aussi a Olympic mais trés nombreux a Delphes, avec un exemplaire a Corinthe méme et une copie & Perachora. Ils sont montés comme les trépieds argiens, avec une section en TI; leur décor est fait aussi par impression dans une matrice. On pourrait ainsi préciser comment les techniques et le style corinthiens s'élaborent, en se « détachane » en quelque sorte des modéles dominants « argiens ». Olympie ne joue ici aucun réle, Fautil faire intervenir Delphes, oit les bronzes corinthiens sont, proportionnellement, beaucoup plus nombreux qu’a Olympie, ou cela sest-il déroulé a Corinthe méme, de la méme fagon qu'il parait vraisemblable que I’élaboration du type des trépieds attiques a cu lieu en Attique, au moment oit la céramique montre le développement et les ambitions nouvelles de V'artisanat? On pourra juger la deuxiéme question quelque peu théorique, méme si elle touche au probléme central de notre réunion. La définition des styles, quon relie a l'époque archaique a une identité culturelle des cités, n'est au départ quun aspect de l'indépendance de traditions artisanales qui sont d’abord de nature technique, et montrent que quelques grandes cités développent leur production de fagon indépendante, quitte a ce que, exposés céte A cdte dans les grands sanctuaires, les trépieds et les statuettes témoignent, aux yeux des connaisscurs - combien y en avait-il dans le seconde moitié du vit® sigcle? ~ de importance de la participation des citoyens de telle ou telle cité. Mais les choix ne sexpliquencils pas aussi, ou d’abord, parce qu'un Argien, un Laconien, un Corinthien, un Athénien, quand il n'a pas apporté son offrande de chez lui, préfere lacheter, sur place, a un compatriote? Bref, a partir de quand, dans ce domaine, Videntité culturelle cesse-t-elle d’étre un concept moderne pour refléter réellement les mentalités antiques? a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 78 Catherine MoRGAN it: most importantly, the ‘cave’ and the Roussano acropolis above it are among the most northerly points visible from the acropolis of Actos, and a shrine here would therefore serve both areas as a marker of the basileus’ authority in the north. By the second haif of the sixth century, our earliest inscription from the site refers to the xepinohot of the deities worshipped (Athena and Hera), although clearly such a group could have been constituted in a number of ways.“ But in pre-Classical times, before the Polis sanctuary followed the general Greck trend for simpler, lower value votives (especially figurines), the material record suggests some overall strategy, since while there is indeed overlap with the material record of Aetos (mostly in pottery shapes), there also seems to have been a significant complementarity in the votives offered at che two shrines. Personal ornament and small bronzes are more evident at Actos, with monumental metal dedications largely confined to Polis, for example. This picture could be skewed by chances of preservation, but this is rarely the case with pottery - and here too, figurative iconography and ritual shapes are almost entirely confined to Aetos.*” Taken together, the two assemblages are exactly what one would expect to be dedicated by a well-connected western elite, and neither site seems exceptional in the general context of western votive behaviour, The famous tripod dedications must therefore be understood. within this longer history, rather than as the key to identifying the cule (at least at the time of their initial dedication, although the likely re-display of surviving pieces in Hellenistic times is another matter)."* It is likely chat the same Olympian deities were worshipped at both sites. /G IX 1614 confirms the worship at Polis of Athena Polias (the earliest hint of the existence of a polis on the island) and of Hera, both deities tentatively identified at Actos also" although Hera’s epithet at Polis, seleia, is highly unusual. Artemis images form the great majority of Hellenistic figurines at Polis and are also found at Actos: 1G IX P1700, a dex sacra found in Vathy (but probably removed from the Aetos area as was so much construction material used here) refers to a precinct of Artemis. It is no great leap to associate the worship of Odysseus with that of his patron, Athena (and the epithet polias strengthens the political impact), but there is no clear indication of when exactly this happened. Aristotle's Constitution of the Ithakesians, as cited by Plutarch," refers to an annual ‘recompense’ of barley, wine, honeycombs, olive oil, salt and adult animals paid to Telemachos by the Ithakesians, but while prima facie this looks like a ritual practice linked to a hero, how far it predated the fourth century, and where and how this recompense was 46 IGIX P1614, lines 5-6 47. There is one torch-holder from Polis: Benton, 1942, pl.10, no.18. 48 Antonaccio, 1995, p.152-155. Malkin, 1998, p.116 wrongly assumes a decline at Polis in the 7th century which is not born out by examination of the full votive record in its contemporary Greek context. If anything, the range of imports in the ceramic record widens. 49. Benton, 1953, p.259. See Symeonoglou, 2002, p. 206-208, 212 - Morgan 2006 discusses, inter alia, the iconography of the ‘mystic marriage’ on the stone vase Heurtley and Robertson, 1948, B1, p-114, p.46 (Robertson). For a 4ch century marble head pethaps of Hera and probably originating in Actos, see ADelt 24 B, 1969, p. 277, pl. 268a. 50 Benton, 1942, p.43-45; Kalligas, 1938-1939, p. 53-54; Vollgraff, 1905, p.147-149; Waterhouse, 1996, p. 309. 51. Arist. Jt Pol. Rose Fr, 507 = Plur Quaest. Gree. 14. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 82 Catherine MorGan century. TI to those on Leukas.”* Also new is the fortification on the Roussano acropolis above Polis, again built 50-100 years after the first settlement in the upland valley behind it,” this is the critical visual link between Agios Athanasios, the upland plains, Stavros and Actos. Occupation of this area marked the start of systematic exploitation of these uplands, probably for herding, initially in tandem with lowland cultivation. And itis in this context that we should understand the enigmatic wall at Rouga, mentioned earlier. The settlement at Agios Athanasios expanded very rapidly, to the point that by the second century at the latest, it appears to have equalled Actos in wealth, if not in size. It is, however, hard to make detailed comparisons between the two sites given the different focuses of excavation. At Agios Athanasios, after an initial campaign by the British School in 1930 in which trenches scattered across an area of approximately Ikm x 500m revealed settlement remains especially of the Hellenistic and early Roman periods, attention focused on the smaller area around the tower and the terraces beneath it. While this produced very important settlement remains dating at least into the third century AD, the planning and diachronic development of the site are matters which cannot yet be addressed.” At Actos, the British School excavations focused almost exclusively on the sanctuary area and the Hellenistic tower, with trials also made beside fortification walls, and the harbour at Pisoactos. Classical and Hellenistic houses on and around the saddle below the hill have subsequently been excavated by the Washington University team,” but the lower slopes of the hill itself, on which walling is visible, have yet to be fully investigated." Early Roman pottery was found in the British excavations, albeit in very small quantities in comparison with Agios Athanasios, but the extent and chronology of the later settlement phases have yet to be investigated. At present, therefore, comparison between north and south remains impressionistic. Both north and south Ithaka have produced exceptionally wealthy Hellenistic burials, with a range of luxury imports in common, including for the first time imported Italian pottery and jewellery. In the north, new graves are still coming to light, but overall much evidence comes from the work of carly 19®-century savants (notably Guiterras, Lee and Schliemann at Actos, and Haller von Hallerstein at Stavros), and from concentrations is the best Ithakesian candidate for an ‘agricultural’ tower-residence similar 75. Randsborg, 2002, vol. 1, p.109-110, vol.2, p.246 (4* century or later). The date here cited derives from restudy of the 1937 BSA excavation pottery. 76 Mortis, 2001; on possible functions, see Morris and Papadopoulos, 2005. 77 Partsch, 1890, p.59-60; for the frst plan of this site by Carl Haller von Hallerstcin, see Steinhart and Wirbclauer, 2002, p.114-115; further study and excavation was undertaken by Andreas Soti- riou in 2003. 78 Publication of the 1930 and 1937 BSA campaigns forms part of our project: for post-Bronze Age discoveries from the recent Ioannina University excavations, see Kontorli-Papadopoulou, 2001a, p.69-74; Kontorli-Papadopoulou, 2001b, p.322-325 79 Heurtley, 1939-1940, p.3; PAE 1984, p.112-119; PAE 1985, p.201-213; PAE 1986, p.235-238. 80 Preliminary study of visible remains has recently been undertaken by colleagues in the 35th EPKA, whom I thank for this information, a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 90 Charalampos Onraxos fondatrice, ce sont les Corcyréens ; ce sont eux les seuls oixtotaé au pluriel. L’ oixtoT}S corinthien, Phalios, n’avait eu d’autre légitimité que celle que lui conférait invitation des premiers colons Corcyréens (katakAn@eis)'". Ce flottement grammatical ainsi que le sens exclusivement technique du terme oiktoTH]S dans l'ceuvre de Thucydide en général et dans ce récit en particulier incitent & tenter une interprétation légerement différente de celle généralement admise. Je pense, en effet, que la question que les démocrates épidamniens posérent & Apollon était de savoir s'ils pouvaient remettre la cité aux Corinthiens en en faisant les fondateurs”. Autrement dit, sil faut absolument sous-entendre un participe du verbe étre aprés la conjonction @s, celui-ci ne peut pas étre au présent (0s OiKLOTAIS ODOT : « en tant qu’ils en sontles fondateurs »), mais au futur : s oiKtoTais ETOMEVOIS : « pour qu’ils en soient les fondateurs ». La logique diplomatique de cette formulation me semble assez claire. En reconnaissant la légitimité de la démarche des démocrates Epidamniens, en acceptant de l’inscrire dans le cadre des rapports entre colonie et métropole et non plus dans celui des rapports entre cités appartenant ou non l'une ou l'autre des coalitions, Apollon autoriserait les Corinthiens & voler au secours des Epidamniens. En effet, a partir du moment oit l'on reconnaissait qu'Epidamne pouvait étre considérée comme une colonie de Corinthe, les Corinthiens pouvaient offrir leur assistance militaire aux Epidamniens sans rompre la Paix de Trente ans". La réponse que donne Apollon aux émissaires épidamniens est rout aussi diplomatique que la question qui lui avait été posée : 0d’ adbroic aveie Tagadodvat Kai HyeHOvas ToLeioBat. Le dieu leur répondit de la livrer et d’en faire les patrons. Tout en les autorisant 4 se mettre sous tutelle corinthienne, la Pythie n'est pas dupe des intentions des Epidamniens, puisquelle évite soigneusement de se prononcer sur la question rituelle de la refondation, En effet, le mot Hye HOV est beaucoup plus vague que le terme oixtoTH}s : si, dans 'Archéologie, le mot HyyeyOves désigne les fils de Minos, & qui le légendaire roi crétois délégua jadis son réle d’oixtatH|s des Cyclades, si dans leur discours devant l'ecclésia athénienne, les Corinthiens eux-mémes se prévalent de ce titre en leur qualité de fondateurs de Corcyre”, si tye uv peut étre, dans d’autres sources, 16 Voir supra, n. 10; of 1, 25, 2 (toujours au singulier) : tOv te oiKxaTY aTOdEIKVEVTES aN éK KogivOou dvra. Lalternance singulier-pluriel a été magistralement analysée pour l'ensemble du dossier de la fondation par Malkin, 1987, pp. 254-260. 17. Denis Roussel fait peu pres la méme analyse quand il rraduil fondateurs ». 18 Erant donné que Corcyre et Epidamne ne faisaient partie jusque-la daucune des deux ligues, il cst difficile de dire quelle était la disposition du craité qu’une alliance défensive entre Epidamne et Corinthe eit enfreinte, mais, apparemment, ce risque était bien réel : Thucydide, I, 146 : « Voila quels furent les motifs de plainte et les différends qui, pour les deux partis, intervinrent avant la guerre, ct qui avaient pris naissance des les affaires d’Epidamne et de Corcyre (cb @is a0 tav EV Enidayvio kai Keoxviga) (...): en fait, le développement de la situation tendait & renverser les traités et A fournir des causes de guerre (oTOVOAV YQ EVyXIOIc Ta YEVOLEVA HY Kai TEdHaACIG r08 TOAepeiv) » (trad. Romilly). 19 Respectivement, Thucydide, I, 4, 1 ; I, 38, 2. « ... en les considérant comme leurs a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 94 Charalampos Onranos Les démocrates 4 Corinthe (Thuc., I, 25, 2) EAOovtes dé oF Emdapvior é¢ tiv KogwvOov (...), Tov Te olKtoTHY AnodEeKVUVTES TV EK KogivOov Svta Kaitd xonOTHQLOV dNAobvtES, &éovTO TE LN OAS TEQIOQaV BeIQopEvors, AAA’ Enapvan. Les Epidamniens se rendirent a Corinthe (...) oit ils démontrérent que leur fondateur venait de Corinthe et signalérent aussi Poracle rendu, pour leur Les oligarques 4 Corcyre (Thuc., I, 26, 3) "HAGov yao és THY Kéoxvoay ot t@v Endauvioy ovyades taoove te dmodeuvivtes Kai Evyyéveuv, HV TQoicxGpEvor éEOvTO aHhaS katayewv. Les exilés d’Epidamne s’étaient rendus & Corcyre, ott ils avaient montré les tombeaux des leurs et la parenté qui existait, s'en prévalant pour leur demander de les aider & demander de ne pas rester indifférents 8 renter chez eux'. leur ruine et de les assister. La forme anodeucvivtes, élément clé de ces deux phrases parfaitement symétriques, est volontairement employée en antanaclase. En effet, le sens du participe change dans le texte en fonction du camp politique qui en est le sujet: & la différence des démocrates, qui éraient obliges de passer par une opération intellectuelle, par une abstraction presque, pour demander aux Corinthiens de les secourir (@€ovt0 ... éXapbvat) aprés leur avoir démontré que Voikisres d’Epidamne avait été un Corinthien et aprés leur avoir parlé de Voracle, les oligarques, eux, peuvent se contenter de montrer aux Corcyréens les tombeaux bien réels de leurs ancétres et, quasiment en hendiadys, la parenté réelle qui liait les élites des deux cités, pour leur demander de les ramener chez eux (@S€0VT0 ... KATAYELV). En leur montrant les tombeaux de leurs ancétres, péres des fondateurs de leur colonie, les oligarques font done ce que leurs adversaires ne pouvaient pas faire : mis & partle cas des héros éponymes fictifs que Clisthéne avait inventés et fait avaliser par la Pythie & Pusage des dix nouvelles tribus athéniennes, quel autre ancétre notoire un démos grec pouvait-il invoquer ? Pour contrer la démarche de leurs adversaires, qui demandaient aux Corinthiens d’adopter une conception politique abstraite de la parenté, telle que Delphes lavait cautionnée, les oligarques d’Epidamne font valoir 4 Corcyre une parenté consanguine concréte, que seuls des aristocrates étaient en mesure de prouver matériellement™, Parenté réelle contre parenté fictive, politique du sang aristocratique contre politique du peuple qui dicte son histoire, Vaffaire d’Epidamne met en jeu plus que deux factions d’une lointaine colonie. En tour cas, la méthode des oligarques fonctionne au moins aussi bien que celle des démocrates. Méme si, objectivement, cest pour mettre fin 4 une ingérence de la part de leur métropole que les Corcyréens sallient aux barbares et aux oligarques exilés pour assiéger les 33 Sur la consanguinité comme argument dans les relations entre cités, notamment dans le cadre des relations entre métropole et colonie, voir Musti, 1963. Bien qu'il soccupe principalement de do- cuments de !'époque hellénistique et romaine, auteur consacre des développements intéressants et fournit une bibliographique abondante sur le V" siecle a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 100 Francis Prost tour cas ardemment désirée ~ et corrélativement d'un individualisme actif et revendiqué. Lhhistoire des grands penseurs, des grands artistes comme des grands souverains nourrissait rour autant la singularité personnelle de chacun de ces grands hommes quelle participair d'une uniformisation des critéres de définition, d’une mise en place d’un grand ensemble culturel, bref, d'une identité grecque congue comme le triomphe d'un modéle intégrateur ct, finalement, universel. Les réflexions sur Vethnicité one concribué & mettre a plat ces discours et, par un renversement des problématiques, on ne voit plus aujourd’hui l'Antiquité grecque comme l'avénement de cette uniformisation et de cet individualisme, mais comme lage des antagonismes microrégionaux et des oppositions de groupes. Cette idée si familitre aux sociologues et aux anthropologues, qui veut que ce ne soit pas l'isolement qui erée la conscience d’appartenance, mais la communication et les échanges entre des différences dont les groupes se saisissent pour établir des frontiéres ethniques, n'a véritablement éé prise en compte par les historiens de ’Antiquité qu’a partir du dernier tiers du xx* sigcle. Elle s'est accompagnée d'une remise en question de toutes les définitions essentialistes qui sous tendaient l'image dune Gréce éternelle: les groupes ne se définissaient plus par tout un ensemble intemporel, immuable, de traits culturels (croyance, valeurs, symboles, rites, régles de conduite, langue, pratiques quotidiennes, etc.) transmis tels quels de générations en générations, mais par interaction dans leurs relations mutuelles, par une organisation de ces traits culturels en perpétuelle Evolution et réévaluation, selon un contexte historique déterminé. La constitution de différences jugées fondamentales, la saillance de tels ou cels traits culeurels entraient a la fois dans un processus oppositionnel et dans une logique interactive qui pulvérisait toute réification identitaire. U'identité ethnique devenait dynamique et conflictuelle*. Voilit pour les principes. Il restaic a leur donner un cadre historique concret. Les historiens comme les archéologues ont tout spécialement désigné un acteur et un contexte: la polis et sa constitution communautaire. Les historiens insistent sur l'idéologic d’autonomie et sur Vidéal d’autosuffisance qui font de la cité une entité clairement identifiable, susceptible de regrouper les individus sous la banniére de valeurs, d institutions politiques et dun cadre de vie quotidicnne nettement définis. Les artefacts jouent aussi un réle déterminant: trouvés dans des sites urbains, dans des sanctuaires ou dans des nécropoles, ces objets présentent des structures formelles qui ont permis la mise en évidence de groupements cohérents, dont la base objective était la reconnaissance et la référence 3 un certain systéme de conventions ~ pour dire vite, un style’, Si Yon mec a part quelques trouvailles groupées sur certains sites exceptionnels comme Samos, Milet ou Athénes, ces groupements sont loin de décliner automatiquement une identité diment localisée: ce n'est que remis dans le contexte global de la production artisanale d'un site que l'on parvient, en soulignant les oppositions formelles dans tous les matériaux et sur tous les supports disponibles, a repérer des groupes diversifiés et cohérents, Les découvertes faites dans quelques-uns des grands sanctuaires du monde 4 Sur cous ces points et pour un historiographie du probléme, voir introduction d’l. Malkin dans son ouvrage collectif Malkin, 2001, 5 Voir la contribution de Fr. Croissant dans ce volume. De maniére générale, voir Milles, Chr., & Prost, Fr. (éds.), 2002, identités et cultures dans le monde méditerranéen antique, Patis. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 104 Francis Prost avec quelque précision des aspects de son facits identitaire'®. On insistera d’emblée sur la grande disparité dans le temps des restimonia: avant la fin du vit sitcle, la Lycie cétiére, celle des cités, n’a livré presque auicun élément susceptible d’éclairer histoire des hautes périodes de la Lycie; on ne peut guére mentionner qu'une hache en pierre polie trouvée & Patara, ow encore des tessons de I’époque de Hadjilar (autour de 6000 av. J.-C.); l’Acropole lycienne n'a livré aucun tesson antéricur au vu sidcle, et le plus ancien témoignage céramique trouvé au Létéon est un fragment d’aryballe protocorinthien datant de la seconde moitié du vit siécle. La Lycie des plateaux, notamment sur le site d’Elmali, a, quant a elle, révélé de maigres vestiges de lige du Bronze, mais qui n/autorisent que des extrapolations aventureuses'®, A partir du vir siécle en revanche, les données archéologiques se multiplient, comme en témoigne I’Acropole lycienne de Xanthos”. Ces différentes sources ont permis aux chercheurs de reconstituer une carte d’identité ethnique des Lyciens, inséparable d'une histoire des origines et des transformations de ce peuple sur plus d’un millénaire. ‘Commengons d’abord par son nom. Les Lyciens ne s'appelaient pas eux-mémes « Lyciens », en tout cas pas avant le IV" siécle!*. Les inscriptions lyciennes révelent qu’ils portaient le nom de Termiles, « TPMMIAI », echnonyme que confirme d/ailleurs Hérodote (1, 173), en affirmant que, si les Grecs les appellent Lyciens, leurs voisins continuent & les appeler Termiles. Certaines analyses philologiques font remonter ce nom a la ville ou région d’Attarimna attestée dans la documentation hiccite et dont le souvenir aurait été conservé, aprés sa destruction, par sa population transplantée ou dispersée”. En tout cas, lethnonyme Termiles est le premier, et pendant longtemps l'unique ethnonyme que se donnent les Lyciens eux-mémes”. Les autres peuples au contact desquels les Lyciens sont amenés & entrer, leur donnent des noms différents. Les Hittites parlent dans plusieurs textes des Lukka pour désigner les populations qui habitent dans la partie sud-occidentale de PAsie Mineure: Faire géographique recouverte par ce terme est tres vaste, puisquelle semble comprendre les territoires allant de la Carie a la Pamphylie, 15 Voir Des Courtils, J., 2001, Larchéologie du peuple lycien, dans V. Fromentin & S. Gorteland (éds.), Origines gentium, Bordeaux, pp.124-126. Sur le fameux appareil polygonal lycien et sa per- sistance jusqu’a 'époque romaine, voir en dernier lieu Cavalier, L., Architecture romaine dAsie Mi- neure. Les monuments de Xanthos et leur ornementation, Bordeaux, pp. 175-176 et pp. 179-181. 16 Sur coutes ces données, voir en dernier lieu, avec les références bibliographiques, Particle de Des Courtils, J. op. cit, pp. 124-126. 17 Meter, H., 1963, Uacropole lycienne, Fouilles de Xanthos Il, Paris, pp. 77-80. 18 Linscription dite du pilier inscrit comporte le premier emploi en contexte lycien de l'ethnonyme « Lycien », il est vrai dans I'épigramme en grec: la date souvent avancée de cette tombe-pilier de Gergis, mort vers 400, pourrait ne pas étre celle de l'inscription, de quelque 20 ans plus tardive, si 'on comprend bien certaines indications de l'inscription lycienne: voir Demargne, P, 1958, Les piliers funéraires, Fouilles de Xanthos 1, Paris; Bousquet, J., 1992, dans H. Metzger, J. Marcadé, G. Siebert, J. Bousquet, & A. Davesne, La région Nord du sanctuaire et les inscriptions gréco-ly- ciennes, Fouilles de Xanthos 1X, Paris, pp. 155-187; Borchharde, J., Eichner, H., Pesditschek, M.. Ruggendorfer, P., 1997-1999, Archiologisch-sprachwissenschaftliches Corpus der Denkmiler Iykischer Schrift, Anzeiger der philosophisch-historischen Klasse 134, pp. 11-36, 19 Laroche, E., 1976, Lyciens et termiles, RA, pp. 15-19. 20 Je laisse de cdté le probléme des Solymes: voir Bryce, TR., op. cit, pp. 17-18 a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 108 Francis Prost datées avant la conquéte d’Alexandre, cette identité n'a jamais été perdue ou remise en question, Le contraste avec la Carie voisine, par exemple, est assez saisissant: vers 468, Cimon, selon Diodore (XI, 60, 4), s‘empare, avant d’atteindre la Lycie et 'Eurymédon, des cités de Carie « a la double culture » (GiyAwzrot), et les Cariens bilingues sont attestés dans nos sources historiques au moins dés la guerre du Péloponnése (par exemple Thucydide, VILL, 85)". Les Lyciens ont beaucoup emprunté, aux Perses, aux Grecs surtout, parce qu’ils rouvaient dans les productions matérielles et techniques de ces cultures de quoi alimenter les mécanismes d'une distinction sociale. Mais ce n'est pas avant une date assez récente, & partir de la fin du iv sidcle, que le peuple lycien a construit cette identité contre les autres: sila langue lycienne disparait et si la langue grecque finit par s'imposer dans presque tous les domaines, on constate pourtant une permanence de Tonomastique lycienne dans les épitaphes jusqu’a l'époque romaine. Lidentité lycienne passe encore par toute une série de caractéristiques sociales et culturelles dont témoignent les historiens, en premier lieu Hérodore, ainsi que les archéologues. Sans prétendre & V'exhaustivité, on mentionnera rout d’abord le matriarcat: Hérodote (I, 173) insiste sur le fait que les Lyciens empruntent & d/autres peuples (Crétois, Cariens) toute une série de coutumes, mais qu’ils en ont une qui leur est propre et ne se retrouve pas ailleurs, celle de porter le nom de leur mére et de transmettre la citoyenneté en ligne maternelle. Ce matriarcat demeure toutefois problématique: 'onomastique des épitaphes lyciennes, des lors quelle nous est accessible, repose sur des patronymes, aucunement sur des matronymes". Herodore, encore, rapporte une série de hauts faits, comme I’épisode de la prise de Xanthos par Harpage™, pendant laquelle les Lyciens réunirent femmes, enfants, trésors et esclaves, brulérent le tout, se litren par des serments terribles et finirent par se suicider collectivement dans une ultime sortie. Ce farouche acharnement défendre leur auronomie, leur liberté et leur identité ne compte pas peu dans l'imagerie ethnique que les sources grecques ont forgée a propos de ce peuple, depuis Hérodote®. Enfin, il convient d’évoquer les célebres « tombes lyciennes »*, Laire géographique ott les inscriptions en langue lycienne ont été découvertes, ct qui va du golfe de Telmessos a l'Ouest jusqu’a Rhodiapolis a Est et dans la plaine d’Elmali au Nord, recoupe 4 peu pres Vaire géographique ot Yon trouve les tombes imitant 32. Sur la Carie avant les Hécatomnides, voir Homblower, S., 1982, Mausolus, Oxford, pp. 14-34. Il conviendrait routefois de ne pas exagérer Vhellénisation de la Carie, et ce méme au IV sitcle aprés le regne de Mausole: voir en demier lieu Frei, P, & Marek, Chr., 1997, Die Karisch-griechische Bilingue von Kaunos, Kadmas 36, pp. 1-89, en particulier p. 45-46; eid, 1998, Die Karisch-grie~ chische Bilingue von Kaunos, eine neues textfragment, dans W. Blimel, P. Frei, Che: Marek (éds.), Colloquium Caricun, Akten des internationales Taguig itber die Karisch-griechische Bilingue von Kaunos 1997, Kadmos 37, pp. 229-237; Contra: en dernier lieu, Le Roy, Chr., 2005, op. cit. p. 341 33 Voir Keen, A.G., 1998, op. cit. p. 35, avec références bibliographiques en note 5. 34. Hérodote, I, 171. 35. Voir ce sujet Keen, A.G., 1998, op. cit., pp. 2! « Lycian ‘National identity’». 36 Voir Zahle, J. 1980, Lycian Tombs and Lycians Cities, dans H. Metager (éd.), Actes du collogue sur la Lycie antique, Bibliotheque de U'nstitut frangais d'Etudes Anatoliennes 27, Paris, pp. 37-49; Schweyer, A.V., 1996, Le pays lycien. Une érude de géographie historique aux époques classique et hellénistique, RA 96, pp. 3-68; Keen, A.G., 1998, op. cit, pp. 182-191; Schweyer, A.V., 2002, Les Lyciens et la mort. Une étude d'bistoire sociale, Pasis, a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 12 Francis Prost peut distinguer aussi un deuxitme niveau, qui rassemble des séries d’éléments dont la réalité sociale ou culturelle n'est pas vraiment attestée ou suffisamment ancrée dans histoire du peuple, mais qui, pourtant, sont jugées par les regards extérieurs comme tout spécialement originales et constitutives d'une spécificité ethnique. Lexemple du matriarcat lycien semble révélateur de ce point de vue: jamais attesté, sinon dans le regard des Grecs (Hérodote), il constitue un trait d’exotisme que l'on mentionne comme une manitre de hiérarchiser les cultures — les Lyciens sone apparentés aux Grecs, mais restent & un échelon de développement inférieur. Enfin, un troisi¢me niveau regroupe tout ce qui releve des enjeux identitaires, les éléments qui non seulement composent ke faciés ethnique des Lyciens, mais qui sont Vobjet d'une revendication assumée par les Lyciens, d'une lutte pour leur reconnaissance pleine et entiéze, bref d’un enjeu identitaire. On peut évoquer ici, par exemple, la préservation des temples en bois de type lycien a l'intérieur des temples hellénistiques consacrés & Létd, Artémis et Apollon au sanetuaire du Léréon: dans ce qui allait devenir le sanctuaire fédéral des Lyciens, la conservation intégrale de ces édifices sacrés en bois, qui présentaient une architecture comparable sans doute aux greniers lyciens, dans une gangue de pierre édifiée, elle, selon un ordre parfaitement grec, ne peut étre interprétée que comme un manifeste identitaire”. Les archéologues nen finissent pas d’analyser la portée des emprunts des Lyciens aux autres cultures, grecque en particulier, dans la définition de leur identité, pour micux en souligner sa persistance ou ses transformations”, Structuré par ces trois niveaux identitaires, le peuple lycien a donc toujours présenté une forte unité. Cette unité a été telle que les autres, les Grecs, en particulier, les ont considérés non pas selon leur mode d’organisation spécifique, mais comme sls étaient une cité. Les uraits culturels constitutifs de lidentité lycienne ont été & ce point marquants qu’ils ont pu donner & ce peuple, alors qu’aucune institution ni aucune fédération politique ne venait le structurer, la forme d'une entité politique. Tout semble se passer comme si nos sources grecques, pour penser lethnicité lycienne, avaient besoin préalablement de leur supposer un cadre politiquement organisé, Ce cadre ne saurait étre caractérisé de maniére rigoureuse il 50. Voir Hansen, E., & Le Roy, Chr., 1976, Au Létoon de Xanthos: les deux temples de Lét6, RA, pp. 317-336; Hansen, E., 1991, Le cemple de Lét au Léton de Xanthos, RA, pp. 323-340; Le Roy, Chr., 1991, Le développement monumental du Létéon de Xanthos, RA, pp. 341-351; Des Courts, J., 2003, Guide de Xanthos et du Lézéon, Istanbul, pp. 140-152. Voir encore Le Roy, Chr, 2004, Liewe de mémoire en Lycie, CCG 15, pp. 7-15, en particulier pp. 12-15, 51. Cette confrontation entre culture lycienne et culture grecque a été tout particuliérement étudie par les archéologues qui ont travaillé sur les monuments funéraires lyciens de la période classique et sur les phénoménes dits d’hellénisation: voir Demargne, P., 1987, Thétis et Pélée: un mythe grec au mo- nument des Néréides de Xanthos, CRA/, pp. 190-205; id., 1981, Le décor sculpré des monuments funéraires de Xanthos: principes explicatifs d'un art grec au service d'une idéologie orientale, dans G. Siebert (6d.), Méthodologie iconographique. Actes du colloque de Strasbourg, avril 1979, Strasbourg, pp. 85-91; id, 1974, Xanthos et les problémes de Phellénisation au temps de la Gréve classique, RAL, pp. 3-9; id, 1963, Les sarcophages de Xanthos: tradition indigene et influence grecque, dans Enudes sur U'art antique, Paris, pp. 23-27. Voir encore Kolb, F, 1994, Newe Zeugnisse zur Intensitit griechischen Einflusses im Lykien des klassischen Epoche, Lykia 1, pp. 11-14. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. La CONSTITUTION D'IDENTITES REGIONALES A CHYPRE A LEPOQUE ARCHAIQUE 117 Ephése', Loin d’obliger & remonter, en chronologie absolue, l'ensemble du systéme élaboré par E. Gjerstad, ce qui est impossible, ces faits invitent & revoir la validité méme de ce systéme, et d envisager que des ceuvres de style différent ont été produites 4 Chypre a la méme époque. En d'autres termes, les contextes, chypriotes comme égéens, imposent de reprendre le classement du savant suédois, en donnant aux « styles » un sens non plus uniquement chronologique, mais également géographique. De fait, dés le début de I’époque archaique (v. 750 av. J.-C), Vartisanat chypriote connait un développement sans précédent, qui touche aussi bien les formes que les techniques ou le répertoire décoratif, Ce développement va de pair avec une différenciation des productions, quel‘on peut rapporter des centres créateurs d de la période (céramique et coroplastie) en offrent l'illustration. Dans un passage des Suppliantes d’Eschyle (v. 277-290), le roi d’Argos utilise, pour désigner le « type chypriote » une métaphore en rapport avec Ia technique du moulage™ Crest la un écho cardif de la renommée de la coroplastie chypriote archaique, Nulle part ailleurs, en Méditerranée orientale, on n’a produit un tel nombre et une telle variété de terres cuites, depuis de petites figurines modelées jusqu’a de véritables colosses, réalisés en plusieurs parties. Toutes les techniques (modelage, montage au colombin, moulage, en plein et en creux) sont utilisées, parfois concurremment pour un méme objet. Les types, méme les plus rares, se retrouvent souvent d'une région & l'autre de I'ile, mais sous des formes, dans des styles différents. Plusicurs indices permettent de définir des productions distinctes: incts. Les deux artisanats les plus prolifiques - Les choix techniques. Dansla partic occidentale de|'ile, les artisans privilégient, pourla réalisation de statuettes, le modelage en crewx, tandis que les ateliers orientaux préferent le moulage. Un méme type iconographique, celui du guerrier casqué de taille moyenne, parfois naturelle, est rendu, dans les ateliers du royaume de Paphos, grice au modelage en creux: la téte est montée au colombin ou sur le rour lent, les traits du visage sont fagonnés dans fa pite, par ajouts ou creusements (fig, 62). La peinture est essentielle pour rendre les détails, notamment les yeux, dans un visage ott seuls les grands volumes apparaissent en relief. Le travail dans la pice accentue les ruptures de plans ct exagere certains traits: machoire carrée, pommettes hautes, orbites renflées. Le méme type, fabriqué dans les ateliers du royaume de Salamine, n'est jamais rendu par modelage, mais par moulage du visage (fig. 63). Les contours sont plus doux, le foisonnement de détails plus précieux: coiffure, sourcils, paupitres sont imprimés, fa peinture ne faisane que souligner les reliefs, D’une rece a Vautre, il n'y a ni progres technique (du modclage au moulage), ni décadence stylistique (de la vigueur expressive au maniérisme), mais deux créations contemporaines, dont le propos est parfaitement servi par des choix techniques différents, 11 Bammer 1999, pl. 71 ne. 12. Sur ce passage, d’interprétation tres controversée, voi 282. La téte chypriote y est interprétée, a tort, comme une ceuvre mycénien- en dernier liew, Hermary 2002, pp. 281- a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. LA CONSTITUTION D'IDENTITES REGIONALES A CHYPRE A L’EPOQUE ARCHAIQUE 121 des royaumes cétiers, mieux insérés dans les réseaux d’échanges internationaux. Cette dynamique, perceptible dés le rout début du vit's., ne sera achevée qu’a la fin de I’époque classique, avec la disparition des royaumes d’Idalion et de Tamassos, Il faudra attendre Vépoque hellénistique, abolition des royaumes et ‘insertion de ile dans un autre réseau économique, cette fois tourné vers I’Egypte lagide, pour que de nouveaux centres émergent, non plus sur la cdte, mais & lintérieur des terres. Identités culturelles et identités ethniques Doit-on, pour autant, faire coincider identités culturelles et politiques avec identités ethniques? C'est ce que suggerent, sans ambiguité, les textes grecs classiques, telle cette description du pseudo-Scylax (Périple, 103): « Face a la Cilicie, il y a Pile de Chypre avec les villes suivantes: Salamine la Greeque (...), Karpasia, Kérynia, Lépéthis des Phéniciens, Soloi (...), Marion la Grecque, Amathonte (ses habitants sont autochtones) ». Crest également ce que suggérent, cette fois de maniére ambigué, les archéologues contemporains lorsqu'ils traitene de Kition, ville cétiére du sud de Mile ott Yon sait, par les textes, quiune colonie tyrienne a été implantée au cours du 1x*s, av. J.-C. La publication stratigraphique des fouilles des sanctuaires de Kition-Kathari est ainsi organisée en deux grandes séries: les niveaux de VAge du Bronze et ceux de I’Age du Fer. Les volumes de la premiére série ont pour titre « The Pre-Phoenician Levels »**; ceux de la seconde « The Phoenician and Later Levels »”. Quel sens donner a ces termes? Faut-il leur préter une simple portée chronologique (les niveaux « pré-phéniciens » seraient antérieurs au 1X° s. av. JC. ; les niveaux « phéniciens » désigneraient lAge du Fer, & partir du 1x s.)? Ou bien ontils une connotation ethnique (les niveaux « phéniciens » seraient ceux que caractérise un faciés culturel phénicien)? Le complément « and Later Levels » ajoure a l'embarras. On suppose que l'expression désigne les niveaux postérieurs & la fin du 1v* s, av. JC., quand la dynastie de rois portant un nom phénicien, jusqu’alors maitres de Kition, est renversée par Prolémée. Mais la chute de la dynastic royale n’entraine de toute évidence ni exode de population ni bouleversement culturel. Pourquoi ces niveaux récents seraientils moins « phéniciens » que les précédents? Le probléme est, on le voit, de définir les marqueurs qui caractérisent un facies culturel phénicien. La langue et I’écriture sont des marqueurs moins évidents qu’ils ne paraissent & premiére vue. Le monnayage de Lapéthos (royaume phénicien selon le pseudo-Scylax) permet de suivre, pour la fin de l’époque archaique et I’époque classique, la succession des rois Démonikos (v. 500), Sidqimilk (avant 450), Andr- (Androkles? v, 415-390), puis Démonikos. De nom grec ou phénicien, tous les rois font inscrire leurs monnaies en alphabet phénicien”. Le témoignage de la civilisation matérielle invite également a la prudence. Sans doute les vases dits de Samatie (production sarement phénicienne du continent) sont plus nombreux dans les niveaux archaiques de Kition qu’ailleurs dans I’ile, mais ils sont attestés aussi ailleurs, et les productions phéniciennes n’épuisent pas l'ensemble du vaisselier archaique de Kition: 26 Karageorghis et Demas, 1985. 27 Karageorghis 2005. 28 En dernier lieu, Hermary 2006, pp. 114-115. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. PERMANENCE DES STRATEGIES CULTURELLES GRECQUES 129 Pour résoudre les contradictions historiographiques actuelles, il convient de renverser les prémisses chéoriques habituelles. Dans la perspective d'une périodisation en trois temps articulée autour des deux “ruptures” des guerres Médiques et de la paideia du Iv" s., ce sone sur les différences que les chercheurs mettent spontanément accent. Tentons 'hypothése de travail posant au contraire les ressemblances comme facteur significatif, en nous appuyant sur une conception des modalités de construction de l’identité grecque qui merte !'accent sur les continuités, et non sur les ruptures. Si Yon adopte ce point de vue, se dessine un phénomene qui, dans la perspective traditionnelle, se trouvait nécessairement négligé : celui d'une continuité structurelle des fondements de V'identité culturelle grecque, de l’époque archaique - au moins de I’époque archaique tardive, cest-A-dire dés la consolidation du modéle civique — jusqu’a I’époque hellénistique, On proposera le schéma suivant : = 1) Le grand rournant, dans le monde grec, est constitué par le renforcement du cadre civique, disons au vr s. La présente analyse s'inscrit ainsi résolument dans le courant historiographique qui considére que la partition fondamentale, dans le monde grec, n’est pas celle qui distingue entre Grecs et Barbares, mais entre citoyens et non citoyens, et ce, & routes les époques. = 2) Pour le reste, le mode de définition identitaire de ce que nous appelons les Grecs est fondamentalementaggrégeant, au moins jusqu’al époque hellénistique incluse. Ladistinetion entre mode identitaire aggrégeant et antagoniste n'est en cout cas pas chronologique, mais circonstantielle. - 2a) Ainsi, le mode antagoniste est attesté dans le monde de la colonisation archaique'*, bien avant les guerres Médiques, et on en a encore des exemples clairs & I’époque hellénistique. = 2b) Ainverse, les réflexes aggrégatifs dominent nettement a l’époque hellénistique, on y reviendra ci-dessous. ~ 2c) Les deux modes de positionnement peuvent se cétoyer en un méme lieu, 4 une Epoque donnée" - et ce, 2 route Epoque. Entrent en compre non seulement le contexte historique ou les différents niveaux d’expérience vécue, mais aussi le mode de discours, voire le genre littéraite (la polarisation est typique, par exemple, de la tragédie, ou de Voraison funebre). La mise en contexte de chaque discours est donc fondamentale. Athénes comme cas particulier et non représentatif Certe mise en contexte doit s'appliquer au premier chef a la littérature athénienne du v* et du 1¥* siécles. Dans la mesure ot, Hérodote mis & part, la littérature athénienne constitue l'immense majorité de nos sources, on traite encore souvent le cas athénien comme 14 Pour un cas d’éeude iconographique, voir Shapiro, 1983. Dans une discussion autour de Touvrage de Jonathan Hall, Mortis, 1998, p. 270, cite deux autres études (Kurke, 1992 et Mackie, 1996) por- tant sur les sources écrites, mais dans les deux cas, laspect antagoniste n'est pas clairement formulé en termes ethniques. 15. En faisant remonter & Hérodote le “tournant culturel” de Videntité grecque, Jonathan Hall admet ailleurs la coexistence des deux modes de positionnement antagoniste et aggrégeant & I'époque classique. Voir ci-dessus, note 3. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. PERMANENCE DES STRATEGIES CULTURELLES GRECQUES 133 au « tournant » des guerres Médiques. Par ailleurs, les généalogies (comme le Catalogue des Femme’) constituent un gente littéraire bien spécifique, dont le statut et le rdle dans la réalité sociale de’ époque sont délicats a évaluer’. Dans optique présente, il suffit que ces traditions, quelle que soit leur portée réelle, reflétent de fagon authentique un type de discours 4 une Epoque donnée = |’important pour nous est de suivre la continuité de ce type de discours du ve’ s.4l'époque hellénistique. De fait, plusieurs études récentes ont souligné combien Isocrate et Démosthéne restaient attentifs, au IV" s., aux références généalogiques”. Les mythes de fondation des cités grecques retracent, eux aussi, des généalogies, cette fois de communautés civiques. On sait que les auteurs qui nous transmettent ces mythes de fondation, comme Hérodote, Strabon, ou Pausanias, font souvent écat de plusieurs versions contradictoires. Ces contradictions peuvent étre considérées comme autant d’indices d’une Evolution historique, au cours de laquelle la cité, ou le groupe concerné, redéfinit ses origines en fonction des intéréts du moment, en particulier, en fonction de ses relations avec d'autres communautés ou d’autres groupes", A cette incerprétation diachronique, d’aucuns préférent désormais une lecture synchronique, en faisant observer que ces contradictions peuvent s‘interpréter comme le reflet de précentions concurrentes de familles aristocratiques"*, 23. Plurde que les généalogies, Irad Malkin met en avant, pour sa part, la notion de réseau dans ta constitution des identités régionales. Voir sa contribution au présent volume. 24 Trédé, 1991; Said, 2001, p. 278. Pour autant, Suzanne Said fait remarquer que les références aux subdivisions tribales que sont les Doriens, loniens, et Eoliens disparaissent presque complécement du discours des deux orateurs athéniens du tv* s. (p. 277). Alors que les auteurs du v*s., Hérodote (X, 106), Thucydide (1, 2.6; 12.4), et Euripide (/on, wv. 1575-1588), faisaient écho a la propa- gande athénienne faisane des Ioniens des colonies athéniennes, Isocrate, dans le Panathénaique, 166, place les Athéniens & la téte des "Grecs”, les transformant en meneurs d'une colonisation "pan-hellénique”, et non plus "pan-ionienne”, Suzanne Said en tire la conclusion suivante, p. 278 : "The almost complete disappearance of references to intra-Hellenic ethnic groups precludes any aggregative definition of Hellenism, Therefore Isocrates and Demosthenes can define “Greeks” only by opposing them to “barbarians”. Ces remarques sont a nuancer, dans la mesure ot, comme le rappelle Said elle-méme, les cultes et rituels qui manifestaient l'unité des groupes intra-helléniques restent une réalité vivace pour Isocrate et Démosthéne (p. 279). En ourre, ces remarques ne sont exactes que pour autant que les deux orateurs s'emploient & marquer une opposition & deux termes. Pour peu que le cété “grec” ne vise plus a se définir par contraste, mais soit au contraire intéressé A marquer un rapprochement, comme c'est le cas dans les déclarations de syngeneia, le processus “aggrégeant” reprend, pour englober de nouveaux venus, définis auparavant comme non Grecs. En fait, Vopposition & deux termes brandie par Isocrate laisse les contours de chaque groupe flous, en particulier les contours du groupe des Grecs. Comme Said le souligne elle-méme (p. 2825q.), si on suic bien la logique d'Isocrate, if n'est pas stir que les Spartiates soient du coté des "Grees". Or, tant que les contours ne sont pas stables, mais éminemment soumis & des manipulations politiques, comme dans le cas d'Isocrate, on doit reconnaitre que la dynamique de la définition peut exclure et inclure tour & cour divers groupes au gré des nécessités immédiates du discours, ou du moment, dans la pratique diplomatique. Les Spartiates peuvent étre exclus, Philippe de Macédoine inclus ow exclu selon l'orateur (voir Trédé, 1991, p. 76-80), des groupes définis jusque-la comme "non grecs”, inclus. 25 Pour une approche de ce genre, voir par exemple Dominguez, 2004. 26 Renfrew, 1998. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. PERMANENCE DES STRATEGIES CULTURELLES GRECQUES 137 Dans le cas de Dionysos, cest la présence de lierre, ou le nom de Nysa”, qui a fourni Vindice suffisant A cette « reconnaissance » de ses descendants en Inde. La vigne permet également aux compagnons d’Alexandre de rattacher le paysage étranger traversé par eux un univers familier, celui de Dionysos. Ce recours aux indices n'est pas trés éloigné de la méthode de travail d’Hérodore. Ce dernier, on le sait, explique tous les cas de phénoménes similaires observés chez deux peuples différents, comme autant de preuves de filiation entre les deux peuples!. Crest la une variante de la généalogie. Mais Denys d’Halicarnasse, & son tour, ne procéde pas autrement, en pleine époque hellénistique, pour prouver les origines grecques des institutions romaines. « Rapprochements étymologiques » entre le nom de Pinstitution romaine et le nom d'une institution grecque présentant des caractéristiques communes, ou bien «assimilation des fonctions, des attributs ou méme du costume, » Varsenal intellectuel permettant ces identifications est riche". Bref, tout autant qu’a |'époque archaique, la fagon pour les Grecs d’exorciser l’inconnu et le nouveau, est de le raccrocher & du familier. Les divers processus d’identification mis en ceuvre conduisent, d'une certaine fagon, & transformer tous les peuples du monde en une vaste famille. On le voit avec Denys d’Halicarnasse ou Arrien, ces spéculacions, loin de s'éteindre avec Hérodote, perdurent & basse époque. On peut méme dire que leur champ s'élargit, au méme rychme que I’horizon familier des intellectuels grecs. Une fois les philosophes indiens intégrés dans le bagage intellectuel grec, ce sont eux qui peuvent servir de point d’attache généalogique. Ainsi, nous dit un fragment conservé de Cléarque de Soles, les Juifs vivant en Syrie descendent des philosophes indiens nommés Calanoi (ap. Flavius Joséphe, Contre Apion I, 179). Pour Mégasthénes, les Juifs sont aux Syriens ce que les Brahmanes sont aux Indiens (ap. Clément d’Alesandrie, Stromata I, 15, 72, 5)". Les Etrusques, de méme, descendaient « depuis longtemps » des Lydiens*. Certes, ces spéculations croisent des Barbares entre eux. Cependant, le cloisonnement entre « sagesse barbare » et « sagesse grecque » n'est étanche que jusqu’ un certain point. Ainsi, le texte de Cléarque déja cité, relate en fait comment Aristote aurait rencontré en Asie Mineure un Juif qui était Grec, non seulement par la langue, mais aussi par lame (S180). On peut interpréter cette anecdote comme une illustration de ce que les Grees du iv" s. 39. Nysa et Méros, Indika 1.4-6; 5.9; lierre: §.9. Arrien mentionne en outre le fait que les Indiens par- tent en expédition militaire au son des tambours et des symbales (face & Alexandre : 7.9), et portent tun costume semblable celui des Bacchanales. Massue d’Hérakles : 5.10, 12-13, 40 En II, 104-105, Hérodore "démontre”, a grand renfort de “preuves”, que les Colchidiens sont d origine égyptienne. Voir aussi ci-dessous, note 44. 41. Voir Fromentin et Schibele, 1990, pp. 13-15. Citation p. 13. 42. Ajoutons que ce sont les auteurs d'époque hellénistique et impériale qui nous transmectent lessentiel des généalogies anciennes et des mythes de fondation de cités, Or, il n'est pas rare que ces demiers brouillent les frontitres entre Grecs et non Grecs. Si ces traditions sont encore transmises par ces auteurs, Cest quieles conservaient leur pertinence de leur temps ou, en tout cas, ne choquaient pas. 43. Textes rassemblés par Stern, 1974, nno, 14 (Cléarque de Soles) et 15 (Mégasthénes). 44 Hérodote, I, 94. Voir Briquel, 1991. 45 Traduction Blum, 1972, p. 34. Lanecdote est attribuée a Aristote § 176. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. PALLAS, 73, 2007, re. 141-154 Insaisissables Scythes : discours, territoire et ethnicité dans le Pont Nord Christel MULLER Université de Paris I Panthéon-Sorbonne UMR 8585 - Centre Glow M. I. Rostovcev ~ cet historien a Videntité Alottante, tantét russe tantdt américain selon les revendications de ceux qui s'en disent les héritiers — considérait les rivages nord-pontiques comme faisant partie non pas du monde grec, mais du monde oriental : il reproche ainsi & ses prédécesseurs, dans un ouvrage paru 4 Oxford en 1922, Iranians and Greeks in South Russia, d’avoir adopté exclusivement le point de vue de I’helléniste ; cette perspective entrait dans une vision plus large, celle d'une Russie asiatique plutdt qu’européenne, fruit d'un grand débat encore inachevé aujourd'hui dans ce pays. Bien stir Rostovcev est allé trop loin dans son inversion des points de vue, méme si elle fut salutaire : ce Nord de la mer Noire est une région ott le monde méditerranéen, dans ses confins, touche a la grande steppe eurasiatique, au moins dans la partie occidentale de celle-ci. II sagit bien d'une intersection géographique, qui est aussi tune intersection ethnique et politique entre différents groupes : les Grecs venus s'implanter dans la région & partir de la deuxiéme moitié du Vit’ s. et les multiples populations locales, dont l'ethnosle plus connu est assurément celui des Scythes. Les Etats grecs du Pont nord qui nous intéressent ici sont au nombre de trois : d’abord la cité d’Olbia située Vembouchure du Bug et non loin de celle du Dniepr, fondée vers 550 a.C. ; la cité de Chersonése taurique, Vactuelle Sévastopol’, dans le sud-ouest de la Crimée, dont le site est occupé dés le dernier quart du vr‘ s.' ; enfin le royaume du Bosphore cimmérien qui se constitue progressivement sur le plan territorial & partir du dernier tiers du V* s. par l'agrégation — on peut méme dire le synoecisme ~ de plusieurs cités coloniales, la plus importante d'entre elles écant Panticapée (act. Kerch), devenue la capitale. Ce dernier Erat couvre la presqu’ile de Kerch et celle de Taman’ (Russie actuelle) et son influence s'étend au in* s. av. J.-C. jusqu’a l'embouchure du Don au nord-est out se trouve Tanais, la cité grecque la plus au nord de loikouménd. Vhistoriographie des rapports entre ces Etats grecs du Pont septentrional et les populations locales est une historiographie essentiellement russophone : elle est ancrée dans 1 Sur la dare (controversée) de la fondation de Chersonése, cf. Zolotarev, 2003. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. INSAISISSABLES SCYTHES : DISCOURS, TERRITOIRE ET ETHNICITE DANS LE Pont Nord 145 en ce qui concerne le Pont nord y compris dans la littérature occidentale & l'exception de plusieurs contributions, entre autres, de D. Braund. Je suis partie de l’idée que les frontitres echniques, loin d’étre seulement sociales comme chez Fr, Barth”, étaient susceptibles, pour citer 'argumentaire proposé, des’incarner dans l'espace et que la géographie, fitt-elle mentale, pouvait étre, « un révélateur des identités ». J'ai choisi de traiter, pour cette rencontre et dans une premiére étape de la réflexion, non des productions matérielles, mais des discours et des représentations pour les vt’ s. av. J.C., done en évitane volontairement la période archaique, contrairement a la plupart des approches habituelles sur Pethnicité en miliew grec. J'ai recherché systématiquement, dans les sources que j'ai utilisées, les associations entre ethnonymie et territoire, afin de voir comment le discours utilise lespace pour créer de l'identité ethnique, dans une région caractérisée paradoxalement par lextréme mobilité de ses occupants, nomades ou non. Les sources sont grecques, qu'il s'agisse des Histoires d'Hérodote ou des inscriptions nord-pontiques : le point de vue dont nous disposons sur les populations locales est done presque toujours un point de vue exogéne (eric dans la terminologie anglo-saxonne), comme cst trés souvent le cas dans le monde colonial, et ce, méme lorsqu'un auteur comme Hérodote se fait I’écho du discours tenu par les peuples qu'il étudie (IV, 27). Lian des textes littéraires les plus importants pour qui s'intéresse aux rapports entre Grecs et indigenes dans le Pont Nord est certainement le livre IV de l'historien d’Halicarnasse, consacré avant cout & une digression sur les Scythes et leurs coutumes. Ce livre IV a fait Tobjet d'un chapitre essentiel dans un livre fondateur, Le miroir d’Hérodote de Fr. Hartog", dont on rappellera ici plusieurs éléments pour en voir les limites. Premier point : Hartog a construit un modéle bipolaire ou oppositionnel oit les Scythes sont d’abord, pour simplifier, une figure majeure de l'altérité par rapport aux Grecs"” ; méme s'il prend parfois en compte les nuances apportées par Hérodote, son exégese se focalise sur « les Scythes » en général. Or, la situation est beaucoup plus complexe : il y a différentes catégories de Scythes et surtout, il n'y a pas que des Scythes, mais une longue série d’ethné, qui leur sont plus ou moins liés, tels les Callipides, dits aussi Hellénoscythes (IV, 17 ; annexe 1), les Alazons, les Neures, les Mélanchlaines, les Androphages etc. (IV, 100 ; annexe 1) : donc une situation multi-ethnique, qui engendre une trés riche ethnonymie, ce processus performatif sans lequel un peuple n'existe pas”. Les Scythes n’existent ainsi que parce que les Grecs les ont nommeés tels, comme le rapporte Hérodote lui-méme (IV, 6) : le cas est semblable i celui des Lyciens"', puisque avant d’étre des Scythes, ils étaient, d’aprés ce qu’ils disent eux-mémes, des Skolotai (IV, 6). Dans les tablettes assyriennes de la premitre moitié du vit s., ils sont des Ashguzai ou Ishkuzdi, dont on peut peut-étre retrouver la trace dans Yun des noms de tribus que les Scythes se donnaient jadis d’aprés Hérodote, les Aucharai, tandis que les peuples du monde nomade iranophone sont désignés, dans les inscriptions perses d’époque 17 Barth, 1969. 18 Hartog, 2001, chapitre 1, « Les Scythes imaginaires : espace, pouvoir et nomadisme ». 19. Sur le « miroir scythe », ef, Hartog, 2001, p. 66. 20 Sur le « pouvoir de nommer », ef. Pourignat et Streiff-Fenart, 1995, pp. 155-159. 21° CE, dans le présent volume, la communication de Fr. Prost. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. INSAISISSABLES SCYTHES : DISCOURS, TERRITOIRE ET ETHNICITE DANS LE Pont Norp 149 sion un peu moins positiviste de la situation, car ils peuvent revenir comme ils le font sous Aspourgos. I] semble qu’’ un moment, peut-étre sous Pairisadés I, les Sparto dune certaine maniére leur intérét pour les ethnonymes et, en conséquence, utili appellations génériques qui en incluent d'autres : ainsi, les Torétes et les Dandariens sont-ils certainement comptés parmi « tous les Méotes », puisque nous savons par Strabon (XI, 2, 11) quills appartenaient bien a cette catégorie, au moins du point de vue grec. Autrement dit, le caractére démonstratif de la rirulature, qui est d’abord un outil de propagande, n'est pas utilisé de la méme maniére par tous les souverains et & toutes les époques" : ainsi, V’époque impériale est propice au déballage et l'on retrouve, sous la plume d’un thuriféraire Aspourgos, au tout débur du ts. ap. J.-C. un déluge ethnico-géographique sans équivalent auparavant, puisqu’il est dit « régner sur tout le Bosphore, Théodosia, les Sindes, les Méotes, les Tarpeites, les Toretes, les Psesses et les Tanaites ». Surtout, sur le plan des représentations, cette titulature nous montre trés clairement la conception spatiale et politique, car les deux choses sont intimement liées, que les Spartocides se font du territoire sur lequel ils exercent leur pouvoir: d'un cété, ils sone archontes (archontes) du Bosphore et de Théodosia, le Bosphore étant une métaphore pour les cités coloniales, en commengant par Panticapée ; de l'autre, ils sone basilewontes des exhne. Ils construisent donc un espace oit le monde des cités est strictement séparé du monde des ethnd. Ils cloisonnent, alors méme que sur le plan géographique les deux s‘interpénétrent, puisque les cités sont réparties sur ensemble du territoire, en particulier dans la Sindikd, le pays des Sindes ('actuelle péninsule de Taman’) oit sont situées Phanagorie, Hermonassa et Gorgippia. On a cherché a comprendre ces deux mots, archontes et basileuontes, en termes strictement institutionnels, et sans résuitat concluant, car la solution n'est probablement pas du cété des institutions : on a voulu voir dans archén l’éventuel héritage d'une magistrature antérieure 4 la formation de Etat du Bosphore®* ; de méme, on a tenté d’interpréter basilevén comme un titre pris aux roitelets locaux”, sur lesquels victoire avait été remportée. ‘Tout cela en vain & mon sens, car les deux termes ne se comprennent vraiment que l'un par rapport a l'autre. Archén comme basileuén sont tous deux des notions vagues : le premier veut parfois simplement dire « exergant son pouvoir sur » ~ et ce sens est attesté dans des inscriptions versifiées — ; le second renvoie au contenu de Ia fonction et nest pas tout a fait Péquivalent de basileus, titre que Von ne rencontre qu’a partir du tit s.”, autrement dit 34. Certains souverains du tur’ s., comme Spartokos III, fils d’Eumélos, (304-284 av. J.-C., CIRB974 (Phanagorie] et 1043 [Hermonassa]) ont une titulacure simplifige et sont dits simplement « archén ct basileudn », sans précision autre. 35. CIRB40 (Panticapée). 36 Sur ces différentes hypothises, cf. Gajdukevich 1971, 74, qui évoque la possibilité d'un citte hérivé des Arkhéanaktides (la dynastie précédente) ou d'une magistrature de Théodosia avant sa conquéte. 7 Saprykin, 2003, p. 28. 38. Malgré une exception oit le seul titre est celui d'archonte pour rout le monde dans un état visible- ment transitoire de la titulature : Sokolova et Pavlichenko, 2002. 39. CIRB 20 (Panticapée ; époque de Pairisadés II, 284-245 av. JC.) : on norera cependant que, dans cette dédicace, ce sont des Rhodiens qui parlent et non des Bosporans. Le titre de basileusen revan- che est trés clair dans C/RB75 (Panticapée) a propos de Pairisadés IV (ca 170-150 av. J.-C.) a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. INSAISISSABLES SCYTHES : DISCOURS, TERRITOIRE ET ETHNICITE DANS LE Pont Nord 153 [2] La titulature des rois spartocides (Bosphore cimmeérien). CIRB 1111 (péninsule de Taman, Leukén I [389-349 av. J.-C.]) : fpyovtog | Aetxavog Boandéplo] | kai eodoaing Sokolova et Pavlichenko, 2002 (Nymphaion, Leukén 1) : Aedxavos ipyovt0¢ Boondpo Kai Seodoaing| kai tig LivSuxiig dons Kai Topercav xai Aavéapiov xai Pnoody CIRB6 (Panticapée, Leukén I) : Aetxevos dipyovtog Boonépo | Kai eod0aing Kat Bactevovtos EivSav, | Toperéav, Aavéapiow, Pnooiy CIRB 1037 (Hermonassa, Leukén I) : pyovtog AedKovos | Boordpo Koi Ocvdoaing Kai Pactketovros | Livdov xa Toperav Koi Aavapiav xai Pnoaéy CIRB 1014 (péninsule de Taman, Pairisadés I [344-311 av. J.-C.) : pyovros Marpraddovg 100 | AevKavos Booxdpov Kai Gevboaing Kai Pacrretov (sic) Zivdov! Kai Toperav xai Aavéapiov CIRB 10 (Panticapée, Pairisades 1) : [@lpxovrog Menpratideos Boorépo | [kali Sevdoaing Kat Baste vovt05 | [ZivjJéov Kol Maiév néviov (comme CIRB 11, 971, 1039 et 1040). CIRB 1015 (péninsule de'Taman, Pairisadés 1): pyovrog Maiproddovs | Boordpou Kai @evdooing xoi Bacthebovtos [Eiv/dov xat Maizv nalvtov] | xai Oaréov CIRB972 (Phanagorie, Pairisades 1) : pyovtos Tarpraddeos | Boordpov kai Oevdosing I[k]ai Pacrketovtos Livsov, Maitéy, [O]atéov, Adozov CIRB 25 (Panticapée, Pairisadés II [284-ca 245 av. J.-C.) : pyovtos Harpraddov 109 Exaploxov Boordpov kai Gevdoaing Kai Racrrevovens | Livéov Kai Maitév navtwv Kai Oatéav CIRB 40 (Panticapée, Aspourgos (10-37 ap. J.-C.) : Bacviéa néyav "Aonovpyov ouAopoyatoy, Ty éx PactAsas ’AcavSp6z00, | othoxaioapa Kai oropdniaroy, Ractdevovra navts Booordpov, Ocodoaing | Kai ZivSav xai Mairav xai Tapreizoy xai Toperav, Pnody te xai Tavale) ray, | tmoriGaven ExiBag Kai Tavipous, Mevectpatos f' éni tig viaoD tv Eavt0d soltipa rai evepyémny. a a ‘ : ORs pani Chersonése taurique : serment des citoyens (/OSPE F401. SyiP 360). Vers 300 av. J.-C. L.5-13: « Je contribuerai au salut et a la liberté de la cité et de mes concitoyens et ne trahirai pas Chersonese, ni Kerkinitis, ni Kalos Limen ni les autres forts, ni le reste du territoire que les Chersonésitains possedent ou possédaient au profit de personne, ni Gree ni barbare, mais je a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 160 Maria Cecilia d’Ercore au Nord par les Vénétes, au sud par les Ombriens. Au cours du vit sitcle av. JC., des Grecs s'installent dans la région, d’abord 4 Adria, probablement sur l'emplacement d'un site palgovéndte?, ensuite a Spina’. G. Colonna a ainsi proposé de situer A Adria Ja colonie que, selon Strabon, les Eginétes auraient fondée chez les Ombriens, donc en Adriatique, en 510 aw. JC Larrivée des Grecs dans le Delta provoqua une réaction immédiate de la part des Etrusques, qui se firent alors les protagonistes d’un dense peuplement de la région. Ainsi, de nouveaux établissements furent fondés, comme Spina, vers 540 av. J-C. ° et Marzaborto vers 510 av, J.-C.°; d'autres, comme Felsina furent repeuplés. A la base de ce réseau de contacts il y eut probablement le désir de saisir les précieuses opportunités d’échanger des biens composites et varigs. Le blé de la plaine du Pé, les métaux d’Etrurie, les chevaux de la Vénétie, les esclaves, les produits de I’élevage étaient donnés en échange du vin et de I’huile, venant de Corinthe, de Chios et de Samos, et de la céramique figurée, venant surtout de PAttique. Mais ce tissu économique a bientér contribué a créer une société culturellement complexe et mélangée, al’instar de ses pratiques funéraires, oit tous les usages sont également admis’. Qui plus est, cette expérience nouvelle se développe au sein d'un cadre institutionnel assez souple, en tout cas en dehors des concraintes imposées par la colonisation classique. Si une forme systématique d’occupation du territoire a pu avoir lieu, elle a écé plutde le fait des Etrusques, comme le prouvent la forme urbaine de Spina ou, encore plus, celle de Marzabotto. Dans les deux cas, le découpage des espaces, organisation des axes de communication et le projet urbain sont tout a fait cohérents avec la notion étrusque de fondation®. Une tclle complexité explique probablement les contradictions des sources anciennes, qui hésirent entre Vorigine étrusque, grecque, illyrienne ou italique de ces sites. Il est hors question de présenter ici un vaste corpus de textes grecs et latins qui considérent Adria et 2 Capuis 1993, p. 175-176, sur la découverte 4 Adria d’objets typiques de la civilisation paldovénéte, notamment la céramique & bandes rouges et noites, de la fin du vi'- début du vt sitele av. J.-C. Les plus anciennes importations céramiques connues & Adria sont unc coupe du type Siana et deux frag- ments de vaisselle corinthienne: Malnati et Manfredi 1991, p. 145. Pour l'histoire des recherches archéologiques 3 Adria, cf. M. Giangiulio, “Adria’ B7CGIIIL, 1984, p. 38-56 3 Voir notamment Torelli, 1993, p. 53-705 S. Patitucci-Uggeri et G. Uggeri, « La copogratia della citta », dans Berti-Guzzo 1993, p. 21-32. 4 Colonna 1974, p. 10, interpréte ainsi le passage de Strabon, Géographie VII, 6, 16: éxoixovgs Eorev.ay Aiywitar eis te Kudoviav tiv év Kpfitn xa eig Ouporxods. 5 Leplus ancien document archéologique de I'habitat de Spina est un fragment attique & figures noi- res attribué au Swing Painter, daté de 540 av JC. : P. De Santis, “Spina: la citta", dans Berti-Guzzo 1993, p. 259; p. 262, n. 47. 6 Uggeri et Uggeri Patitucci 1974, p. 87; Malnati et Manfredi 1991, p. 188. La variécé des couumes funéraires ressore bien de la publication de S. Aurigemma (Aurigemma 1960-1965, passim). Pour un résumé plus récent sur les pratiques funéraires de Spina, voir Berti 1993, p. 33-45. 8 Uggeri et Uggeri Patitucei 197+ |. p. 87; Malnati et Manfredi 1991, p. 188. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 166 Maria Cecilia d’Excoe égarés par la suite. Leur décor figuré, un petit enfant qui sapproche d’un chous, est une allusion claire aux rituels enfantins des Anthestéries. Nous aurions ainsi au moins huit choes miniaturisés des Anthestéries & Spina, ce qui est une quantité respectable, érant donnée la diffusion rescreinte de ce type de vases. Quant a Viconographie des petits conges de Spina, leur identité avec le répertoire attique de la méme époque est un fait certain, Les analogies sont précises aussi bien dans les détails que dans le cadre d’ensemble, que R, Hamilton appelle « tableau »*, composé de personnages ct attributs significatifs et constants; les enfants de différents ages, la rrapeza, Evoquant le banquet rituel, les joucts, les chariots, les offrandes. Loind’étre des simples accessoires, ces objets omniprésents surles chodsontun réleessenticl et évocateur. Ainsi, trois chods de Spina montrent une sorte de baton équipé d'une roue, un jouct caractéristique que Van Hoorn a appelé « toy-roller ». Présent sur d’innombrables chobs attiques des Anthestéries entre 425 et 400 av. J~C.%, cet objet constitue presque l'un des symboles-clés de la féte. II s’agit 18, probablement, de l'un des cadeaux typiques de ces fetes d'enfants. Deubner a attiré attention sur un passage des Nuées d’Aristophane, ott il est question d'un chariot offert 4 Phidippide enfant a l'occasion des Diasies, fete athénienne en honneur de Zeus Meilichios”. Dans le méme registre, un autre détail significatif est le gitteau, dit « omphalos-cake » qui apparait sur un chous de la tombe 564 de Spina (fig, 79)*, souvent présent sur les chods attiques entre 420 et le début du 1v s. av. J.-C. Une autre scéne 54 Van Hoom 1951, p. 149, n. 674-675: il Sagit de deux petits chods ( 10 em. environ) datés autour de 425 av. JC. ), qui étaient naguére & Londres, dans fa collection du comte Spetia di Radione. Un autre chous, plus grand (27,5 cm) également provenant de Spina, passé par la méme collection anglaise figurait dans la vente Sotheby's du 13 décembre 1928: cf. Van Hoorn 1951, p. 175, n. 870, fig. 69. 55. Hamilton 1992, p. 88: « we will define « tableau » as those scenes that exhibit at least two of the distinctive items and little or nothing else but distinctive items » 56 Voici la longue liste des chods avec ce type de jouer, récensés & partir de Van Hoorn 1951 : exemplaires provenant d’Athénes: p. 64, n. 38, pl. 295, début du 1v*s. av. JC. ; p. 71, n. 98, pl. 354, 425-420 av. J-C. : p. 72, n. 100, pl. 507, vers 420 av. J.-C. ; p. 96, n. 255, pl. 213, n. 258, pl. 473, vers 420 av. J-C., n, 260, pl. 25, vers 425-420 av. JC. : p. 96, n. 261, pl. 253, vers 400 av. J-C.; p. 96, n. 262, pl. 347, début dutvs. av. JC. ; p. 99, n. 279, pl. 70, vers 425 av. JC. ; p. 141, n, 614, pl. 193, vers -C.; p. 104, n. 318, pl. 212, vers 440-430 av. J.-C. ; p. 105, n. 329, pl. 232, vers 420- 3p. 194, n, 1002, pl. 344, 1v°s. a. JC. ; p. 112, n. 377, pl. 363, vers 425-420 av. J-C. ; p. 191, n, 979, pl. 268, 420-410 ay. J. -C; exemplaires attiques ou d'autres sites de la Gréce: p. 100, n. 287, pl. 326, vers 410 av. JC. ; p. 193, n, 994, pl. 272, fin du \* sidcle av. JC. ; p. 125, n. 500, pl. 356, vers 425 av. JC. ; p. 171, n. 840, pl. 58 (=Deubner 1966, pl. 13, 1-2. Van Hoorn 1927, pl. 4,9), daté de 425 env. av. J.-C. ; p. 170, a. 831, pl. 79, vers 400 av. JC.; exemplaires provenant de colonies grecques (Cyréne, Cumes), p. 141, n. 615, pl. 80, vers 420 av. JC. :p. 164, n, 793, pl. 486, vers 425 av. J.-C. ; p. 189-190, n. 970, pl. 237, vers 420 av. JC. . 57 Aristophane, Nuages, wy. 863-864 ; Deubner 1966, p. 156. Célébrée dix jours aprés les Anthestéries, Jes Diasies voyaient probablement la participation des enfants (M. Golden, Childhood in Classical Achens, Baltimore and Londres 1990, p. 41). 58 Le mobilier de cette tombe, asser riche, comportait de la vaisselle attique & figures rouges et a vernis noir, un skyphes lucanien & figures rouges, deux fibules en argent, un petit miroir en bronze, un collier en ambre avec pendentif en or, deux dés en os, deux en pierre et six galets. Pour la liste des pices, Berti 1991, p, 27-28; sur les askoia fr. , Massei 1978, p. 32-33, n. 21-22. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. Ficures HYBRIDES DE L'IDENTITE : LE CAS DE L/ADRIATIQUE PREROMAINE 171 cortége nuptial sur des céramiques attiques a figures rouges (fig. 7)". A Spina, un {ébés nuptial provient du mobilier de la tombe 1166 de Valle Trebba, soustrait 4 des fouilleurs clandestins en 1933 (cahier photo)". Malgré la perte probable d'une partie de ses objets, le mobilier garde une remarquable cohérence, qui fait penser & un veritable ensemble de vaisselle pour le banquet, ol non seulement les formes mais aussi les sujets peints (des protomés masculines et féminines, des représentations d’éphébes et athletes) ont été systématiquement dédoublés (cahier photo)". Le Zebés montre des scenes de gynécée et dons, qui se rapportent évidemment ala préparation du mariage". Beazley a attribué ce vase & un atelier attique proche du Peintre de Meidias, un grand virtuose des scenes féminines et de gynécée; le /ébes daterait ainsi de la fin du v* siécle av. J.- C.™°, Un exemplaire pratiquement identique, réalisé par la méme main, se trouve au Musée National d’Athénes''', La distribution des /ébéres issus de cet atelier est trés significative: Beazley en a recensé neuf exemplaires, dont cing provenant d’Athénes, un d’Erétrie, un de Salamine, un de Ialysos et un, génériquement, « de la Gréce »"’. Lexemplaire de Spina serait ainsi le seul vase de cet atelier & avoir voyagé en dehors de Vespace égéen. Cette citconstance, ainsi que V'indéniable cohérence entre la fonction du vase, les images qui le décorent et le caractére du mobilier adriatique, parlent en faveur d'une précédente utilisation de cette pice dans un contexte cérémonial autre que funéraire, probablement inspiré des coucumes nuptiales grecques, G. Colonna le considére comme lune des rares traces matérielles de la présence d’individus grecs, de sexe féminin en loccurrence, dans la nécropole de Spina’. Cette supposition trouve une confirmation dans la présence, Spina, d'autres vases attiques qui ont trait & la cérémonie nuptiale. I s'agit de deux /ékanides, provenant Tune de la tombe 58 A, Pautre d’un séquestre, attribuées par Beazley & un atelier attique, le « Groupe @’ Otchét », actif au iv" sidcle av. J.-C”, 109Pour les inscriptions: D. Philios, Ephemeris Archaiologike, 1888, p. 44, |. 63, inscription d’Eleusis avec mention de Jebetes gamikoi; Corpus Inseripsionum Articorum Il, n. 720, 1. 36, et 721, Le 4: il Sagit de deux tables en marbre de I’Hymette, avec des listes établies par les trésoriers d’Athéna, datant de 320/319 et de 319/318 av, J.-C., ([lebes] gamikos). Pour les documents figurés, v amphore a figures noires de Camiros, au British Museum, avec la représentation du cortege nuptial d'Héra et de Zeus: H. B. Walters, Catalogue of the Greek and Etruscan Vases in the British Museum. Il, Black-Figured Vases, Londres 1893, p. 131, B 197, pl. V. 110Aurigemma 1960-1965, II, p. 109, 111 Aurigemma 1960-1965, Il, p. 109-110, pl. 140-141. 112H. Killet, Zur Iconognaphie der Frau auf attischen Vasen archaischer und klassischer Zeit, Berlin 1994, notamment p. 91 sq. (cortége nuptial) et p. 156 sq. (fiancailles avec dons). 113Beazley 1963", I, p. 1322, n. 18. 114 Beazley 1963*, II, p. 1322, n. 16, Athens 1681. 115 Beazley 1963*, I, p. 1322, n. 11-18. 116Colonna 1993, p. 135. 117 Beazley 1963, p. 1498, nn. 6, 8. Pour les contextes, voir aussi Aurigemma 1960-1965, 1, p. 123, I], p- 117. Une analyse ostéologique récente semblerait attribuer cette tombe 4 un défunt de sexe masculin, sans exchure néanmoins une erreur venant de la confusion des restes ou duu mobilier (A. Muggza, « I ruoli sociali a Spina », dans Berti et Harari (éd. ) 2004, p. 271-296, notamment p. 276-277. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 176 Maria Cecilia d’Ercove objets venant d'une culture étrangere soit le produit du hasard. Dans une intéressante étude consacrée au monde colonial d’Occident, Jean-Paul Morel avait dressé une typologie des différentes attitudes possibles face & la proposition d’objets étrangers dans les contextes indigénes confrontés a la colonisation grecque™. Liacceptation, le refus, la sélection, Vadaptation ou l'intégration des propositions venant de I’étranger ont été autant de réponses possibles, jamais dépourvues de signification. Ces mémes mécanismes étaient encore valables au moment de la colonisation moderne: « As is appropriate to a system of communication, the things themselves contain a great deal of coded information, pertaining to the attitude of the giver and beliefs about the recipients (...) and carrying implications about expected reciprocal behaviour. (...) Exchange is also a social act, connecting individuals, expressing and redefining status relationships »", Ces incursions dans I’époque moderne nous aident & poser sous un jour différent la question de l'appartenance ethnique des individus ensevelis 4 Spina, notamment ceux qui affichent, par leurs mobiliers, des marques d’adh & des rituels grecs. A l'heure actuelle, ni la topographic éventuelle des sépultures, ni les pratiques d’ensevelissement ne permettent d’isoler les différentes communautés présentes dans ces nécropoles adriatiques. La encore, une précision méthodologique s'impose. II ne s'agit guére de remettre a lhonneur Videntification conceptuellement mal fondée entre appartenance ethnique et types de sépultures. Mais, dans le cas des sociétés adriatiques, l'attachement aux pratiques funéraires régionales persiste, au fil des sitcles, avec une impressionnante continuité. Ainsi, depuis la protohistoire jusqu’a la conquéte romaine, la crémation des restes a été la forme exclusive drensevelissement chez les Vénétes!. Depuis l’ige du Fer jusqu’a la conquéte celte, les Picéniens ont pratiqué l'inhumation, d’abord rectoquevillée, ensuite sur le dos. Face au conservatisme de ces pratiques, la variété des coutumes de Spina ne peut que renvoyer & la composition hétérogéne de la société des vivants. Un cas particuligrement macroscopique est la tombe 485 de Valle Trebba, lune des plus anciennes de la nécropole adriatique, datée de la fin du vi ou du tout début du v*siécle av. J.-C.'*. Les cendres étaient déposées dans une urne en marbre importé de la Gréce de I’Est, dont la typologie est bien attestée en milieu égéen (Rhodes, Egine, Samos, Chypre, Athénes) aux vi‘ et v* sidcles av. J.-C."™, Le mobilier, qui comportait de la céramique attique a figures noires de la fin du vit- tour début du v* 150J.-P. Morel, « De la Basilicate au Languedoc et & Carthage. Propositions grecques et choix des autochtones », Sur les pas des Grecs en Occident, Etudes Massalittes 4, 1995, p. 419-425. 151Rotschild 2006, p. 88-89. 152Loredana Calzavara Capuis, « Un rituale funeratio paleoveneto: analisi e proposte di interpreta- ione socio-economica ¢ culturale », in Studi di paleenologia in onore di Salvatore M. Puglisi, Rome 1985; Loredana Capuis, « Per una archeologia della morte nel mondo paleoveneto: limiti e pros- pettive di ricerca », in Aquileia Nostra LVI, 1986, cc. 83-85 153Pour la chronologie, Berti, 1993, p. 35, Torelli, 1993, p. 65.. 154Ces sarcophages ont probablement écé d’abord sculptés a Paros ou dans une autre ile des Cyclades, pour étre imités au ¥* siécle en pierre locale aussi & Carthage et en Sicile: voir & ce sujet Sassatelli 1977, p. 114-115. Un sarcophage du méme type se trouve aussi dans la plus ancienne phase de la nécropole de 'Esquilin : A. M. Colini, dans Roma medio-repubblicana. Aspetti culeurali di Roma e del Lazio nei secoli IV ¢ II] a. C, catalogue de l'exposition Rome 1973, Rome 19772, pp. 196-197, n. 281. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 182 Trad MALKIN Sile réseau grec de Sicile possédait, a l’époque archaique, ce caractére décentralisé, cest qu'il était constitug, des Vorigine, de cités indépendantes. Thouklés, qui fut peut-étre le premier a fonder une cité en Sicile, avait en effet tenté de créer un modeste empire colonial (Naxos en premier, puis Léontinoi et Catane), mais ses efforts tournérent court. En réaction a ses menées, Catane rejeta le modéle impérial auquel aspirait Thouklés et se choisit un fondateur indépendant. Léontinoi devait suivre peu apres’. La question que je me propose d’examiner est de savoir en quoi le réseau des colonies grecquesde Sicilepeurécreanalysécommeunnouveaumodeéled identitécollective « grecque », que l'on peut qualifier de « positive ». Sous I’influence de Fredrik Barth’, en effet, on a eu trop tendance & appréhender le phénoméne ethnique & travers la seule notion de « frontiéres » antithétiques, tandis que l'on rejetait au second plan les pratiques positives, délibérées, dont le but expres. était précisément de construire une identité collective regroupant plusieurs groupes humains au sein du monde grec. exemple du réseau sikelidte permet, d’aprés moi, de rééquilibrer lapproche. Lautel Durant les guerres civiles romaines, quelque sept sitcles aprés la premitre installation grecque en Sicile, Octave arrive sur la céte est de Sicile, oit sa Aotte a mouillé a proximiré du sanctuaire de l'Archégéte. Notre source, Appien, nous apprend, a cette occasion, que le sanctuaire renfermait une petite statue d’Apollon Archégete, qui avait été érigée par les fondateurs de Naxos®. II fait ici référence 4 Thouklés et aux Chalcidiens, arrivés en Sicile en 734 av. J.-C. pour y fonder la premiére colonie grecque. Voici ce que rapporte Thucydide a ce propos : * Exdiwov be nparor Xaamsices EdPoiacrievoaviecuerd@ouxdovsoixisted — Ndgovéxroav xai “AndAhovos ‘Apznyérov Bondy, dong viv Ew rig nodetig Eot, iSpvoavro, 6° d, Stav ex Euxehias Pempoi zréoar.xpdrovOvovaty. Les premiers Grees qui arriverent en Sicile furent des Chaleidiens de |'Eubée, conduits par Thoukles. Ils fonderent Naxos et éleverent Uautel d ‘Apollon Archégete, qui se trouve actuellement en dehors de la ville et oit les théébres, partant de Sicile, au moment d'embarquer, offrent les premiers sacrifices. Parmi les Grecs, ce furent des Chaleidiens d’Eubée qui y vinrent les premiers. Avec Thoucles pour guide officiel, ils fondérent Naxos et érigerent, en l'honneur d'Apollon Archégétds, un autel — maintenant hors de la ville — sur lequel les théores, quand ils quittent la Sicile, offrent d'abord un sacrifice {trad. J. de Romilly, CUF]. Laurel n’ayant jamais été retrouvé par les archéologues, Carla Antonaccio et Jonathan Hall ont émis des doures concernant non seulement son antiquité, mais son existence méme*. Cependant, il s'agit 1a d'un argument ex silentio. Le site de Naxos, aujourd’hui Giardini Thucydide 6, 4, 1. Barth1969. Appien, Guerre Civile, 5.109. Thucydide VI, 3, 1. Hall 2002, p. 122; Antonaccio, 2001 pp. 134 et n. 121. eae a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. ETHNICITE ET COLONISATION LE RESEAU D'IDENTITE GRECQUE EN SICILE 187 un « hub» (un « répartiteur » ou « concentratcur »), un « hub» proprement sikelidre, du web, de la Toile grecque. Le particularisme régional se retrouve également dans la culture matérielle. Mertens, par exemple, parle d’architecture typiquement composite, que Yon ne peut faire remonter, en oi, la tradition d’aucune métropole particulizre’”. Dansle méme esprit, Gillian Shepherd a souligné, dans son étude sur les pratiques funéraires des cités coloniales, que ces dernigres présentent plus de similitude entre elles qu’avec leurs mécropoles respectives. Ainsi, aussi bien au niveau rituel ou conceptuel, que dans leur culture matérielle, les Sikelidtes constituent une entité particuliére, se distinguant par ses traits propres. A ces constatations, Jonathan Hall a toutefois émis une objection: « Vobjection peut- are la plus parlante», écritil, « a Pidée du développement préoce d’une conscience hellénique en Sicile est que cette dernitre ne semble pas avoir constitué ultérieurement un niveau d’identification particulitrement levé » ; « ce potentiel ne fut pas exploité. » Le terme de « Sikelidtes » n'est, pour Hall, qu’« un appellatif régional ne se fondant sur aucune ascendance commune, mais sur le fait qu'il s'agit de voisins, établis sur une méme ile ». Mais que faut-il entendre par « exploité » (« capitalized upon ») ? Pourquoi lidenticé des Sikelidtes devrai-elle reposer avant tout sur une définition généalogique ou politique? On touche [a précisément au cocur de mon argument : certes, le terme de Sikeliétes a une connotation régionale et, certes, Hall a raison d’affirmer qu'il ne se fonde pas sur une ascendance commune, mais sur le voisinage. Mais c'est justement li que réside la nouveauté. Si on laisse de c6té le modele « arboriste » de la généalogie, si cher 4 Hall, comme mode de définition de Vethnicité grecque® ; si, au contraire, on appréhende la Sicile greeque en termes de réseau fondé sur des rituels sikelidtes, alors, on peut échapper au pitge qui consiste a ne définir Vethnicité que par la seule ascendance, selon un modéle qui savére impropre a rendre compte de la nouvelle situation coloniale. Une fois qu'il a posé en principe que la généalogie constitue le mode de définition par excellence de toute identité ethnique, Jonathan Hall est conduit, face & une identité collective grecque apparaissant fondée non pas sur une ascendance commune, mais sur une communauté régionale ou rituelle, & en nier purement et simplement la réalité, au prétexte quielle n'est justement pas fondée sur une ascendance. Un tel raisonnement est trés clairement circulaire. I convient done de concevoir les Sikelidtes comme un réseau de cités grecques de Sicile, dont le dénominateur commun est le cadre régional. I faut cependant prendre garde au fait que, dans un premier temps, lidentité grecque constituait un critére exclusif d’adhésion au réseau sikelidte : ce réseau était constitué de cités grecques, considérées dans leurs relations entre elles; de cités grecques, par contraste avec les Sikeles, Sicanes, Elymes et Phéniciens, et enfin, de cités grecques, par rapport & Delphes ou Olympic. C’érait [a avant tour question de pratique, et non d’idéologie. Certes, une fois constituée, cette identité régionale put etre récupérée ultéricurement dans des stratégies rhétoriques idéologiquement orientées. Au départ, cependant, le réseau des Sikelidtes se connectait au reste du monde grec, mais tout en opérant par la méme une redéfinition de ce monde, ne serait-ce que par le fait que le 27 Mertens 1996. 28 Hall 2002 pp. 122-123. 29° Malkin 2001b pp. 9-12. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 194 Michel Bars Le cratére Symbole des manigres de boire et dela sociabilié& la grecque, le service & boire comprend tune panoplie codifiée: amphore pour le vin et hydrie pour l'eau, cratére pour les mélanger, cenochoé pour verser, coupes pour boire. Dans le bien boire a la grecque, en principe, le vin ne se consomme jamais pur: il doit étre coupé d’eau en proportion variable qui déterminera la force du breuvage. Le cratére est donc le vase central du banquet grec. Tel semble bien atre le cas & Marseille oit le cratére est aux vif et vs, largement présent dans toutes ses déclinaisons: corinthien, grec oriental, laconien, attique et majoritairement en céramique locale (a pite claire massaliéte et grise monochrome) (fig, 88). Et encore au 1V*s., oit il est essentiellement attique (cratéres en cloche). Puis ce marqueur devient évanescent, comme ailleurs dans le monde grec y compris & Athénes, suggérant un changement dans les maniéres de boire (chacun fait son propre mélange dans son vase a boire). Dans le monde indigéne, l'image de la consommation du vin est plutét complexe. A cété des amphores de transport, les amphores de table sont absentes. Les indigenes adoptent es eenochoés etles coupes a boire, qui sontles deux formes des céramiques étrangéres (attiques, massaliétes, étrusques, campaniennes) les plus présentes du Vif au IIIs. Au VI s., le crarére est quasiment absent, sauf dans quelques tombes et sur les grands sites les plus précoces a proximité de Marseille (Saint-Blaise, les Baou de Saint-Marcel, Martigues-St- Pierre). Au V* s. le cratére attique est absent en dehors de Marseille, mais connait quelques rares copies en céramique tournée a pate claire peinte issue d’atelicrs implantés en milieu indigene du bas Rhone. Au 1V" s,, les cratéres attiques en cloche sont largement présents sur certains habitats d’interface (Lattes, Ensérune) et un seul exemplaire en céramique a pate claire hérauleaise est connu dans une tombe d'Ensérune (fig. 89-90). De la soif celtique en Gaule méridionale, M. Dietler (1992, 1998, 2002), aprés une analyse du réle de Palcool dans les communautés tribales, a proposé une explication qui me parait aujourd'hui fa plus satisfaisante: « le vin aurait été considéré comme un jalon supplémentaire de l’hospitalité garance de prestige ct de main d'ceuvre lors des travail-festins ; il devait éere plus intéressant que les boissons de grains indigénes parce que son entreposage et son transport étaient beaucoup plus faciles, parce qu'il ne demandait pas de production directe et peurétre aussi en raison de ses effers psychoactifs accrus », puisque les Celtes sont réputés pour boire le vin pur. Lacceptation du vin comme objet d’échange s'accompagne de celle des coupes pour le boire, mais l'ensemble se trouve transposé dans un contexte social Eventuellement le travail-festin — bien différent du cadre du symposion aristocratique ou rituel oit le mélange est destiné & atténuer la rapidité de V'aspect psychotrope de Valco! pour prolonger des partages et des échanges. II est possible cependant que le cratére soit vu comme le vase-type marqueur de Autre grec dans la consommation du vin. Il peut alors prendre au sein du groupe indigne une idencité exotique, — soit de différenciation ostentatoire, élitiste de la part de « grands hommes », « chefs », «leaders », ainés de lignages ou autres personnalicés culcurellement aptes 4 accumuler de Finfluence politique, — soit de type commensal, pour honorer |’héte au cours de partage entre groupes sociaux de culture différente, par exemple pour les partenaires directs (d’oit eur présence récurrente dans les habitats des Baou de St-Marcel, de Martigues ou de Lattes). a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. a You have either reached 2 page thts unevalale fer vowing or reached your ievina tit for his book. 206 Annette PEIGNARD-GiROS « paiennes » comme Marissa ou Prolémais-Aco entrent relativement t6t dans les circuits déchange hellénistiques (la consommation de vin n'y est pas restreinte pas le respect de la {oi juive), alors que Jérusalem n'importe des quancités d'amphores rhodiennes qu’a l'exeréme fin du i‘, et surtout aprés la conquéte séleucide, dans une phase d's hellénisation », Ces importations atteignent un pic entre 215 et 200, entre Raphia et Panion, et disparaissent a Jérusalem aprés 145 au moment od la domination hasmonéenne s'accompagne d'un renouveau du respect des lois de pureté. I convient donc toujours, dans Pétude des exemples que l'on utilise pour écudier hellénisation et romanisation, de définir ot et en quoi la céramique est un critere dobservation utilisable: lorqurelle est lige & des modes alimentaires particuliers; lorsquelle refltte Vinfluence d'autres modéles stylistiques et éventucllement suscite des imitations et adoption de types jusqu’alors inconnus, qui accompagnent (ou non) un changement de mode de vie ou de nourriture. Et enfin, dans quelle mesure ces phénoménes donnent- ils naissance & une « koin® céramique », et quelles en sont les limites, chronologiques et géographiques? Il faut d’emblée établir une distinction entre deux catégories de matériel céramique: les amphores, et la vaisselle (au sens large du terme, sil’on y inclur les lampes et les conteneurs de parfums, comme les unguentaria). La présence, hors du monde grec, d’amphores rhodiennes ou cnidiennes, témoigne avant tout de l'importation de leur contenu, Elles font parfois Vobjet de réemplois, comme conteneur pour l'eau potable par exemple, et leur durée de vie en est augmentée, et leur usage modifié. Dans le cas des villes de Palestine, signalé plus haut, elles constituent néanmoins un témoignage évident d'une hellénisation des pratiques alimentaires, par la consommation de vin grec. En revanche, l'importation, puis limitation, de formes de vaisselle grecques ne s'accompagne pas nécessairement, sauf dans certains cas", d'une modification des habitudes alimentaires. Dans le domaine de la vaisselle, le début de I’hellénisation est marqué par l'adoption de nouvelles formes, sous influence de prototypes attiques & vernis noir. La question complexe de la diffusion de la céramique attique & vernis noir & été reprise récemment par F. Blondé”, qui souligne les limites de l'enquéte possible: manque de précision dans l’identification des argiles, absence de quantification et/ou de datation précises. Limage la plus courante est « celle d'une nette préférence pour des produits attiques, sans interruption et sans limitations dans le répertoire des formes, jusque dans la premitre moitié du 1 s. »!" Ensuite, des ateliers locaux prendraient le relais, comme c'est le cas en Macédoine ou & Chypre. Mais les identifications ne sont pas toujours certaines, et lorsquion regarde le matériel avec attention, les véricables importations attiques ne sont pas si fréquentes. Méme dans des centres ot Yon siattendrait & les trouver en nombre, ils sont plus rares que prévu, comme a Alexandrie par 16 C'est le cas, par exemple, des plats 3 cuire du type des patinae italiques, qui sont liés & la consom- mation de pains ou de galettes. M. Bats lie la forme de ces plats 3 une utilisation pour la cuisson au four, notamment pour la confection de pain ou de galettes. Cf. Bats, 1988, p. 69. 17 Blondé, 2001, p. 37-40. 18 Blondé, 2001, p. 37.

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