Professional Documents
Culture Documents
Cali-Grafias. La Ciudad Literaria - Cali-Graphies. La Cité Littéraire. Edicion Bilingue.
Cali-Grafias. La Ciudad Literaria - Cali-Graphies. La Cité Littéraire. Edicion Bilingue.
Fabio Martínez
Hernando Urriago Benítez
Cali - grafías
Cali-graphies
La ciudad literaria
Antología bilingüe
2
Cali – grafías
Cali -graphies
La ciudad literaria
Universidad del Valle, Programa Editorial
VERICUETOS . Paris
3
Cali – grafías
Cali -graphies
La ciudad literaria
Comité de redacción:
Traductores:
4
Índice
Editorial
Prólogo
Poesía
1. Isaías Gamboa : « El Valle » (Fragmento) ; « La vallée »
(Fragment).
2. Mario Carvajal : « La escala de Jacob » ; « L’echelle de Jacob ».
3. Antonio Llanos : « Alabanza de la luz » ; « Eloge de la lumière »
/ « Retorno a la poesía » ; « Retour à la poésie ».
4. Octavio Gamboa : « El paisaje » ; « Le paysage ».
5. Hugo Salazar Valdés : « La negra María Teresa » ; « La noire
Maria Teresa ».
6. Enrique Buenaventura : « Manual de Lucha Antifascista » ;
« Manuel de Lutte Antifascite »/ « Olvido » ; « Oubli ».
7. Marco Fidel Chávez : « Anti-Réquiem para Marilyn Monroe » ;
« Anti-Requiem pour Marilyn Monroe ».
8. Jota Mario Arbeláez : « La mano peluda » ; « La main velue »/
« La lectura en tinieblas » ; « Lecture dans les ténèbres ».
9. Cecilia Balcázar de Bucher : « En el paseo Bolívar » ; « Sur la
promenade Bolivar ».
10. Gerardo Rivera : « Para mí no has ardido lo bastante » ; « Pour
moi tu n’as pas suffisammente brûlée ».
11. Jaime García Maffla : « La voz » ; « La voix »/ « La
despojada » ; « La dépouillée ».
5
12. Gabriel Ruíz : Ciudad ebria ». « Une ville en ivresse ».
13. Raúl Henao : « Sol negro » ; « Soleil noir »/ « Náufrago de
sol » ; « Naufragé du soleil ».
14. Antonio Zibara : « Visitante » ; « Visiteur »/ « Revelación » ;
« Révelation ».
15. Jesús Antonio Arbeláez (Jan Arb) : « Hotel Europa » ; « Hôtel
Europe ».
16. Tomás Quintero : « Allí comenzó el Vallano » ; «Là commença
el Vallano ».
17. Álvaro Burgos Palacios : « Sonata para cuando desaparezcas » ;
« Sonate pour quand tu disparaitras ».
18. Rodrigo Escobar Holguín : « Riberas del Pance » ; « Bords du
Pance ».
19. Aloz Rojas (Álvaro Lozano Rojas) : « Las muchachas de la calle
de Ana » ; « Les filles de la maison d’Ana ».
20. Harold Alvarado Tenorio : « Un muchacho en medio del siglo » ;
« Un jeune homme au milieu du siècle »/ « El ultraje de los
años » ; « L’outrage des ans ».
21. Carlos Vásquez Zawadski : « Sol partido en la naranja » ;
« Soleil divisé dans l’orange ».
22. Aníbal Arias : « Hola soledad » ; « Bonjour solitude »/
« Hijueputas malparidos » ; « Fils de putes ».
23. Carmiña Navia : « Por la Avenida Sexta » ; « Sixième Avenue ».
24. Laureano Alba : « En la remota acera de un barrio » ; « Sur un
trottoir lointain, dans un quartier ».
6
25. Armando Barona : « Dejadlo que pase » ; « Laisser-le passer ».
26. Horacio Benavides : « La noche de Aladino » ; « La nuit
d’Aladin »/ « Yo que iba para la fiesta » ; « Moi qui allais à la
fête ».
27. Ómar Ortiz : « La luna en el espejo » ; « la lune dans le miroir »/
« Muchacha » ; « Jeune fille ».
28. Fabio Arias (Farías) : « Una lágrima edificó la lluvia » ; « Une
larme bâtit la pluie ».
29. Amparo Romero : « Este presente no nos basta » ; « Le présent
ne nous suffit pas ».
30. William Ospina : « Lo que dice una mujer vieja en un puerto del
Pacífico » ; « Ce que dit une vieille femme dans un port du
Pacifique ».
31. Julián Malatesta : « Lecciones de nodriza » ; « Leçons de
nounou »/ «Memoria » ; « Souvenir ».
32. Orietta Lozano : « Alteración » ; « Altération »/ « Prosa del
pequeño oleaje » ; « Prose de la petite houle ».
33. Humberto Jarrín : « Agua » ; « Eau ».
34. Carlos Fajardo : « Sebastián, el Extremeño 1507 » ; « Sébastien,
l’habitant d’Estrémadure 1507 »/ « Calle de la Escopeta » ; « Rue
du Fusil de chasse ».
35. Ángela Tello : « Conversaciones con la bestia » ; « Conversations
avec la bête ».
36. Fernando Calero de la Pava : « La ciudad » ; « La cité »/ « Amor
imposible » ; « Amour impossible ».
7
37. Fabio Ibarra Valdivia : « No descansa la ciudad » ; « La ville ne
se repose pas ».
38. Elvira Alejandra Quintero : « Una ciudad » ; « Una ville »/
« Mítin en la plaza de San Francisco » ; « Meeting sur la place de
San Francisco ».
39. José Zuleta : « En el andén de la Galería Alameda » ; « Dans le
promenoir de la Galerie Alameda ».
40. Carlos Patiño Millán : « El oscuro, oscuro pasado » ; « L’obscur,
obscur passé »/ « El mal que dura cien años y él que lo resiste » ;
« Le mal qui dure cent ans et celui qui y résiste ».
41. Norman Muñoz Vargas : « El mercado » ; « Le marché ».
42. Diego Rodrigo Echeverri : « Figura de muchacho con
revólver » ; « Silhouette de garçon au revolver ».
43. Elizabeth Marín : « Ciudad » ; « Ville ».
Narrativa
8
1. Jorge Isaacs: “María” (Fragmento); “María” (Fragment).
9
Tronquée” (La bombe mon pote).
14. Hernán Toro : « Desencuentros » ; « Désaccords ».
15.Marco Tulio Aguilera Garramuño: “Los placeres perdidos”
(Fragmento); “Les plaisirs perdus” (Fragment).
16. Germán Cuervo : « Fiesta en Santa Rita » (Fragmento) ; « Une
fête à Santa Rita » (Fragment).
17. Eduardo Delgado Ortiz : « Parecía un galán de cine, era
Moreira » ; « Il avait l’air d’un jeune premier, c’etait Moreira ».
18. Andrés Caicedo : « Vacío » (Calicalabozo) ; « Vide »
(Calicachot).
10
27. Philip Potdevin : « Periplo » ; « Périple ».
28. Óscar Osorio : « El cronista y el espejo » ; « Le chroniqueur et le
miroir ».
29. Hoover Delgado : « Cambio de rollo » ; « Changement de
bobine ».
30. Alejandro López Cáceres : « El autobús » ; « L’autobus ».
31.Pilar Quintana: “Fiesta de viernes por la noche” (Cosquillas en la
lengua); “Fiévre du jeudi soir” (Démangeaisons de langue).
32. Óscar Perdomo Gamboa : « Hacia la aurora » (Fragmento) ;
« Vers l’aurore » (Fragment).
33. Ángela Rengifo: “El anillo”; “La bague”.
Los autores
Bibliografía
11
12
« Le chemin est un peu scabreux
quoiqu’il paraisse assez beau »
Voltaire
13
14
EDITORIAL
15
ÉDITORIAL
16
Prólogo
17
Prologue
18
Poco a poco, la lengua castellana fue desplazando a las lenguas vernáculas
hasta convertirse en la lengua de un pueblo, de un país y de un continente.
Además, el proceso profundo de mestizaje, que fue particularmente intenso y
extenso en la región, ayudó no sólo a la formación multiétnica sino que
contribuyó a propagar y fortalecer la lengua castellana.
En este sentido, los primeros caleños que tuvieron acceso a la lengua castellana
fueron los hijos de los españoles nacidos en el valle, que por su pertenencia a
una clase privilegiada, pudieron asistir a las instituciones académicas fundadas
por los religiosos. Entre otras cosas, los criollos, debido a su formación
ilustrada y a los viajes, fueron los que en el siglo XIX lideraron el proceso de
Independencia frente a España. Los mestizos, dada su condición de hijos de
españoles, también se favorecieron en este proceso de apropiación de la lengua.
Por el contrario, los indios, los negros y los zambos tuvieron grandes
dificultades en este complejo proceso, y aunque fueron discriminados social y
culturalmente, sólo a partir de la segunda mitad del siglo XIX pudieron asistir a
las primeras escuelas públicas creadas por los gobiernos liberales. No obstante,
este proceso complejo de apropiación de una lengua extranjera dio como
resultado el surgimiento de una literatura en la ciudad y en el país.
Por supuesto, antes del siglo XIX hubo manifestaciones escritas; sobre todo por
parte de los criollos, quienes tuvieron acceso a la academia y lideraron
importantes proyectos científicos y políticos. Aquí es necesario destacar la
labor de personalidades del gran Cauca que en su tiempo fueron protagonistas
nacionales: el científico payanés Francisco José de Caldas y el político caucano
Camilo Torres, que descollaron en la Expedición Botánica y en los
acontecimientos de 1810, respectivamente.
19
Peu à peu, le castillan évinça les langues locales jusqu'à devenir la langue d'un
village, d'un pays puis d'un continent. De plus, le profond processus de
métissage qui fut particulièrement intense et étendu dans la région aida non
seulement la diversidad cultural mais contribua aussi à propager et à fortifier la
langue castillane.
Avec l'arrivée de Belalcázar commencèrent à proliférer dans la vallée les
Créoles, enfants d’Espagnols nés sur la terre américaine, les métis issus du
croisement d’un Espagnol et d’un Indigène, les mulâtres issus d’un Espagnol et
d’un Noir et les « zambos » nés d’un Noir et d’un Indigène. Et ce sans évoquer
la large gamme chromatique qui s'étendait depuis les albinos et les
« moriscos », en passant par les « galfarros », les « jivaros », les roux, les
« cambujo », les « salta atras » et les quarterons.
Toujours est-il que tout cet amalgame de races, d’ethnies et de coutumes
s’unifia autour du castillan, d’abord par la force des institutions ecclésiastiques
puis par la puissance des institutions de la vice-royauté.
Les premiers Caleños qui eurent accès au castillan furent donc les enfants
d’Espagnols nés dans la vallée qui, grâce à leur appartenance à une classe
privilégiée, pouvaient être admis dans les institutions académiques fondées par
les religieux. Grâce à leur formation et leurs voyages, les Créoles furent au
XIXe siècle à la tête du processus d'Indépendance face à l'Espagne. Les métis,
étant données leurs origines espagnoles, furent aussi favorisés dans ce
processus d'appropriation de la langue. En revanche, les Indiens, les Noirs et
les « zambos » eurent de grandes difficultés et bien qu'ils fussent discriminés
socialement et culturellement, ce n’est qu’à partir de la deuxième moitié du
XIXe siècle qu’ils fréquentèrent les premières écoles publiques créées par les
gouvernements libéraux. Cependant, ce processus complexe d'appropriation
d'une langue étrangère eut pour conséquence le surgissement d'une littérature.
En effet, il y avait eu avant le XIXe siècle des manifestations écrites, surtout de
la part des Créoles qui avaient accès à l'éducation et étaient à la tête de projets
scientifiques et politiques importants. Il est nécessaire de souligner ici le travail
de personnalités du grand Cauca qui furent de leur temps des protagonistes
nationaux : l'homme de science payanais Francisco José de Caldas et le
politique caucan Camilo Torres qui se distinguèrent respectivement dans
l'Expédition Botanique et dans les événements de 1810.
20
En el campo de las letras, es necesario destacar durante la segunda mitad del
siglo XIX el trabajo de los bugueños Luciano Rivera y Garrido y Leonardo
Tascón, quienes a través de sus crónicas -publicadas en los diarios de la época-
describieron por primera vez el paisaje y las costumbres del hombre
vallecaucano.
Sin embargo, nuestra literatura propiamente dicha comienza con dos hombres
mestizos que tuvieron una formación académica sólida: Jorge Isaacs y
Eustaquio Palacios. Jorge Isaacs cursó sus primeros estudios en Popayán, y
luego ingresó al colegio Lorenzo María Lleras de Santa Fe de Bogotá.
Eustaquio Palacios, por su parte, adelantó sus primeros estudios en el Convento
de los Franciscanos de Cali y después hizo estudios de Derecho en Popayán. El
primero quería estudiar medicina en Londres, pero la quiebra de las haciendas
del Valle del Cauca dio al traste con este ideal; el segundo logró doctorarse en
Derecho. Jorge Isaacs escribió María, la primera novela romántica de América,
mientras que Eustaquio Palacios escribió El alférez Real.
Si bien ambas obras describen el paisaje de la hacienda vallecaucana, sus
páginas marcan el comienzo de la ficción literaria en la ciudad. Luego, en el
tránsito finisecular entre los siglos XIX y XX, vendrá la obra poética y
narrativa de Isaías Gamboa, quien pasará a la historia de la literatura de Cali
con su novela La tierra nativa.
Estas tres primeras obras de la literatura caleña son el resultado de apropiación
de una lengua por parte de las nuevas élites ilustradas del país, y comportan dos
rasgos en común que las une entre sí: primero, describen el paisaje de la región;
segundo, son el producto de una pequeña ciudad aislada geográfica y
culturalmente del país y del mundo.
Ante el auge del café y la posibilidad de tener una salida al mar para las
exportaciones, en la segunda década del siglo XX se termina el tramo del
Ferrocarril del Pacífico.
Los rieles del ferrocarril por donde comienzan a transportarse cientos de bultos
de café, vienen desde La Felisa, Caldas, pasan por Cali y arriban al puerto de
Buenaventura hacia el exterior. Este flujo de mercancías va a desarrollar la
ciudad, y entonces Cali pasará de ser el pequeño villorrio de treinta mil
habitantes que viviera Jorge Isaacs, a convertirse en una incipiente urbe de
setenta mil habitantes, abarrotada de comerciantes paisas que decidieron
instalarse en la ciudad para administrar desde allí las exportaciones que salían
al mundo. Aun así, Cali seguía siendo una pequeña villa de carácter agrícola y
artesanal, donde aún no se perfilaban signos de industrialización. Este periodo
dio como poetas a Antonio Llanos y Mario Carvajal, quienes absortos por la
21
Dans le domaine de la littérature, il est nécessaire de pointer le travail, durant la
deuxième moitié du XIXe siècle, des Bugueños Luciano Rivera, Garrido et
Leonardo Tascón qui à travers leurs chroniques – publiées dans les journaux de
l'époque – décrivaient pour la première fois le paysage et les coutumes de
l'homme vallecaucano.
Cependant, notre littérature à proprement parler débuta avec deux métis de
formation académique solide : Jorge Isaacs et Eustaquio Palacios. Jorge Isaacs
suivit ses premières études à Popayán et entra tout de suite au collège Lorenzo
María Lleras de Santa Fe de Bogotá, capitale de la Colombie. Eustaquio
Palacios étudia dans le Couvent des Franciscains de Cali puis fit des études de
Droit à Popayán. Le premier voulait étudier la médecine à Londres mais ses
aspirations échouèrent avec la faillite des fermes de la Vallée du Cauca ; le
deuxième réussit à être reçu docteur en Droit. Jorge Isaacs écrivit María, le
premier roman romantique d'Amérique, alors qu'Eustaquio Palacios écrivit El
Alférez Real.
Bien que les deux œuvres décrivent le paysage de la ferme vallecaucana, leurs
pages marquent le début de la fiction littéraire urbaine. Viendra ensuite, à la fin
du XIXe siècle, l'oeuvre poétique et narrative d'Isaías Gamboa qui passera à
l'histoire de la littérature de Cali avec son roman La tierra nativa.
Ces trois premières oeuvres de la littérature caleña sont le résultat de
l'appropriation de la langue par les nouvelles élites cultivées du pays et
présentent deux traits qui les unissent : elles décrivent le paysage de la région et
sont le produit d'une petite ville isolée géographiquement et culturellement du
pays et du monde.
Avec l'essor de la culture du café et la perspective d’un accès à la mer pour les
exportations, le tronçon du Chemin de fer du Pacifique s’achève dans la
deuxième décennie du XXe siècle.
Les rails du chemin de fer qui commencent à transporter des centaines de
ballots de café proviennent de La Felisa, département de Caldas, passent par
Cali et arrivent au port de Buenaventura ouvert vers l'extérieur. Ce flux de
marchandises développe la ville et le Cali de l'époque cesse d'être le petit
hameau de trente mille habitants où Jorge Isaacs vivait et se convertit en une
jeune cité de soixante-dix mille habitants bourrée de commerçants paisas qui
décidèrent de s'installer dans la ville pour administrer les exportations
desservant le monde. Malgré tout, Cali continue d'être une petite ville agricole
et artisanale où les premiers signes d'industrialisation ne se font toujours pas
sentir. Cette période produisit les poètes Antonio Llanos et Mario Carvajal qui,
absorbés par la
22
belleza del paisaje y ensimismados por la religión católica, continuaron
cantándole a su terruño y haciendo odas espirituales que contrastaban con los
vientos nuevos de la poesía colombiana que se anunciaban en poetas como
Porfirio Barba Jacob, Luis Vidales y Aurelio Arturo.
Es a partir de finales de los años 30 que en la ciudad empezará un proceso de
industrialización que tiene su punto más alto en la década del sesenta. La
primera empresa creada en la ciudad es la industria de textiles La Garantía. A
partir de allí se instalarán en el barrio San Nicolás las primeras industrias de
calzado, pinturas y alimentos; más tarde, en la zona de Yumbo, habrá las
industrias de cemento, de llantas y de productos farmacéuticos.
Durante este periodo, pese al desarrollo económico que se vislumbra, Cali
sigue arrastrando en su seno los dos lastres que la marcaron desde la época de
la Colonia: su espíritu provinciano y su aislamiento neocultural que no le
permitieron estar a la vanguardia de los principales movimientos culturales del
país. Así, mientras que en ciudades como Bogotá existía una gran agitación
literaria heredada del grupo El Mosaico y del poeta José Asunción Silva; o en
Medellín se creaba el movimiento de los Panidas alrededor de la figura de León
de Greiff, Cali languidecía con su poesía bucólica y religiosa, propia del siglo
XIX.
Es a partir de los años sesenta que podemos hablar con certeza de una literatura
caleña. Ante la ebullición de una ciudad que crece a pasos de gigante, los
poetas y los narradores comienzan a metaforizar la ciudad y a simbolizarla a
través de sus escritos.
Como muchas villas de provincia del continente, Cali hace parte de aquel auge
que viven las ciudades latinoamericanas. La ciudad hierve económica y
culturalmente; de Estados Unidos llegan los vientos del movimiento hippie y
del rock; de Francia vienen las ideas de Sartre, el psicoanálisis, la semiología y
el cine; desde Cuba se escuchan los vientos de la revolución y la música afro-
antillana. Finalmente, de España y Argentina llega la literatura del boom
latinoamericano. En este marco, Cali deja de ser muy pronto la arcadia
colonial, y se convierte en una ciudad pujante y vibrante donde la música y las
nuevas ideas señalan el sendero hacia la utopía.
23
beauté du paysage et plongés dans la religion catholique, continuèrent de
chanter leur terroir et de composer des odes spirituelles contrastant avec les
vents nouveaux de la poésie colombienne qui se profilaient chez des poètes
comme Porfirio Barba Jacob, Luis Vidales et Aurelio Arturo.
Ce fut vers la fin des années trente que débuta le processus d'industrialisation
dont l’apogée se situa dans la décennie des années soixante. La première
entreprise créée dans la ville fut l’usine de textile La Garantia. À partir de ce
moment, s’installèrent dans le quartier Saint-Nicolas les premières fabriques de
chaussures, de peintures et d'aliments ; plus tard, se mirent en place dans la
zone de Yumbo des industries de ciment, de pneus et de produits
pharmaceutiques.
Pendant cette période et malgré un développement économique perceptible,
Cali continue de traîner en son sein les deux boulets qui l'ont marquée depuis
l'époque coloniale : son esprit provincial et son isolement néo-culturel ne lui
permettent pas d'être à l'avant-garde des principaux mouvements culturels du
pays. Ainsi, alors qu’à Bogotá existe une grande agitation littéraire héritée du
groupe La Mosaïque et du poète José Asunción Silva, ou qu’à Medellín se crée
le mouvement des Panidas autour de la figure de León de Greiff, Cali languit
avec sa poésie bucolique et religieuse propre au XIXe siècle.
C'est dans les années soixante que nous pouvons parler avec certitude d'une
littérature caleña. Face à l'ébullition d'une ville qui croît à pas de géant, les
poètes et les narrateurs commencent à métaphoriser la ville et à la symboliser à
travers leurs écrits.
Comme beaucoup de villes de province et du continent, Cali prend part à
l’essor que les villes latino-américaines connaissent. La ville bout
économiquement et culturellement ; des États-Unis surgissent le mouvement
hippie, le rock, et de la France, les idées de Sartre, la psychanalyse, la
sémiologie et le cinéma ; depuis Cuba souffle le vent de la révolution et
résonne la musique afro-antillaise. D’Espagne et d'Argentine arrive la
littérature du boom latino-américain. Dans ce cadre, Cali cesse rapidement
d'être l'Arcadie coloniale et se convertit en une ville vigoureuse et vibrante où
la musique et les nouvelles idées marquent le chemin vers l'utopie.
Des quartiers populaires surgissent de jeunes hommes contestataires comme les
nadaístas qui, sous la conduite de Jota Mario Arbeláez y Elmo Valencia dit le
« Moine fou », brûlent des livres et rompent avec les symboles d'une ville
provinciale et religieuse. Des quartiers San Antonio y Obrero apparaissent de
jeunes narrateurs comme Óscar Collazos et Umberto Valverde qui, tout en
restant loyaux à l'influence
24
ejerce la música del Caribe, al ritmo de Son de máquina y Bomba camará
comienzan a recrear literariamente las calles, los bares y los barrios de Cali.
Del barrio Santa Rosa emergen Arturo Alape y Rodrigo Parra Sandoval,
quienes inquietos por la situación del país hablan de Las muertes de Tirofijo e
inventan -no sin ironía- El álbum secreto del Sagrado Corazón. De la magia
del teatro nace el poeta y dramaturgo Enrique Buenaventura, mientras que de la
academia universitaria surgen voces como las de Fernando Cruz Kronfly, María
Elvira Bonilla y Hernán Toro, cantando los amores y desamores de una Cali
que vendría a modernizarse después de los Juegos Panamericanos de 1971. De
la provincia vallecaucana llegan jóvenes poetas y narradores como Harold
Alvarado Tenorio y Gustavo Álvarez Gardeazábal, que inflamados de ideas
nuevas comienzan a poetizar y a relatar la ciudad.
Los años sesenta significaron una época de libertad utópica y de creación
artística y literaria. Fue en este maravilloso contexto donde se consolidó la
literatura caleña, y al ponerse a la vanguardia del movimiento nacional e
internacional, la urbe rompió con las viejas taras que venían de la Colonia.
En esta época, la poesía y la narrativa caleña le cantan a la vida; ponen en tela
de juicio el problema de la existencia humana; se dejan seducir por los
tambores de África, y tomando como estilo un lenguaje coloquial, le hablan a
la calle, a los amores perdidos y, por supuesto, al barrio.
Luego vendrán los años ochenta. Los años del miedo. Los años de las torturas y
las desapariciones forzosas. Los años en los que las mafias del narcotráfico,
apoyadas por grandes dirigentes de la política nacional, comienzan a consolidar
la hoguera de las vanidades en todas las ciudades del país, convirtiendo a urbes
como Cali y Medellín en cementerios amarillos.
Estos serán los años donde la utopía, como un pájaro herido, para parafrasear
una canción de la época, cae, cediéndole el paso a los buitres de la
narcopolítica, quienes enseguida desangran la ciudad, hasta el punto de
transformarla en lo que alguna vez el maestro Estanislao Zuleta llamó la
“llanura prosaica”.
La década siguiente fue inaugurada por una nueva Constitución. En los años
noventa, las minorías étnicas alcanzan un protagonismo importante en la
ciudad, al tiempo que la globalización sentenciará a muerte a algunas de las
industrias de la ciudad para desplazarlas a regiones más competitivas. Esto
traerá como consecuencia que Cali, siendo una ciudad industrial por
excelencia, baje de categoría y se convierta en una ciudad de prestación de
servicios.
25
de la musique du Caraïbe, au rythme de Son de machine et de Bombe camará,
commencent à recréer littérairement les rues, les bars et les quartiers de Cali.
Du quartier Santa Rosa émergent Arturo Alape et Rodrigo Parra Sandoval qui,
inquiétés par la situation du pays, parlent Des morts de Tirofijo et inventent –
non sans ironie – l'album secret du Sacré-Coeur. De la magie du théâtre naît le
poète et dramaturge Enrique Buenaventura pendant que surgissent de
l'académie universitaire les voix de Fernando Cruz Kronfly, María Elvira
Bonilla et Hernán Toro, chantant les amours et le manque d'affection d'une Cali
qui viendrait à se moderniser après les Jeux Panaméricains de 1971. De la
province vallecaucana proviennent de jeunes poètes et narrateurs comme
Harold Alvarado Tenorio et Gustavo Álvarez Gardeazábal qui, enflammés de
nouvelles idées, commencent à poétiser et à raconter la ville.
Les années soixante ont signifié une époque de liberté utopique et de création
artistique et littéraire. C'est dans ce contexte merveilleux que la littérature
caleña s’est consolidée et après s'être placée à l'avant-garde du mouvement
national et international, la ville rompt avec les vieilles tares de l’époque
coloniale.
A cette époque, la poésie et la narration caleñas chantent la vie ; elles mettent
en scène le problème de l'existence humaine. Elles se laissent séduire par les
tambours d'Afrique et adoptant comme style le langage parlé, elles parlent à la
rue, aux amours perdus et, bien évidemment, au quartier.
Suivront les années quatre-vingts, les années de la peur, des tortures et des
disparitions forcées. Les années où les mafias du trafic de drogues appuyées
par de grands dirigeants politiques commencent à consolider le bûcher des
vanités dans toutes les villes du pays, en transformant des villes comme Cali ou
Medellín en cimetières jaunes.
Ces années seront celles où l'utopie, comme un oiseau blessé pour paraphraser
une chanson de l'époque, tombe en cédant le pas aux vautours de la narco-
politique qui saignent soudainement la ville jusqu'au point de la transformer en
ce que le maître Estanislao Zuleta a nommé une fois, la « plaine prosaïque ».
La décennie suivante est inaugurée par une nouvelle Constitution. Dans les
années quatre-vingt-dix, les minorités ethniques obtiennent un rôle important
dans la ville alors que la mondialisation condamne à mort certaines industries
de la ville en les déplaçant vers des régions plus compétitives. Ceci a pour
conséquence que Cali, ville industrielle par excellence, baisse de catégorie et se
convertit en une ville de prestations de services.
26
Del sueño ilusorio de la utopía caímos en la pesadilla de los carros bombas y la
limpieza social; del sueño ideal de los poemas que loaban el amor o de los
cuentos de bailarines, pasamos a los poemas deletéreos y a los cuentos de
bandidos y calanchines. De los poemas que le cantaban a una ciudad en
progreso pasamos a las rancheras, los réquiem y los obituarios.
En el cambio de siglo y de milenio hay que afirmar que la literatura caleña
cambió de color: el verde de nuestro paisaje se degradó al rojo de los
asesinatos; del infierno rosado de Luisa que ilustrara Enrique Cabezas Rher,
pasamos al Embarcadero de los incurables de Fernando Cruz Kronfly. De Que
viva la música de Andrés Caicedo saltamos directamente a Quítate de la vía,
perico de Umberto Valverde. Del poema con remanentes bucólicos pasamos a
un erotismo sin tapujos donde el verso se juega la vida en una esquina, en un
bar o en el lienzo de un paisaje tan incierto como el destino de una ciudad de
desplazados y de políticos indolentes.
En esta época de grandes cambios e incertidumbres, los escritores caleños ya
no nos dejamos persuadir por Chesterton, Joyce o Borges sino por Bukovski,
Ellroy o el escritor mediático y prestidigitador virtual. Como la literatura
parisina del siglo XVIII o la literatura londinense del siglo XIX, la literatura
caleña del siglo XXI nace en los huecos negros de su propia ciudad.
Cali-grafías. La ciudad literaria es un homenaje que los escritores le rendimos
a la ciudad; así mismo, es una muestra representativa del espejo simbólico de
una urbe, que a pesar de vivir en el filo del abismo, aún contiene una vitalidad
y una fuerza extraordinarias que pueden hacer de ella una ciudad menos
fragmentada y más grata para el ser humano.
27
Du rêve illusoire de l'utopie, nous chutons dans le cauchemar des voitures
piégées et du « nettoyage social » ; du sommeil idéal des poèmes qui louaient
l'amour, des contes de danseurs, nous passons aux poèmes délétères et aux
contes de bandits et calanchines. Des poèmes qui chantaient une ville en
progrès, nous passons aux rancheras, aux requiem et aux obituaires.
Avec le changement de siècle et de millénaire, il faut affirmer que la littérature
caleña a changé de couleur : le vert de notre paysage s’est teint du rouge des
assassinats ; de l'enfer rosé de Luisa qu’illustrera Enrique Cabezas Rher, nous
passons à l'Embarcadère des incurables de Fernando Cruz Kronfly. De Qué
viva la musica, d'Andrés Caicedo, nous sautons directement à Quítate de la vía
perico, d'Umberto Valverde. Du poème aux rémanences bucoliques, nous
passons à un érotisme sans retenue où le vers joue sa vie au coin d’une rue,
dans un bar ou dans le tissu d'un contexte aussi incertain que la destinée d'une
ville de déplacés et d’hommes politiques indolents.
Dans cette époque de grands changements et d'incertitudes, nous ne nous
laissons plus persuader par Chesterton, Joyce ou Borges mais par Bukovski,
Ellroy ou par n’importe quel écrivain médiatique et prestidigitateur virtuel.
Comme la littérature parisienne du XVIIIe siècle ou la littérature londonienne
du XIXe siècle, la littérature caleña du XXIe siècle naît dans les trous noirs de
sa propre ville.
Cali-graphies. La Ville Littéraire est un hommage que nous, les écrivains,
rendons à la ville ; c'est aussi le miroir symbolique d'une ville, qui bien qu'elle
vive au bord de l'abîme, contient encore une vitalité extraordinaire et une force
qui peuvent faire d'elle une ville moins fragmentée et plus agréable pour l'être
humain.
Traduit par Efer Arocha
28
POESÍA
29
El valle
(Fragmento)
Isaías Gamboa
30
La vallée
(fragment)
Isaías Gamboa
31
y va a perderse entre las turbias ondas
del otro río inmenso.
El valle con su césped y sus frondas,
y su blanca laguna y sus ganados;
los campos dilatados,
infinito océano de verdura.
32
va se perdre parmi les ondes troubles
de l'autre immense rivière.
La vallée avec son gazon et ses frondes,
sa lagune blanche et son bétail;
les champs dilatés,
un océan infini de légume.
33
La escala de Jacob
Mario Carvajal
34
L’échelle de Jacob
Mario Carvajal
35
Alabanza de la luz
Mario Carvajal
36
Eloge de la lumière
Mario Carvajal
37
Retorno a la poesía
Antonio Llanos
38
Retour à la poésie
Antonio Llanos
39
El paisaje
Octavio Gamboa
40
Le Paysage
Octavio Gamboa
41
La negra María Teresa
42
La noire María Teresa
L’alcool du currulao
l’enfonçait dans les ténèbres.
Sous sa robe ses seins
se mettaient à protester,
tels des aiguilles d’étoiles
cherchant à briser la toile
et en rixe les deux colombes
de quinze ans, lait et miel.
43
y era una noche con luna
la sonrisa de la negra.
44
et le sourire de la Noire
était une nuit de lune.
Le boum-boum de la tambora,
le chingui-chingui qui énerve,
le firilou-firilou
de la flûte de la nuit
et le tonnerre les guitares,
poudre de la démence,
mutinaient sa vie
d’insondables épilepsies.
Aïe ! Aïe ! que ça me brûle
le sang dans mes artères ;
Marie, Vierge du Carmel,
Saint Antoine, Sainte Hélène,
c’est la fièvre, mes amis,
la force de l’excitée
et ce malin d’infant roi
qui me tient toute serrée.
Avec ce dit atavique
créole par sa bisaïeule,
fière dans le tourbillon,
et mordue de ses faiblesses,
avec ses bras entrouverts,
ses mains avec deux chandelles,
allait et venait hiératique
45
la negra María Teresa.
46
la noire María Teresa.
47
Manual de Lucha Antifascista
Enrique Buenaventura
II
Lo esperado llegó
como sorpresa.
Lo que flotaba en el aire
cayó sobre nosotros.
Lo que no nos atrevíamos a pensar
nos entró por el ojo
y nos salió por la nuca
sin que nos diéramos cuenta.
III
El enemigo no da tregua.
Fusila nuestros errores más queridos,
con nuestras debilidades
no tiene misericordia.
Ocupa nuestras vacilaciones en la noche,
nuestras ilusiones le sirven de camuflaje.
Asalta nuestra confianza,
pone fuego a nuestra seguridad,
nos reduce al pan, al agua
y al silencio de la resistencia,
nos enseña a manejar el arma de la derrota,
nos escoge y nos educa para la victoria.
48
Manuel de Lutte Antifascite
Enrique Buenaventura
II
Ce qui était attendu arriva
comme une surprise.
Ce qui flottait dans l’air
nous tomba dessus.
Ce à quoi nous n’avions pas osé penser
nous est rentré par l’œil
puis nous est ressorti par la nuque
Sans que nous nous en rendîmes compte.
III
L’ennemi ne nous laisse aucune trêve.
Il fusille nos erreurs les plus chères,
face à notre faiblesse
il n’a pas de miséricorde.
Il occupe nos hésitations pendant la nuit,
nos illusions lui servent de camouflages.
Il attaque notre confiance,
il met le feu à notre sécurité,
il nous réduit au pain, à l’eau
ainsi qu’au silence de la résistance,
il nous apprend à manier l’arme de la défaite,
il nous choisit et nous éduque pour la victoire.
49
Olvido
Enrique Buenaventura
50
Oubli
Enrique Buenaventura
51
Anti-Réquiem para Marilyn Monroe
52
Anti-Requiem pour Marilyn Monroe
Maintenant tu rêve avec tes yeux de bois sous les toiles d’araignées,
de sous la terre de Westwood ou ton corps chante
tel une ombre de miel et des ruches amères.
Comme tes os grandissent
entre les mouettes âpres qui amplifient ta poitrine de bataille!
53
La mano peluda
54
La main velue
55
leo en la cinta mi nombre
con dos errores ortográficos
y de nuevo alterada la fecha de mi nacimiento
nada qué hacer
me pongo en la fila de los cineastas.
56
je lis sur le ruban mon prénom
avec deux erreurs d’orthographe
et à nouveau altérée, la date de ma naissance
rien à faire
je me mets dans la queue des cinéastes.
57
La lectura en tinieblas
58
Lecture dans les ténèbres
59
En el paseo Bolívar
60
Sur la promenade Bolivar
61
Para mí no has ardido lo bastante
Gerardo Rivera
Inmóvil en el rincón
más distante
62
Pour moi tu n’as pas suffisamment brûlée
Gerardo Rivera
Comme si tu attendais
un signe du ciel
63
La voz
64
La voix
65
La despojada
De su antigua costumbre,
Así la despojada
Mira al cielo.
Está cubierto, es blanco
Como ella, como están sus ojos.
Luego, como el cielo, los cierra
Y mira a su interior, también cubierto.
66
La dépouillée
67
CIUDAD EBRIA
Gabriel Ruiz
A José Saramago
Jorge Isaacs,
Ricardo Nieto,
Carlos Villafañe,
Antonio Llanos y
Octavio Gamboa,
68
UNE VILLE EN IVRESSE
Gabriel Ruiz
A José Saramago
Jorge Isaacs,
Ricardo Nieto,
Carlos Villafañe,
Antonio Llanos et
Octavio Gamboa,
69
et nous remplirons le stade...
70
Sol negro
Raúl Henao
71
Soleil noir
Raúl Henao
72
Náufrago del sol
Raúl Henao
73
Naufragé du soleil
Raúl Henao
74
Visitante
Antonio Zibara
A Julián Malatesta
75
Visiteur
Antonio Zibara
À Julián Malatesta
76
Revelación
Antonio Zibara
77
Révélation
Antonio Zibara
78
Hotel Europa
79
Hôtel Europe
80
que me haría frenar intempestivamente,
o badearla, bordearla demasiado elásticamente,
casi imposible, o utilizar unos reflejos
que no llevaba; yo, con la tranquilidad del caso
81
qui me ferait freiner intempestivement,
ou la pousser, la border trop élastiquement,
presque impossible, ou utiliser quelques réflexes
que je n’avais pas; moi, dans la tranquillité du cas
82
Allí comenzó el Vallano
Tomás Quintero
83
Là commença el Vallano
Tomás Quintero
84
Sonata para cuando desaparezcas
85
Sonate pour quand tu disparaitras
86
Riberas del Pance
87
Bords du Pance
88
Las muchachas de la casa de Ana
Aloz Rojas
89
Les filles de la maison d’Ana
Aloz Rojas
90
Un muchacho en medio del siglo
Deberías,
deberías, te repites,
volver sobre los días de tu infancia.
quizás aquel cuando los perritos caían
buscando la muerte
y tu joven tía soltera sostenía los recién nacidos
en una canasta de hacer la compra.
Deberías, te repites,
volver sobre el olor de tu maestra.
¿Pero eso, qué importa, ahora?
91
Un jeune homme au milieu du siècle
Tu devrais,
tu devrais, tu répètes-tu,
revenir vers les jours de ton enfance.
celui peut-être quand les petits chiens tombaient
en cherchaient la mort
et ta jeune tante célibataire portait les nouveau-nés
dans le panier qui servait pour faire les achats.
Tu devrais, te répètes-tu,
retrouver l’odeur de ta maîtresse.
Mais tout cela, quelle importance, aujourd’hui ?
92
El ultraje de los años
Por julio,
se reunían los despojos de la familia
en un ritual que les hacía creer
en ellos mismos.
Compraban,
en la tienda de importados,
un mucho de antipasto, aceitunas negras, vino moscatel,
paté, carne del diablo, una botella de brandy y otra de escocés,
93
L’outrage des ans
En juillet,
se réunissaient les décombres de la famille
pour un rituel qui les faisait croire
à eux-mêmes.
Ils achetaient,
à la boutique de produits importés,
beaucoup de hors d’œuvre, des olives noires, du vin de muscat,
du pâté, du corned beef, une bouteille de brandy, et une autre de whisky
écossais.
94
Sol partido en la naranja
Parpadea el canto,
la mirada se abre
al infinito del instante,
y la luz piensa el día:
ciérrase el tiempo mejor,
circula noche iluminada;
parpadea el sentido
centinela del destino:
eres centro del placer,
disolución de la piel;
el final escrito está,
inventamos memorias:
trasladamos sombras
y gestos sin palabras.
Parpadea la luz negra:
el presente es son y Sol.
95
Soleil divisé dans l’orange
La lumière noire, qui est plus lumière que la lumière blanche du soleil.
Une lumière noire, une lumière divine, la lumière qui réjouit la lumière
méridionale ..
Rubén Darío.
Cille le chant,
s’ouvre le regard
à l'infini de l'instant,
et la lumière pense le jour :
se ferme le temps meilleur,
circule une nuit illuminée;
cille le sens
sentinelle du destin :
tu es centre du plaisir,
dissolution de la peau; le final est écrit,
nous inventons des mémoires :
nous déplaçons des ombres
et des grimaces sans mots.
Cille la lumière noire :
le présent est « son » et Soleil.
96
Hola soledad
Anibal Arias
97
Bonjour solitude
Anibal Arias
98
Hijueputas malparidos
Aníbal Arias
99
Fils de putes
Aníbal Arias
100
Por la Avenida Sexta
Carmiña Navia
Años sesenta:
Salir a pasear
el fresco de las cinco
el pandebono.
Encontrarse, mirarse, saludarse.
Yako Monti, los beatles,
las baladas-bolero
y un amor
que anunciaba sus lunas todavía.
Al final los primeros presagios
hippies en el andén
y un olor huidizo
desplazando el camino.
Carros en acelere
polvos blancos
y cercanía a la noche
con su carga de fuerza
de temor
con su carga de ruido prematuro.
El frescor de las cinco
el pandebono
fueron quedando atrás.
Algún rincón quedó
para cervezas
canciones de otros días
encontrarse las manos.
101
Sixième Avenue
Carmiña Navia
Années soixante :
Aller se promener
la fraîcheur de cinq heures
le pain de maïs.
Se rencontrer, se regarder, se saluer.
Yako Monti, les beatles,
les ballades-boléro
et un amour
qui annonçait encore ses lunes.
Et enfin les premiers présages
hippies sur le quai
et une odeur fugace
déplaçant le chemin.
Voitures vrombissantes
poudre blanche
et l’approche de la nuit
avec sa charge de force
de crainte
avec sa charge de bruit prématuré.
La fraîcheur de cinq heures
le pain de maïs
sont restés en arrière.
Quelque recoin est resté
pour les bières
les chansons des autres jours
et les mains qui s’enlacent.
102
Años noventa:
Full dinero
locura en las bocinas
pánico en las miradas
decepción en los ojos.
La brisa de las cinco se enredó
entre tanto ladrillo en las laderas.
Con Mónaco y Lonch Beach
(la salida del cine)
se callaron también: Sandro
Leonardo Favio
Extraños en la noche.
Sextear ya no es lo mismo
ya no será lo mismo
ya nunca fue lo mismo.
103
Années quatre-vingt-dix :
Full le fric
folie des klaxons
panique dans les regards
déception dans les yeux.
La brise de cinq heures est restée prise
parmi tant de brique sur les coteaux.
Avec Monaco et Lonch Beach
(la sortie du ciné)
se sont tus aussi : Sandro
Leonardo Fabio
Strangers in the nigth.
Traîner dans la sixième n’est déjà plus la même chose
ce ne sera plus la même chose
déjà ce n’est plus la même chose
104
En la remota acera de un barrio
Laureano Alba
En la remota acera,
de una cuadra, de un barrio,
hay un barco de papel,
En la remota acera,
hay una gota de agua, que cae
sobre una matera en la que crecen
rosas de color champaña.
En la remota acera,
de un barrio, viaja mi corazón,
hacia otros planetas.
105
Sur un trottoir lointain, dans un quartier
Laureano Alba
106
Dejadlo que pase
Armando Barona
107
Laissez-le passer
Armando Barona
108
La noche de Aladino
Horacio Benavides
Levanto mi lámpara
La anciana tiembla
en la ventana
del edificio en ruinas
¿Soplará un día
para ti
el viento de la fortuna?
109
La nuit d’Aladin
Horacio Benavides
J’élève ma lampe
La vieille tremble
à la fenêtre
de l’édifice en ruines
Soufflera-t-il un jour
pour toi
le vent fortuné ?
110
Yo que iba para la fiesta
Horacio Benavides
Y para colmo
la sangre de mi hermano
ha manchado mi camisa blanca
aquí en el pecho
111
Moi qui allais à la fête
Horacio Benavides
Pour comble
le sang de mon frère
a souillé ma chemise blanche
là, en pleine poitrine
112
La luna en el espejo
Ómar Ortiz
113
La lune dans le miroir
Ómar Ortiz
114
Muchacha
Ómar Ortiz
El espliego en el jardín.
En el patio la madreselva y el tomillo,
La yerbabuena, muchacha, tu en mi alma,
Como la miel de tus oíos, bálsamo de viejas heridas,
De noches ciegas que alojan las estrellas.
Muchacha, pájaro de mis días, ven muchacha,
Permite que mi boca guarde el instante de tu aroma.
115
Jeune fille
Ómar Ortiz
116
Una lágrima edificó la lluvia
Y decimos
que anoche soñamos
en colocar las heridas aisladas de los nervios
o que éramos pulpos
que algún sol les traicionó su mar
para dejarnos mutilados hasta los poros.
Y al poco tiempo
una lágrima edificó la lluvia
y nos quedamos solos
mirando desteñir los cuerpos caminantes
y les vimos los ojos, las manos, los pies
y nos parecía que estábamos amarrados
a sus esquinas serpientes
para luego darnos cuenta
que no teníamos nada.
Todo le pertenecía a la temperatura de ser.
117
Une larme bâtit la pluie
Et nous disons
que cette nuit nous avons rêvé
de placer les blessures isolées des nerfs
ou que nous étions des poulpes
dont la mer fut trahie par un soleil quelconque
pour nous laisser mutilés jusqu’aux pores.
Et au bout de quelque temps
une larme bâtit la pluie
et nous sommes restés seuls
à regarder déteindre les corps voyageurs
et nous vîmes leurs yeux, leurs mains, leurs pieds
et il nous semblait être attachés
à leurs coins serpents
et puis nous rendre compte
que nous n’avions rien.
Tout appartenait à la température de l’être.
118
Este presente no nos basta
Amparo Romero
119
Le présent ne nous suffit pas
Amparo Romero
120
Lo que dice una mujer vieja
en un puerto del Pacífico
William Ospina
121
Ce que dit une vieille femme
dans un port du Pacifique
William Ospina
122
hasta que llega nuestro turno,
donde morían las letras la muerte de la página,
donde morían los peces la muerte tumultuosa del
mar,
donde morían los colores la incomprensible muerte
de las pupilas.
123
jusqu’à ce que notre tour arrive,
où mouraient les lettres la mort de la page,
où mouraient les poissons la mort tumultueuse de la
mer,
où mouraient les couleurs l’incompréhensible mort
des prunelles.
124
la mujer del guerrero.
125
la femme du guerrier.
Mais ce que n’a pu obtenir la bataille le peuvent les
Minutes inexorables,
qui amollissent la chair et fatiguent les yeux et
transforment en fantômes les fins cheveux
et tranquillisent le cœur sous les ciels envahis.
126
porque es un joven aún, elegante y travieso,
ese que trata a una vieja pescadera como si fuera una
reina,
(vestido de soldado en estos tiempos muertos),
ese que viene a decirme que sólo es nuestro lo que no
podemos perder,
lo que impregnó de orgullo cada fibra,
un alto sueño de un día altivamente llevado y vivido,
altivamente sostenido contra la tempestad, contra el
mundo,
y escrito con amor en cada piedra para que las
noches en torrente lo borren
y el día desnudo lo vuelva a escribir cuando una
mano aparta las hierbas fragantes.
127
car c’est un homme jeune encore, élégant et espiègle,
celui qui traite une vieille poissonnière comme si c’était une
reine,
(habillé en militaire en ces temps morts),
celui qui vient me dire que ne nous appartient que ce que
nous ne pouvons perdre,
ce qui imprégna de fierté chaque fibre,
un rêve hautain d’un jour hautainement mené et vécu,
hautainement maintenu contre l’orage, contre le
monde,
et écrit avec amour sur chaque pierre pour que les
nuits torrentielles l’effacent
et que le jour dénudé le réécrive lorsque une
main écarte les herbes parfumées.
128
Lecciones de nodriza
Julián Malatesta
129
Leçons de nounou
Julián Malatesta
130
Memoria
Julián Malatesta
131
Souvenir
Julián Malatesta
Personne ne fait ses adieux à son quartier dans les meilleures heures.
J’eus besoin d’un jour de pluie
Pour rejoindre le bateau échoué dans la rigole
/ du coin
Et voir cette rivière de miroirs qui halait les ordures;
D'autres enfants
Naviguaient dans les eaux de mes premiers
/ jours.
132
Alteración
Orietta Lozano
133
Altération
Orietta Lozano
134
Prosa del pequeño oleaje
Orietta Lozano
135
Prose de la petite houle
Orietta Lozano
Lucía a 26 ans
et un pressentiment impénétrable,
elle aime sentir la complicité d'un Dieu,
entrevoir le feu de l'enfer,
yt se réduire à un éclat de rire contre toute lumière.
Je vais en avoir 30
et mon sang se suspend par des fils intouchables,
brûlant, d’une tendre brutalité, d'un nivellement parfait.
Lucía a 26 ans
et un bébé qui parcourt la lune comme un vieux labyrinthe.
Il dit, la lune grossit (et se cache derrière
la porte circulaire qui le conduit à la porte
des rêves).
La roue ne tourne plus,
c’est la trace du corbeau qui tourne,
c’est la plénitude qui tourne, qui goutte et se vide
dans la structure circulaire de l'amour.
le tout d’une organisation magnifique,
le tout fortement scellé,
inversé, courbé, hermétique, fermé,
pas même un chemin, pas même un feuillage,
je devine seulement la chaîne, le tatouage, le lit
de torture, le corps odieux, le lait visqueux
que le bébé lèche et réclame comme un chat infernal.
Lucía, comme un noeud métallique immobilisé, crispée
destine à la nuit le rire des dieux,
elle sent que la lune vacille, qu'elle s'éteint
et qu’elle a construit sa muraille avec 26 cauteleuses sorties,
mais non! Lucía a 12 ans
je dois en avoir 18 ou presque un siècle.
Traduit par Efer Arocha
136
Agua
Humberto Jarrín
6
Cotidiana,
ella tiene el rito sagrado de arreglar las cosas
que las mareas del día desordenan,
temprano se orilla a las camas
con el limpio aroma de una playa nueva,
sus manos despiertan las maravillas,
juegan mientras viajan por el hijo
repartiendo luz y crecimientos,
nadan luego sus dedos por el agua
espantando la miseria y los dolores,
esas manos de pequeñas sabidurías
liberan el poder oculto de la mies y de las frutas,
con esas mismas manos ella un día
acarició mis manos de artesano y de poeta
y me dejó cosas en la piel que ahora escribo...
12
Envié mis pájaros a buscarte,
una red de alas,
una marca aérea salió temprano.
Nadie ha regresado.
Sucumbió alguno a los filos del alba,
explotó otro en la estridencia de los anuncios,
a aquel lo atrapó una antena venenosa,
uno aun rodará hipnotizado en el abismo,
muchos no querrán partir de las fuentes,
otros quizá duermen diluidos en alcoholes:
así son los emisarios que te envío,
137
Eau
Humberto Jarrín
6
Quotidienne,
elle a le rite sacré de régler les choses
que les marées du jour mettent en désordre,
de bonne heure elle s’approche du bord des lits
avec le pur parfum d'une nouvelle plage,
ses mains réveillent les merveilles,
jouent tandis qu’elles voyagent à la recherche du fils
répartissant lumière et croissances,
puis ces doigts nagent dans l’eau
en épouvantant la misère et les douleurs,
ces mains de petites sagesses
libèrent le pouvoir occulte de la moisson et des fruits,
avec ces mêmes mains, un jour,
elle a caressé mes mains d'artisan et de poète
et m'a laissé dans la peau des choses que maintenant j'écris...
138
frágiles, temerosos, rebeldes, distraídos...
139
fragiles, peureux, rebelles, distraits...
140
Sebastián, el Extremeño
1507
Carlos Fajardo
141
Sébastien, l'habitant d'Estrémadure
1507
Carlos Fajardo
Je ne sais lire ni
écrire, mais je
suis
le gouverneur de la province.
Sebastián Moyano de Belalcázar.
142
Calle de la Escopeta
Carlos Fajardo
143
Rue du Fusil de chasse
Carlos Fajardo
144
Conversaciones con la bestia
Ángela Tello
XIII
145
Conversations avec la bête
Ángela Tello
XIII
146
La ciudad
Silencio,
es la caza del hombre.
147
La cité
Silence,
c’est la chasse à l'homme.
148
Amor imposible
Ejecuta el vándalo.
Sangra el morador.
Eterno el pálpito,
el infinito cero.
149
Amour impossible
Il exécute le vandale.
L'habitant saigne.
Éternelle la palpitation,
le zéro infini.
150
No descansa la ciudad
No descansa la ciudad
debajo de mis párpados:
Retazos de furia,
lazos de sombra alrededor del cuello,
ocultas angustias
que deambulan en los buses,
imágenes de vértigo,
aristas de aluminio,
destello en los espejos,
ángeles que buscan
su paraíso diario en las basuras,
novedosas catástrofes
traídas por oscuros mensajeros,
una mano que pule los oficios de la muerte.
Fluye por mí la ciudad
como un río leproso mientras duermo;
como lluvia, deja caer sobre mis sueños
el lento polvo de la herrumbre.
II
151
La ville ne se repose pas
II
152
de los zócalos rojos y los patios con geranios,
cuando le sea imposible encontrar
su antiguo rostro en el vacío del laberinto.
153
des socles rouges et des cours garnies de géraniums,
quand il lui sera impossible de trouver
son visage ancien dans le vide du labyrinthe.
154
Una ciudad
Himno gris.
Tarde de lluvia.
El viento arrecia trayendo el pasado.
Llueve afuera y en mí se instalan volcánicas soledades de una ciudad
que
guardo y paseo conmigo.
155
Une ville
Hymne gris.
Soirée de pluie.
Le vent redouble apportant le passé.
Il pleut dehors et en moi s'installent les volcaniques solitudes d'une ville
que
je garde et promène avec moi.
Je ne marche déjà plus dans ses longues rues où les maisons regardent
parallèles au temps.
Hier, fêtes de couleurs et jeux de cirque ont noyé le tapage et le soleil
des trottoirs.
156
Mitin en la plaza de San Francisco
Un cielo limpio.
El calor de la tarde colma los rincones.
Al final de la calle las torres cogen vuelo y a sus pies centenares de
hombres
juntos abrigan una esperanza:
Aquella de sentir otras soledades con nosotros
O los gritos en coro martirizando los cristales
O las banderas ondeando sobre nuestras cabezas.
Mas cuando los discursos se agotaron fuimos varios los que iniciamos
un
improvisado regreso hacia Ítaca
Y sentados al borde de un andén, dejamos que la noche escuchara las
/estrofas
aprendidas
Los sueños que empezaban a martirizar nuestras almas.
157
Meeting sur la place de San Francisco
Un ciel pur.
La chaleur de l'après-midi emplit les coins.
Au bout de la rue les tours prennent leur envol et à leurs pieds des
centaines d'hommes/
tous ensemble abritent une espérance :
Celle de sentir d'autres solitudes avec nous
Ou les cris en choeur qui martyrisent les cristaux
Ou les drapeaux qui ondulent sur nos têtes.
Plus nombreux lorsque les discours se furent épuisés nous fûmes à initier
un retour improvisé vers Ithaque
Et assis sur le bord d'un trottoir, nous avons permis que la nuit
écoutât les strophes
professées
Les rêves qui entamaient le martyr de nos âmes.
158
En el andén de la Galería Alameda
José Zuleta
159
Dans le promenoir de la Galerie Alameda
José Zuleta
160
El oscuro, oscuro pasado
De estricto negro
Recibí la Primera Comunión
No sufrí La Violencia
Ni escuché La Oración por la Paz
Elegido la última carta
Desde la línea de fuego del amor
Me coroné en la retirada
Rey Andromedario
Los límites de mi reino alcanzaban
Los alcances de mi mano
Detesté el sentimiento
Pero seguí creyendo en la primera vista
Mi ropa y mi realidad
Me fueron quedando estrechas
161
L’obscur, obscur passé
162
El mal que dura cien años
y él que lo resiste
163
Le mal qui dure cent ans
et celui qui y résiste
164
El mercado
165
Le marché
166
Figura de muchacho con revólver
Barrio adentro
entre parques baldíos
y tapias inconclusas
los muchachos insomnes
aguardan, en cuclillas, la hora,
Entonces
una voz terca nombra
al futuro difunto.
167
Silhouette de garçon au revolver
Au centre du quartier
entre des parcs abandonnés
et des murs inachevés
les garçons insomnieux
attendent l’heure à croupeton,
Alors
une voix entêtée nomme
l'avenir défunt.
168
Ciudad
Elizabeth Marín
169
Ville
Elizabeth Marín
170
NARRATIVA
171
María
(Fragmento)
Jorge Isaacs
172
María
(Fragment)
Jorge Isaacs
Après six années, les derniers jours d’un luxuriant mois d’août
m’ont reçu en revenant à mon Valle natal. Mon cœur débordait d’amour
du pays. C’était déjà le dernier jour de voyage et je jouissais du matin le
plus parfumé de l’été. Le ciel était d’une teinte bleu pâle : vers l’orient et
sur les très hautes crêtes des montagnes, encore à demi endeuillées,
vaguaient quelques petits nuages d’or, comme les gazes du turban d’une
danseuse soulevées par une haleine amoureuse. Vers le sud flottaient les
brumes qui pendant la nuit avaient caché les montagnes éloignées. Je
traversais des plaines couvertes de chiendents verts, arrosées par des
ruisseaux dont de beaux troupeaux de vaches m’empêchaient la
traversée et qui abandonnaient leurs endroits de sieste pour pénétrer dans
les lagunes ou dans les sentiers voûtés par des pisamos1 fleuris et des
figuiers d’Amérique touffus. Mes yeux s’étaient fixés avec anxiété sur
ces endroits à moitié cachés au voyageur par les cimes de vieilles
bambouseraies ; dans ces fermes où j’avais laissé des personnes
vertueuses et amies. Dans ces moments-là, les arias du piano de U***
n’auraient pas plus ému mon cœur : les parfums que j’aspirais étaient si
agréables en comparaison de ses luxueux vêtements à elle, et le chant de
ces oiseaux sans nom avait des harmonies si douces à mon cœur !
J’étais muet devant une telle beauté dont j’avais cru conserver dans ma
mémoire le souvenir parce que quelques unes de mes strophes, admirées
par mes condisciples, l’évoquaient d’une encre pâle. Quand dans un
salon de danse, inondé de lumière, plein de mélodies voluptueuses, de
mille arômes mélangés, de chuchotements de tant de vêtements de
femmes séductrices, nous rencontrons celle dont nous avons rêvé à dix-
huit ans et qu’un sien regard fugitif brûle notre front, et que sa voix rend
muette un instant toute autre voix pour nous, et que ses fleurs laissent
derrière elle des essences méconnues, alors nous tombons dans une
prostration céleste : notre voix est impuissante, nos oreilles n’écoutent
plus la sienne, nos regards ne peuvent pas la suivre. Mais quand, l’esprit
apaisé, elle revient à la mémoire des heures après, nos lèvres murmurent
des cantiques de louanges, et c’est cette femme, c’est son accent, c’est
son regard, c’est son léger passage sur les tapis, c’est tout cela qu’imite
ce chant-là, que la foule
1
Písamo : arbre de la région de la vallée du Cauca, Erythrina fusca (Papilionacée).
173
creerá ideal. Así el cielo, los horizontes, las pampas y las cumbres del
Cauca, hacen enmudecer a quien los contempla. Las grandes bellezas de
174
la creación no pueden a un tiempo ser vistas y cantadas: es necesario que
vuelvan a el alma empalidecidas por la memoria infiel.
Antes de ponerse el sol, ya había yo visto blanquear sobre la falda
de la montaña la casa de mis padres. Al acercarme a ella, contaba con
mirada ansiosa los grupos de sus sauces y naranjos, al través de los
cuales vi cruzar poco después las luces que se repartían en las
habitaciones.
Respiraba al fin aquel olor nunca olvidado del huerto que se vio
formar. Las herraduras de mi caballo chispearon sobre el empedrado del
patio. Oí un grito indefinible; era la voz de mi madre: al estrecharme ella
en los brazos y acercarme a su pecho, una sombra me cubrió los ojos:
supremo placer que conmovía a una naturaleza virgen.
Cuando traté de reconocer en las mujeres que veía, a las hermanas
que deje niñas, María estaba en pie junto a mí, y velaban sus ojos anchos
párpados orlados de largas pestañas. Fue su rostro el que se cubrió de
más notable rubor cuando al rodar mi brazo de sus hombros, rozó con su
talle; y sus ojos estaban humedecidos aún, al sonreír a mi primera
expresión afectuosa, como los de un niño cuyo llanto ha acallado una
caricia materna.
175
croira idéal. Ainsi le ciel, les horizons, les pampas et les sommets du
Cauca rendent muet celui qui les contemple. Les grandes beautés de la
création ne peuvent pas être vues et chantées en même temps : il est
nécessaire qu’elles reviennent à l’âme pâlies par la mémoire infidèle.
Avant le coucher du soleil, j’avais vu blanchir sur le flanc de la
montagne la maison de mes parents. En m’approchant d’elle, je
comptais, le regard anxieux, ses saules et ses orangers groupés, à travers
lesquels je vis passer peu après les lumières qui se diffusaient dans les
chambres.
Je respirais à la fin l’odeur jamais oubliée du potager que j’avais vu
grandir. Les fers de mon cheval firent des étincelles sur le pavé de la
cour. J’entendis un cri indéfinissable ; c’était la voix de ma mère : au
moment où elle me prit dans ses bras et où je me rapprochai de sa
poitrine, une ombre me couvrit les yeux : plaisir suprême qui émouvait
ma nature pure.
Quand j’ai essayé de reconnaître, dans les femmes que je voyais, les
sœurs que j’avais laissées fillettes, María était debout à mes côtés, ses
yeux veillés par des larges paupières ourlées de longs cils. Ce fut son
visage qui se couvrit le plus de rougeur quand mon bras, glissant de ses
épaules, frôla sa taille ; et ses yeux humides encore, souriaient à ma
première expression affectueuse, comme ceux d’un enfant dont les
pleurs ont été apaisés par une caresse maternelle.
176
De Cali a Cañasgordas
(El Alférez Real)
Eustaquio Palacios
177
De Cali à Cañasgordas
(Le Sous-lieutenant du Roi)
Eustaquio Palacios
178
El último de los tres jinetes era un joven como de veinticuatro años,
de color mulato, esto es, entre blanco y negro, más negro que blanco,
pero las facciones más de blanco que de negro. En sus ojos pardos,
rasgados y vivos, se revelaba la franqueza juntamente con el valor.
Por todo vestido llevaba camisa de lienzo de Quito, ruana de lana
basta, de listas azules, pantalones de manta del país tejida en el Socorro,
y sombrero hecho con trenza de juncos.
Cabalgaba un trotón castaño, alto y doble; en el arzón de la silla, a la
derecha, se veía una gran soga enrollada, y en la cintura un largo
cuchillo de monte llamado machete, con su cubierta de vaqueta.
Estos viajeros atravesaron en silencio el llano de Isabel Pérez. Los
campesinos que iban a la ciudad o salían de ella, saludaban al Padre
quitándose el sombrero al pasar a su lado, y él les correspondía el saludo
con una inclinación de cabeza.
La tarde estaba magnífica: el sol se ocultaba ya detrás de Los
Farallones, de manera que la parte del camino, por donde en ese
momento iban, estaba hacía rato en la sombra; pero la luz del sol se veía
brillar sobre las cumbres de las montañas de Chinche.
Las afueras de la ciudad ofrecían por ese lado y a esa hora bastante
animación: varios vecinos volvían de su trabajo con la herramienta al
hombro; bestias cargadas de plátanos o leña; mujeres con haces de leña
en la cabeza; viajeros que llegaban de los pueblos del sur; arrieros con
sus recuas cargadas de bayeta, papas o anís; algún negro joven que
pasaba a escape en su caballo en pelo, y que iba a la ciudad tal vez a
comprar lo que faltaba para la cena en alguna hacienda o granja vecina;
los criados de la hacienda de Isabel Pérez que apartaban las vacas de los
terneros, como es costumbre a esa hora, y todo esto acompañado del
mugir de las vacas, del berrear de los terneros, de los gritos de los
criados, de las interjecciones de los arrieros y de esos otros mil ruidos
que se oyen en las casas de campo y en las inmediaciones de una ciudad
cuando va entrando la noche.
Al llegar a la quebrada de Cañaveralejo se detuvieron los tres jinetes
y aflojaron las riendas a sus cabalgaduras para que bebieran; pasada la
quebrada, entraron en el extenso y limpio llano de Meléndez; a la
izquierda, a una o dos cuadras del camino real, estaba la hacienda de don
Juan Félix Hernández de Espinosa, con casa grande de teja, de
espaciosos corredores y con oratorio en el extremo del que quedaba en el
frente de la casa; esclavos que obedecían al tañido de la campana; vacas,
179
Le dernier des trois cavaliers était un jeune homme d’environ vingt-
quatre ans, mulâtre, c’est-à-dire entre blanc et noir, plus noir que blanc,
mais avec des traits plutôt d’un blanc que d’un noir. Ses yeux marron, en
amande et vifs, révélaient la franchise et le courage.
Comme seul vêtement, il portait une chemise en lin de Quito, une
ruana de laine grossière, à rayures bleues, un pantalon en gros tissu du
pays tissé à El Socorro et un chapeau fait en jonc tressé.
Il montait un trotteur châtain, grand et trapu ; sur l’arçon de la selle,
à droite, on voyait une grande corde enroulée et à la ceinture du
chevalier un long coutelas appelé machette, dans son étui en vachette.
Ces voyageurs traversaient en silence la plaine d’Isabel Pérez. Les
paysans qui allaient à la ville ou qui en revenaient, saluaient le Père en
ôtant leur chapeau quand ils passaient à côté de lui et le Père répondait à
leur salut d’un signe de tête.
L’après-midi était magnifique : le soleil se cachait déjà derrière les
Farallones, si bien que la partie du chemin par laquelle ils passaient était
depuis un moment dans l’ombre, mais on voyait la lumière du soleil se
refléter sur les sommets des montagnes de Chinche.
Les alentours de la ville offraient de ce côté et à cette heure-là une
certaine animation : quelques habitants rentraient de leur travail, leur
outil à l’épaule ; des bêtes chargées de bananes ou de bois ; des femmes
avec des fagots sur la tête ; des voyageurs qui arrivaient des villages du
sud ; des muletiers avec leurs animaux chargés de tissus, de pommes de
terre ou d’anis ; quelque jeune noir qui passait à toute vitesse sur son
cheval à cru et qui allait en ville, peut-être pour acheter ce qui manquait
pour le dîner dans quelque plantation ou ferme voisine, les domestiques
de la plantation d’Isabel Pérez qui séparaient les vaches des veaux,
comme d’habitude à cette heure-là, et tout cela accompagné du
meuglement des vaches, du beuglement des veaux, des cris des valets,
des interjections des muletiers et de ces mille autres bruits que l’on
entend dans les maisons de la campagne et dans les environs d’une ville
quand la nuit commence à tomber.
En arrivant au gué de Cañaveralejo les trois cavaliers s’arrêtèrent et
desserrèrent les brides de leurs montures pour les faire boire, le ruisseau
franchi, ils entrèrent dans la plaine étendue et dégagée de Meléndez ; à
gauche, à trois ou quatre cents toises de la grande route, se trouvait la
plantation de Don Juan Félix Hernández de Espinosa, avec une grande
maison à toit de tuiles, des couloirs spacieux et avec une chapelle à
180
l’extrémité du couloir situé sur le devant de la maison ; des esclaves qui
obéissaient au son des cloches : des vaches,
181
yeguas, plantaciones de caña de azúcar y trapiche. A la derecha, al lado
de la loma, la posesión de don Francisco Matéus, con casa, esclavos,
trapiche y ganado. Más lejos, al oriente, al extremo del llano, se
alcanzaba a ver la casa de la hacienda de Limonar, perteneciente a doña
María de Saa, viuda de don Baltasar Rodríguez. Todo el llano estaba
sombreado de árboles aislados o de frondosos bosquecillos.
182
des juments, des plantations de canne à sucre et la raffinerie. À droite, du
côté de la colline, la propriété de Don Francisco Matéus, avec sa maison,
ses esclaves, sa raffinerie et du bétail. Plus loin, vers l’orient, à
l’extrémité de la plaine, on apercevait la maison de la plantation de
Limonar, appartenant à Doña María de Saa, veuve de Don Baltasar
Rodríguez. Toute la plaine était ombragée par d’arbres isolés ou de
bosquets touffus.
183
Rosario Benavides
(Fragmento)
Gregorio Sánchez
La casa del señor Benavides era una moderna y lujosa residencia situada
en calle central, y en la que se había aprovechado hasta el último palmo
de tierra disponible; fue edificada sobre las ruinas de vieja casona de
estilo colonial, amplia y vetusta. El señor Benavides la construyó a todo
costo, demoliendo la añeja fábrica, previa su adquisición de un conocido
caballero que se fue a vivir a Europa con la renta que le daban sus
grandes negocios y sus valiosas propiedades, y de quien se dijo que iba a
curarse de una vieja dispepsia conseguida por el exceso de trabajo y por
la intemperancia especuladora.
184
Rosario Benavides
(Fragment)
Gregorio Sanchez
185
social crearon las costumbres y recibía el homenaje voluntario o
convencional a que su personalidad le daba derecho.
– ¡Qué van a saber! exclamó doña Julia. Las mortifica un poquito que
hayas llamado la atención, y no más. Dentro de algunos días estarán
imitándote.
Fue preciso que Olga y Mary le abrocharan la costosísima bata de seda
rosa, estilo tutankamen, con que iba a salir y cuya compra le causó
ciertas vacilaciones a papá Benavides. Era una evocación suntuosa y
artística del remoto Egipto. En ese momento entró al gabinete el señor
Benavides, metido en flamante terno café y con su enorme cadena
cruzada sobre el vientre, llevando de una mano a Albertito.
– ¿Están listas ya? dijo con su voz fuerte y sonora, mientras se frotaba
las manos con satisfacción. Me demoré por culpa de ese animal de
Francisco, que no daba con un daño del motor: luego que la gasolina,
luego que la llanta… Por fortuna todo se arregló pronto. Bueno, ¿nos
vamos?
186
Peu de jours après son arrivée à Cali, Rosario se trouvait avec sa mère
et ses soeurs dans un boudoir discret, finissant devant sa table de toilette
l’apprêt minutieux de sa personne, car elles se préparaient à sortir.
L’éclat joyeux de l’après-midi, atténué par les rideaux tirés, pénétrait par
les vitres claires du balcon. Il devait être près de quatre heures. La mère
et la fille, sans se préoccuper le moins du monde de la présence des
cadettes, commentaient les dires suscités par le retour de Rosario,
murmuraient un moment et riaient sans se gêner.
– Nelly m’a dit que mes amies critiquent certaines de mes habits – dit
Rosario. Laisse-moi rire ! Au bal d’il y a trois jours, ma robe leur a
semblé très échancrée. Elles s’y connaissent mieux que moi, qui viens de
l’étranger, elles connaissent mieux que moi la mode et l’élégance, ces
idiotes ?
– Qu’est-ce qu’elles en savent ! – s’exclama madame Julie. Cela les
mortifie un peu que tu aies attiré l’attention, rien de plus. Dans quelques
jours elles t’imiteront.
Olga et Mary durent lui boutonner la fort coûteuse robe de soie rose,
de style tutankamon, avec laquelle elle allait sortir et dont l’achat avait
fait hésiter papa Benavides. C’était une évocation somptueuse et
artistique de l’Égypte ancienne. À ce moment-là, monsieur Benavides
entra dans le boudoir, sapé d’un costume café flambant neuf avec son
énorme chaîne croisée sur le ventre, menant Albertito par la main.
– Vous êtes prêtes ? dit-il de sa voix forte et sonore, en se frottant les
mains avec satisfaction. Je suis en retard à cause de cet animal de
Francisco, qui ne trouvait pas la panne du moteur : et puis l’essence, puis
le pneu… Par chance tout s’est vite arrangé. Bon, on y va ?
– Pour nous, il n’y a aucun inconvénient, s’exclama madame Julie.
Mais Rosario trouva que les chaussures en chamois qu’elle avait mises
n’allaient pas bien avec la robe, et il fallut attendre qu’elle les changeât,
moment que monsieur Benavides mit à profit pour leur détailler
187
algunos negocios que acababa de celebrar, ganando el ciento por ciento.
Estaba contentísmo. En seguida habló de la quinta que compró a un
pobre señor que hubo de mal venderla, no obstante ser herencia de
familia, por razón de apremiantes necesidades. Este fue otro negociazo,
una estupenda compra de ocasión. Pensaba modernizarla, y ya tenía
adoptado y convenido con un arquitecto el plan de reformas. ¡Qué
hermoso chalet iba a sacar de esa quinta añosa y triste!
188
quelques affaires qu’il venait de conclure, en gagnant cent pour cent. Il
était très content. Ensuite il parla de la maison de campagne qu’il acheta
à un pauvre monsieur qui avait dû la vendre à perte, bien qu’elle fût un
héritage de famille, à cause de nécessités urgentes. Celle-là fut une très
bonne affaire, un achat excellent de circonstance. Il pensait la
moderniser, et avait déjà convenu avec un architecte du plan de
rénovation. Quel beau chalet il allait tirer de cette maison de campagne
vieille et triste !
L’immeuble était en banlieue, à côté de la large avenue d’un quartier en
gestation et tous deux s’y dirigèrent au rythme modéré de l’automobile.
Rosario voulait aller lentement, pour pouvoir apprécier au passage les
transformations de la ville. Elle ressentait des désirs aigus et instinctifs
de voir, d’analyser, de comparer, comme si un prurit campagnard
l’incitât avec rage. Ne s’agissait-il pas de son village natal ? De part et
d’autre des voies centrales, dont le sol d’asphalte et de macadam
atténuait le bruit du véhicule, se dressaient devant ses yeux curieux les
constructions urbaines, ensemble d’édifices publics, de grandes bâtisses
vides avec de grandes façades et des tribunes où se voyait la patine du
temps, de résidences magnifiques faites de pierre blanche ou de brique
rouge, gracieuses et somptueuses avec leurs balcons de fer ajouré, leurs
décorations et leurs escaliers tapissés. Elle plantait son regard inquisiteur
au fond des grands magasins de commerce, pleins d’employés actifs et
de vendeuses attentives, et qui attiraient le chaland avec la richesse de
leurs comptoirs, la splendeur de leurs vitrines, l’odeur singulière de leur
atmosphère, mélange d’agréables parfums cosmopolites ; dans les
bureaux des agences de voyage ; dans les officines des professionnels ;
dans les cafés bruyants et ouverts, dont le remue-ménage et les bruits de
cuisine arrivaient jusqu’à la rue. Quelle animation, quelle dissipation de
vie et d’activité ! Une rumeur joyeuse et triomphante se levait de toutes
parts, semblable à celle d’une ruche laborieuse. Ça et là surgissaient,
comme du métal d’une enclume, le cri de l’outil qui frappe, la voix
sourde de la machine. Des nuages de poussière traversaient parfois la
route, en tourbillonnant et s’engouffrant par les portes. Par endroits, là
où un nouvel édifice s’élevait sur les ruines d’une usine démolie, on
voyait de nombreux ouvriers marcher agilement au milieu de la carcasse,
semblables à de légères araignées sur une gigantesque toile. Tout sembla
être remué et secoué par un vertige fiévreux, une folie impulsive de
progrès, un élan violent d’action ; les gens
189
corrían desatentadas, como si no les alcanzase el tiempo, saludándose
apenas con rápida y seca fórmula o con brusco ademán. ¿Qué movía así
ahora esta población, en otro tiempo indolente y calmosa, lenta y
apática? Era la fiebre de los negocios, el anhelo ambicioso y fecundo del
lucro, la sed insaciable del goce y la comodidad, todo despertado
súbitamente en aquella singular alma colectiva. Rosario sonrió, y
pensando en las lejanas y tumultuosas ciudades del Norte, una alegría
vaga y consoladora le llenó el espíritu.
190
couraient étourdis, comme si le temps leur manquât, en se saluant à
peine d’une formule sèche et rapide ou d’un geste brusque. Qu’est-ce qui
maintenant faisait bouger ainsi cette population, autrefois indolente et
calme, lente et apathique ? C’était la fièvre des affaires, le désir
ambitieux et fertile du lucre, la soif insatiable de la jouissance et du
confort, le tout réveillé subitement dans cette singulière âme collective.
Rosario sourit, et à la pensée des villes tumultueuses et lointaines du
Nord, une joie vague et consolatrice emplit son esprit.
191
Noche de pájaros
(Fragmento)
Arturo Alape
192
Nuit d’oiseaux
(Fragment)
Arturo Alape
193
Il arrive à la neuvième Avenue et il sent l’absence de l’homme,
supplantée par les odeurs de graisse qui se répandent dans les recoins du
passage, de la viande qui pend aux crochets jusqu’au lendemain matin,
par les odeurs de fruits et légumes et des fleurs emballées dans des
caisses en bois et dans des cartons, de flaques d’eau stagnante et d’eaux
de nettoyage répandues dans la journée, devant les boutiques de
vêtements et d’alimentation, à l’heure d’ouverture des commerces et des
bistros qui, à l’heure actuelle, ferment religieusement leur porte à la
même heure, curieusement.
Vous marchez et vous découvrez la solitude dans les odeurs qui
surgissent de l’ordure consommée à cette heure-là dans la rue, et de la
créosote, et du sperme en suspension dans les hôtels de passe aux longs
perrons, avec leurs chambres séparées par des cloisons en bois
194
de cartón, de los charcos de agua empozada y de aguas medicinales
regadas en el día, en los almacenes de ropa y de víveres, a la hora de
abrir el comercio y las cantinas que en estos tiempos cierran sus puertas
a la misma hora, con una religiosidad que asombra.
Usted camina y descubre la soledad en los olores que surgen de la
basura que se consume a estas horas en la calle y la creolina y el semen
suspendido en los hoteluchos de largas escaleras de entrada, con sus
habitaciones divididas con paredes de madera y puertas de cartón y una
cama en la mitad, con sus sábanas sucias, donde el acaloramiento tiene
como signo lo incierto y a un lado de la cama, una mesa de noche y un
aguamanil con agua y una toalla amarilla, un espejo ya raído en su
imagen, hoy deshabitados de clientes que ya no viven lo cotidiano de la
vida.
Por la fuerza mágica de un sortilegio mental, abre las puertas del café
Bola Roja para tomarse unos tragos, escuchar en la radiola a Daniel
Santos en Llevarás la marca, darle una nalgada a Claudia, la copera
exuberante con quien muchas veces se acostaba, no por el dinero como
ella afirmaba, sino por sentir el clímax al oler el almidón de sus
calzones, recién lavados. Entonces, se dormía sobre su cuerpo
descomunal y colocaba su cabeza sobre los senos, blanda almohada de
carne. Fueron noches sin variedad en sus costumbres, mientras esperaba
a Claudia que terminara su turno, usted miraba a la calle, sobre la
novena, donde aparecían y se movilizaban con agilidad, seres cargados
con su existencia, que de una u otra manera fueron compañía para usted.
Una de esas madrugadas cuando las calles estaban inundadas por las
ventas de fritanga y café tinto, Claudia contaba las fichas que había
ganado y usted bebiendo una cerveza la esperaba sin impacientarse. Al
mirar hacia la puerta, usted se sorprende al ver a seis hombres, dos en
cada puerta, cubiertos sus rostros con pañuelos, tres de ellos con
sombreros y sobre el cuello llevaban un cuadro colgado de una piola,
enmarcado con vidrio, especie de medallón que usted de donde estaba no
distinguía. Se creó el temor y el ambiente propicio para un asalto. Eso
creyó usted, cuando Fernando el administrador del café, con disimulo,
abrió la registradora y buscó un arma. Si Fernando se cabreaba, un
hombre como él, especialista en levantar para el negocio la mejor música
para la pianola y conseguir a las putas más hermosas, era porque algo se
presagiaba en el ambiente. Fernando, nervioso acariciaba con su
195
aux portes en carton, avec un lit au milieu et des draps sales, où l’ardeur
est sous le signe de l’incertain, avec d’un côté du lit, une table de nuit et
un broc avec de l’eau et une serviette jaune, un miroir déjà terni, hôtels
aujourd’hui sans clients qui ne vivent plus selon cette habitude.
Par la force magique d’un sortilège mental, vous ouvrez les portes du
café Bola Roja pour prendre quelques verres, écouter dans le juke-box
Daniel Santos chanter Llevarás la marca, tapoter les fesses de Claudia,
l’entraîneuse exubérante avec laquelle vous couchiez souvent, pas pour
de l’argent comme elle l’affirmait, mais pour éprouver l’orgasme en
reniflant l’amidon de sa culotte fraîchement lavée. Alors, vous vous
endormiez sur son corps énorme et vous mettiez la tête sur ses seins, mol
oreiller de chair. C’étaient des nuits aux habitudes invariables, en
attendant la relève de Claudia, vous regardiez la rue, la neuvième, où
apparaissaient et se déplaçaient avec agilité des êtres accablés par leur
existence, qui d’une façon ou d’une autre vous tenaient compagnie. Un
de ces petits matins, quand les rues étaient remplies de marchands de
friture et de café noir, Claudia comptait les jetons qu’elle avait gagnés et
vous, en buvant une bière, vous l’attendiez sans vous impatienter. En
regardant vers la porte, vous êtes surpris de voir six hommes, deux à
chaque porte, leur visage caché par un foulard, trois d’entre eux avec un
chapeau et qui portent autour du cou, accrochée par une ficelle, une
gravure sous verre, sorte de médaillon que vous ne distinguiez pas d’où
vous étiez. La crainte et une atmosphère propice pour une attaque se sont
crées. Ç’a été votre impression lorsque Fernando, le gérant du café, a
ouvert à la dérobée la caisse enregistreuse et a cherché une arme. Si
Fernando se fâchait, un homme comme lui, capable de procurer à son
établissement la meilleure musique enregistrée et les plus belles putains,
c’était qu’un présage flottait dans l’atmosphère. Fernando caressait
nerveusement de sa
196
izquierda, los vellos de su nariz, con la derecha acariciaba el arma. Sus
ojos de loco impregnados por una rara seguridad.
197
main gauche les poils de son nez, de sa main droite il caressait l’arme.
Ses yeux de fou étaient imprégnés d’une étrange assurance.
198
La ciudad y el poeta
Gonzalo Arango
199
La ville et le poète
Gonzalo Arango
200
Je me souviens d’un coucher de soleil sur les collines de Cali, où j’étais
monté avec une amie pour contempler la ville. Était-ce vraiment pour la
contempler ? Je ne sais plus. Je me souviens seulement que l’air était
pur, sentant le pin, la prairie,
201
saludable al espíritu. Creo que era en busca de ese placer desinteresado
que consiste en ir junto a una mujer que huele bien, y con la cual uno no
hace ningún esfuerzo por existir. Basta ser, respirar ese aire grávido de
perfumes, mirar los quietos paisajes, sentir esa punzada maravillosa de
estar vivo, oír el viento, el silencio furtivo de otra alma, no pensar,
olvidar: lo que para mí constituye la mejor de las glorias posibles.
Diré algo del crepúsculo: era de una belleza melancólica, opresiva.
La luz se querella con la noche en un sitio del horizonte. El combate
dura, pero el día se extingue. Antes de la derrota, la luz exige una tregua
para descansar y morir con honor, o sea, en la lucha, como mueren los
dioses. El crepúsculo se arrastra con lentitud. Definitivamente la luz
agoniza. La noche nacerá, cubrirá el cielo con su escarapela de sombras
y estrellas victoriosas. El sol, como un guerrero invencible, chorrea sus
rayos póstumos, se desangra. Esa sangre es su luz. Ya no es roja de
amapola ni amarilla de girasol. Es azul, gris, acero, naranja de arrebol.
Ah, qué bello este crepúsculo moribundo, cómo quisiera detenerlo,
eternizarlo, pues colma mi alma de una tristeza más dulce que la miel.
Momento frágil como el amor, transitorio como la pena, y que huye de
nosotros hacia el olvido. Ya las sombras tejen su inmensa tela de negrura
en el cielo. Pronto su red caerá sobre nosotros. Dura el combate. Perdura
la luz invencible. La noche embiste como un toro terrible, abre grietas
mortales en el pecho del sol. Ya no chorrea sangre, solo burbujas, ondas
efímeras. La cálida caricia del día me abandona. Detrás de las nubes,
sobre el Cerro de las Tres Cruces, se destapa una luna de cobre. Aún no
está oscuro, pero esta luna que se esparce sobre el Valle, prepara el cielo
para una fiesta.
El sol se rinde, se pacta el armisticio. La luna naciente cobra la
victoria, su botín en el cielo. Llega la noche. Cae la noche sobre Cali, la
colina de Mónaco, esta mujer y yo.
La contemplación de los paisajes nos había colmado de tal
embriaguez, que vino la noche de repente. Ahora íbamos en la oscuridad
incipiente, más densa aún por los pinos y el miedo.
Nos preguntamos si no sería peligroso viajar por aquella negrura,
que era una terraza sobre la ciudad. Sin duda era peligroso, pero
estábamos felices. Se nos hacía imposible que algo viniera a perturbar
aquella dicha casi religiosa, hecha de inocentes placeres, de silencios:
una colina, un cielo que empezaba a ponerse pecoso de estrellas, el
viento, una o dos palabras para elogiar el paisaje, los matices, los
202
salutaire pour l’esprit. Je crois que c’était pour rechercher ce plaisir
désintéressé qui consiste à marcher à côté d’une femme qui sent bon, et
près de laquelle on ne fait aucun effort pour exister. Il suffit d’être, de
respirer cet air rempli de parfums, de regarder les paysages immobiles,
de ressentir cet élancement merveilleux d’être vivant, d’entendre le vent,
le silence furtif d’une autre âme, de ne pas penser, d’oublier : ce qui pour
moi constitue la meilleure des gloires possibles.
Je dirai quelque chose du crépuscule : il était d’une beauté
mélancolique, oppressive. La lumière se querelle avec la nuit quelque
part à l’horizon. Le combat dure, mais le jour s’éteint. Avant la défaite,
la lumière exige une trêve pour se reposer et mourir avec honneur, c’est-
à-dire dans la lutte, comme meurent les dieux. Le crépuscule se traîne
avec lenteur. Définitivement, la lumière agonise. La nuit va naître,
recouvrir le ciel de sa cocarde d’ombres et d’étoiles victorieuses. Le
soleil, comme un guerrier invincible, déverse ses rayons posthumes, perd
son sang. Ce sang est sa lumière. Elle n’est plus rouge coquelicot ni
jaune tournesol. Elle est bleue, grise, acier, orange d’embrasement. Ah,
quel beau crépuscule moribond, comme je voudrais l’arrêter, l’éterniser,
car il comble mon âme d’une tristesse plus douce que le miel. Moment
fragile comme l’amour, transitoire comme la peine, et qui s’enfuit de
nous vers l’oubli. Déjà les ombres tissent leur immense toile de noirceur
dans le ciel. Bientôt leur filet tombera sur nous. Le combat dure. La
lumière invincible perdure. La nuit charge comme un taureau terrible,
ouvre des crevasses mortelles dans la poitrine du soleil. Il ne verse plus
de sang, seulement des bulles, des ondes éphémères. La chaude caresse
de la journée m’abandonne. Derrière les nuages, sur la colline des Tres
Cruces, une lune de cuivre se découvre. Il ne fait pas encore sombre,
mais cette lune qui se répand sur le Valle prépare le ciel pour une fête.
Le soleil se rend, l’armistice est conclu. La lune naissante remporte
la victoire, son butin dans le ciel. La nuit arrive. La nuit tombe sur Cali,
sur la colline de Mónaco, sur cette femme et sur moi.
La contemplation des paysages nous avait remplis d’une telle ébriété
que la nuit est tombée tout d’un coup. Maintenant nous allions dans
l’obscurité naissante, plus dense encore à cause des pins et de la peur.
Nous nous sommes demandés s’il n’était pas dangereux de circuler dans
cette noirceur, véritable terrasse au dessus de la ville. Sûrement c’était
dangereux, mais nous étions heureux. Il nous semblait impossible que
quelque chose vînt à troubler ce bonheur presque religieux, fait de
203
plaisirs innocents, de silences : une colline, un ciel qui commençait à se
cribler d’étoiles, le vent, un ou deux mots pour faire l’éloge du paysage,
les teintes, les
204
perfumes, las flores, ese humo gris allá lejos hundiéndose en el cielo
como el arrebol de un cuchillo, un pegajoso aroma de molienda, pero sin
duda lejano.
Olvidamos el peligro y nos quedamos. No era por coraje, pero algo
se cerraba sobre nosotros, como la coraza de un dios. Tal vez un silencio
místico que sólo quebraba el viento, la fugacidad de un cocuyo, algún
recuerdo que estallaba en la sien. Escalamos la más alta, la más lejana, la
más desierta cumbre. Allá, muy cerca del cielo, el terror y la usura de los
hombres no podrían alcanzarnos. Era imposible que un ladrón asaltara
una estrella.
Ella estacionó el auto en un recodo de la carretera, al borde del
abismo. De lejos debía semejar una nariz. Salimos a contemplar la
ciudad iluminada: era soberbia, un milagro. Por un tiempo
permanecimos allí quietos como dos santos en espera del éxtasis,
olvidados de nosotros mismos. Más tarde recordamos que nuestra alma
tenía un cuerpo, porque el viento pasaba en ráfagas negras, helaba la
carne. Entonces regresamos al auto y nos encerramos allí como en una
alcoba tibia y acogedora. Nuestro pequeño refugio flotaba sobre una luz
abismal, entre un cielo de estrellas y un cielo de neón.
Aquella soledad, aquella altura, aquella mujer hermosa, y mi muerte,
me llenaron el alma de una dulzura melancólica. La ciudad y el cielo
serían eternos, yo no. La naturaleza, en este grado de plenitud, es
oprimente, inhumana como todo lo sublime.
Nos sentimos tan solos que nos abrazamos, puesto que era inútil
hablar. Si nada era nuevo bajo el sol, como se dice, nos quedaba esta
noche única, eterna, y dos cuerpos que ahora mismo podían rodar al
vacío, y no ser más. No era la felicidad lo que buscábamos, era la
piedad. Entonces nos abandonamos a un deseo tierno, casi desdichado…
205
parfums, les fleurs, cette fumée grise là-bas au loin s’enfonçant dans le
ciel comme la lueur d’un couteau, une odeur collante de moulin, mais
certainement lointaine.
Nous avons oublié les dangers et nous sommes restés. Ce n’était pas
par courage, mais quelque chose se fermait sur nous, comme la cuirasse
d’un dieu. Peut-être un silence mystique brisé seulement par le vent, par
la fugacité d’une luciole, par quelque souvenir qui éclatait dans la tempe.
Nous avons escaladé le sommet le plus haut, le plus lointain, le plus
désert. Là, très près du ciel, la terreur et l’usure des hommes ne
pourraient nous atteindre. Il était impossible à un voleur d’attaquer une
étoile.
Elle a garé la voiture à un tournant de la route, au bord de l’abîme.
De loin, elle devait ressembler à un nez. Nous sommes descendus pour
contempler la ville illuminée : elle était magnifique, un miracle. Pendant
un moment nous sommes restés là immobiles comme deux saints en
attente de l’extase, oublieux de nous-mêmes. Plus tard nous nous
sommes souvenus que notre âme avait un corps, parce que le vent
passait en rafales noires, gelait la chair. Alors nous sommes retournés à
la voiture et nous nous sommes enfermés là comme dans une alcôve
tiède et accueillante. Notre petit refuge flottait sur une lumière abyssale,
entre un ciel d’étoiles et un ciel de néon.
Cette solitude, cette altitude, cette belle femme, et ma mort, me
remplirent l’âme d’une douceur mélancolique. La ville et le ciel seraient
éternels, pas moi. La nature, à ce degré de plénitude, est oppressante,
inhumaine comme tout ce qui est sublime.
Nous nous sommes sentis si seuls que nous nous sommes embrassés,
vu qu’il était inutile de parler. S’il n’y avait rien de nouveau sous le
soleil, comme on dit, il nous restait cette nuit unique, éternelle, et deux
corps qui à l’instant pouvaient rouler dans le vide, et ne plus exister. Ce
n’était pas le bonheur que nous recherchions, c’était la piété. Alors, nous
nous sommes abandonnés à un désir tendre, presque malheureux…
Traduit par Montserrat Becerril
206
¿Sabía usted que María tomó jugo de borojó?
Elmo Valencia
En Cali hay una estatua que los pájaros no cagan por respeto al
romanticismo. Y por respeto a sí mismos. La estatua de Efraín y María.
Efraín, de pie, elegantemente vestido e inclinado sobre la diosa del amor
del siglo XIX, todas las mañanas le dirige palabras tiernas: “¿Cómo
estás, querida?”. “¿Me has pensado?”
Ella, sentada, su vestido hasta los tobillos y sus largas trenzas
acariciándole los hombros, lo escucha con mucha emoción. A lo lejos, la
música de un bolero que viene de un transistor. “Bésame, bésame
mucho”.
Esta mañana apenas salió el sol, Efraín le dijo:
– Anoche soñé contigo.
– ¿Y qué soñaste?
– Que estábamos en el cine viendo una película y en eso se fue la luz.
– ¿Y qué pasó?
– Te besé en la boca, María. Y estoy muy apenado contigo.
– Pero fue un sueño.
– Precisamente por eso, porque te besé en un sueño.
Se quedaron callados durante varias horas. La gente comenzó a
inundar la ciudad.
La cotidianidad. La búsqueda cruel de significados a la vida.
De pronto un lotero que viene por el puente España grita:
“Lotería para hoy. Gánese el mayor”. Efraín al oírlo, gira su esbelto
cuerpo y lo llama. Mira los números y se compra un billete. Lo guarda
con mucho cuidado en el bolsillo de su pantalón de corte inglés. María le
da una amplia sonrisa aunque en el fondo de su corazón sabe que
ganarse la lotería es muy difícil y más con estos calores que están
haciendo. “Si me la gano, mañana nos casamos”, le dice el apuesto galán
de corbatín blanco y unas manos tan suaves que acarician el aire con
solo levantarlas. Ella lo desea, ella quiere estar con él íntimamente. Sin
embargo, no le contesta nada. Como si entendiera que la suerte no tiene
nada qué ver con su destino.
Minutos más tarde pasa una negra vendiendo jugos. María, al oírla,
la llama.
207
¿Saviez-vous que María avait bu du jus de borojó2 ?
Elmo Valencia
À Cali il y a une statue sur laquelle les oiseaux ne chient pas par
respect du romantisme. Et par respect d’eux-mêmes. La statue d’Efraín
et María. Efraín, debout, élégamment vêtu et penché sur la déesse de
l’amour du XIXe siècle, lui adresse tous les matins des mots tendres :
« Comment vas-tu, chérie ? », « As-tu pensé à moi ? »
Elle, assisse, sa robe jusqu’aux chevilles et ses longues tresses lui
caressant les épaules, l’écoute avec beaucoup d’émotion. Au loin, la
musique d’un boléro qui vient d’une radio : Bésame, bésame mucho.
Ce matin, le soleil à peine levé, Efraín lui dit :
– Hier soir j’ai rêvé de toi.
– Et qu’as-tu rêvé ?
– Que nous étions au cinéma en train de voir un film quand soudain la
lumière s’est éteinte.
– Et que s’est-il passé ?
– Je t’ai embrassée sur la bouche, Maria. Je suis désolé.
– Mais c’était un rêve.
– Précisément à cause de cela, parce que je t’ai embrassée en rêve.
Ils sont restés muets pendant plusieurs heures. Les gens ont
commencé à inonder la ville.
Le quotidien. La recherche cruelle de significations à la vie.
Tout à coup un marchand de billets de loterie qui vient du pont
España crie : « Loterie, tirage aujourd’hui. Gagnez le gros lot. » Efraín
en l’entendant, tourne son corps svelte et l’appelle. Il regarde les
numéros et s’achète un billet. Il le garde soigneusement dans la poche de
son pantalon coupé à l’anglaise. María lui fait un grand sourire, même si
au fond de son cœur elle sait que gagner à la loterie est très difficile et
plus encore avec la chaleur qu’il fait. « Si je gagne, demain nous nous
marions », lui dit le beau galant à la cravate blanche et aux mains si
douces qu’elles caressent l’air rien qu’en les levant. Elle le désire, elle
veut être toute intime avec lui. Cependant, elle ne répond rien. Comme si
elle comprenait que la chance n’a rien à avoir avec son destin.
Quelques minutes plus tard une Noire passe en vendant des jus de fruits.
Quand María l’entend, elle l’appelle.
2
Fruit tropical de Colombie.
208
– Tengo de lulo, de guanábana, de níspero, de mango, de chirimoya y de
borojó. ¿De qué lo quiere, mi reina?
209
– De borojó –contesta la pálida doncella.
– El borojó cura el paludismo, la anemia, el cáncer, la leucemia, la
tuberculosis, la diarrea, saca los gusanos, la bilis, y además, mi reina, es
afrodisíaco.
Cuando la negra termina de decir afrodisíaco los ojos de María se
vuelven brillantes. Le sirve un vaso y María se lo bebe. Le sirve dos. Se
bebe tres. Efraín la mira aterrado. Saca el pañuelo de seda para secarse el
sudor que aparece en su rostro. Se va poniendo rosadita. Siente como si
por los muslos le fueran subiendo miles de hormigas. Y cuando ya no
resiste más, abre la boca y exclama:
– Efraincito, casémonos ya. Ahora. En este instante.
Y Efraín le contesta: “No María, ahora no. Mañana, cuando me gane
la lotería.”
210
– Le borojó soigne le paludisme, l’anémie, le cancer, la leucémie, la
tuberculose, la diarrhée, il tue les vers, sort la bile et, en plus, ma reine, il
est aphrodisiaque.
La Noire finit de dire aphrodisiaque, que les yeux de María se
mettent à briller. Elle lui sert un verre et María le boit. Elle lui en sert un
deuxième. María en boit un troisième. Efraín la regarde atterré. Elle sort
son mouchoir de soie pour sécher la sueur qui apparaît sur son visage.
Elle devient de plus en plus rose. Elle sent comme si des milliers de
fourmis montaient sur ses cuisses. Et quand elle n’en peut plus, elle
ouvre la bouche et s’écrie :
– Efraincito, marions-nous. Là, maintenant. Tout de suite.
Et Efraín lui répond : – Non, María, pas maintenant. Demain, quand
j’aurai gagné à la loterie.
211
La salida de oficinas para el almuerzo, una sola vía, los edificios
botando estómagos, haciendo hervir el tráfico, tome Cocacola la chispa
de la vida. Teatro Isaacs, calle once, carrera tercera, presentes y humildes
para fiar, ausentes y bravos para pagar, el carrito de cigarrillos y
galletitas con toldo de plástico para el sol ácido, la lluvia traicionera, el
vendedor de minucias, a ocho pesos el Marlboro, el Lucky, el Chester, el
Virginia Slim, ocho pesos no más, manzana californiana a ocho el
montón, rosaditas y grandotas con sabor americano.
– Tenemos que avisarle no sea que nos quedemos con los crespos
hechos.
– ¿Cuántas veces ha ido?
– Dos. Al Lux.
– Ahora no podemos ir al Lux.
– Pasamos a la una y media de la tarde.
No haga cola, yo la hago por usted, usted es una persona importante y
ocupada, yo le hago la cola por sólo cinco míseros pesos, yo aguanto el
sol y la lluvia y los empujones durante el día y la dormida en la calle
durante la noche, usted no, por sólo cinco pesitos yo le guardo su turno
para el consulado americano, tengo una buena posición, ando bien
ubicado, entre los primeros, sólo le quedan tres por delante, un puesto
para la entrevista con el cónsul americano para obtener su visa, para
viajar a ese gran país, por cinco pesitos le vendo el turno, es lo que me
gano al día, para facilitarle su entrevista con el cónsul de ese gran país,
por sólo cinco pesitos, paisano.
– Hay que comprar empanadas de Cambray, chancarina en tubitos de
papel celofán y chancacas.
– Las chancacas se pegan en los dientes.
– Entonces crispetas.
El hombrecito sin piernas en su carrito de ruedas de patines con su
cajita de cartón llena de Ronsons, de Colibríes, de repuestos, piedras
para candela, de pedazos usados, “se arreglan candelas” colgándole de la
espalda, blanqueado y alfandoque, a tres pesos el blanqueado jovencitos.
. ..
L’album secret du sacré cœur
212
La sortie des bureaux pour le déjeuner, une seule direction, les
bâtiments crachant des estomacs, faisant bouillir la circulation, buvez
Coca-cola, l’étincelle de la vie. Cinéma Isaacs, onzième Rue, troisième
Avenue, présents et humbles pour acheter à crédit, absents et en colère
pour payer, le chariot de cigarettes et de biscuits avec une bâche en
plastique pour le soleil acide, la pluie traîtresse, le marchand de petits
riens, à huit pesos les Marlboro, les Lucky, les Chester, les Virginia Slim,
huit pesos seulement, à 8 pesos le tas de pommes de Californie, bien
grosses et bien roses, au goût américain.
– Nous devons la prévenir pour éviter qu’elle ne nous pose un lapin.
– Combien de fois y est-elle allée ?
– Deux fois. Au Lux.
– Nous ne pouvons pas aller au Lux maintenant.
– Nous passerons à une heure et demie cet après-midi.
Ne faites pas la queue, je la fais à votre place, vous êtes une personne
importante et occupée, je fais la queue à votre place pour seulement cinq
misérables pesos, je supporte le soleil et la pluie et les bousculades dans
la journée et je dors dans la rue la nuit, pas vous, rien que cinq petits
pesos et je vous garde votre tour pour le consulat américain, j’ai un bon
poste, je suis bien placé, parmi les premiers, il n’y a que trois personnes
devant vous, une place pour l’entretien avec le consul américain pour
obtenir votre visa, pour voyager à ce grand pays, pour cinq petits pesos
je vous vends mon tour, c’est ce que je gagne par jour, pour vous
faciliter votre entretien avec le consul de ce grand pays, seulement cinq
petits pesos, compère.
– Il faut acheter du pâté en croûte de Cambray, de la chancarina4 en
cornets de cellophane et des chancacas5.
– Les chancacas se collent aux dents.
– Alors des pop-corn.
Le petit homme sans jambes sur son chariot à roulettes, avec sa petite
boîte en carton pleine de Ronson6, de Colibrí3, de recharges, de pierres à
briquet, de pièces usagées, un écriteau « on répare les briquets » pendant
4
Farine de maïs mélangée avec du sucre que l’on vend aux enfants dans un cornet en
papier.
5
Petits gâteaux à base de noix de coco vendus à Cali et sur la Côte Pacifique.
6
Marques de briquets.
213
sur son dos, blanqueado7 et alfandoque4, à trois pesos le blanqueado, les
enfants !
214
– ¿Qué lado prefieres en el teatro?
LA DOLCE VITA, para mayores de veintiún años, las vistas en la cartelera,
LA EXCOMUNIÓN DEL SEÑOR OBISPO EN LAS CARTELERAS, la propaganda punzante
de la película, la cola de gente para comprar boletos, para mayores de
veintiún años, prohibida, la gente piadosa como ríos desfilando para
Palmira donde el Obispo dijo que no era pecado. El Alférez Real, la
elegancia, La Ermita, gloria arquitectónica de Cali, uno de los edificios
más costosos y más originales de la ciudad, tajadas de piña, dulce la
piña, jugosa, la miel de abejas a diez pesos la botella. EL AFRODISIACO MÁS
EFECTIVO QUE SE CONOCE, llévela joven, algodón de azúcar, crispetas de
maíz también llamadas palomitas,
– El izquierdo.
– Es bueno que las mujeres tengan dos nombres. Así tú le puedes decir
Blanca y yo Estela.
– Por eso tiene dos manos. Tú puedes coger una y yo otra.
:
– Y dos ojos.
– ¿Qué dijo Robertmitchum de las ganzúas?
Carrera tercera con calle diecisiete, El Gato, aceite-de-higuerilla-
carbón-cuchillos-navajas-afilar, la bizquita de piernas hermosas y bello
dormir jugando a la oa-sin-moverme-sin-reírme-de-esta-mano-de-este-
pie, las marcas de la pelota con letras en la pared amarilla de bahareque,
el movimiento monótono de las piernas hermosas, las medias tobilleras
escurridas, pedacitos de pared en el andén, los tobillos más blancos que
las piernas mulatas, la falda indiscreta, LA PELUSA TIERNA DE LAS PIERNAS.
– Que hay que abrir un poco más el ángulo.
– Le encargué sesenta. A cuatro por centavo son quince centavos. Frito
el pollo.
– ¿Y después del cine?
– La llevamos a su casa. ¿O quieres que no la vuelvan a dejar salir?
– ¿Estás muy enamorado?
La pelota de letras rueda que rueda modosita serenita hasta la pieza de
nivel inferior de Rosita la modista de ojos lejanos y palomas nerviosas
en las manos
215
– Qui d’entre nous va frapper chez elle ?
– On le fait à pile ou face ?
– Allons-y ensemble.
– Tu commences : comment vas-tu, Blanca Estela ? Et moi : Tu es
prête ? Et toi : Préviens ta mère. Et moi : Nous t’attendons.
– Quel côté tu préfères au cinéma ?
LA DOLCE VITA, interdit aux moins de 21 ans, les photos sur les
panneaux d’affichage, L’EXCOMMUNICATION DE MONSEIGNEUR L’ÉVÊQUE À
216
L’AFFICHE, la publicité lancinante du film, la queue des gens pour acheter
les entrées, interdit aux moins de 21 ans, les gens pieux comme des flots
s’écoulant vers Palmira, là où l’évêque a dit que ce n’était pas un péché.
Le cinéma Alférez Real, l’élégance. La Ermita, gloire architecturale de
Cali, un des bâtiments les plus coûteux et les plus originaux de la ville.
Tranches d’ananas, sucré l’ananas, juteux, le miel d’abeilles à dix pesos
la bouteille. L’APHRODISIAQUE LE PLUS EFFICACE CONNU, prenez-le jeune
homme, barbe à papa, pop-corn que l’on appelle aussi des colombines,
– Le côté gauche.
– C’est bien que les femmes aient deux noms. Comme ça tu peux
l’appeler Blanca et moi Estela.
– C’est pour ça qu’elle a deux mains. Tu peux lui en prendre une et moi
l’autre.
– Et deux yeux.
– Qu’est-ce que Robertmichum a dit des pinces-monseigneur ?
Troisième Boulevard à l’angle de la dix-septième Rue, El Gato,
huile-de-ricin-charbon-couteaux-coutelas-affûter. La petite loucheuse
aux jolies jambes et belle, endormie, qui joue au jeu de l’oh-ah-sans
bouger-sans-rire-de-cette-main-de-ce-pied, les marques de la balle avec
des lettres imprimées sur le mur de terre jaune, le mouvement monotone
des jolies jambes, les socquettes tombantes, de petits morceaux de mur
sur le trottoir, les chevilles plus blanches que les jambes mulâtres, la jupe
indiscrète, LE DUVET SOYEUX DES JAMBES.
– Il a dit qu’il faut ouvrir un peu plus l’angle.
– Je lui en ai commandé soixante. A quatre par centime, cela fait quinze
centimes. Affaire conclue.
– Et après le cinéma ?
– Nous la ramènerons chez-elle. Ou tu veux qu’ils ne la laissent plus
sortir ?
– Tu es très amoureux ?
La balle aux lettres imprimées roule et roule tranquillement jusqu’à la
chambre du rez-de-chaussée de Rosita, la couturière aux yeux lointains
et aux mains nerveuses comme des colombes,
217
hasta llegar a los pies de Arnovio que empieza a ensayar con honda
emoción patriótica la poesía para la jura de bandera: patria te adoro en
mi silencio mudo, la modista en su Singer, caballero en su caballo,
retazos, se hacen zig zag y ojales, se forran hebillas, y temo profanar tu
nombre santo. Vanidades, Cromos, Burda, sí señora, con alforcitas,
manga sisa, por ti he llorado y padecido tanto, el lunes está listo para la
prueba, el primer hilván sin falta, no me vaya a fallar que vivo lejos,
popelinas rojas, satines carmelitos, falda angosta, cuello en ve, cinturón
delgadito con alma dura, cual lengua mortal decir no pudo, sin falta el
218
lunes, frascos-botellas-revistas-papel-periódico-hierros-viejos – compro,
despacito el viejito con su carretilla de madera llena de cachivaches, con
su resignación equívoca rumiando las calles. LOS CUATRO ACARICIANDO EN
SECRETO LAS PIERNAS DE LA BIZQUITA.
– Oye Arnovio, ¿cómo vamos a hacer para casarnos los tres?
219
où elle arrive aux pieds d’Arnovio qui commence a répéter avec une
forte émotion patriotique la poésie pour le serment au drapeau : Patrie je
t’adore en mon silence muet, la couturière sur sa Singer, chevalier sur
son cheval, morceaux d’étoffe, des zigzags et des boutonnières se font,
des boucles sont doublées, et je crains de profaner ton nom sacré.
Vanités8, Chromos5, Burda5, oui madame, avec des plis, manche avec des
entournures, j’ai tellement pleuré et souffert pour toi, lundi il sera prêt
pour l’essayage, le premier bâti sans faute, ne me laissez pas tomber
j’habite si loin, popelines rouges, satins marrron, jupe étroite, col en V,
ceinturon mince renforcé en dedans, qu’aucune langue de mortels ne
peut l’exrimer, lundi sans faute, flacons-bouteilles-revues-papier-
journal-ferraille – j’achète, lentement le petit vieux avec son chariot en
bois plein de babioles, avec sa résignation équivoque qui rumine par les
rues. LES QUATRE CARESSANT EN SECRET LES JAMBES DE LA LOUCHEUSE.
– Ecoute Arnovio, comment allons-nous faire pour nous marier tous les
trois ?
8
Revues féminines du genre Elle ou Marie-Claire.
220
Los días que están dentro del espejo
(Fragmento)
221
Les jours qui sont dans le miroir
(Fragment)
222
sentiments honteux et des défauts de caractère : souvent j’imaginais
qu’ils étaient des monnaies zoomorphes et très précieuses d’un pays
encore inexploré, qui d’une certaine façon payèrent ma tâche de Judas à
l’encontre du Parti, et identiques au Pouvoir et à l’Autorité légalement
constitués, qui sous leur structure de lois,
223
códigos, derechos y competencias encubren y disfrazan dimensiones
relacionadas con la podredumbre; los configuraba como leviatanes de
pesadillas, monstruos enormes que con sus fauces suprimirían el mundo
y la gente que me rodeaban y, de paso, el hecho de haber fingido que
aceptaba gustoso, consciente y de buena fe otro tipo de Poder y
Autoridad que, igualmente, sospechaba corruptos; se me antojaban
– como sucedía entre los egipcios – un signo de buen augurio que
aliviaría la mas terrible de mis contradicciones morales: la de haber
cohonestado una praxis política sobre la que, en el fondo, siempre tuve
reparos y que me embargó de duda y pesimismo, una praxis que, sobre
todo, representó la oportunidad de derivar (usando con suma maestría la
astucia y la soberbia) un sinnúmero de ventajas y canonjías.
224
de codes, de droits et de compétences, recèlent et déguisent des
dimensions liées à la pourriture ; je les configurais comme de
cauchemardesques Léviathans, des monstres énormes qui avec leurs
gosiers supprimeraient le monde et les gens qui m’entouraient, et au
passage, le fait d’avoir fait semblant d’accepter avec plaisir, en
conscience et de bonne foi, un autre type de Pouvoir et d’Autorité que je
soupçonnais également d’être corrompus ; je me les représentais – ainsi
qu’il en était chez les Égyptiens – comme un signe de bon augure qui
aurait allégé la plus terrible de mes contradictions morales : celle d’avoir
concilié une praxis politique sur laquelle, dans le fond, j’eus toujours des
réticences et qui me remplit de doute et de pessimisme, une praxis qui,
surtout, représenta l’opportunité d’entraîner (utilisant avec une suprême
maîtrise, la malignité et l’arrogance) une infinité d’avantages et de
chanoineries.
225
Memoria de Cali
(Fragmento)
Óscar Collazos
El tío abre las páginas de “El Relator” y del “Diario del Pacífico”, pero
estos diarios ya no existen, duermen amarillentos en las hemerotecas de
Cali, Valle del Cauca, Colombia. Las tías proponen descender de San
Antonio hacia la Plaza de Caycedo, pero el tránsito de ahora ya no es
apacible sino tortuoso. Se trazó una avenida, se perdieron las
intersecciones conocidas de las calles, se levantó un puente. El tío
abuelo, el mayor Alfonso Collazos, relata sus hazañas de capitán en la
Guerra con el Perú. Y, muchos años después, descubro, gracias a la
crónica de Juan Lozano y Lozano, que la hazaña del capitán Collazos
había sido cierta. Pero el tío abuelo ha muerto y la casa donde vivía ya
no es una casa sino un edificio de apartamentos.
La nueva nomenclatura modifica la nomenclatura de la memoria.
Las brisas que al atardecer soplan en la Avenida Colombia llevan al
cruce del Puente Ortiz y allí el cronista revive la emoción adolescente de
espiar las faldas de las muchachas que la brisa levanta. Una sólida
oficina de correos, de arquitectura tal vez republicana. La recuerda muy
bien. Como recuerda el Hotel Alférez Real. Cada vez que paso frente al
Ritz de Barcelona o París, evoco el tamaño de este crimen. La indolente
burguesía azucarera que lo había hecho posible, ponía la firma a su acto
de defunción. Su demolición equivalía al primer asesinato urbanístico de
los años sesenta. Hacia 1964, el atardecer podía llevar a San Nicolás o a
la Avenida Sexta. Casi todo estaba a la mano. La distancias, que en las
ciudades determinan la dimensión humana, ya no son manejables para
quien ahora escribe. Las nuevas medidas rebasan el espacio de la
memoria.
Los primos proponen subir hacia los mangones donde después estaría
el trazado de una circunvalar. Proponen escaparse hacia el río en un
recorrido a campo traviesa, pero cuando busco esa topografía, resulta
que ya no figura en el trazado urbanístico de la nueva ciudad. La
Avenida Belalcázar escamotea mis recuerdos. Todo es olvido. O falsos
recuerdos. ¿Me aventuré alguna vez en los Farallones, subí a Cristo Rey,
fue fatigoso el ascenso al Cerro de las Tres Cruces? ¿Se vivió lo que se
recuerda?
226
Cali dans la mémoire
(Fragment)
Óscar Collazos
227
souvenirs. Me suis-je risqué une fois sur les Farallones, ces rochers
escarpés, suis-je monté jusqu'à Cristo Rey, l'ascension vers le pic des
Trois Croix a-t-elle été pénible ? A-t-on vécu ce que l'on se rappelle ?
228
No todo es olvido, sin embargo. Y de la infancia el cronista da el salto
hacia la adolescencia para confirmar que cada edad registra nuevas
metamorfosis. En Las ciudades invisibles, Italo Calvino imagina al
“hombre que cabalga largamente por tierras selváticas” y “le acomete el
deseo de una ciudad.” Llega a Isidora. Llega a la ciudad soñada, “que lo
contenía joven.” Y “en la plaza está la pequeña pared de los viejos que
miran pasar la juventud.” ¿Cómo no pensar en el escritor Julio
Garmendia? Calvino nos enseña que “los deseos son ya recuerdos”. Y
esto equivale a enseñarnos que las ciudades contienen también nuestros
recuerdos. Con nombres de mujeres, las ciudades de Calvino son las
ciudades del amor revivido. Como el entrevero de amores y pasiones en
el gran libro de la memoria de Proust. No sólo se vive a la búsqueda del
tiempo perdido. Se vive a la búsqueda de la ciudad sepultada entre los
materiales de derribo del progreso.
Albertine ha desaparecido, ha desaparecido la ciudad de los amores. Es
preciso reconstruirlas. Escuchemos la voz de Proust: “¡Qué lejos va el
dolor en psicología! Más lejos que la psicología misma. Hace un
momento, analizándome, creía que esta separación, sin habernos visto,
era precisamente lo que yo deseaba, y comparando los pobres goces que
Albertine me ofrecía con los espléndidos deseos que me impedía
realizar…” El narrador acaba de ser herido con la pérdida. Es un dolor
tan grande que no sabe si podrá resistirlo. Pretende hacerla “volver
enseguida” aunque en el fondo sepa que ella no volverá.
Así se me antoja esta ciudad donde habitaron retazos de mi infancia,
retazos de mi adolescencia (el primer amor, consumado entre los
matorrales, a la orilla del río), retazos de una primera juventud recorrida
por la ansiosa necesidad de volverme escritor. En ese tránsito, de la
infancia a la adolescencia y de ésta a la juventud, nuevas metamorfosis
habían cambiado el rostro de la ciudad primera. En ese tránsito, las
amistades se entreveran con los amores, con los libros leídos y con las
aventuras de la vida, que empezaba a ser la exultante aventura de vivir
de prisa y mal, llevado por el remolino de la ignorancia y el vértigo del
riesgo.
La casa solariega del abuelo fue reemplazada por el café, la noche de la
infancia por la noche de la juventud: nuevos suburbios aparecen
entonces en el escenario de la ciudad, nuevas rutinas se añaden a la
exultación de vivir como si mañana fuera ya tarde.
229
Tout n'est pas oubli, cependant. Et de son enfance, le chroniqueur fait un
bond vers son adolescence pour constater que chaque âge subit de
nouvelles métamorphoses. Dans Les villes invisibles, Italo Calvino
imagine un "homme qui chevauche longtemps à travers des terres
sauvages" et "qui est saisi par le désir d'une ville." Il arrive à Isidora. Il
arrive à la ville rêvée "où il se trouvait dans sa jeunesse". Et "sur la place
se dresse le petit mur des vieillards qui regardent passer les jeunes."
Comment ne pas penser à l'écrivain Julio Garmendia ? Calvino nous
apprend que "les désirs sont déjà des souvenirs". Et cela revient à nous
dire que les villes renferment aussi nos souvenirs. Avec leurs prénoms
féminins, les villes de Calvino sont les villes de l'amour revécu. Comme
la confusion d'amours et de passions dans le grand livre de la mémoire
de Proust. On ne vit pas seulement à la recherche du temps perdu. On vit
à la recherche de la ville ensevelie sous les matériaux de démolition du
progrès.
Albertine a disparu, la ville des amours a disparu. Il faut les
reconstituer. Ecoutons la voix de Proust : "Que la douleur va loin en
matière de psychologie ! Plus loin que la psychologie elle-même. Il y a
un instant, en m'analysant, je croyais que cette séparation, sans nous être
revus, était justement ce que je désirais et, en comparant les pauvres
plaisirs que m'offrait Albertine et les splendides désirs qu'elle
m'empêchait de réaliser…" Le narrateur vient d'être blessé par cette
perte. C'est une si grande douleur qu'il ne sait pas s'il pourra la supporter.
Il prétend faire "revenir tout de suite" Albertine, même si, dans le fond, il
sait qu"elle ne reviendra pas.
C'est ainsi que je perçois cette ville habitée par des fragments de mon
enfance, par des fragments de mon adolescence (le premier amour,
accompli au milieu des buissons, au bord du fleuve), fragments d'une
première jeunesse, marquée par le besoin anxieux de devenir écrivain.
Au cours de ce passage, de l'enfance à l'adolescence et de celle-ci à la
jeunesse, de nouvelles transformations avaient changé le visage de la
ville primitive. Dans ce parcours, les amitiés se mêlent aux amours, aux
livres lus et aux aventures de la vie, une vie qui commençait à être la
joyeuse aventure de vivre vite et mal, emporté par le tourbillon de
l'ignorance et le vertige du risque.
230
Le manoir du grand-père fut remplacé par le café, la nuit de l'enfance
par la nuit de la jeunesse : de nouveaux faubourgs apparaissent alors
dans le décor de la ville, de nouvelles routines s'ajoutent à la jubilation
de vivre comme si demain il était déjà trop tard.
231
En una nueva ceremonia del lenguaje nos decimos: allí estaba el lugar
desaparecido y sin embargo evocado porque lo que se evoca con el lugar
es alguna experiencia de vida. A esta nueva ceremonia debemos
habituarnos. A decir cada vez con más frecuencia: aquí, a la orilla del
río, estuvo la casa que hoy es edificio, allá, en la intersección de calles y
carreras, estuvo el campo de fútbol, la calle estrecha es ahora avenida,
por algún olvido de los urbanizadores, la piqueta no se llevó la vieja
construcción de adobe, todavía se puede buscar la sombra del palo de
mango, ver los tejados sobre los cuales han crecido hierbajos.
La historia de toda ciudad es una historia de superposiciones. Si no
fuera así, todas las ciudades serían radicalmente antiguas o radicalmente
modernas. Cada época se ocuparía en la demolición de la precedente. La
historia es una superposición de épocas y acontecimientos.
No hay ceremonia más cruel que la de reconstruir la fisonomía de las
ciudades que fueron haciéndose diferentes en su crecimiento. En esa
crueldad habita una protesta, acaso romántica, acaso nostálgica:
resistirnos a que las cosas cambien. Y cambian, pese al empecinamiento
de nuestra memoria afectiva. Como cambian los seres que tal vez se
vuelvan desconocidos con el paso del tiempo. Lo terrible no es que
cambien sino que los cambios signifiquen la expulsión del hombre. Si no
del hombre, sí de la escala humana.
Cali, 1964. Bellas Artes, el Café de los Turcos, la Plaza de Caycedo, la
Librería Nacional, el Teatro Municipal, el cafecito de aguardienteros que
hablaban de Thomas Mann o de Derecho Romano, el Café Colombia de
la Carrera Cuarta. Allí están Jotamario Arbeláez, El Monje Loco, Ramiro
Madrid, Umberto Valverde, Alfredo Rey. Son rostros que, mirados en un
álbum, invitan a reconstruir una época. Topografía reconocible y no
obstante distinta: ya no la habitan las amistades de entonces. Ni siquiera
los burdeles están donde estuvieron y algunos de los amigos cometieron
la injusticia de morirse sin advertirnos a tiempo. Con ellos se iba algún
fragmento de la ciudad, alguna confidencia, algún rencor o disputa
nunca esclarecidos ni zanjados.
232
En une nouvelle cérémonie du langage, nous nous disons : là se
trouvait le lieu disparu et pourtant évoqué car ce que l'on évoque avec le
lieu c'est une certaine expérience vécue. Nous devons nous habituer à
cette cérémonie. A dire de plus en plus souvent : ici, au bord du fleuve,
se trouvait la maison qui, aujourd'hui, est un immeuble, là, au croisement
de rues et d'avenues, était situé le terrain de football, la rue étroite est à
présent une avenue, à la suite d'un oubli des urbanistes, la pioche n'a pas
détruit la vieille construction en pisé, on peut encore rechercher l'ombre
du manguier, voir les toits sur lesquels ont poussé des herbes.
L'histoire de toutes les villes est une histoire de superpositions. S'il
n'en était pas ainsi, toutes les villes seraient radicalement anciennes ou
radicalement modernes. Chaque époque prendrait soin de démolir la
précédente. L'histoire est une superposition d'époques et d'événements.
Il n'existe pas de cérémonie plus cruelle que celle de reconstituer la
physionomie des villes qui sont peu à peu devenues différentes au cours
de leur croissance. Cette cruauté renferme une protestation, peut-être
romantique, sans doute nostalgique : essayer d'empêcher le changement
des choses, qui changent, malgré l'obstination de notre mémoire
affective. Comme changent les êtres qui deviennent parfois des inconnus
avec le passage du temps. Le terrible ce n'est pas qu'ils changent, mais
que les changements signifient l'élimination de l'homme. Sinon de
l'homme, du moins de l'échelle humaine.
Cali, 1964. Les Beaux-Arts, le café des "Turcos", la place de
Caycedo, la "Libreria Nacional", le "Teatro Municipal", le bistro des
amateurs d'eau-de-vie qui parlaient de Thomas Mann et de Droit
Romain, le café Colombia de la quatrième avenue. Là se trouvent
Jotamario Arbelaez, El Monje Loco, Ramiro Madrid, Umberto Valverde,
Alfredo Rey. Ce sont des visages qui, regardés dans un album, invitent à
la reconstitution d'une époque. Une topographie reconnaissable et
néanmoins différente : elle n'est plus habitée par les amitiés d'alors.
Même les bordels ne sont pas là où ils étaient et certains de nos amis
ont été injustes en mourant sans nous prévenir à temps. Avec eux s'en
allaient un fragment de la ville, une confidence, une rancune ou une
dispute, jamais élucidées ni tranchées.
233
Un día entre las cruces
(Fragmento)
Armando Romero
234
Un jour parmi les croix
(Fragment)
Armando Romero
235
poème souterrain dans la grotte des Trois Croix.
Tant de haine, tant de misère, tant de douleur pour ce néant, ce vide.
236
volvería, no iría en la dirección que vino como regalo con la infancia.
Cerraría los ojos y las puertas y ya no habría más. Terminaría en el mar,
como el agua que sale de los grifos, como las gotas que empujan al caer
las piedras del río.
No era necesario rebuscar más en esos escaparates de la infancia y
por la carrera octava se enrumbó hacia el barrio Santa Rosa buscando
volver al centro, perdida la brújula, ausente el compás. Los vidrios del
Teatro Sucre anunciaban un Elvis Presley descompuesto y un Dustin
Hoffman de bachillerato. Y allá adelante prostitutas, carros, almacenes
como lápices de colores por el suelo, cafés y restaurantes, gente
caminando o charlando parada en las esquinas, vendedores de lotería,
puestos de fritanga, pordioseros, autobuses, carretillas, gamines sucios
corriendo y gritando, robando, ladrones, niños sucios y podridos, rateros,
drogadictos, borrachos, policías.
Nada más nocturno que esa plaza de mercado, la galería de Santa
Rosa, incluso cuando la visitaba de día en sus excursiones con el
licenciado Gato. Las pesadillas colgaban como plátanos en la calle, los
estremecimientos se ramificaban como mamoncillos en platones. De
todo lo que era horror y desagrado había allí para Elipsio, quien ahora
cruzaba esas calles desiertas y resbalosas por los desperdicios y las
cañerías reventadas.
Subió por la carrera novena hacia la Plaza de Santa Rosa y en la
esquina de la calle diez, en donde antiguamente estaba la gallera
Picodeoro, se topó con un grupo de borrachos dormidos como obispos
muertos por Botero. Era impactante el ruido que hacían: marranos frente
al carnicero. Vi la cuadra siguiente, en la plaza, un enorme, bullicioso y
oloroso bar con una radiola inmensa en el centro, iluminando desde
todos sus ángulos, y arriba de ella una orquesta eléctrica de juguete que
salía y empezaba a tocar al compás de la música: la infancia estaba allí,
toda.
237
Non, il n’y retournerait pas, il n’irait pas dans la direction qui était
venue comme un cadeau avec l’enfance. Il fermerait les yeux et les
portes et il n’y aurait plus rien. Il finirait dans la mer, comme l’eau qui
sort des robinets, comme les gouttes qui poussent en tombant les pierres
de la rivière.
Il n’y avait plus besoin de chercher encore dans ces vitrines de
l’enfance et il se mit en chemin, par la Huitième avenue, vers le quartier
Santa Rosa, en cherchant à retourner au centre, perdue la boussole,
absent le compas. Les vitres du Théâtre Sucre annonçaient un Elvis
Presley décomposé et un Dustin Hoffman de lycée. Et là-bas plus loin,
des prostituées, des voitures, des magasins comme des crayons de
couleurs par terre, des cafés et des restaurants, des gens marchant ou
bavardant debout aux coins des rues, des vendeurs de loterie, des stands
de fritures, des mendiants, des autobus, des brouettes, des gamins sales
courant et criant et volant, des voleurs, des enfants sales et pourris, des
pickpockets, des drogués, des ivrognes, des policiers.
Rien de plus nocturne que cette place de marché, la galerie Santa
Rosa, même lorsqu’il la visitait de jour dans ses excursions avec l’avocat
Gato. Les cauchemars pendaient comme des bananes dans la rue, les
tressaillements se ramifiaient comme des mamoncillos9 dans des
cuvettes. Il y avait là toute l’horreur et le déplaisir pour Elipsio, qui
maintenant traversait ces rues désertes et glissantes à cause des déchets
et des canalisations éventrées.
Il monta par la Neuvième avenue vers la place Santa Rosa et au coin
de la Dixième rue, où se trouvait jadis l’arène de combats de coqs
Picodeoro, il tomba sur un groupe d’ivrognes endormis comme des
évêques morts de Botero. Le bruit qu’ils faisaient était impressionnant :
des cochons face au boucher. Dans la rue suivante, sur la place, un bar
énorme, bruyant et odorant, avec une boîte à disques immense au centre,
brillant de tous ses angles, et en son sommet un orchestre électrique
miniature qui sortait et commençait à jouer au rythme de la musique :
l’enfance était là, toute entière.
9
Mamoncillo : fruit tropical de l’arbre Melicocca bijuga (Sapindacée).
238
El embarcadero de los incurables
(Fragmento)
239
(Fragment)
240
encore pu fixer complètement son regard sur rien. La ville l’engloutissait
pis qu’un ver de terre, sans direction connue
241
conocido y sin orientar en ninguna forma sus pasos hacia el Verum-
Bonum.
Esta estúpida alfombra de la vida hecha de casualidades, donde
vamos dejando tanto nuestras babas como el registro de nuestros pesados
pies, dijo entre dientes.
Y sintió, sin más, otra vez el maldito lazo alrededor del cuello. Nudo
ciego, horror vacui. Pasó una señora vestida de verde abotellado, no
hacía más que mirar fijamente el esmalte naranja de sus uñas. Oh,
demasiado carmín en sus mejillas. De pronto desapareció como una
sardina en la marisma, pudiera ser incluso aquella que acababa de
doblarse a mirar en un cajón de frutas. Tenía dos manchas de sudor bajo
las axilas, él lo había visto todo. En los trajes verdes, el sudor se torna
negro, dijo. "Cervecería La Fontana", se leía en el aviso. Escupe en el
suelo.
Cuántos siglos viendo rodar hojas en polvo muertas sobre fríos
bloques de piedra, dijo, tambaleante. Sudarios interminables de hojas
rotas pisoteadas sobre vías asfaltadas, la misma tierra y los mismos
techos, dijo, sin dejar de mirar la cervecería. ¡Qué gran nevada de
estiércol y verdín en los muros desde siempre! Aquellos pensamientos
por poco lo tumban. Más allá, donde el viento se empeñaba en acumular
polvo y escupas secas, algo muy serio permanecía inmutable, pero no
halló qué podría ser. Un pelo en la punta de su lengua. El tipo que
echaba bocanadas de humo bajo el arco del puente había ya
desaparecido.
Jamás tuve pelos en la lengua, dijo, mucho menos ahora, al final de
mi vida. Escupió el pelo. Está dándole vuelcas a su lengua contra el
paladar, dándole.
Bajaba los párpados tirado en la cama junto a su Márilin. Juntaba sus
pestañas de una manera supremamente juiciosa, respiraba profundo,
como un cebú, morro no le faltaba. Metía ambas manos entre los
calzoncillos, dejaba quietitos los pies, se miraba así largamente las uñas,
ensimismado. Quizás fuera eso lo que sentía que debía hacer. Pero de
repente se sorprendía con los ojos más abiertos que nunca, dando saltos
mortales contra el papel de colgadura de las paredes. Los ojos como aros
de bicicleta girando en el vacío, no tenía remedio, el café lo mataba
¿Cuántas orejas no había cortado ya de raíz en la vida?
Aseó las ventanas de su nariz durante un rato. A la vista de todo el
mundo que pasó, cuando todavía no terminaba de oscurecer. Y estuvo
242
et sans orienter en aucune façon ses pas vers le Verum-Bonum.
Ce stupide manteau de la vie fait de hasards, où nous laissons aussi
bien nos baves que le registre de nos pieds lourds, dit-il entre ses dents.
Et voilà qu’il a senti à nouveau ce maudit nœud autour du cou. Un
nœud aveugle, horror vacui. Une dame habillée en vert bouteille est
passée, il ne faisait que regarder fixement l’émail orange de ses ongles.
Oh, trop de carmin sur ses joues. Soudain, elle a disparu comme une
sardine dans un marais, elle aurait pu être aussi celle qui venait de se
pencher pour regarder dans une caisse de fruits. Elle avait deux taches de
sueur sous les aisselles, il avait tout vu. Sur les vêtements verts, la sueur
devient noire, dit-il. « Brasserie La Fontana », lisait-on sur l’enseigne. Il
crache par terre.
Combien de siècles à voir rouler des feuilles mortes dans la
poussière, sur des blocs froids de pierre !, dit-il, chancelant. Des suaires
interminables de feuilles brisées, piétinées sur des voies asphaltées, la
même terre et les mêmes toits, dit-il, sans cesser de regarder la brasserie.
Quelle grande tempête neigeuse de fumier et de lichens sur les murs
depuis toujours ! Ces pensées le mettent presque à terre. Plus loin, là où
le vent s’entêtait à accumuler de la poussière et des crachats secs,
quelque chose de grave restait immuable, mais il n’a pas trouvé ce que
cela pourrait être. Un poil sur la pointe de la langue. Le type qui jetait
des bouffées de fumée sous l’arche du pont avait déjà disparu.
Je n’ai jamais eu de poils sur la langue, dit-il, encore moins
maintenant, à la fin de ma vie. Il a craché le poil. Il tourne sa langue
contre le palais, et tourne.
Il baissait les paupières, allongé au lit près de sa Marilyn. Il
joignait ses cils d’une manière suprêmement sage, respirait profond,
comme un zébu, il ne lui manquait pas la bosse. Il mettait les deux des
mains entre le caleçon, gardait les pieds immobiles, se regardait ainsi
longuement les ongles, replié sur soi. Peut-être était-ce cela qu’il sentait
devoir faire. Mais tout à coup il se surprenait, avec les yeux plus ouverts
que jamais, à donner des sauts mortels contre le papier peint des murs.
Les yeux comme des roues de bicyclette tournant dans le vide, il n’y
avait rien à faire, le café le tuait : combien d’oreilles n’avait-il pas déjà
coupées à la racine dans la vie ?
Il s’est nettoyé les narines pendant un moment. À la vue de tout le
monde qui passait, quand la nuit n’avait pas fini de tomber. Et il s’est
243
empeñado en hacer bolitas con sus dedos, se entretuvo, miró fijamente el
suelo como procurando algo. No había dejado de leer en el suelo desde
el principio ni un sólo instante, iba tras ciertos signos.
A sus pies, rendidas, las ventas de aquellas galletas negras,
envenenadas. Mujeres mucho más que oscuras, sentadas como hieráticos
troncos quemados en la oscuridad. Aquellas mugrosas canastas tejidas,
envejecidas, donde asomaban, como miedosos hongos, los panes
esponjosos. No era nada cuanto había avanzado, pero aun así se sentía
cada vez más lejos de su confuso punto de partida: lo que él llamaba su
maldita cruz. Mangos verdes colgando de siniestras ramas. Negras de
dientes especialmente redondeados y blancos organizadas según el modo
de las grandes orquestas. Aquellos pechos rajados por su centro,
embetunados. Tetas como ollas ahumadas. Veía aquellas piernas como
abedules, flotando en un extraño lodo de secreciones, la ropa hecha de
trapos generosos, los dedos tostados y brillantes. Aquellas uñas
enhiestas, de vidrio. Juajuajuajuajuaaaá! Cómo se carcajeaba Uldarico
sin poderse siquiera controlar.
Tiene miedo, a causa de su cada vez más sistemática lejanía de la
Senda del Bien. Pero, aun así, no hace más que sonreír. Viejo granuja,
cuya suerte definitiva parece decidirse ahora mismo, no obstante su
poderoso crucifijo anclado en el pecho. ¡A qué horrible costo acababa de
apearse de su cruz! Un paso más por la Avenida, pensó, dos y ya está. La
Gran Avenida esplendorosa ante sus ojos. Allí, donde se había
acumulado lo mejor del progreso de los últimos años. Alguien está
pasando, alguien que vende bizcochos en una bandeja. Se queda
mirándolo, absorto. Parpadea, no puede dejar de reír y parpadear, extraña
mueca. Bizcochos tiesos y viejos para los cerdos, piensa. Sólo un paso
más, dijo, ándale, ándale. No hace otra cosa que gruñir y reír. Márilin lo
ha dejado tirado como a un conejo en la puerta del gallinero. ¿Lo ha
dejado por fin justamente abandonado? No, eso no, ya volverá, piensa él,
eso ni pensarlo. Pero aun así cruje de miedo. Está pensando que podría
avanzar sin mayor peligro unos cuantos pasos más por la Gran Avenida,
nada tendría de pernicioso. Y con sólo imaginarlo se apodera de él una
rara fascinación, entre baba espesa y temblor.
¿Dónde permaneció oculta mi ciudad, que ahora observo dibujarse
apenas en la grieta de tan extrañas nubes? ¿Dónde me la habían
escondido, puñeteros, dijo, en qué maldito bolsillo de qué espantable
244
consacré à faire des boulettes avec ses doigts, il a passé le temps,
regardant fixement par terre comme s’il cherchait quelque chose. Il
n’avait pas cessé de lire dans le sol depuis le début ni un seul instant, il
allait derrière certains signes.
À ses pieds, vaincues, les étalages de ces biscuits noirs,
empoisonnés. Des femmes bien plus que sombres, assises comme des
troncs hiératiques brûlés dans l’obscurité. Ces crasseuses corbeilles
tissées, vieillies, où apparaissaient, comme des champignons peureux,
les pains spongieux. Il n’avait avancé sur pas grand chose, mais même
ainsi il se sentait de plus en plus loin de son point confus de départ : ce
qu’il nommait sa maudite croix. Des manches vertes pendant de
branches sinistres. Des Noires aux dents spécialement arrondies et
blanches, organisées selon la manière des grands orchestres. Ces
poitrines fendues en leur milieu, passées au cirage. Des seins comme des
marmites enfumées. Il voyait ces jambes comme des bouleaux, flottant
dans une boue étrange de sécrétions, les vêtements faits de chiffons
généreux, les doigts brillants et hâlés. Ces ongles tout droits, de verre.
Ha ha ha ha ! Comme il riait aux éclats, Uldarico sans pouvoir même se
contrôler.
Il a peur, à cause de son éloignement de plus en plus systématique
de la Voie du Bien. Mais même ainsi, il ne fait que sourire. Le vieux
coquin, dont le sort définitif semble se décider tout de suite, ne serait-ce
son crucifix puissant ancré sur la poitrine. À quel prix horrible venait-il
de descendre de sa croix ! Un pas de plus sur le Boulevard, pensa-t-il,
deux et ça y est. Le Grand Boulevard resplendissant devant ses yeux. Là
où s’était accumulé le meilleur du progrès de ces dernières années.
Quelqu’un passe, quelqu’un qui vend des gâteaux sur un plateau. Il reste
à le regarder, absorbé. Il bat des paupières, il ne peut cesser de rire ni de
battre des paupières, étrange grimace. Des gâteaux durcis et vieux pour
les porcs, pense-t-il. Rien qu’un pas de plus, dit-il, vas-y, vas-y. Il ne fait
que grogner et rire. Marilyn l’a laissé planté comme un lapin à la porte
du poulailler. L’a-t-elle laissé enfin, justement abandonné ? Non, ça non,
elle reviendra bien, pense-t-il, pas question. Mais malgré ça il craque de
peur. Il pense qu’il pourrait faire sans grand danger encore quelques pas
sur le Grand Boulevard, cela n’aurait rien de pernicieux. Et rien qu’à
l’imaginer, une curieuse fascination s’empare de lui, entre une bave
épaisse et un tremblement.
245
Où est-elle restée cachée, ma ville que j’observe maintenant se dessiner
à peine dans la fente de nuages si étranges ? Où me l’aviez-vous cachée,
bandits, dit-il, dans quelle poche maudite de quel épouvantable
246
abrigo? ¡Oh, mi ciudad, mi ciudad! Escarba con la punta del pie, como a
la búsqueda de algo.
El hombre que al parecer vendía bizcochos ha desaparecido. Aquella
cervecería no era más que un cuchitril, pero en un cuchitril de baja
estopa también se la pasa de maravillas. ¿Por qué se veía tan triste,
ahora, aquella mujer doblada contra el muro donde colgaba el teléfono?
¿Por qué mordía tan ansiosamente sus labios?
Lo que ahora mastica Uldarico es una hebra de hilo arrancada de su
pantalón. Rie.Y devora al mismo tiempo el mustio pellejo de sus uñas.
Mira al suelo, intenta descifrar las señales. No ha dejado de hacerlo un
sólo instante, desde el momento en que se tiró a la calle detrás de
Márilin, tan lejos del Verum-Bonum. Anda en eso Jamás podría negarlo.
Quiere leer en el fango sus huellas, pero ocurre que no hay allí nada
escrito todavía. Márilin acababa de tirarlo como a un coco vacío en el
cesto, toda paciencia tenía su límite. Te dejo, le había dicho ella con la
cabeza completamente desgonzada contra el resplandor del vidrio. Así él
vio de pronto las cosas. Te dejo para toda la vida, pedazo de mogolla, le
dijo, y no te pongas rubicundo. No eres más que un cerdo, debías
entenderlo. ¿O es que acaso no te has dado por enterado del sordo
alboroto que armas cuando estropeas la pobre tierra? Por nada, hombre,
por nada, lo vas a ver. Pedazo de trapo, le dijo, francamente me causas
lástima. La cabeza de ella vencida contra el resplandor del vidrio, afuera
las tristes sombras de los pájaros. Pedazo de cualquier cosa, si no fuera
por todo esto hasta serías una hermosura. Por lo que de pronto ella se
paró de su asiento, tal como él quiso verla, empeñada en hacer toda clase
de gestos desde la puerta. Regresó al butacón amarillo, correteó de
nuevo. Estaba más lujosa y pomposa que nunca. Para comenzar, se
amarró fieramente la moña en el curubito de su cabeza, él la vio, podría
jurarlo. Dio en el suelo tres golpazos con su bastón y empezó a bajar las
escaleras con pasmosa dignidad. Parecía una reina embalsamada en las
humaredas de ceniza que de pronto levantaron los recuerdos con sólo
haber dicho me largo de aquí, hombre, para tu desgracia me doy por
desaparecida. ¡Qué cantidad de recuerdos! Uldarico la vio ir. La dejó
marchar tan oronda, ya habría de volver. Sin pronunciar siquiera una
sola palabra que la hiciera echar pie atrás. Con una palabra oportuna
hubiera sido suficiente. Y después el asunto se habría arreglado. Pero él
se la jugó a un honor inexplicable y la dejó marchar en principio sin
siquiera abrir su boca.
247
manteau ? Oh, ma ville, ma ville ! Il creuse avec la pointe du pied,
comme à la recherche de quelque chose.
L’homme qui paraissait vendre des gâteaux a disparu. Cette
brasserie n’était rien de plus qu’un bouge, mais dans un bouge de bas
étage on passe aussi le temps à merveille. Pourquoi avait-elle l’air si
triste, maintenant, cette femme courbée contre le mur, où pendait le
téléphone ? Pourquoi se mordait-elle si anxieusement les lèvres ?
Ce qu’Uldarico mâche maintenant, c’est un brin de fil arraché à
son pantalon. Il rit. Et il dévore en même temps la peau ternie de ses
ongles. Il regarde le sol, essaie de déchiffrer les marques. Il n’a pas cessé
de le faire un seul instant, depuis le moment où il s’est jeté à la rue
derrière Marilyn, si loin du Verum-Bonum. Il est tout entier à ça. Il ne
pourrait jamais le nier. Il veut lire ses traces dans la boue, mais il se
trouve qu’il n’y a là rien d’écrit encore. Marilyn venait de le jeter
comme une noix de coco vide à la poubelle, la patience a ses limites. Je
te quitte, lui avait-elle dit avec la tête complètement penchée contre
l’éclat de la vitre. C’est ainsi qu’il a soudain réalisé. Je te quitte pour
toute la vie, vieux croûton, lui a-elle dit, et ne deviens pas écarlate. Tu
n’es rien de plus qu’un porc, tu aurais dû le comprendre. Ou peut-être
que tu ne t’es pas considéré comme étant au courant du remue-ménage
sourd que tu déclenches quand tu abîmes la pauvre terre ? Par rien, mec,
par rien, tu vas le voir. Bout de chiffon, lui a-elle dit, tu me fais
franchement de la peine. Sa tête à elle penchée contre l’éclat de la vitre,
dehors les tristes ombres des oiseaux. Bout de n’importe quoi, si ce
n’était pas à cause de tout cela, tu serais une merveille. Ce sur quoi elle
s’est soudain levée de son siège, telle qu’il a voulu la voir, se mettant à
faire toutes sortes de grimaces depuis la porte. Il est revenu au banc
jaune, a battu le pavé à nouveau. Elle était plus luxueuse et pompeuse
que jamais. Pour commencer, elle s’est attaché rageusement le chignon
en haut de la tête, il l’a vue, il pourrait le jurer. Elle a donné trois grands
coups par terre avec sa canne et a commencé à descendre les escaliers
avec une dignité étonnante. Elle avait l’air d’une reine embaumée dans
les nuages de cendre qui ont ranimé les souvenirs rien que pour avoir dit
je me tire d’ici, mec, pour ton malheur je me considère disparue. Quelle
quantité de souvenirs ! Uldarico l’a vue partir. Il l’a laissée partir si
satisfaite, elle devrait être revenue. Sans même prononcer un seul mot
qui lui aurait fait faire un pas en arrière. Il aurait suffi d’une parole
opportune. Et après l’affaire se serait arrangée. Mais il se l’est jouée à
248
l’honneur, inexplicablement et il l’a laissée partir dès le début sans
même ouvrir la bouche.
249
Los granos que cuelgan de la cara de aquel hombre, está viendo. Al lado
de la cervecería están cerrando ahora una farmacia. El fuerte allí es la
línea de jabonería, una perfumería de segunda. Más atrás la fuente de
agua de los correos, donde bracean desnudos dos niños con cara de
probados asesinos.
Gruñiré en tus orejas, chica, dijo. Reirás dando tumbos sobre el
edredón, vuelta un gusano. Vendrás de rodillas a la palma de mi mano, te
lo juro, desnuda. Y te pondré la uña en el roto del ombligo. Y entonces
reirás, con tu amplia cara de luna de octubre. Mostrarás tus espléndidas
encías, chica, al menos eso. Todo cielo se lava de piedras tarde o
temprano, te lo digo yo, se lava porque se lava. Márilin acababa de
hundirse en el borbollón de su memoria con cara bastante tétrica. Hasta
el punto de haber dibujado sobre sus cejas una línea oblicua y sombría
que ella antes nunca ostentó. Cuántas veces no se había marchado, pero
cuántas otras no retornó por sus propios medios, sin que hubiera sido
necesario pedírselo de un modo que pareciera demasiado especial. De
manera que en realidad no había de qué preocuparse. Ella no tenía dónde
más ir. Ni tenía por qué hacerse presente con su pico a graznar en otra
escotilla a estas horas de su vida. ¿Por qué ir a otro sitio a reclinar su
cabeza, si ya la había humillado bastante? Pero ahora parecía que el
asunto sí iba en serio, él nunca había llegado tan lejos.
Los granos que brillan en el rostro de ese hombre cuando muerde el
pañuelo, Uldarico no puede dejar de mirarlo. Aguarda por alguien,
seguramente, se muere de ansiedad. Podría tratarse de un pícaro de la
noche estrellada o de un hábil de la niebla. Uldarico se lleva de
inmediato la mano a la cartera, en el bolsillo de su saco, ahí está aún.
Lo malo fueron los golpes, hombre, se dijo, objetos rodando por el
suelo. La gata hinchada de cinismo en los almohadones. Aunque después
de la paliza, cuando la tormenta se inclinaba ligeramente a favor del
gorila, ella decidió incorporarse con una firmeza más que pasmosa. Fue
por su bastón, como quien va por su mohosa espada de duelo. Orinó por
última vez en el sanitario auxiliar, con la puerta entreabierta. Salió al
pasillo, donde él debió verla por última vez, demasiado borrosa bajo los
helechos, desde donde al parecer dijo:
"Está bien, lo admito. He comprendido por fin lo poco o lo mucho
que desde hace tantos años me estás tratando de tirar a la cara.
¡Suficiente ilustración! ¡Su-fi-cien-te! Pues bien, esto es todo, ahora me
desaparezco. Si eso es lo que quieres, entonces no hay más discusión.
250
Il est en train de voir les boutons qui pendent du visage de cet
homme. À côté de la brasserie, une pharmacie ferme. Leur point fort est
la ligne de savons, une parfumerie de second ordre. Plus loin derrière, la
fontaine de la poste, où nagent tout nus deux enfants au visage
d’assassins confirmés.
Je te grognerai dans les oreilles, jeune fille, a-t-il dit. Tu riras en
sautant sur l’édredon, devenue un ver. Tu viendras à genoux à portée de
ma main, je te le jure, nue. Et je te mettrai l’ongle dans le creux du
nombril. Et alors tu riras, de ta large face de lune d’octobre. Tu
montreras tes gencives splendides, jeune fille, au moins cela. Tout ciel se
nettoie de pierres tôt ou tard, je te le dis, il se nettoie parce qu’il se
nettoie. Marilyn venait de s’enfouir dans le bouillonnement de sa
mémoire avec un visage assez lugubre. Au point d’avoir dessiné sur ses
sourcils une ligne oblique et sombre qu’elle n’avait jamais montrée
avant. Combien de fois n’était-elle pas partie, mais combien d’autres
n’était-elle pas revenue de sa propre initiative, sans qu’il eût été
nécessaire de le lui demander d’une manière qui parût trop spéciale ? En
réalité il n’y avait donc pas de quoi se préoccuper. Elle n’avait nulle part
où aller. Elle n’avait pas non plus de raisons se présenter avec son bec
pour croasser dans une autre turne à ces heures de sa vie. Pourquoi aller
incliner sa tête ailleurs, puisqu’elle l’avait suffisamment humilié ? Mais
maintenant il semblait que l’affaire devenait sérieuse, il n’était jamais
allé aussi loin.
Les boutons qui brillent sur le visage de cet homme quand il mord
son mouchoir, Uldarico ne peut cesser de le regarder. Il attend
quelqu’un, sûrement, il meurt d’anxiété. Il pourrait s’agir d’un coquin de
la nuit étoilée ou d’un habitué du brouillard. Uldarico porte
immédiatement la main au portefeuille, dans la poche de son sac, il est
toujours là.
Le mauvais ç’a été les coups, mec, se dit-il, des objets roulant par terre.
La chatte gonflée de cynisme dans les coussins. Bien qu’après la raclée,
quand l’orage penchait légèrement en faveur du gorille, elle a décidé de
s’incorporer avec une fermeté plus que surprenante. Elle a été chercher
sa canne, comme on va prendre son épée de duel rouillée. Elle a uriné
une dernière fois aux cabinets annexes, avec la porte entrouverte. Elle
arrivée dans le couloir, où il a dû la voir pour la dernière fois, trop floue
entre les fougères, d’où semble-t-il elle a dit : « c’est bien, je l’admets.
J’ai enfin compris le peu ou le prou que depuis tant d’années tu essaies
251
de me jeter au visage. Suffisante illustration ! Suf-fi-san-te ! Eh bien,
c’est tout, maintenant je disparais. Si c’est cela que tu veux, alors il n’y a
plus de discussion.
252
Pedazo de trapo, mogolla podrida, ahí te dejo en libertad. ¿Quedas
contento?"
Y se marchó. Uldarico no dijo ni mu. Variedad de estrellas en el piso,
sólo el recuerdo de la cabeza de ella vencida contra la vidriera. El pasto
del patio, el lechugal a lo lejos con toda la carga de su amarga
responsabilidad, todo se veía ahora arrasado por el siniestro paso del
viento. Negro, a causa de las sombras que ya concluían su descenso
corriendo por los muros.
253
Bout de chiffon, croûton pourri, je te laisse ici en liberté. Tu es
content ? »
Et elle est partie. Uldarico n’a rien dit. Variété d’étoiles dans
l’appartement, rien que le souvenir de sa tête à elle courbée contre le
vitrage. Le gazon de la cour, le carré de salades au loin avec toute la
charge de leur amère responsabilité, tout se voyait maintenant aplati par
le passage sinistre du vent. Noir, à cause des ombres qui finissaient déjà
leur descente en courant le long les murs.
254
El titiritero
(Fragmento)
255
Le marionnettiste
(Fragment)
Tous les dimanches elles sortent au coin de la rue. Elles sont vêtues
du même deuil rigoureux dont elles se couvrent depuis tant d’années. Du
temps que Dolores vivait encore (nous dirions « jusqu’au moment où
l’on a élargi la Deuxième Rue »), les sept Umaña, revêtues de la dignité
épiscopale que les provinciales ne perdent jamais bien que la pollution
urbaine les consume, prenaient là le bus Vert de la ligne deux qui en
faisant des tours et des détours, en s’arrêtant et redémarrant, en freinant
mal à propos ou en se disputant les voies avec le Vert Bretaña de la ligne
trois, les laissait finalement (écœurées, affligées d’avance et avec la
pâleur pour seul cosmétique) en face de la fabrique de liqueurs, au pied
des étals de fleurs.
Après la mort de Dolores, les prix ont augmenté, d’abord d’un
peso, après de deux, plus tard de trois et maintenant de tout le poids de
l’inflation par dessus, les Umaña ont acheté, chaque dimanche, chaque
dimanche matin, prudemment vêtues de noir, la douzaine de marguerites
blanches, le bouquet de rêve et les larmes de l’affliction.
Du temps que Dolores vivait (rigide, rubiconde, toujours sur le point
d’éclater), elle ouvrait son portefeuille, payait les fleurs et présidait la
cérémonie. Elle devant, trois derrière et trois autres encore derrière.
Toutes les sept vêtues de noir, bas montants et talons de collégienne, sac
de cuir verni et chapelet de Lourdes. Vues à cette heure du matin, dans la
monotone congestion dominicale des cimetières, c’est à peine si elles
parvenaient à rompre l’ambiance lugubre du paysage. Silencieuses,
jusqu’au moment où Dolores haussait la tête et commençait avec un
gémissement millimétrique à prier, à pleurer et à se souvenir, les sept
Umaña, protégées par leur prudence, s’acquittaient inévitablement du
rythme qui les unissaient souffrantes comme un programme suprême
chaque semaine. Et quand elles prient et pleurent et se souviennent, et
plus encore quand elles ressortent en ayant laissé les marguerites sur la
tombe, les Umaña inspirent la même pitié qu’elles devaient avoir causée
au peu d’êtres humains qui les ont accompagnées ce petit matin du 27
février à laisser dans le Cimetière Central ce qui signifiait
256
tanto y que un aletazo del destino, una súplica hiriente de los vivos, les
había arrebatado sin tiempo para pensarlo.
Toman entonces el bus Verde de la ruta dos, al otro lado de la calzada
donde las había dejado. Ya no hablan, mudas, siguiendo a veces en fila
india, otras en grupo compacto, las Umañas, vestidas de negro, más
pálidas que cuando bajaron, vuelven a subir al bus y resignadas se
quedan todo el domingo recordando las últimas sonrisas, los últimos
dichos y hasta los últimos olores, alimentando enfermizamente una
pasión inclasificable por lo desaparecido.
No le es extraño a ellas. Cuando llegaron a Cali con su dignidad
episcopal, huyendo de las detonaciones asesinas desde su fragante
Roldanillo, se portaron casi igual. Tenían una vocación por ritualizar el
pasado, por hacerlo presente en cada gesto, que tal vez las Umañas
equivocaron su destino en la vida y antes que haber sido las
insignificantes mujeres a quienes la virginidad y la neurastenia
consumieron irremediablemente, debían haber ocupado las más altas
dignidades de los estados monárquicos o de los conventos medievales.
Aferradas con desespero al recuerdo, volcaban en su capacidad
imaginativa el ritmo que Dolores les imponía. Incapacitadas para
recorrer de vez en cuando las calles de su Roldanillo (no pudieron volver
a él hasta cuando las detonaciones asesinas se callaron totalmente),
hicieron de su casa, de su hermana, de su sobrino, el Roldanillo que las
circunstancias grotescas les interrumpieron. Y entonces, cuando
volvieron a caminar de visita, por las solitarias calles de su pueblo y en
cada esquina el viento les traía un recuerdo nuevo, cargaron por enésima
vez sus baterías de la añoranza y alumbraron con ellas hasta el más
mínimo acto de su vida en el barrio Bretaña de Cali.
Juraron no volver a Roldanillo la madrugada en que vestidas de
negro, como cada domingo, las subieron a los carros militares, les
hicieron presente, en carne viva, una situación que creían olvidada y la
inutilizaron para siempre. Pero minusválidas y todo, tuvieron fuerza esa
madrugada para prometer con fiereza vengativa, mirándose las unas a las
otras, que no volverían más y que cada domingo, lloviera, tronara o
relampagueara, ellas, vestidas de negro, como en ese mismo momento,
recordarían frente a la tumba el dolor de una suerte que no habían
escogido.
Quizá ni prometieron solemnemente y tan solo Dolores, altiva,
estruendosa sin quererlo, debió habérselo prometido. Pero ellas cumplían
257
tant pour elles et qu’un coup d’aile du destin, une supplique
blessante des vivants, leur avait enlevé sans le temps d’y penser.
Elles prennent alors le bus Vert de la ligne deux, de l’autre côté de
la chaussée où il les avait laissées. Elles ne parlent plus, muettes, se
suivent parfois en file indienne, parfois en groupe compact, les Umaña,
vêtues de noir, plus pâles que quand elles sont descendues, et elles
remontent dans le bus et restent résignées tout le dimanche en se
rappelant les derniers sourires, les derniers propos et jusqu’aux dernières
odeurs, en nourrissant maladivement une passion inclassable envers ce
qui a disparu.
Cela ne leur est pas étrange, à elles. Quand elles sont arrivées à
Cali avec leur dignité épiscopale, en fuyant les détonations assassines
depuis leur pimpant Roldanillo, elles se sont conduites presque pareil.
Elles avaient une telle vocation pour ritualiser le passé, pour le rendre
présent dans chaque geste, que peut-être les Umaña se sont trompées de
destin dans la vie, et qu’avant d’avoir été les femmes insignifiantes que
la virginité et la neurasthénie ont irrémédiablement consumées, elles
devaient avoir occupé les plus hautes dignités des états monarchiques ou
des couvents médiévaux. Accrochées avec désespoir au souvenir, elles
reversaient dans leur capacité imaginative le rythme que Dolores leur
imposait. Empêchées de parcourir de temps à autre les rues de leur
Roldanillo (elles n’ont pu y retourner que lorsque les détonations
assassines se sont totalement tues), elles ont fait de leur maison, de leur
sœur, de leur neveu, le Roldanillo que les circonstances grotesques leur
ont supprimé. Et alors, quand elles ont recommencé à se promener en
visite, par les rues solitaires de leur village et qu’à chaque coin de rue le
vent leur apportait un nouveau souvenir, elles ont rechargé une énième
fois les batteries de la nostalgie et ont éclairé avec elles jusqu’à l’acte le
plus minime de leur vie dans le quartier Bretaña de Cali.
Elles ont juré de ne pas retourner à Roldanillo le matin où,
habillées de noir, comme chaque dimanche, on les a fait monter dans des
camions militaires, et que s’est actualisée, dans leur chair, une situation
qu’elles croyaient avoir oubliée et qui leur est devenue inutile pour
toujours. Mais tout handicapées qu’elles étaient, elles ont eu la force ce
matin-là de promettre avec une force vindicative, en se regardant les
unes aux autres, qu’elles ne reviendraient plus et que chaque dimanche,
qu’il pleuve, qu’il tonne ou qu’il y ait des éclairs, elles, vêtues de noir,
258
comme en ce moment même, elles se souviendraient face à la tombe de
la douleur d’un sort qu’elles n’avaient pas choisi.
Peut-être n’ont-elles même pas promis solennellement et c’est
seulement Dolores, hautaine, cassante sans le vouloir, qui devait l’avoir
promis.
259
lo que Dolores convenía y así ellas, montadas en Verde San Fernando de
la ruta dos, han venido cada domingo a poner su grano de vida, a
acercarse a la muerte, juntando lo que les queda con el vago recuerdo de
lo que les fue sin haberlo previsto tan siquiera.
Cuando Dolores dejó de guiarlas porque la mudez se apoderó de ella
hasta morir, las Umañas restantes no cesaron en su tradición y a las
margaritas y el ensueño, unieron flores plásticas sobre su tumba. Fue por
los días en que la calle once se volvió avenida y la casa de ellas, tan
recogida, tan añorante de su Roldanillo, quedó a la orilla de la polución,
del progreso, como dijeron en la prensa. Tal vez eso fue lo que mató a
Dolores. Los ruidos ensordecedores de la velocidad y el olor penetrante
de la combustión debieron caerle mal a su altivez provinciana y antes
que verse resignada, con la cabeza baja y los pies marchitos, prefirió
morirse.
En un primer momento quedaron como perdidas en la maraña urbana
de un Cali que no conocían. Era demasiado para ellas volver a perder su
guía. Pero antes que recordar compungidas a Dolores, se lamentaron
hasta el cansancio porque en esa tumba, que cada domingo recibía las
margaritas y sus llantos, estaba la única esperanza que las había podido
redimir. Y cuando murió Blanquita Umaña y desde Roldanillo vinieron a
enterrarla las Stefan y el padre Azcárate y los Arangos de Primavera y
las Ortices del Parque y las Borjas de la Ermita y tantos otros a quienes
ellas seguían escribiendo, mandando dulces cada navidad, sufragios en
cada pena y telegramas en cada triunfo y el entierro pareció celebrarse
debajo de la araña inmensa de la iglesia parroquial de Roldanillo y no en
la iglesia de San Fernando, donde la cantaron los curas revestidos, las
Umañas en vez de dolerse de su ausencia volvieron a recargar sus
baterías del recuerdo y construyeron sobre su nueva pena un balcón
luminoso hacia el abismo trágico que las sacudía desde aquella nefasta
madrugada de febrero.
Hoy ya no quedan sino cuatro, las cuatro Umañas (porque Leonilde,
hermana de sangre, madre de la única luz que alumbró sus ojos, por más
nacida que hubiese sido Umaña, casó con Mejía-Vargas y desde entonces
dejó de serlo) y ellas cuatro, revestidas de negro, siguen tomando cada
mañana del domingo el mismo bus, la misma ruta y el mismo impulso
para cumplir invariablemente con el ritmo necrológico.
260
Mais elles exécutaient ce que Dolores avait disposé et c’est ainsi
que, prenant le San Fernando Vert de la ligne deux, elles sont venues
chaque dimanche déposer leur graine de vie, s’approcher de la mort,
réunissant ce qui leur reste avec le souvenir vague de ce qui a été sans
l’avoir même prévu. Quand Dolores a cessé de les guider parce que le
mutisme s’est emparé d’elle jusqu’à sa mort, les Umaña restantes n’ont
pas abandonné leur tradition et aux marguerites et au rêve, elles ont
ajouté des fleurs en plastique sur sa tombe. Ç’a été à l’époque où la
Onzième Rue est devenue une avenue et leur maison, si tranquille, si
évocatrice de leur Roldanillo, s’est retrouvée au contact de la pollution,
du progrès, comme on a dit dans la presse. Peut-être que c’est cela qui a
tué Dolores. Les bruits assourdissants de la vitesse et l’odeur pénétrante
de la combustion ont dû déplaire à son arrogance provinciale et avant de
se voir résignée, tête basse et pieds flétris, elle a préféré mourir.
Les premiers temps elles ont été comme perdues dans le maquis
urbain d’un Cali qu’elles ne connaissaient pas. C’était trop pour elles de
perdre aussi leur guide. Mais avant de se souvenir affligées de Dolores,
elles se sont lamentées jusqu’à l’épuisement parce que, sur cette tombe
qui recevait chaque dimanche les marguerites et leurs pleurs, résidait
l’unique espérance qui avait pu les sauver. Et quand Blanquita Umaña
est morte et que de Roldanillo, sont venus l’enterrer les Stefan et le père
Azcarate et les Arango de Primavera et les Ortiz du Parc et les Borja de
l’Ermitage et tant d’autres à qui elles continuaient d’écrire, en leur
envoyant des sucreries à chaque Noël, des faire-part à chaque douleur et
des télégrammes à chaque triomphe et que l’enterrement a paru être
célébré au-dessous du lustre immense de l’église paroissiale de
Roldanillo et non dans l’église de San Fernando, où les prêtres en habit
ont chanté pour elle, les Umaña, au lieu de souffrir de son absence, ont à
nouveau rechargé leurs batteries du souvenir et ont construit sur leur
nouvelle peine un balcon lumineux vers l’abîme tragique qui les secouait
depuis cette aube néfaste de février.
Aujourd’hui elles ne sont plus que quatre, les quatre Umaña (parce que
Leonilde, sœur de sang, mère de la seule lumière qui illumina ses yeux,
on ne peut plus née Umaña, se maria avec Mejía-Vargas et depuis lors
cessa d’être Umaña), toutes quatre, revêtues de noir, continuent à
prendre chaque dimanche matin le même bus, la même ligne et le même
élan pour s’acquitter invariablement du rythme nécrologique.
261
En cada rezo, en cada sollozo, parecen testigos de un ayer que todos
queremos olvidar o que al menos nos han obligado a mirarlo de otra
manera. No se cansan de vivir tan monótonamente las Umañas. No
olvidan las determinaciones sangrantes que las hicieron huir de
Roldanillo, pero recuerdan más el sonido estéril de las llantas militares
sobre el pavimento húmedo en la solitaria madrugada de febrero, cuando
perdieron la ilusión.
262
Dans chaque prière, dans chaque sanglot, elles semblent les
témoins d’un hier que nous voulons tous oublier ou qu’au moins l’on
nous a obligé à regarder autrement. Elles ne se lassent pas de vivre d’une
manière si monotone, les Umaña. Elles n’oublient pas les causes
sanglantes qui les ont fait fuir de Roldanillo, mais elles se rappellent plus
le son stérile des pneus militaires sur le pavé humide au petit matin
solitaire de février, quand elles ont perdu leurs illusions.
263
La Calle Mocha
(Bomba camará)
Umberto Valverde
Camará Ricardo:
264
La rue Tronquée
(La bombe mon pote)
Umberto Valverde
265
allions au « Nocturnal », celle-là qui agitait les masses grâce à la
surabondance
266
carnal que tenía?, pues ahora es la manzana de la discordia, porque
siempre llega borracha y hace unas escandaleras de miedo, los viejos se
han propuesto sacarla de la calle y están haciendo un memorial y eso que
no saben, y aquí viene lo mejor, que Emilio le cayó bien y se convirtió
en su mozo de cabecera, el man está como nunca, gozando de esa
carnicería y lo Importante, de su mosca; lo lleva al cine, le da para beber,
le regala misacas, de todo, ¿ves?
Decinos si la onda no está legal, todos tienen su hembrita y salimos
nítidos en el estudio, con chancuco, pero el todo es pasar y basta. Fíjate
que hasta el negro Losada se salió con la suya, se acostaba con Clarissa,
la casada, ¿te acordás?, la de la casa de la derecha, la última. Y está
jugando como nunca, dice que tus consejos fueron definitivos, pues
ahora lo contrató nuestro glorioso equipo rojo para que juegue en
reserva, de allí sólo es un paso, y ya es un crack.
No te desesperes que faltan cosas por contarte, lo que pasa es que
todo el mundo mete la mano aquí y escribe su partecita y se va, pero te
echamos todo el rollo porque sabemos que a vos te hace falta y degusta
así, ¿no es cierto, man?
Lo más de película fue el baile de los quince de Marta Díaz, duró
como tres días, la gente caía y reaparecía como nueva, el aguardiente
salía por magia, estábamos como cubas bebiendo, y qué comida,
hermano, estábamos firmes, nadie salía de la casa pues el ritmo nos
llamaba, se aprovechó un puente del carajo, y sonaba música de
cualquier especie, claro que nosotros imponíamos la nuestra, la música
del otro lado. El primero que bailó con Martica, después del respectivo
vals con su padre, fue el Emilio, que según parece está pisándote los
talones y si no vuelves pronto te quita de escena, y con eso, se la cuadró,
a la madrugada los vimos amacizados y chupando trompa en plena sala,
y no hubo quien no aceptara este noviazgo complacido, pues como dicen
ellos, Emilio es un muchacho de porvenir, y no es un vago cualquiera, ni
un aventurero como ese Ricardo.
El único muerto célebre durante tu ausencia fue la abuelita del Emilio, la
más bochinchera de la Calle Mocha, pues se sabía la historia de toda la
gente, y la que no sabía, la inventaba. Estaba tan enferma que todo le
dolía, menos la lengua. Se pasó cuatro días agonizando, todo el mundo
fue al entierro, hubieras visto, parecía una manifestación, el lloriqueo fue
con gritos y desmayos, pero el nieto estuvo templado, ni una sola
lágrima como dice el disco, y en la calle se criticó eso, pues no falta
267
quién.
268
charnelle qu’elle avait ? Eh bien maintenant c’est la pomme de la
discorde, parce qu’elle arrive toujours saoule et fait des scandales
terribles, les vieux se sont proposés de l’éjecter de la rue et sont en train
de faire une dénonciation et pourtant ils ne savent pas tout, et maintenant
voilà le plus beau, Emilio lui a plu et il est devenu son chéri en chef, le
mec est comme jamais il a été, jouissant de cet étal de viande et le plus
important, de sa braise ; elle l’emmène au ciné, elle lui donne de quoi
boire, lui offre des chemises, de tout, tu vois ?
Dis-nous si l’ambiance est pas géniale, tous ont leur meuf et on a
réussi aux exams, avec des anti-sèches, mais le tout est de passer, et
point. Tu te rends compte, même Losada, le Noir, a fait parler de lui, il a
couché avec Clarissa, la femme mariée, tu te rappelles ? Celle de la
maison à droite, la dernière. Et il joue comme jamais, il dit que tes
conseils ont été définitifs, vu que maintenant notre glorieuse équipe
rouge l’a embauché pour qu’il joue en réserve, de là il n’y a plus qu’un
pas pour être un champion.
Te désespère pas, on a encore des choses à te raconter, en fait tout
le monde y met son grain de sel, écrit son petit morceau et s’en va, mais
on te balance tout le film parce que nous savons que ça te manque, alors
déguste-le : pas vrai, mec ?
Le plus spectaculaire, ç’a a été le bal des quinze ans de Marta Diaz,
il a duré environ trois jours, les gens tombaient et réapparaissaient
comme neufs, l’eau-de-vie arrivait par magie, on buvait comme des
trous, et quelle nourriture, mon frère, on était fermes, personne ne sortait
de la maison vu que le rythme nous appelait, on a profité d’un pont du
tonnerre, avec de la musique de tous les genres, bien entendu on
imposait la nôtre, la musique de l’autre bord. Le premier qui a dansé
avec la petite Marta, après la valse obligée avec son père, ç’a été
l’Emilio, qui selon toute vraisemblance est en train de te marcher sur les
talons et si tu ne reviens pas bientôt il va te virer de la scène, et là-
dessus, il l’a emballée, on les a vus à l’aube étreints en se roulant des
pelles en pleine salle, et y en a pas eu un qui n’ait pas accepté ces
fiançailles avec plaisir, car comme ils disent, Emilio est un garçon
d’avenir, et c’est pas un feignant quelconque, ni un aventurier comme ce
Ricardo.
L’unique mort célèbre durant ton absence a été la mémé de
l’Emilio, la plus bavarde de la rue Tronquée, puisqu’elle connaissait
l’histoire de tous les gens, et ce qu’elle ne savait pas, elle l’inventait.
269
Elle était si malade que tout lui faisait mal, sauf la langue. Elle a passé
quatre jours à agoniser, tout le monde est allé à l’enterrement, t’aurais
vu, on aurait dit une manifestation, pleurnichements accompagné de cris
et d’évanouissements, mais le petit-fils est resté sec, pas une larme
comme dit le disque, et dans la rue ça a été critiqué, y en a toujours pour
ça.
270
El Jaime se parchó de la gallada, no por su querer, sino porque se
casó con Irma, una de las Aguirres, la más loca de todas y lo agarró bien,
pues lo anticiparon y ni modo de zafarse, de vez en cuando aparece
como un fantasma y lo lanzamos a la beba, pero ya uno con argolla se
amarra y no es lo mismo.
Cuando estamos tirados al tres nos pasamos por el ''Longplay" y nos
tomamos unas frías, todavía somos los conocedores indiscutibles de la
música sabrosa, claro que Alberto sigue siendo el sabelotodo, no falla
una; los sábados no perdonamos nuestras canecas, nos pegamos unas
borracheras del carajo, y nos da por las serenatas, es un plato chévere,
pero siempre amanecemos con Ledesma, Willie Rosario, Domingo Lugo
y con un disco inolvidable de la Sonora.
¿Ya te tiraste la primera gringuita? Pásanos la onda de por allá, si es
muy chévere ese New York, según lo que nos digas nos animamos a
largarnos también, hay algunos decididos; cuéntanos de la música
poderosa, ¿ya fuiste a escuchar las orquestas latinas? Mándanos discos si
puedes.
Recibe un abrazo grandote de
271
Le Jaime s’est tiré de la bande, pas de son plein gré, mais parce qu’il
s’est marié avec Irma, l’une des Aguirre, la plus folle de toutes, et elle
lui a mis le grappin dessus car ils s’en sont anticipé un et pas moyen de
se défiler, de temps en temps il apparaît comme un fantôme et on le
pousse à la boisson, mais avec la bague au doigt on s’enchaîne et c’est
plus pareil.
Quand on est jetés au trois on passe par le « Longplay » et on
prend quelques bières, on est encore les connaisseurs indiscutables de la
musique super cool, sûr qu’Alberto continue à être celui qui sait tout, il
se trompe sur aucune ; les samedis on ne ménage pas les canettes, on se
paye des cuites géantes, et on penche pour les sérénades, c’est un plat
génial, mais l’aube nous trouve toujours avec Ledesma, Willie Rosario,
Domingo Lugo et avec un disque inoubliable de la Sonora.
T’as déjà baisé ta première petite amerloque ? Transmets-nous les
ondes de par là-bas, si ç’te New York est vraiment géniale, selon ce que
tu vas nous dire, ça va nous donner envie de nous tirer aussi, certains
sont décidés ; parle-nous de la musique forte : tu es déjà allé écouter les
orchestres latinos ? Envoie-nous des disques si tu peux.
272
notre cachette était découverte et le type nous canonnait ses boum boum
de mensonges. Dans la chambre pleine d’ustensiles, je peux écouter
parfois mes premières et fougueuses expériences érotiques, presque
toutes
273
relacionadas con Carlota, mi vecinita, que se venía todas las tardes con
sus falditas corticas; lo hacíamos hasta fatigarnos, y a veces, me insistía,
era imparable.
Mi casa es la quinta del lado izquierdo, o sea la de los Duarte, más
allá, están los Díaz, los Gutiérrez, los López y todos los demás, siempre
hemos sido los mismos, sólo cambian algunos que alquilan apartamentos
o piezas. La última en llegar fue la copera y parece que será la primera
en salir otra vez, porque los viejos están berracos por los escándalos que
forma, y eso que no saben de mis encamadas con ella y de todo lo que
me da. No hay quien no se pa el pasado del otro, pero sólo mi abuelita lo
sabía con detalles y hablaba pestes de toda esta parranda de perritas en
celo. Por eso le tenían bronca, porque la viejita se pasaba de hablar, pero
cuando la enterramos, gente fue lo que sobró, creo que fueron para verla
enterrada de verdad.
Siempre había pensado en irme, me enojaba estar ligado siempre a
esta calle de mierda, pero qué carajo, ahora tengo a Martica ilusionada,
casi derritiéndose por mí y ese virguito no me lo pierdo; además.
Victoria, la copera, no me va a cambiar por mucho tiempo, pues me dice
que yo soy el único que la he comprendido, claro, yo soy el pendejo que
me aguanto sus tangos y lamentaciones. Pensé en irme con Ricardo,
dejar el estudio, aventurarme y lanzarme de frente a la vida, pero estar
solo es muy barro, es algo templado estar tirado al abandono, y en
cambio en casita uno tiene todo y no se preocupa por nada, y la pasa
suave, de puro vacilón.
Ahora no salimos del “Longplay", el ambiente y la música es de lo
chévere que hay, sólo de vez en cuando se forma tropel, pero en general
no hay problemas. Ahora que estoy oyendo La lejanía me acuerdo que
Ricardo volverá pronto, según me contó Yolandita. Parece que no le ha
ido tan bien como esperaba, y se largó se puso de fantoche diciendo que
no volvería nunca, y si viene no estará tan endiosado como antes, pero
los demás le marchan, por eso nunca participé de esas cartas colectivas
que le enviaban. Y si quiere definir la supremacía, la definimos, porque
ahora, a pesar de algunos, el rey soy yo.
Y sus voces (las voces de ellas nunca nadie las había escuchado antes
tan desnudas, mostrando la suciedad de sus deseos, cada vez más fuertes
impulsados por los recuerdos, voces de cuerpos calientes, las que un día
la abuelita de Emilio profetizó que serían como perras en celo) habitan el
nombre de Ricardo, de la gallada, de sus vecinos, de Milena, sobre la
274
liées à Carlota, ma petite voisine, qui venait toutes les après-midi
avec ses jupettes bien courtes ; on le faisait jusqu’à épuisement, et
parfois elle insistait, elle ne voulait pas arrêter.
Ma maison est la cinquième du côté gauche, c’est-à-dire celle des
Duarte, plus loin il y a les Díaz, les Gutiérrez, les López et tous les
autres, nous avons toujours été là les mêmes, quelques uns seulement
changent, qui louent des appartements ou des chambres. La dernière à
arriver a été l’entraîneuse et il semble que ce sera la première à repartir,
parce que les vieux deviennent dingues à cause des scandales qu’elle
déclenche, bien qu’ils ne sachent rien de mes coucheries avec elle ni de
tout ce qu’elle me donne. Personne n’ignore le passé des autres, mais
seule ma mémé le connaissait par le menu et disait pis que pendre de
toute cette bande de chiennes en chaleur. Ils lui en voulaient pour cela,
parce que la vieille parlait trop, mais quand on l’a enterrée, il y a eu
foule, je crois qu’ils y ont été pour la voir enterrée une fois pour toutes.
J’avais toujours pensé partir, je m’irritais d’être toujours lié à cette
rue de merde, mais bon Dieu, maintenant j’ai rendu Marta amoureuse,
elle se liquéfie presque pour moi et ce tendron je ne le perds pas ; en
plus, Victoria, l’entraîneuse, ne va pas me remplacer de longtemps, car
elle me dit que je suis le seul qui l’a comprise, c’est clair, je suis
l’andouille qui supporte ses tangos et ses lamentations. J’ai pensé partir
avec Ricardo, laisser les études, m’aventurer et me lancer face à la vie,
mais vivre seul est bien chiant, c’est assez dur d’errer à l’abandon, et en
revanche dans un chez-soi on a tout et on ne se soucie de rien, et on se la
coule douce en pur jouisseur.
Maintenant nous ne sortons pas du « Longplay », l’ambiance et la
musique sont des plus géniales, de temps en temps seulement il y a de la
cohue, mais en général il n’y a pas de problèmes. En ce moment où
j’écoute L’éloignement, je me souviens que Richard reviendra bientôt,
selon ce que m’a dit Yolandita. Il paraît que ça ne va pas aussi bien qu’il
l’espérait, et il a pris le large, il avait fait le malin en disant qu’il ne
reviendrait jamais, et s’il revient on ne l’adulera pas comme avant, mais
les autres le suivent, c’est pour ça que je n’ai jamais participé à ces
lettres collectives qu’ils lui envoyaient. Et s’il veut mettre la suprématie
sur le tapis, on l’y mettra, parce que maintenant, malgré certains, c’est
moi le roi.
Et leurs voix (leurs voix à elles, personne ne les avait jamais écoutées
avant aussi dénudées, montrant la saleté de leurs désirs toujours plus
275
aigus, mus par les souvenirs, les voix des corps chauds de celles dont un
jour la grand-mère d’Emilio a prophétisé qu’elles seraient comme des
chiennes en chaleur), hantent le nom de Ricardo, de la bande, des
voisins, de Milena, sur
276
cual caen las más siniestras calificaciones debido a la posesión que ésta
tiene sobre la tumbadora presencia e imagen de Ricardo. Pero nunca
hablarían de su cuerpo, con su rostro de tristeza y una mirada perdida en
la infancia, sus piernas largas y sus muslos excitantes apretados en su
slack negro cotidiano y una convincente formación de sus pechos. Y
sobre ella sólo repetían el decir de las malas lenguas: perra una vez,
perra toda la vida. Y todas ellas, las muchachas de la Calle Mocha,
entrelazan una conversación inacabable por sus propósitos, mientras
hacen un remedo sin estilo de los discos de moda y los pasos rítmicos de
un baile escandaloso.
Marina se alebrestó de voz cuando Yolanda, entre risas, soltó la onda
de que Emilio (hermano de Marina) andaba con la copera, sobre la cual
caía una sonora y burlona risotada cuando la veían forrada en vestidos
tan estrechos como sus gruesos muslos, y poco le faltó para mandarla al
cuerno; en ese momento, María tuvo la malicia de decir que Emilio
estaba muy pintoso y no fuera a suceder que Marinita tuviera celos.
Y Marina, hábil e impúdica, habla del nuevo amigo de las Gutiérrez,
para cambiar de tema y decir que son unas descaradas, porque uno solo
les basta para todas y quien sabe, si se descuidan o se hacen de la vista
gorda, el amigo éste termina con la familia conquistándose a Lucía, la
menor de la familia, y con la cual todas están extrañadas debido al
cuerpo que ha cogido últimamente, pero Yolanda confiesa que todo se lo
debe a su hermano, Alberto, pues ha estado saliendo con ella, y sin duda
sin perder el tiempo.
Irma, una de las Aguirres, les propuso que hablaran más bajo y no
fueran a creer que se había cumplido la profecía de misiá chisme, pues el
Vocabulario que estaban usando no era, el más conveniente para ellas,
hijas de familia.
Mientras Marta, sólo con sus ajustados shorts movía sus caderas y sus
senos se agitaban en la repetición incesante de la música de los Beatles y
de su boca salía un help chillón, Irma lanzaba la idea de hacer un baile el
domingo, porque deseaba amacizarse con su Jaime y Marina dijo que
tenían que avisarles pronto, antes de que se fueran al "Longplay" a
tirarse la plata, pues era sábado, y ninguno fallaba esa cita, que ya se
había convertido en ceremonia sagrada porque ni se acordaban de ellas.
Luego no hicieron más que tomarse el pelo, hacer concursos de las
mejores piernas (en el cual María siempre salía victoriosa) y contarse
detalladamente cómo eran los besos de sus novios y toda la atención
277
laquelle tombent les qualificatifs les plus sinistres grâce à la possession
que celle-ci a de la présence et de l’image écrasantes de Ricardo. Mais
elles ne parleraient jamais de son corps, de sa figure de tristesse au
regard perdu dans l’enfance, de ses longues jambes ou de ses cuisses
excitantes serrées dans son habituel pantalon noir, ni de la forme
convaincante de ses seins. Et à son propos, elles ne faisaient que répéter
le dire des mauvaises langues : chienne une fois, chienne pour toute la
vie. Et toutes, les jeunes filles de la rue Tronquée, tissent une
conversation interminable par ses sujets, tandis qu’elles font une
imitation dénuée de style des disques à la mode et des pas rythmiques
d’une danse scandalisante.
La voix de Marina s’est altérée quand Yolanda a lâché en rigolant
qu’Emilio, le frère de Marina, sortait avec l’entraîneuse, sur laquelle un
éclat de rire moqueur et sonore tombait quand elles la voyaient moulée
dans des robes aussi étroites que ses cuisses étaient grosses, et elle s’est
retenue de peu de l’envoyer au diable ; à ce moment-là, Maria a dit avec
malignité qu’Emilio était très séduisant et que cela n’aille pas éveiller la
jalousie de la petite Marina.
Et Marina, habile et impudique, parle du nouvel ami des Gutiérrez,
pour changer de sujet et dire qu’elles sont des effrontées, parce qu’un
seul leur suffit à toutes et qui sait, si elles ne font pas attention ou
feignent l’ignorance, cet ami achèvera la famille en séduisant Lucía, la
cadette, qui les a toutes étonnées à cause du ventre qui lui est venu
dernièrement, mais Yolanda confesse que tout cela est dû à son frère,
Albert, vu qu’il sortait avec elle, et pour sûr sans perdre son temps.
Irma, l’une des Aguirre, leur a proposé qu’elles parlent plus bas
pour qu’on n’aille pas croire que la prophétie de m’dame Cancan s’était
accomplie, le vocabulaire qu’elles utilisaient n’étant pas des plus
convenables pour des filles de famille.
Pendant que Marta remuait les hanches rien qu’avec ses shorts
moulants, ses seins s’agitant dans la répétition incessante de la musique
des Beatles, et que de sa bouche sortait un help criard, Irma lançait l’idée
de faire un bal le dimanche, parce qu’elle désirait se coller à son Jaime et
Marina a dit qu’elles devaient vite avertir les garçons avant qu’ils
n’aillent au « Longplay » dépenser leur argent, car on était samedi, et
aucun ne manquait ce rendez-vous qui était devenu une cérémonie
sacrée parce qu’ils ne se pensaient même plus à elles.
Ensuite elles n’ont fait que se mener en bateau, faire des concours des
278
plus belles jambes (ce en quoi Maria sortait toujours gagnante) et se
raconter en détail comment étaient les baisers de leurs petits amis, et
toute l’attention
279
recaía en Yolanda, pues se excitaba al recordar cómo lo hacía Ricardo,
mientras las otras se ruborizaban; y tal vez fue Alberto quien las vio con
sus ojos rayados de crepúsculo, al entrar gritando que había escrito el
lejano Ricardo, el aventurero.
Este recuerdo hace parte de la Calle Mocha y de mí mismo, nadie
puede olvidarlo, me parece como si fuera ayer y fueron siete meses; me
iba para no volver y todo el mundo se metió en la fiesta de despedida,
me voy de este mierdero para hacerme otra persona y conseguir dólares
a lo macho porque New York es wonderful; de Milena me despedí un día
antes, en el portal de su casa aunque adentro estaba Tulio, sólo fue un
apretón de manos, detrás de su rostro estaba la nostalgia, y yo ni siquiera
pude hablarle, ella tuvo el valor de decirme: recuérdame; en el
aeropuerto formamos un showcito de verdad pues llegamos con los
muchachos amanecidos, traíamos una rasca poderosa, y veníamos
cantando adiós muchachos compañeros de mi vida, barra querida… y
ése del jefe vengo a decirle adiós a los muchachos... y qué espectáculo
dio Yolandita tratando de arrancarme los labios, me daba pesar porque le
había mentido y tampoco fui capaz de pedirle que me olvidara; casi me
deja el avión pero me les subí a la fuerza y ni modo de bajarme, y
después, lo peor: New York sin fábula, y luego, la soledad, la tristeza de
no tenerte, de estar lejos de ti, sin Milena. Me propuse no escribir cartas
porque revelaría mi derrota, luego envié unas postales feas que me
encontré, me llegó la primera carta de los muchachos, qué berraquera,
aún la guardo; desde los primeros días quise regresarme, pero me
sacrifiqué por las apariencias, y sólo me decidí cuando me llegó la
citación del ejército norteamericano para irme al Vietnam, y yo no
quería eso, me había largado para vivir mi vida, ser yo misino a mi modo
y no iba a pelear por una causa que no es nuestra; si en mi país no había
prestado servicio menos lo haría allá; todo tan deprimente me
desconsoló, no me acostumbraba, claro que conseguí varios trabajos y
ahorré mis dólares, pero eso no es todo, uno quiere gozar, bailar con Tito
Puente, con Palmieri, ponerse a la moda con el boogaloo, bailarlo
despacio, lento, con algo de jazz, sin el arrebato que le meten en el
“Seven Sky” de acá o en el “Longplay”, por eso no me importó
volverme, estar de nuevo en la Calle Mocha, tan igual como antes,
aunque no falta quien diga que el berraquito de la gallada se rajó y no
fue capaz de resistir lo duro; allá ellos si pretenden que a rey muerto rey
puesto, pero a mí sí que no. Conmigo, nada.
280
retombait sur Yolanda, car elle s’excitait au souvenir de la façon dont
Richard le faisait, tandis que les autres rougissaient ; et c’est peut-être
bien Albert qui les a vues de ses yeux soulignés de crépuscule, comme il
entrait en criant que le lointain Richard, l’aventurier, avait écrit.
Ce souvenir fait partie de la rue Tronquée et de moi même, on ne
peut pas l’oublier, il me semble que c’était hier et cela fait sept mois ; je
partais pour ne pas revenir et tout le monde était venu à la fête d’adieux,
je m’en vais de ce merdier pour devenir quelqu’un d’autre et pour
obtenir des dollars comme un mâle parce que New York est wonderful ;
à Milena j’avais fait mes adieux un jour avant, devant le portail de sa
maison malgré la présence de Tulio à l’intérieur, ce fut seulement un
serrement appuyé des mains, derrière son visage était la nostalgie, et je
n’ai pas même pu lui parler, elle a eu le courage de me dire : pense à
moi. À l’aéroport nous avons réalisé un vrai show vu que nous sommes
arrivés avec les gars qui avaient veillé jusqu’à l’aube, on traînait une
cuite d’enfer en chantant Adieu garçons, compagnons de ma vie, bande
chérie… et celle du chef Je viens dire adieu aux garçons... Et quel
spectacle a donné Yolandita en essayant de m’arracher les lèvres, elle me
faisait de la peine parce que je lui avais menti et que je n’ai même pas
été capable de lui demander de m’oublier ; l’avion part presque sans moi
mais j’ai réussi à y monter de force et pas moyen d’en descendre, et
après, le pire : New York sans fables, et ensuite, la solitude, la tristesse
de ne pas t’avoir, d’être loin de toi, sans Milena. Je me m’étais proposé
de ne pas écrire de lettres parce cela révélerait mon échec, mais ensuite
j’ai envoyé quelques cartes postales moches que je me suis dégottées, la
première lettre des garçons m’est arrivée, sensationnelle, je la garde
encore ; dès les premiers jours j’ai voulu revenir, mais je me suis sacrifié
pour les apparences, et je ne me suis décidé que quand m’est arrivée
l’ordre de l’armée nord-américaine de partir pour le Vietnam, ce n’est
pas cela que je voulais, je m’étais tiré pour vivre ma vie, être moi-même
selon mon gré et je n’allais pas me battre pour une cause qui n’est pas
nôtre ; si dans mon pays je n’avais pas accompli mon service ce n’était
pas pour le faire là-bas ; tout ces choses si déprimantes m’ont affligé, je
ne m’y faisais pas, bien sûr j’ai obtenu divers boulots et économisé mes
dollars, mais ça ne représente pas tout, on veut jouir, danser avec Tito
Puente, avec Palmieri, se mettre à la mode avec le boogaloo, le danser
doucement, lentement, avec un soupçon de jazz, sans la fureur qu’ils y
mettent au « Seven Sky » d’ici ou au « Longplay », c’est pour ça que
281
cela m’a été égal de revenir, d’être à nouveau dans la Rue Tronquée,
toujours la même qu’avant, bien qu’il n’en manque pas pour dire que le
fleuron de la bande s’est planté et n’a pas été capable de résister à la
dure ; ils soutiennent là-bas que le roi est mort, vive le roi, mais
sûrement pas devant moi. Avec moi, rien.
282
No me interesan esas falsas famas que se crean sobre uno, eso es cosa de
Emilio queriendo jugar al tipo como en las películas de cowboys,
pobrecito, viniéndome con un saludo de creído, allá él, pues cada uno se
hace y se degenera como quiere. Muchos creen que tengo un fracaso
encima, pero no me arrepiento, ese golpe me sirvió, dejaré de ser el
vacilador que todas deseaban, tomaré las cosas en serio, eso sí, no
abandonaré mi bacanería, ni mi guapachoso modo de ser.
Vine a buscarte, a recuperarte. Necesito de tu calor, Milena, porque
traigo mucha soledad incomprendida. Y por eso te cuento todo lo que
siento, ¿me entendés?, por eso estoy aquí, derrotado ante los demás pero
menos ante vos que sí me crees, es por esto que te pido que volvás a mí,
que volvamos a comenzar de nuevo.
283
Elles ne m’intéressent pas, ces fausses renommées qui se créent
autour de quelqu’un, cela vaut pour Emilio qui veut jouer au petit mec
comme dans les films de cow-boys, le pauvre, il m’aborde avec un salut
de vaniteux, grand bien lui fasse, vu que chacun se fait et se défait
comme il lui plaît. Beaucoup croient que j’ai un échec sur le dos, mais je
ne me regrette rien, ce coup-là m’a servi, je vais cesser d’être le
séducteur que toutes désiraient, je prendrai les choses au sérieux, mais
c’est pas pour ça que je ne vais plus être cool, ni abandonner mon train
de vie festif.
Je suis venu te chercher, pour te récupérer. J’ai besoin de ta
chaleur, Milena, parce que j’apporte beaucoup de solitude incomprise. Et
pour cette raison je te raconte tout ce que je sens, tu piges ? C’est pour
ça que je suis là, vaincu aux yeux des autres mais moins devant toi qui
me crois vraiment, c’est pour ça que je te demande de revenir à moi,
pour que nous repartions à zéro.
284
Desencuentros
Hernán Toro
285
Désaccords
Hernán Toro
286
ses adversaires – et en des occasions littéralement magiques, aux yeux
mêmes du public, si
287
excelsas eran sus virtudes futbolísticas- y que alcanzó su máximo
esplendor en la escuadra que logró el subtítulo del campeonato del 60
bajo la dirección técnica del Maestro Adolfo Pedernera, Q.E.P.D. Las
camisetas 1 y 10 se volvieron emblemáticas en las tribunas de sombra
numerada y dieron origen a las más variadas anécdotas pues todos los
hinchas habituales sabían que nadie que disintiera en lo más mínimo o
que insinuara una critica al comportamiento del equipo en el campo,
aunque lo animara un propósito constructivo, podía sentarse en los
alrededores magnéticos de esta pareja de dogmáticos intratables. Ese
amor enloquecido y enfermo les diluía su identidad individual para
convertirles en una especie de ser único, bifronte, un Jano que delira por
un equipo de fútbol.
Cuando bailaban el foxtrot, era evidente, en cambio, que el equilibrio
que conquistaban brotaba de fuentes muy profundas de su propio
interior. Bastaba que sonaran los primerísimos acordes de esa canción
-que ellos reconocían de inmediato como si hubiesen sido alertados por
una misma señal secreta- para que se entrecruzaran una mirada plena de
sobreentendidos complejos no obstante la simplicidad a la cual había
llegado su expresión, y de inmediato se tendieran entre ellos miles de
sutilísimos puentes que les obligaba a salir a la pista de baile, a la sala de
la casa, al lugar donde les hubiera sorprendido esa inesperada dicha
acústica. Conocían cada uno de los instantes en que se descomponía la
canción, sus énfasis, sus aceleraciones, sus detenciones, las frases
continuas que se desenvolvían de acuerdo a una partitura que ellos
debían llevar escrita en su sangre. Sabían con seguridad de memoria
antigua los pasos que debían ejecutarse según los trozos que se iban
escuchando, en qué momento ella le ofrecía su perfil y él aprovechaba el
balanceo así producido para pasar las cuatro manos entrelazadas
alrededor de la cabeza de ella en unos giros elegantes que se detenían y
transformaban en otra figura plástica un cierto número exacto de
compases más allá. Parecían un sólo cuerpo mítico que respondiera a las
voluntades de un único cerebro, una especie de icono hindú, de
divinidad birmana. Los rostros eran el reflejo de una dicha corporal pura.
Viéndoles en el estado de gracia en que caían, nadie podría pensar que el
paraíso fuera otra cosa que un salón de baile en el que Rubén y Graciela
bailaban el foxtrot de su corazón.
Así era siempre. O mejor, así fue siempre, hasta esa desafortunada
tarde del último diciembre en la que su felicidad elemental de personas
288
éminentes étaient ses vertus footballistiques – et qui atteignit le
summum de sa splendeur dans l’équipe qui obtint la seconde place au
championnat de 60 sous la direction technique du maître Adolfo
Pedernera, R.I.P. Les maillots 1 et 10 sont devenus emblématiques dans
les tribunes à l’ombre numérotées et ont donné naissance aux anecdotes
les plus variées, car tous les supporters habituels savaient que celui qui
différait un tant soit peu d’opinion ou qui insinuait une critique du
comportement de l’équipe sur le terrain, même animé d’une intention
constructive, ne pouvait s’asseoir dans le voisinage magnétique de ce
couple d’intraitables dogmatiques. Cet amour fou et malade diluait leur
identité individuelle pour les convertir en une espèce d’être unique, un
Janus bifrons qui délirait pour une équipe de football.
Quand ils dansaient le fox-trot, il était évident en revanche que
l’équilibre qu’ils conquéraient naissait des sources très profondes de leur
intérieur même. Il suffisait que se fassent entendre les tous premiers
accords de cette chanson – qu’ils reconnaissaient immédiatement,
comme alertés par un même signal secret – pour qu’ils échangent un
regard plein de sous-entendus complexes, nonobstant la simplicité à
laquelle son expression était arrivée, et que se jettent immédiatement
entre eux les milliers de ponts très subtils qui les obligeaient à aboutir à
la piste de danse, au salon de la maison, au lieu où les avait surpris cette
joie acoustique inespérée. Ils connaissaient chacune des périodes en
lesquelles se décomposait la chanson, ses emphases, ses accélérations,
ses arrêts, les phrases continues qui se développaient conformément à
une partition qu’ils devaient porter inscrite dans le sang. Ils savaient,
avec l’assurance d’un par cœur ancien, les pas qui devaient être exécutés
selon les passages que l’on écoutait, à quel moment elle lui offrait son
profil et lui profitait du balancement ainsi produit pour passer leurs
quatre mains entrelacées autour de sa tête à elle en quelques
mouvements circulaires élégants qui s’arrêtaient et se transformaient, un
nombre exact de mesures plus loin, en une autre figure plastique. On
aurait dit un seul corps mythique qui répondait aux volontés d’un
cerveau unique, une espèce d’icône hindoue, de divinité birmane. Les
visages étaient le reflet d’un bonheur corporel pur. À les voir en l’état de
grâce dans lequel ils tombaient, personne ne pouvait penser que le
paradis était autre chose qu’un salon de danse où Rubén et Graciela
dansaient le fox-trot de leur cœur.
Il en allait toujours ainsi. Ou mieux, il en alla ainsi, jusqu’à cette après-
289
midi malheureuse de décembre dernier lors de laquelle leur bonheur
élémentaire de voisins
290
de barriada pareció sufrir un ataque en el centro mismo de su corazón.
Aquella tarde, en efecto, el América perdió el último partido de la liga
final y con esa derrota arrastró al fondo de sus frustraciones hasta la
esperanza pírrica de un subtítulo. Rubén y Graciela parecieron haber
sido arrasados por una calamidad devastadora. En medio de una multitud
doblegada por una congoja que parecía provocada por un sentidísimo
duelo familiar (multitud que, sin embargo, dos horas antes exultaba
enloquecida de alegría y de entusiasmo), salieron del estadio sin
comprender muy bien qué había acontecido, apenas con la certeza -vaga,
no obstante, como remota, como si les revoloteara alrededor de la mente
como un pájaro nervioso y metálico sin atreverse a posarse- de que el
equipo, su equipo del alma no sólo había dejado escapar el título sino
también la ocasión para que sus seguidores disfrutaran un carnaval de fin
de año que el resto de los meses y el resto de las cosas de la vida les
había venido negando, aún como promesa, de manera sistemática. Ellos
no podían concebir infortunio mayor.
Aún bajo los efectos de tan severo golpe y con la idea de buscar
condiciones que les ayudara a sobrellevar el tamaño y el peso de
semejante desgracia, Rubén y Graciela se fueron aquella noche a los
bares que proliferan como flores de neón en la zona lujuriosa de los
barrios populares. Ambos pudieron percibir, en el ambiente de las calles
primero y en el interior del bar elegido después, el dominio del imperio
de un abatimiento que ellos atribuyeron sin vacilar a la derrota de su
equipo de fútbol.
- Siempre es así, cuando el América pierde, la ciudad se
entristece
-le dijo Rubén a Graciela sin ningún propósito de hacer filosofía
de dos pesos el kilo si como una comprobación cuyo proceso se
había efectuado en el fondo del alma.
Aquel día no habían reñido porque así como los triunfos de su equipo
los unía en la felicidad, de la misma manera sus fracasos los volvía
cómplices y tolerantes; de hecho, el acuerdo que alcanzaban se
establecía sobre la pasión y no sobre la contingencia de un triunfo o de
una derrota. Sin haber estado sometidos, pues, a las fricciones que
corrientemente les oponía, se dejaron llevar por la nostalgia de viejas
canciones y, en ocasiones, por el compartimiento de un baile efectuado
sin grandes despliegues de virtuosismo, acompañándose en todas estas
291
de quartier sembla subir une attaque au centre même de leur cœur.
Cette après-midi-là, en effet, l’América perdit le dernier match de la
finale de la ligue et entraîna avec cet échec au fond de ses frustrations
l’espérance même pyrrhique d’une seconde place. Rubén et Graciela
parurent avoir été écrasés par une calamité dévastatrice. Au milieu de la
foule soumise à une angoisse qui semblait provoquée par un pénible
deuil de famille (une foule qui, deux heures avant exultait pourtant,
affolée de joie et d’enthousiasme), ils sortirent du stade sans très bien
comprendre ce qui était arrivé, à peine avec la certitude – vague
cependant, comme lointaine, comme si un oiseau nerveux et métallique
virevoltait autour de leur esprit sans oser se poser – que l’équipe,
l’équipe de leur âme n’avait pas seulement laissé échapper le titre mais
aussi l’occasion pour ses adeptes de profiter d’un carnaval de fin
d’année que le reste des mois et le reste des choses de la vie leur avaient
systématiquement refusé, même à titre de promesse. Ils ne pouvaient pas
concevoir une plus grande infortune.
Encore sous les effets de ce coup si sévère et avec l’idée de
chercher les conditions qui les aideraient à supporter l’ampleur de
semblable malheur, Rubén et Graciela allèrent cette nuit-là dans les bars
qui prolifèrent comme des fleurs de néon dans la zone chaude des
quartiers populaires. Ils purent percevoir tous les deux, d’abord dans
l’atmosphère des rues puis à l’intérieur du bar élu, la domination et
l’empire d’un découragement qu’ils attribuèrent sans hésiter à l’échec de
leur équipe de football.
– C’est toujours comme ça, quand l’América perd, la ville
s’attriste, dit Rubén à Graciela sans aucune intention de faire de la
philosophie de comptoir, mais comme une vérification dont le processus
se serait effectué au fond de son âme.
Ce jour-là, ils ne s’étaient pas disputés car de même que les triomphes de
leur équipe les unissait dans la félicité, leurs échecs les rendaient
complices et tolérants ; de fait, l’harmonie qu’ils atteignaient
s’établissait sur la passion et non sur la contingence d’un triomphe ou
d’un échec. Sans avoir été soumis, donc, aux frictions qui les opposaient
couramment, ils se laissèrent porter par la nostalgie de vieilles chansons
et à l’occasion, par le partage d’une danse effectuée sans grands
déploiements de virtuosité, en s’accompagnant dans toutes ces
292
circunstancias por una botella de ron que se reducía a una velocidad
mayor que el avance de la noche.
Pero en cierto momento, sin que ninguno de los dos se lo hubiera
esperado, atravesó la sala, como si hubiese sido iluminada por un suave
relámpago sonoro, el primer acorde de un foxtrot, de su foxtrot que,
como de costumbre, reconocieron de inmediato. Entonces se miraron y
debieron pensar, cada uno por su lado, que la vida a veces ofrece
gratificaciones y que esa puerta hacia el paraíso que ahora les abría la
canción compensaba de alguna manera el tormento continuado que
habían debido soportar desde el momento inefable del pitazo final del
partido. Cogidos de la mano se dirigieron al centro de la pista e iniciaron
un baile que seguía el ritmo entrecortado del foxtrot con la misma
fidelidad que una sombra sigue a su mano. Viéndoles bailar, el concepto
de concavidad encajaba a la perfección con el de convexidad y se
explicaban mutuamente. Estaban en esa especie de levitación
trascendental cuando, de pronto, un pie de Graciela tropezó con uno de
Rubén. Nunca les había sucedido, y fue tal el estupor que debieron
detenerse, mirarse como si en definitiva nada del mundo fuera
comprensible, y luego terminar el baile guiados más por el olfato de una
vieja sabiduría que por el propósito deliberado de ajustar los pasos al
ritmo.
Al cabo de unos quince minutos de estar sentados, atrapados todavía
en el vértigo de lo inexplicable, y durante los cuales no intercambiaron
una sola palabra, Rubén le dijo a Graciela con una risilla medio nerviosa
que intentaba minimizar la tensión que habían venido sintiendo:
- Debe ser por el ron, hemos tornado mucho-. Y agregó a sus
palabras un gesto de la mano que señalaba a la botella,
como si ésta fuera un testigo no sólo mudo sino también
vacío, vaciado.
293
circonstances par une bouteille de rhum qui diminuait plus rapidement
que la progression de la nuit.
Mais à certain moment, sans qu’aucun des deux ne se fût attendu à
cela, la salle fut traversée, comme si elle eût été illuminée par un doux
éclair sonore, par le premier accord d’un fox-trot, leur fox-trot que
comme d’habitude, ils reconnurent immédiatement. Alors ils se
regardèrent et durent penser chacun de son côté, que la vie offre parfois
des gratifications et que cette porte vers le paradis que leur ouvrait
maintenant la chanson compensait en quelque manière le tourment
continuel qu’ils avaient dû supporter depuis le moment indicible du coup
de sifflet final du match. Se tenant par la main, ils se dirigèrent vers le
centre de la piste et initièrent une danse qui suivait le rythme entrecoupé
du fox-trot avec la même fidélité qu’une ombre suit sa main. À les voir
danser, le concept de concavité s’ajustait à la perfection avec celui de
convexité et s’expliquaient l’un par l’autre. Ils étaient dans cette espèce
de lévitation transcendante quand soudain, un pied de Graciela buta sur
celui de Rubén. Cela ne leur était jamais arrivé, et la stupeur fut telle
qu’ils durent s’arrêter, se regarder comme si en définitive rien au monde
n’était compréhensible, puis terminer la danse guidés plus par le flair
d’un savoir ancien que par le propos délibéré d’ajuster leurs pas au
rythme.
Au bout d’une quinzaine de minutes après s’être assis, saisis
encore par le vertige de l’inexplicable, et sans avoir échangé une seule
parole, Rubén dit à Graciela avec un petit rire à moitié nerveux qui
essayait de diminuer la tension ressentie à mesure : – Ça doit être à cause
du rhum, nous avons beaucoup tourné. Et à ces mots il ajouta un geste de
la main qui montrait la bouteille, comme si celle-ci eût été un témoin pas
seulement muet mais vide, vidé. Graciela rit, compréhensive, et lui tendit
une main conciliatrice entre les verres et la bouteille qui hérissaient la
surface plane de la table.
Il n’y eut que cela, mais tous les deux sentaient que c’était beaucoup,
peut-être trop. Les jours qui suivirent ces deux désastres quasi
simultanés – celui de l’échec de leur équipe et celui du faux-pas du fox-
trot – furent caractérisés par une étrange sérénité, confirmant la croyance
collective selon laquelle le calme précède l’orage. Le curieux de cette
situation, telle qu’ils la vivaient, était que l’orage ne s’était pas
294
tormenta había sido como sus tormentas cotidianas, ni la calma había
surgido del entendimiento tradicional en el estadio o en la pista de baile.
Eran, más bien, orígenes que se situaban en sus antípodas: la
tranquilidad se había generado en el fracaso y la tormenta en lo que
siempre había sido el éxito. Tal vez por causa de la compleja paradoja
que se encontraba allí implicada -que hacía difícil su asimilación, mucho
más en personas de una formación intelectual precaria, como era el caso
de esta pareja-, ni Rubén ni Graciela cedieron a los motivos que de
manera regular les enfrentaba y optaron, más bien, por concederse, sin
decírselo, una especie de tregua recíproca a la espera de que la claridad
de las ideas iluminara la complejidad del asunto o la acción del tiempo
que todo lo olvida o lo perdona. Con el paso de los días, esta tregua no
declarada los colocó en una posición cómoda pues les otorgaba el favor
de no demandarles explicación de ningún tipo; al contrario, silenciar las
inquietudes, cuando no se hallan las respuestas, tiene un agradabilísimo
efecto narcótico. Prefirieron entonces permanecer callados frente al
problema y disfrutar de ese enclave de paz al que, sin proponérselo,
habían accedido.
Al cabo de un mes decidieron salir a la aventura de la bóveda de la
noche. Para una pareja acostumbrada a las diversiones semanales, una
espera tan larga había sido inusual. Pero ellos sabían íntimamente que la
postergación de la fiesta de fin de semana hasta plazos tan largos
respondía al temor -mutuo aunque inconfesado- de enfrentare al fracaso
justamente en ese espacio en donde no podían permitirse equivocación
alguna. Que la vida les enfrentara en tantas circunstancias o que
hubieran perdido la pasión por cosas que antes compartían con
entusiasmo eran realidades inobjetables que habían aprendido a manejar
y que, en consecuencia, aceptaban como parte de las ecuaciones
cotidianas con las que la vida calcula sus costos y hacer valer sus
derechos. E incluso estaban dispuestos a aceptar que el América perdiera
los partidos decisivos pues tales desenlaces no dependían de ellos. Pero
lo que jamás estarían dispuestos a convenir era que ese cielo terrenal
trazado sobre la pista de baile donde ambos alcanzaban la plenitud se
deshiciera bajo sus movimientos acompasados, bajo su dicha de tres
minutos. No había, pues, margen para el error.
No obstante que éstas eran reflexiones que cada cual se hacía
íntimamente, no se las habían comunicado. Temían, quizás, que
revelarlas podría truncar el exorcismo que calladamente se adelantaba
295
déroulé comme leurs orages quotidiens, et que le calme n’avait pas
surgi non plus de leur entente traditionnelle au stade ou sur la piste de
danse. Leur origine se situait plutôt aux antipodes : la tranquillité avait
été engendrée par l’échec et l’orage par ce qui avait toujours été le
succès. Peut-être à cause du paradoxe complexe qui trouvait impliqué là
– ce qui rendait son assimilation difficile, et encore plus chez des
personnes d’une formation intellectuelle précaire, ce qui était le cas de
ce couple –, ni Rubén ni Graciela ne cédèrent aux motifs qui les
opposaient régulièrement et choisirent plutôt de s’octroyer, sans se le
dire, une espèce de trêve réciproque en attendant que la clarté des idées
jetât une lumière sur la complexité de l’affaire, ou l’action du temps qui
oublie ou pardonne tout. Avec l’écoulement des jours, cette trêve non
déclarée les plaça dans une position confortable puisqu’elle leur
octroyait la faveur de ne pas se demander d’explication d’aucune sorte ;
réduire les interrogations au silence quand on ne trouve pas de réponses,
produit au contraire un très agréable effet narcotique. Ils préférèrent
alors rester muets face au problème et jouir de cette enclave de paix à
laquelle, sans se l’être proposé, ils avaient accédé.
Au bout d’un mois, ils décidèrent de sortir à l’aventure sous le ciel
de la nuit. Pour un couple habitué aux divertissements hebdomadaires,
une attente aussi longue avait été inhabituelle. Mais ils savaient
intimement que l’ajournement de la fête du week-end pendant un si long
délai répondait à la crainte – mutuelle bien que non avouée – d’être
confrontés à l’échec justement dans cet espace où ils ne pouvaient se
permettre aucune erreur. Que la vie les opposât dans tant de
circonstances ou qu’ils eussent perdu la passion pour les choses qu’ils
partageaient avant avec enthousiasme étaient des réalités non
questionnables qu’ils avaient appris à manier et qu’ils acceptaient en
conséquence, comme une partie des équations quotidiennes avec
lesquelles la vie calcule son prix et fait valoir ses droits. Et ils étaient
même prêts à accepter que l’América perdît les matches décisifs puisque
de tels dénouements ne dépendaient pas d’eux. Mais ce dont ils ne
seraient jamais disposés à convenir, c’était que le ciel terrestre tracé sur
la piste de danse où ils atteignaient tous deux la plénitude se défît sous
leurs mouvements rythmés, sous leur bonheur de trois minutes. Il n’y
avait donc aucune marge d’erreur possible.
Bien que ces réflexions fussent celles que chacun se faisait intimement,
ils ne se les avaient pas communiquées. Ils craignaient, peut-être, que les
296
révéler pût enrayer l’exorcisme qui s’avançait sans mot dire
297
(de la misma forma que la pronunciación del nombre de Dios, en
algunas sectas minoritarias del bajo Ganges, anula la concesión de los
favores divinos).
Salieron, pues, a la noche con este tras fondo de temores.
Probablemente fue por ello que sólo hacia su final se propusieron ir a
bailar, abrigando cada uno la esperanza, secretamente, de que el otro
pretextara cualquier indisposición que les evitara afrontar el desafío del
foxtrot. Pero nadie levantó ninguna objeción y terminaron dentro de uno
de tantos bares, atenazados por el pánico y la incertidumbre. Hasta que
por fin sonó el foxtrot.
Cuando una media hora después se acostaron en su cuarto y Rubén
encendió un cigarrillo agobiados por el silencio y la oscuridad, ambos
supieron que el resto del insomnio iba a ser largo. No se habían
reprochado nada ni se habían entrecruzado ningún reclamo, pero era
evidente que ese segundo fracaso, en un baile en el que siempre habían
ejercido la perfección, los tenía sometidos y confusos. Parecían tener en
claro que no se le podía imputar al otro la causa de la equivocación;
ambos, de forma simultánea, habían tropezado, ya no una sino tres
veces, y la descoordinación pudo haber sido peor si no hubieran decidido
sentarse antes de que la canción terminara y el sentimiento de frustración
fuera mayor.
Ninguno de ellos supo quién se durmió primero, pero ambos sabían
que esa entrada en el paréntesis efímero de olvido que era el sueño sólo
aplazaba para el resto de horas de vigilia del día siguiente y para el resto
de días que seguían la áspera preocupación que habría de acompañarlos
con tanta fidelidad como el amor persigue a los amantes.
Casi que calcando la actitud de silencio que adoptaron cuando ocurrió el
primer desencuentro, Rubén y Graciela prefirieron no abordar el asunto
de este segundo fracaso. Ni siquiera habían intentado una frase
justificatoria (como la que en la primera ocasión profirió Rubén acerca
de los efectos nocivos del ron), ni mucho menos después, en los días
posteriores, entablaron una conversación al respecto. Parecía que, al
callar, borraran la evidencia, y que esta negación les ahorrara el
reconocimiento penoso de que algo de fondo entre ellos se había
resquebrajado. Por añadidura, y también como en la primera ocasión,
recuperaron una especie de armonía elemental en torno a cosas muy
simples de la vida -ir a cine, hablar después de las comidas- que años
antes habían disfrutado y que se habían encallado en algunos de los (de
298
la même manière que, dans quelques sectes minoritaires du bas Gange,
l’énonciation du nom de Dieu annule l’octroi des faveurs divines.
Ils sortirent donc dans la nuit avec cet arrière-plan de craintes. Ce
fut probablement pour cela qu’ils ne se proposèrent de danser qu’à la fin,
en abritant chacun secrètement l’espérance que l’autre prétextât
n’importe quelle indisposition qui leur évitât d’affronter le défi du fox-
trot. Mais aucun ne souleva d’objection et ils finirent dans un de tous ces
bars, tenaillés par la peur et l’incertitude. Jusqu’à ce qu’enfin le fox-trot
se fit entendre.
Quand ils se couchèrent une demi-heure après dans leur chambre et
que Rubén alluma une cigarette, accablés par le silence et l’obscurité,
tous deux surent que l’insomnie allait durer. Ils ne s’étaient rien
reproché, n’avaient échangé aucune réclamation, mais il était évident
que ce deuxième échec dans une danse qu’ils avaient toujours exécutée à
la perfection les rendait soumis et confus. Ils avaient l’air de tenir pour
évident que l’on ne pouvait imputer à l’autre la cause de l’erreur ;
simultanément, les deux avaient trébuché, et pas qu’une fois, mais bien
trois, et le manque de coordination eût pu être pire s’ils n’avaient pas
décidé de s’asseoir avant que la chanson ne finît et le sentiment de
frustration plus grand.
Aucun ne sut qui s’endormit en premier, mais tous deux savaient
que cette entrée dans la parenthèse éphémère de l’oubli qu’est le
sommeil ne faisait qu’ajourner, pour le reste des heures de veille du
lendemain et pour le reste de jours suivants, l’âpre préoccupation qui les
accompagnerait avec autant de fidélité que l’amour poursuivant les
amants.
Calquant presque l’attitude de silence qu’ils avaient adoptée quand le
premier désaccord était survenu, Rubén et Graciela préférèrent ne pas
aborder le sujet de ce deuxième échec. Ils n’avaient même pas tenté une
phrase de justification (comme celle que Rubén avait proféré la première
fois à propos des effets nocifs du rhum), pas plus qu’ils n’abordèrent le
sujet après, dans les jours qui suivirent. On aurait dit qu’en se taisant, ils
effaçaient l’évidence, et que cette négation leur évitait de reconnaître
douloureusement que quelque chose de fondamental s’était fendu entre
eux. De plus, et de même que la première fois, ils récupérèrent une
espèce d’harmonie élémentaire autour de choses très simples de la vie
– aller au cinéma, parler après les repas – dont ils avaient joui bien des
années auparavant et qui avait échoué dans l’un des
299
tantos recodos por donde navega azarosa la vida. Apreciaban tanto más
esta recuperación de placeres simples cuanto sentían que los únicos
territorios que habían quedado preservados tras esta erosión devastadora
de la vida cotidiana -el fútbol y el baile- parecían haber entrado, a su
turno, en un proceso de degradación. En todo caso, nunca antes una
derrota del América les había afectado tanto, y nunca antes su alegría se
había enrarecido en la pista de baile.
Era inevitable, sin embargo, que personas como ellos, que habían
hecho un rito de sus salidas nocturnas a bailar, terminaran, tarde o
temprano, abordando el tema.
Aunque no lo hicieron de manera directa. Simplemente, una noche
decidieron salir y, como si los orientara un instinto primitivo, terminaron
en uno de los bares tradicionales. Allí permanecieron toda la noche y ni
una sola vez salieron a la pista de baile, ni siquiera cuando brilló el
fogonazo del foxtrot en el ámbito del bar.
-Todavía no estamos preparados, no es ¿verdad?
La confirmación serena de Graciela a este comentario daba un aire
sereno a la relación. No intentaron, sin embargo, profundizar demasiado
en el sentimiento que cada uno experimentaba, pero era claro que no
dejaba de parecerles curioso cómo el camino hacia esa tranquilidad
había sido trazado desde la negación de lo único que antes había sido su
condición de armonía.
Parecía ser sólo una cuestión de acomodo a las nuevas circunstancias;
o quizás de espera. El hecho es que unas semanas después de dichos
acontecimientos, Rubén y Graciela estaban viendo la televisión cuando
se enteraron de que ya había comenzado el campeonato de fútbol y de
que América iba a la cabeza de la clasificación. No fue tanto por la
sorpresa que significaba saber que el campeonato ya se había iniciado y
que el América iba de primero sin que de nada se hubiesen percatado
como por la esperanza que esa constatación les abría que ambos
entrecruzaron una mirada en donde podía haber de todo menos
impaciencia, íntimamente, entonces, ambos comenzaron a desear, ya sin
pánico, que en algunos de los días próximos la noche les trajera la
promesa de un nuevo entendimiento en las notas de su foxtrot de
siempre.
Como si fuese una especie de visitación divina, ambos sintieron una
especie de bienestar esencial, un ajuste sin impaciencia con la vida y la
muerte, con el pasado y el futuro.
300
nombreux méandres où navigue, hasardeuse, la vie. Ils appréciaient
d’autant plus cette récupération de plaisirs simples qu’ils sentaient que
les seuls territoires qui étaient restés préservés après cette érosion
dévastatrice de la vie quotidienne – le football et la danse – semblaient
être entrés à leur tour dans un processus de dégradation. En tout cas,
jamais auparavant un échec de l’América ne les avait affectés autant, et
jamais auparavant leur joie n’avait été assombrie sur la piste de danse.
Il était inévitable, cependant, que des gens comme eux, qui avaient
fait de leurs sorties en boîte nocturne un rite, finissent, tôt ou tard, par
aborder le sujet.
Ils ne l’ont pourtant pas fait d’une manière directe. Simplement,
ils ont décidé un soir de sortir et, comme si un instinct primitif les
orientait, ils ont fini dans l’un des bars habituels. Ils y sont restés toute la
nuit et pas une seule une fois ils ne sont allés sur la piste de danse, même
pas quand l’éclair du fox-trot a brillé dans l’enceinte du bar. – Nous ne
sommes pas prêts encore, pas vrai ?
L’acquiescement tranquille de Graciela à ce commentaire donnait
un tour serein à la relation. Ils n’ont pas essayé, cependant,
d’approfondir trop le sentiment que chacun éprouvait, mais il était clair
qu’il leur paraissait curieux que le chemin vers cette tranquillité ait été
tracé à partir la négation de la seule chose qui avait été auparavant la
condition de leur harmonie.
Il semblait n’y avoir là qu’une question d’adaptation aux nouvelles
circonstances, ou peut-être d’attente. Le fait est que quelques semaines
après ces événements, Rubén et Graciela regardaient la télévision quand
ils ont appris que le championnat de football avait débuté et que
l’América était en tête du classement. Ce ne fut pas tant à cause de la
surprise de ce que signifiait savoir que le championnat avait commencé
et que l’América était première sans qu’ils ne se soient aperçus de rien,
qu’à cause de l’espérance que cette constatation leur ouvrait, qu’ils ont
échangé un regard où il pouvait y avoir de tout sauf de l’impatience,
alors tous deux ont commencé à désirer, en leur for intérieur, enfin sans
crainte, qu’un de ces prochains jours la nuit leur apporte la promesse
d’une nouvelle entente dans les notes de leur fox-trot de toujours.
Comme si c’était une sorte de Visitation divine, tous deux ont senti
une espèce de bien-être essentiel, d’un ajustement sans impatience avec
la vie et la mort, avec le passé et l’avenir.
Traduit par Yves Moñino
301
Los placeres perdidos
(Fragmento)
302
Les plaisirs perdus
(Fragment)
Marco Tulio Aguilera Garramuño
303
dicha. Noventa de cada cien visitas, vendrá por ropa limpia, la bendición
y el beso en la frente, nada más. Luego, adiós. Adolfo les concede el don
de su presencia sin largueza y sin avaricia. Y no es que gasten demasiado
en las celebraciones. Un vinillo de frutas basta para los brindis. Y hasta
dura para dos visitas si lo tapan bien y lo guardan en el refrigerador. A
cambio de tanto beneficio, ellas sólo tienen que lavarle con unción papal
los tenis, los pantalones vaqueros y las camisetas blancas, sin olvidar el
maletín de tela, que dejan impecable por el derecho y el revés, con todo
y su cordón blanco, y si Dolfo se los permitiera la variante el propio
cuerpo con el que sueñan sin malicia y que bañaron de niño sin poder
hasta hoy olvidar. Tal vez por eso se quedaron solteronas. Ningún
infante, aunque saliera de las propias entrañas de Nina y Vero, podría
alcanzar un trono en sus corazones.
Las tías conocen y respetan las cosas de Adolfo. Saben que Adolfo
transporta en su maletín no sólo cuanto halla en sus travesías alucinadas
por Cali, Pance y los lugares circunvecinos, cosas que le parecen dignas
de atención o estudio, sino una serie de objetos accidentales que
fácilmente podría dar cuenta de su vida, de su rumbo:
– un cornetín de lata, “para dar lata”,
– un rapidógrafo, lapicero fino de arquitecto, de tinta verde imperial,
su anzuelo para fijar los destellos de un mundo que se escapa sin
remedio,
– una flauta dulce que nadie como él sabe tañir cuando está
enamorado, feliz situación de la que Adolfo es habitante perpetuo,
– una campanilla de sacristán, “para desorientar al enemigo”,
– un frasco de mermelada azul (“Uno nunca sabe cuándo un frasco de
mermelada azul puede ser decisivo”) que lo mismo le sirve para
engatusar a las hormigas, paliar el sabor de los venenos a los cuales es
adicto o arrojar a manera de bomba molotov,
– varios cuadernos en los que están escritas las seis o siete novelas
que, desde que tiene memoria de las vocales, ha venido elaborando, en
caracteres góticos y con viñetas medievales, y que le han granjeado fama
de genio, lo que, naturalmente, le tiene sin cuidado,
– partituras de su propia invención, generalmente inconclusas como
sus novelas y definitivamente ininterpretables (coros de veinte millones
de sopranos, acompañamientos de ecos intermontanos, clarines y
trompetas de ángeles auténticos),
– un banquito con fondo de lona y armazón metálica plegable, que
304
bonheur. Quatre-vingt-dix fois sur cent, il viendra pour du linge propre,
la bénédiction et le baiser sur le front, rien de plus. Et après, bonsoir.
Adolfo leur accorde le don de sa présence sans largesse ni avarice. Et ce
n’est pas qu’elles dépensent trop en célébrations. Un vin doux de fruits
suffit pour trinquer. Et il peut même servir pour deux visites si elles le
rebouchent bien et le gardent au réfrigérateur. En échange de tant de
privilèges, elles n’ont qu’à lui laver avec une onction papale les tennis,
les jeans et les chemisettes blanches, sans oublier le sac en étoffe,
qu’elles rendent impeccable à l’envers comme à l’endroit, avec son
cordon blanc, et si Dolfo le leur permettait pour changer, son propre
corps auquel elles rêvent sans malice et qu’elles ont baigné lorsqu’il était
enfant sans pouvoir l’oublier jusqu’à aujourd’hui. Peut-être est-ce pour
cela qu’elles sont restées vieilles filles. Aucun enfant, fût-il sorti des
propres entrailles de Nina et Vero, ne pourrait atteindre ce trône en leur
coeur.
Les tantes connaissent et respectent les affaires d’Adolfo. Elles
savent qu’Adolfo transporte dans son sac non seulement tout ce qu’il
trouve pendant ses traversées hallucinées de Cali, Pance et des lieux
environnants, des choses qui lui paraissent dignes d’intérêt ou d’étude,
mais aussi une série d’objets accidentels qui pourrait facilement résumer
sa vie, sa route :
– un sifflet de fer tordu, « pour donner du fil à retordre »,
– un rapidograph, luxueux crayon d’architecte de couleur vert empire,
son hameçon pour fixer les scintillements d’un monde qui s’échappe
sans remède,
– une flûte douce dont personne ne sait jouer comme lui quand il est
amoureux, heureuse situation que vit perpétuellement Adolfo,
– une clochette de sacristain, « pour désorienter l’ennemi »,
– un pot de confiture bleue (« on ne sait jamais quand un pot de
confiture bleue peut se révéler décisif ») qui lui sert aussi bien à
amadouer les fourmis, à pallier la saveur des poisons auxquels il est
accro, ou lancé à la façon d’un cocktail Molotov,
– plusieurs cahiers dans lesquels sont écrits les six ou sept romans qu’il a
élaborés, depuis qu’il a la mémoire des voyelles, en caractères gothiques
et avec des vignettes médiévales, et qui lui ont valu une réputation de
génie, ce qui, naturellement, le laisse indifférent,
– des partitions de sa propre invention, généralement inachevées comme
ses romans et définitivement ininterprétables (chœurs de vingt millions
305
de sopranos, accompagnements d’échos montagnards, clairons et
trompettes d’anges authentiques),
– un siège de toile avec une armature métallique pliable, qu’il
306
extrae del maletín en situaciones difíciles y que se llama el Banco de las
Reflexiones.
Y sin embargo, Adolfo tiene sueños modestos y a corto plazo. Uno de
ellos es poseer un piano que a la vez sea doméstico como un perro de
aguas, de gran calidad y negro retinto brillante, a semejanza de un corcel
árabe, es decir, que sea origen de la música y reflejo del entorno. Con él
cumplirá su viejo proyecto de ponerle música al mundo. Sabe que no
podrá portarlo en su maletín pero confía en su ingenio. Cuatro ruedas y
una bicicleta de ejes bien aceitados bastan.
– dice.
307
extrait du sac dans des situations difficiles et qui s’appelle le Siège des
Réflexions.
Et cependant, Adolfo a des rêves modestes et à court terme. L’un
d’eux est de posséder un piano qui soit à la fois domestique comme un
chien d’eaux, de grande qualité et d’un noir brillant, pareil à un coursier
arabe, c’est-à-dire qui soit origine de la musique et reflet de
l’environnement. Avec lui il accomplira son vieux projet de mettre le
monde en musique. Il sait qu’il ne pourra pas le porter dans son sac mais
il croit en son ingéniosoté. Quatre roues et une bicyclette aux essieux
bien huilés sont suffisants.
– dit-il.
308
Fiesta en Santa Rita
(El mar)
Germán Cuervo
309
Une fête à Santa Rita
(La mer)
Germán Cuervo
310
que si l’on allait à une fête invité par Gabriela, on pouvait trouver réunis
les gens les plus hétérogènes, les caractéristiques et les milieux sociaux
les plus dissemblables ; toutes ses fêtes étaient comme un événement
municipal. C’est pourquoi il me
311
gustaba estar allí esa noche. Aunque, como dicen los rumberos "si no
estás en el 'swing' no vayas a la fiesta". No estaba muy en forma que
digamos, pero cómo podía perderme un espectáculo tal, un
acontecimiento de esos.
Anduve de un lado a otro sin saber donde ubicarme, al fin me acerqué
a un grupo de barbudos; granos en la cara, ojos estrábicos, lentes como
culos de botellas y mochilas indígenas. En cinco minutos el grupo de
barbudos vomitó una lista interminable de apodos o remoquetes a
Gabriela. ¡Casi me voy de espaldas! Le decían: Tongolele, Jovita, Miss
Pance, Tetafloja, Tetardiente, Gaby Arrebato, la Sanguinaria del Ritmo,
Velocímetro, Borrachita, la Chitaborra, Saltamontes, la Cadera del
Diablo y otros que es imposible recordar. La imaginación del
canibalismo provinciano es desbordante, infinita. Basta reunir un
mínimo de dos personas y tan sólo dos minutos de parloteo para
destrozar la vida de otro. Claro que ella también se lo había ganado, ¡por
Dios que parecía una caricatura!
Entonces fui a donde Anabel. Hablaba con un tipo que no había visto
antes, acababa de regresar de Europa, su ropa era diferente, sus gestos,
su manera de hablar. No podía evitar una pose constante, un
amaneramiento de macho, ni un desprecio en general hacia la gente. Se
llamaba Edilberto Zúñiga. En tres frases me pareció necio, engreído,
repelente. Era obvio que su antipatía provenía de haberse malcriado
entre demasiado dinero, cosa que no sucedía con los barbudos. Los
barbudos también decían chistes cínicos y negros, pero desde otra
posición o debido a unos resortes interiores o sociales diferentes –
aunque quizá sólo aspiraban a ser como el necio de los billetes- deseaban
expresarse como él, ser aceptados cálidamente en el seno principesco de
su grupo.
Aunque Anabel estaba encantada, no quise o no resistí ponerme en el
plan de alabarle sus chistes, sus brillanteces, sus frases inteligentes
acuñadas. ¿Debía entrar en su juego para ser aceptado por él? Estaba
deprimido, distante, malgeniado. Me alejé de allí. Busqué más alcohol, a
ver si pasaba algo, para ver si podía cambiar de casilla. Quería cambiar
un estado de ánimo negro por uno rojo iluminado como podía hacerlo
Santa Teresa de Jesús. Ella, a voluntad, sin ayuda de estimulante alguno,
podía cambiar con una tremenda facilidad de morada espiritual, podía
cambiar de un estado del alma a otro como decir: "Buenos días mi
Señor". Era éste exactamente el don que me hacía falta.
312
plaisait d’être présent cette nuit-là. Bien que comme disent les fêtards,
« si tu n’es pas dans le ‘swing’, ne va pas à la fête ». Disons que je
n’étais pas très en forme, mais comment aurais-je pu perdre un tel
spectacle, un événement de ce genre ?
J’ai marché de long en large sans savoir où m’installer, à la fin je
me suis approché d’un groupe de barbus ; des boutons sur le visage, des
yeux qui louchaient, des lunettes comme des culs de bouteilles et des
besaces indiennes. En cinq minutes le groupe de barbus a vomi une liste
interminable de surnoms ou de sobriquets à Gabriela. J’en suis presque
tombé à la renverse ! Ils lui disaient : Tongolélé, Jovita, Miss Brioche,
Micheflasque, Nichardente, Gaby l’Extase, la Sanguinaire du Rythme,
Compteur de vitesse, La Pétée, la Tépée, la Sauterelle, Hanche du Diable
et d’autres dont il est impossible de se souvenir. L’imagination du
cannibalisme provincial est débordante, infinie. Il suffit de réunir un
minimum de deux personnes et pas besoin de plus de deux minutes de
bavardage pour mettre en pièces la vie de quelqu’un. Sûr aussi qu’elle
l’avait cherché : bon Dieu, elle avait l’air d’une caricature !
Alors je suis allé là où était Anabel. Elle parlait à un type que je n’avais
jamais vu, il revenait de l’Europe, ses vêtements étaient différents, ses
gestes, sa manière de parler. Il ne pouvait éviter de poser constamment,
une affectation de mâle, un mépris général envers les gens. Il s’appelait
Edilberto Zúñiga. Après trois phrases il m’a semblé bête, infatué,
rebutant. Il était évident que son antipathie provenait d’avoir été mal
élevé au milieu de trop d’argent, ce qui n’était pas le cas des barbus. Les
barbus disaient aussi des plaisanteries cyniques et noires, mais depuis
une autre position ou à cause de ressorts intérieurs ou sociaux différents
– bien que peut-être ils n’aspirassent qu’à être comme le sot aux
billets –, ils désiraient s’exprimer comme lui, être chaleureusement
acceptés au sein de son groupe princier. Bien qu’Anabel fût enchantée,
je n’ai pas voulu ou pas résisté à me mettre à louer ses plaisanteries, son
brillant, ses intelligents clichés. Devais-je entrer dans son jeu pour être
accepté par lui ? J’étais déprimé, distant, de mauvaise humeur. Je me
suis éloigné. J’ai cherché plus d’alcool, pour voir ce qui arriverait, pour
voir si je pouvais me changer les idées. Je voulais troquer un état d’âme
noir contre un autre rouge illuminé, comme Sainte Thérèse de Jésus
pouvait le faire. À volonté, sans l’aide d’aucun stimulant, elle pouvait
changer avec une facilité dingue de demeure spirituelle, elle pouvait
313
passer d’un état d’âme à un autre juste en disant « bonjour cher
monsieur ». C’était exactement le don qui me manquait.
314
Así quería yo sumergirme en la negrura o la blancura total de la
anestesia hasta llegar al fondo de la tierra, al mismo centro escondido e
inalcanzable del mundo y de allí ser expulsado por un volcán hasta el
cielo envuelto en lava ardiente y caer de nuevo sobre la tierra musgosa,
fresca, reverdecida y quemarlo todo, arrasarlo todo. La mayor parte de la
gente se hallaba en un salón grande frente al bar. Detrás había otro
cubierto todavía por el techo del kiosco pero más pequeño. Me dirigí allá
y encontré un grupo de gente más tranquila, un tono de conversación
más normal, menos soberbia y delirante y menos folclórica, por así
decirlo. "Tómese unos vidrios, compadre", me dijeron. Lo que me
estaban ofreciendo era un doble de aguardiente. La expresión me pareció
extraña pero chistosa, les recibí, y luego vi llegar un carro, un Simca. De
allí se bajó un muchacho de pelo largo y anteojos, y una morena con el
corte que impuso Bo Derek, con trencitas "Rastaf; llevaba una blusa
blanca de boleros muy escotada y una falda larga con flores y frutas
tropicales en naranjas y verdes, una falda muy alegre de carnaval. La
reconocí. Se llamaba Libia y había estudiado arquitectura en la
Universidad del Valle. Hace dos años la había visto en casa de una amiga
varias veces, siempre chanceando, hablando en un tono muy sentido
como sincero de amores, canturreando, balanceando el cuerpo elástico
de serpiente como si estuviera constantemente bailando pero sin estarlo
realmente.
Siempre al llegar y al despedirse de mí lo hacía de beso, dejándome
su olor de hierbas silvestres y el sabor de sus labios morados por largo
rato en mi boca. Al verla de nuevo, la fiesta, la gente, la música, todo
había desaparecido, se esfumaba o se estaba escapando por alguna
hendija.
Fuimos al otro salón. Ella quería saludar a Anabel quien seguía con el
tal Edilberto Zúñiga -Príncipe de Hamburgo- quien hablaba ahora
mierda de "Jambur y Janofer". Anabel seguía embelesada, parecía que
todo hubiera desaparecido también para ella. A Libia le pareció el tipo
"inmamable". "Sí, muy jarto", -le dije- "Vámonos de aquí". Regresamos
a la trastienda, al sitio recogido de aquella gente suave. Todo lucía como
si las anteriores veces que nos habíamos visto fueran sólo una etapa de
preparación para esta ocasión. Terminamos dando una vuelta por los
alrededores de la casa. Nos besamos entre las matas, conocí la ternura de
su boca morada y alcancé a probar del fruto de sus pezones. En algún
momento pude sacarlos por encima de su escote a la luz de la luna y los
315
Ainsi voulais-je me submerger dans la noirceur ou la blancheur
totale de l’anesthésie jusqu’à arriver au fond de la terre, au centre même
du monde, caché et inaccessible et de là être expulsé par un volcan
jusqu’au ciel, enveloppé de lave ardente et tomber à nouveau sur une
terre de mousses, fraîche, reverdie, et tout brûler, tout raser. La plupart
des gens se trouvait dans un grand salon en face du bar. Derrière il y en
avait un autre, couvert par l’auvent de la terrasse mais plus petit. Je m’y
suis dirigé et y ai trouvé un groupe de gens plus tranquilles, un ton de
conversation plus normal, moins de vanité, de délire, et moins
folklorique, pour ainsi dire. « Prenez donc quelques coupes, compère »,
m’ont-ils dit. Ce qu’ils m’offraient, c’était une double eau-de-vie.
L’expression m’a semblé étrange mais amusante, j’ai accepté, et ensuite
j’ai vu arriver une voiture, une Simca. En est descendu un garçon aux
cheveux longs et à lunettes, et une brune avec la coiffure que Bo Derek a
imposée, avec des tresses « Rasta » ; elle portait une blouse blanche à
dentelles très échancrée et une longue jupe à fleurs et fruits tropicaux
dans les orange et vert, une jupe très gaie de carnaval. Je l’ai reconnue.
Elle se nommait Libia et avait étudié l’architecture à l’Université du
Valle. Je l’avais vue plusieurs fois deux ans avant chez une amie,
plaisantant toujours, parlant d’amour avec un ton de sincérité ressentie,
chantonnant, balançant un corps souple de serpent comme si elle eût
dansé constamment mais sans vraiment le faire.
Elle arrivait et prenait congé de moi toujours avec un baiser, me laissant
son odeur d’herbes sauvages et la saveur de ses lèvres violettes un long
moment dans la bouche. En la revoyant, la fête, les gens, la musique,
tout avait disparu, parti en fumée ou échappé par une fente. Nous
sommes allés à l’autre salon. Elle voulait saluer Anabel qui suivait avec
le nommé Edilberto Zúñiga – le Prince de Hambourg – qui disait
maintenant des conneries à propos de « Rambour » et « Ranofre ».
Anabel continuait à être ravie, il semblait que tout avait disparu aussi
pour elle. Libia a trouvé le type « imbitable ». « Oui, très chiant », lui ai-
je dit. « Allons-nous en d’ici ». Nous sommes retournés dans les
coulisses, à l’endroit recueilli de ces gens tranquilles. Tout brillait
comme si nos rencontres antérieures avaient été juste une étape de
préparation pour cette occasion. Nous avons fini par faire un tour dans
les environs de la maison. Nous nous sommes embrassés entre les
plantes, j’ai connu la tendresse de sa bouche violette et j’ai réussi à
316
goûter au fruit de ses tétins. Au bout d’un moment j’ai pu sortir ses seins
par dessus son décolleté à la lumière de la lune et les
317
sostuve entre mis manos, eran dulces y blancos. Pero ella me miró de
arriba a abajo como a un niño, o como sí yo estuviera loco. Se los
guardó e inmediatamente se puso a hablar de un tema serio,
especulativo, como una intelectual francesa. Lo que más hicimos fue
hablar de boca a boca y de boca a oreja caminando abrazados. Tardamos
en esto como una hora. Cuando estaba amaneciendo regresamos al
kiosco. Quedaba poca gente y varios autos se habían marchado. Anabel
y el Conde de la Mierda, Edilberto Zúñiga, estaban afuera tomados
románticamente de la mano, bajo las estrellas. El tipo con el pelo negro
peinado hacia atrás, parecía Gardel lleno de "Glostora", pero no era
"Glostora" sino agua. Ella tenía parte del traje de noche mojado. La seda
mojada se ceñía a su cuerpo sexapilosamente, en los senos, en el vientre
y en las nalgas. Luego él tenía las manos en los bolsillos y ella señalaba
el punto entre el cielo y los árboles donde comenzaba a despuntar el
amanecer. Luego se besaron con intensidad.
318
ai soutenus entre mes mains, ils étaient doux et blancs. Mais elle m’a
regardé de haut en bas comme si j’étais un enfant ou un fou. Elle se les
est rentrés et s’est mise à parler aussitôt d’un sujet sérieux, spéculatif,
comme une intellectuelle française. Ce que nous avons le plus fait, ç’a
été de parler bouche contre bouche et bouche sur l’oreille en marchant
enlacés. Nous nous sommes attardés ainsi environ une heure. Il
commençait à faire jour quand nous sommes revenus au kiosque. Il
restait peu de gens et plusieurs voitures étaient parties. Anabel et le
Comte de la Connerie, Edilberto Zúñiga, étaient dehors, se tenant
romantiquement par la main, sous les étoiles. Le type avec ses cheveux
noirs peignés en arrière paraissait Gardel plein de brillantine, sauf que ce
n’était pas de la brillantine mais de l’eau. Une partie de sa robe de soirée
était mouillée. La soie mouillée ceignait son corps de façon sexapile, aux
seins, au ventre et aux fesses. Et puis il avait les mains dans les poches et
elle montrait l’endroit entre le ciel et les arbres où l’aube commençait à
poindre. Ensuite ils se sont intensément embrassés.
319
Parecía un galán de cine, era Moreira
Febrero 2 de 1991
320
Il avait l’air d’un jeune premier, c’était Moreira
321
Il était en train de grimper sur la moto quand soudainement une
décharge de pistolet a eu lieu. La moto est partie en piqué, zigzagante, en
outrageant la mortelle rue
322
a gran velocidad, y los dos hombres desaparecieron sin responder y sin
saber de dónde había salido la celada.
Moreira, alias El Zarco, era alto, piel canela y sus ojos azules
ocultaban con fingida maroma de buena gente la sevicia que guardaban
sus entrañas. El Comandante lo había reclutado cuatro años atrás,
encontrando en él un perfil tenaz. Le dieron formación logística;
aprendió a disparar certero, camuflarse y a desplegar lo innato en él:
audacia y rapidez. Sordo al aprendizaje ideológico, se orientó en
estrategias de inteligencia urbana, encargado de cumplir sentencias,
ajustar cuentas. No más. Era un amigo incondicional, generoso. Gracias
a él, Antonio había salido de la miseria. La tienda era un regalo de
Moreira, a él también debía las utilidades que recibía como caleta y todo
lo que tenía. Igualmente era devoto de la virgen del Carmen; guardaba su
estampa como amuleto. Rezaba "Dios te salve, María…", se santiguaba
y se iba a cumplir los encargos, que por esos días no sólo correspondían
al partido, otra incertidumbre lo jalonaba con ganas.
Abril 4 de 1990
323
à grande vitesse, et les deux hommes ont disparu sans répliquer et sans
savoir d’où l’embuscade était venue.
Moreira, alias Yeux Bleus, était grand, d’une peau cannelle, et ses
yeux bleus cachaient avec un enjouement feint de brave type la haine
que recélaient ses entrailles. Le Commandant l’avait recruté quatre ans
plus tôt, décelant en lui un profil de dur. Ils lui donnèrent une formation
logistique ; il apprit à tirer en faisant mouche, à se camoufler et à
déployer ses dons innés, l’audace et la rapidité. Sourd à l’apprentissage
idéologique, il s’était orienté vers les stratégies d’intelligence urbaine,
chargé d’exécuter des sentences, de régler des comptes. Pas plus. C’était
un ami inconditionnel, généreux. Grâce à lui, Antonio était sorti de la
misère. Le magasin était un cadeau de Moreira, c’est aussi à lui qu’il
devait les profits qu’il recevait pour ses recels et tout ce qu’il possédait.
Il se vouait aussi à la vierge du Carmen ; il gardait son image comme
amulette. Il priait « Dieu te salue, Marie… », faisait le signe de la croix
et partait exécuter les commandes, qui à cette époque ne provenaient pas
toutes du Parti, l’ambiguïté le titillant déjà avec force.
Le 4 avril 1990
Dans le quartier La Floresta, où était le magasin d’Antonio, vivait
une blonde artificielle avec des coquetteries de diva, elle avait un sacré
corps. Elle avait hérité d’une douteuse jolie somme après l’homicide de
son mari ; elle sortait avec ce genre de gens qui gagnent un tas d’argent,
mais elle voulait un mari différent, et un jour elle a vu Moreira dans le
magasin d’Antonio et en a été enchantée. L’homme n’a pas fait gaffe à
elle. Ce caprice l’a taraudée. « Cet homme sera à moi », a-t-elle décidé
en son for intérieur, elle avait de quoi le conquérir et elle n’était pas
laide.
La Blonde a fait une fête. Elle a invité les riches du quartier et, par
ostentation, ses amis de rencontre aussi. Elle a insisté auprès d’Antonio
pour qu’il vienne avec sa femme et lui a dit qu’il amène son compère
Moreira.
Il y a eu un orchestre, de la dinde, du whisky. Des petites extravagances
ici et là. Beaucoup de gens, mais Chila, telle quelle, avec sa simple robe
qui dessinait chaque partie de son corps, se détachait à plaisir entre tous.
C’était une belle femme, au teint olive et aux yeux sombres. Elle avait
les cheveux ramassés en un chignon andalou et les hommes l’admiraient
effrontément. Dans sa dégaine de faubourg, il y avait le piment d’une
324
grâce qui faisait plaisir. Elle aurait pu passer pour vaniteuse, mais non,
elle vivait absorbée dans un monde intérieur de désirs frustrés et de
passions secrètes qui affleuraient sur sa peau avec une flamme ardente et
325
desencanto. Nadie se explicaba el por qué se aguantaba un marido
mezquino y de tan poca presencia. Podía merecer mucho, pero
extrañamente soportaba esa vida ruin. Sin embargo, al bailar parecía
explorar otro ser en su cuerpo y se llenaba de coquetería deliciosa, sin
ella proponérselo.
A la una de la madrugada apareció El Zarco, el hombre levantó más
de un cuchicheo mujeril. Irreverente y altanero, sin mirar a nadie fue
directo adonde Antonio y, después de darle un fuerte abrazo a Chila y a
su apreciado compadre, se sentó a seguir bebiendo, pues ya traía unos
tragos encima. Cinco minutos después la Mona lo abordó. Fue solícita y
complaciente. Que se sintiera como en su casa, le dijo. Y cuando hubo
algo de confianza, lo tomó del brazo y lo presentó a los duros de la
fiesta, que estaban acomodados aparte, en un patio que habían reservado
para ellos. La Mona pensó que el hombre se iba a amedrentar, pero no.
Estaba en su elemento. No era tonto y sabía hablar, lo que agradó más a
la Mona.
Como a las dos de la madrugada llegaron unos necios, queriendo
imponer su ley. Fueron dicharacheros; a una chica le tocaron la nalga y
nadie dijo nada. Al llegar al compartimiento donde El Zarco había
entrado en confianza, uno de los pandilleros quiso montarla y éste, con
imprevisible agilidad, los arremangó y con su pistola 9 mm los puso a
todos patas afuera. Mientras, los malevos de la fiesta pifiaban y reían a
carcajadas por la acción del corajudo.
Esa noche se dieron dos hechos y se juntaron dos personajes que
tejieron y destejieron la vida de Moreira: La Mona y Caparroja. Sonó un
disco, la mujer lo invitó a bailar y éste le infringió un inútil agravio, la
despreció delante de todos. y prefirió seguir bebiendo. Ella quedó
arrobada, y las mejillas se le sonrojaron con humillación inolvidable: en
su vida nadie la había plantado de esa manera. Fue todo tan canalla y
horrible que la mujer le clavó una turbulenta mirada.
El temido Caparroja, que estaba en la sombra, complacido por la
osadía del Zarco, lo sentó a beber con él hasta despuntar el alba y luego,
cuando se cansaron del lugar, lo invitó para la finca con mujeres
rumbosas y su cuadrilla de secuaces. En la finca montaron a caballo,
escucharon rancheras, comieron ternera a la llanera y bebieron y
metieron cocaína hasta embalarse. Ese día El Zarco conoció a Don
Marcelo, uno de los patrones de Caparroja. Le dieron confianza y entre
tragos le encomendaron cobrar una cuenta grande a un sujeto que tenía
326
du désenchantement. Personne ne s’expliquait pourquoi elle supportait
un mari mesquin et si peu présent. Elle pouvait bien mériter un autre
sort, mais supportait curieusement cette vie misérable. Pourtant, en
dansant, elle paraissait explorer dans son corps un autre être et
s’emplissait involontairement d’une délicieuse coquetterie.
À une heure du matin, Yeux Bleus est apparu, l’homme a
déclenché plus d’un chuchotement féminin. Irrévérent et hautain, sans
regarder personne, il est directement allé trouver Antonio et, après avoir
donné une forte embrassade à Chila et à son cher compère, il s’est assis
en continuant de boire, car il était arrivé avec quelques verres de trop.
Cinq minutes après La Blonde l’a abordé. Elle a été empressée et
complaisante. Qu’il se sente comme chez lui, lui dit-elle. Et quand il y a
eu un peu de confiance, elle l’a pris par le bras et l’a présenté aux durs
de la fête, qui étaient installés à part, dans une cour qu’ils s’étaient
réservés. La Blonde a pensé que l’homme allait s’effrayer, mais non. Il
était dans son élément. Il n’était pas bête et il savait parler, ce qui a
encore plus plu à La Blonde.
Vers deux heures du matin quelques abrutis sont arrivés, voulant
imposer leur loi. Ils ont été grivois ; à une fille ils ont touché les fesses et
personne n’a rien dit. En arrivant dans le secteur où Yeux Bleus était
entré en confiance, l’un des trouble-fête a voulu les importuner et celui-
ci, avec une agilité imprévisible, s’est retroussé les manches et avec son
pistolet 9 mm, les a tous mis dehors. Entre-temps, les malveillants de la
fête sifflaient et riaient aux éclats de l’action du courageux.
Cette nuit-là deux faits se sont produits, et deux personnages se
sont unis pour faire et défaire la vie de Moreira : La Blonde et Cape
Rouge. Un disque a résonné, la femme l’a invité à danser mais il lui a
fait subir une offense inutile, la méprisant devant tout le monde en
préférant continuer à boire. Elle est restée sans voix, et le rouge lui est
monté aux joues d’une humiliation inoubliable : dans sa vie personne ne
l’avait laissée plantée de cette façon. Tout a été si canaille et si horrible
que la femme l’a fixé d’un regard trouble.
Le redoutable Cape Rouge, qui était dans l’ombre, conquis par
l’audace d’Yeux Bleus, l’a installé à boire avec lui jusqu’au point du jour
et ensuite, quand ils en ont eu assez du lieu, il l’a invité dans sa propriété
avec des femmes somptueuses et sa bande d’acolytes. Dans la propriété
ils sont montés à cheval, ont écouté des rancheras, mangé du veau
préparé à la llanera, bu et sniffé de la cocaïne jusqu’à être pétés. Ce jour-
327
là, Yeux Bleus a connu Don Marcelo, l’un des patrons de Cape Rouge.
Ils lui ont offert leur confiance et entre deux verres ils l’ont chargé de
faire payer son compte à un sujet qui avait
328
mala fama en la capital, tarea que cumplió con éxito, y lo ligaron a ese
mundo.
Días después, a su Comandante de cuadrilla le arguyó que para hacer
servicio de inteligencia él tenía que mezclarse con gente acomodada y
vestir acorde a la situación. ¿Qué quería decir?, había entrado en otro
estatus social que bien le podría convenir al partido. El Comandante
aceptó la razón, pero también intuyó que El Zarco hacía trabajos
independientes que no podía tolerar. Y sentenció que tuviera cuidado, no
la fuera a cometer.
Octubre 10 de 1990
329
une mauvaise renommée dans la capitale, tâche dont il s’est acquittée
avec succès, et ils l’ont lié à leur monde.
Quelques jours après, il a argué à son Commandant de ce que, pour
servir dans l’intelligence, il devait se mêler à des gens riches et s’habiller
comme l’exigeait le contexte. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Il était dans
un autre statut social qui pourrait bien convenir au Parti. Le
Commandant a accepté l’argument, mais il a deviné aussi qu’Yeux Bleus
faisait du travail indépendant, ce qu’il ne pouvait pas tolérer. Et il lui a
prescrit de prendre garde, de ne pas commettre d’impair.
Le 10 octobre 1990
Six mois ont été suffisants pour qu’il s’embarque dans une autre
ambiance de cruels négoces et de fêtes hard. Il avait la vilenie et
l’audace pour faire face à la mort. Ses actions ont été risquées. Il a
commencé à gagner pas mal d’argent, à vivre avec intensité. Yeux Bleus
a senti que cette vie lui plaisait, il était dans sa loi. Les night-clubs sont
venus à être une part essentielle de sa routine. L’extravagance ne le
blasait pas. Son côté faubourien lui a affleuré à la peau avec son langage
canaille. Il dansait la salsa comme une tante sous les sifflets ; et les
attentions des barmen et des portiers déclenchaient son hilarité. Il aimait
se sentir un dur, avoir de l’argent dans les poches et de le dépenser à
foison. Sa passion n’était pas les femmes. Pour ses amis elles
représentaient le summum du plaisir – exhiber une femelle bien bonne
est synonyme de pouvoir ; de même pour le patron un élégant cheval de
monte –. Pour Yeux Bleus en revanche la femme compliquait la vie. Ce
rejet inconscient le rendait encore plus attirant. Plusieurs femmes le
recherchaient et il sortait parfois avec elles, ou les repoussait. Ce qu’il ne
savait pas, c’est que ces irrévérences allaient le baiser. On disait que
c’était un pédé qui avait un comportement bizarre. Mais en face de tous,
sans exception, c’était un mâle du tonnerre et ils le respectaient. Ils le
craignaient. Sa renommée dans le milieu était un fait.
Son garde du corps raconte qu’une nuit de folle beuverie, un patron a
ordonné de fermer la discothèque et a mis sur la table une liasse de
billets de cent dollars pour le type qui ferait un strip-tease. Yeux Bleus,
au milieu de la fumée de la marijuana et de l’agitation, l’a fait comme
une professionnelle, et la tantouze vicieuse l’a ovationné à n’en plus
pouvoir. Il n’a pas seulement gagné sa confiance, mais aussi les
applaudissements d’autres fats qui sifflaient en buvant des verres comme
des fous.
330
Diciembre 18 de 1990
Fue en una discoteca. La Mona se encontró con Antonio, Ambos
estaban bebiendo. Bailaron y en medio del humo y filtreo ella lo fue
acaramelando y cuando lo tuvo seguro en su punto, en sus garras, le
soltó lo que había pensado: Hagámoslo, primor, ya que tu mujer lo hace
con El Zarco. El trago, la música y el amartelamiento de la Mona le
amortiguaron el golpe. El hombre cabeceó y las palabras fueron un eco
vibrando en su cuerpo, pero ella ya lo había trenzado en sus brazos,
dejando escapar un ¿cómo? incrédulo, que su boca amansó en un
prolongado beso. No se habló más. Ella aceptó sentarse a la mesa con él.
En el motel, en la cama, la Mona trabajó a Antonio. Con la sutileza de su
ser pervertido, lo empezó a envenenar, filtrándole pequeñas espinas por
el torrente de su sangre machista. ¿Sabes?, le soltaba, pienso que la
tienda no era para vos, ni la casa, ni tanto regalo; a no ser que haga su
jugarreta: complace a tu Chila por tu boca. Los hombres a ratos son
pendejos, decía. Las pócimas fueron controladas con toda la astucia de
mujer conocedora. Después de tensionarlo con sus embustes, lo hacía
relajar con una pose fuerte y, cuando ya lo tenía caliente, le daba su
porción de veneno, como una puñetera bruja, y enseguida lo enloquecía
con su cuerpo de hembra sabrosa. Ella lo hacía con Antonio
aborreciendo todo en él, pero su odio era más fregado.
Antonio era celoso. Por esos días la vida de Chila era un infierno.
¿Por qué me pegas? ¿Es que sos un idiota para creer semejante vileza?,
le gritaba ella, le voy a contar, le voy a decir a tu amigo las infamias que
piensas de él.
Para inculparlo, Antonio entregó unas caletas a la policía. AI
Comandante le empezó a dar información de las andanzas del Zarco con
sicarios al servicio de la mafia. Dijo que estaba enviciado; que ya no era
de confiar. Los comentarios fueron graduales, manipuló la información y
metió cizaña.
Febrero 3 de 1991
Dos balas le tocaron a Moreira. Una le entró por el tríceps y le salió por
el bíceps, rozando el brazo de su escolta; la segunda le atravesó el
hígado y se le incrustó en el pulmón derecho- Al hospital llegó solo, muy
grave; su escolta tenía algo pendiente con la policía y no era buena su
presencia.
331
Le 18 décembre 1990
Ça c’est passé dans une discothèque. La Blonde s’est trouvée avec
Antonio. Les deux buvaient. Ils ont dansé et au milieu de la fumée et du
flirt elle s’est mise à être doucereuse et quand elle se l’est assuré à point,
dans ses griffes, elle lui a lâché ce qu’elle avait élaboré : faisons-le, mon
ange, puisque ta femme le fait avec Yeux Bleus. La boisson, la musique
et le forcing amoureux de La Blonde ont amorti le coup. L’homme a
branlé la tête et les mots ont été un écho vibrant dans son corps, mais
elle le tenait déjà enserré dans ses bras, l’homme laissant échapper un
« comment ? » incrédule que sa bouche a dompté d’un baiser prolongé.
On n’a rien dit de plus. Elle a accepté de s’asseoir à la table avec lui.
Dans le motel, dans le lit, La Blonde a travaillé Antonio. Avec la subtilité
de son être pervers, elle a commencé à l’empoisonner, en insinuant de
petites épines dans le torrent de son sang machiste. Tu sais ? lui lâchait-
elle, je pense que le magasin n’était pas pour toi, ni la maison, ni tous
ces cadeaux ; sauf s’il te joue un mauvais tour : il veut plaire à ta Chila à
travers toi. Les hommes sont cons, des fois, disait-elle. Elle contrôlait les
potions avec toute l’astuce féminine d’une connaisseuse. Après l’avoir
mis sous tension avec ses mensonges, elle le faisait se détendre avec une
pose hard, et quand elle l’avait bien chauffé, elle lui donnait sa ration de
poison, comme une méchante sorcière, et elle l’affolait aussitôt avec son
corps de fille savoureuse. Elle le faisait avec Antoine en détestant tout en
lui, mais sa haine était plus forte.
Antonio était jaloux. À cette époque la vie de Chila était un enfer.
Pourquoi tu me frappes ? Serais-tu un idiot pour croire de telles
bassesses ? lui criait-elle, je vais lui raconter, je vais les dire à ton ami,
les infamies que tu penses de lui.
Pour le faire inculper, Antonio a remis quelques objets recélés à la
police. Il a commencé à donner au Commandant des informations sur les
errances d’Yeux Bleus avec des tueurs à gages au service de la maffia. Il
a dit qu’il s’était dépravé ; qu’on ne pouvait plus se fier à lui. Les
commentaires ont été graduels, il a manipulé l’information et a semé la
zizanie.
3 février 1991
Deux balles ont atteint Moreira. L’une est entrée par le triceps et lui est
ressortie par le biceps, en frôlant le bras de son garde du corps ; la
deuxième a traversé le foie et s’est incrustée dans le poumon droit. À
332
l’hôpital, il est arrivé seul, très mal en point ; son garde du corps était en
délicatesse avec la police et il valait mieux qu’il ne soit pas présent.
333
Antes de retirarse le entregó sus papeles y le confió que si no salía vivo
de esa le dijera a su compadre que se encargara de las cosas de él; lo que
tenía era para Antonio. Lo consideraba; su único amigo de verdad, su
hermano.
Cuando estuvo acostado en la cama del hospital, pensó en su juventud
sin padre ni madre. El olor de medicamentos le hizo recordar el estupro
sufrido siendo niño (una abominable pesadilla que no aceptaba como
real). Lo que hacía ahora era una forma de sometimiento, una manera de
justificar la vida que llevaba a la sombra de otros y, a pesar de ganar
mucho dinero, él no era nadie; era un ser sumergido en la soledad con un
destino miserable. Ya en el quirófano, sintió náuseas y empezó a navegar
por un túnel hasta caer en un pantano viscoso color escarlata. Tenía
escalofrío y miedo. En su sueño vio al traidor, señalándolo con el dedo,
omnipotente y terrible. El doctor le dijo que tuviera confianza, era fuerte
e iba a sobrevivir. El desfalleció, se dejó llevar por el torrente de la
oscuridad y no quiso aferrarse a la vida. Estaba asqueado. Tenía 21 años.
El Zarco murió un día después, en la cama número 19 del Hospital.
Fue enterrado como un N.N. Enterado, esa misma tarde el escolta de
Moreira encontró en el apartamento una caleta con mucho dinero. Al pie
de la puerta habían deslizado una carta. "Fue Antonio, con gente del
Comandante. El desgraciado piensa que sos mi amante. Pero creo que
hay algo más: envidia. Un cretino. Por fin he tenido fuerzas para
abandonarlo. Chila". El tipo leyó la nota, estrujó el papel en su mano con
bronca y con rabia lo tiró a la basura.
En la pared había un póster a color de un hombre que parecía un
galán de cine, era Moreira. El escolta lo miró con tristeza. Se puso unos
lentes oscuros y salió a la calle, cabizbajo. El murmullo de la ciudad
penetró por sus oídos, y el smog con mezcla de comida callejera llenó
sus pulmones y le llegaron imágenes del jefe amigo que acababa de
morir. Y con fuerza solidaria los ojos se le anegaron y dejó escapar un
sollozo fuerte que arrastro el viento. La calle con toda su podredumbre
los había unido. Ahora se había ido para siempre. Apretó el maletín
cargado de dinero como si fuera un arma, y con taciturno paso se
zambulló entre los transeúntes pensando en su víctima pagada por
adelantado.
334
Avant de se retirer il lui a remis ses papiers et lui a confié que s’il ne
s’en sortait pas, il dise à son compère de se charger de ses affaires ; ce
qu’il avait était pour Antonio. Il le considérait comme son seul vrai ami,
son frère.
Quand il a été allongé sur le lit de l’hôpital, il a pensé à sa jeunesse
sans père ni mère. L’odeur des médicaments lui a fait rappeler le viol
subi alors qu’il était enfant (un cauchemar abominable qu’il n’acceptait
pas comme réel). Ce qu’il faisait maintenant était une forme de
soumission, une manière de justifier la vie qu’il menait à l’ombre
d’autrui et, bien qu’il ait gagné beaucoup d’argent, il n’était personne ; il
était un être submergé dans la solitude avec un destin misérable. Déjà
dans le bloc opératoire, il a senti une nausée et a commencé à naviguer
dans un tunnel jusqu’à tomber dans un marais visqueux de couleur
écarlate. Il avait des frissons et peur. Dans son sommeil, il a vu le traître,
en le montrant du doigt, omnipotent et terrible. Le docteur lui a dit
d’avoir confiance, qu’il était fort et allait survivre. Il a défailli, s’est
laissé porter par le torrent de l’obscurité et n’a pas voulu s’accrocher à la
vie. Il était dégoûté. Il avait 21 ans.
Yeux Bleus est mort le lendemain, dans le lit numéro 19 de
l’Hôpital. Il a été enterré sous X. Informé la même après-midi, le garde
du corps de Moreira a trouvé dans l’appartement une planque avec
beaucoup d’argent. On avait glissé une lettre sous la porte. « C’est
Antonio, avec des gens du Commandant. Le malheureux pense que tu es
mon amant. Mais je crois qu’il y a quelque chose de plus : de l’envie. Un
crétin. J’ai enfin eu la force de l’abandonner. Chila » Le type a lu la note,
a froissé le papier dans sa main avec fureur et l’a jeté à la corbeille avec
rage.
Au mur il y avait le poster en couleurs d’un homme qui avait l’air
d’un jeune premier de cinéma, c’était Moreira. Le garde du corps l’a
regardé avec tristesse. Il a mis des lunettes sombres et est sorti dans la
rue, tête basse. Le murmure de la ville a pénétré dans ses oreilles, et le
smog mélangé de nourriture de rue a rempli ses poumons et des images
du chef ami qui venait de mourir lui sont venues. Et par la force de la
solidarité, ses yeux se sont noyés et il a laissé échapper un gros sanglot
que le vent a entraîné. La rue avec toute sa pourriture les avait unis.
Maintenant il était parti pour toujours. Il a serré la mallette pleine
d’argent comme si c’était une arme, et a plongé d’un pas taciturne dans
la foule des passants en pensant à sa victime payée d’avance.
335
Traduit par Yves Moñino
336
Vacío
(Calicalabozo)
Andrés Caicedo
337
Vide
(Calicachot)
André Caicedo
SANS DOUTE je n’ai pas dû rester longtemps chez Angelita, car lorsque
je suis sorti, tout était vide. J’ai failli revenir sur mes pas. J’ai tourné la
tête et elle était en train de me dire au revoir de la fenêtre. Pour la
première fois nous sommes restés ensemble plus d’une heure. Nous nous
sommes aimés pour la première fois. Elle m’a dit au revoir depuis la
fenêtre.
Je ne pouvais pas revenir. Je devais m’en aller. J’ai souri à son
visage qui sortait de la fenêtre et j’ai commencé à marcher, tac tac tac
sur le sol crevassé. Je m’étais mis les mains dans les poches. J’ai
parcouru très lentement sa rue, les saules qui poussent de chaque côté, et
l’éclairage au mercure, tout cela vide. Je ne pouvais pas revenir, ses
parents n’allaient pas tarder à revenir, et qui sait, avec un frère. Je ne
veux pas mourir si jeune. Vide, le coin de la rue de la maison d’Angelita.
Et la pleine lune. Cette pleine lune qui se remplit depuis quatre jours et
c’est aujourd’hui qu’elle est le plus pleine. Aujourd’hui c’est la nuit du
danger, mon pote.
Vide, Sears. Lorsque je suis passé par là, il n’y avait même pas de ces
surveillants qui portent un fusil et qui tirent sans sommation sur le
premier qui viendrait à voler de ces choses que les Amerloques
possèdent à Sears. Vide, toute l’avenue Estación, mais j’ai serré fort les
poings dans les poches et j’ai marché au milieu de la rue, jetant un coup
d’œil à chaque ombre, à chaque maison, à chaque trace. Lorsque je passe
par ici de jour et tout ça, je pense toujours à Angelita. De l’avenue
Estación, on voit sa maison, l’arrière de sa maison. Et lorsque je passe
par ici de jour et qu’il y a du soleil et tout ça et le monde qui pullule, je
pense, pourquoi ne pas aller chez Angelita, frapper à la porte, demander
si elle est là, pourquoi pas, cela n’a rien de méchant, je suis passé
derrière sa maison et j’ai pensé à elle. Je me la suis imaginée déjà
presque endormie, embrassant un des oreillers en pensant à moi, j’ai
pensé au lendemain quand elle se lèverait et m’appellerait par téléphone,
et que je lui répondrais, tout ça, je lui raconterais que lorsque je suis sorti
de chez elle la rue était vide et que cela m’a fait peur au début mais pas
338
après, c’est pas pour rien qu’on est élève de Première au collège San
Juan Berchmans. De là où je regardais, on voyait la fenêtre de ses
parents et celle de la chambre des souillons et les rideaux du salon.
J’aurais aimé grimper sur le toit, marcher jusqu’à sa chambre et la
réveiller d’un baiser sur la joue, joindre mon visage au sien, lui respirer
dans les
339
orejas, preguntarle por mí, que si me ha pensado mucho. Me hubiera
gustado eso.
Tal vez si no hubiera salido tan tarde de su casa, no me hubiera
encontrado esta calle tan vacía. Caminé despacio hasta Deiri Frost. Vacío
Deiri Frost allí donde uno se aparece cualquier día y se encuentra con los
muchachos, con Pedro y con Pablo y Chucho y Jacinto y José, toda la
gente, y eso es que le preguntan a uno que para dónde va y uno contesta
para ver a dónde es que lo invitan, y allí de una le plantean onda con
cualquier par de hembras, cosas así, cualquier día. Pero de día. Ahora el
Deiri Frost estaba vacío. Me arrimé bien a los vidrios para ver si veía al
gringo que prepara los helados, pero nada. Todo vacío. Si me encontrara
con alguien, por qué no. Con tantos amigos que tiene uno en Cali, por
qué no. Me senté un rato en el muro del Deiri Frost esperando a que
pasara alguien conocido. Han debido pasar como veinte minutos y no
pasó nadie. Ni siquiera un taxi. Nada, y esa luna llena... Me paré del
muro y caminé hacia arriba, por la Avenida Sexta hasta que llegara a mi
casa. Vacía la fuente, vacía la Bomba, vacío Oasis, allí donde yo conocí
a Angelita.
340
oreilles, lui poser des questions sur moi, si elle avait beaucoup pensé à
moi. Cela m’aurait plu.
Peut-être que si je n’étais pas sorti si tard de chez elle, je n’aurais pas
trouvé la rue aussi vide. J’ai marché lentement jusqu’à Deiri Frost. Vide,
Deiri Frost, là où l’on débarque n’importe quel jour pour retrouver les
potes, Pedro et Pablo et Chucho et Jacinto et José, tout le monde, et là ils
nous demandent où on va et on répond pour voir où on va être invité, et
fissa, ils proposent un plan avec n’importe quelle paire de meufs, des
choses comme ça, n’importe quel jour. Mais de jour. Maintenant le Deiri
Frost était vide. Je me suis collé à la vitre pour voir si je voyais
l’Amerloque qui prépare les glaces, mais rien. Tout était vide. Si je
rencontrais quelqu’un, pourquoi pas. Avec tous les amis qu’on a à Cali,
pourquoi pas. Je me suis assis un moment contre le mur du Deiri Frost
attendant que quelqu’un de connu passe. Une vingtaine de minutes ont
dû s’écouler et personne n’est passé. Même pas un taxi. Rien, et cette
pleine lune… Je me suis relevé et j’ai marché en remontant la Sixième
avenue jusqu’à arriver chez moi. Vide, la fontaine, vide La Bomba, vide
Oasis, là où j’ai connu Angelita.
341
Jaulas
(Fragmento)
342
Cages
(Fragment)
KRISTAL Ventura. Il m’a fallu dix ans pour écrire ce nom. L’effort a
été grand. Avec la machine à écrire, encore plus. J’en suis encore
fatiguée. J’ai réussi à frapper les touches avec deux doigts : le petit doigt
et le pouce. Utiliser les index aurait été mieux. Je ne m’étonne pas de ce
revers. Un de plus, un parmi d’autres peut être dans une vie de réussites
et de malheurs. De malheurs cherchés. Des élucubrations comme celles-
ci pourraient paraître banales mais je dois les mettre en avant parce que
pour moi elles représentent quelque chose. Je commence à raisonner.
Parler me paraissait éphémère et attirée par le vice d’avoir à laisser le
témoignage de tout ce qui est pensé, senti, deviné, je me suis toujours
entourée de billets et de petits papiers, de feuilles, d’enveloppes et de
carnets. Bien peu m’ont servi. Je n’ai pu utiliser même une page. Et ce
n’a pas été par caprice. Ma patience est étonnante. Dix ans, j’ai enduré.
Jamais je ne me suis plainte. Ajourner n’a pas été mon intention.
Simplement liquider. Plus facile : oublier. Et ainsi, dix ans sans bouger
de ce lit, sans érafler une voyelle, en soumettant mes doigts à la piqûre
d’une épingle. Bon, en réalité j’aime exagérer. La torture n’a pas été si
longue ni si torturante, je n’ai pas senti de gêne et l’accoutumance,
destinée à être renouvelée chaque jour, n’a duré que les premiers mois.
Les piqûres ont laissé des traces, ça oui, des cicatrices qui marquent le
bout de mes doigts et cette étrange expérience de goûter la vie avec la
douleur a attiré des mois durant l’attention des médecins et de ma
famille. J’ai vu leurs visages se pencher sur mon corps dans l’attente
d’une réponse, et chaque jour, comme attirés par un aimant, ils restaient
collés, mâchoires et nez, à mes doigts alanguis. Il me plaisait d’être le
protagoniste du spectacle et j’en ai joui jusqu’à ce que, impatients, sans
optimisme, ils s’en sont allés, un à un, désertant. Je ne les accuse pas.
Ma sensibilité n’a pas correspondu à la leur, et merde, fichez-moi la
paix, et sûrement, chacun s’est habitué à m’accepter comme un végétal.
Un végétal avec des pupilles qui ne clignaient pas, avec les yeux bien
ouverts… observant. Avec les oreilles bien éveillées… écoutant. Comme
le loup du Chaperon Rouge... pour mieux me rendre compte. Quelle
343
stupidité ! Et on essayait soi disant de comprendre, en sachant que ce qui
est essentiel n’a aucune explication. Et ça m’est arrivé comme ça, sans
aucune explication.
344
Griselda me despertó con el jugo de naranja. Previsto estaba todo. De
un sorbo debía bebérmelo, rapidito y hasta luego, asunto liquidado,
Griselda como siempre al tanto de la acción, sosteniendo, casi
empujándome el vaso con el jugo de naranja. Sin ella no había jugo de
naranja y ella, cada mañana con el jugo de naranja, sin buenos días, jugo
de naranja, sin cómo amaneció, jugo de naranja, sin le provoca otra cosa,
jugo de naranja, sin más sobreentendidos, diez años con el jugo de
naranja, sólo que esta vez no me lo bogué. Atasqué el guargüero, cerré la
boca, recapacité. Porqué no. A veces pasa. El experimento del alfiler,
probémoslo otra vez. La reacción era fácil de preveer: propuesta fuera de
lugar. Griselda se mostró reacia, asustada sin prescripciones por seguir,
desorientada, niña el jugo de naranja por favor, pero nada, fácil
persuasión, y de puras vainas ocurrió. Las dos a solas en la habitación,
quién iba a creerlo, sin ninguna explicación, lo fundamental no tiene
explicación, el meñique de la mano izquierda y el pulgar de la derecha
respondieron al chuzón. No grité, qué va, pocas cosas me sorprenden ya.
Presa del maldito vicio, dejar constancia, el catafalco de letras por
conjugar y Griselda, tal cual se lo pedí, sin chistar, con su lógica servil
me centró las manos sobre el teclado de la vieja máquina de escribir.
Diez años sin rozar. Me atraganté de imágenes. Lo visto, lo vivido, lo
pensado, tanto rollo acumulado, es mi oportunidad, pero qué va, de
nuevo fracasé. Mi entusiasmo no aguantó y sin imaginación me quedé,
sin comenzar siquiera, enclavada en la punta del camino, tan cretina yo,
amarrada a la confusión de mi propia identidad, buscando definirme,
presentarme al mundo con, al menos una personalidad, como quien dice,
esta soy yo y me llamo Kristal Ventura.
345
Griselda m’a réveillé avec le jus d’orange. Tout était prévu. Je devais
le boire d’une gorgée, très vite et au revoir, terminé, Griselda comme
toujours à l’œuvre, soutenant, poussant presque le verre avec le jus
d’orange. Sans elle il n’y avait pas de jus d’orange et elle, chaque matin
avec son jus d’orange, sans bonjour, du jus d’orange, sans vous avez
bien dormi, du jus d’orange, sans vous voulez autre chose, du jus
d’orange, sans plus de sous entendus, dix ans avec le jus d’orange, mais
cette fois-là je ne me le suis pas avalé. J’ai bloqué la gargoulette, fermé
la bouche, et réfléchi. Pourquoi pas. Cela arrive parfois. L’expérience de
l’épingle, essayons-la encore une fois. La réaction était facile à prévoir :
tentative hors sujet. Griselda s’est montrée rétive, effrayée, sans
prescriptions à suivre, désorientée, mademoiselle, le jus d’orange, je
vous en prie, mais rien, persuasion facile, et c’est arrivé par pur hasard.
Les deux toutes seules dans la chambre, qui l’eût cru, sans aucune
explication, ce qui est essentiel n’a pas d’explication, le petit doigt de la
main gauche et le pouce de la droite ont répondu à la piqûre. Je n’ai pas
crié, non, peu choses me surprennent encore. Prisonnière du vice maudit,
témoigner, le catafalque de lettres à conjuguer et, Griselda, ainsi que je
le lui ai demandé, sans sourciller, avec sa logique servile, a dirigé mes
mains sur le clavier de la vieille machine à écrire. Dix ans sans taper. Je
me suis bourrée d’images. Ce que j’ai vu, vécu, pensé, tant de bobines
accumulées, c’est ma chance, mais non, j’ai échoué à nouveau. Mon
enthousiasme n’a pas duré et je suis restée sans imagination, sans même
commencer, clouée au début du chemin, quelle crétine, ficelée à la
confusion de ma propre identité, cherchant à me définir, à me présenter
au monde avec au moins une personnalité, comme on dit c’est moi et je
m’appelle Kristal Ventura.
346
Clara Sanclemente
347
Clara Sanclemente
348
Et vous, vous ressemblez aux actrices qui me plaisent le plus, ai-je
dit. Une impulsion que je ne m’explique encore pas. Clara a souri.
Les lumières ont été éteintes et nous n’avons pu parler plus, mais il m’a
semblé remarquer plusieurs fois qu’elle me regardait du coin de l’œil. Je
suis complètement sorti de
349
trama; el resto del tiempo estuve pensando cómo continuar la
conversación… No se me ocurrió nada; ni un solo pretexto que resultara
apropiado, que diera la talla… No hubo necesidad. De repente ya se
había acabado la película y ella me estaba diciendo: Clara Sanclemente,
mucho gusto; llámeme un día de estos para conversar de cine. Y punto.
Sabíamos que con los Sanclemente no hay necesidad de más señas.
Hubiera querido llamarla esa misma noche, pero me contuve, y al
día siguiente también, y parte de la mañana del otro, hasta que me asaltó
la sospecha de que si esperaba más tiempo sería demasiado tarde. Algún
galán podría llegar a la vida de Clara y jamás me perdonaría esa
indecisión. La llamé y creo que estuve a la altura. Cuando empezamos a
hablar de cine dejé que la conversación se deslizara hacia el tema
películas de aventuras, selvas, bosques, montañas nevadas, y así, de una
manera natural, la invité al restaurante Suizo. Aún no, tengo que
conocerte mejor, pensé que iba a decir, pero no, dijo que nos
encontraríamos el viernes a las seis en la plaza de Bolívar. Y que después
del restaurante iríamos a la fiesta del Club Colombia. Caballeros traje
oscuro.
Ese fue el primero de los obstáculos. Tengo dos sacos, uno gris
claro y otro azul oscuro, pero el azul es horrible, completamente pasado
de moda: cruzado, solapa ancha, bolsillos con reborde… Armando me
prestó su traje de grado, negro nevado. ¡Tres tallas menos que la mía!
Por lo menos dos. Mucho cuidado al sentarte y levantarte, me decía
preocupado. Y en lo posible, trata de no bailar.
El segundo obstáculo tenía relación directa con el primero; mis
zapatos negros estaban viejos, gastados en la punta. Impresentables. La
relación directa eran los pantalones de Armando, tan cortos de pierna
que atraerían las miradas hacia abajo. Me vi en la obligación de cerrar la
cuenta de ahorros. Sesenta por ciento para la velada con Clara, treinta
por ciento para los zapatos, diez por ciento para imprevistos.
Quedaba pendiente el transporte. El Simca de la casa se lo habían
prestado a mi hermano para un cursillo de ventas en Bugalagrande. Y de
todos modos no es más que un Simca. Habría podido ser un problema
insoluble, pero por el momento tenía la suerte de mi lado; el novio de mi
prima Patricia me prestó su Chevrolet Impala. Largo, blanco, elegante.
Adecuado para la misión que se le encomendaba: trasladar a Clara
Sanclemente desde las puertas del restaurante Suizo hasta las escalinatas
de mármol del Club Colombia.
350
l’intrigue ; le reste du temps j’ai réfléchi à la manière de continuer
la conversation… Il ne m’est rien venu ; pas même un seul prétexte qui
aurait pu être approprié, qui aurait été dans le ton… Il n’y a pas eu
besoin. Tout à coup le film s’était terminé et elle me disait : Clara
Sanclemente, enchantée ; appelez-moi un de ces jours pour parler
cinéma. Et c’est tout. On savait qu’avec les Sanclemente il n’y a pas
besoin de plus de signes.
J’aurais voulu l’appeler le soir même, mais je me suis retenu, et le
lendemain aussi, et une partie du matin du jour suivant, jusqu’à ce que le
doute m’a assailli que si j’attendais plus longtemps, il serait trop tard.
Quelque galant pourrait arriver dans la vie de Clara et je ne me
pardonnerais jamais mon indécision. Je l’ai appelée et je crois avoir été à
la hauteur. Quand nous avons commencé à parler de cinéma, j’ai laissé la
conversation glisser vers le thème des films d’aventures, de jungles, de
forêts, de montagnes enneigées et ainsi, tout naturellement je l’ai invitée
au restaurant Suisse. Pas encore, il faut que je te connaisse mieux, ai-je
pensé qu’elle allait dire, mais non, elle a dit que nous nous retrouvions le
vendredi à six heures sur la place Bolivar. Et qu’après le restaurant nous
irions à la fête du Club Colombia. Tenue sombre pour les messieurs.
C’était le premier obstacle. J’ai deux vestes, l’une gris clair et
l’autre bleu foncé, mais la bleue est horrible, complètement démodée :
croisée, un large revers, des poches à rebords… Armando m’a prêté son
costume de diplômé, noir glacé. Trois tailles en dessous de la mienne !
Ou au moins deux. Fais bien attention en t’asseyant et en te levant, me
disait-il, préoccupé. Et si possible, essaie de ne pas danser.
Le deuxième obstacle était en rapport direct avec le premier ; mes
souliers noirs étaient vieux, usés à la pointe. Pas présentables. Le rapport
était le pantalon d’Armando, si court de jambes qu’il attirerait les
regards. Je me suis vu dans l’obligation de fermer mon compte
d’épargne. Soixante pour cent pour la soirée avec Clara, trente pour cent
pour les souliers, dix pour cent pour les imprévus.
Il restait la question du transport. La Simca de la maison avait été prêtée
à mon frère pour quelques leçons de vente à Bugalagrande. Et de toute
manière ce n’était qu’une Simca. Cela aurait pu être un problème
insoluble, mais pour le moment la chance était de mon côté ; le fiancé de
ma cousine Patricia m’a prêté sa Chevrolet Impala. Longue, blanche,
élégante. Appropriée à la mission qu’on lui assignait : transporter Clara
351
Sanclemente des portes du restaurant Suisse au perron de marbre du
Club Colombia.
352
Llegó el día. Y la hora señalada. Clara acudió a la cita con solo
media hora de retraso. La vi aparecer sobre el puente Ortiz y contemplé,
embelesado, su lento, armonioso, pausado recorrido por la plaza de
Bolívar, como deslizándose entre la niebla, como entrando suavemente
en mi vida. Admirado por la belleza de sus ojos claros, de su tez nívea,
de su rostro ovalado, me dejaba transportar por el ensueño y me
imaginaba un encuentro con la princesa de Mónaco, una estrella de cine
o una reina de belleza.
Clara propuso un aperitivo en el café Versalles. De acuerdo.
Hablamos muy poco en el trayecto; ella estaría pensando en sus cosas y
a mí me invadían las dudas: era muy temprano para caminar por la
avenida Sexta de saco y corbata; había olvidado amansar los zapatos
nuevos y crujían con cada paso; no estaba seguro si debía tratarla de tú,
de vos o de usted; el nudo de la corbata me apretaba; ¿había cerrado con
seguro las puertas del Chevrolet?, ¿qué aperitivo pedir? ¿tendría que
pagar las dos entradas a la fiesta?; ¿cuánto? Sudaba; la camisa se me
pegaba al cuerpo; los pantalones estrechos; el saco corto; me sentía un
poco disfrazado; en cualquier momento podía pasar algún amigo o
conocido y burlarse de mi vestimenta…
Mira, Clara, ¿le parece bien que nos desviemos de la avenida?
Para llegar más rápido.
Y así llegamos al café Versalles sin más sobresaltos. Nos
sentamos en un rincón tranquilo, lejos del calor, del tráfico vespertino,
de los amigos impertinentes. Un martini blanco para Clara; otro martini
para mí. Habló de sus estudios de Lenguas en Boston; yo de la escuela
de Administración de Empresas. Habló de sus lecturas predilectas; yo de
las películas que más me gustan. Me contó anécdotas de sus viajes a
Europa; yo escuché atentamente. Y me habló de su padre, su familia, el
círculo de amistades, la hacienda en El Saladito, los clubes sociales y
deportivos, las clases de golf, el curso de equitación, el caballo en el
Club Hípico…
Clara hablaba y hablaba y hablaba…
Su voz parecía perderse en aquel salón extraño, vacío, silencioso.
Yo trataba de seguir la conversación, pero me iba adormeciendo,
extraviando…
De repente, en mitad de una frase, se interrumpió, se quedó
mirando fijamente uno de los cuadros que adornaban la pared lateral del
353
Le grand jour est arrivé. Et l’heure fixée. Clara s’est présentée au
rendez-vous avec une demi-heure de retard seulement. Je l’ai vue
apparaître sur le pont Ortiz et j’ai contemplé, ravi, son cheminement
lent, harmonieux et posé à travers la place Bolivar, comme si elle glissait
entre la brume, comme si elle entrait avec douceur dans ma vie.
Admiratif devant la beauté de ses yeux clairs, de son teint de neige, de
son visage ovale, je me laissais transporter par un songe et m’imaginais
rencontrer la princesse de Monaco, une étoile de cinéma ou une reine de
beauté.
Clara a proposé un apéritif au café Versailles. D’accord. Nous
avons très peu parlé pendant le trajet ; elle devait penser à ses choses et
quand à moi, les doutes m’envahissaient : il était bien tôt pour se
promener sur la Sixième Avenue en costume cravate ; j’avais oublié
d’assouplir les souliers neufs et ils crissaient à chaque pas ; je ne savais
pas si je devais la tutoyer, la voussoyer ou la vouvoyer ; le nœud de la
cravate me serrait ; avait-je mis la sécurité aux portières de la
Chevrolet ? Quel apéritif commander ? Aurais-je à payer les deux
entrées à la fête ? Et combien ? Je suais ; la chemise me collait au corps ;
le pantalon étroit, la veste courte, je me sentais un peu déguisé ; à tout
moment un ami ou une connaissance pouvait passer et se moquer de mes
vêtements…
Regarde, Clara, cela vous convient-il que nous sortions de
l’avenue ? Pour arriver plus vite.
Et nous sommes arrivés ainsi au café Versailles, sans autres
émotions. Nous nous sommes assis dans un coin tranquille, loin de la
chaleur, de la circulation vespérale, des amis importuns. Un martini
blanc pour Clara ; un autre pour moi. Elle a parlé de ses études en
langues à Boston ; moi de l’École d’Administration d’entreprises. Elle a
parlé de ses lectures favorites ; moi des films que j’aime le plus. Elle
m’a raconté des anecdotes de ses voyages en Europe ; j’ai écouté avec
attention. Et elle m’a parlé de son père, de sa famille, de son cercle
d’amis, de la propriété à El Saladito, des clubs mondains et sportifs, des
classes de golf, du cours d’équitation, du cheval au Club Hippique…
Clara parlait, parlait, parlait…
Sa voix semblait se perdre dans ce salon étrange, vide, silencieux.
J’essayais de suivre la conversation, mais je m’assoupissais,
égaré…
354
Elle s’est interrompue tout à coup au milieu d’une phrase, regardant
fixement l’un des tableaux qui ornaient le mur latéral du
355
café Versalles y se fue caminando errática, como si buscara algo, como
si esperara a alguien…
¿El baño?, ¿busca el baño?, le preguntó una de las camareras.
Clara asintió sin decir palabra y la siguió, lenta y distraídamente, en
silencio.
Supongo que me quedé mirándola con la boca abierta, inmóvil,
atónito, no sé… Tan pronto como pude me levanté para mirar su punto
de fuga. Regresó unos minutos después, pero ya no era la misma, me
pareció. Ya no tenía puestos el collar, la diadema de brillantes ni el anillo
de esmeraldas de Muzo. Había desaparecido aquel peinado tan
elaborado y ahora tenía el pelo suelto. La expresión de su rostro, segura
y altiva un momento antes, se había trocado en una de inquietud. Se
acercó con paso desgarbado, y una mirada de displicencia más propia de
una colegiala engreída que de Clara Sanclemente.
Pero, Clara, ¿qué pasa?
¡Vámonos!
¿Adónde?
A cualquier sitio, pero vámonos que ya estoy aburrida.
Pero, Clara, dejé el carro en frente del restaurante Suizo.
Entonces vamos al restaurante Suizo.
Ahora era yo quien caminaba inseguro, errático. Clara salió
adelante, paró un taxi, subió, yo subí detrás. Le pidió al taxista que nos
llevara al restaurante Suizo a toda velocidad. En cuanto llegamos bajó
atropelladamente, cruzó corriendo el antejardín y abrió la puerta de un
empellón. De pronto se detuvo y se quedó inmóvil mirando
alternativamente el cielo raso y una de las ventanas.
Intenté tomarla de la mano para calmarla, pero me hizo a un lado
bruscamente y se alejó bailando. Sintiéndome de repente débil y confuso
me apoyé en el quicio para seguir desde allí sus evoluciones. La vi pasar
bailando por el corredor, el vestíbulo y las escaleras del restaurante
Suizo. Al llegar a la acera dejó de bailar y se sentó en un murito
divisorio. Yo bajé muy despacio, paso entre paso, paso entre paso, paso
entre paso, y cuando finalmente llegué a la calzada, lo que me pareció
ver en la penumbra fue una niña, una niña con las facciones de Clara
pero nariz respingada y unas largas trenzas adornadas con mariposas
rosadas de tul.
Pero… ¿pero qué pasa?
Que estoy cansada.
356
café Versailles et elle est partie à la dérive, comme si elle cherchait
quelque chose, comme si elle attendait quelqu’un…
Les toilettes ? Vous cherchez les toilettes ? lui a demandé une des
serveuses. Clara a acquiescé sans mot dire et l’a suivie, lentement et
distraitement, en silence.
Je suppose que j’ai continué à la regarder avec la bouche ouverte,
immobile, abasourdi, je ne sais… Dès que j’ai pu, je me suis levé pour
regarder par où elle avait fuit. Elle est revenue quelques minutes après,
mais ce n’était plus la même, m’a-t-il paru. Elle ne portait plus son
collier, ni le diadème de brillants, ni l’anneau d’émeraudes de Muzo. Sa
coiffure si élaborée avait disparu et elle avait maintenant les cheveux
défaits. L’expression de son visage, sûr et altier un moment avant, s’était
transformée en inquiétude. Elle s’est approchée d’un pas disgracieux,
avec un regard de froideur plus appropriée à une collégienne
présomptueuse qu’à Clara Sanclemente.
Mais, Clara, que se passe-t-il ?
Allons-nous en !
Où ?
N’importe où, mais allons-nous en, car je m’ennuie à mourir.
Mais, Clara, j’ai laissé la voiture en face du restaurant Suisse.
Alors allons au restaurant Suisse.
Maintenant c’était moi qui marchais incertain, à la dérive. Clara est
partie devant, elle a arrêté un taxi, y est montée, je suis monté derrière.
Elle a demandé au chauffeur de nous emmener au restaurant Suisse à
toute vitesse. Dès que nous sommes arrivés elle est descendue avec
précipitation, a traversé en courant le jardin de devant et a ouvert la porte
d’une poussée. Soudain elle s’est arrêtée et est restée immobile en
regardant alternativement le plafond et l’une des fenêtres.
J’ai essayé de la prendre par la main pour la calmer, mais elle m’a
écarté brusquement et s’est éloignée en dansant. Me sentant tout à coup
faible et confus, je me suis appuyé sur l’encadrement pour suivre de là
ses évolutions. Je l’ai vue passer en dansant par le couloir, le vestibule et
les escaliers du restaurant Suisse. En arrivant à la rue elle a cessé de
danser et s’est assise sur un muret de séparation. Je suis descendu très
lentement, pas à pas, pas à pas, pas à pas, et quand je suis finalement
arrivé sur la chaussée, ce qu’il m’a semblé voir dans la pénombre, c’était
une petite fille, une petite fille avec les factions de Clara mais le nez
rentré et de longues tresses ornées de papillons roses de tulle.
357
Mais…, mais qu’est-ce qui t’arrive ?
Que je suis fatiguée.
358
Sube al carro y te llevo a casa.
No quiero ir a casa.
Pero si antes dijiste que…
Llévame a la fiesta que me prometiste.
Es muy tarde, Clarita.
Me llevas ya mismo o le digo a mi papá para que se ponga
furioso.
Atrapado como estaba en aquel torbellino no sabía qué decir ni
qué pensar. Sólo intuía que era mejor no contradecirla.
Subimos al Chevrolet prestado. Debajo de su asiento Clarita
encontró una linterna y durante todo el recorrido se entretuvo enfocando
a los conductores y transeúntes o deslumbrándome cada vez que
intentaba decirle algo.
A la entrada del Club Colombia montaban guardia varios
vigilantes. Uno de ellos me hizo señas de que me detuviera; su
compañero me dio un recibo y un tercer vigilante ocupó mi sitio y se
llevó el Chevrolet hacia el garaje subterráneo.
Clarita corrió hasta las escaleras y subió zigzagueando,
abriéndose paso entre los socios e invitados que llegaban para la fiesta
de gala y los jugadores de cartas, dados o bolos que se marchaban a casa.
En la segunda planta, al final de una balaustrada, sobresalía el busto de
un prócer de la Independencia. Clarita se encaramó en la balaustrada y
se fue deslizando hasta llegar al lado del héroe. Se detuvo entonces, los
ojos fijos en el rostro de piedra.
Llegué a sus pies, sudoroso, agitado, y le pedí que se bajara. Ni
siquiera me miró. Pensé en insistir, pero vi que se acercaba un señor muy
alto y adusto vestido de frac. Debía ser el administrador y sin duda nos
expulsaría, o me expulsaría a mí que no era socio, después de una
reprimenda pública y ejemplarizante.
Para mi sorpresa siguió de largo, como si nada. Sin entender, me
quedé mirándolo hasta que se perdió entre los asistentes. Mientras tanto,
Clarita ya había bajado y se dirigía hacia el salón en el cual se celebraba
la fiesta de gala. Ahora caminaba con pasos cortos y vacilantes,
apoyándose en los divanes, las patas de las mesas, las columnas. Cuando
ya llegaba a la pista de baile, perdió el equilibrio y cayó sentada al suelo.
Extendió entonces las manos y se alejó gateando entre danzantes y
meseros, cada vez más distante, más pequeña. Alcancé a ver cuando
ascendía con dificultad la escalerilla del estrado de los músicos
359
Monte dans la voiture et je te ramène chez toi.
Je ne veux pas retourner chez moi.
Mais puisque tu as dit avant que…
Emmène-moi à la fête où tu m’as promis.
Il est très tard, Clarita.
Tu m’emmènes tout de suite ou je le dis à mon papa qui va être
furieux.
Happé comme je l’étais dans ce tourbillon, je ne savais que dire ni
que penser. Je devinais seulement qu’il valait mieux ne pas la contredire.
Nous sommes montés dans la Chevrolet prêtée. Sous son siège
Clarita a trouvé une torche, durant tout le parcours elle s’est amusée à la
diriger sur les conducteurs et les passants ou à m’éblouir chaque fois que
j’essayais de lui dire quelque chose.
À l’entrée du Club Colombia, plusieurs vigiles montaient la garde.
L’un d’eux m’a fait signe de m’arrêter ; son compagnon m’a donné un
reçu et un troisième vigile a pris ma place et a conduit la Chevrolet vers
le garage souterrain.
Clarita a couru jusqu’aux escaliers et est montée en zigzaguant, en
se faisant un chemin entre les sociétaires et les invités qui arrivaient pour
la fête de gala, et les joueurs de cartes, de dés ou de bowling qui s’en
retournaient chez eux. Au deuxième étage, au bout d’une balustrade, se
détachait le buste d’un héros de l’Indépendance. Clarita a grimpé sur la
balustrade et s’est laissée glisser jusqu’à arriver à côté du héros. Elle
s’est arrêtée alors, les yeux fixés sur le visage de pierre.
Je suis arrivé à ses pieds, trempé de sueur, agité, et lui ai demandé
de descendre. Elle ne m’a même pas regardé. J’ai pensé insister, mais
j’ai vu que s’approchait un monsieur très grand et vêtu d’une austère
redingote. Ce devait être l’administrateur et il allait certainement nous
expulser, ou m’expulser moi, qui n’étais pas sociétaire, après une
réprimande publique et exemplaire.
À ma surprise, il est passé loin, comme si de rien. Sans comprendre, j’ai
continué à le regarder jusqu’à ce qu’il se perde dans l’assistance.
Pendant ce temps, Clarita était déjà descendue et se dirigeait vers le
salon où l’on célébrait la fête de gala. Elle marchait maintenant à petits
pas vacillants, en s’appuyant sur les divans, les pieds des tables, les
colonnes. Comme elle arrivait à la piste de danse, elle a perdu l’équilibre
et est tombée assise sur le sol. Elle a étendu alors les mains et s’est
éloignée à quatre pattes entre les danseurs et les serveurs, de plus en plus
360
lointaine, plus petite. J’ai pu la voir faire avec difficulté l’ascension du
petit escalier de l’estrade des musiciens
361
apoyándose en los codos. Desde arriba miró a su alrededor con ojos
somnolientos. Pensé llegar hasta ella, pero la orquesta empezó a tocar un
son caribe y salieron a bailar tantas parejas que no encontré manera de
abrirme paso.
Al final de la tanda descubrí a Clarita en el otro extremo del
salón, dormida debajo de una silla. A grandes pasos crucé la pista de
baile, la tomé en brazos y la cubrí con mi saco. Corriendo atravesé el
salón, descendí las escaleras y abandoné las instalaciones del Club
Colombia.
Encontré un taxi libre y expliqué al conductor que necesitaba
llegar cuanto antes a las mansión de los Sanclemente. Avanzábamos
velozmente por la avenida del Río cuando Clarita se despertó y se echó a
llorar; intenté calmarla meciéndola suavemente y tarareando estrofas de
las pocas canciones infantiles que recordaba. Pero no dejó de llorar.
Pedí al taxista que se detuviera un poco antes de llegar al frente
de la mansión. Me apeé cuidando de no lastimar a Clarita y con ella en
brazos emprendí la subida de un antejardín interminable. Cuando llegué
al portón la coloqué sobre la alfombra, levanté el picaporte y lo
descargué con fuerza tres, cuatro veces.
Abrió el ama de llaves. Junto a ella estaban el jardinero, el
chofer, la cocinera, el preceptor –supongo-, la mucama, el mayordomo o
Gran Bufón. El preceptor me increpaba en una lengua extranjera; el
jardinero blandía unas tijeras de podar; la mucama me hacía muecas.
Retrocedí apabullado y empecé a deshacer los pasos, intentando no
darles la espalda. Al llegar a la calle me detuve y me senté en el suelo.
Clarita seguía llorando. Me pareció oír que una voz maternal la
arrullaba, le cantaba nanas. El llanto fue haciéndose cada vez más débil.
Alcancé a escuchar un suspiro, luego un sollozo entrecortado, y la
mansión de los Sanclemente regresó al silencio.
362
en s’appuyant sur les coudes. De là-haut, elle a regardé autour d’elle
avec des yeux somnolents. J’ai pensé arriver jusqu’à elle, mais
l’orchestre a commencé à jouer un son caraïbe et tant de couples sont
venus danser que je n’ai pas trouvé le moyen de m’ouvrir un chemin.
À la fin de ce tour, j’ai découvert Clarita à l’autre extrémité du
salon, endormie sous une chaise. À grands pas, j’ai traversé la piste de
danse, je l’ai prise dans mes bras et l’ai couverte de ma veste. En courant
j’ai traversé le salon, descendu les escaliers et abandonné les
installations du Club Colombia.
J’ai trouvé un taxi libre et expliqué au chauffeur que j’avais besoin
d’arriver le plus vite possible à la demeure des Sanclemente. Nous
avancions rapidement par l’avenue du Rio quand Clarita s’est réveillée
et s’est mise à pleurer ; j’ai essayé de la calmer en la berçant doucement
et en fredonnant les strophes du peu de chansons enfantines dont je me
rappelais. Mais elle n’a pas cessé de pleurer.
J’ai demandé au chauffeur de s’arrêter un peu avant d’arriver en
face de la demeure. J’ai mis pied à terre en prenant soin de ne pas faire
mal à Clarita et avec elle dans les bras, j’ai entrepris la montée d’un
avant jardin interminable. Quand je suis arrivé à la porte je l’ai placée
sur le paillasson, ai levé le heurtoir et l’ai frappé avec force trois ou
quatre fois.
L’huissière a ouvert. Avec d’elle se trouvaient le jardinier, le
chauffeur, la cuisinière, le précepteur – je suppose –, la servante, le
majordome ou Grand Bouffon. Le précepteur me réprimandait dans une
langue étrangère ; le jardinier brandissait un sécateur ; la servante me
faisait des grimaces. J’ai reculé, épouvanté, et ai commencé à revenir sur
mes pas en essayant de ne pas leur offrir le dos. Après être arrivé à la
rue, je me suis arrêté et me suis assis par terre. Clarita continuait à
pleurer. Il m’a semblé entendre une voix maternelle qui la berçait, elle
lui chantait des berceuses. Les pleurs sont devenus plus faibles. J’ai pu
entendre un soupir, puis un sanglot entrecoupé, et la demeure des
Sanclemente est revenue au silence.
363
El prisionero de papá
Harold Kremer
364
Le prisonnier de papa
Harold Kremer
J’ai entendu les coups de pelle sur la terre et ai étiré la main pour
toucher Yaira. Ensuite je me suis relevé sur les coudes et dans l’obscurité
j’ai vu le volume formé par le corps de maman et Titina dans l’autre lit.
C’était encore la nuit et dans la cour, continuaient les coups de la pelle
qui extrayait la terre. J’ai légèrement écarté la main de Yaira et me suis
recouché. D’entre le mur de claie la lumière de la lune pénétrait en
formant des lignes sur le sol de terre et les lits. La pelle disait tchak,
tchak, tchak. J’entendais aussi la respiration de celui qui creusait. Par le
bruit j’ai su que cela venait du côté du trou où Yaira et moi nous
amusions à nous cacher. Je me suis rappelé la petite boîte rangée dans la
paroi du trou.
Je me suis assis sur le lit et ai recommencé à regarder Maman.
Ensuite je me suis approché et j’ai vu que Papa n’était pas là. Alors j’ai
rampé sur le sol jusqu’au mur et ai observé ceux de la cour : l’un fumait
et l’autre creusait. Je ne pouvais pas bien les distinguer, mais à l’instant
même j’ai su que c’était Papa et Charlot. Charlot agrandissait le trou. À
cette heure-là la nuit était bien avancée et j’avais sommeil. Dans la petite
boîte nous gardions la pièce de mille pesos que nous avions pris au
prisonnier. Je me suis endormi et quand je me suis réveillé, le ciel
commençait à pâlir. Je me suis débarbouillé, ai craché le goût de terre de
la bouche et ai regardé par l’interstice de la claie. Papa disposait des
plastiques, des pierres et des morceaux en bois au-dessus du trou
bouché. Charlot lui donnait des indications de la main et Papa s’activait
à couvrir. Ils ont fini quand il faisait déjà jour. Charlot est parti du côté
du ruisseau et Papa est allé se laver le visage et les mains. Au petit
déjeuner il dormait et ronflait dans le lit.
Maman nous disait de Papa : « Il travaille tard ». Il arrivait saoul et
Maman le laissait lui monter dessus. Papa respirait fort et le lit semblait
s’écrouler. Ensuite Maman se levait, fouillait les poches du pantalon et
cachait l’argent dans le creux du pilier en bambou de la cuisine. Quand il
n’arrivait pas, Maman ne parlait pas, elle ne faisait pas la cuisine, ne
s’occupait pas de la petite. Elle s’asseyait avec les yeux rouges dans un
coin de la cuisine, une ceinture à la main, et chaque fois que nous nous
approchions elle se levait pour nous battre. Ça me faisait de la peine
365
pour Titina parce qu’elle la rouait de coups de ceinture. Une fois j’ai
entendu Maman qui parlait à madame Carmen. La prochaine fois je vous
tue, lui disait-elle, en se fichant qu’on la mette en prison. Maman disait
que quand Papa n’arrivait pas c’était parce qu’il restait dormir chez elle.
Madame Carmen se baladait toujours avec des robes serrés et le
366
risa en la boca. Mamá decía que así se vestían y se reían las mujeres para
provocar a los hombres. Con Yaira nos metíamos por los patios y por los
lados del caño para ir a verla. Una vez la vimos sentada en las piernas de
papá. Tenía la boca pintada y la blusa entreabierta. Papá metía la cara
entre la blusa y doña Carmen se reía. Se reía de las cosquillas que le
hacía. Yaira se abrió la blusa, me mostró las teticas, y dijo:
-Chucuan-chudo chuyo chuse-chua chugran-chude chuvoy chua
chuser chuco-chumo chue-chulla.
A mediamañana Yaira y yo fuimos al hueco. Papá y el Caliche lo
habían rellenado. Yaira se puso a buscar las muñecas que papá le traía
del Basuro y yo me asomé al caño a ver si encontraba la colección de
carritos que me regaló la tía Isaura. Cuando nos acordamos del dinero
quitamos los plásticos, las piedras y los pedazos de madera y luego
cogimos unos pedazos de cerámica y nos pusimos a raspar la tierra. Pero
la tierra estaba apretada de lo duro que le habían dado con la pala. Yaira
se sentó a llorar porque quería mucho a sus muñecas. De pronto me dijo:
-¿Chuy chuel chupri-chusio-chune-churo?
Le recordé que lo habían reclamado y que a papá le iban a dar su
buena recompensa. De lo pura tarada que siempre ha sido no quiso
entender y volvió a llorar por las muñecas y los mil pesos.
Papá nos dijo que se encontró al niño en un parque y que como nadie
aparecía para reclamarlo lo había traído a casa y lo iba a guardar hasta
que aparecieran los papás y le dieran una buena recompensa. Lo que no
entendíamos era por qué lo tenía amarrado con una cadena. Era del
grande de nosotros y papá le daba una medicina para la enfermedad que
sufría. Así se dormía y no le dolía. Cuando despertaba jugábamos a la
guerra y le decíamos que esa era una cárcel y que él era el prisionero de
papá.
Al mediodía cuando papá se levantó nos dijo que ya había entregado
el prisionero y que le iban a dar una buena recompensa.
Por la noche no apareció- Mamá salió a buscarlo y cuando
despertamos al día siguiente estaba sentada con la correa en el asiento de
la cocina. A mí me despertó el llanto de Titina. Chucé a Yaira y nos
salimos al patio. Titina gateaba detrás de nosotros.
La noche en que papá apareció con el prisionero lo sacó de entre las
cajas, periódicos y cartones que siempre traía en la carretilla. Lo llevó al
patio, lo metió al hueco y lo amarró. Nos explicó a mamá y a nosotros y
dijo que debíamos tener la boca cerrada: si alguien se enteraba iba y
367
rire à la bouche. Maman disait que les femmes s’habillaient et riaient
comme ça pour provoquer les hommes. Avec Yaira nous passions par les
cours et longions le ruisseau pour aller la voir. Une fois nous l’avons vue
assise sur les jambes de papa. Elle avait la bouche maquillée et le
corsage entrouvert. Papa mettait le visage dans son corsage et madame
Carmen riait. Elle riait des chatouilles que cela lui faisait. Yaira a ouvert
sa blouse, m’a montré ses petits tétins, et a dit :
– Quavand javeu saveu-ravai gravande, javeu avêtre cavomme
avelle.
Au milieu de la matinée Yaira et moi sommes allés au trou. Papa et
le Charlot l’avaient rempli. Yaira s’est mise à chercher les poupées que
Papa lui apportait du Basuro et je me suis penché au dessus du ruisseau
pour voir si je trouvais la collection de petites voitures que la tante
Isaura m’avait offertes. Quand nous nous sommes souvenus de l’argent
nous avons enlevé les plastiques, les pierres et les morceaux en bois et
ensuite nous avons pris des tessons de céramique et nous nous sommes
mis à gratter la terre. Mais la terre était tassée par la force avec laquelle
ils avaient utilisé la pelle. Yaira s’est assise en pleurant parce qu’elle
aimait beaucoup ses poupées. Elle m’a dit tout à coup :
– Avet laveu pravi-zavo-niaver ?
Je lui ai rappelé qu’il avait été réclamé et qu’ils allaient donner une
bonne récompense à Papa. En pure tarée qu’elle est depuis toujours, elle
n’a pas voulu comprendre et a recommencé à pleurer sur les poupées et
les mille pesos.
Papa nous a dit que l’enfant avait été trouvé dans un parc et que
comme personne ne se manifestait pour le réclamer, il l’avait amené à la
maison et allait le garder jusqu’à ce que ses parents apparaissent et lui
donnent une bonne récompense. Ce que nous ne comprenions pas, c’était
pourquoi il l’avait attaché avec une chaîne. Il était de notre âge et Papa
lui donnait un médicament pour la maladie dont il souffrait. Comme ça il
pouvait s’endormir sans avoir mal. Quand il se réveillait nous jouions à
la guerre et lui disions que c’était une prison et que lui était le prisonnier
de papa.
À midi quand Papa s’est levé il nous a dit qu’il avait déjà remis le
prisonnier et qu’ils allaient lui donner une bonne récompense.
Le soir il n’est pas arrivé. Maman est sortie pour le chercher et
quand nous nous sommes réveillés le lendemain elle était assise avec la
courroie sur le siège de la cuisine. Ce qui m’a réveillé, ç’a été les pleurs
368
de Titina. J’ai donné un petit coup à Yaira et nous sommes sortis dans la
cour. Titina nous suivait à quatre pattes.
La nuit où Papa est apparu avec le prisonnier, il l’a sorti d’entre les
caisses, les journaux et les cartons qu’il apportait toujours dans la
brouette. Il l’a porté dans la cour, l’a mis dans le trou et l’a attaché. Il
nous a expliqué à Maman et à nous que nous devions garder bouche
cousue : si quelqu’un venait à savoir et allait
369
contaba del niño y no nos daban la recompensa. También dijo que a
Yaira le iba a comprar una muñeca del mismo grande de ella y a mí una
colección de carros del tamaño de la carretilla. Luego se fue a fumar el
zu-quito con mamá.
Cuando Yaira y yo nos asomamos el prisionero dormía. Prendimos
una vela y le esculcamos los bolsillos. Los mil pesos los encontramos
cuando le quité los zapatos. La moneda cayó debajo de una tabla. Yaira
los levantó, me miró, y dijo:
-Chula chumi-chutad chupa-chura chumí.
En esos momentos el prisionero se movió y yo cogí una tabla y le
pegué en la cabeza. Luego corrimos por el borde del caño y nos
sentamos a esperar. Me puse los zapatos y caminé para probarlos. Yaira
repetía que la mitad era para ella. Yo le dije que la moneda era de los dos
y que se iba a la cajita que escondíamos en la pared del hueco.
Al día siguiente el Caliche nos enseñó a taparle la boca. Dijo que nos
quedáramos vigilando para que ninguno más viniera con ganas de cobrar
la recompensa. Ya por la tarde despertó y le quitamos el trapo para que
nos dijera cómo se llamaba, pero se puso a chillar igual a como cuando
mata los marranos el Barriga de la carnicería. Yo me puse a darle con el
palo y chillaba y chillaba. Entonces vino mamá y le pegó un trancazo en
la cabeza y lo obligó a tomarse la medicina. Luego nos agarró a
correazos por quitarle el trapo de la boca.
Por la noche papá también nos agarró a correazos y dijo que no
volviéramos al hueco. Pero al otro día fuimos y ya no le quitamos el
trapo de la boca. Si se despertaba corríamos a contarle a mamá y ella lo
obligaba a tomarse la medicina. Papá nos dijo que era mejor que no
supiéramos cómo se llamaba pero como Yaira, de lo pura tarada que es,
insistía en preguntarle, papá se quedó como pensando y luego dijo que
se llamaba Nadie.
Cuando ya estábamos aburridos de cuidar se nos ocurrió jugar a lo del
prisionero. Cogimos unos palos y dijimos que esas eran las metralletas
de los guardias y al despertar, antes de que se pusiera a chillar, le
decíamos que esa era una cárcel y que él era el prisionero de papá. A
veces Yaira se abría la blusa y le frotaba las teticas en la cara para ver si
se reía.
Hace dos días se le torcieron los ojos y por un lado del trapo le
empezó a salir una baba blanca. Mamá dijo que era por el hambre, que
de tanto dormir ni comía: le preparó una sopa y se la dio a sorbos. Pero
370
parler de l’enfant, on ne nous donnerait pas la récompense. Il a dit aussi
qu’il allait acheter une poupée aussi grande qu’elle à Yaira, et à moi une
collection de voitures de la taille de la brouette. Ensuite il est parti fumer
un petit joint de crack avec Maman.
Quand Yaira et moi nous nous sommes penchés, le prisonnier
dormait. Nous avons allumé une bougie et lui avons fouillé les poches.
Nous avons trouvé les mille pesos quand je lui ai enlevé ses souliers. La
pièce est tombée sous une planche. Yaira l’a ramassée, m’a regardé, et a
dit :
– lava mavoi-tiavé pavour mavoi.
À ce moment-là le prisonnier a remué, j’ai pris une planche et lui
en ai donné un coup sur la tête. Ensuite nous avons couru au bord du
ruisseau et nous nous sommes assis à attendre. Je me suis mis les
souliers et j’ai marché pour les essayer. Yaira répétait que la moitié était
pour elle. Je lui ai dit que la pièce était à nous deux et qu’elle allait dans
la boîte que nous cachions dans la paroi du trou.
Le lendemain, le Charlot nous a appris à le bâillonner. Il a dit que
nous restions à le surveiller pour que personne d’autre ne vienne avec
l’envie de toucher la récompense. Tard dans l’après-midi, il s’est éveillé
et nous lui avons retiré le chiffon pour qu’il nous dise comment il
s’appelait, mais il s’est mis à hurler pareil que quand La Panse, le
boucher, tue les cochons. Je me suis mis à lui donner des coups avec le
bâton et il hurlait, il hurlait. Alors Maman est arrivée et lui a donné un
coup de trique sur la tête et l’a obligé à prendre le médicament. Ensuite
elle nous a attrapés à coups de ceinture pour lui avoir retiré le chiffon de
la bouche.
Le soir Papa nous a aussi roués de coups de ceinture et nous a dit
de ne pas retourner au trou. Mais le jour suivant nous y sommes allés,
sans plus lui retirer le chiffon de la bouche. S’il s’éveillait nous courions
le dire à Maman et elle l’obligeait à prendre le médicament. Papa nous a
dit qu’il valait mieux que nous ne sachions pas comment il s’appelait
mais comme Yaira insistait, tarée comme elle est, Papa s’est mis à
réfléchir et a dit ensuite qu’il s’appelait Personne.
Quand on s’est lassés de le surveiller, on a eu l’idée de jouer au
prisonnier. Nous avons pris des bâtons et on a dit que c’était les
mitraillettes des gardes et quand il se réveillait, avant qu’il ne se mette à
hurler, nous lui disions que c’était une prison et que lui était le prisonnier
371
de papa. Parfois Yaira ouvrait sa blouse et lui frottait ses tétins sur le
visage pour voir s’il riait.
Il y a deux jours ses yeux se sont révulsés et sur un côté du chiffon, une
bave blanche a commencé à sortir. Maman a dit que c’était à cause de la
faim, qu’à tant dormir, il ne mangeait plus : elle a préparé une soupe et la
lui a donnée à la cuiller. Mais
372
el prisionero se atragantaba y la sopa se le salía junto con la baba. Luego
se puso tieso y luego se puso blando. Mamá dijo que se había dormido y
que era mejor dejarlo solo. Cuando llegó papá fueron a verlo con
Caliche y al rato dijeron que ya estaba bien y que esa noche iban los
papás por él. Nos hicieron acostar y se pusieron a fumar el zuquito.
Esa noche oí los golpes de la pala sobre la tierra. Al día siguiente
papá dijo que iba por el dinero, que ojalá se lo pagaran para comprar los
regalos tan grandes que nos había prometido.
En la tarde, cuando mamá vio que seguíamos raspando la tierra dijo
que no lo hiciéramos, que ese hueco era peligroso para Titina y que lo
mejor era tenerlo tapado. A Yaira le dijo que no llorara, que no fuera tan
tarada como siempre había sido y que ya llegarían más muñecas y
muchas monedas de mil.
Ahora estamos sentados en el borde del caño. Mamá sigue con los
ojos rojos sentada en la cocina. Titina, de tanto llorar, se quedó dormida
al lado de una pila de periódicos. Pensaba en los mil pesos ya que por el
hambre las tripas empezaron a sonarnos. Pero mejor no le digo nada a
Yaira porque hace rato dejó de llorar por las muñecas muertas
enterradas. Con los mil pesos compraríamos una coca cola y un pan. Le
digo que papá le va a traer una muñeca del grande de ella y ni así me
para bolas.
Yaira se levanta y coge dos palitos, los amarra con un pedazo de
alambre hasta que queda una cruz y la encierra en la tierra pisada.
Luego nos sentamos a esperar a ver si papá aparece con el dinero y
mamá, de la pura alegría, nos manda a comprar la carne donde el
Barriga.
373
le prisonnier avalait de travers et la soupe lui ressortait en même temps
que la bave. Ensuite il est devenu raide et puis mou. Maman a dit qu’il
s’était endormi et qu’il valait mieux le laisser seul. Quand Papa est
arrivé ils sont allés le voir avec Charlot et au bout d’un moment ils ont
dit que tout allait bien et que cette nuit ses parents allaient venir le
chercher. Ils nous ont fait coucher et se sont mis à fumer du crack.
Cette nuit-là j’ai entendu les coups de la pelle sur la terre. Le
lendemain Papa a dit qu’il allait chercher l’argent, que pourvu qu’ils le
lui donnent pour acheter les si grands cadeaux qu’il nous avait promis.
Dans l’après-midi, quand Maman a vu que nous continuions à
gratter la terre, elle nous a dit de ne pas le faire, que ce trou était
dangereux pour Titina et que le mieux était de le maintenir bouché. Elle
a dit à Yaira de ne pas pleurer, qu’elle soit un peu moins tarée que
d’habitude et qu’elle allait avoir plus de poupées et beaucoup de pièces
de mille.
Maintenant nous sommes assis au bord du ruisseau. Maman est
toujours assise dans la cuisine avec les yeux rouges. À force de pleurer,
Titina s’est endormie à côté d’une pile de journaux. Je pensais aux mille
pesos car nos boyaux commençaient à se tordre de faim. Mais il vaut
mieux que je ne dise rien à Yaira parce que ça fait un moment qu’elle a
cessé de pleurer sur ses poupées enterrées. Avec les mille pesos nous
achèterions un coca-cola et un pain. Je lui dis que Papa va lui apporter
une poupée aussi grande qu’elle et malgré ça elle ne fait même pas gaffe
à moi.
Yaira se lève et prend deux bâtonnets, les attache avec un morceau
de fil de fer et en fait une croix et elle la plante dans la terre piétinée.
Ensuite nous nous asseyons en attendant de voir si Papa apparaît
avec l’argent et si Maman, sautant de joie, nous envoie acheter la viande
chez La Panse.
374
Dos mujeres
Boris Salazar
Mary, Mar para los que la conocen, para ellos, para ellas dos, piensa en
ella misma sentada en este automóvil al lado de una autopista camino de
Long Island. Sería igual: sólo cambiaría el escenario. Quizás vendría una
patrulla de la policía y un policía gordo, alto, casi joven, escondiendo
sus ojos azules tras unas gafas para el sol, le diría: ¿qué le pasó, señora?
¿O señorita? ¡Quién sabe! Y le pediría la licencia de conducir y el seguro
y le diría que no se mueva, que se quede allí, en la misma posición en
que se encuentra ahora, y dependiendo del corte de su blusa, y de su
palidez en la mañana, y del olor a fresa de su boca entreabierta, le diría,
ahora sí, ¿qué hace sola una señorita tan bonita en esta carretera? Y ella
se haría la que no entiende, la que no es con ella, y ni siquiera dejaría
caer la sonrisa que está a punto de esbozar ahora. Pero están en Cali y es
de mañana y no vendrá ningún policía.
Lil, su amiga, sin mirarla, rompe el silencio: Mira, ya bajó el señor. Mar
mira hacia el camino y ve otra vez al señor que había subido, no sabe
hace cuánto tiempo, por el mismo camino pavimentado hacia la colina.
Cree no haber pensado nada cuando lo vio pasar la primera vez, pero
375
Deux femmes
Boris Salazar
376
pavé, vers la colline. Elle croit n’avoir rien pensé quand elle l’a vu
passer la première fois, mais
siente que tuvo la idea de que el señor debería ser alguien a quien le
pagaban por pensar, o que tenía tanta plata que podía dedicarse a pensar.
377
Sólo tiene que pensar y no tiene miedo ni de lo que está arriba ni de lo
que puede encontrar aquí abajo, piensa, cuando oye otra vez la voz de
Lil, Señor, discúlpenos, ¿para dónde va? No voy, responde, sólo vengo.
¿Siempre viene?, escucha otra vez a Lil, haciéndose la graciosa,
preguntando. Mar lo ve sonreír. Siempre, dice, siempre vengo. Entonces
venga, vuelve a escuchar la voz de su amiga, invitando, sin haberle
consultado nada a ella, la dueña del Lexus, la que está en verdadero
peligro.
La voz del hombre aparece más gruesa, más segura, casi retumbando
dentro del automóvil, superando la voz en italiano que ha estado
sonando desde hace mucho tiempo en el equipo: Es muy temprano para
el primero, señoritas, pero apenas justo para el segundo. No puede evitar
reírse. Tiene razón, le contesta, aquí está y le pasa la botella de whiskey,
ya un poco caliente, que estaba a sus pies sobre el piso del carro. Él, muy
cortés, les dice: a su salud, señoritas, y toma un trago que para ella
resulta muy largo y para Lil admirable si ha de creerle a su mirada
asombrada y a lo que dice mientras lo mira: Bueno, estamos
oficialmente de fiesta otra vez. ¿Oficialmente? ¿De dónde sacó esa
elle sent qu’elle a eu l’idée que le monsieur devait être quelqu’un de
payé pour penser, ou qui avait tant d’argent qu’il pouvait se consacrer à
378
penser. Il a juste à penser et n’a peur ni de ce qui est là-haut ni de ce
qu’il peut trouver ici en bas, pense-t-elle, lorsqu’elle entend de nouveau
la voix de Lil, Monsieur, excusez-nous : où allez-vous ? Je ne m’en vais
pas, répond-il, je viens seulement. Vous venez toujours ? entend-elle
encore Lil dire, jouant les rigolotes avec ses questions. Mar le voit
sourire. Toujours, dit-il, je viens toujours. Alors venez, écoute-elle à
nouveau dire son amie, qui invite sans l’avoir en rien consultée, elle, la
propriétaire de la Lexus, elle qui est en danger certain.
Sans cesser de sourire, l’homme s’approche de l’automobile. Il a
les bras qui tombent le long du corps et il les regarde, elle et Lil, comme
hésitant entre les deux, sans cesser de sourire, sans savoir où mettre les
mains, mais en se rapprochant de l’automobile. Allez, montez, nous
pouvons vous emmener. Où allez-vous ? lui demande Lil, insistant pour
tout diriger, comme si elle n’était pas là, comme si elle était son
chauffeur sans uniforme après une nuit de vadrouilles inachevée, comme
si elle n’était plus Mar, la souris, belle encore dans le miroir dans lequel
elle se mire en ce moment. Comme si tout était déjà fini. Et où allons-
nous ? s’entend-elle demander. Mais à qui demande-t- elle ? Aux deux ?
À Lil, sa nouvelle patronne ? Au monsieur penseur ? Souvenez-vous, dit
l’homme, élargissant un peu son sourire et inclinant légèrement la tête, je
viens seulement, je viens, mesdemoiselles. Alors montez dans la voiture,
lui dit Lil, et il se retourne et monte dans l’automobile par la porte
arrière du côté opposé, comme s’il avait déjà pris le parti de Lil, pense-
elle, et elle demande : et où nous allons, pouvez-vous me le dire ?
La voix de l’homme apparaît plus forte, plus assurée, retentissant
presque à l’intérieur de l’automobile, en dominant la voix en italien qui
résonnait depuis bon moment dans la chaîne audio : il est très tôt pour le
premier, mesdemoiselles, mais à peine temps pour le second. Il ne peut
éviter de rire. Vous avez raison, répond-elle, la voilà, et lui passe la
bouteille de whisky, déjà un peu chaude, qui était à ses pieds sur le
plancher de la voiture. Lui, très courtois, leur dit : à vos santés,
mesdemoiselles, et il prend une rasade qui lui semble très longue et à Lil
admirable, si l’on en croit son regard étonné et ce qu’elle dit pendant
qu’elle le regarde : bon, on fait officiellement la fête encore une fois.
Officiellement ? D’où a-t-elle sorti ce
palabra? Pero concuerda: Sí, estamos de fiesta y prende el Lexus, y salen
acelerando y lanzando gravilla hacia los lados, loma arriba por el mismo
camino pavimentado que el señor acaba de recorrer en ambos sentidos.
379
Siento—dice el señor al que nadie todavía le ha preguntado el nombre y
que no hace ningún intento por presentarse ante ellas—que algo grave
las preocupa. Las dos se miran y Lil dice que sí, que el whiskey le va
bien a los buenos cerebros, y que las dos, tan alegres, no deberían estar
tan alegres, porque todo puede terminar por aquí o un poco más lejos,
quién sabe, pero puede terminar. Como no termina, en cambio, ese señor
italiano que grita tanto, dice él, y las dos no pueden evitar reír y Mar
está a punto de desear que el mundo no sea sino su Lexus, con Lil, que
ahora le parece bella otra vez, mirando al hombre y riendo, y olvidarlo
todo, hasta la historia que están a punto de revelar.
380
haut de la côte, par le même chemin pavé que le monsieur vient de
parcourir dans les deux sens.
Je sens, dit le monsieur à qui personne n’a encore demandé son
nom et qui ne fait aucune tentative de se présenter à elles, que quelque
chose de grave vous préoccupe. Les deux se regardent et Lil dit que oui,
le whisky sied aux bons cerveaux, et qu’elles deux, si gaies, ne devraient
pas être si gaies, parce que tout peut finir ici ou un peu plus loin, qui sait,
mais tout peut finir. Comme il n’en finit pas en revanche, ce monsieur
italien qui crie tant, dit-il, et tous deux ne peuvent éviter de rire et Mar
est sur le point de désirer que le monde se réduise à sa Lexus, avec Lil,
qui maintenant lui semble belle à nouveau, en regardant l’homme et en
riant, et tout oublier, y compris l’histoire qu’elles s’apprêtent à révéler.
Ça y est, liquidé, le monsieur italien, s’entend-elle dire, tandis
qu’elle retire le CD de la chaîne et prend doucement un virage dans un
chemin qu’ils avaient pris un peu avant, en tournant à gauche. Deux
bergers allemands au regard triste, croit-elle, les regardent depuis l’autre
côté de la grille d’une demeure blanche, comme sortie ou copiée d’une
photo de la côte méditerranéenne.
Après avoir offert une autre tournée de whisky, l’homme, plus
chaleureux et plus humain, leur dit, comme si cela le préoccupait
vraiment : mais qu’est-ce qui peut finir pour vous, vu que la fête
commence à peine ? Lil la regarde, demandant sans interroger ce qu’elle
peut raconter, s’il vaut la peine de tout dire ici, sur cette route
montagneuse et si bien entretenue, qu’elles n’avaient pas découvert
avant. Mar commence à parler, en cessant d’appuyer sur l’accélérateur,
la voiture sur le point d’arrêter sa course : je vous le dis comme ça,
voyons si ça vous satisfait. Tout finit, c’est clair, mais finir n’est pas le
plus grave. Le plus grave est de savoir que l’on n’a été personne. Que
j’étais comme les autres, comme toute les autres. Une de plus dans la
galerie. Non, ce n’est pas ce que vous imaginez, mais si, reprenez-en une
autre. Je ne parle pas de mon mari, ni de mon époux, ni de mon amant.
Je parle de mon confident. Il me coupait les cheveux et me peignait et
maquillait depuis que j’étais une fillette de douze ans, peut-être onze. Et
je lui ai toujours tout raconté et j’ai cru que lui aussi me disait tout, mais
ce n’était pas le cas. Je racontais tout, mais lui écoutait seulement et
gardait en mémoire. Un jour où je me suis laissée emporter par la rage,
j’ai raconté tout ce
381
no debía contar sobre el hombre que había estado conmigo. Y el
confidente nunca me dijo a quién le había contado todo lo que le conté.
Me di cuenta que tenía memoria de elefante y una boca muy dulce
porque todo lo contó a quién no debía, en Miami.
382
El hombre interrumpe, acabando apenas de pasar el trago de whiskey:
Miami, mala suerte. Todas las historias de vanidades rotas terminan
siendo como el cuento del hombre que es soñado por otro. Él cree que es
él, pero… Y debe parar porque ella lo interrumpe y le dice que no, no es
lo mismo, no es vanidad, ¡Ojalá que alguien me hubiera soñado, bien
bonito, toda entera, como soy! No, no es eso, es que nunca creí que él
me viera como a las otras. ¿Me entiende? Es que eran muchas mujeres
las que iban a visitarlo y a contarle cosas mientras él hacía lo que le daba
la gana con sus cabezas y con sus hombres. Entiendo, dice él, ¿y por qué
habría de ser usted distinta a las demás? A los ojos de él, era otra mujer
bonita. Sí, y eso es lo que me duele, se oye decir, otra mujer bonita como
todas las que iban allí. Pero yo llevaba más años y nunca creí ser como
las demás. Lil interrumpe señalando hacia la casa de piedra que alcanza
a vislumbrarse detrás de los árboles frondosos: Allí hay una fiesta. ¿No
escuchan la música? El hombre se queda mirando hacia los árboles con
la botella en la mano y pregunta: ¿Ustedes son amigas de la casa? Pues
claro que no, pero es una fiesta y a esta hora todo es posible, contesta
Lil. Estamos oficialmente en fiesta, aguafiestas.
383
une bouche très sucrée parce qu’il a tout dit à qui il ne fallait pas, à
Miami.
L’homme s’interrompt, à peine avalée la rasade de whisky : Miami,
pas de chance. Toutes les histoires de vanités brisées finissent comme
l’histoire de l’homme qui est rêvé par un autre. Il croit qu’il s’agit de lui-
même, mais… Il doit s’arrêter parce qu’elle l’interrompt et lui dit que
non, ce n’est pas la même chose, ce n’est pas de la vanité, plût au ciel
que quelqu’un m’eût rêvée, joliment, toute entière, telle que je suis !
Non, ce n’est pas ça, c’est que je n’aurais jamais cru qu’il m’aurait
considéré comme les autres. Vous me comprenez ? C’est qu’il y en avait
beaucoup, des femmes qui allaient lui rendre visite et lui raconter des
choses pendant qu’il faisait ce qu’il voulait de leur tête et de leurs
hommes. Je comprends, dit-il, mais pourquoi voudriez-vous être
différente des autres ? À ses yeux, vous étiez une jolie femme de plus.
Oui, et c’est cela qui me fait mal, s’entend-elle dire, une jolie femme
comme toutes celles qui allaient le voir. Mais j’étais plus âgée et n’ai
jamais cru être comme les autres. Lil les interrompt en signalant la
maison de pierre qu’ils arrivent à apercevoir derrière les arbres touffus :
il y a une fête là-bas. Vous n’entendez pas la musique ? L’homme
continue de regarder vers les arbres avec la bouteille à la main et
demande : vous êtes des amies de la maison ? Eh, bien sûr que non, mais
c’est une fête et à cette heure-ci tout est possible, répond Lil. On fait
officiellement la fête, espèce de trouble-fêtes.
La porte en métal qui conduit au sentier de pierre est ouverte et la
musique qui vient de la maison arrive bien claire, comme s’ils étaient
déjà à l’intérieur et qu’ils aient déjà dit bonjour et joui de la fête. Une
fois, dit-il, je suis venu ici ou dans une maison semblable. Mais qui peut
bien vivre dans ces maisons ? demande Mar, presque sans y penser. Des
gens, des gens comme vous et moi, affirme l’homme. Vous allez voir,
comme n’importe qui de nous trois. Au fond, après une fontaine, elle
voit enfin quelques personnes. Elles sont tout près, comme sur le point
de lancer un cri et de se mettre à jouer une partie de quelque chose.
Quand elle regarde vers la gauche, sur le tapis il y a un homme, peut-être
un garçon, endormi. Plus à gauche, sur une table rectangulaire en bois, il
y a des coupes et une poudre blanche en lignes qui perdent parfois leur
forme et deviennent des taches plus grandes, et au-delà, de l’autre côté,
une femme blonde regarde vers la table, immobile, sans faire attention à
eux. De fait, personne
384
ha reparado todavía en ellos. Nadie viene a recibirlos y nadie tampoco se
muestra sorprendido o preocupado por su llegada. Él se acerca a ella y le
385
dice, casi en secreto: Ya verá, una vez pasado Santana, vienen los
boleros.
Puede ser, puede ser, contesta ella, pero ahora estoy cansada y no quiero
hablar más y no quiero seguir los pasos de Lil. Le ayudo a buscar un
sitio, ofrece el hombre. ¿Aquí?, pregunta ella. Sí, aquí, no hay mejor
sitio en este momento, responde él. Me da igual, ya no hay sitio para mí,
dice Mar, mientras pasan junto al grupo que ahora juega a las prendas
n’a encore fait attention à eux. Personne ne vient les recevoir et personne
non plus ne se montre surpris ni préoccupé de leur arrivée. Il s’approche
386
d’elle et lui dit presque en secret : vous allez voir, après Santana,
viennent les boléros.
Et en effet un boléro résonne, ou quelque chose qui ressemble un
peu à un boléro, et elle lui dit : sorcier, alors vous étiez sorcier ? Je
voudrais bien ! répond l’homme en la regardant enfin, dans les yeux.
Vous savez une chose ? lui dit Mar, en le regardant aussi dans les yeux,
ce n’est pas non plus un boléro. C’est l’essence d’un boléro. Oui, ce qui
reste après les larmes, répond l’homme, l’essence. Parce qu’il n’y a plus
de voix, ni de plaintes, ni d’amours perdus, continue-il, et elle,
complétant la phrase, ni des femmes abandonnées. Ni d’hommes qui
pleurent pour elles, poursuit-il en lui offrant la bouteille, cherchant un
verre et atteignant la glace qui fond dans un shaker en cristal. Merci, lui
dit-elle, tout en signalant Lil, qui s’est déjà intégrée au groupe qui était
sur le point de lancer un cri de guerre et qui essaie maintenant de danser
ou de faire quelque chose d’approchant. Elle est heureuse, à sa manière,
dit il. Oui, elle l’est, répond Mar. Moi, en revanche, je continue à penser.
Pourquoi n’ai-je pas vu venir tout ça ? Voyez, ce qui me fait le plus mal,
ce n’est pas ce que vous croyez. C’est une image. On me dit que mon
homme est allé à un hôtel de Cali et que là, à côté des agents du nord, se
tenait le coiffeur. Mais il n’était pas à sa portée. Il pouvait le voir à
travers la cloison de verre qui séparait le bar du lieu dans lequel les
agents se trouvaient. Il ne pouvait pas l’atteindre. C’est ça le pire. Il
aurait pu le mettre en pièces, juste là, mais il était de l’autre côté,
protégé, chuchotant avec les agents, se moquant. Mais, lui dit l’homme
au whisky, la cloison de verre, ce n’est-ce pas seulement une image à
vous ? Il se peut qu’il n’y ait pas eu de cloison de verre, rien que la
distance, l’impossibilité d’arriver où il était et de le saluer. Non, non,
réplique-t-elle sans éviter un sourire, cette maudite cloison de verre
devait bien être là. Et c’est ce qui me fait le plus mal, pour lui et pour
moi. Pour le coiffeur ou pour votre homme ? Pour mon homme, bien sûr.
Non ce qui vous fait mal, insiste-t-il, c’est que vous n’avez pas pu éviter
ça, que vous ne vous êtes rendue compte de rien.
Ça se peut, ça se peut, répond-elle, mais maintenant je suis fatiguée et je
ne veux plus parler et je ne veux plus être derrière Lil. Je vous aide à
chercher un endroit, offre l’homme. Ici ? demande-t-elle. Oui, ici, il n’y
a pas de meilleur lieu en ce moment, répond-il. Ça m’est égal, il n’y a
plus de lieu pour moi, dit Mar, en passent près du groupe qui joue
maintenant au strip-poker,
387
caídas y avanzan hacia unas escaleras de madera, en caracol, que
conducen a un segundo piso. En la primera habitación, a la derecha, una
pareja juega a las cartas. Las dos habitaciones siguientes están ocupadas
388
por gentes que duermen la fiesta. Queda una esperanza, dice él. Aquí
está. Un hombre duerme al lado izquierdo de una cama muy grande.
Casi al tiempo, dicen: parece el dueño de casa. Sí, parece. Ella dice: hay
espacio para mí. Sí, ofrece él, la alfombra parece muy cómoda. Ella se
quita los zapatos muy livianos, los que más quiere, y se acuesta muy
despacio en el costado derecho de la cama. Los tendidos son de seda.
Tiene la idea fugaz de que el hombre, el dueño de casa, está muerto. No
parece respirar. ¿Acaso hay alguien vivo aquí? Recoge las piernas, pone
sus manos juntas debajo de la barbilla, y trata de entregarse al sueño.
Oye la voz del hombre, lejos, bromeando: ni siquiera hay que apagar la
luz. Quiere preguntarle, por fin, cómo se llama, pero no puede: ya está
soñando que este es el fin, que los hombres de su hombre ya están aquí y
que todo podría estar terminando ahora.
389
restés dormir. Il reste un espoir, dit-il. Il est là. Un homme dort sur le
côté gauche d’un très grand lit. Presque en même temps, ils disent : ce
doit être le maître de maison. Oui, on dirait. Elle dit : il y a de la place
pour moi. Oui, propose-t-il, le tapis semble très confortable. Elle retire
ses chaussures très légères, celles qu’elle aime le plus, et se couche très
lentement sur le côté droit du lit. Les draps sont de soie. Elle a l’idée
fugace que l’homme, le maître de maison, est mort. Il ne semble pas
respirer. Y aurait-il quelqu’un de vivant ici ? Elle replie les jambes, met
ses mains jointes au-dessous du menton, et essaie de se livrer au
sommeil. Elle entend la voix de l’homme, loin, qui plaisante : il n’y a
même pas besoin d’éteindre la lumière. Elle veut lui demander, à la fin,
comment il s’appelle, mais elle ne peut pas : elle rêve déjà que c’est la
fin, que les hommes de son homme sont déjà là et que tout pourrait
s’achever maintenant.
390
Guayacán
391
Gaïac
Elle planta l'arbre dans la cour sur les cendres de son époux et en prit
soin jusqu'à ce qu'il devint grand et fort. Tous les après-midi à son retour
du travail, elle ouvrait la fenêtre de sa chambre et le contemplait comme
si chaque branche était un prolongement de l'être aimé.
Des années plus tard, lorsqu’elle décida de refaire sa vie, elle se maria
avec un employé d’une banque qui avait patiemment attendu la fin de
son deuil. Ce fut une noce discrète. Abel déménagea dans la maison de
la veuve et en peu de temps, avec prudence et des manières fines, il
réarrangea le mobilier, changea la couleur des murs et remplaça les
photos de son prédécesseur par des répliques de paysages
méditerranéens.
-Je crois que nous devrions couper l'arbre de la cour intérieure - dit
Abel sur un ton préoccupé - ses racines pourraient faire tomber la
maison.
-Ne t’inquiètes pas, c'est un jeune arbre. Abel n’insista pas.
Cependant, quand le gaïac fleurit, il suggéra à nouveau la coupe.
-Les fleurs sont très jolies, mais ne crois-tu pas qu’il produit
beaucoup de déchets à cette époque ?
Tu as raison mais cela m’est égal, j'adore voir cette étendue de fleurs
jaunes.
-Elles me plaisent aussi mais je crois que nous pourrions semer un
autre arbre dans l’avant cour et construire une chambre dans la cour.
-Ne crois-tu pas qu’il y a assez de place pour les deux ?
-Oui, je suis désolé, j’oubliais qu’il s’agissait de ta maison.
-Ne le prend pas mal, cette maison est aussi la tienne.
392
Le samedi, Abel prit une machette et abattit l'arbre avec difficulté. Il
ne restait plus à la fin, qu’un moignon sur la terre humide. La cour
paraissait immense sans le branchage qui la remplissait.
Quand les maçons commencèrent les travaux, ils coupèrent les restes
du tronc, nivelèrent la surface et jetèrent une chape de gravats. Quarante
jours plus tard, une énorme pièce construite avec de la brique propre
s’élevait sur les cendres du défunt.
393
Abel instaló una pequeña biblioteca, unos muebles rojos y un
computador. La viuda colocó unas cortinas transparentes y una maceta
con geranios. Estaban tan felices con su nuevo refugio que algunas
noches se quedaron a dormir sobre un lecho improvisado.
Un día, cuando la viuda regresó del trabajo, vio un resplandor a través
de la ventana del estudio. Avanzó de prisa, giró el pomo de la puerta y se
encontró con una lluvia de flores amarillas que caía lentamente. Parada
frente al súbito jardín, lloró.
Desde aquella tarde la culpa la sumió en una profunda depresión.
Abel, que ignoraba la historia del árbol, no entendía qué le ocurría a su
esposa. Preocupado no escatimó esfuerzos para su recuperación. Sin
embargo, la viuda no sanó. Antes de morir le dijo:
—Deseo que me cremen y con mis cenizas siembra un guayacán en el
patio donde antes hubo uno.
—No te preocupes, amor, así se hará. Abel derrumbó el estudio,
sembró el árbol y vendió la casa.
Los nuevos propietarios pavimentaron de nuevo el patio y
construyeron una alberca. Todavía se preguntan por qué se vuelve
amarga el agua que se vierte en ella.
394
Abel installa une petite bibliothèque, quelques meubles rouges et un
ordinateur. La veuve plaça quelques rideaux transparents et un pot de
géraniums. Ils étaient si heureux avec leur nouveau refuge qu’ils
restèrent dormir certaines nuits sur un lit improvisé
395
III. Fuegos fatuos
(Oraciones a una película virgen)
396
III. Feux follets
(Prières à un film vierge)
397
soupçonnions, il s’agit de quelqu’un d’ouvert et de simple, très sûr de
ses actes et nanti d’un excellent sens de l’humour.
398
Nos sentimos con un amigo más, travieso y a la vez tierno, sincero y,
porqué no, tímido. Le encanta vestir shorts y camisetas en su casa, así
como beber cerveza helada a las cinco de la tarde. Escucha música a
todo momento (en especial, rock; aunque tiene otro tipo de preferencias),
adora los gatos y, por encima de todo, el cine. Por eso, alcanzamos a
notar que Felipe no cabe de la dicha al darse cuenta que su gran
experiencia en el celuloide la podrá realizar en su ciudad natal. Pocos
pueden gozar con esta satisfacción. Aunque hemos sabido por diversas
fuentes que Felipe Pardo ha recibido varias ofertas para actuar en otros
países (con Román Chalbaud en Venezuela, con Orlando Jiménez en
New York, con Barbet Schroeder en Los Ángeles, entre otros), ha
preferido la oportunidad de quedarse en Colombia y trabajar entre
nosotros, para bien del cine nacional. Y con él estará, compartiendo
honores, la modelo caleña Susana del Valle, hoy residente en Italia,
quien aceptó la propuesta lanzada por varios productores locales para
que trabajase en El Cuerpo y la Sangre. Los otros miembros del elenco
(Victoria Fernández, Carlina Bustamante, tal vez Diego Álvarez y
Alejandra Borrero) son destacadas figuras de la farándula nacional. No
lo dudamos, la película será uno de los acontecimientos
cinematográficos más importantes en nuestro medio. Pero dejemos que
sea el mismo Felipe Pardo quien nos diga qué piensa acerca de esta
maravillosa experiencia.
Pura mierda. Asomo las narices al mundo y el espectáculo se me
antoja tan cansado, tan falto de consistencia, que no me queda más
remedio que jugar, jugar con las palabras, jugar con las personas, jugar
con mi oficio, con mis responsabilidades, con mi vida. Anoche escuché
You Gotta Walk (and don't look back) y me sentí feliz y bailé y la canté a
gritos, para luego darme cuenta esta mañana que Peter Tosh había sido
asesinado por oponerle resistencia a otros jamaiquinos que intentaban
ganarle sus pertenencias en su propia casa (uno se imagina que los
jamaiquinos sólo tocan reggae, fuman marihuana y no se meten con
nadie). Todo se me vino abajo. Para qué mierda se dio el lujo de pelear
por la legalización de la bareta, de cantar con Mick Jagger, de ser
miembro de los Wailers, si al fin y al cabo terminaría allí, en su casa,
asesinado y perdido para siempre, sin derecho al pataleo. Y, claro, morir
y dejar obra, tu-no-has-muerto-viejo-Peter-porque-tu-mú-sica-sigue-
viva, la energía está presente. Las justificaciones pueden ser esgrimidas,
porque para consolarse, la humanidad se ha inventado infinidad de
399
Nous nous sommes sentis avec un ami de plus, espiègle et à la fois
tendre, sincère et, pourquoi pas, timide. Chez lui, il aime mettre des
shorts et des chemisettes, ainsi que boire de la bière glacée à cinq heures
de l’après-midi. Il écoute tout le temps de la musique (spécialement du
rock, bien qu’il ait d’autres types de préférences), il adore les chats et,
par-dessus tout, le cinéma. Ce pourquoi nous avons pu remarquer que
Felipe ne se tient plus de joie en se rendant compte qu’il va pouvoir
réaliser sa grande expérience à l’écran dans sa ville natale. Peu de gens
peuvent jouir avec cette satisfaction. Bien que nous ayons su de diverses
sources que Felipe Pardo a reçu plusieurs propositions de jouer dans
d’autres pays (avec Roman Chalbaud au Venezuela, avec Orlando
Jiménez à New York, avec Barbet Schrœder à Los Angeles, entre autres),
il a préféré la chance de rester en Colombie et de travailler parmi nous,
pour le bien du cinéma national. Et avec lui, partageant les honneurs,
figurera la modèle calinaise Susana del Valle, aujourd’hui résidente en
Italie, qui a accepté la proposition lancée par quelques producteurs
locaux qu’elle joue dans Le corps et le sang. Les autres membres de la
distribution (Victoria Fernandez, Carlina Bustamante, peut-être Diego
Alvarez et Alejandra Borrero) sont des figures remarquables entre les
comédiens nationaux. Sans aucun doute, le film sera l’un des
événements cinématographiques les plus importants dans notre milieu.
Mais laissons Felipe Pardo nous dire lui-même ce qu’il pense de cette
expérience merveilleuse.
De la merde pure. Je pointe le nez vers le monde et le spectacle
m’apparaît si las, si dépourvu de consistance, que je n’ai plus d’autre
solution que jouer, jouer avec les mots, jouer avec les gens, jouer avec
mon métier, avec mes responsabilités, avec ma vie. Hier soir j’ai écouté
You Gotta Walk (and don’t look back) et me suis senti heureux et j’ai
dansé et l’ai chanté à grands cris, pour ensuite apprendre ce matin que
Peter Tosh avait été assassiné en opposant une résistance à d’autres
Jamaïquains qui essayaient de lui chourer ses affaires dans sa propre
maison (on s’imagine que les Jamaïquains ne font que jouer du reggae,
fumer de la marijuana et qu’ils ne se dérangent personne). Tout s’est
effondré sur moi. Merde, pourquoi il s’est donné le luxe de se battre pour
la légalisation du joint, de chanter avec Mick Jagger, d’être membre des
Wailers, puisqu’en fin de compte ça finirait là, chez lui, assassiné et
perdu pour toujours, sans droit à la lutte. Et bien sûr, mourir et laisser
une œuvre, t’es-pas-mort-mon-vieux-Peter-parce-que-ta-musique-vivra,
400
l’énergie est là. Les justifications peuvent être appelées à la rescousse,
parce que pour se consoler, l’humanité a inventé une infinité de
401
recursos, de teorías, de pequeñas ilusiones, de religiones optimistas, de
sueños felices, de mentiras varias. Pero la verdad es que Peter Tosh está
muerto y recibió el golpe certero y caliente del dolor absoluto, antes de
hundirse en las profundidades de un abismo sin respuesta. Y se fue sin
saber un carajo sobre este podrido mundo de estrellas sin cielo, sin
entender nada, pasó y cantó y fumó y se fue y lo mismo sena si hubiese
sido boxeador o travesti, porque, al final, se estaría desintegrando, bien
por las malas, bien por un horrible infarto.
La muerte. Una y otra vez pienso en la muerte. Cuando me acuesto,
cuando apago la luz, cierro los ojos y me acomodo en mi cama dispuesto
a descansar. Entonces aparece su fantasma sobre mí, atacándome. Y no
puedo huir, no puedo relajarme, ganar el silencio del sueño. Una y otra
vez: la muerte, la muerte, la muerte, la muerte, la muerte, la muerte, la
muerte, la muerte, la muerte, la muerte, la muerte, la muerte, la muerte,
la muerte, la muerte, la muerte. Desde los siete años, cuando hice la
primera comunión y supe, haciendo uso de mi razón, que algún día
desaparecería mi cuerpo y debería rendirle cuentas a un Dios lejano y
temible, ella habita en el vecindario.
Es inútil valorar nuestros podridos esfuerzos. El optimismo, el
entusiasmo, la belleza, la música o el cine: todo forma parte de un
mismo engaño, de la insoportable falta de justificación a la que estamos
expuestos. A cada instante sonrío y juego, soy feliz y me invento
hermosas maravillas. Pero pronto caigo en el temor de la nada y me
vuelvo a perder en la sinrazón y la derrota. No quiero que nadie se dé
cuenta. Cada vez actúo más, cada vez me llaman más y en las
programadoras de televisión viven felices conmigo: el regaloncito de
tumo. Y cada vez tengo más miedo. De un momento a otro, las piernas
no me sostienen y me veo obligado a huir hacia el solitario escondrijo de
un baño, rata de alcantarilla. Huyo, sí. Huyo de las personas agradables,
de las mujeres interesantes, de las inquietudes galopantes, de los grandes
proyectos. Vivo, porque no me queda más remedio.
Dueño de un estilo muy suyo, Felipe no se detiene. Es el típico
ejemplo del joven de nuestra época abierto a cualquier clase de retos y
seguro de lo que hace. En su cabeza no hay otra cosa que el propósito de
seguir adelante y enfrentarse con decisión a los tropiezos que la vida le
presente. En la actualidad, se ha entregado al estudio de su personaje
para la película. Canceló sus compromisos con la televisión y se ha
venido a vivir a su ciudad, convencido de que va a ser protagonista de
402
recours, de théories, de petites illusions, de religions optimistes, de rêves
heureux, de mensonges variés. Mais la vérité c’est que Peter Tosh est
mort et qu’il a reçu le coup chaud et assuré de la douleur absolue, avant
de s’écrouler dans les profondeurs d’un abîme sans réponse. Et il est
parti sans rien savoir sur ce putain de monde pourri d’étoiles sans ciel,
sans rien comprendre, il est passé, il a chanté, fumé et il est parti et
ç’aurait été pareil s’il avait été boxeur ou travesti, parce qu’il se serait
désintégré à la fin, soit de mort violente, soit suite à un infarctus
horrible.
La mort. Souvent je pense à la mort. Quand je me couche, quand
j’éteins la lumière, je ferme les yeux et m’installe dans mon lit, prêt à me
reposer. Alors son fantôme m’apparaît et m’attaque. Et je ne peux pas
fuir, je ne peux me détendre, rejoindre le silence du sommeil. Souvent :
la mort, la mort, la mort, la mort, la mort, la mort, la mort, la mort, la
mort, la mort, la mort, la mort, la mort, la mort, la mort, la mort. Depuis
que j’ai sept ans, quand j’ai fait ma première communion et que j’ai su,
faisant usage de ma raison, qu’un jour disparaîtrait mon corps et que je
devrais rendre des comptes à un Dieu lointain et redoutable, elle hante
mon voisinage.
Il ne sert à rien de mettre nos efforts pourris en valeur.
L’optimisme, l’enthousiasme, la beauté, la musique ou le cinéma, tout
fait partie d’un même marché de dupes, du manque insupportable de
sens auquel nous sommes exposés. Je souris tout le temps et je joue, je
suis heureux et m’invente des merveilles superbes. Mais bientôt je
retombe dans la crainte du néant et me perds à nouveau dans la folie et la
défaite. Je veux que personne ne s’en rende compte. Plus je joue, et plus
on m’appelle et ceux qui font les programmes à la télévision sont
contents de moi : l’offre du moment. Et plus j’ai peur. D’un instant à
l’autre, les jambes ne me soutiennent plus et je me vois obligé de fuir
vers la cachette solitaire des waters, en rat d’égout. Je fuis, oui. Je fuis
les personnes agréables, les femmes intéressantes, les inquiétudes
galopantes, les grands projets. Je vis, parce je n’ai plus d’autre remède.
Maître d’un style bien à lui, Felipe ne s’arrête pas. Il est l’exemple
typique du jeune homme de notre époque, ouvert à toutes sortes de défis
et sûr de ce qu’il fait. Dans sa tête il n’y a rien d’autre que l’intention
d’aller de l’avant et de se mesurer avec détermination aux obstacles que
la vie pourrait lui présenter. Actuellement, il se consacre à l’étude de son
personnage pour le film. Il a annulé ses engagements avec la télévision
403
et il est revenu vivre dans sa ville, convaincu qu’il va être le protagoniste
de
404
grandes cosas. Pero para poder llegar a este punto de madurez en su vida
(aunque se trate de alguien muy joven), Felipe Pardo tuvo que superar
múltiples escollos. "Como mi primera novia, a quien yo llamaba
cariñosamente Coyo", nos comenta, divertido. "Ahora estoy convertido
en un ex-coyo". Y se ríe, satisfecho de su propio chiste. Aprovechamos
entonces el momento para preguntarle, lo que nuestras lectoras desean
saber: "pero, cuéntanos, Felipe: ¿no estás ahora enamorado?" De
inmediato, nos responde: "no he podido. Estoy deseoso por casarme, a
más tardar este año, pero siento que nadie quiere encartarse conmigo...".
Si alguna de nuestras lectoras quiere hacer algo por este solterito... sólo
tiene que escribimos a nuestra oficina de redacción.
405
grandes choses. Mais pour pouvoir arriver à ce point de maturité
dans sa vie (bien qu’il s’agisse de quelqu’un de très jeune), Felipe Pardo
a dû exorciser de multiples démons. « Comme ma première petite amie,
que j’appelais affectueusement Orcizée », nous commente-t-il, amusé.
« Maintenant je suis devenu un ex Orcizée ». Et il se met à rire, satisfait
de sa propre plaisanterie. Nous en profitons alors pour lui demander ce
que nos lectrices désirent savoir : « mais raconte-nous, Felipe, tu n’es
pas amoureux en ce moment ? » Immédiatement, il nous répond : « je
n’ai pas pu. Je suis désireux de me marier, au plus tard cette année, mais
je sens que personne ne veut s’encarter avec moi... ». Si une de nos
lectrices veut faire quelque chose pour ce célibataire... il n’a qu’à nous
écrire au bureau de la rédaction.
406
Ilusiones
Alberto Esquivel
407
Illusions
Alberto Esquivel
408
rapidement à l’université, commencer et terminer ingénierie industrielle,
faire un master. Il calculait que muni de ces titres, habillé en veste et
409
corbata, a él no lo detendría el letrero de NO HAY VACANTES colgado
en la puerta de las empresas más importantes.
410
cravate, lui ne serait pas concerné par l’écriteau PAS DE POSTE
VACANT accroché aux portes des plus grandes entreprises.
411
Paranoia
Alberto Esquivel
412
Paranoïa
Alberto Esquivel
413
La despedida
Tim Keppel
414
Les adieux
Tim Keppel
Un type appelé Carlos qui avait été l’amant de ma femme allait passait
un moment à la maison.
-Il veut me dire au revoir. me dit Francia.
-Cela fait des mois qu’il fait ses adieux. répondis-je.
-Oui, je sais –dit-elle- c’est difficile.
Carlos n’était pas le seul à vouloir quitter la Colombie. Les queues aux
guichets des passeports s’étendaient le long de plusieurs pâtés de
maisons. Les panneaux À vendre ornaient la plupart des maisons. Des
familles entières rassemblaient armes et bagages, emballaient enfants,
petits enfants, meubles et même le chien avant de mettre les voiles.
Nous avons eu la maison pour un bon prix.
Les gens en parlaient comme de « la situation » ou ils parlaient de « la
violence ». Ils avaient vécu avec elle depuis toujours. Ils employaient
rarement le terme de « guerre » puisque la guerre impliquait quelque
chose de plus défini, avec des fronts de bataille clairs. Mais ceci était
une force invisible qui explosait n’importe où, à n’importe quelle heure.
La nuit, quand nous étions couchés à côté de la fenêtre ouverte, nous
respirions l’air tropical, Francia et moi entendions le ta,ta,ta,ta des coups
de feu. Puis le ra,ra,ra,ra des hélicoptères. Pendant le dîner, nous voyions
à la télévision des scènes d’immeubles dévastés par les attaques de la
guérilla et des paysans massacrés par les «autodéfenses». Alors pourquoi
achetions nous une maison? Parce que nous nous sentions
irrationnellement sûrs dans notre petite bulle de l’université et parce que,
sans raison, l’amour nous avait quittés.
J’entendis le tintement des roues de la bicyclette et Carlos se tint là, vêtu
de son caleçon en nylon bleu électrique et d’un casque argenté, poussant
une brillante bicyclette tout terrain toute neuve. Carlos était un type
costaud avec une grosse tête et des cheveux couleur de miel ; avec cette
tenue, il semblait prêt pour le Tour de Colombie. Les femmes le
trouvaient séduisant. Carlos était un Garcés, un nom important dans cette
vallée de la côte pacifique écrasée sous soleil, il descendait d’une lignée
d’Espagnols aux yeux bleus qui s’étaient installés depuis de nombreux
siècles, propriétaires de plantations de canne à sucre et de raffineries,
avocats et notaires (métier
415
lucrativo en estos lares, donde incluso el más insignificante documento
tenía que ser autenticado).
Carlos era el menor de la familia y el niño rebelde. Estrella de fútbol
en su juventud, había sido uno de los fijos para la selección nacional
hasta que, sorprendentemente, su nombre quedó por fuera de la lista.
Resultó que su padre, que lo quería ver dándole a los libros y no a un
balón, movió algunas influencias.
Carlos se fue a estudiar leyes a la misma alma máter de su padre, pero
para llevarle la contraria se concentró en el Derecho ambiental y se
pasaba la mitad del tiempo haciendo excursiones y escalando montañas.
Al graduarse, abandonó totalmente la profesión de las leyes para irse a
trabajar como instructor de buceo y guía de montañismo. Antes de que el
turismo se fuera a pique, solía llevar grupos de alemanas rechonchas a
una cascada por allá selva adentro y las miraba flotar en las frías aguas
en sus botes de inflar, bebiendo cerveza y acostándose al sol, como
focas, sobre las peñas.
—Siento mucho que se vaya —murmuré, cuando su corpachón llenó
el marco de la puerca.
— tengo que irme de aquí. —Carlos se quitó el casco. De pronto
pareció como si no fuera a caber en el cuarto, con sus grandes hombros y
su amplio pecho, como un toro nervioso y refrenado. Me quedé
estudiándolo con esa mezcla de curiosidad, hostilidad y extraña
fascinación que uno siente por un hombre que ha dormido con —bueno,
está bien, digamos que se ha comido a— la esposa de uno, y que le
gustaría hacerlo otra vez.
—¡FRANCIA! —grité.
—¡YA BAJO!
—La cosa se puso tan fea que uno ya no puede ir a ninguna parte —
dijo Carlos, mientras se acomodaba en nuestro nuevo sofá de bambú—.
Todos los sitios buenos para escalar y acampar son peligrosos. Y ahora,
además del peligro de que lo secuestren a uno, están las minas
quiebrapatas. En la finca de mi hermana mataron como diez vacas y la
semana pasada un niño perdió una pierna.
Francia venía a brincos por las gradas, con su voluptuosa cabellera
recién peinada. Le puso la mejilla a Carlos para recibir el tradicional
saludo de beso al aire y luego se sentó junto a él. Ya me estaba
levantando para irme al segundo piso y dejarlos solos, como siempre,
pero Carlos seguía hablando.
416
lucratif dans ces contrées où même le document le plus insignifiant
devait être authentifié).
Carlos était le cadet de la famille et son enfant rebelle. Etoile du football
dans sa jeunesse, il avait été pressenti pour l’équipe nationale jusqu’à ce
que, de manière inattendue, son nom fût exclu de la liste. Il s’avéra que
son père, qui voulait le voir s’acharner sur les livres plutôt que sur un
ballon, avait fait jouer quelques influences.
Carlos étudia le droit dans la même alma mater que son père mais pour
prendre son père à contre-pied, il se spécialisa dans le droit
environnemental et passait la moitié de son temps à faire des excursions
et à escalader des montagnes. Une fois diplômé, il abandonna totalement
le droit pour aller travailler comme moniteur de plongée et guide
d’escalade. Avant que le tourisme ne coula à pic, il avait l’habitude
d’emmener des groupes d’Allemandes trapues à une cascade au fin fond
de la forêt et il les regardait flotter dans les eaux froides sur leurs
bateaux gonflables en buvant de la bière couché, comme les phoques,
sur les rochers au soleil.
-Je suis désolé que vous partiez –murmurai-je quand sa carcasse remplit
le cadre de la porte.
-Je dois m’en aller d’ici –Carlos retira son casque.
Tout à coup, on aurait dit qu’il n’allait pas tenir dans la pièce avec ses
grandes épaules et sa large poitrine tel un taureau nerveux et refréné. Je
me mis à l’observer avec ce mélange de curiosité, d’hostilité et d’étrange
fascination que l’on éprouve pour un homme qui a dormi avec –bon
d’accord, disons qui a sauté- votre femme et qui aimerait le faire de
nouveau.
-Francia ! –criai-je.
-J’arrive !
-Les choses sont devenues si moches qu’on ne peut plus aller nulle part
–dit Carlos en se mettant à l’aise sur notre nouveau canapé en bambou.
-Tous les bons endroits pour l’escalade et le camping sont devenus
dangereux. Et maintenant, en plus du risque de se faire enlever, il y a les
mines casse-jambes. Dans la propriété de ma sœur, elles ont tué une
dizaine de vaches et la semaine dernière, un enfant a perdu une jambe.
Francia s’approchait en faisant des bonds sur les marches, ses
cheveux voluptueux fraîchement coiffés. Elle offrit sa joue à Carlos pour
recevoir la traditionnelle bise puis s’assit à ses côtés. Je me levais déjà
417
pour aller à l’étage et les laisser seuls, comme d’habitude, mais Carlos
parlait encore.
418
Unos meses atrás, decía, iba trepando lomas cerca del Puracé, guiando a
un grupo de excursionistas, cuando la guerrilla los paró. Con uniformes
de camuflado, igualitos a los del ejército, pero con esas reveladoras
botas pantaneras de caucho. Afortunadamente Carlos llevaba puestas
unas gafas de sol que le taparon los ojos azules y una cédula falsa que lo
identificaba como un chofer de camión de apellido García. Lo
interrogaron y lo dejaron ir.
Tengo que irme de aquí, se dijo Carlos.
Tenía un amigo en los Estados Unidos, Joaquín, un antiguo
compañero del bachillerato que vivía diciéndole:
«Vente para acá conmigo. Yo te organizo». A Joaquín le había ido
super bien en Gringolandia: casas en Miami y Los Ángeles, jet privado,
un yate. Muchos de sus negocios ya eran hasta legales: servicios de
jardinería, ventas de carros, bares. En el colegio Joaquín admiraba a
Carlos por ser el atleta que siempre había querido ser. Y ahora quería que
Carlos lo admirara a él.
—Siempre que viene de visita —decía Carlos—, me llama y me
invita a salir. Quiere ponerse la ciudad de ruana: rumba, trago, putas y
volver a casa al amanecer. —Pero Carlos, el zanahorio, no le caminaba a
nada de eso.
Miré a Francia, que estaba escuchando atentamente, abrazada a una
rodilla. Ella y Carlos se habían topado después de algunos años cuando
Francia pasó por una notaría para preguntar por los trámites necesarios
para casarse con un extranjero. Para su sorpresa (dijo), se encontró a
Carlos trabajando allí. A ella se le había olvidado que esa era la notaría
de la hermana mayor de Carlos, que tenía más espíritu empresarial que
él, pero que infortunadamente tenía sus mismos hombros. Urgido de
dinero, Carlos había convencido a su hermana de que le diera un empleo
temporal en la notaría. Acababa de llegar de una excursión de
montañismo y pronto saldría con otro grupo para las islas. Durante dos
horas enteras, mientras los demás clientes se abanicaban con rabia en la
sala de espera llena de plantas, en medio del interminable golpeteo de
los sellos: tan, tan, tan —hasta las ancianitas podían dar un buen golpe
—-, Carlos puso a Francia al día en materia de registros de nacimiento y
paz y salvos del FBI. También le habló sobre la conveniencia de casarse
con un extranjero: «¿Estás segura de que quieres hacerlo?»
Francia se había criado en una finquita de mala muerte que colindaba
con la propiedad rural de los Garcés, que tenía establos y lagos de pesca,
419
Il y avait quelques mois, disait-il, il grimpait sur des collines près du
Puracé, il accompagnait un groupe d’excursionnistes quand la guérilla
les avait arrêtés, des uniformes identiques à ceux de l’armée mais avec
ces bottes de pluie en caoutchouc qui les dénonçaient. Par chance,
Carlos portait des lunettes de soleil qui couvraient ses yeux bleus et un
faux document au nom de Garcia qui l’identifiait comme chauffeur de
camion. Ils l’interrogèrent et le laissèrent partir.
Je dois m’en aller d’ici, se dit Carlos.
Il avait un ami aux Etats-Unis, Joaquín, un camarade du temps du
baccalauréat qui passait son temps à lui dire : « Viens travailler avec moi
ici. Je m’occupe de ton installation ».
Les choses avaient très bien tourné pour Joaquín à Gringoland: des
maisons à Miami et à Los Angeles, un jet privé, un yacht. Beaucoup de
ses affaires étaient même devenues légales : services de jardinage, vente
de voitures, bars. Du temps où ils étaient à l’école, Joaquín admirait
Carlos parce qu’il était l’athlète qu’il avait toujours rêvé d’être. A
présent, il voulait que ce soit Carlos qui l’admira.
-Chaque fois qu’il vient en visite –disait Carlos- il m’appelle et m’invite
à sortir. Il veut s’approprier toute la ville: la fête, la beuverie, les putes,
rentrer à la maison au petit matin. Mais simple qu’il était, ça ne
branchait pas Carlos.
Je regardai Francia qui écoutait attentivement et qui serrait un de ses
genoux dans ses bras. Elle et Carlos s’étaient retrouvés au bout de
quelques années quand Francia était passée chez le notaire pour
s’informer sur les démarches nécessaires afin d’épouser un étranger. A sa
surprise, (dit-elle) elle trouva Carlos qui y travaillait. Elle avait oublié
que le cabinet appartenait à la sœur aînée de Carlos qui avait davantage
l’esprit d’entreprise que son frère mais qui n’en avait pas moins les
mêmes épaules. A court d’argent, Carlos avait convaincu sa sœur de lui
donner un emploi temporaire. Il venait de rentrer d’une excursion et
devait partir peu après avec un autre groupe vers les îles. Pendant deux
bonnes heures, tandis que les autres clients s’éventaient rageusement
dans la salle d’attente pleine de plantes au milieu du tan, tan, tan
interminable des tampons –même les plus vieilles employées pouvaient
taper un bon coup-, Carlos avait mis Francia au courant en matière de
registres de naissance et de quittances du FBI. Il lui avait aussi parlé de
l’intérêt d’épouser un étranger: «Es-tu certaine de vouloir faire cela?»
Francia avait été élevée dans une petite propriété minable jouxtant le
420
domaine rural des Garcés qui possédait des étables, des lacs
pour la pêche
421
y jardines de orquídeas y bromelias celosamente cuidados por varios
peones. Tuvieron un romance de vacaciones, antes de que Carlos se
casara con una muchacha de sangre azul como él, decisión que su padre
aplaudió, pero de la cual Carlos se arrepintió enseguida. Dos años más
tarde, ahogado en deudas con las tarjetas de crédito y en fiestas frívolas,
Carlos se abrió. Pero después de varios años de agitada soltería (durante
los cuales restableció temporalmente contacto con Francia), ¿saltó de
nuevo al matrimonio, esta vez con una fanática de la recreación al aire
libre, pelicorta y pesista, una de esas viejas bajitas y macizas que son
capaces de abrir una trocha por cualquier parte. (Francia, que se había
«criado en el barro», no le veía ninguna gracia a armar una carpa.)
Tuvieron una linda niña rubia y eran, según decían, muy felices.
Después, dijo Carlos, secuestraron a su papá. La guerrilla—o
delincuentes comunes— llevaban meses extorsionando al viejo. Pero
cuando valientemente se negó a pagar, le echaron mano.
Carlos hizo una pausa y se quedó esperando mi reacción. Yo aún
estaba en el borde de la silla, listo para levantarme, pero entonces me
recosté y crucé las piernas, atrapado por la curiosidad y la cortesía.
El rescate exigido era escandalosamente alto, continuó diciendo
Carlos. Tenían a su padre en algún lugar en las montañas, bajo Dios sabe
qué condiciones. El viejo sufría de presión alta y diabetes; necesitaba
medicinas.
A medida que los días pasaban, Carlos empezó a sentir una extraña
confluencia de emociones. Aunque nunca había perdonado a su papá por
la manera como lo traicionó en lo del fútbol, recordaba que había sido él
quien encendió su pasión por el deporte y también su amor por la
naturaleza.
Por eso cuando sus hermanos anunciaron en una junta familiar
convocada a la carrera que habían tomado la dura decisión de no pagar
el rescate, Carlos, cuya pobre cuenta bancaria lo había exonerado del
dilema moral, no pude menos que sentirse asqueado.
—Vamos a hablar con Los Tesos para que lo rescaten —dijo su
hermana.
¿Los Tesos? Los Tesos eran un autodenominado escuadrón «élite» de
antisecuestro —más como un grupo de matones— que se embarcaban en
operaciones arriesgadas, a menudo sangrientas, y no siempre exitosas.
Pero ¿cómo podía disentir Carlos? La misma miserable cuenta bancaria
que lo eximió de participar en una decisión acerca de si pagar o no el
422
et des jardins d’orchidées et de broméliacées jalousement surveillés par
plusieurs pions. Ils vécurent une romance de vacances avant que Carlos
n’épousa une jeune fille au sang bleu comme lui, décision approuvée par
son père mais dont Carlos se repentit aussitôt. Deux ans plus tard, noyé
dans les dettes, les crédits et les fêtes frivoles, Carlos traça sa route. Mais
après plusieurs années d’un célibat mouvementé (pendant lesquelles il
avait provisoirement rétabli le contact avec Francia), il se jeta à nouveau
dans le mariage cette fois avec une fanatique des loisirs en plein air, une
haltérophile aux cheveux courts, une de ces bonnes femmes petites et
trapues capables de se frayer un chemin à travers n’importe quoi
(Francia qui avait été «élevée dans la boue» ne voyait pas ce qu’il y avait
d’amusant à monter une tente).
Ils eurent une jolie petite fille blonde et furent, comme on dit, très
heureux.
Ensuite, dit Carlos, son père fut enlevé. La guérilla –ou de banals
délinquants- avaient passé des mois à racketter le vieux. Mais quand,
plein de courage, il avait refusé de payer, ils lui mirent le grappin dessus.
Carlos fit une pause et attendit ma réaction. J’étais encore sur le bord du
fauteuil, prêt à me lever, mais je me rassis en croisant les jambes, retenu
par la curiosité et la courtoisie.
La rançon exigée était scandaleusement élevée, poursuivit Carlos. Ils
détenaient son père quelque part dans les montagnes dans Dieu seul sait
quelles conditions. Le vieux souffrait d’hypertension et de diabète ; il
avait besoin de médicaments.
Au fur et à mesure que les jours passaient, Carlos commença à ressentir
un curieux mélange d’émotions. Il n’avait pas pardonné à son père la
manière dont il l’avait trahi dans l’affaire du football mais malgré cela, il
se rappelait que c’était lui qui avait éveillé sa passion pour le sport tout
comme son amour de la nature.
Ainsi, quand ses frères et sœurs lui annoncèrent au cours d’un conseil
familial convoqué en catastrophe qu’ils avaient pris la dure décision de
ne pas payer la rançon, Carlos, dont le compte bancaire le dispensait du
dilemme moral, ne put s’empêcher de se sentir écoeuré.
-On va parler aux Tesos pour qu’ils le délivrent, dit sa sœur.
Les Tesos? Les Tesos étaient un escadron qui s’autoproclamait l’«élite»
de l’anti-kidnapping –plutôt une équipe de tueurs- qui s’embarquait dans
des opérations risquées, souvent sanglantes, et pas toujours couronnées
de succès. Mais comment Carlos pouvait-il exprimer son désaccord? Le
423
même misérable compte bancaire qui l’avait exempté de participer à la
discussion sur le paiement de
424
rescate también lo excluía de decidir sobre esta operación.
Iniciaron el operativo en las frías horas de la madrugada, envueltos en
la oscuridad y la niebla. Vestidos de negro y con la cara pintada,
lanzando gases lacrimógenos esgrimiendo uzis, Los Tesos atacaron.
Después de un intercambio de tiros, que dejó a uno de los secuestradores
agonizando en el suelo, el viejo quedó libre.
Carlos se sintió emocionado y aliviado con la noticia, hasta que supo
el resto del cuento. De un modo u otro los tres secuestradores terminaron
muertos. Y había señales de tortura. Dos de los hombres resultaron ser
antiguos empleados de su padre, casi como de la familia, gente con la
que Carlos había pescado y escalado.
El padre de Carlos nunca volvió a ser el mismo. Vendió la finca por
un precio vulgarmente barato y se la pasaba, sentado en una silla,
esperando que lo llamaran a comer. Todo ese rollo dejó a Carlos con una
sensación enfermiza clavada en el estómago, y una preocupante
incapacidad para mirar de frente a su hija.
Me reacomodé en la silla. Carlos le daba vueltas al casco entre las
manos. La luz del atardecer entraba por la ventana abierta y daba contra
el piso de baldosa.
Después del secuestro, siguió Carlos, las cosas se le salieron un poco
de las manos. Se compró una pistola y la cargaba a todos lados —un tipo
como él— aún después de que expiró el salvoconducto. Frecuentaba el
polígono simplemente para distensionarse. Estaba más ansioso que nun-
ca por largarse. Este país simplemente no era seguro, en especial para un
Garcés. Para acabar de empeorar las cosas, su hermana empezó a pagar
una cuota de «protección» por la finca. Si no lo hacía, sencillamente se
le aparecerían con un tractor y se llevaban toda la cosecha. O algo peor.
Qué hacer, se preguntaba Carlos. Reconsideró la oferta de Joaquín de
irse a los Estados Unidos. Después se le ocurrió irse a Uruguay. Era un
país pacífico, primero que todo, con una economía relativamente estable
y un sistema legal similar al que conocía. Sí, hasta estaba dispuesto a
ejercer el Derecho. Canelones, Uruguay, tenía una costa preciosa. Quizá
podrían poner un hotelito y un área de acampar junto al mar.
Aun así, dudaba. Dejar a la familia era difícil tanto para él como para
su esposa. Carlos amaba Colombia; lo malo era esa porquería de guerra.
Amaba el clima tropical; los inviernos eran fríos en Uruguay. Y había
oído que la profesión legal no acogía mucho a los extranjeros allá.
425
la rançon l’excluait aussi de la décision de l’opération.
Ils déclenchèrent les manœuvres pendant les heures froides du petit
matin enveloppées dans l’obscurité et le brouillard. Habillés en noir, le
visage barbouillé, lançant des gaz lacrymogènes et arborant des uzis, les
Tesos attaquèrent. Après un échange de coups de feu qui laissa un des
kidnappeurs moribond sur le sol, le vieux fut libéré.
Carlos se sentit ému et soulagé par la nouvelle jusqu’à ce qu’il apprit le
reste de l’histoire. D’une façon ou d’une autre, tous les kidnappeurs
avaient fini par être tués. Et il y avait des traces de torture. Deux des
hommes se révélèrent être d’anciens employés de son père, presque des
gens de la famille, des gens avec qui Carlos était parti à la pêche et en
escalade. Le père de Carlos ne fut plus jamais le même. Il vendit la
propriété pour un prix vulgairement bas et passait son temps, assis sur un
fauteuil, à attendre qu’on l’appela à table. Carlos tira de toute cette
histoire une sensation de malaise nouée dans l’estomac et une incapacité
inquiétante à regarder sa fille dans les yeux.
Je me réinstallai dans le fauteuil. Carlos retournait son casque entre ses
mains. La lumière de l’après-midi entrait par la fenêtre ouverte et se
réverbérait sur le sol carrelé.
Après l’enlèvement, poursuivit Carlos, les choses s’emballèrent quelque
peu. Il s’acheta un pistolet qu’il emmenait partout –un type comme
lui !- même après l’expiration du permis. Il fréquentait le stand de tir
uniquement pour se défouler. Il voulait plus que jamais foutre le camp.
Ce pays n’était tout simplement pas sûr en particulier pour un Garcés. Et
pour comble de malheur, sa sœur commença à payer une «contribution»
pour la protection de sa propriété. Si elle ne le faisait pas, ils viendraient
tranquillement avec un tracteur et emporteraient toute la récolte. Ou
quelque chose de pire.
Que faire se demandait Carlos. Il reconsidéra la proposition de Joaquín
de partir aux Etats-Unis. Puis, il eut l’idée d’aller en Uruguay. C’était
avant tout un pays pacifique avec une économie relativement stable et un
système légal similaire à celui qu’il connaissait. Oui, il était disposé à
exercer le Droit. Canelones, Uruguay, avait une côte magnifique. Ils
pourraient peut être y installer un petit hôtel et un camping au bord de la
mer.
Même comme ça, il hésitait. Quitter la famille était aussi difficile pour
lui que pour sa femme. Carlos aimait la Colombie ; le problème était
cette saloperie de guerre. Il aimait le climat tropical, les hivers étaient
426
froids en Uruguay. Et il avait entendu dire que la profession dans le droit
n’y était pas très accueillante avec les étrangers.
427
Así que cuando un antiguo compañero de fútbol, llamado Rigoberto,
le mencionó que estaba vendiendo su bote, junto con el embarcadero en
el lago Calima —uno de los últimos sitios de recreación relativamente
seguros—, CarIos decidió darle a su patria una última oportunidad.
Le puso un cabo de remolque a su campero y se fue a visitar a
Rigoberto. Años atrás Rigoberto era un gran puntero izquierdo, con una
patada poderosa, pero se veía que ahora estaba pasando por una racha
difícil. Primero la esposa lo abandonó y después el pequeño negocio de
artículos eléctricos heredado de su padre quebró. Al hablar con
Rigoberto, a Carlos le pareció sentir un tufo de aguardiente. Regatearon
un rato el precio, aunque Carlos no hizo mucha fuerza. Al final
Rigoberto le ayudó a enganchar el bote al carro. Le dijo que le tendría
los papeles en un par de días.
El lago Calima, formado por una represa en el recodo de las
montañas, era silencioso y sereno, el era aire fresco y la orilla estaba
tupida de árboles. El agua que bajaba de las montañas era prístina y la
pesca era buena. Para alivio de Carlos, el bote funcionó bien. Llevó a su
hija a dar una larga vuelta de exploración y la montó en el neumático.
Después de una caída, ella se quedó bajo el agua un instante durante el
cual a Carlos se le paró el corazón y luego salió con los ojos brotados,
buscando aire y quitándose el pelo de la cara.
—¡Papi! —le dijo con su sonrisa mueca por el cambio de dientes—.
¿Viste eso? —La esposa también sonreía.
Pero el tercer fin de semana que pasaron en el lago hubo un ataque de
la guerrilla. Carlos, su esposa y la niña permanecieron durante horas
acurrucados en la cabaña, escuchando el estallido de los morteros y el
traqueteo de las ametralladoras.
No más, dijo Carlos. Me largo. Tan pronto volvió a la ciudad, hizo las
reservaciones. Cerró sus negocios a la carrera, empacó y puso un
clasificado para vender el bote. No sólo necesitaba la plata sino que
también quería borrar el recuerdo de su mala decisión. Pero cuando
llamó a Rigoberto para pedirle los papeles, este le respondió con una
tranquilidad aterradora.
Carlos explotó.
—¡Maldita sea, Rigoberto, necesito esos putos papeles! —Tiró el
teléfono y empezó a caminar de un lado a otro, preguntándose si el bote
tendría algún papel. Tal vez era robado. O quizás Rigoberto, que siempre
le había parecido un tipo decente, le estaba haciendo una jugada.
428
Alors quand un ancien camarade de football appelé Rigoberto lui dit
qu’il avait un canot à vendre avec son embarcadère sur le lac Calima –un
des derniers endroits relativement sûrs-, Carlos décida de donner une
dernière chance à sa patrie.
Il disposa un crochet de remorquage à sa tout terrain et partit visiter
Rigoberto. Quelques années auparavant, Rigoberto avait été un attaquant
gauche doué d’un coup de pied puissant mais à présent, on sentait qu’il
était dans une mauvaise passe. Sa femme l’avait quitté et le petit
commerce d’articles électriques hérité de son père avait fait faillite. En
parlant avec Rigoberto, Carlos crut percevoir un relent d’alcool. Ils
marchandèrent un moment le prix bien que Carlos ne négocia pas
beaucoup. A la fin, Rigoberto l’aida à accrocher le canot à la voiture et
lui dit que les papiers seraient prêts en deux ou trois jours.
Le lac Calima formé par un barrage dans un recoin des montagnes était
silencieux et serein, l’air y était frais et les arbres touffus arrivaient
jusqu’au rivage. L’eau qui descendait des montagnes était pure et la
pêche y était bonne. Au grand soulagement de Carlos, le canot marchait
correctement. Il emmena sa fille faire un grand tour d’exploration et la
plaça sur le rebord du pneumatique. Elle fit une chute et resta sous l’eau
un moment pendant lequel Carlos sentit son cœur s’arrêter, elle ressortit
les yeux exorbités, cherchant l’air et écartant les cheveux de son visage.
-P’pa –lui dit-elle avec son sourire édenté après le passage de la petite
souris- T’as vu ça?
L’épouse souriait aussi.
Mais le troisième week-end qu’ils passèrent sur le lac, il y eut une
attaque de la guérilla. Carlos, sa femme et l’enfant restèrent pendant des
heures recroquevillés dans la cabane à écouter l’explosion des mortiers
et la pétarade des mitrailleuses.
Ras-le-bol, dit Carlos. Je fous le camp. Dès qu’il arriva en ville, il fit les
réservations. Il liquida rapidement toutes ses affaires en cours, fit ses
bagages et mit une annonce pour vendre le canot. Il avait non seulement
besoin de l’argent mais il voulait aussi effacer le souvenir de sa décision
hasardeuse. Mais quand il appela Rigoberto pour lui demander les
papiers, celui-ci répondit avec une insouciance effrayante.
Carlos explosa.
-Merde, Rigoberto, j’ai besoin de ces foutus papiers!- Il jeta le téléphone
et commença à marcher de long en large se demandant si le canot avait
429
bien des papiers. Il était peut être volé. Peut être Rigoberto qui avait
toujours semblé décent était en train de lui jouer un tour.
430
Mientras iba y venía enfurecido, sonó el teléfono. Era Joaquín,
llamándolo desde Los Ángeles.
—Oye, hermano, qué vaina lo del lago Calima. Lo siento mucho.
—Sí, sí...
—¿Cuándo es que te vas a venir? Acá todo te está esperando.
—Gracias —dijo Carlos—, pero me voy para Uruguay. En realidad
tenía todo listo para irme hasta que... —Y le contó a Joaquín lo que
había pasado con Rigoberto.
—Oye, hombre, qué mierda—dijo Joaquín—. ¿Quieres que hable con
él?
—No, no, no hay necesidad,
—No, un momento. ¿Con quién cree que se está metiendo ese
marica? ¡Si es el gran Carlos Garcés! La estrella del equipo de Cali.
¡Que debió estar en la selección Nacional!
Al otro día Carlos empacó su equipo de acampar, sus trofeos de
fútbol, sus libros de leyes y se fue al colegio de la niña para arreglar
todo. Después se fueron caminando hasta la casa, y mientras Carlos la
llevaba de la mano y ella cantaba una canción, de repente se dio cuenta
de que la iba acompañando con su silbido. Más tarde en la casa Carlos la
estaba mirando pintar un paisaje tomado de una guía de viajes de
Uruguay, cuando escuchó una moto que se acercaba rugiendo. Un tipo
flaco con cara de chucha le entregó un sobre.
Carlos entró y abrió el sobre. Adentro estaban la tarjeta de propiedad
y la matrícula del bote. ¡Por fin podían irse. Eufórico, elogió la pintura
de la niña y le dio un beso en la cabeza.
Después el teléfono empezó a sonar. Carlos contestó en la cocina.
—Hombre, por Dios —dijo una voz sofocada.
—¿Quién habla?
—¡No puedo creer que tú hayas hecho eso! Carlos sintió que un trío
le corría por todo el cuerpo.
—¿Por qué, hombre, por qué? —dijo la voz entrecortada.
—Rigoberto, escucha...
—Yo te los iba a entregar. —El hombre casi gemía—.
No tenías que hacer eso.
—¿Hacer qué? —logró decir Carlos.
—Seis horas... —carraspeó Rigoberto—. ¡Me tuvieron seis horas! Les
rogué que te llamaran para que les dijeras que pararan...
431
Pendant qu’il allait et venait furibond, le téléphone sonna. C’était
Joaquín qui l’appelait de Los Angeles.
-Ecoute, mon pote, c’est chiant ce qui est arrivé au lac Calima. J’en suis
navré.
-Oui, oui...
-Quand est-ce que tu viens ? Ici on n’attend que toi.
-Merci –dit Carlos- mais je pars en Uruguay. En réalité j’avais tout
préparé pour partir jusqu’à ce que... -Et il raconta à Joaquín ce qui s’était
passé avec Rigoberto.
-Quelle merde, l’ami! –dit Joaquín- Veux-tu que je parle avec lui?
-Non, non, ce n’est pas la peine.
-Non, un instant. A qui croit-il avoir affaire, ce pédé? Au grand Carlos
Garcés! La star de l’équipe de Cali qui aurait dû faire partie de la
sélection nationale!
Le lendemain Carlos emballa son équipement de camping, ses trophées,
ses livres de droit et partit à l’école de sa fille pour tout régler. Ils
marchèrent jusqu’à la maison, lui la tenait par la main et elle chantait
une chanson quand il s’aperçut qu’il accompagnait la mélodie en
sifflotant. Plus tard chez lui, tandis qu’il la regardait peindre un paysage
tiré d’un guide de voyages d’Uruguay, il entendit une moto approcher en
vrombissant. Un type maigre avec une tête de rat lui remit une
enveloppe.
Carlos rentra et l’ouvrit. A l’intérieur se trouvaient le titre de propriété et
le certificat d’immatriculation du canot. Ils pourraient enfin s’en aller!
Euphorique, il félicita la petite fille pour son tableau et l’embrassa sur la
tête.
Puis, le téléphone se mit à sonner. Carlos répondit dans la cuisine.
-Eh, gars, de grâce –dit une voix étouffée.
-Qui est à l’appareil?
-Je ne peux pas croire que tu aies fait cela! Carlos sentit le froid
parcourir tout son corps.
-Pourquoi, mec, pourquoi? –dit la voix entrecoupée.
-Rigoberto, écoute...
-J’allais te les remettre –l’homme était presque gémissant. Tu n’avais pas
besoin de faire cela.
-Faire quoi? -réussit à dire Carlos.
-Six heures...-Rigoberto se racla la gorge- Ils m’ont gardé six heures! Je
leur ai supplié de t’appeler pour que tu leur dises d’arrêter...
432
Carlos colgó el teléfono. Se recostó contra el lavaplatos, sin darse
cuenta de que estaba musitando.
La vocecita aguda llegó desde la altura de sus rodillas.
—¿Que te tienes que ir de dónde, papi?
Carlos se levantó, todavía con el casco entre las manos. Le deseé
buen viaje y lo dejé solo con Francia. Desde mi estudio, alcanzaba a
oírlos hablar en tono bajo. Traté de concentrarme en mi trabaja pero no
pude. Después de un rato largo, oí el chirrido del portón y el lento
tintineo de las ruedas de la bicicleta.
Cuando oí que la verja se cerró, salí al antejardín. Francia estaba
mirando cómo Carlos se alejaba pedaleando lentamente. Los últimos
rayos de sol rebotaban en su casco. La calle estaba desierta, se veían
muchos avisos de Se Vende en los jardines de las casas. Francia deslizó
un brazo por mi cintura y nos quedamos ahí, escuchando cómo los
ruidos de la noche se hacían cada vez más intensos: los grillos y los
búhos y algo más, un débil rumor lejano, como de cascos marciales que
se acercaban.
433
Carlos raccrocha. Il s’appuya sur l’évier sans s’apercevoir qu’il était en
train de parler tout bas.
La petite voix aiguë arriva à la hauteur de ses genoux.
-Tu dois t’en aller d’où, p’pa?
Carlos se leva tenant encore le casque entre les mains. Je lui souhaitai
bon voyage et le laissai seul avec Francia. Depuis mon bureau, je
pouvais les entendre parler à voix basse. J’essayais de me concentrer
dans mon travail mais je n’y parvins pas. Après un long moment,
j’entendis le grincement de la porte d’entrée et le tintement lent des
roues de la bicyclette.
Quand j’entendis se refermer la grille, je sortis dans le jardinet. Francia
regardait Carlos s’éloigner en pédalant lentement. Les derniers rayons du
soleil rebondissaient sur son casque. La rue était déserte, on voyait
beaucoup de panneaux À vendre dans les jardins des maisons. Francia
glissa son bras autour de ma taille et nous restâmes là à écouter les bruits
du soir s’intensifier: les grillons, les hiboux et quelque chose d’autre, un
bruit sourd et lointain, comme un bruit de bottes qui s’approchaient.
434
Periplo
Philip Potdevin
435
Périple
Philip Potdevin
Te souviens-tu quand toi, Lina et moi étions inséparables à la faculté,
en ces années où tout nous semblait tragique et transcendantal, ou sinon
trivial ? Le lieu de réunion obligé était un bar qui n’existe plus, en bas de
la Sixième avenue face à la petite île avec le fromager qui a été là depuis
toujours. Il ouvrait vers sept heures du soir et nous y arrivions tôt, nous
nous asseyions avec Lina et buvions très lentement des bières pression
qui nous faisaient presque toute la nuit, et nous commencions à nous
essayer à philosopher sur la vie. C’est là que j’ai entendu pour la
première fois ta vision de la vie, égoïste et nihiliste, chargée de
philosophie existentielle, produit de tes lectures adolescentes
d’Althusser, Sartre et Lukacs ; là aussi que nous avons appris aussi à
écouter les silences de Lina, les mutismes dans lesquels elle se plongeait.
La dernière fois où j’ai rendu visite à mes parents, en passant dans la rue
j’ai regardé au coin où se trouvait le bar et je n’ai pas reconnu l’endroit.
Maintenant on y a installé un concessionnaire de motos. Comme elle est
laide, l’avenue ! Il semble que toute la pourriture de la Huitième rue,
avec ses lupanars, ses cafés minables et ses brasseries avec la musique à
pleins tubes, se soit déplacée vers la voie rose.
À voir les choses depuis la perspective de notre âge, dis-moi si ce
n’est pas vrai qu’à présent nous voyions tout cela comme un jeu
d’enfants dont nous ne gardons que le souvenir de bribes de faits à
moitié perdus dans la mémoire. Les années ont passé mais pas la saveur
qui nous est restée de cette époque. L’enfermement taciturne de Lina, ses
comportements erratiques et imprévisibles qui nous laissaient sans voix
à vouloir trouver quelque explication logique. Mais à cette époque nous
étions jeunes, sans respect ni raison. Peu nous importaient les insolences
de Lina car nous savions qu’elles étaient dues à son tempérament et ne
méritaient pas que l’on s’y arrête pour les analyser. Il n’y eut jamais de
ressentiments, il ne resta que le souvenir amer qui me remonte à la tête
avec le goût de ce gin bitter que nous avons commandé pour tenter de
retrouver le temps resté là-bas en nos adolescences.
Je n’avais plus eu de nouvelles de Lina. Il y a plus de dix ans
nous avons appris la vérité, mais à cette même époque tu as
déménagé avec la Banque et Lina a disparu de la ville tout d’un
coup. Chez elle on m’a
436
dijeron que había viajado a Méjico y no supe más. Yo también viajé
poco después y sólo regreso a la ciudad muy de vez en cuando. Le
perdí el rastro, al igual que a tantos otros compañeros de la facultad.
De tanto en tanto recibo alguna noticia fragmentada sobre alguno de
ellos. Se mató Ricardito en la avioneta de su papá; Elisa logró
casarse el año pasado con Omar el hermano de Consuelito, Hans
tiene un buen empleo, dicen, en una multinacional; Pacheco sigue en
la Notaría de su hermano y lo más probable es que a la vuelta de
treinta años siga ahí, un poco más calvo y más flaco, Ezeiza es el
Director encargado de la Dirección Nacional de la T. F. P. (boina
roja y león rampante en el portaestandarte, ¿te acuerdas?) y la pobre
Clarita va en su segundo matrimonio, después de un estruendoso
fracaso del primero que sólo duró seis meses. Pero la gran mayoría
de ellos son una nube gris en mis recuerdos; todos se han ido
perdiendo en el tiempo sin que haya nada que los haga salir de su
estado nebuloso. Solo a Lina no la he podido olvidar del todo, a
pesar del tiempo que llevamos sin vernos.
Aun recuerdo cómo tú y yo procuramos en varias ocasiones
sentarnos a escucharla y tratar de entender lo que le estaba
sucediendo. Primero tú intentaste acercarte, en un comienzo por un
interés genuino en ayudarle a sacar adelante los exámenes finales
para que no perdiera Procedimiento Civil II. Esa vez me confesaste
cómo después de darle una mano para que pasara las pruebas
terminaron celebrando en el bar mirador Don Mateo, arriba de Los
Cristales y a donde iban a parar todas las parejas que estaban
aburridas de las noches de rumba en la Calle del Pecado. Esa noche,
me contaste al día siguiente, habían conversado durante varias horas
y llegó un momento larguísimo en que nadie dijo nada y finalmente
Lina decidió romper el silencio y te autorizó para que tú hicieras lo
que pensaras correcto y dieras el primer paso y tú después de pensar
en silencio y de comprobar que se despertaba en ti una extraña
sensación de vencer la tentación, de hacer lo prohibido, la abrazaste
y terminaron en un nudo dentro del pequeño Renault, sin importarles
qué podían pensar los ocupantes de los carros que estaban
estacionados a los lados. Lo tragicómico de esa ocasión era que
estaban con una gripa tan congestionada que no intentaron nada
íntimo por pura discreción de no hacer algo desagradable y
acordaron dejar para otro día el juego erótico. Pero al día siguiente
437
dit qu’elle était partie au Mexique et je n’ai rien su de plus. Moi aussi
j’ai quitté la ville peu après, et je n’y reviens que de loin en loin. J’ai
perdu sa trace, de même que celle de tant d’autres camarades de la
faculté. De temps en temps je reçois quelque information fragmentaire
de l’un d’eux. Ricardito s’est tué dans l’avionnette de son père ; Elisa a
pu se marier l’année dernière avec Omar, le frère de Consuelito ; Hans a
un bon poste, dit-on, dans une multinationale ; Pacheco est toujours dans
l’étude notariale de son frère et le plus probable est que dans trente ans il
y sera toujours, un peu plus dégarni et plus maigre ; Ezeiza est le chef de
la Direction Nationale du T.F.P.10 (béret rouge et lion rampant sur la
bannière, tu te rappelles ?), et la pauvre Clarita en est à son deuxième
mariage, après l’échec retentissant du premier qui n’a duré que six mois.
Mais la plupart d’entre eux sont un nuage gris dans mes souvenirs ; ils se
sont perdus peu à peu dans le temps sans que rien ne vienne les sortir de
leur état nébuleux. Il n’y a que Lina que je n’ai pas réussi à oublier tout à
fait, malgré le temps passé sans nous voir.
Je me souviens encore comment nous avons essayé plusieurs fois,
toi et moi, de l’écouter, assis, à tâcher de comprendre ce qui lui
arrivait. D’abord tu as tenté de t’approcher d’elle, au début avec un
véritable désir de l’aider à bien préparer les examens de fin d’année,
pour lui éviter de rater Procédures Civiles II. À cette occasion tu
m’as avoué comment, après lui avoir donné un coup de main dans la
préparation des épreuves, vous avez fini par aller fêter ça dans le bar
mirador Don Mateo, en haut de Los Cristales, là où allaient finir la
soirée tous les couples lassés des nuits de bamboula dans la rue du
Péché. Cette nuit-là, m’as-tu raconté le lendemain, vous avez
bavardé pendant plusieurs heures, et un très long moment est
survenu pendant lequel personne n’a parlé, et finalement Lina a
décidé de rompre le silence et t’a permis de faire ce que tu jugerais
convenable, te laissant faire le premier pas, et toi, après avoir
réfléchi en silence et vérifié qu’en toi s’éveillait un étrange désir de
te laisser vaincre par la tentation, de faire ce qui était interdit, tu l’as
prise dans tes bras et vous avez fini par vous entrelacer à l’intérieur
de la petite Renault, sans vous soucier de ce que pouvaient penser
les occupants des voitures garées aux alentours. Le tragi-comique de
la situation, c’est que vous aviez un rhume si carabiné que vous
n’avez rien tenté d’intime, par pur souci de ne pas faire quelque
10
T. F. P. : Trabajo, Familia y Propiedad (Parti colombien d’extrême droite).
438
chose de désagréable, et vous décidé de remettre le jeu érotique à
une autre fois. Mais le lendemain
439
por días enteros.
Yo también intenté acercarme varias veces a Lina, aprovechando
la mayor confianza que habíamos cultivado. Ibamos a jugar tenis al
Club del Deportivo y nos pasábamos la tarde asoleándonos para
lograr un bronceado aun más oscuro en nuestra piel de por sí
bastante trigueña. Ya desde esos días pensé que Lina se estaba
comportando conmigo de una forma distinta pero no quería echar a
perder la amistad y preferí ignorarla y más bien traté de mantenerla
como una amiga muy cercana. A mi no me interesaba Lina como
amante pero era muy fuerte el cariño que sentía por ella. Cuando me
visitaba en el taller que monté en el último cuarto de la casa, donde
me encerraba tres días seguidos cuando quería huir de la esterilidad
de la axiología y la hermenéutica, Lina irrumpía para darme voces
de aliento para que continuara con mis cuadros, que no desfalleciera
en mis experimentos de técnicas mixtas de óleo y fotografía que por
aquellos tiempos desarrollaba y en las que siempre ella veía texturas
nuevas y matices de luz y color que le hacían recordar estrofas
completas de la Oda a Afrodita que se sabía de memoria. La misma
Lina me regaló una reproducción de Lección de Guitarra de Balthus
que aun conservo en mi estudio y que colgué de inmediato en la
pared desnuda del taller, sin saber exactamente si lo hacía como un
homenaje al dolor de la niña del cuadro o si era por la autodisciplina
que yo me negaba a imponerme y buscaba en la reproducción una
justificación para causarme el oprobio de saberme incapaz de
someterme al régimen académico representado en la imagen.
Lina siempre estaba allí cuando la necesitaba. En mi casa todo el
mundo la apreciaba y mi madre sentía especial afecto por ella. Los
viernes era la primera en llegar a casa a proponerme ver alguna
película de Paul Mazursky, tal vez Greenwich Village, que
presentaban en la Cinemateca y que se nos había pasado cuando
estuvo en cartelera. A la salida parábamos un rato en el café del
Buho de Humo, nos sentábamos bajo las ceibas que frenan el talud
del cerro del Charco del Burro y pedíamos un capuchino para hablar
en susurros y me contaba, como tranquilizándose a si misma, que
estaba leyendo la Autobiografía de Alice Toklas escrita por su amiga
G. Stein y me llevaba luego a casa en el Toyota rojo que manejaba
con destreza. ¿Recuerdas cómo era ella la que casi siempre nos
440
il ne s’est rien passé et Lina est retombée dans le même mutisme qui
l’étouffait des jours entiers.
J’ai essayé moi aussi de m’approcher plusieurs fois de Lina, profitant
de la plus grande confiance qui s’était installée entre nous. Nous allions
jouer au tennis au Club du Deportivo et passions l’après-midi étalées au
soleil pour obtenir un bronzage encore plus foncé de notre peau pourtant
bien brune par nature. Je pensais déjà à l’époque que Lina se comportait
avec moi d’une manière différente, mais je ne voulais pas gâcher notre
amitié et j’ai préféré l’ignorer et au contraire essayé de la traiter en amie
très proche. Lina ne m’intéressait pas en tant qu’amante mais l’affection
que j’éprouvais pour elle était très forte. Quand elle me rendait visite
dans l’atelier que j’avais installé dans la dernière pièce de la maison – où
je m’enfermais trois jours de suite quand je voulais échapper à la stérilité
de l’axiologie et l’herméneutique – Lina surgissait pour m’encourager à
peindre, à ne pas baisser les bras devant les expériences de techniques
mixtes d’huile et de photographie que je développais à cette époque-là,
et dans lesquelles elle voyait toujours de nouvelles textures et des
nuances de lumière et de couleur qui lui rappelaient des strophes entières
de l’Ode à Aphrodite qu’elle savait par cœur. Lina elle-même m’a offert
une reproduction de La leçon de guitare de Balthus que je conserve
encore dans mon étude et que j’ai alors accroché à l’instant au mur nu de
l’atelier, ne sachant pas exactement si je le faisais comme un hommage à
la douleur de la fille du tableau ou à cause de l’autodiscipline que je
refusais de m’imposer, cherchant dans la reproduction une justification à
provoquer en moi l’opprobre de me savoir incapable de me soumettre au
régime académique que l’image représentait.
Lina était toujours là quand j’avais besoin d’elle. Chez moi tout le
monde l’appréciait et ma mère avait une affection spéciale pour elle.
Les vendredis elle était la première à arriver à la maison pour me
proposer de voir un film de Paul Mazursky, peut-être Greenwich
Village, qu’on projetait à la cinémathèque et qu’on avait loupé
quand il était passé en salle. À la sortie nous nous arrêtions un
moment dans le café du Buho de Humo, nous nous asseyions sous
les fromagers qui retiennent le talus du coteau du Charco del Burro
et nous commandions un capuccino pour parler en chuchotant, et
elle me racontait, comme pour se rassurer elle-même, qu’elle était en
train de lire l’Autobiographie d’Alice Tolkas écrite par son amie G.
Stein, et elle me ramenait ensuite chez moi dans la Toyota rouge
441
qu’elle conduisait avec adresse. Tu te souviens comment c’était elle-
même qui presque toujours
442
movilizaba en su auto? Hacía ronda repartiéndonos por nuestras
casas y luego seguía para la suya, a cualquier hora, no importaba si
eran las tres o cuatro de la madrugada.
En el octavo semestre recordarás, Lina empezó a distanciarse. Ya
no tenía tiempo de acompañarnos a tomar sifón en Periplo, ni le
llamaba la atención el Bar de la 44 donde nos juntábamos a escuchar
música vieja. Un día se apareció y nos invitó a un bar distinto, de un
ambiente diferente, llamado, recuerdo, La Font del Cat. Era una
taberna que no tenía nada de catalana, administrada por dos amigas
de Lina y estaba ubicada en una esquina de La Flora, apartada de
todos los bares de la zona y con concurrencia escasa, discreta y
selecta. Ponían música de Janis Joplin, Joan Baez y Dan Fogelberg.
Sólo fuimos una vez y nos dimos cuenta que Lina había cambiado.
No tardamos en aventurar el diagnóstico: Lina estaba enamorada. De
pronto descubrimos en ella una feminidad que nunca había dejado
aflorar. ¿Cuándo Lina esforzándose por pintarse los ojos o por lucir
una falda en vez de sus infaltables jeans? Incluso Lina se tornó
tierna, se le afinaron los modales un poco bruscos que la
caracterizaban y la hacían objeto de algunos comentarios de parte de
nuestros compañeros. Entre menos la frecuentábamos más nos
convencíamos que a Lina le había llegado su turno de claudicar ante
alguna fuerza irresistible.
Para la época en que finalizamos la carrera Lina era casi una
extraña para ti y para mi. Coincidíamos en pocas clases y en los
descansos parecía esfumarse. La última vez que nos encontramos
fue en un cumpleaños mío cuando llegó de sorpresa a casa, después
de pasar meses sin vernos. Me llevó de regalo una bellísima
colección de libros de fotografía de David Hamilton, llenos de
imágenes de cuerpos juveniles descuidadamente semicubiertos en
prendas de tonos pastel, sorprendidos en el gineceo en actitudes
inocentes en el momento de la siesta, la toilette o la lectura,
imágenes captadas a contraluz y tras filtros difusores y
embadurnados de vaselina para lograr esos ambientes que creaban la
sensación de dulce y núbil lujuria.
Ayer volví a ver a Lina y por eso quise contártelo. La encontré en el
aeropuerto de Miami en la sala de espera de un vuelo de regreso a
Colombia. No me reconoció o prefirió ignorarme. No ha cambiado
mucho. Aun tiene esa figura gruesa y su porte atlético. Su
443
nous trimbalait dans sa voiture ? Elle faisait sa tournée en
raccompagnant chacun chez lui avant de regagner ses pénates, à
n’importe quelle heure, même à trois ou quatre heures du matin.
En huitième semestre, tu dois t’en souvenir, Lina a commencé à
prendre ses distances. Elle n’avait plus le temps de nous accompagner
boire un coup au Periplo, ni ne s’intéressait au bar de la 44e rue où nous
nous retrouvions pour écouter de la musique d’autrefois. Un jour elle est
réapparue et nous a invités dans un autre bar, à l’ambiance différente, qui
s’appelait, je m’en souviens, La Font del Cat. C’était une taverne qui
n’avait rien de catalan, tenue par deux amies de Lina, et qui était située
au coin d’une rue dans La Flora, à l’écart de tous les bars de la zone,
avec une clientèle restreinte, discrète et choisie. On y passait de la
musique de Janis Joplin, Joan Baez et Dan Fogelberg. On n’y est allés=
qu’une fois et on s’est rendu compte que Lina avait changé. Nous
n’avons pas mis longtemps à hasarder un diagnostic : Lina était
amoureuse. Du coup, nous avons découvert chez elle une féminité
qu’elle n’avait jamais laissé affleurer. Quand avait-on vu Lina faire
l’effort de se farder les yeux ou de mettre une jupe plutôt que ses
éternels jeans ? Elle est même devenue tendre, les manières un peu
brusques qui la caractérisaient, et qui faisaient l’objet de commentaires
de la part de nos camarades, se sont adoucies. Moins nous la
fréquentions, plus nous nous convainquions que son heure était venue de
se soumettre à une force irrésistible.
À l’époque où nous finissions nos études, Lina était presque une
étrangère pour toi et moi. Nous n’avions que peu de cours communs et
pendant les pauses elle semblait s’évaporer. Notre dernière rencontre
remonte à un de mes anniversaires, elle est arrivée par surprise chez moi,
après des mois sans nous voir. Elle m’a offert en cadeau une très belle
collection de livres de photographies de David Hamilton, pleins
d’images de corps juvéniles portant négligemment des vêtements aux
tons pastel qui les couvraient à moitié, surpris au gynécée dans des
attitudes innocentes au moment de la sieste, la toilette11 ou la lecture, des
images saisies à contre-jour et derrière des filtres d’estompage et enduits
de vaseline pour obtenir ces ambiances créant la sensation d’une luxure
douce et nubile.
Hier j’ai revu Lina et c’est pourquoi j’ai voulu te le raconter. Je
l’ai rencontrée à l’aéroport de Miami, dans le hall d’attente d’un vol
11
En français dans le texte.
444
de retour vers la Colombie. Elle ne m’a pas reconnu ou a préféré
m’ignorer. Elle n’a pas beaucoup changé. Elle a toujours cette allure
massive et son port athlétique. Ses
445
lado se encontraba otra mujer, que le acompañaba en el viaje. De
mayor estatura que Lina, rostro altivo y ojos verde claro, aguardaba
de pié la llamada a abordar mientras Lina, sentada a su lado,
ocultaba su rostro tras una Newsweek. De pronto entendí a Lina.
Volvía a ver a la Lina de esos años cuando se nos alejó poco a poco,
cambió sus amigos temporales de la universidad por algo con más
sentido para su vida. No quise saludarla para evitar situaciones
incómodas. Me cercioré que la silla asignada era de la segunda fila y
rogué para que Lina no quedara sentada cerca a mí durante el viaje.
Llamaron a bordo. Un señor, elegante, de gafas y blazer se ofreció a
ayudarme, después de pasar el control de seguridad, con los
paquetes que compré en el Duty Free y entré apresurada con los
primeros pasajeros para buscar rápidamente la silla. Por fortuna Lina
había solicitado que la ubicaran en la sección de fumadores y quedó
en la parte posterior del avión. Lina en eso no ha cambiado, aún
fuma sin parar.
Pide la cuenta pero déjame pagar esta vez. No creo que sea justo
que tú siempre seas la que paga cuando venimos a este bar. ¿Te
acuerdas que en Periplo siempre repartíamos la cuenta entre las tres?
446
cheveux sont plus courts et elle les a teints avec des reflets blonds. Une
autre femme était avec elle, l’accompagnant dans son voyage. Plus
grande que Lina, le visage altier et les yeux vert clair, elle attendait
debout l’appel à embarquer, cependant que Lina, assise à côté d’elle,
cachait son visage derrière un Newsweek. Soudain j’ai compris Lina. Je
revoyais la Lina de ces années-là, quand elle s’était peu à peu éloignée
de nous, qu’elle a changé ses amis occasionnels de l’université par
quelque chose qui donnait plus de sens à sa vie. Je n’ai pas voulu
l’aborder pour éviter des situations incommodes. J’ai vérifié que la place
qui m’était assignée était au deuxième rang et j’ai prié pour que Lina
n’ait pas à s’asseoir près de moi pendant le voyage. On a appelé à
embarquer. Après le passage du contrôle de sécurité, un monsieur
élégant à lunettes et blazer m’a proposé de m’aider à porter les paquets
achetés au duty free et je me suis dépêchée d’entrer avec les premiers
passagers pour chercher rapidement mon siège. Par chance Lina avait
demandé à être placée dans le coin fumeurs et se trouvait donc à l’arrière
de l’avion. Pour ça, Lina, elle n’a pas changé, elle fume sans relâche.
Demande l’addition mais laisse-moi payer cette fois. Je ne crois pas
qu’il soit juste que celle qui paye soit toujours toi quand nous venons
dans ce bar. Tu te souviens qu’au Periplo nous partagions toujours la
note toutes les trois ?
447
Cambio de rollo
Hoover Delgado
A: J. T. In Memoriam
Por eso había resultado natural mi reacción esa noche, cuando el mesero
de Evocación nos cortó con una frase rápida dirigida a mí, la señorita
desea saber si usted conoce este objeto. Pensé que se había equivocado,
y sin dirigirle la mirada ni querer saber a qué mujer se refería, le contesté
que no, que no lo conocía, pero el tipo porfió, la señorita insiste, dijo y
me plantó en el rostro un paquetito color albaricoque. Si hubiera tenido
una bomba de tiempo no me hubiera inmutado. Sólo que el gesto del tipo
recordándome la miopía hizo que lo despachara con una buena frase
448
Changement de bobine
Hoover Delgado
Dans ce film, la mort était une femme à quatre doigts, elle s’appelait
Ulma et avait les yeux jaunes comme les déserts de Nubie. Cette nuit-là
à Evocation, Fernando Castets, Sergio Becerra et moi en discutâmes
longuement trouvant subtil le détail de la main inachevée, l’absence du
majeur, comme pour laisser entendre que la mort n’a pas de cœur.
Nous tombâmes d’accord pour laisser le titre en anglais. L’agence m’en
avait demandé un en espagnol mais après en avoir vu défiler quelques
uns –« 4 doigts pour la mort » ou « Le secret d’Ulma »- nous décidâmes
de laisser l’original en anglais, Digits 4 death. En fin de compte, le
cinéma est une expression de la pensée et cette équation de deux mots et
d’un chiffre, qui rappelle davantage un coup aux échecs, était parfaite.
449
retardement, cela ne m’aurait pas troublé. Mais le geste du type qui me
rappelait ma myopie me fit l’envoyer balader d’une bonne phrase
450
contra su despistada cliente. Nos levantamos. Mientras Sergio se
adelantaba a parar un taxi, el viejo del mostrador me extendió la cuenta y
el paquetito color albaricoque en el que iba escrito mi nombre, tan bien
redactado y la circunstancia de que me conocieran en ese lugar, que me
resigné a tomarlo y a guardarlo en el bolsillo.
Lo guardé dos o tres días. La oficina estaba parada desde Digits 4 death
y como el ocio da tema, esa noche Fernando y Sergio la emprendieron
contra mí por mi supuesta amiga, en el Palermo dan un ciclo de clásicos,
dijeron y me sugirieron impresionarla con una invitación semejante. Yo
les dije que sí, que lo iba a tener en cuenta, pero sólo pensaba en el
zapatito de chocolate y en la mujer de Evocación que había insistido –
qué tonto, iban dos años desde lo de Liliana, y si bien era cierto que a
veces ella lograba atravesarse en mis sueños, también empezaba a tener
ese lugar melancólico y brumoso de las amantes grises y olvidadas.
Entonces por qué no recibir el paquetito de la mujer y muchas gracias y
desearía conocerla. Pero no, allí había estado la sombra de Liliana, y yo
exhibiendo ese gesto de dureza, esa levadura de Superman que es la
ironía: dígale esto y aquello a su despistada cliente.
451
adressée à sa cliente étourdie. Nous nous levâmes. Tandis que Sergio
partait devant arrêter un taxi, le vieux du comptoir me tendit l’addition et
le petit paquet couleur abricot sur lequel on pouvait y lire mon nom bien
écrit. Et puis on me connaissait ici, je me résignai donc à le prendre et à
le ranger dans ma poche.
452
la séance, apportai de la bière et des olives farcies aux anchois et au lieu
du dessert, je la dévorai lentement en regardant La roulette chinoise de
Fassbinder.
453
Al otro día el correo trajo el segundo paquete. Era una bola de cristal.
Tuve que tragarme mi orgullo y preguntarle a Fernando si recordaba
alguna película donde aparecía una bola semejante. En todas las de Walt
Disney, se burló. Sergio apuntó que la primera bola de cristal que había
merecido primerísimo plano era el pisapapel de Ciudadano Kane. Volé a
mi apartamento con el nuevo regalo. Me recordó una canica gigante por
las vetas que nadaban en su corazón. Era una preciosa bola de azúcar
cristalizada y licor, que consumí esa noche con fruición y risitas tontas.
Esa semana los presentes llegaron uno detrás de otro. El lunes fue un
motivo de Metrópolis; el martes, un habano de Casablanca; el
miércoles, el monóculo de Caligari, y al día siguiente una máscara de
Rashomon. Los dulces variaban puntualmente: desde el inefable
manjarblanco tachonado de brevas translúcidas, pasando por la oblea,
esa hostia pagana de piel canela hecha para la voluptuosidad, hasta el
moscorrogio engastado de clavos, las solteritas anaranjadas y las
colaciones afrodisíacas.
454
Le lendemain, le courrier apporta le deuxième paquet. C’était une boule
de cristal. Je dus ravaler ma fierté et demander à Fernando s’il se
souvenait d’un quelconque film où l’on voyait une boule comme celle-
là. « Dans tous ceux de Walt Disney », se moqua-t-il. Sergio précisa que
la première boule de cristal qui avait mérité un premier plan était le
presse-papier de Citizen Kane.
Je fonçai chez moi avec le nouveau cadeau. Il me fit penser à une bille
géante à cause des veinures qui nageaient dans son cœur. C’était une
superbe boule en sucre cristallisé et en liqueur que je mangeai le soir
avec délectation et de petits fous rires.
Cette semaine-là, les cadeaux arrivèrent les uns après les autres. Lundi,
ce fut un motif de Metropolis ; mardi un cigare de Casablanca ;
mercredi le monocle de Caligari et le lendemain un masque de
Rashomon. Les confiseries défilaient régulièrement: depuis l’ineffable
confiture de lait constellée de figues translucides à l’oblea, cette
voluptueuse hostie païenne à l’enveloppe de cannelle, en passant par le
moscorrogio, pavé de clous de girofle, et par les orangettes et les
bonbons aphrodisiaques.
455
et de célèbres rustres pleins aux as. L’objet était d’un tel réalisme
qu’instinctivement, je soulevai la statuette et regardai sous la robe : il
était là, elle l’avait disposé là, comme une minuscule œuvre d’art.
456
Me ruborizó pensar que ella había adivinado mis pensamientos y
desprendí el pequeño objeto: era un boleto de cine color rosa con el sello
del teatro Palermo por el frente, y en el dorso un mensaje con su letra
invitándome al ciclo de clásicos. El boleto había sido doblado como una
pieza de origami que se resistió toda la mañana a cobrar su forma
original; si aparezco en el Palermo con una palomita de papel, pensé, me
van a echar a patadas. Pasé el resto de la tarde entre reprimidas ganas de
bailar y escenitas teatrales que no me dejaron uña sana.
Poco antes de entrar merodeé por el Palermo persiguiendo alguna señal,
pero luego, convencido de mi tardanza, decidí pasar. Entonces fue la
noche de esparadrapo, esa penumbra que se adhiere a los ojos apenas se
entra al teatro. Daban Una Eva y dos Adanes, de Wilder, lo que venía a
ser, por un lado, una feliz coincidencia con Marilyn como protagonista, y
por otro, una pésima proyección. Con los programadores y críticos pasa
como con la moneda griega, pensé: que el talento es imaginario. Elegí
una fila desocupada, de las de atrás, y traté de no pensar en ella. Me
distraje en la película y por unos minutos me perdí en el seguimiento de
las escenas. Luego, salté a pensar en títulos. ¿Cómo titularía yo mi
asunto personal? ¿Ese melodrama de una semana de miel y renuncia?
Empecé a hilvanar algunos: «Predilección por la miel» –muy oscuro–,
o «Dulce presente» –more Corin Tellado–, o uno irresistible, para
Reader’s Digest: «La chica que Hollywood me trajo». El absurdo era
claro. Me paré resuelto a tomar aire fresco.
En ese instante la vi. No podía ser otra. Estaba tres filas delante de mí, el
contraluz de la pantalla iluminando los bordes de su pelo rubio y el
inicio de su vestido blanco. Lo supe con alarma, con íntima alarma,
cuando vi el guante fugaz que apartaba el humo de cigarrillo de la cara:
estaba vestida como Marilyn en la escena del extractor. Un carraspeo a
mis espaldas hizo que me hundiera en el asiento. Pensé pasarme hasta su
fila, de esa manera eliminaría la incomodidad de buscarla entre las
cabezotas de adelante. Pero la timidez cría yedras. Aún no alcanzo a
concebir que yo hubiera estado unido a Liliana. Siempre me costó mares
de esfuerzo iniciar una relación, y creo que lo invertía en planes
milimétricamente concebidos para enloquecer de amor a la madre Teresa
de Calcuta, lo perdía en el primer segundo, que según los expertos es el
que vale.
457
Je rougis en pensant qu’elle avait deviné mes pensées et détachai le petit
objet. C’était un billet de cinéma de couleur rose avec le cachet du
Palermo et au dos, un mot m’invitant à voir un classique. Le billet,
froissé, rappelait ces figurines d’origami qui refusaient toute la matinée
de reprendre leur forme originelle : « Si je m’amène au Palermo avec
une cocotte en papier, on me mettra dehors à coups de pied ». Je passai
le reste de mon après-midi tiraillé par des envies de danser réprimées et
des scénettes théâtrales qui me laissèrent les ongles en piteux état.
458
s’évanouissaient dès la première seconde qui, d’après les experts, est
déterminante.
459
Me levanté y avancé tres filas, la que buscaba estaba obstruida por varias
sombras. Sólo entonces supe que había tomado demasiado impulso
porque me hallaba dos filas delante de la suya. Me senté con el corazón
hecho un timbal. Al instante quedé encandilado por la pantalla sin
película. Los murmullos entre el público cundieron, se iluminaron
puntas de cigarrillos y alguien detrás de mí deploró el momento que
habían elegido para cambiar de rollo. Me levanté. Las proyecciones de 5,
4, 3, que preceden al nuevo rollo me enmarcaron en su crepúsculo sepia,
y entré resuelto en su fila. Ella no estaba. Alguien avanzaba por el
corredor rumbo a la puerta principal y no era ella, pero igual me hizo
pensar: se fue. Agoté el corredor y salí.
460
Je me levai et avançai de plusieurs rangées, celle que je poursuivais était
cachée par des ombres. Je compris alors que je m’étais trop avancé car je
me retrouvais deux rangées devant la sienne. Je me rassis le cœur
comme un tambour. A cet instant, je fus ébloui par la lumière des écrans
qui ne projettent aucune pellicule. Des murmures s’élevèrent dans le
public, des cigarettes s’allumèrent et une personne derrière moi déplora
le choix d’un tel moment pour changer de bobine. Je me levai. La
projection des 5, 4, 3, qui précèdent le lancement d’une bobine
m’encadra dans le crépuscule sépia et je m’engageai résolument dans sa
rangée. Elle n’y était plus. Quelqu’un s’avançait dans le couloir vers la
porte principale mais ce n’était pas elle, je pensai tout de même : elle est
partie. J’allai jusqu’au bout du couloir et je sortis.
461
El cronista y el espejo
(Fragmento)
Oscar Osorio
462
Le chroniqueur et le miroir
(Fragment)
Oscar Osorio
463
tendue et l’a abandonné, dégoûté : Fausse couche, gonorrhée, fils de
pute. Les balais
464
iniciaban su labor. En algunos minutos la plaza estaría lista para otro día
de trajín. El prócer Joaquín, “el parcero” de los viciosos de la plaza,
vigilaba los trabajos mientras dos palomas le cagaban el chaleco.
Recordó un pasaje de la novela de Fernando Vallejo. Se detuvo y,
levantando las manos, les gritó, Así estamos todos, cagados, desde el
principio hasta el fin, / a todo lo ancho y a todo lo hondo, / en la
periferia, en el medio, / y en el sub-fondo…- // Las aves, asustadas por
los versos de De Greiff, abandonaron, con escándalo de alas, el
monumento. Se sentó cabizbajo en el cordón de la vereda. Una señora
obesa, que pasaba apresurada con varios termos en la mano, lo miró con
fastidio. Caminó hacia la carrera 5ª. Dio un pequeño brinco para no
untarse de excremento, Estiércol al cuadrado, el indigente come mierda
y caga mierda, pura matemática, pensó. Una sonrisa triste se asomó.
Metió las manos en los bolsillos, y encogió los hombros, Estoy llevado.
Desde cuándo estoy dando brincos sobre los montoncillos de mierda que
se han ido acumulando en mi corazón. Los gritos despertaron a un
indigente, que le preguntó malhumorado, Se la fumó biche, patrón.
Atravesó la carrera 5ª, frente a la Librería Nacional. Observó su imagen
reflejada en los ventanales. En ese otro espejo, las rejas lo cortaban en
rombos, le construían una cárcel de sombras. La angustia le comprimió
el rostro. Se llevó las manos abiertas a la cara, las subió lentamente, las
llevó hasta la nuca y las entrelazó con fuerza. Echó el cuerpo hacia atrás,
contra una pared sucia. Necesitaba dormir. Permaneció un largo rato
esculcando el fondo espeluznante de su corazón. Los escobitas
terminaron su tarea y la calle se fue animando de gente con el pelo
mojado y los trajes limpios. Sintió la necesidad de un baño, abrir la llave
de la ducha y dejarse acariciar por el líquido reconfortante. Paró un taxi
y le indicó que lo llevara a Colseguros, a la Pasoancho con 32. Eran las
siete de la mañana. Había caminado toda la noche. Se tomó unas
pastillas para dormir y lo hizo malamente durante dos horas. Trabajó un
rato en la crónica y se recostó de nuevo.
465
commençaient leur travail. Dans quelques minutes la place serait prête
pour un autre jour de fébrilité. Le héros de l’Indépendance, Joaquín,
“pote” des vicieux de la place, surveillait les travaux tandis que deux
colombes lui chiaient sur le gilet. Il s’est souvenu d’un passage du
roman de Fernando Vallejo. Il s’est arrêté et, levant les mains, il leur a
crié : on est tous là, dans la merde, du début à la fin, / en large et en
long, / dans les marges et au milieu, / et au fin fond du fond… Les
oiseaux, effrayés par les vers de De Greiff, ont abandonné le monument
dans un scandale d’ailes. Il s’est assis, tête basse, sur un muret de la
voie. Une dame obèse, qui passait affairée avec des bouteilles thermos à
la main, l’a regardé avec ennui. Il a marché vers la Cinquième Avenue. Il
a sauté pour ne pas se salir d’excréments : fumier au carré, l’indigent
mange de la merde et chie de la merde, c’est mathématique, a-t-il pensé.
Un sourire triste est apparu. Il a mis ses mains dans ses poches, et a
rentré les épaules : me voilà bien ! Depuis quand je saute par-dessus les
petits tas de merde qui se sont accumulés dans mon cœur ? Les cris ont
réveillé un indigent, qui lui a demandé de mauvaise humeur : vous
l’avez fumée trop verte, patron ? Il a traversé la Cinquième Avenue, en
face de la Librairie Nationale. Il a observé son image reflétée par les
vitrines. Dans cet autre miroir, les grilles le découpaient en losanges, lui
construisant une prison d’ombres. L’angoisse lui a comprimé le visage.
Il a porté ses mains ouvertes au visage, les levant lentement, les a
portées jusqu’à la nuque et les a fortement entrelacées. Il a projeté le
corps en arrière, contre un mur sale. Il avait besoin de dormir. Il est resté
un long moment à fouiller dans le fond effrayant de son cœur. Les balais
ont terminé leur travail et la rue commençait à s’animer de gens aux
cheveux mouillés et aux habits propres. Il a senti le besoin de se laver,
d’ouvrir le robinet de la douche et de se laisser caresser par le liquide
réconfortant. Il a hélé un taxi et lui a demandé de l’emmener à
Colseguros, au coin de Pasoancho avec la rue 32. Il était sept heures du
matin. Il avait marché toute la nuit. Il a pris des cachets qui l’ont fait
dormir bien mal pendant deux heures. Il a travaillé un moment à sa
chronique et s’est recouché.
466
El autobús
467
L’autobus
468
de tonos brillantes. Algo más: un cabello ondulado jugueteando con un
hombro femenino y la tira del vestido negro, apenas visible desde atrás.
Reconoce en aquella mujer un misterio que lo prenda irremediablemente
y se abandona al abismo de posibilidades sugeridas por los boleros que
están sonando en la radio: una piel líquida para su sed nocturna y, para
las mañanas, la palidez de una caricia que lo recorra sin cansancio hasta
que, al despedirse, un beso rojo le estampe las ganas de regresar a casa
cuando la jornada termine. Un estruendo de bocinas lo saca de su
cavilación. Se abochorna por haber ido tan lejos y vuelve sus ojos hacia
la calle. La ciudad ya está lista para los colores de la noche y en alguna
esquina se apila un grupúsculo de meretrices. A él se le escapa una
sonrisa de complicidad y el bus prosigue su marcha frenética por entre la
congestión.
Varias veces intenta pararse para abordar a la mujer del cabello
delicioso, pero lo detiene su disculpa de que el amor no puede obligarse.
Esa misma mentira que lo ha derrotado en otras ocasiones, ahora lo
postra a la irredimible perspectiva de su asiento. Durante un rato se
queda atento para veri si la casualidad se muestra generosa con su
impaciencia, pero aquel rostro continúa penosamente oculto. Suplica en
silencio que la distancia haga su parte, que la llegada de ella sea anterior
a la suya y no logra ya disimular la ansiedad de sus manos temblorosas.
Lo único que está próximo es su bajada, su destino final. Piensa en la
alternativa de continuar el viaje sin rumbo definido, pero lo derrota su
propia cobardía. Todavía indeciso se pone de pie y se dirige a la puerta
de salida, sin dejar de mirar hacia el puesto de la mujer. Espera tener
éxito por una única vez al bajarse, antes de que el bus reinicie su prisa
por la mitad de la calle. Después del timbrazo, desciende y da tres pasos
para buscar rápidamente el andén del otro lado. Escucha entonces un
frenazo estridente que lo embiste. Lo último que alcanza a ver es una
cara asomándose desde el bus. Y sí: es la mujer con quien había soñado
durante toda su vida.
469
aux tons brillants. Et encore : une chevelure ondulée folâtrant avec une
épaule féminine et le lacet de la robe noire, à peine visible depuis
l’arrière. Il reconnaît dans cette femme un mystère qui le capture
irrémédiablement et il s’abandonne à l’abîme de possibilités suggérées
par les boléros que l’on entend à la radio : une peau liquide pour sa soif
nocturne et, pour les matins, la pâleur d’une caresse qui le parcourre sans
lassitude jusqu’à ce que, au moment de prendre congé, un baiser rouge
lui imprime l’envie de revenir chez lui à la fin de la journée. Un concert
de klaxons le sort de ses méditations. Il a honte d’être allé si loin et
tourne à nouveau les yeux vers la rue. Déjà la ville est prête pour les
couleurs de la nuit et à un carrefour se presse un petit groupe de femmes
publiques. Il lui échappe un sourire de complicité et le bus suit sa route
frénétique au milieu des encombrements.
Il intente plusieurs fois de se lever pour aborder la femme à la
délicieuse chevelure, mais il est retenu par l’excuse selon laquelle
l’amour ne peut pas être imposé. Ce même mensonge qui l’a mis en
déroute à d’autres occasions le laisse maintenant accablé devant la
perspective sans espoir de son siège. Pendant un bon moment il continue
à être attentif pour voir si le hasard se montre généreux avec son
impatience, mais le visage là-bas reste péniblement caché. Il supplie en
silence que la distance se mette de la partie, que l’arrêt où elle descend
soit avant le sien et il n’arrive plus à dissimuler l’anxiété de ses mains
tremblantes. La seule chose qui est proche est sa descente, sa destination
finale. Il pense à l’option de continuer le voyage sans chemin défini,
mais il est défait par sa propre lâcheté. Encore indécis, il se lève et se
dirige vers la porte de sortie sans cesser de regarder vers la place de la
femme. Il espère réussir une fois pour toutes en sortant, avant que le bus
ne reprenne sa course au milieu de la rue. Après avoir sonné, il descend
et fait trois pas pour gagner rapidement le trottoir opposé. Il entend alors
un coup de freins strident qui le renverse. La dernière chose qu’il arrive
à voir est un visage penché à la fenêtre du bus. Eh bien oui : c’est la
femme dont il avait rêvé toute sa vie.
470
Fiebre de jueves por la noche
(Cosquillas en la lengua)
Pilar Quintana
Diana, Sandra, Jorge… pueden irse para la mierda esta noche. Sobre
todo Martín, con su barcito gastado de canciones repetidas puestas en
distinto orden cada vez, de caras repetidas en distintos sitios de la barra
cada vez, de cuadritos perturbadores en distintos muros cada vez. Esta
noche me salvo. Me quedo en casa y nada puede disuadirme porque ya
tomé las precauciones necesarias: me puse la piyama, alisté lápiz y
cuaderno y me inventé esta historia.
Mi historia se trata de mandarlo todo para la mierda. Por algo
empieza cuando mando para la mierda a esos amigos y al bar de siempre
en esta noche en particular. Ahora tendría que ponerme a enumerar una
por una las demás cosas que componen ese conjunto, pero
afortunadamente el derroche de palabras no será necesario porque existe
una que las incluye a todas: Cali.
Está decidido: me largo de esta puta ciudad.
Suena el teléfono.
Me exaspera su ring, ring ineludible. Podría tratarse de una
emergencia. Siempre me han exasperado las intromisiones que no vienen
a lugar en el relato. La verdad es que cuando escribo me exaspera casi
todo lo que pasa a mi alrededor. Soy del tipo neurótico.
Es Diana.
– ¿Hacemos algo? – pregunta.
Hacemos algo. Siempre formula la pregunta de ese modo, cuando ella
sabe perfectamente que lo que quiere preguntar es ¿Vamos a Martin’s?
Así es Diana, elusiva. En cambio yo soy frentera y, váyalo sabiendo de
una vez, también contradictoria.
– Listo – respondo.
Y de paso condeno esta historia a su primer fracaso. No sirvió al
propósito que se le había encomendado. No consiguió servirme de
pretexto para quedarme en casa. Era previsible.
Hoy es jueves...
A las once y veintisiete le pido al Paisa unos chicles menta azul. A las
once y veintiocho le digo “te los pago a la salida”. A las once y
veintinueve avanzo por entre los tiburones que ya se han aglomerado en
471
472
Fièvre du jeudi soir
(Démangeaisons de langue)
Pilar Quintana
Diana, Sandra, Jorge… ils peuvent bien aller se faire foutre ce soir.
Surtout Martín, avec son petit bar fatigué de chansons ressassées en
ordre chaque fois différent, de visages répétés à des endroits chaque fois
différents du comptoir, des croûtes troublantes sur des murs chaque fois
différents. Ce soir je reste à l’abri. Je reste à la maison et rien ne peut
m’en dissuader car j’ai déjà pris les précautions nécessaires : je me suis
mis en pyjama, j’ai préparé un crayon et un cahier et je me suis inventé
cette histoire.
Mon histoire se propose de tout envoyer se faire foutre. Ce n’est pas
pour rien qu’elle commence quand j’envoie se faire foutre ces amis-là et
le bar de toujours, cette soirée-ci en particulier. Je devrais maintenant me
mettre à énumérer l’une après l’autre les autres choses qui composent cet
ensemble, mais heureusement le gaspillage de mots ne sera pas
nécessaire parce qu’il en existe un qui les résume tous : Cali.
C’est décidé : je fous le camp de cette putain de ville.
Le téléphone sonne.
Son dring dring inéludable m’exaspère. Il pourrait s’agir d’une
urgence. Les intromissions déplacées dans le récit m’ont toujours
exaspérée. La vérité est que quand j’écris, presque tout ce qui se passe à
mon alentour m’exaspère. Je suis du genre névrotique.
C’est Diana.
– On fait quelque chose ? –, elle demande.
On fait quelque chose. Elle formule toujours la question de cette
façon, alors qu’elle sait parfaitement que ce qu’elle veut demander,
c’est : on va au Martin’s ? Diane est comme ça, fuyante. Moi au
contraire je suis directe, et, sachez-le une fois pour toutes, également
contradictoire.
– D’accord –, je réponds.
Et du coup, je condamne cette histoire à son premier échec. Elle n’a
pas servi le but qui lui avait été assigné. Elle n’a pas réussi à me donner
un prétexte à rester chez moi. C’était prévisible.
C’est aujourd’hui jeudi…
473
À onze heures vingt-sept je demande au Paisa12 des chewing-gums à
la menthe forte. À onze heures vingt-huit je lui dis « je te les paierai à la
sortie. » À onze heures vingt-neuf j’avance parmi les requins qui sont
déjà agglomérés dans
474
reformada donde se erige la barra de Martin's como un soberbio
monumento a la repetición de la repetidera.
Cali es una ciudad tramposa. Después de varios años de no estar en
ella, se me presentó como el paraíso. La brisa de la tarde, ese estupendo
sol, el cercano oeste cargado de memorias, las caras conocidas, tanto
macho suelto, tanto macho agarrado pero desobediente y esa cosa que
alguna vez fue un río llamado Cali, que aún la sigue dividiendo en dos.
Sucumbí a esos estúpidos encantos y me quedé, y para cuando
descubrí la farsa, era demasiado tarde: la ciudad me había envuelto en
sus trampas. Me había asentado en la barra de Martin’s y, con los
sentidos afectados, asistía al espectáculo de todos mis días, una
coreografía tan insistida que ya nadie le gastaba una boleta.
Igual que ahora.
Es inevitable. Cali te condena a vivir todos los días de tu cagada
existencia como si fueran el mismo. Aquí nunca pasa nada, todo se
repite, todo sigue igual. De haber nacido en Cali, Heráclito jamás habría
hecho sus aportes y yo no tendría que dejarme arrastrar hasta lo más
inmundo de su alcantarilla para que me sepa a mierda. Más. Y
aborrecerla. Más. Sin adorarla tanto. Sin los estúpidos encantos, sin tanto
culto, sin las idealizaciones fabricadas en el delirio de su ausencia.
El humo de la marihuana me muestra el escenario. Un bar infestado
de autómatas que se pudren en los remedos de su viciosa monotonía y
me señala con el dedo acusador a las estrellas principales. Cuatro de esos
mismos autómatas ubicados en puntos divergentes de la barra. Aquí
estamos Diana, Sandra, Jorge y yo, sin nada que decirnos, nada que
contarnos, nada de qué hablar, todos los cuentos nos los sabemos de
memoria, los hemos oído una y otra vez el uno del otro, el otro del uno,
el uno por lo que oyó del otro, el otro por lo que le dijo el uno... Por eso
nos hemos ubicado lo más alejados posible y no es casualidad que
hayamos elegido estos lugares estratégicos. Nos sirven para estar con
alguien, ver a alguien, levantarse a alguien, esperar a alguien...
Permití el fracaso de esta historia y vine, y ninguno de los asiduos ha
faltado. Se sabe que en jueves todo el mundo viene y podés ver otra
gente, hacerte con otra gente, oírle los cuentos a otra gente, aunque sean
babosadas peores que las de tu gente, pero al fin son de otra gente y te
sentís a salvo de tu parche.
Pero ahora los primeros sorbos de mi ginebra acostumbrada me dejan
475
le hall d’entrée. Et à onze heures et demi pile, j’entre dans la pièce
rénovée où trône le comptoir du Martin’s comme un arrogant monument
à la répétition de la répétitivité.
Cali est une ville trompeuse. Après plusieurs années d’absence, elle
s’est présentée à moi comme le paradis. La brise de l’après-midi, ce
superbe soleil, le proche occident chargé de mémoires, les visages
connus, tant de mâles en liberté, tant de mâles attrapés mais
désobéissants, et cette chose qui un jour fut une rivière nommée Cali, qui
divise toujours la ville en deux.
J’ai succombé à ces charmes stupides et j’y suis restée, et quand j’ai
découvert la comédie, il était trop tard : la ville m’avait enveloppée dans
ses mensonges. J’avais pris mes quartiers au comptoir du Martin’s et les
sens affectés, j’assistais au spectacle de tous les jours, une chorégraphie
si pesante que plus personne n’aurait payé pour la voir.
Pareil que maintenant.
C’est inévitable. Cali te condamne à vivre tous les jours de ta
merdique existence comme s’ils étaient le même jour. Ici rien n’arrive
jamais, tout se répète, tout est toujours pareil. Si Héraclite était né à Cali,
il n’aurait jamais rien apporté au monde, et moi je n’aurais pas à me
laisser traîner jusqu’au plus immonde de ses égouts pour qu’elle me
laisse un goût de merde. Encore. Et la détester. Encore. Sans l’adorer
autant. Sans les charmes stupides, sans tout ce culte, sans les
idéalisations fabriquées dans le délire de son absence.
La fumée de la marijuana me montre la scène. Un bar infesté
d’automates qui pourrissent dans les singeries de sa vicieuse monotonie,
et qui me signale d’un doigt accusateur les étoiles principales. Quatre de
ces mêmes automates situés en des points divergents du comptoir. Nous
sommes là Diana, Sandra, Jorge et moi, sans rien à nous dire, rien à nous
raconter, rien de quoi parler, toutes les histoires on se les sait par cœur,
on les a entendues maintes et maintes fois l’un de l’autre, l’autre de l’un,
l’un parce qu’il a entendu de l’autre, l’autre parce que l’un lui a dit…
Pour cette raison nous nous sommes placés le plus loin possible les uns
des autres, et ce n’est pas un hasard que nous ayons élu ces lieux
stratégiques. Ils nous servent à être avec quelqu’un, à voir quelqu’un, à
draguer quelqu’un, à attendre quelqu’un.
J’ai permis l’échec de cette histoire, et je suis venue, et aucun des
assidus n’a manqué. L’on sait que le jeudi tout le monde vient et que t’as
la possibilité de voir d’autres gens, de t’asseoir avec d’autres gens,
476
d’entendre les histoires d’autres gens, bien qu’elles soient des
bavassages pires que ceux de tes gens, mais enfin elles viennent d’autres
gens et tu t’sens délivré de ton clan.
Mais maintenant les premières gorgées de mon genièvre habituel me
permettent
ver que esa es sólo una apariencia porque los cuatro autómatas, desde la
477
supuesta independencia de nuestros lugares, levantamos la mano
izquierda al mismo tiempo y al mismo tiempo aspiramos el humo de los
cigarrillos para soltarlo al mismo tiempo, en la misma cantidad y con la
misma dirección. Cuatro chorros azules se desprenden de cuatro voces y
van a parar al techo, donde se encuentran y revuelven hasta formar una
humareda única – la única reunión de almas posible entre nosotros –, la
evidencia contundente de que, a pesar de todos los esfuerzos de
separación, seguimos convergiendo, repitiéndonos en perfecta sincronía,
hasta que a las dos y cuarto suena Eros Ramazzotti, basura que pone
Martin para echarnos, no sea que venga a joderlo la policía.
478
de voir qu’il s’agit seulement d’une apparence parce que nous, les quatre
automates, depuis l’indépendance supposée de nos places, levons la
main gauche au même moment et au même moment nous aspirons la
fumée des cigarettes pour l’expirer au même moment, dans la même
proportion et dans la même direction. Quatre nuages bleus se détachent
de quatre voix et vont échouer au plafond, où ils se rencontrent et
s’entremêlent jusqu’à former un manteau d’une épaisseur unique – la
seule réunion d’âmes possible entre nous –, l’évidence frappante que
malgré tous les efforts de séparation, nous sommes toujours en
convergence, nous répétant avec une parfaite synchronie, jusqu’à ce qu’à
deux heures et quart on entende Eros Ramazzotti, cochonnerie que nous
met Martín pour nous foutre dehors, au cas où la police viendrait le faire
chier.
479
Hacia la aurora
(Fragmento)
480
Vers l’aurore
(Fragment)
481
étreinte, elle l’alluma de telle façon que tout se changea en un bûcher
purificateur.
482
El tuerto no necesitó ningún globo ocular para ver su inhumanidad
incinerada en esa llama gigantesca y multiforme. Se limitó a gritar su
horror más allá de la pesadilla. Sus oníricas creaciones consumieron su
esencia. Desde la carroña de la carbonización, pudo ver dos sombras que
se acercaban.
Una era joven y sencilla. Llevaba en sus labios la misma sonrisa
asignada el día de su nacimiento. Caminaba con la tranquilidad del que
no debe un delito y no conoce la ortografía de la palabra pecado.
Cobijaba sus ojos a la sombra de la timidez y se defendía del mundo
exterior con un aura de ingenuidad que se convertía en nobleza con un
suspiro. La otra figura era exactamente igual, pero en sus labios llevaba
una carcajada loca, sus pasos eran calculados, sus ojos se entrecerraban
de suspicacia e insania. Eran dos sombras gemelas, enteramente iguales
y radicalmente opuestas. Eran Marco y oMar.
El tuerto reconoció su derrota. Su pasado venía por él. Distinguía los
pasos de la muerte y su cohorte de demonios. Se resignó al sino y aceptó
con humildad la pérdida de una batalla que no recordaba haber iniciado.
De lo profundo de la llama, el tuerto estiró la mano. Llevaba en ella el
último vestigio de su historia: una vieja letra ce carcomida por el tiempo
y el odio. Letra que tenía cicatrices de la escoria, pero que había sido
redimida por el fuego vengativo.
oMar recogió la letra. La recordó con la nostalgia con que los
fantasmas recuerdan vidas pasadas. Vio en ella un mundo al que no
pertenecía y en el que fue obligado a vivir por una cómica casualidad
llamada destino. Marco lo miró y entonces ambos parecieron en verdad
iguales. Mientras las postreras brasas del tuerto agonizaban junto a los
monstruos creados en el delirio, oMar colocó de nuevo la letra ce en su
nombre y se hizo uno con el antiguo Marco y con las míseras cenizas del
tuerto que ardían en el sueño eterno que jamás habría de experimentar
mortal omnipotente alguno.
483
Le borgne n’eut besoin d’aucun globe oculaire pour voir son
inhumanité incinérée dans cette gigantesque flamme multiforme. Il se
borna à crier son horreur au-delà du cauchemar. Ses créations oniriques
consumèrent son essence. De sa charogne carbonisée, il put voir deux
ombres qui s’approchaient.
L’une était jeune et simple. Elle portait sur ses lèvres le même
sourire qui lui avait été dévolu le jour de sa naissance. Elle marchait
avec la tranquillité de celui qui n’a commis aucun délit et ignore
l’orthographe du mot péché. Elle couvrait ses yeux à l’ombre de la
timidité et se défendait du monde extérieur avec une aura d’ingénuité qui
se transformait en noblesse avec un soupir. L’autre figure était
exactement pareille, mais elle portait sur ses lèvres un ricanement
dément, ses pas étaient calculés, ses yeux se plissaient de suspicion et de
folie. C’étaient deux ombres jumelles, entièrement semblables et
radicalement opposées. C’étaient Marco et oMar.
Le borgne reconnut sa défaite. Son passé venait le chercher. Il
distinguait les pas de la mort et sa cohorte de démons. Il se résigna à la
fatalité et accepta avec humilité la perte d’une bataille qu’il ne se
rappelait pas avoir débutée. Des profondeurs de la flamme, le borgne
étira la main. Elle tenait le dernier vestige de son histoire : une vieille
lettre C rongée par le temps et la haine. Lettre qui portait des cicatrices
de scories, mais qui avait été rachetée par le feu vengeur.
oMar ramassa la lettre. Il se la rappela avec la nostalgie avec laquelle
les fantômes se rappellent des vies passées. Il vit en elle un monde
auquel il n’appartenait pas et dans lequel il fut obligé de vivre par un
hasard comique nommé destin. Marco le regarda et alors tous deux
semblèrent vraiment pareils. Pendant que les dernières braises du borgne
agonisaient à côté des monstres créés dans le délire, oMar replaça la
lettre C dans son nom et se fondit avec l’ancien Marco et avec les
misérables cendres du borgne qui brûlaient dans le rêve éternel qu’eût
jamais expérimenté aucun mortel tout-puissant.
484
El anillo
Ángela Rengifo
En la calle los demás niños revientan totes. Richard los mira por la
ventana esperando impaciente su hora de salir. Andrea se entretiene
jugando con los collares de su madre, mientras ella termina de ponerse la
minifalda verde fluorescente y de pintarse la cara. Rafael, el papá de los
dos niños, sale temprano todas las noches y llega borracho. Ofir sabe que
debe llenar su bolso con dinero para la comida de todos y el aguardiente
de su marido.
Richard no se ilusiona como antes pensando que la noche de Navidad
harán algo diferente, que podrán estar juntos: es consciente de que llegar
a tener una familia “normal” es un sueño imposible.
Ofir toma su bolso, se despide de sus hijos con sequedad. La niña
sujeta con fuerza la pierna de su madre.
–Mami, quiero irme contigo –dice Andrea.
–Suéltame, me dañas las medias –contesta Ofir.
–¡No te suelto! ¡Quiero que me lleves! –replica Andrea agarrándose
más fuerte de la pierna de Ofir. Richard las mira.
–¡Que me soltés, te dije! –sube el tono de voz y como Andrea insiste,
levanta la mano y le da una cachetada. Ofir sale furiosa y deja la puerta
abierta. Richard la ve alejarse por la calle destapada, entre las casas de
bahareque y con el olor de basurero en el ambiente. Andrea se queda
acurrucada llorando.
–Si quieres puedes venir conmigo –le dice Richard. Andrea asiente
con su carita sucia y llena de lágrimas.
485
La bague
Ángela Rengifo
Dans la rue, les enfants font éclater des pétards. Richard les regarde par
la fenêtre en attendant impatiemment l’heure de sortir. Andrea est
occupée à jouer avec les colliers de sa mère pendant que celle-ci finit de
se farder et d’enfiler sa minijupe vert fluo. Rafael, le père des deux
enfants, s’en va de bonne heure tous les soirs et revient ivre. Ofir sait
qu’elle doit remplir son sac avec de l’argent pour la nourriture de toute la
famille et pour l’eau-de-vie de son mari.
Au feu rouge, il y a plein de gamins comme eux : pieds nus, sales et avec
des vêtements râpés. Ils attendent tous anxieusement que la lumière
passe au rouge pour quémander des pièces devant les vitres des voitures.
La plupart des conducteurs remontent les vitres pour éloigner la plaie.
D’autres demeurent indifférents comme si personne ne leur parlait, seuls
quelques uns leur donnent des pièces. Sans doute plus d’un éprouve du
mépris face à ce spectacle de misère et de faim.
486
–Te quedas aquí. Yo ya vuelvo –le dice Richard a Andrea. Ella no
opone resistencia, quiere participar en el “juego” del semáforo con los
demás niños.
Richard se dirige al Centro Comercial que queda a dos cuadras.
También está lleno: las personas van y vienen con sus carros repletos de
comida y regalos. Muchos hacen fila para comprar su cena navideña. En
el tumulto de personas se ponen en contacto senos, brazos, piernas,
manos, aliento, sudor… Da la impresión que los pasillos son enormes
intestinos y las puertas, los esfínteres por donde no sólo sale sino que
también entra la mierda.
En el semáforo los niños, incluyendo Andrea, corren hacia un carro
que se ha parqueado en la esquina: los medios de comunicación y otras
instituciones recolectan regalos para entregar a los “más necesitados”.
La ansiedad se revela en la mirada de los chicos. Rápidamente, ellos
rodean el Toyota último modelo como hormigas carnívoras que
envuelven su presa hasta hacerla desaparecer.
Richard pasa desapercibido en medio del tumulto de gente del
almacén. Ello le facilita su trabajo, pero la verdad es que no ha sido una
buena noche. La mayoría de personas han gastado su dinero en regalos y
demás chucherías. De repente, Richard ve que una mujer pone una caja
muy pequeña en el mostrador. Ella está distraída charlando con un
hombre, así que no se da cuenta cuando Richard toma la caja y la guarda
en su bolsillo. Sin detenerse a mirar su contenido, sale presuroso del
almacén para buscar a su hermana en el semáforo.
Los niños continúan pidiendo monedas a los conductores, pero
Andrea ya no los acompaña. Ella está sentada sobre una piedra,
entretenida acariciando el cabello de una muñeca mientras espera a su
hermano. Cuando ve venir a Richard, le lanza una sonrisa y corre a su
encuentro para mostrarle la muñeca.
–Se parece a ti –dice Richard mientras abraza a su hermana.
487
-Reste là. Je reviens –dit Richard à Andrea. Elle n’oppose pas de
résistance, elle veut participer au « jeu » du feu rouge avec les autres
enfants.
Richard se dirige vers le Centre Commercial qui se trouve deux pâtés de
maisons plus loin. Il est bondé : les gens vont et viennent avec leurs
chariots bourrés de nourriture et de cadeaux. Beaucoup font la queue
pour acheter leur repas de Noël. Dans la cohue, seins, bras, jambes,
mains, haleine, sueur entrent en contact. Les couloirs semblent
d’énormes intestins et les portes autant de sphincters à travers lesquels la
merde sort ; mais rentre aussi.
Au feu, les enfants y compris Andrea courent vers une voiture qui s’est
arrêtée au coin de la rue : les moyens de communication et d’autres
institutions collectent des cadeaux à donner aux « plus nécessiteux ».
L’anxiété est visible dans le regard des petits. Ils entourent rapidement la
Toyota dernier modèle comme des fourmis carnivores qui enveloppent
leur proie jusqu’à la faire disparaître. Richard passe inaperçu au milieu
du tumulte du magasin. Cela facilite son travail, mais en réalité ça n’a
pas été une bonne soirée. La plupart des gens ont dépensé leur argent en
cadeaux et autres bricoles. Soudain, Richard voit qu’une femme dépose
une toute petite boîte sur le comptoir. Elle parle distraitement avec un
homme et ne s’aperçoit donc pas quand Richard prend la boîte et la met
dans sa poche. Sans s’arrêter pour en regarder le contenu, il se dépêche
de sortir du magasin et va chercher sa sœur au feu rouge.
Les enfants continuent de demander des pièces aux conducteurs mais
Andrea n’est plus avec eux. Elle est assise sur une pierre, occupée à
caresser les cheveux d’une poupée en attendant son frère. Quand elle
voit arriver Richard, elle lui lance un sourire et court à sa rencontre pour
lui montrer la poupée.
-Elle te ressemble –dit Richard en prenant sa sœur dans ses bras.
Peu après que Richard et Andrea soient rentrés à la maison, Rafael arrive
en se cognant contre les murs. Il tient un flacon d’eau-de-vie à la main.
Pour les enfants, cela n’a rien de surprenant mais ils ne peuvent
s’empêcher de devenir nerveux.
488
–Mi mamá no ha llegado. No hay comida –contesta Richard
atemorizado.
Rafael hace un gesto de disgusto, se tira en el único colchón que
tienen y se queda dormido. Andrea se rasca los ojos. Richard reúne una
ropa que hay en un rincón y la amontona para que su hermana se
acueste. Cuando ve que también ella está dormida, saca la caja de su
bolsillo: es un anillo de oro.
489
-Maman n’est pas rentrée. Il n’y a pas de dîner –répond Richard apeuré.
Rafael lance un geste irrité, se jette sur l’unique matelas et s’endort
aussitôt. Andrea se frotte les yeux. Richard prend des vêtements qui
traînent dans un coin de la pièce et les entasse pour que sa sœur puisse se
coucher. Quand il voit qu’elle s’est aussi endormie, il sort la boîte de sa
poche : c’est une bague en or.
Rafael mange un morceau de pain avec du café pour son petit déjeuner.
Ofir est depuis un long moment enfermée dans la salle de bain. Andrea,
heureuse, joue avec sa poupée en lui faisant différentes coiffures.
Richard est assis par terre et caresse sa poche, celle où il a gardé la
bague : il réfléchit à ce qu’il en fera. D’habitude, il garde tout ce qu’il
vole pour lui-même ou pour sa famille mais cette fois-ci il ne peut pas
garder la bague. Il vaut mieux la vendre et se procurer quelque chose
d’autre. Il va peut être acheter une de ces voitures téléguidées qu’il a
vues dans une vitrine du Centre Commercial. Il vaudrait peut être mieux
acheter des vêtements pour lui et pour Andrea. Mais non, il achètera une
robe pour Andrea, semblable à celle que porte la poupée et des boucles
d’oreille pour sa maman. Il ne songe même pas à Rafael. Richard voit
Ofir sortir de la salle de bain.
-Chienne de vie ! –dit Ofir à voix basse en claquant avec force la porte
de la salle de bain.
Furieuse, elle passe à côté de Richard et d’Andrea pour ramasser la tasse
que Rafael a vidée. Elle feint d’ignorer les regards étonnés des enfants.
Ses mains tremblent de rage. Rafael lui caresse la jambe depuis la cuisse
jusqu’aux fesses.
-Fous-moi la paix ! –lui crie-t-elle.
Andrea continue de jouer avec sa poupée. Richard va dans la salle de
bain et trouve un petit engin avec deux rayures bleues.
490
Los dos niños quedan sorprendidos al ver que Ofir les habla de esa
manera. No le preguntan nada, sólo observan cuando ella cruza la puerta.
Richard y Andrea se miran desconcertados, deciden olvidar el asunto.
Después de esto, Andrea sigue jugando con su muñeca.
–Yo también me voy, Andrea –le dice Richard.
–¿Puedo ir? –pregunta ella.
–No. Hoy no. Quédate jugando –contesta Richard. Andrea acepta sin
problema, está muy entretenida.
A esa hora las calles están casi vacías, sólo duermen en los andenes
algunos gamines. Richard va para una compraventa que queda en la olla
del centro. Allí trabaja un viejo gordo y maloliente que cambia todo lo
que le entreguen por plata. Muchos le llevan hasta los calzones de la
madre para poder conseguir con qué comprar el zuquito o el pegante.
Richard quiere ofrecerle el anillo al viejo gordo, pero éste no tiene
abierto el negocio. Al emprender su camino de regreso, varios niños lo
rodean: saben que trae algo para vender.
Cuando Rafael llega a la casa, Andrea se ha quedado dormida sobre el
colchón abrazando su muñeca. Él se queda en la puerta mirándola
jadeante, empapado de sudor y trago. Rafael se acerca poco a poco al
colchón y empieza a acariciar el rostro de Andrea, luego su cuello, sus
senitos: Andrea se despierta y lo mira asustada.
Son muchos y Richard no es capaz de enfrentarse con ellos, quiere
correr pero lo agarran y empiezan a golpearlo. Rafael sujeta con fuerza a
Andrea: con una mano le tapa la boca y con la otra se baja la bragueta.
El más grandecito del grupo le da a Richard un puño en el estómago que
lo deja sin aire, empieza a esculcarlo y encuentra el anillo. Andrea llora
aterrorizada por el dolor. Los niños empiezan a correr para pelearse entre
ellos por el anillo; Richard, aunque tendido en el piso, vuelve a respirar.
Rafael aleja a Andrea del colchón; mientras ella llora, él hace un gesto
de silencio con el dedo índice de la mano derecha y la señala como
advertencia con el de la izquierda. Richard logra ponerse en pie y se va
cojeando.
491
Les deux enfants sont surpris d’entendre Ofir leur parler de cette façon.
Ils ne lui demandent rien, ils ne font que l’observer quand elle franchit la
porte. Richard et Andrea se regardent déconcertés et décident de ne plus
y penser. Après cela, Andrea continue de jouer avec sa poupée.
-Je m’en vais moi aussi, Andrea –lui dit Richard.
-Je peux venir ? –demande-t-elle.
-Non, pas aujourd’hui. Reste jouer –répond Richard. Andrea accepte
sans problème, elle est absorbée dans son jeu.
A cette heure-là, les rues sont presque vides, seuls quelques enfants
dorment sur les trottoirs. Richard se dirige vers un commerce d’achat-
vente qui se trouve dans la pire zone du centre-ville. C’est là que
travaille un gros, vieux et malodorant qui échange tout ce qu’on lui
apporte contre de l’argent. Beaucoup de gens lui amènent jusqu’aux
culottes de leurs mères pour pouvoir s’offrir un joint ou de la colle.
Richard veut lui proposer la bague mais celui-ci n’a pas ouvert son
commerce. Sur le chemin du retour, plusieurs enfants l’entourent : ils
savent qu’il a quelque chose à vendre.
Quand Rafael rentre à la maison, Andrea est endormie sur le matelas sa
poupée dans ses bras. Il s’arrête à la porte et la regarde en haletant,
trempé de sueur et de boisson. Rafael s’approche peu à peu du matelas et
commence à caresser le visage d’Andrea, puis son cou, ses petits seins :
Andrea se réveille et le regarde effrayée.
Ils sont nombreux et Richard n’est pas capable de tous les affronter, il
veut courir mais ils le saisissent et commencent à le frapper. Rafael tient
fortement Andrea : d’une main, il lui couvre la bouche et de l’autre il
ouvre sa braguette. Le plus grand du groupe assène à Richard un coup de
poing à l’estomac qui lui coupe le souffle, il commence à le fouiller et
trouve la bague. Andrea pleure terrorisée par la douleur. Les enfants
commencent à courir et se disputent la bague; Richard, bien qu’étendu,
reprend sa respiration. Rafael éloigne Andrea du matelas; tandis qu’elle
pleure, il fait un geste de silence de l’index droit et pointe sur elle celui
de sa main gauche en guise d’avertissement. Richard parvient à se
relever et s’en va en boitant.
Richard voit que Rafael dort paisiblement sur le matelas. Andrea est
couchée dans un coin de la maison, tout son corps tremble. Sans faire de
bruit pour ne pas réveiller Rafael, Richard prend la poupée qui est
492
encore sur le matelas. Il la donne à sa sœur mais celle-ci la jette avec
rage.
493
Richard quiere preguntarle qué le está pasando pero en ese momento
llega Ofir, pálida y caminando despacio. Deja su bolso sobre la mesa
como si nada hubiera pasado y se recuesta junto a Rafael, que
permanece profundo. Richard espera a que todos se duerman para volver
a la calle.
494
Richard veut lui demander ce qui ne va pas mais arrive à ce moment-là
Ofir, pâle et marchant lentement. Elle pose son sac sur la table comme si
de rien n’était et se couche à côté de Rafael qui continue de dormir
profondément. Richard attend que tous soient endormis pour repartir
dans la rue.
495
Los autores
Poesía
Isaías Gamboa
Cali, 1872-Callao, Perú, 1904. Poeta, novelista y periodista, además de
viajero por países de Centro y Suramérica. Publicó los poemas Fantasía,
Primavera y Ante el mar, así como la novela Tierra Nativa, en 1903, su
obra más conocida.
Mario Carvajal
Cali, 1896-1972. Poeta, ensayista, profesor y diplomático. Fue fundador
y rector de la Universidad del Valle, además de Ministro de Educación y
Embajador de Colombia en Ecuador. Algunos de sus libros son La
escala de Jacob, Romancero colonial de Santiago de Cali, Estampas y
apologías, y Torre de clamor y alabanza.
Antonio Llanos
Cali, 1905-1978. Poeta, periodista, profesor, crítico literario y
diplomático. Perteneció al Grupo de Piedra y Cielo junto a los poetas
Eduardo Carranza y Jorge Rojas. Fue Agregado Cultural de Colombia en
Madrid, España, y dirigió en Cali el Diario del Pacífico. Es autor de los
libros Temblor bajo los ángeles, La voz entre lágrimas, Rosa secreta,
Casa paterna y La madre muerta.
Octavio Gamboa
Cali, 1923-1995. Poeta e Ingeniero. Publicó La voz que llega del
misterio, Regreso al Valle del Cauca y La luz del mediodía.
496
Hugo Salazar Valdés
Condoto, Chocó, 1928-Buenaventura, 1997. Poeta y profesor. Su poesía
se ocupa del universo de las negritudes. Publicó Carbones en el alba, La
patria convocada, Toda la voz y Las raíces sonoras: poemas amorosos.
Enrique Buenaventura
Cali, 1925-2003. Dramaturgo, poeta, pintor, ensayista y profesor.
Fundador de la Escuela de Teatro de la Universidad del Valle y del
Teatro Experimental de Cali (TEC). Publicó el libro Máscaras y
ficciones.
Marco Fidel Chávez
Puerto Tejada, Cauca, 1926. Abogado, poeta y profesor. En 1991 recibió
la medalla de Proartes en el V Festival Internacional de Arte de Cali. Ha
publicado los libros Oscuro meridiano, Edipo negro y Batalla con la luz.
Jota Mario Arbeláez
Cali, 1940. Poeta y publicista. Fundador del movimiento Nadaísta. Fue
director de Cultura del Departamento de Cundinamarca. Premio
Nacional de Poesía Colcultura en 1995. Es autor de los libros Profeta en
casa, Mi reino por este mundo y La casa de memoria, entre otros.
Cecilia Balcázar de Bucher
Cali, 1940. Poeta, profesora y lingüista. Premio de poesía Jorge Isaacs.
Ha publicado los libros La máquina mítica, Sendero de palabras y
Peregrinaciones.
497
Gerardo Rivera
Medellín, 1942. Poeta y caminante. Premio de poesía Jorge Isaacs. Es
autor de A lo largo de las estatuas de octubre y de El viajero de los pies
de oro.
Jaime García Maffla
Cali, 1944. Poeta y profesor. Fue director del Taller de poesía de la Casa
Silva y cofundador de la revista Golpe de Dados. Es autor, entre otros,
de los libros Guirnalda para despojos, Las voces del vigía y Vive si
puedes.
Gabriel Ruíz
Pereira, 1942. Reside en Cali hace un poco más de medio siglo. Allí
realizó sus estudios de Ingeniería Química y Maestría en Administración
industrial. Fue docente de la Universidad del Valle. Es autor del libro :
Tarabitares y divaneos. Es director del Boletín cultural electrónico :
NTC (Nos topamos con...) http://ntcblog.blogspot.com/
Raúl Henao
Cali, 1944. Poeta. Premio de Poesía Eduardo Cote Lemus y director de
las revistas Clave de sol y Cosmos. Es autor de los libros El bebedor
nocturno, El dado virgen, Partido del diablo y Sol negro.
Antonio Zibara
Cali, 1944. Poeta. Es director de talleres de poesía de la ciudad. Ha
publicado los libros Identidad secreta, Árbol digital y El sol y sus
mudanzas.
Jesús Antonio Arbeláez. (Jan Arb)
498
Cali, 1946. Tuvo un gran auge poético antes de cumplir los 20 años,
con sus publicaciones en las revistas El corno emplumado, de México y
Eleven finger, de Londres. La Universidad del Valle le publicó su libro
de ensayos
espirituales El robo en el amor. Su actitud mística lo mantiene aislado de
los tiempos del ruido.
Tomás Quintero
Cali, 1945-1978. Poeta y profesor. Ejerció su profesión en el INEM y en
la Universidad Santiago de Cali. Especialista en El Quijote y La
Celestina. Murió prematuramente y en plena actividad literaria.
Álvaro Burgos Palacios
Bogotá, 1945. Poeta, abogado y periodista. Profesor de diversas
universidades y columnista del diario El País, de Cali. Obtuvo los
Premios de Periodismo Simón Bolívar y Alfonso Bonilla Aragón. Libros
suyos con Algarabía y Vida de palabras.
Rodrigo Escobar Holguín
Florida, Valle del Cauca, 1945. Poeta y arquitecto. Recibió los Premios
de poesía Universidad del Valle y de la Casa de la Cultura de Montería.
Entre su obra poética se encuentran los libros Los cantos de la ternura,
El obrador de versos y Ocaso en Copán.
Álvaro Lozano Rojas (Aloz Rojas)
Cali, 1945. Poeta y periodista. Pasó una temporada en invierno en
Noruega. Ha trabajado en proyectos de investigación sobre el
499
movimiento indígena en Colombia, publicados en Dinamarca. Es autor
del libro Festejos y memorias
Harold Alvarado Tenorio
Buga, Valle del Cauca, 1945. Poeta, ensayista y profesor. Recibió los
Premios “Arcipreste de Hita”, en España, y el Premio Nacional de
Periodismo en Colombia. Es director de la revista de poesía Arquitrave y
autor de los libros En el valle del mundo, Recuerda cuerpo, Libro del
extrañado y Espejo de máscaras, entre otros.
Carlos Vásquez Zawadski
Tumaco, Nariño, 1946. Profesor e investigador. Cofundador de la
Escuela de Teatro de la Universidad del Valle. Obtuvo en La Habana el
Premio de Ensayo Manuel Cofiño. Ha publicado los libros Diario para
Beatriz, La oreja erótica de Van Gogh y Sol partido en la naranja.
Aníbal Arias
Barbacoas, Nariño, 1948. Poeta y bibliotecario. Publicó los libros Datos,
Motivos ajenos a la voluntad, Sucesos aún no registrados, Buenos
motivos, Peces brujos y Ana ama la fuga.
Carmiña Navia
Cali, 1948. Profesora y crítica literaria de la Universidad del Valle.
Coordinadora del Grupo Género, Literatura y Discurso de la Universidad
del Valle. Fue galardonada con el Premio de Ensayo Casa de las
Américas en 2004. Es autora de los libros Poemas del otoño, Senderos
en destello, El fulgor misterioso y Guerra y paz en Colombia: las
mujeres escriben.
Laureano Alba
500
Tibasosa, Boyacá, 1949. Médico, poeta y novelista. Premio Nacional de
Poesía Héctor Rojas Herazo. Es autor de los libros Golpes de ciego, A
pesar de nuestros últimos muertos, Los duros de la salsa también bailan
bolero y Manual para violentos.
Armando Barona
Abogado, escritor y político. Autor de los libros El magnicidio de Sucre,
Poemas entre luces y sombras y Canción de invierno.
Horacio Benavides
Bolívar, Cauca, 1949. Poeta y profesor. Ha sido galardonado con los
Premios de Poesía Ciudad de Bogotá y con el Premio Nacional Eduardo
Cote Lemus. Dirigió la revista de Deriva y coordina la colección de
poesía Escala de Jacob de la Facultad de Humanidades de la Universidad
del Valle. Ha publicado los libros Orígenes, Agua de la Orilla, La aldea
desvelada, Sin razón florecer y Todo lugar para el desencuentro.
Ómar Ortiz
Bogotá, 1950. Poeta, abogado y profesor. Fue Gerente Cultural del Valle
del Cauca. Director de la revista de poesía Luna Nueva, de Tulúa.
Ganador del XII Premio de poesía Universidad de Antioquia. Es autor de
los libros La tierra y el Éter, Las muchachas del circo, Un jardín para
Milena, El libro de las cosas, La luna en el espejo y Diario de los seres
anónimos.
Fabio Arias (Farías)
501
Barbacoas, Nariño, 1950. Profesor y periodista. Obtuvo el Premio
Nacional de Poesía del Festival de Arte de Cali en 1970. Ha publicado
los libros Torres de murciélagos y Bulevar del sueño.
Amparo Romero
Cali. Poeta y periodista. Fundadora de la Fundación de Poetas
Vallecaucanos. Fue galardonada con el Premio de poesía de las
juventudes de la ONU. Ha publicado los libros Silente evocación,
Sudores cobrizos, Poemas para danzar en el fuego y Memoria de la
nada.
William Ospina
Padua, Tolima, 1954. Poeta y ensayista. Fundador de la revista Número,
y Premio Nacional de Poesía. También obtuvo el Premio Nacional de
Ensayo y el Premio de Ensayo Casa de las Américas en 2005. Es autor
de los libros Hilo de arena, El país del viento, ¿Con quién habla
Virginia caminando hacia el agua?, así como de la novela Ursúa y de
los ensayos La franja amarilla, Los nuevos centros de la esfera y La
decadencia de los dragones, entre otros. El poema que aquí publicamos
es tomado del libro El pais del viento. Colección Milenio, Bogotá,
Editorial Norma, 2000
Julián Malatesta
Miranda, Cauca, 1955. Profesor, ensayista e investigador de la
Universidad del Valle. Obtuvo el Premio de Ensayo Jorge Isaacs en
1997. Realizó la antología Poéticas del desastre y es autor de los libros
502
Hojas de trébol, Alguien habita la memoria, La cárcel de Babel, Cenizas
en el cielo y El mecanógrafo del parque.
Orietta Lozano
Cali, 1956. Poeta y bibliotecaria. Fue galardonada con el Premio
Nacional de Poesía Eduardo Cote Lemus y con el Premio Nacional de
Poesía Aurelio Arturo. Ha publicado los libros El vampiro esperado y
Luminar.
Humberto Jarrín
Cali, 1957. Poeta, cuentista y profesor universitario. Premio de Poesía
Carlos Castro Saavedra, Premio Nacional de Poesía Ciudad de
Chiquinquirá (Boyacá) y Premio de poesía Jorge Isaacs. Es autor de los
libros Líneas de esfinge, La piedra iluminada, Elementos y Péndulo de
sangre.
Carlos Fajardo
Cali, 1957. Poeta, ensayista y profesor. Premio Nacional de poesía
Antonio Llanos y Premio de poesía Jorge Isaacs. Es autor de los libros
Serenidad sitiada y Atlas de callejerías.
Ángela Tello
Santander de Quilichao, Cauca, 1959. Economista y Especialista en
Desarrollo Comunitario. Es autora de los libros De raíces y alas y En el
corazón de la bestia o transfiguraciones del rostro de la ciudad.
Fernando Calero de la Pava
Cali. Poeta y cuentista. Ha publicado los libros Estigmas, Blanca
oscuridad y Herederos de la noche.
Fabio Ibarra Valdivia
503
Cali, 1959. Poeta y periodista. Autor de los libros La otra despedida,
Terceros habitantes y En plena oscuridad alcé mi casa.
Elvira Alejandra Quintero
Cali, 1960. Poeta, arquitecta y profesora. Premio Nacional de Poesía
Ciudad de Chiquinquirá (Boyacá) y Premio de poesía Jorge Isaacs. Ha
publicado los libros Hemos crecido sin derechos, Manuscritos de
Alejandría, La noche en borrador y La mirada de sal.
José Zuleta
Bogotá, 1960. Director de la Fundación Estanislao Zuleta y Codirector
de la revista de poesía Clave. Obtuvo el Premio Nacional de Poesía
Carlos H. Trejos y el Premio Nacional de poesía “Descanse en paz la
guerra”, de la Casa de Poesía Silva. Libros suyos son Las alas del
súbdito, La línea de menta y Mirar otro mar.
Carlos Patiño Millán
Cali, 1961. Poeta, periodista y profesor de la Universidad del Valle.
Premio Nacional poesía José Manuel Arango y Premio de poesía Jorge
Isaacs. Es autor de los libros Canciones de los días líquidos, El jardín de
los niños muertos, La tierra vista desde la luna, Estaba en llamas
cuando me acosté y Hotel Amén. Es el director del blog cultural:
www.blogspot.com/revolvercali
Norman Muñoz Vargas
Tuluá, 1967. Poeta y ensayista. Es autor del libro Persistencia de la
Vigilia. Fundador de la revista Diez Dedos en Internet (
www.revistadiezdedos.com ).
Diego Rodrigo Echeverri
504
Cali, 1967. Poeta e investigador. Es miembro del Comité Editorial de la
revista de poesía Clave. Libros suyos son Guía para amar perdidamente
y Cinco formas de la luna.
Elizabeth Marín
La Unión, Valle del Cauca, 1979. Estudió Literatura en la Universidad
del Valle. Publicó Memorias de piel para leer sobre la hoguera.
Narrativa
Jorge Isaacs
Cali, 1837-Ibagué, 1895. Poeta, novelista, etnógrafo y educador. Militó
en las guerras civiles del siglo XIX en Colombia. Fue Cónsul de
Colombia en Chile y perteneció al Grupo literario de El Mosaico, en
Bogotá. Es el autor de Cuaderno de poesía, de las novelas María y
Camilo, y del drama Paulina Lamberti.
Eustaquio Palacios
Roldanillo, 1830-Cali, 1898. Doctor en Derecho y Ciencias Políticas.
Estudió en el Convento de San Francisco de Cali, fue rector del Colegio
de Santa Librada y director del periódico El ferrocarril. Es autor de la
novela El alférez real.
Gregorio Sánchez
505
Istmina, Chocó, 1895-Cali, 1942. Graduado en Ciencias Políticas de la
Universidad Nacional de Bogotá. Fue un novelista importante de la
ciudad durante la segunda y tercera década del siglo XX. Varios de sus
libros han sido reeditados en la Colección ‘Clásicos Regionales’ del
Programa Editorial de Univalle. Es autor de los libros: La piedad del
mar, La flor del tabaco, Casada y sin marido, La Bruja de las minas y
Rosario Benavides. De esta última novela editamos un fragmento para la
presente Antología.
Arturo Alape
Cali, 1938-Bogotá, 2006. Seudónimo de Carlos Ruiz. Escritor,
dramaturgo, periodista y pintor. Obras suyas son, entre otras, El Diario
de un guerrillero, La muertes de Tirofijo, El cadáver de los hombres
invisibles, El Bogotazo: Memorias del olvido y Tirofijo. El fragmento
que aquí publicamos es tomado de la novela Noche de pájaros, Bogotá,
Editorial Planeta, Bogotá, 1984.
Gonzalo Arango
Andes, Antioquia, 1931-Tocancipá, Cundinamarca, 1976. Condiscípulo
de Fernando Botero. Estudió en la Universidad de Antioquia, hasta el
segundo año de Derecho, pero prefirió convertirse en bibliotecario.
Escribió el « Manifiesto
Nadaista » en 1957, en Cali, y lo detonó en Medellín en 1958, cuando
formó el
grupo, con jóvenes rebeldes de todo el país. Su obra nadaísta fue
recogida en Obra negra, publicada en Buenos Aires por Carlos Lohle.
506
Antes de morir en un accidente de tránsito, había renegado del nadaísmo
y recobrado la fe.
Elmo Valencia
Nació en Cali, 1926. Hizo su bachillerato en el colegio San
Luis Gonzaga. Viajo a USA a estudiar ingeniería electrónica pero se
tropezó con los poetas beatniks y se dedicó a la bohemia. En el
suplemento Esquirla publicó apartes de su primer libro La ciudad y los
gatos. A su regreso al país adhirió al movimiento Nadaísta que dirigían
Jota Mario Arbeláez y Gonzalo Arango. Principales obras: Islanada y El
universo humano.
Rodrigo Parra Sandoval
Cali, 1938. Sociólogo, pedagogo y escritor. Durante varios años trabajó
como investigador en el campo de la educación. Sus principales obras
son El álbum secreto del sagrado corazón, Tarzán y el filósofo desnudo ,
El don de Juan y El Museo de lo inútil.
Enrique Cabezas Rher
Guapi, 1941. Novelista, profesor y sociólogo. Obtuvo el Premio de
Novela Ciudad de Pereira y el primer puesto en la Bienal de Novela José
Eustacio Rivera. Es autor de las novelas Miro tu lindo cielo y quedo
aliviado, La estrella de papel, Luisa o el infierno rosado y Los días que
están dentro del espejo.
Óscar Collazos
507
Bahía Solano, 1942. Escritor y periodista. Ha vivido en Cali, Berlín, La
Habana, Barcelona, Bogotá y Cartagena. Obtuvo el Premio Nacional de
Periodismo Simón Bolívar. Es autor de los libros Son de máquina, Los
días de la paciencia, La modelo asesinada y Rencor, entre otros.
Fernando Cruz Kronfly
Buga, Valle del Cauca, 1943. Novelista, abogado, ensayista y profesor de
la Universidad del Valle. Obtuvo en 1979 el Premio de Novela Ciudad
de Bilbao. Ha publicado, entre otros, los libros La obra del sueño,
Falleba, La ceniza del Libertador, El embarcadero de los incurables y
La caravana de Gardel.
Armando Romero
Cali, 1944. Escritor y profesor residenciado en Cincinatti, Estados
Unidos. Autor de Un día entre las cruces, Las palabras están en
situación y La rueda de Chicago.
Gustavo Álvarez Gardeazábal
Tulúa, Valle del Cauca, 1946. Escritor, político y periodista. Fue
Gobernador del Departamento del Valle del Cauca. Es autor de
Cóndores no entierran todos los días, El titiritero, Pepe Botellas, El
divino y Comandante Paraíso.
Umberto Valverde
Cali, 1947. Novelista y periodista. Cofundador del periódico La Palabra
de la Universidad del Valle. Ha publicado los libros Bomba Camará,
Celia Cruz: reina rumba y Quítate de la vía, perico.
Hernán Toro
508
Tulúa, 1948. Narrador, profesor de la Universidad del Valle y editor.
Realizó un postgrado en Humanidades en la Escuela de Altos Estudios
de París. Es autor de los libros Ajuste de cuentas, A velas abiertas, El
luto de vecindario, Las horas cantadas y Ceremonias privadas.
Marco Tulio Aguilera Garramuño
Bogotá, 1949. Narrador, filósofo y artista plástico. Ganó el Premio de
Novela de Costa Rica y el Concurso Nacional de cuento de Santiago de
Cali. Está radicado en México, dedicado a la docencia. Principales obras
son Breve historia de todas las cosas, Mujeres amadas, Alquimia
popular, Cuentos para después de hacer el amor. Con la novela Los
placeres perdidos, de la que tomamos un fragmento, obtuvo el Premio
Nacional José Eustacio Rivera.
Germán Cuervo
Cali, 1950. Cuentista y pintor. Ha vivido en Bogotá, Berlín y Barcelona.
Es autor de los libros Los indios que mató Jhon Wayne y El mar. Obtuvo
en 2006 el Premio de poesía Jorge Isaacs.
Eduardo Delgado Ortiz
Pasto, 1950. Cuentista y novelista. Fundador de la revista Metáfora y
cofundador de Cali-Teatro. Libros suyos son Como tinta de sangre en el
paladar y Por los senderos del sur.
Andrés Caicedo
Cali, 1951-1977. Novelista, cuentista y cineasta. Fundó la revista Ojo al
cine y auspició el movimiento cinematográfico en Cali. Publicó los
libros El atravesado, Destinitos fatales y Qué viva la música.
María Elvira Bonilla
509
Cali. Escritora, periodista y editora. Estudió Filosofía y Letras en la
Universidad de los Andes de Bogotá y Literatura en Nueva York. Ha
sido periodista de la revista Semana, Cambio 16, Cromos, El Espectador
y El País. Obtuvo el Premio Simón Bolívar en crónica y reportaje.
Publicó la novela Jaulas, de la cual tomado un fragmento.
Juan Fernando Merino
Cali, 1954. Narrador y traductor. En España ha sido ganador de siete
concursos de cuento, incluyendo los de Bilbao, Ponferrada y León. Es
autor del libro Las visitas ajenas y la novela El intendente de Aldaz.
Recientemente tradujo Ricardo II, como parte del proyecto Shakespeare
por escritores. Actualmente vive en Nueva York, donde es colaborador
de El Puente Latino e integrante de la Mesa de Edición del diario La
Prensa.
Harold Kremer
Buga, Valle del Cauca, 1955. Cuentista y profesor. Ha obtenido diversos
Premios Nacionales de Cuento. Libros suyos son Rumor de mar, El
enano más fuerte del mundo, El prisionero de papá, y la antología Los
minicuentos de Ekuóreo.
Boris Salazar
Cali, 1955. Escritor, economista, politólogo y profesor de la Universidad
del Valle. Obtuvo el Premio de Novela José Eustasio Rivera. Ha
publicado los libros La otra selva y Caravana. Recientemente salió a la
luz pública el libro La hora de los dinosaurios en coautoría con María
del Pilar Castillo.
Orlando López Valencia
510
Cali, 1956. Poeta, cuentista, pintor, músico y editor. Obtuvo el Premio
Nacional de Cuento Jorge Gaitán Durán. Ha publicado los libros
Párrafos de piel, Amigamor, Gracias al mal tiempo y Cuentos al óleo.
Sandro Romero
Cali, 1957. Cuentista, novelista, dramaturgo y músico de rock. Obtuvo el
Premio nacional de Cuento ciudad de Bogotá. Junto con el cineasta Luis
Ospina ha sido el curador literario de la obra de Andrés Caicedo. El
fragmento que aquí incluimos hace parte de la novela Oraciones a una
película virgen.
Alberto Esquivel
Cali, 1958. Novelista, cuentista y profesor. Obtuvo el Premio Nacional
de Novela Plaza y Janés y el Premio Jorge Isaacs. Ha publicado Acelere,
La vida de los amigos tiene que respetarse y Amor en guerra.
Tim Keppel
Carolina del Norte, Estados Unidos. Norteamericano transplatado al
trópico en la década del noventa. Cuentista y profesor de la Universidad
del Valle. Publicó el volumen de cuentos Alerta de terremoto. El cuento
aquí seleccionado hace parte del volumen publicado por la Editorial
Alfaguara, Bogotá, 2006.
Philip Potdevin
Cali, 1958. Autor de las novelas Metraton, Mar de la Tranquilidad y La
Otomana. Obtuvo el Premio Nacional de Novela « Eduardo Caballero
Calderón ». Es columnista de El País de Cali.
Hoover Delgado
511
Palmira, 1961. Escritor y profesor universitario. Es coautor del libro El
quinteto de Versalles. Es director del grupo de teatro Barco ebrio.
Realizó una Maestría en Literatura colombiana y latinoamericana en la
Universidad del Valle. En la actualidad es profesor de Humanidades en
el Icesi de Cali.
Óscar Osorio
Profesor Universidad del Valle, Cali, Colombia. Licenciado en Literatura
y Magíster en Literatura Latinoamericana y Colombiana, Universidad
del Valle. Tiene estudios de doctorado en Graduate Center CUNY, Nueva
York. Algunos libros publicados: La balada del sicario y otros infaustos,
Historia de una pájara sin alas; y La mirada de los condenados (2003).
En 2007 le fue otorgado el XXXII Premio Cáceres de Novela Corta,
España, por su novela El cronista y el espejo, de la que sacamos el
presente fragmento.
512
Óscar Perdomo Gamboa
Ibagué, Tolima, 1974. Comunicador social y profesor universitario.
Premio de Novela Jorge Isaacs. Publicó su libro Hacia la aurora.
Ángela Rengifo
Cali, 1984. Cuentista. Premio del II Concurso Latinoamericano y XVI
Nacional de Cuento corto de la Universidad Externado de Colombia en
2003 y Premio de Cuento Jorge Isaacs. Es candidata a Magíster en
Literaturas Colombiana y Latinoamericana de la Universidad del Valle.
BIBLIOGRAFÍA
Poesía
513
Barona, Armando. Ciudad de corazón negro. Cali: Imprenta
Departamental del Valle, 1992.
Benavides, Horacio. Todo lugar para el desencuentro. Cúcuta: X
premio Nacional de Poesía Eduardo Cote Lamus, 2006.
Buenaventura, Enrique. Máscaras y ficciones. Cali: Universidad del
Valle, 1992.
Burgos Palacios, Álvaro. Vida de palabras. Cali: Universidad del Valle,
2004.
Calero de la Pava, Fernando. Herederos de la noche. Cali: Feriva,
1997.
Carvajal, Mario. La poesía del Valle del Cauca. Bogotá: Instituto
colombiano de cultura, 1980.
Chávez, Marco Fidel. Antología. Cali: Universidad del Valle, 2005.
Echeverri, Diego Rodrigo. Cinco formas de la luna. Cali: Universidad
del Valle, 2002.
Escobar Holguín, Rodrigo. Ocaso en Copán. Cali: Universidad del
Valle, 2002.
Fajardo, Carlos. Serenidad sitiada. Antología poética. Cali:
Universidad del Valle, 2004.
Gamboa, Isaías. Obra poética. Cali: Imprenta Departamental Valle del
Cauca, 2001.
García Maffla, Jaime. Las voces del vigía. Bogotá: Instituto Caro y
cuervo, 1986.
Henao, Raúl. Sol negro. Bogotá: Universidad Nacional de Colombia,
2005.
514
Ibarra Valdivia, Fabio. Terceros habitantes. Cali: Feriva, 1999.
Jarrín, Humberto. Elementos. Cali: Imprenta Departamental del Valle,
1996.
Llanos, Antonio. Antología poética. Bogotá: Colcultura, 1980.
Lozano, Orietta. El vampiro esperado. Bogotá: Puesto de Combate,
1987.
Malatesta, Julián. Poéticas del desastre: aproximación crítica a la
poesía del Valle del Cauca en el siglo XX. Cali: Fondo Mixto para la
promoción de la cultura y las artes del Valle del Cauca, 2000.
________. Cenizas en el cielo. Cali: Universidad del Valle, 2004.
Marín, Elizabeth. Memorias de piel para leer sobre la hoguera. Cali:
Universidad del Valle, 2005.
Navia, Carmiña. En Voces y diferencias. Antología poética. Escuela de
Estudios Literarios, Universidad del Valle, Cali, 1997.
Ortiz, Ómar. La luna en el espejo. Bogotá: Trilce, 1999.
Ospina, William. El país del viento. Bogotá: Norma, 1992.
Patiño Millán, Carlos. Estaba en llamas cuando me acosté. Cali:
Universidad del Valle, 2002.
Quintero, Elvira Alejandra. La mirada de sal. Cali: Imprenta
Departamental del Valle, 2005.
Rivera, Gerardo. A lo largo de las estatuas de octubre. Cali:
Universidad del Valle, 2002.
Rojas, Aloz. Festejos y memorias. Cali: Feriva, 2002.
Romero, Amparo. Poemas para danzar entre el fuego. Cali: Imprenta
Departamental del Valle, 1993.
515
Salazar Valdés, Hugo. Antología íntima. Cali: Universidad del Valle,
2005.
Tello, Ángela. En el corazón de la bestia. Cali: Universidad del Valle,
2006.
Vásquez Zawadski, Carlos. Sol partido en la naranja (1998-2003).
Cali: Universidad del Valle, 2004.
Zibara, Antonio. El sol y sus mudanzas. Cali: Universidad del Valle,
2004.
Zuleta, José. La línea de menta. Cali: Universidad del Valle, 2005.
Narrativa
516
Delgado Ortiz, Eduardo. Como tinta de sangre en el paladar. Bogotá:
Minota, 1999.
Esquivel, Alberto. Muchacho violento. Cali: Imprenta Departamental
del Valle, 2003.
Isaacs, Jorge. María. Ed. María T. Cristina. Bogotá: Universidad
Externado de Colombia-Universidad del Valle, 2005.
Keppel, Tim. Alerta de terremoto. Bogotá: Alfaguara, 2006.
Kremer Martínez, Harold. Colección de cuentos colombianos. Cali:
Deriva, 2002.
López Cáceres, Alejandro. Dalí violeta. Cali: Botella y Luna, 2005.
López Valencia, Orlando. Cuentos al óleo. Cúcuta: Premio Jorge
Gaitán Durán, 2006.
Martínez, Fabio (Comp.). Cuentos sin cuenta: Antología de relatos de
escritores de la generación del 50. Cali: Universidad del Valle, 2003.
Palacios, Eustaquio. El Alférez real. Bogotá: Círculo de lectores, 1985.
Parra Sandoval, Rodrigo. El álbum secreto del Sagrado Corazón.
Bogotá: Oveja Negra, 1985.
Perdomo Gamboa, Oscar. Hacia la aurora. Cali: Universidad del
Valle, 2005.
Quintana, Pilar. Cosquillas en la lengua. Bogotá: Planeta, 2005.
Romero, Armando. Un día entre las cruces. Cali: Universidad del
Valle, 2003.
Romero, Sandro. Oraciones a una película virgen. Bogotá: Planeta,
1993.
517
Sánchez, Gregorio. Rosario Benavides. Cali. Colección Clásicos
Regionales. Programa Editorial Universidad del Valle, 2007.
Toro, Hernán. Las horas cantadas. Cali: Universidad del Valle, 2003.
Valverde, Umberto. Bomba Camará. Bogotá: Arango Editores, 1995.
FABIO MARTÍNEZ
518
Ha colaborado en revistas y periódicos internacionales y nacionales
como Diario 16 de España, Omnibus de Madrid, Vericuetos de París,
Afro Hispanic Review de USA, Ruptures de Montreal, La Casa Grande
de México, Boletín Bibliográfico y cultural del Banco de la República de
Colombia, El Tiempo, El Espectador, El País de Cali, Cronopios,
Revista La Urraka y Poligramas de Univalle.
Obtuvo Mención especial en el Premio de Novela ‘Ernesto Sábato’
1987, Primer Premio de Ensayo latinoamericano ‘René Uribe Ferrer’,
1999 y Primer Premio ‘Jorge Isaacs’, 1999. En la actualidad es profesor
Titular de la Universidad del Valle.
++++
519
H ern
ando Urriago y Fabio Martinez
en el lanzamiento del libro en Cali el Abril 17 de 2008, en la Biblioteca
Departamental. Fotografías: María Isabel Casas R. de NTC … (
http://ntcblog.blogspot.com/ )
520
** CALI-GRAFIAS. LA CIUDAD LITERARIA , http://ntc-
eventos.blogspot.com/2008/04/cali-grafas.html
** Fotografías lanzamiento del libro en Cali :
http://picasaweb.google.com/ntcgra/CaliGrafAsLaCiudadLiterariaCaliGraphiesLaCit
LittRaireLanzamiento#
** Cali-grafías / Cali-graphies. Presentación en Bogotá , http://ntc-
eventos.blogspot.com/2008/04/blog-post.html
** Video, lanzamiento en París : http://ntc-eventos.blogspot.com/2008/05/cali-grafas-
cali-graphies-lanzamiento.html Video:
http://www.dailymotion.com/relevance/search/Cali-
grafias/video/x64hfl_caligrafiassorbonneparis150508_creation
----
BLOG ACTUAL DE VERICUETOS : http://vericuetos-paris.over-blog.com/
Logo : http://idata.over-blog.com/1/11/14/36/L-lescargot-au-galop.jpg
521